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commentairecompose.fr/tartuffe-acte-4-scene-5/
Il s’agit de l’extrait allant de « “Mais comment consentir à ce que vous voulez ”» jusqu’à la fin
de la scène.
Elle est finalement autorisée en 1669 après avoir subi plusieurs remaniements.
Dans la scène 5 de l’acte IV, Elmire, qui a percé à jour la malhonnêteté de Tartuffe,
entreprend de lui tendre un piège pour prouver à son mari Orgon qu’il s’agit en fait d’un
imposteur, et empêcher le mariage entre Tartuffe et leur fille Marianne.
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♦ Comment Tartuffe s’y prend-il pour convaincre Elmire ?
♦ De quoi Molière fait-il la critique dans cette scène ?
♦ Qu’est-ce qui fait le comique de cette scène ?
♦ Comment Elmire essaie-t-elle de prouver à son mari que Tartuffe est un faux dévot ?
♦ Quels sont les effets de la double énonciation dans cet extrait ?
Annonce du plan :
Dans cette scène 5 de l’acte IV, Tartuffe et Elmire mettent chacun en place une stratégie
pour arriver à leur fin (I). Cette joute argumentative permet à Molière de faire la critique des
faux dévots (II).
♦ Il débute sa démonstration par une introduction: « “Je puis vous dissiper ces craintes
ridicules, / Madame et je sais l’art de lever les scrupules” ».
♦ Il articule son discours au moyen d’un lexique argumentatif, pour le construire sur le
modèle dialectique thèse, antithèse, synthèse : « “de vrai» ; « Mais » ; « Enfin” ».
♦ En outre, il se réclame de la science: « “Selon divers besoin, il est une science / D’étendre
les liens de notre conscience, / Et de rectifier le mal de l’action, avec la pureté de notre
intention” ».
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♦ Il tourne en dérision les propos d’Elmire : « “ces craintes ridicules” ».
♦ Il minimise cette objection en la nuançant : « “Si ce n’est que” le Ciel qu’à mes vœux on
oppose» ; « Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ».
♦ Il affirme qu’une mauvaise action n’est pas un péché si elle est motivée par une bonne
intention: « “rectifier le mal de l’action / Avec la pureté de notre intention” ».
♦ Il prend la responsabilité de l’adultère sur lui : « “Je vous réponds de tout et prends le mal
sur moi”».
♦ Enfin, il affirme qu’un péché n’est tel que du fait du jugement des autres: « “Ce n’est pas
pécher que pécher en silence” ».
♦ Elle a recours à une digression lorsqu’elle tousse et invoque un « “rhume obstiné ”».
♦ Son ultime stratégie consiste à éloigner le faux-dévot en l’enjoignant de vérifier que son
mari n’est pas derrière la porte, ce qu’elle fait avec politesse, d’abord, puis avec une fermeté
qui trahit son inquiétude (voir l’impératif, « “Il n’importe : sortez” », qui montre l’urgence de
sa situation).
Au début de l’extrait, Elmire souligne le décalage entre les paroles de Tartuffe et ses
intentions véritables en associant à la rime les termes « “vous voulez” » et « “vous parlez” »
:
“« Mais comment consentir à ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ? »”
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Or, si l’enjeu premier d’Elmire était de convaincre Orgon de l’hypocrisie de Tartuffe, elle
est mise en difficulté par son mari qui reste caché sous la table.
Aussi, son enjeu se transforme au fil de l’extrait : elle doit faire sortir son mari de sa
cachette pour être sauvée des griffes de Tartuffe.
Faisant mine d’être sur le point de répondre aux avances du faux dévot, elle adresse en
réalité des appels à l’aide à Orgon.
Cela donne lieu à une double énonciation (son discours est double : il s’adresse à Tartuffe
mais aussi à Orgon) :
♦ Alors que Tartuffe pense qu’elle parle d’un rhume, Elmire tente de faire appel aux
sentiments de son mari en évoquant sa détresse: « “Je suis au supplice” ».
♦ Prétendant être sur le point de s’abandonner à Tartuffe, elle accuse en fait Orgon de la
contraindre à céder à Tartuffe, à travers le pronom « on» associé à la conjonction de
subordination : « “puisque l’on s’obstine » ; « puisqu’on ne veut point croire à tout ce qu’on
peut dire, / Et qu’on veut des témoins qui soient plus convaincants ”».
L’enjeu se déplace : il ne s’agit plus pour Elmire de convaincre son mari de la fausseté de
Tartuffe, mais de le persuader de sortir de sa cachette pour mettre fin à son supplice.
La scène 5 de l’acte 4 est une scène de comédie qui vise à faire rire le public.
Elle repose tout d’abord sur un comique de situation avec Orgon, le mari caché sous la
table, qui, malgré les avances de Tartuffe à Elmire, ne sort pas de sa cachette.
Le comique de situation est renforcé par le comique de mœurs : Molière place Orgon dans
une situation qui n’est pas en adéquation avec son rang social.
Le comique de la scène repose aussi sur la double énonciation, par laquelle Elmire feint de
parler à Tartuffe alors qu’elle s’adresse en fait à son mari.
Les malentendus que cette double énonciation suscite sont source de plaisir pour le public
qui savoure l’incompréhension de Tartuffe.
C’est le cas notamment lorsqu’Elmire tousse en évoquant un rhume, et que Tartuffe lui
propose un jus de réglisse.
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De même, lorsque Tartuffe, pensant que c’est à lui que s’adresse Elmire, reprend le pronom
« on » à son compte, alors que ce pronom désigne Orgon :
Elmire : “« Mais puisque l’on s’obstine à m’y vouloir réduire,
Puisqu’on ne veut point croire à tout ce qu’on peut dire”,
“Et qu’on veut des témoins qui soient plus convaincants. »”
Tartuffe : « “Oui, Madame, on s’en charge”. »
Molière use par ailleurs du comique de répétition avec le jeu scénique d’Elmire qui feint de
tousser pour alerter Orgon.
Enfin, le comique repose sur l’ironie de la situation. Lorsque Tartuffe dit d’Orgon qu’il est
« “un homme à mener par le bout du nez” », il n’imagine pas être lui-même piégé de la
sorte par Elmire, ce qui est jubilatoire pour le public.
Cette scène pourrait donc s’apparenter à une scène classique de comédie, où le mari
caché surprend sa femme adultère.
Si cette scène prête à rire, la détresse d’Elmire est réelle et suscite la sympathie du
spectateur pour ce personnage.
Ce piège est en effet motivé par un enjeu très sérieux : sauver Marianne en empêchant
son mariage avec Tartuffe.
S’il s’agissait d’abord de piéger Tartuffe en le séduisant pour qu’il lui fasse des avances et
qu’Orgon en soit témoin, elle est rapidement prise à son propre piège.
Dans cet extrait, on assiste en effet au basculement par lequel elle se voit dépassée du fait
de l’absence de réaction de son mari.
Sa panique ne cesse de s’intensifier jusqu’à la fin de la scène, alors qu’elle multiplie les
stratégies pour rester éloignée de Tartuffe : objecter que le ciel désapprouve l’adultère,
tousser, faire un discours alambiqué en prétendant être sur le point de s’abandonner à lui.
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Lui demander de sortir pour vérifier que son mari n’est pas dans les parages apparaît
comme une ultime tentative désespérée pour retarder le moment de s’abandonner à lui.
Sa longue tirade, dans laquelle elle dit être sur le point de se sacrifier, son mari ne lui
laissant pas d’autre alternative, est marquée par le registre pathétique.
Elle insiste par ailleurs sur son impuissance : elle est en proie non pas aux dieux (comme
les personnages de tragédie), mais aux hommes : « “il faut se résoudre à céder » ; « il faut
que je consente » ; « c’est bien malgré moi que je franchis cela » ; « il faut bien s’y
résoudre” ».
Molière écrit au roi au sujet de Tartuffe qu’il veut « “corriger les hommes en les
divertissant” ».
♦ Les faux dévots, dont il dénonce l’hypocrisie. Ainsi, Tartuffe utilise la religion pour
assouvir ses pulsions charnelles avec Elmire.
♦ La casuistique qui, dans la religion chrétienne, est une étude de cas de conscience, c’est
à dire une réflexion sur la façon dont un individu doit agir dans à une situation particulière.
Molière porte ici un coup à la pratique de la casuistique, très répandue au XVIIème siècle, en
la présentant comme un détournement des valeurs morales, un moyen de rendre
l’exercice de la religion plus facile :
« “Mais on trouve avec lui [avec le Ciel] des accommodements” » dit Tartuffe.
♦ La naïveté de ceux qui donnent du pouvoir aux faux-dévots en se laissant aveugler par
leurs discours, sans faire appel à leur sens critique. Ainsi Orgon, dans cette scène, va
jusqu’à abandonner sa femme aux griffes de Tartuffe.
Enfin, Molière porte un regard sévère sur le pouvoir dont usent les hommes sur les
femmes.
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Tartuffe, Acte IV scène 5, conclusion :
Dans cette scène, Molière fait la démonstration du pouvoir de la comédie.
Elle apparaît à la fois drôle et touchante pour le public, qui ainsi diverti, est poussé à
réfléchir à ses mœurs et à les remettre en question.
Cet extrait montre aussi comme la censure pousse les auteurs à atteindre une certaine
virtuosité dans l’écriture, en sorte de pouvoir critiquer les mœurs de leur époque, sous une
apparente légèreté plaisante pour le public.
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