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I. Introduction
À la scène 5 de l’acte II, il y a un quiproquo mais Angélique finit par comprendre que
son père veut la marier à Thomas Diafoirus. Or Angélique est l’amante de Cléante. La
scène 3 de l’acte III s’ouvre sur le discours de Béralde qui met tout en œuvre pour
aider Angélique en contrariant Argan l’hypocondriaque. La longue scène se termine
par le mot « mariage », mais dans cette scène il est question de médecine. Béralde
est un personnage qui incarne la raison, face à Argan qui lui, incarne la démesure.
l.1 B est seul en scène avec son frère, c’est un face-à-face, une confrontation entre B
le sage et A le fou. Débat sur la médecine qui commence de façon autoritaire et
colérique avec A / calme avec B contraste important entre les deux personnages.
« Rien » adverbe qui crée une répétition ternaire (l.-2/-1/1) + phénomène d’écho
qui alimente le registre comique. « Il ne faut que » locution adverbiale de restriction
qui équivaut à ‘’seulement‘’ = dit qu’il ne faut que se reposer. « Demeurer en repos »
= remède paradoxal qui est une source de comique (// avec I,1 comptage de remèdes
d’A). B prend le contre-pied de la médecine, le registre est déjà satirique (= satire de
la médecine). « Quand nous la laissons faire » proposition subordonnée conjonctive en
incise = montre que la médecine agit contre la nature.
l.1-2 Phrases juxtaposées qui sont dans un rapport d’opposition 1re phrase =
physiologie / 2e phrase = désordre psychique, psychologique. Tout le passage se cale
sur le présent de vérité générale qui donne au discours un aspect argumentatif et
autoritaire. « Doucement » adverbe qui montre que la nature est douce et donc qui
s’oppose à la médecine de l’époque qui est violente (saignées, purges, émétique).
« Tire doucement du désordre » = nature du côté de l’ordre / médecine du côté du
désordre. B est le porte-voix de Molière qui s’inscrit dans une tradition philosophique
naturaliste que l’on trouve au XVIe siècle dans les Essais de Michel de Montaigne.
l.2-3 Tournure emphatique « c’est [...] que » anaphorisée + met en valeur
l’argument. « Inquiétude » « impatiente » = négation lexicale avec in/im préfixes de
négation, d’absence. « Gâter » sens vieilli = priver quelque chose de ses qualités
naturelles. La satire médicale ici, porte plus sur le patient que sur le médecin, si bien
que B vise son frère. Mais il ne doit pas le contrarier pour pouvoir lui parler du
mariage donc il dit les choses avec douceur : « notre » B s’inclut, « presque » adverbe
de modalisation.
l.4-5 « Mais » adversatif, conjonction de coordination qui montre un propos
contradictoire. « Il faut demeurer » A reprend les propos de B = parallélisme (l.1).
« On » déterminant indéfini au référentiel flou + « cette » déterminant démonstratif
qui a quelque chose de méprisant + « certaines choses » expression vague (= purge,
saignée, émétique) réplique d’A floue référentiellement par son contenu. Ce sont
des réalités médicales qu’A conçoit comme sacrées et il se dit peut-être qu’il ne faut
pas les souiller en parlant avec quelqu’un qui ne connaît rien à la médecine.
l.6-15 B fait une courte tirade qui repose sur trois phrases. C’est une tirade
argumentative sur l’illusion de la médecine.
l.6 « Mon frère » apostrophe qui a l’avantage de rappeler le lien de parenté et qui
permet de donner au discours une tonalité affectueuse qui ôte toute agressivité. B
continue de ne pas vouloir entrer dans le conflit donc il s’inclut avec le « nous ». Il
enrobe le propos dans une affection familiale. « Repaître » = se délecter, se nourrir.
l.7 « Belles imaginations » adjectif qui fonctionne comme un superlatif et qui rappelle
les « beaux songes » (l.15). B met ici en valeur l’hypocondrie et la passion du
médicament de malade. B adoucit le propos en s’incluant mais aussi en utilisant des
expressions de généralisation. « De tout temps » connecteur de temps + « Parmi les
hommes » = généralisent, universalisent et adoucissent le propos. L’imagination dans
la culture classique renvoie à l’erreur du jugement, donc la médecine est du côté de
l’erreur. « Imaginations » = rappelle le titre de l’œuvre (illusion de la maladie).
l.8-13 B est un bon orateur contrairement à A qui pousse des grognements « Hoy ! »
(l.16). De la l.8 à la l.13, il fait une période protase = 1re partie ascendante / acmé
= point culminant / apodose = 2e partie descendante. B cherche à obtenir
l’approbation de son frère en se lançant dans une période protase = « lorsqu’ »
(conjonction de subordination) + 7 verbes infinitif + « lorsqu’ » + 9 verbes infinitif /
acmé = « : » / apodose = « il vous dit justement le roman de la médecine » (très
courte). Pendant toute la période, on est dans l’attente de l’apodose. Cette
construction demande du souffle de la part de l’orateur et on n’attend que la chute.
l.13 « Roman de la médecine » expression antithétique : mot littéraire + mot
scientifique. « Roman » = mot connoté péjorativement à l’époque de Molière.
« Justement » adverbe + vient corroborer la condamnation de la médecine dans
l’apodose. « Vous » référentiellement = A + tous les hommes qui ont cru ce « roman
de la médecine ». Molière reprend le jargon de médecins de l’époque. Énumération +
accumulation des organes les uns après les autres, disjoints = font oublier qu’ils
doivent former une personne entière effrayant car le corps est fragmenté.
« Secret » = mot extrêmement suspect qui renvoie la médecine à une science
mystique, occulte, à du charlatanisme et non pas à une médecine scientifique.
l.14-15 « Mais » adversatif, conjonction de coordination qui engage l’opposition.
« Vérité » s’oppose à « beaux songes » et rappelle « véritable » (l.8). « Beaux
songes » rappelle « belles imaginations » (l.7). B construit sa tirade sur l’illusion et la
vérité = antithétique. « Vous ne trouverez rien » locution adverbiale de négation =
négation syntaxique, « déplaisir » = négation lexicale. La tirade qui a commencé sur
la croyance avec l’interjection « Mon Dieu ! » se termine également sur la croyance
avec le verbe « croire ». C’est bien la voix de Molière.
l.16-17 Contraste entre la belle prouesse de B et le propos inarticulé d’A. Réplique
d’A commence sur l’onomatopée « Hoy ! » et montre le caractère colérique de
l’atrabilaire. « Vous êtes un grand docteur, à ce que je vois » antiphrase à tonalité
ironique. « Rembarrer vos raisonnements et rabaisser votre caquet » propos très
familier. « Quelqu’un de ces messieurs » = périphrase respectueuse qui ne nomme pas
directement les médecins. « Ici » déictique qui resitue + montre bien le face-à-face.
l.18-19 « Moi, mon frère » forme tonique de ‘’je‘’ + apostrophe pacifiante de B pour
calmer A. « Je ne prends point » négation qui dit qu’il n’est pas totalement opposé à
son frère repli stratégique de B, mesure de prudence pour amadouer A. « Périls » =
danger, « fortune » = chance « périls et fortune » = ‘’bonne et mauvaise chance‘’.
B répond de manière calme, apaisée face à son frère en colère. Il noie le propos dans
l’universel « chacun [...] peut croire tout ce qui lui plaît » et dans le présent de
vérité générale. « Chacun » pronom indéfini avec un référent flou Argan non ciblé.
« Ce que j’en dis n’est qu’entre nous » émergence du comique car on est au théâtre
et que le public a tout entendu. Réplique de B = sert les intérêts de sa nièce.
l.20-21 « Vous tirer de l’erreur où vous êtes » A est une cible mais B adoucit son
propos : locution adverbiale « un peu » qui modalise + conditionnel passé « j’aurais
souhaité ». « Comédies de Molière » = mise en abyme qui dit que le théâtre a une
vertu curative et éducative + qu’elle peut mener à la sagesse (docere) Molière
argumente sur les vertus du théâtre qui peuvent soigner.
l.22-24 Ce qui est très comique, c’est que Molière parle de lui-même péjorativement :
« c’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies ». A attaque Molière
ad hominem, or Molière joue A = +++ comique. Enfin B résume la poétique (= portée)
de l’œuvre : « Ce ne sont pas les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la
médecine ». Derrière B, il y a Molière + écho aux Essais de Montaigne chapitre 37 :
« Ce n’est pas à eux que j’en veux, c’est à leur art ».
III. Conclusion
La visée du passage est double pour Béralde dramatique : permettre aux jeunes
gens de se marier et guérir Argan / satirique : combattre le ridicule de la médecine.
On sent se profiler Molière derrière ses paroles. B a un propos totalement
argumentatif et philosophique qui rappelle l’épicurisme : il faut faire confiance à la
nature ; tout vient de la nature et tout y reviens. Molière s’attachait à cette idée. On
pourrait très bien interpréter la satire de la médecine comme un moyen pour faire
passer une satire de la religion.