Vous êtes sur la page 1sur 1

La comédie de Molière, Tartuffe, « côtoie le tragique » car elle emprunte à la tragédie

certaines de ses caractéristiques.


Tout d’abord, Tartuffe est un personnage susceptible d’inspirer la terreur et la pitié, au
même titre qu’un personnage comme Néron dans Britannicus. Molière, auteur de comédies de
mœurs, propose généralement des personnages principaux incarnant un vice, faisant appel alors
au comique de caractère. Tartuffe, pour sa part, est moins un personnage comique qu’Orgon ou
que Madame Pernelle, car il apparaît parfois comme un personnage inquiétant, comme un
« scélérat ». Dès son apparition sur scène, à l’acte III, le spectateur comprend bien le danger qu’il
représente pour la famille d’Orgon, et la malveillance dont il est capable. Par exemple, dans la
scène 5 de l’acte IV, Tartuffe tente de convaincre Elmire de lui céder en détournant les valeurs
religieuses du christianisme et en proposant une argumentation fallacieuse ayant pour but de
conduire Elmire à l’adultère. Non seulement il piétine les règles religieuses, mais il apparaît
comme un individu vicieux et pervers. Ce caractère inquiétant de Tartuffe est admirablement mis
en valeur par Stéphane Braunschweig dans sa mise en scène de la pièce, où il installe, lors de cette
scène, une atmosphère angoissante, si bien que les tentatives d’Elmire de se défendre rappellent la
lamentation tragique. D’autre part, Tartuffe apparaît comme un manipulateur abusant de sa
position de directeur de conscience pour pouvoir obtenir des autres ce qu’il désire. Il obtient ainsi
d’Orgon des informations compromettantes sur ce dernier, ce qui lui donne, à l’acte V, le pouvoir
de le menacer d’arrestation. Ainsi, le personnage de Tartuffe, inquiétant par sa scélératesse,
rappelle davantage un personnage de tragédie qu’un personnage de comédie.
D’autre part, les personnages de Tartuffe font souvent face à une fatalité qui semble les
dépasser, comme dans une tragédie. Ils sont impuissants face à leur sort, et vivent sous la
menace d’un grand malheur. C’est d’abord le cas de Mariane qui, dans l’acte II, accepte avec
soumission de renoncer à épouser Valère pour épouser Tartuffe. Incapable de faire face à son
père, elle renonce à son bonheur par sentiment de devoir. Cela rappelle les dilemmes irrésolubles
de la tragédie, où les héros doivent choisir entre bonheur et devoir. De même, Elmire semble,
dans la scène 5 de l’acte IV, se tendre un piège à elle-même. Désireuse de montrer à son mari le
vrai visage de Tartuffe, qui lui déclare sa flamme quelques scènes auparavant, elle prétend l’aimer
en retour devant son mari, caché sous une table. Seulement, l’absence de réaction d’Orgon et les
avances pressantes et explicites de Tartuffe la placent dans une situation extrêmement délicate,
puisqu’elle manque de peu de céder à un homme que pourtant elle abhorre. Par ces différents
exemples, on peut considérer que les personnages de la pièce connaissent des situations tragiques,
puisqu’ils font face à une forme de fatalité ou du moins à des dangers auxquels il semble presque
impossible d’échapper.

Vous aimerez peut-être aussi