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Objet d’études : Le Théâtre du XVII ème au XXI ème

Œuvre intégrale, le Malade imaginaire , Molière 1673


Lecture linéaire 1, Acte I,1, le monologue d’Argan

Introduction
(Accroche) Conformément à la doctrine classique du Placere et docere,( plaire et instruire) et au principe du
Castigat ridendo mores,( Corriger les mœurs en riant), Molière (1622-1673) cherche dans ses comédies à faire
rire tout en critiquant les travers de son époque. 2. (Présentation de l’auteur et son œuvre en général)
Employé par le Roi Louis XIV pour animer des fêtes grandioses et pour assurer les spectacles et divertissements
royaux, Molière s’efforce de faire rire le Roi-Soleil dans ses comédies. 3. (Présentation de l’œuvre d’où est tiré
l’extrait précis) Dernière œuvre du dramaturge, composée à la veille de sa mort en 1673, Le Malade
imaginaire s’impose souvent comme la plus aboutie de toutes ses comédies. 4.(Contextualisation) Molière y
propose un spectacle total réunissant à la fois les thèmes de la médecine, du mariage arrangé et de l’avarice, et
la forme de la comédie-ballet, mêlant ainsi danse, musique et théâtre.5. (Présentation de ce qui se passe dans
l’extrait précis )Dans l’acte III, scène 10, après que Mr. Purgon a abandonné Argan, Toinette se fait passer pour
un médecin. Ainsi déguisée, elle essaye de ramener son maître à la raison afin de le guérir de son
hypochondrie. 6.(Problématique)
En quoi le déguisement comique de Toinette en médecin permet-il à Molière de faire la satire des pratiques
médicales de son temps ? 7. (Plan) Le texte se déploie en 2 mouvements : (1) Autoportrait satirique d’un
médecin charlatan dans la tirade de Toinette ( 1à 12) (2) Efficacité comique du faux diagnostic médical dans le
dialogue entre elle et Argan (13 à 40)

(1) Autoportrait satirique d’un médecin charlatan. ( 1à 12)

an ne la reconnaisse pas, Toinette se présente en médecin ambulant, itinérant. En effet, on relève


« passager » l.1, des noms désignant ses étapes, « ville », « province », « royaume » répétés deux fois
chacun. La gradation permet de montrer l’étendue de son domaine d’expertise, tout comme les verbes
de mouvement, comme « vais », « chercher », « trouver », et les prépositions, « de…en », répétées 3
fois, qui soulignent également les endroits géographiques traversés. Cette manière de traverser les
contrées rappelle celle des saltimbanques, qui sont des forains, des funambules, des comédiens, des
acrobates, mais sûrement pas des médecins. Le rapprochement avec la profession est donc ridicule et
absurde, ce qui permet à Molière de discréditer les médecins, vus comme farfelus et bouffons.
 Les adjectifs « illustres », « dignes », « grands », « beaux » contrastent avec la série de maladies
précédées du déterminant « ces », répété 4 fois, ainsi que les termes dévalorisants qui les caractérisent,
comme « menu », « fatras », « fiérote », « bagatelle », et le verbe « dédaigne ». Cette opposition montre
l’autosatisfaction dont font preuve les médecins puisqu’ils méprisent et dénigrent la véritable médecine,
celle qui soigne les maladies courantes.
 De la même façon, l’adjectif mélioratif « bonne », répété 4 fois, s’oppose à l’extrême à la gravité des
maladies énumérées avec le vocabulaire médical et technique adéquat, jusqu’à l’oxymore, par
exemple « une bonne peste ». Cet éloge paradoxal et comique d’affections très graves, ainsi que
l’étalage du savoir médical montre la critique ciblée et précise, Molière connaissant bien les termes
médicaux.
 L’énumération des pluriels tels que « fièvres », « transports », « pestes », « maladies », « toutes les
maladies », « tous les médecins » ainsi que l’exagération hyperbolique de l’adjectif indéfini « toutes,
tous » , créent un effet de foisonnement : le médecin se gargarise de mots évoquant d’atroces maladies,
et de termes savants.
 Le rythme binaire et le parallélisme de construction « c’est là que je me plais »/ « c’est là que je
triomphe », insistent sur l’affirmation magistrale d’un bonheur intense devant la souffrance des autres.

 Le déguisement de Toinette dans cette scène permet à Molière de tourner les médecins en ridicule.
A travers cet autoportrait, apparaissent le charlatanisme, le pédantisme, l’absurdité, voire la
cruauté de ce type de médecins.

(2) Efficacité comique du faux diagnostic médical. (13 à 40)


 Commence alors la fausse consultation, avec « donnez-moi votre pouls », impératif suivi par des
questions de santé, telles que « Que sentez-vous ? », « Vous avez appétit à ce que vous
mangez ? », »Vous aimez boire un peu de vin ? », « Il vous prend un petit sommeil après le repas ? »,
« Vous êtes bien aise de dormir ? ». Ce questionnaire mène forcément au diagnostic médical où le
médecin en sait évidemment plus que le patient. La consultation se fait sans logique expérimentale.
Molière souligne les failles des diagnostics médicaux.
 Les onomatopées comiques « Ahy ! » et « hoy » contrastent avec le sérieux supposé d’un médecin.
La voix de Toinette se fait entendre et le public, complice, rit du comique de situation.
 Le déterminant péjoratif dans « cet homme-là » qui désigne Mr. Purgon et l’antithèse entre « grands
médecins » et « ignorants » montre le mépris pédant des médecins. En effet, Molière critique le
sentiment d’appartenance à une élite, de supériorité de ces médecins à travers Toinette.
 La suite de la scène est marquée par la répétition comique incessante de « le poumon » répété 11
fois, diagnostic martelé comme on frappe du poing. « Le poumon », groupe nominal au singulier,
s’oppose aux groupes au pluriel « douleurs de tête « , « voile devant les yeux », « maux de cœur »,
« lassitude dans tous les membres », « douleurs dans le ventre ». Au-delà du comique, cette
répétition montre l’obstination butée du médecin qui ne veut pas entendre les maux du patient.
 Les deux expressions « Il vous prend un petit sommeil après le repas ? » et « Vous êtes bien aise de
dormir ? » montre le paradoxe d’Argan : Il est en réalité en parfaite santé. Toinette soulève cette
contradiction avec ironie. Son absence de maladie devient paradoxalement une maladie du poumon.

 La fausse consultation et le diagnostic absurde de Toinette aboutissent à un paradoxe dénonçant


l’hypochondrie d’Argan : il est malade de se porter bien. Le ressort comique du déguisement est
doublement efficace. Il permet de singer de manière grotesque les médecins pour dénoncer leurs
pratiques absurdes et de mettre Argan face à son hypochondrie.

Conclusion : Ainsi les deux mouvements de cet extrait mettent-ils en valeur deux aspects de la
critique de Molière : d’une part, il fustige l’autosatisfaction et la pédanterie des médecins, d’autre
part, il dénonce l’absurdité des diagnostics médicaux qui n’ont rien de scientifique, encore moins de
rationnel ou de logique. La suite de la pièce montrera la surenchère de prescriptions médicales et
de traitements effrayants comme l’amputation qui finiront par terrifier Argan et le faire revenir à la
raison grâce à son habile servante.

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