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Lecture linéaire 2 : Le ridicule de l’apothicaire

Conseils pour la lecture à voix haute


❖ Ne pas lire les didascalies dans ce texte
❖ Il est nécessaire de faire ressortir par l’intonation l’exaspération, l’agacement et l’ironie de
Béralde, le sarcasme de Monsieur Fleurant, l’inquiétude et la surprise d’Argan.

Introduction
Ultime création de Molière, Le Malade imaginaire, créée en 1673, est une comédie-ballet mettant en
scène un bourgeois hypocondriaque, Argan, qui veut absolument que sa fille, Angélique, épouse
un médecin. Cette courte scène se situe dans le dernier acte de la pièce. Elle fait suite à la longue
scène entre Argan et Béralde, durant laquelle les deux frères se sont opposés sur la question de la
médecine. Béralde l’a présentée comme une croyance superstitieuse et dangereuse et il a défendu
les comédies de Molière qui en font la critique, mais Argan loin de s’en remettre aux arguments
de son frère, s’est au contraire montré ferme et entêté dans sa dévotion en la médecine et les
médecins. Le sujet semblait clos, les deux hommes revenant à la question du mariage d’Angélique
quand surgit Monsieur Fleurant « une seringue à la main ». Le sujet de la médecine revient donc
sur scène mais cette fois par l’acte en lui-même, comme pour faire l’illustration de ce dont les deux
hommes débattaient à l’instant. Mais surtout à travers une scène d’apparence anodine semble
posée la seule véritable question de la pièce : de quoi souffre Argan ?
Problématiques possibles :
Comment se consolide la critique de la médecine ?
Comment progresse cette scène dans l’éviction de Monsieur Fleurant ?
En quoi cette scène relève-t-elle à la fois du sérieux et du burlesque ?

LECTURE DU TEXTE

Nous pouvons découper ce texte en 3 mouvements : le premier de la ligne 1 à 7 évoque le


quotidien de la médication, puis de la ligne 8 à 16 le second mouvement montre le ridicule
de l’apothicaire, enfin dans le troisième mouvement de la ligne 17 à la fin nous verrons
que l’échange est impossible entre Béralde et Argan.

ANALYSE LINEAIRE DU TEXTE


Conclusion
Cette scène est intéressante par le double registre, à la fois comique et sérieux, mis en œuvre par
Molière. La situation est plaisante pour le spectateur avec l’administration possible d’un lavement
puis la dispute qui provoque le départ de Monsieur Fleurant. Mais les enjeux sont très sérieux
puisque l’apothicaire, dont c’est ici la seule apparition, confirme l’incompétence de la médecine :
il n’est capable que de proférer des menaces et ne semble pas préoccupé de son malade
véritablement. Quant à Argan, il se montre lui bien incapable de dépasser son aveuglement tout
comme Béralde se révèle pour l’instant impuissant à aider son frère malgré sa clairvoyance…
Ouvertures possibles : hypothèses sur la suite de la pièce, différentes pièces qui tournent en
ridicule les médecins, etc.
LL2. Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 4
MONSIEUR FLEURANT, une seringue à la main, ARGAN, BERALDE
ARGAN.- Ah ! mon frère, avec votre permission.
Use de politesse pour s’excuser de l’interruption du dialogue, il semble lui demander sa permission alors que dans
tous les cas il va recevoir son traitement.

BERALDE.- Comment ? que voulez vous faire ?


Interrogation manifeste l’exaspération, l’agacement de Béralde à l’égard de son frère et de tous ses traitements. Son
ton est ironique et expressif.

ARGAN.- Prendre ce petit lavement-là ; ce sera bientôt fait.


Argan montre qu’il est habitué à ces traitements quotidiens, il est dépendant des médecins. Avec l’adj petit il
minimise l’acte (euphémisme) : c’est finalement peu de choses et une action routinière sans importance. Futur sera
= importance d’un acte anodin, il projette la suite du dialogue, de la conversation.

BERALDE.- Vous vous moquez. Est-ce que vous ne sauriez être un moment sans lavement
ou sans médecine ? Remettez cela à une autre fois, et demeurez un peu en repos.
Montre la dépendance d’Argan pour la médecine. La modalité injonctive avec l’utilisation de l’impératif montre une
intention de le convaincre, de le persuader, de le raisonner qu’il n’a pas besoin de ces lavements (renforcée par la
négation). Il le conseille fermement. Il insiste et est persuasif, il triomphe provisoirement. Cette réplique souligne
l’agitation provoquée par l’intervention des médecins (renforcée avec l’utilisation du lexique de l’apaisement)

ARGAN.- Monsieur Fleurant, à ce soir, ou à demain au matin.


Béralde ne triomphe que provisoirement, en effet, Argan finira par recevoir son traitement tôt ou tard. Cette
réplique démontre bien le quotidien de la médication. Argan n’est pas maître de son destin, il vit ses journées au
rythme de ses traitements.

MONSIEUR FLEURANT, à Béralde.- De quoi vous mêlez-vous de vous opposer aux


ordonnances de la médecine, et d’empêcher Monsieur de prendre mon clystère ? Vous
êtes bien plaisant d’avoir cette hardiesse-là ! = démesure du personnage
Emploi des formules générales, se sent sup à B et A, il est impoli et s’oppose à l’avis de ses patients. Il veut garder
son patient, le débat devient personnel (cf emploi du « mon »), appropriation du lavement = montre le ridicule du
personnage. Ton sarcastique, vindicatif = il remet en place le frère en usant de menaces ridicules et amusantes.

BERALDE.- Allez, Monsieur, on voit bien que vous n’avez pas accoutumé de parler à des
visages.
Ton ironique et moquerie, réplique brève et percutant, B achève le comique, souligne le ridicule de son
interlocuteur, il n’est pas impressionné puisqu’il le réduit à sa fonction d’administrer des lavements. Il ne prend pas
au sérieux les médecins. Il se fait le porte-parole et le double de Molière.

MONSIEUR FLEURANT.- On ne doit point ainsi se jouer des remèdes, et me faire perdre
mon temps. Je ne suis venu ici que sur une bonne ordonnance, et je vais dire à Monsieur
Purgon comme on m’a empêché d’exécuter ses ordres et de faire ma fonction. Vous verrez,
vous verrez…
Il n’est jamais question de la santé d’Argan dans les répliques de Monsieur Fleurant, formules générales = refus
dommageable pour une question d’honneur plus qu’autre chose. Menaces interrompues = il n’a plus d’arguments
réels sur sa médecine, il s’enfuit en ne sachant que dire, il ne maîtrise pas l’art de la répartie.

ARGAN.- Mon frère, vous serez cause ici de quelque malheur.


Il ne sait pas quoi lui répondre et l’accuse donc ici des possibles répercussions que ses propos auront sur lui (Argan).

BERALDE.- Le grand malheur de ne pas prendre un lavement que Monsieur Purgon a


ordonné. Encore un coup, mon frère, est-il possible qu’il n’y ait pas moyen de vous guérir
de la maladie des médecins, et que vous vouliez être, toute votre vie, enseveli dans leurs
remèdes ?
Prévention, il le met en garde contre la médecine. Métaphore hyperbolique : renverse action de la médecine qui
n’apporte pas la vie mais la mort. Encore un coup : rappelle qu’ils ont déjà cette discussion. Il souligne l’imprécision
de la maladie sur le plan de l’esprit, il n’est malade que de ce que les médecins ont inventé. Ton expressif, exaspéré
de ne pas réussir à faire entendre raison à Argan.

ARGAN.- Mon Dieu ! mon frère, vous en parlez comme un homme qui se porte bien ;
mais, si vous étiez à ma place, vous changeriez bien de langage. Il est aisé de parler contre
la médecine quand on est en pleine santé.
= A, lui, n’est pas en pleine santé comparé à B, B n’est donc pas en droit de discuter. Tonalité pathétique, surpris par
les propos de B, il veut le faire culpabiliser en s’apitoyant sur son sort = détournement de la question en montrant
l’effet que le propos de B provoque sur lui. Emploi du conditionnel = hypothétique = évite de parler de lui.

BERALDE.- Mais quel mal avez-vous ?


La conjonction de coordination « mais » renforcée par l’interrogation met en évidence le doute et l’agacement de
Béralde quant aux maux imaginaires d’Argan.

ARGAN.- Vous me feriez enrager. Je voudrais que vous l’eussiez mon mal, pour voir si vous
jaseriez tant. Ah ! voici Monsieur Purgon.
Il contourne de nouveau la question, il le maudit d’avoir la même maladie mais sans spécifier de quelle maladie il
s’agit. Interjection Ah ! = est-il soulagé ou est-il inquiet ? M. Fleurant constitue finalement le sujet même de la
scène.

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