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Lecture Linéaire 18 - Toinette médecin

INTRODUCTION -
Molière était un homme de théâtre très complet, dramaturge, metteur en scène,
comédien et directeur de troupe. Le Malade imaginaire est la dernière comédie de Molière
qui meurt juste après la quatrième représentation le 17 février 1673. Il s’agit donc d’une
comédie ballet en trois actes entrecoupés d’intermèdes musicaux et de danse.
L’extrait est tiré de la scène 10 de l’Acte III. Dans les scènes précédentes, M. Purgon a
quitté Argan, en lui reprochant d’écouter son frère Béralde, et ainsi de ne plus suivre ses
prescriptions médicales. Profitant de l’angoisse d’Argan, Toinette se déguise en médecin
pour prendre la place d’un médecin, et l’influencer. Ainsi, dans cette scène 10 de l’acte III,
Toinette procède à une auscultation d’Argan.
L E C T U R E

Projet de lecture : En quoi cette mise en scène constitue-t-elle une remise en cause des
médecins et de la médecine?
Mouvement 1 : Le diagnostic parodique de Toinette (ligne 1 à 26)
Mouvement 2 : La critique des médecins et l’ordonnance inédite de Toinette (ligne 27 à 43)

Mouvement 1: Le diagnostic parodique de Toinette (ligne 1 à 26) -

Ligne 1 - Toinette commence à ausculter Argan : « Donnez-moi votre pouls ». Sa réplique est
l’occasion d’un comique de mot avec la personnification du pouls « ce pouls-là fait
l’impertinent ». De plus, le caractère comique se remarque par l’utilisation d’interjections
“ahy” et “hoy” qui montrent la familiarité de Toinette qui semble gronder le pouls ou
vouloir le raisonner, comme on raisonne au enfant.

L'examen que donne Toinette en tant que faux médecin est dans un tout autre style que
celui des Diafoirus à l’acte II scène 6. Elle n’utilise pas de termes pédants mais plutôt un
langage courant. L’examen devient comique, voire burlesque avec un décalage entre le ton
qu’elle prend et celui qu'on pourrait attendre d’un médecin.
Cette scène met en place une complicité avec le spectateur car il sait que le médecin n'est
autre que Toinette.

Ligne 2 - La phrase “ je vois bien que vous ne me connaissez pas” a un double sens pour le
spectateur car elle constitue une sorte de quiproquo verbal car ont peut se demander si le
“vous” s’adresse au pouls ou à Argan, qui en effet ne sait pas qui est en réalité le médecin.

Ligne 3 - Bien qu’elle paraisse se laisser aller à son personnage, Toinette garde toujours en
tête son objectif et sa stratégie en demandant à Argan : « Qui est votre médecin ? ». Sa
stratégie consiste à décrédibiliser Purgon aux yeux d’Argan. De plus, elle dit que Purgon ne
fait pas partie de sa liste des grands médecins. Elle essaie de nouveau de décrédibiliser
Purgon et de le blâmer. Elle jette un voile de méfiance sur le diagnostic et sur le praticien,
Monsieur Purgon.

Ligne 5 et 6 - La défiance envers le médecin est de suite confirmée à la ligne 5 par “Cet
homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins.” Puis, le faux
médecin demande ensuite “De quoi dit-il que vous êtes malade ?” comme si le nouveau
médecin doutait dès le début du diagnostic de ce confrère inconnu.
La réponse d’Argan face à cette question est “Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que
c’est de la rate.”, cette réponse montre la pluralité des diagnostics qu'on put lui faire les
médecins. Ce parallélisme souligne les errances de la médecine, la répétition de “dire”
signifie que la médecine est basée sur l'opinion (la doxa) plutôt que sur la science.

Ligne 8 - Toinette offre une réponse très tranchée, très affirmative en critiquant ses
supposés confrères: “Ce sont des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade.”. La
réponse aussi directe surprend puisqu’elle n’a effectué aucune observation, elle n’a pas
ausculté Argan, ce qui offre la critique de l’avis médical de la part de Molière. L’hyperbole
“Ce sont des ignorants.” montre un rejet formel des médecins qui ont ausculté Argan de la
part du faux médecin.

Ligne 10 à 25 - Se met ensuite en place une stichomythie, un jeu de répliques rapides entre
Toinette et Argan. Ce rythme accentue l’effet du comique de répétition autour du
«poumon».
L’interrogatoire pseudo-médical de Toinette est décomposé en deux parties : tout d’abord
sur les douleurs d’Argan, puis sur sa vie quotidienne.
Ce ballet de parole, dans un premier temps de la ligne 11 à 20 Argan est maître du ballet de
paroles et Toinette ponctue ses phrases d’un seul mot. Puis de la ligne 20 à 25, les
personnages changent de fonctions, la servante devient maître du ballet et qui pose les
questions et Argan ne fait qu’opiner.

De plus, Toinette n’apporte aucune explication au lien de ces douleurs avec le poumon. Elle
cite le seul organe qui paraît ne pas faire souffrir Argan. Entraînée dans son jeu de question
et en répondant par le “poumon” qui est une réponse pas forcément approprié à la question
poser auparavant comme lorsqu’elle demande à Argan s’il aime boire un peu de vin.
Argan répond aux questions que lui pose Toinette, celles-ci paraissent ordonnées puisqu’il
va du haut du corps avec les douleurs de tête vers le bas avec les maux de ventre.

Ensuite, les questions et les réponses d’Argan n’impliquent aucunement une maladie, un
problème. Argan aime manger, boire un peu de vin, et faire une sieste après le déjeuner.
Tout cela semble normal… et n'a aucun lien avec le poumon.
Le fait que Argan ne fasse pas la remarque de l’absurdité du diagnostic, son
innocence/crédulité est drôle, ce qui donne lieu à un comique de caractère.

Ligne 26 - Toinette termine la première phase de son diagnostic en insistant bien sur le
poumon par la répétition « Le poumon, le poumon vous dis-je ».

Cette fausse consultation médicale tourne en ridicule le métier de médecin, qui n’explique
rien, et ne procède pas de manière scientifique pour trouver l’origine du mal.
Mouvement : La critique des médecins et l’ordonnance inédite de Toinette (ligne 27 à 43) -

Toinette passe enfin à sa “consultation”. Elle questionne Argan sur les prescriptions
alimentaires que lui ont prescrits ses médecins.

Ligne 28 à 38 - Les ressorts comiques dans ce second mouvement sont les mêmes, tout
d’abord avec les stichomythies et le comique de répétition cependant cette fois ci avec le
mots “ignorants” à la place de poumon qu’elle utilise à la suite chaque ordonnance des
médecins de Argan.
Encore une fois, Toinette ne justifie pas ses réponses. Elle invective (injure/apostrophe)
juste les médecins d’Argan pour les décrédibiliser aux yeux d’Argan.

Le réaction disproportionnée de Toinette face au régime alimentaire rend la scène absurde,


de plus le régime prescrit par les médecins d’Argan est tout à fait sain.

Ligne 40 - “Ignorantus, ignoranta, ignorantum” Néologisme → Toinette invente des mots en


reprenant la structure du mot “ignorant” 3 fois dans un latin approximatif au masculin, au
féminin, au neutre, mot qu’elle avait déjà répété plusieurs fois dans les lignes précédentes.
En faisant cela elle donne plus de force, elle a plus de prestance et à l’air plus savante,
sachant que le latin était la langue de la médecine à cette époque. Ainsi, elle décrit les
médecins comme utilisant du latin pour uniquement paraître plus savants.

Ligne 41 - “du bon gros bœuf, de bons gros porcs, de bon fromage de Hollande”
accumulation → elle conseille une alimentation totalement opposé à celui des médecins
d’Argan, montre que peu importe ce qu’on lui conseille, Argan le prendra si c’est les dires
sont prononcés par un “médecin”, même si en réalité celui ci n’en est pas vraiment un.
Ligne 42 43 - Elle conclut en incriminent encore une fois le médecin d'Argan avec “Votre
médecin est une bête” et en proposant ses conseils et services “ Je veux vous en envoyer un
de ma main, et je viendrai vous voir de temps en temps”.

CONCLUSION -
Ce passage possède une registre comique très prononcé notamment grâce aux répétitions
de “poumon” et “ignorant” de la part de Toinette. Les deux mouvements se complètent et
constituent une fausse consultation médicale burlesque et insensée. Elle pose d’abord un
diagnostic assez farfelu, puis prescrit un régime alimentaire complètement catastrophique.
Mais, le but de Toinette semble atteint car elle cherche à avoir l’attention d’Argan pour ne
plus qu’il écoute M.Purgon.
Derrière le comique de la scène, nous comprenons que Molière , une nouvelle fois dans la
pièce, fait la critique de la médecine de son époque et des médecins. En effet, bien que
Toinette dise n’importe quoi, Argan la croit sur parole mais surtout grâce à son habit et
quelques termes latins. L’auteur tente de persuader en même temps le spectateur ou le
lecteur du charlatanisme des médecins.
Les costumes et l’insistance sur le comique de répétition font ressembler ce passage à une
scène de farce, et nous rappelle la scène 5 de l’acte I à la fin de laquelle Argan poursuit
Toinette autour de sa chaise.

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