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Texte 1 : Le malade Imaginaire

Scène 5 acte 1

Le Malade imaginaire crée en 1773, met en scène un personnage qui comme le titre nous
l’indique est hypocondriaque. Argan le personnage principal souhaite marier sa fille à un
médecin afin d’assurer sa propre surveillance médicale. Dans ce passage qui est la 2 ème partie
de la scène 5 de l’acte 1 participe pleinement à « l’acte d’exposition » (le premier acte), et ce,
à plusieurs titres : tout en « lançant l’action » et en introduisant le thème ou le « fil »
sentimental de l’œuvre, il dévoile les différentes facettes du personnage principal.

I. Une scène qui pose le nœud de l’intrigue et l’une des thématiques importantes de
l’œuvre

«(…) Vous voudriez marier votre fille avec un médecin ? »

Cette question de Toinette, qui ouvre notre extrait, pose le nœud de l’intrigue, car ce
« dessein burlesque » d’Argan contrecarre le projet d’Angélique d’épouser l’homme qu’elle
aime : Cléante. A partir de là, et comme dans maintes autres œuvres de Molière, deux
« camps » vont se dessiner et vont entrer en conflit : le « camp d’Argan » (constitué du
personnage central et des médecins dont il s’entoure et qui soutiennent son projet) d’une
part, et, d’autre part, le « camp d’Angélique », formé de tous ceux qui souhaitent voir la jeune
fille épouser l’homme de son choix : Angélique elle-même, bien sûr, mais aussi Cléante,
Toinette, Béralde et Louison – qui vont devenir les « adjuvants » de la jeune fille, et qui, à ce
titre, vont tout mettre en oeuvre pour faire « sauter » les « obstacles » qui se trouvent sur
son chemin (c’est-à-dire, surtout, chercher à « guérir » Argan de sa folie des médecins).

Mais cette question pose aussi l’un des thèmes majeurs de la pièce, et du théâtre de Molière
en général : à savoir, pour reprendre le titre d’une des pièces de Molière, la question du «
mariage forcé » Argan cherche en effet à imposer à sa fille, contre la volonté de celle-ci et à
son détriment, un « mariage d’intérêt » - et qui plus est, un mariage dans lequel seul
« l’intérêt » d’Argan entre en ligne de compte. Intérêt « personnel » d’abord (marier sa fille
à Thomas Diafoirus calmerait les angoisses du « malade imaginaire ») ; intérêt
« financier » ensuite (puisque ce mariage serait accompagné d’une « donation » octroyée
par l’oncle de celui-ci, Monsieur Purgon). Un père peut-il légitimement empêcher sa fille
de disposer librement de son cœur et de son corps ? Cette « question d’amour » (comme
l’on disait à l’époque) est l’une des nombreuses « questions morales » que Molière soumet,
dans Le Malade imaginaire, à la réflexion du spectateur, comme il l’a déjà fait, du reste, dans
maintes de ses pièces antérieures (L’Avare, Les Fourberies de Scapin, Georges Dandin, Les
Femmes savantes, Tartuffe, etc…). Récurrence thématique qui constitue du reste une
illustration parmi d’autres du goût prononcé de Molière pour la liberté.

II. Une scène qui dévoile les travers d’Argan


« C’est pour moi que je lui donne ce médecin ; et une fille de bon naturel doit être ravie
d’épouser ce qui est utile à la santé de son père » ; « le parti est avantageux » ; « elle
le fera, ou je la mettrai dans un couvent »

Cette scène, et plus particulièrement ces répliques, montrent à quel point


la monomanie d’Argan (son hypocondrie, sa « maladie imaginaire ») génèrent chez lui tout
un faisceau de travers que cet extrait dévoile ou confirme :

-un égoïsme et un égocentrisme fonciers

-une certaine vénalité

-une forme d’autoritarisme

Or, le fait qu’il profère ces répliques à ciel ouvert et sans la moindre vergogne semble
suggérer qu’il est, en outre, affligé d’une étrange cécité morale, autrement dit qu’il est
complètement aveugle à ses propres défauts. Aveuglement qui peut nous paraître
moralement monstrueux, mais qui peut aussi simultanément faire rire le spectateur, tant
l’ingénuité avec laquelle il fait étalage de ses défauts est déconcertante.

III. Une scène très vive qui mêle plusieurs ressorts comiques

Dans cette scène, Molière combine habilement plusieurs ressorts comiques :

-le comique de caractère, lié, d’une part, au caractère à la fois naïf et excessif d’Argan, mais
aussi, d’autre part, à l’impertinence gouailleuse de Toinette.

-le comique de situation, dans la mesure où Toinette inverse ici le rapport de forces
traditionnel maître/valet en conduisant un dialogue qui ressortit à l’interrogatoire, en se
permettant de se mêler de la vie privée d’Argan et en raillant ses décisions, mais aussi en
s’improvisant confidente et même « conseillère » ou « directrice de conscience » de son
propre maître, bref, en bafouant son autorité.

-le comique de mots, induit par le rythme très vif imprimé à la scène par les stichomythies,
les interjections, et les anadiploses, et par les nombreuses saillies comiques qui l’émaillent.

Conclusion
Cette scène, très réussie du point de vue de la dramaturgie comique, révèle pleinement la
folie d’Argan, tout en posant les bases de l’intrigue à venir et en nous faisant pressentir le
rôle capital qu’y jouera Toinette.

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