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Acte III, scène 3 : confrontation entre Béralde et Argan

 Argan veut marier sa fille à un médecin pour être sûr d’être soigné : il
évoque un « gendre tel qu’il lui faut » . Il ne parle pas d’un mari pour elle
mais bien d’un gendre pour lui : comportement égoïste qui fait réagir
Béralde qui affirme que le choix du mari d’Angélique la concerne elle.
Argan est même prêt à marier Louison à un apothicaire.
 Les deux frères en début de scène échangent des stichomythies qui
témoignent d’une certaine tension dans leur rapport.
 La remise en question de la médecine par Béralde : Angélique a refusé
d’épouser Thomas Diafoirus. Son père veut la faire entrer au couvent et
Toinette a demandé à Béralde d’intervenir le temps qu’elle prépare une
« imagination burlesque » pour guérir Argan de son obsession de la
médecine. Cette tentative de Béralde ne va pas aboutir, il faudra la
cérémonie finale pour cela. En effet la maladie d’Argan est une maladie
de l’imagination, qui ne peut donc être guérie que par l’illusion, la mise
en scène joyeusement mensongère que constitue la cérémonie
carnavalesque et burlesque du dernier intermède. Béralde a beau
combattre par la logique et le bon sens les craintes superstitieuses que
lui inspire la médecine , Toinette a beau se déguiser en médecin pour lui
prouver qu’il croirait n’importe quel charlatan, l’hypocondrie d’Argan ne
cède qu’à l’illusion théâtrale.
 Argan conçoit la médecine comme une religion . C’est ce qu’indique
l’emploi du verbe «  croire » et des mots comme «  croyance » ou «  foi ».

M . Purgon ainsi exige « une obéissance » religieuse III, 6 et Argan attend
de son médecin «  qu’il le gouverne » III, 6 comme le ferait un directeur
de conscience. La pièce ainsi soutient une réflexion libertine sur le mal
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que la religion comme la médecine, peuvent faire à l’homme. Argan ainsi


voit son corps comme impur, comme un enveloppe sale qu’il s’agit de
purifier . M. Purgon affirme à Argan : «  J’allais nettoyer votre corps et en
évacuer entièrement les mauvaises humeurs » III, 5

Enfin les ordres que Toinette donne à argan de se faire couper un bras ou
crever un œil , en III, 10 ne sont pas sans évoquer un passage célèbre des
versets bibliques : «  Et si ta main est pour toi un sujet de scandale,
coupe-la … Et si ton œil est pour toi un objet de scandale, arrache-le » ce
caractère religieux attribué aux médecins est enfin mis en valeur dans
l’intermède final, où le monde entier doit les regarder «  comme des
dieux »

 Les arguments d’Argan sont ceux de la tradition et de la majorité, des


arguments d’autorité cf «  une chose établie par tout le monde et que
tous les siècles ont révérée » alors que Béralde s’en tient à ce qu’il voit .
Il se positionne en « philosophe » , il se situe du côté du doute
raisonnable . Cette discussion ne concerne pas seulement la médecine
mais l’attitude de l’homme face à ce qu’il ne comprend pas. Les deux
personnages discutent de la soumission à un savoir extérieur ou de la
capacité à réfléchir sur ce savoir.
 Béralde situe le savoir des médecins uniquement du côté de la parole et
de l’apparat. Ce savoir fondé essentiellement sur un savoir
universitaire :  « de fort belles humanités » ne guérissent pas grand-
chose .
 Béralde dénonce la tradition médicale , le fait que la médecine du XVIIe s
est caractérisée par sa révérence à l’égard d’un modèle non critiqué .
C’est une médecine fermée à l’observation . Il oppose l’emploi des
paroles compliquées des médecins , l’automatisme des gestes :
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purgations et saignées , qui sont trop simples par rapport au pédantisme


des paroles au manque d’actions concrètes plus élaborées qui pourraient
soigner les malades . Les médecins sont incapables de poser un
diagnostic fiable.
 On peut comprendre qu’Argan est Molière et Molière qui interprète le
personnage lors de la création de la pièce, est Argan . Cette confusion
entre l’auteur et son personnage est entretenue ici par Molière lui-
même qui glisse dans sa pièce un débat sur ses propres comédies ( mise
en abyme ) . Sous les traits d’Argan , il insulte Molière et lui souhaite les
pires maux . Il faut savoir en effet que Molière souffre depuis plusieurs
années d’une affection pulmonaire qui se double vraisemblablement
d’une forme de dépression nerveuse, nommée alors …hypocondrie.
Argan représente ainsi une sorte de double inversé de l’auteur : l’un est
vraiment malade et refuse toute médecine, l’autre ne l’est pas et prend
tout ce qu’on lui donne : l’un va s’en sortir , l’autre meurt sur scène.

Cette mise en abyme s’explique aussi par l’envie de justifier et faire


comprendre la critique de la part de Molière : il a en effet l’habitude des
critiques et de la censure et anticipe ici les reproches qui seront faits à sa
pièce : il justifie son projet par l’entremise de l’honnête homme :
Béralde, qui prend sa défense . Et faire prononcer les critiques par le
« malade » Argan , c’est d’emblée couper l’herbe sous le pied de ses
détracteurs.

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