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Explication linéaire

• Texte 10 La scène du poumon (III, 10)

1. Sur quels procédés comiques repose cette scène ?


-Un stratagème : ruse de Toinette, tour préparé à l’avance
- Ce stratagème repose lui-même sur un travestissement (Toinette déguisée en médecin).
- Et sur un quiproquo : elle sera prise pour une autre qu’elle par Argan.

2. Sur quels types de comique repose cette scène ?


- Comique de situation : le quiproquo. Complicité du public, qui, au contraire d’Argan est au
courant de la ruse (jeu sur la double énonciation théâtrale).
- Comique de caractère : vieillard crédule / servante rusée.
- Comique de geste : Évocation du bras coupé et de l’œil crevé (jeu de mise en scène possible
pour redoubler l’évocation).
- Comique de mot : latin macaronique par exemple.
- Comique de répétition : répétition de l’expression « le poumon », puis du mot « ignorant ».

Introduction :
[Présentation de l’auteur et de l’œuvre] [La pièce] Le Malade imaginaire, comédie-ballet en
trois actes et en prose, créée le 10 février 1673 par la Troupe du roi au Palais Royal à Paris,
avec une musique de scène de Marc-Antoine Charpentier (le jeune compositeur avait succédé
à Jean-Baptiste Lully, brouillé avec Molière) et des ballets de Pierre Beauchamp, est la
dernière pièce de Molière. La légende veut que le célèbre dramaturge soit mort sur scène en
jouant Argan, personnage principal de cette satire des médecins. En réalité, si Molière
s’évanouit effectivement sur scène alors qu’on fermait les rideaux à l’issue de la quatrième
représentation de la, pièce, il mourut chez lui après avoir été transporté en urgence.
[L’intrigue] La pièce a pour personnage principal Argan, qui passe son temps à consulter son
médecin, M. Purgon. Le « malade imaginaire » a épousé en secondes noces Béline, qui simule
des soins attentionnés, mais n'attend en réalité que la mort de son mari pour hériter.
Angélique, sa fille, aime Cléante et est aimé de lui, mais Argan compte lui faire épouser
Thomas Diafoirus, lui-même médecin. [Situation de l’extrait] Toinette, la servante moqueuse,
a cherché à opposer toute sa logique ou tout son bon sens aux extravagances de son maître,
en contestant franchement son illusion et son obsession de la maladie, mais en vain. Mieux
vaut sans doute une cure par mystification et une feinte adhésion au délire de l’entêté. À la
scène 2 de l’acte III, la servante explique à Béralde qu’elle prépare un « tour » à son maître :
« Pour le dégoûter de son M. Purgon et lui décrier sa conduite […], j’ai résolu de jouer un tour
de ma façon. » Le spectateur découvre le « tour » en question à la scène 8 : déguisée en
« médecin passager », Toinette administre une consultation de son cru à sa dupe de maître.
Notre passage correspond seulement à la fin de la séquence de scènes consacrée à la ruse de
Toinette (scènes 8, 9 et 10 de l’acte III). [Lecture] [Caractérisation] La scène dite « du
poumon » est l’une des grandes scènes de la pièce. Il s’agit d’une scène d’action, avec son
exposition, son intrigue et son dénouement, c’est-à-dire son dynamisme, sa tension qui monte
crescendo vers un sommet (à la manière de la pièce entière aussi bien que de chaque acte). Par
ailleurs, cette scène se caractérise par la mise en scène d’un stratagème fondé sur un
déguisement et un quiproquo farcesque, Toinette dupant son maître en se faisant passer pour
un médecin. [Problématique] En quoi cette scène relève-t-elle de ce qu’on pourrait appeler la
farce médicale, autrement dit d’une alliance entre satire et bouffonnerie, entre (pseudo)
science et comique burlesque ? [Plan du texte] Tout ce qui précède le passage à expliquer
correspond à l’exposition de la scène, au boniment du « médecin passager », sorte de captatio
benevolentiae qui parvient à son but, à savoir mettre Argan dans de bonnes dispositions. Le
premier mouvement (lignes 1 à 48) correspond à l’intrigue de la scène, à la ruse proprement
dite, c’est-à-dire de la consultation médicale visant à discréditer Monsieur Purgon. Le second
mouvement (49 à 73) correspond au dénouement de la scène. Après le succès de la ruse, et
alors que la scène pourrait s’arrêter là, celle-ci se prolonge dans une sorte d’emballement
farcesque, quitte à risquer de compromettre la réussite de l’entreprise.

Premier mouvement (lignes 1 à 48) : Le succès de la ruse de Toinette, c’est-à-dire de la


consultation médicale visant à discréditer Monsieur Purgon.
a. L’examen du patient par le faux médecin
• La consultation médicale s’ouvre sur le geste professionnel non seulement attendu mais
aussi repris de l’examen qu’avait réclamé Argan aux Diafoirus père et fils, précédemment
dans la pièce (II, 6) : « Donnez-moi votre pouls. » Cette similitude est destinée à assurer la
réussite du stratagème : un médecin chasse l’autre.
• Cependant, cet examen est mené ici dans un tout autre style que celui des Diafoirus.
Toinette n’utilise pas de termes pédants, mais au contraire un langage courant : « Que l’on
batte comme il faut […] aller comme vous devez, […] ce pouls-là fait l’impertinent. » S’opère
ainsi un glissement vers l’insolence, l’irrévérence, auquel renvoient les apostrophes et les
exhortations.
Cette dramatisation est à mettre au compte de la fourberie à l’encontre d’Argan –il s’agit tout
à la fois d’inquiéter et de rassurer le patient – et de la mise en place d’une complicité avec le
spectateur (relayé sur la scène par Béralde, dont on imagine les gestes ou les mimiques).
Ainsi, la phrase : « Je vois bien que vous ne me connaissez pas. » constitue une sorte de
quiproquo verbal dans la mesure où l’on peut se demander si le pronom « vous » s’adresse au
pouls ou au possesseur de ce pouls.
• Puis, brusquement, le faux médecin a posé une question lourde de sous-entendus (« Qui est
votre médecin ? »), qui jette d’emblée le discrédit à la fois sur le diagnostic et sur le praticien,
Monsieur Purgon. Le discrédit concernant le médecin est immédiatement confirmé : « Cet
homme-là [démonstratif à valeur péjorative et correspondant à un « iste » latin] n’est point
écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. » À la question sur l’identité du médecin
succède une question sur le diagnostic établi par celui-ci : « De quoi dit-il que vous êtes
malade ? » La réponse d’Argan amène Toinette à discréditer de manière plus explicite ce
diagnostic (« C’est du poumon que vous êtes malade »), et en même temps tous les médecins
(« Ce sont tous des ignorants »).
b. Le « ballet de paroles ». Un « ballet de paroles » les plus célèbres du théâtre moliéresque se
déclenche alors en deux parties : la première correspond à un enchaînement de répliques
rythmé par la répétition de l’expression : « le poumon », et la seconde à un enchaînement de
répliques ponctué par celle d’« ignorant ».
• Ce ballet contient trois moments si l’on s’attache à regarder la répartition et le volume des
répliques. Dans un premier temps, Argan est maître du ballet de paroles et Toinette se borne
à ponctuer d’un mot chacune de ses phrases. Puis les personnages changent de fonction : c’est
la servante qui devient maître du ballet et qui pose des questions, Argan ne faisant alors
qu’opiner. Enfin, le héros redevient maître de ballet, mais cette fois ses répliques s’équilibrent
en longueur avec celles de Toinette, qui se contente de répéter un même mot, de sorte que la
brièveté des répliques accélère le tempo du dialogue. Le ballet, tout en conservant, à chacun
des trois stades, un élément rythmique fixé (répétition des expressions « le poumon…Oui,
Monsieur…ignorant ») jouit d’une variété formelle qui autorise sa prolongation. »
• L’effet est celui d’une mécanique comique, mais pas seulement. Comme dans la scène des
Diafoirus, la satire médicale ridiculise le savoir pseudo-scientifique. En effet, le poumon
incriminé est une étape possible dans la contamination ascendante de l’organisme par le fait
de l’adustion de l’atrabile. Mais le poumon est aussi un lieu de fixation pour la marotte du
malade imaginaire. Le questionnaire de Toinette, destiné à établir le nouveau diagnostic, ne
fait que dépister des maux bénins et non pas des symptômes convaincants. L’acquiescement
répété du pseudo-malade ne peut que faire rire le spectateur. Le comique de la situation tient
à ce que la pertinence de l’interrogatoire et du diagnostic trouve sa source dans le savoir non
du nouveau médecin mais de la servante Toinette, bien placée pour connaître par cœur les
petites manies, les petites obsessions maladives de son maître.
• Après le diagnostic, c’est la thérapeutique ou plutôt le régime de santé préconisé par le
« votre médecin » (on imagine le ton et la moue de la rusée) qui se trouve critiqué. On assiste
alors à un enchaînement autour du leitmotiv « Ignorant ». L’alimentation prescrite par M.
Purgon (« potage, veau, volaille, bouillons, etc… ») a pour but de purifier et de « rectifier »
l’organisme encombré, surchauffé pour ainsi dire, du patient. Il s’agit de réduire les effets de
l’adustion, de la mélancolie hypocondriaque, grâce à des aliments qui rafraîchissent, selon
une logique médicale bien attestée dans les traités du temps. Le régime que propose Toinette
(« bon gros bœuf, bon gros porc, bon fromage de Hollande ») est évidemment un régime pour
rire puisqu’il est prescrit par ruse pour discréditer l’ennemi (« Votre médecin est une bête »).
Malgré tout, c’est un régime qui a sa logique, toute contraire à celle de M. Purgon : il prône en
effet des aliments reconstituants aussi bien sur le plan de l’humeur (des plats réjouissants qui
donnent envie) que sur celui des humeurs (les médecins rejetaient ces bonnes grosses
nourritures comme trop échauffantes, et donc funestes pour l’adustion de l’atrabile).
• Le ballet de paroles voit son tempo s’accélérer grâce à un échange de stichomythies. Les
deux dernières répliques plus longues d’Argan préparent ensuite le couplet de Toinette, qui
s’ouvre sur un jeu de mots burlesque en latin macaronique (une déclinaison de pure
fantaisie : « Ignorantus, ignoranta, ignorantum » l. 43). La satire du galimatias médical se fait
notamment avec l’emploi du mot scientifique « conglutiner », redondance savante au verbe
« coller ». Il est nécessaire, urgent, de convaincre Argan, ce à quoi contribuent également les
répétitions martelées de la phrase exhortative (« Il faut…il faut…bon gros…bon gros… »). Le
grand coup frappé, Toinette, soucieuse de ne pas trop sevrer brutalement le patient, l’assure
de son soutien, par confrère interposé, de la même école : « Je veux vous en envoyer un de ma
main ».
• La fausse consultation a eu l’effet escompté, comme le souligne la réplique d’Argan : « Vous
m’obligerez beaucoup » (l. 48), qui fait écho au début de la scène : « Je vous suis obligé,
Monsieur, des bontés que vous avez pour moi. »

Deuxième mouvement (lignes 49 à 73) : Après le succès de la ruse, et alors que la scène
pourrait s’arrêter là, celle-ci se prolonge dans une sorte d’emballement farcesque, quitte à
risquer de compromettre la réussite de l’entreprise.
La consultation pourrait s’arrêter là puisque Toinette a atteint son objectif : « Vous
m’obligerez beaucoup. » Or, elle repart de plus belle, dans le grotesque apparemment le plus
gratuit, avec les conseils radicaux qu’adresse Toinette à Argan éberlué : se faire couper un
bras et un œil pour favoriser l’exercice du bras et de l’œil qui resteront (logique implacable). Il
s’agit d’une plaisanterie risquée de la part de Toinette, qui semble s’abandonner à l’ivresse du
jeu. Mais l’on peut également considérer cette partie comme un prolongement de la critique
des diagnostics et ordonnances de M. Purgon. En effet, Toinette parvient en quelque sorte à
mettre le discours d’Argan en contradiction avec lui-même en lui montrant les conséquences
de sa marotte. Voilà ce qui l’attend s’il continue de faire appel à la médecine catégorique des
Purgon et Diafoirus.
• C’est une sorte d’électrochoc pour Argan, qui, outré (« Oui, mais j’ai besoin de mon bras »
l. 55), tente d’abord une manœuvre dilatoire (« Cela n’est pas pressé »), puis une fois
l’inquiétant médecin parti, ose se laisser aller à une réaction de bon sens indignée, voire à une
rébellion contre la Faculté (« La belle opération de me rendre borgne et manchot », l. 72),
rébellion malignement encouragée par Béralde (« Voilà un médecin qui paraît fort habile. […]
Tous les grands médecins sont comme cela. »l. 70)
• Après son coup d’éclat, Toinette conclut son numéro dans un registre assez traditionnel : la
plaisanterie sur la consultation post mortem. Quant à l’infraction commise par Argan sur le
chapitre de la bienséance, elle fait écho à celle de l’entretien avec les Diafoirus (« Argan
mettant la main à son bonnet sans l’ôter »). Autrement dit, elle ramène l’attention sur un
entêtement de maladie encore solidement enraciné. Il faudra continuer à dégoûter Argan de
ses chimères, de son entêtement de la médecine et de son entêtement pour Béline (les deux
vont de pair) au moyen du faux décès.

Conclusion
[Bilan] On voit donc que sur le plan de l’intrigue, il y a encore fort à faire pour les nouveaux
médecins du protagoniste, Toinette et Béralde. La satire médicale continue à puiser toute sa
force dans cette scène qui pourrait à première vue sembler de pure bouffonnerie. [Ouverture]
Au XXe siècle, Jules Romains, avec sa pièce Knock, se situe dans cette tradition de la satire de
la médecine. Knock ou Le Triomphe de la médecine est une comédie de Jules Romains à l’humour
grinçant. Le Docteur Knock reprend la clientèle du docteur Parpalaid et cherche à rendre
celle-ci rentable en développant diverses techniques de manipulation. Un certain nombre de
scènes est consacré aux consultations du médecin et à la manière dont celui-ci parvient à
persuader ses patients qu’ils auront un grand besoin de ses services pendant une fort longue
durée et pour des soins fort coûteux.

Question de grammaire :
Analysez l’interrogation dans la phrase suivante : « Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute
la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter ? » (l. 53-54). Transformez la phrase
pour en faire une interrogation directe d’un autre type. Transformez ensuite la phrase pour
qu’elle comporte une interrogation indirecte.
• Analyse
- La phrase est une interrogation directe : on note l’inversion sujet-verbe et le point
d’interrogation, qui sont les caractéristiques de cette forme de phrase.
- C’est par ailleurs une interrogation totale puisqu’elle attend une réponse par « oui » ou
« non ».
- En réalité, c’est une question rhétorique, dans la mesure où ce n’est pas une véritable
question, du point de vue du sens de la phrase. La réponse est en quelque sorte contenue
dans la question, qui est en fait l’équivalent d’une assertion, voire d’une exclamation : « Ce
bras-là tire à soi toute la nourriture, et empêche ce côté-là de profiter ! »

• Manipulation syntaxique
a. Interrogation directe.
La phrase reste une interrogation directe si on la formule de la manière suivante :
« Est-ce que vous ne voyez pas qu’il tire à soi toute la nourriture et qu’il empêche ce côté-là de
profiter ? »
On conserve dans ce cas le point d’interrogation, marque obligatoire de l’interrogation
directe, mais on remplace l’inversion sujet-verbe par la formule « est-ce que » sans qu’elle soit
suivie d’une inversion du sujet du verbe.
b. Interrogation indirecte.
Pour transformer la phrase en interrogation indirecte, il faut ajouter plusieurs éléments (dont
un verbe de parole et la conjonction de subordination « si ») et enlever le point
d’interrogation : « Toinette demande à Argan s’il ne voit pas que ce bras-là tire à soi toute la
nourriture et qu’il empêche l’autre côté de profiter. »
• Toinette demande : verbe de parole
• S’ : conjonction de subordination
• Il ne voit pas : pas d’inversion sujet-verbe dans une interrogation indirecte
• Que ce bras-là : on est obligé de préciser car le pronom « il » prêterait à confusion,
dans la mesure où il pourrait renvoyer, dans la phrase, à « Argan »
• tire à soi toute la nourriture et qu’il empêche l’autre côté de profiter.

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