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THÉÂTRE Lecture analytique n°1

Molière Le malade imaginaire, Acte I, scène 1 (extrait : seconde partie du


monologue)

INTRODUCTION

Molière (1622-1673) de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin est un grand dramaturge français du
XVIIème siècle. Auteur de nombreuses comédies mais également de pièces plus sombres et
profondes, il parvient à donner à ce genre une dimension nouvelle en travaillant particulièrement à
la représentation acerbe des travers de la société. Ses personnages, excessifs, emportés incarnent les
principaux défauts de l’âme humaine (avarice, folie des grandeurs, hypocrisie…)
La dernière pièce de sa carrière, Le malade imaginaire (1673) met en scène un personnage
hypocondriaque qui par sa recherche excessive et démesurée de médecine malmène sa famille et ses
gens.
Cette scène est la scène d’exposition. On y découvre Argan, le personnage principal de la pièce (le
« malade imaginaire» du titre dans un monologue comique qui découvre le personnage aux yeux du
public.
Comment ce monologue parvient-il à révéler aux yeux du lecteur les différents traits
de caractère de ce personnage ?
Dans quelle mesure cette scène d’exposition remplit-elle bien toutes ces fonctions ?
Nous distinguerons deux mouvements dans ce texte, un premier qui présente les compte et le bilan
des médecines reçues par le personnage (du début à la ligne 18) et un second durant lequel Argan
s’adresse à ses gens et se met progressivement en colère : de « Allons, qu’on m’ôte cela » à la n).

1er Mouvement :

Argan fait ses comptes et se lance dans un dialogue imaginaire avec son apothicaire : M. Fleurant.
Durant tout ce passage, on relève de nombreux termes appartenant au champ lexical des données
numériques, de la monnaie et du vocabulaire de la médecine.

Champ lexical numérique : « du vingt-sixième », « trente sol », « Dix », « trente » …


Monnaie : « sols », « livres », « deniers »

Vocabulaire médical : « clystère » (lavement), « carminatif » (qui encourage les sécrétions),


« médecine » (médicament), « humeurs » (voir théorie médicale de l’époque), « potion »,
« lavement », « cordiale » (qui agit sur le coeur),

À ces termes de médecine se mêlent des termes qui n’ont rien à voir avec la médecine ou sont
utilisés dans un autre sens : « grains de bézoard, sirops de limon et grenades » : le bézoard est une

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infection de l’estomac, les autres éléments sont de simples aliments tout comme le « petit lait
clari é et édulcoré » dont il est question l7

On note également que les médecines dont il est question ont toutes un rapport avec des éléments
peu nobles du corps; le lavement (et synonyme « clystère » » en sont des exemples mais également
les nombreuses périphrases qui visent à minimiser les allusions scatophiles : « chasser les vents de
monsieur » (il évoque ici les pets), cette phrase apparaît comme une citation du médecin qui l’a
préconisé en s’adressant à lui (Monsieur). On note également une possible moquerie de la part du
médecin ou une déférence excessive suggérant que le médecin se moque d’Argan.

L7 : accumulation et énumération d’actions qui se complètent : donnent à la fois l’impression de


répétition, d’accumulation et de précision de langage qui donnent l’illusion d’une médecine
complète et variée alors qu’il s’agit du même médicament.

Par ailleurs, tous ces éléments de médecine s’accompagnent du même adverbe numérique : « Plus »
ce qui montre l’accumulation de tous ces remèdes.

Dans le dialogue avec M. Fleurant, il cherche à négocier le prix des médicaments. Cela révèle à la
fois son défaut d’honnêteté (avarice du personnage) mais également le côté excessif de son désir de
médecine.
En n, la réplique : « on ne voudra plus être malade » donne l’indication qu’il est malade par volonté
(verbe « vouloir » et le lien qui existe entre son désir de médecine et mes moyens qu’il se donne. Il a
donc les moyens d’être malade mais si les traitements coutaient plus cher, il y renoncerait peut-être).

En n, ces comptes d’apothicaire (au sens propre, l’expression est d’ailleurs entrée dans la langue
pour désigner une comptabilité excessive et compliquée visant à duper les clients ou l’entourage) le
conduisent à conclure qu’il n’a pas pris assez de médicaments et que c’est pour cette raison qu’il ne
se « porte pas si bien ce mois ci » (se porter = aller au sens de se sentir). On voit ainsi que son
diagnostic s’appuie essentiellement sur la quantité des soins plus que sur leur qualité ou encore sur
sa propre appréciation de son état.

Cette énumération termine sur l’évocation de M. Purgon, personnage important de la pièce car il
s’agit de son médecin of ciel. Il espère que ce dernier mettra « de l’ordre à tout cela », indiquant
combien il lui fait con ance et laissant entendre au spectateur que ce docteur est un charlatan qui
conforte son faux malade dans l’idée qu’il se fait de sa santé.

2ème Mouvement

S’ouvre sur une formule impérative : « qu’on m’ôte tout cela » révélant le caractère emporté,
impatient et autoritaire du personnage (après avoir montré son côté excessif et malhonnête.
La formule impersonnelle : « on » montre qu’il attend de n’importe qui (domestique ou famille) et
que cet autoritarisme s’étend à toute sa maison.
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Ici la didascalie montre bien le peu de réaction de l’entourage et laisse entendre qu’il est
effectivement seul dans sa folie, qu’on lui accorde peu de crédit quant à sa maladie.

Le constat : « il n’y a personne » (phrase négative, adverbe « personne » qui marque la négation.

L’adverbe « toujours » place cette scène dans une forme de répétition et de quotidien.

Le personnage est impuissant : « il n’y a pas moyen »


En n, c’est bien à plusieurs personnes qu’il s’adresse comme en témoigne l’usage du pronom
personnel pluriel : « Ils »

La n de la scène joue avec les 4 types de comique


- de caractère (l’homme irascible, chef de maison autoritaire),
- de situation (ridicule de l’attitude du personnage qui joue avec des jetons et parle à des gens
absents et que personne n’écoute).
- de mot (l’imitation du son de la cloche « drelin »)
- de geste (personnage qui gesticule et s’agit tout seul sur sa chaise)

Les violentes insultes qui fusent à la n de la scène : « Chienne, coquine Carogne » sont adressées à
Toinette, autre personnage important de la pièce (elle jouera le faux médecin et c’est celle qui
déjouera ses plans de mariage et nira donc par lui faire entendre raison)
Comique de mot une fois encore

De même que ses expressions grossières, blasphématoires ou excessives : « à tous les diables »,
« pitoyable »

Le « pauvre malade » apparaît donc plus ridicule que réellement malade tant son humeur
dynamique et colérique tranche avec l’état maladif dans lequel il se prétend être.

Les interrogatives répondent à des exclamatives et illustrent le désarroi ridicule du personnage.

L’adjectif « pitoyable » prend donc un double sens, la scène est résolument comique et c’est bien le
personnage qui est pitoyable et non la situation .

En n, il évoque la mort ce qui donne des impression de monologue tragique alors que le ton est
résolument comique en utilisant le futur : « ils me laisseront ».

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CONCLUSION :

On voit donc se dessiner dans ce monologue à la fois le portrait du personnage (faux malade,
irascible, excessivement autoritaire et obsédé par la médecine) en même temps que son caractère
ridicule et comique.
Bien que centré sur la gure d’Argan, le spectateur a des informations sur les autres personnages
(notamment M. Purgon et Toinette) qui auront une place importante pour l’intrigue.
La folie du personnage et ses possibles conséquences sont donc bien exposée dans cette scène.
De plus, le spectateur perçoit déjà la critique de la médecine qui est omniprésente dans la pièce qui
est tournée en ridicule (concerne les parties basses du coeur, paraît quelque chose de négociable, se
donne des airs de grandeurs avec un vocabulaire précis pour désigner des choses simples.

Comme dans le monologue de l’Avare, sous des apparences de monologue tragique et pathétique, il
s’agit de se moquer d’un personnage au caractère et aux lubies excessifs en le montrant dans un état
second qui n’est pas sans trahir une certaine forme de folie.

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