Vous êtes sur la page 1sur 6

Les principaux types de réfutation

C'est en écoutant attentivement l’argumentation d’un autre orateur que l’on peut identifier les
différentes catégories d’arguments mises en avant et adapter sa stratégie de réfutation.
C'est en allant aussi loin que possible spéculativement, dans le sens de l'adversaire que je peux
mieux le comprendre et mieux le réfuter.

1. Réfuter l’argument qui établit une relation causale

Le travail de réfutation consiste à démontrer la fragilité du lien de causalité; ce travail est


d'autant plus nécessaire qu'il existe peu d’arguments dans un débat qui relèvent d’une
causalité de type scientifique stricto sensu. Il s’agit de vraisemblable plutôt que du « vrai ».
L’enjeu est de prouver que les conséquences mises en avant sont non seulement peu
probables, mais qu’elles s’accompagnent d’autres conséquences qui affaiblissent
l’argumentation de la partie adverse.

Voici plusieurs stratégies pour contrer un argument causal.

Avant de commencer une réfutation, il est recommandé de se demander si les causes sont
nécessaires et suffisantes pour produire l’effet supposé. Dans le cas contraire, il convient
d’effectuer les tests suivants:

o Le test d’absence : Que se passe-t-il sans la cause ?


o Le test de corrélativité : est-ce qu’il y a un lien proportionnel entre la
cause et l’effet ? Il s’agit de tester leur interdépendance.
o Le test d’alternativité: s’interroger sur la présence d’autres causes qui
peuvent produire le même effet.

Les trois tests sont présents pour aider dans la construction de la réfutation d’un argument
causal.

Exemple de réfutation pour contrer un argument causal 

Le titre de l’argument : L’incarcération affaiblit le lien social entre la société et le criminel ;


ce qui est la cause de la récidive et de la délinquance

1. La cause est-elle nécessaire ou suffisante ? Ni l’un, ni l’autre ; il pourrait il y


avoir de multiples autres causes entraînant la récidive. Le manque de soutien
familial du détenu à sa sortie de prison 1; l’impossibilité de retrouver un emploi
lors de la remise en liberté.

2. Le test d’absence :si l’incarcération n’affaiblit pas le lien social, il n’y a pas de


récidive. Par conséquent, si l’on prouve que l’incarcération ne détruit pas le lien
social, l’argument selon lequel l’incarcération affaiblit le lien social et provoque
de la récidive ne fonctionne plus. Il faut donc ici démanteler le lien de causalité
entre « l’absence de lien social » et l’incarcération.

3. Test de corrélation : La corrélation est trop faible entre l’incarcération et la


récidive. A titre d’exemple, moins du tiers (32%) des détenus ayant commis un
homicide récidivent après leur sortie de prison. Ce qui signifie que la grande
majorité des récidivistes, plus des deux tiers ayant commis un homicide (68%) ne
récidivent pas après leur remise en liberté. Sachant que les criminels ayant
commis un homicide sont ceux qui sont détenus le plus longtemps en prison, il est
possible de dire qu’il n’y a pas de lien entre l’incarcération et la récidive 2.

4. Test d’alternative : De nombreuses autre causes sont susceptibles d'avoir


entraîné la récidive: les conditions de détention en relation avec le milieu
du grand banditisme, une situation économique difficile lors de la remise en
liberté…

o Réfutation complète pour contrer un argument causal : Il n’y a pas de lien


de causalité entre l’incarcération, l’affaiblissement du lien social et la récidive.
L’incarcération n’est pas un facteur d’affaiblissement du lien social. En effet,
les détenus peuvent travailler en prison ce qui leur permet d’avoir une activité
sociale similaire à celle qu’ils auraient pu avoir dans la société civile. Les
détenus peuvent aussi faire du sport et recevoir leur famille régulièrement, ce
qui leur permet de maintenir le lien social. Ce qui signifie que les détenus
peuvent entretenir un lien social avec la société civile de par leur mode de vie
en prison mais aussi de par leur accès aux membres de leur famille. Par
conséquent, la détention n’affaiblit pas le lien social ce qui signifie que
l’incarcération n’est pas responsable de la récidive. Cette affirmation peut être
justifiée par les statistiques du ministère de la justice. Ainsi, à titre d’exemple,
moins du tiers des détenus (32%) ayant commis un homicide récidivent après
leur sortie de prison. Ce qui signifie que la grande majorité des condamnés
ayant commis un homicide (68%) ne récidivent pas après leur remise en
liberté. Sachant que les criminels ayant commis un homicide sont ceux qui

1
Philippe Bilger, la prison n’est pas seule coupable de la récidive, Marianne, Lundi 17 octobre
2011.
2
www.justice.gouv.fr : Direction de l’administrationpénitentiaire, Cahier d’études
penitentiaries et criminologique, les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle
évaluation, Mai 2011– n° 36
sont détenus le plus longtemps en prisons, il est possible de dire qu’il n’y a
pas de lien entre l’incarcération et la récidive. 3

2. Réfuter l’argumentation indicielle

Comme il y a une grande part d’interprétation, une stratégie habile pour réfuter ce type
d’argument consiste à proposer une autre interprétation pour décrédibiliser la première.

Exemple de réfutation pour contrer un argument indiciel

Intitulé de l’argument : Les individus incarcérés sont violents quand ils sont en détention.

o Réfutation de l’argument indicielle : Ils sont violents et incapables de


travailler non pas parce qu’ils sont en détention mais parce que les conditions
de vie en prison sont désastreuses. On sait que la densité d’occupation oscille
entre 84% et 300% selon les établissements. Sur 247 sites d’emprisonnement
en France, 10 ont une densité supérieure à 200% et 32 une densité entre 150%
et 200%.4Ce qui modifie le comportement des détenus n’est pas la détention
mais ce sont les conditions dans lesquelles elle a lieu aujourd’hui. 5En effet, la
violence vient du fait que le personnel des prisons est incapable de contrôler
ce qui se passe dans les établissements carcéraux du fait du nombre de
prisonniers. Ainsi, les agressions, les vols avec violence, les trafics en tout
genre ne peuvent être maîtrisés6. Par conséquent, ce n’est pas l’incarcération
qui rend les prisonniers violents mais ce sont les conditions dans lesquelles ils
sont détenus.

3. Réfuter l’argumentation par l’analogie

Il faut démontrer en quoi l’analogie utilisée par l’autre orateur n’est pas pertinente dans le
cadre du débat. Il faut monter que les situations, les sujets, les objets comparés ne sont pas
comparables.

Exemple de réfutation d’une analogie par le contexte

Argument : On peut réussir professionnellement sans parler anglais (proposition), la preuve


est que mon grand-père est devenu dirigeant d'entreprise sans maîtriser cette langue (appui par
analogie). 
3
www.justice.gouv.fr : Direction de l’administrationpénitentiaire, Cahier d’études
penitentiaries et criminologique, les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle
évaluation, Mai 2011– n° 36
4
Surpopulation carcérale : les chiffres affole, Caroline Amouyal, Marianne, 23 juillet 2013
5
http://www.controverses.sciences-po.fr/cours/recidive/
6
http://www.controverses.sciences-po.fr/cours/recidive/
o Réfutation par la situation : ton grand-père a évolué dans une époque
différente où l’anglais n’était pas encore la langue professionnelle de
référence pour les échanges avec l’étranger.

Exemple de réfutation par l’objet

Argument : Il faut légaliser le cannabis (proposition), en effet la cigarette, qui est une drogue
puisqu’elle provoque la dépendance, est légale (analogie). La légalisation du cannabis obéirait
donc à un souci de cohérence.

o Réfutation par l’objet : contrairement au tabac, le cannabis agit de façon


durable sur le cerveau. Le cannabis peut engendrer ou aggraver un
certain nombre de troubles psychiques comme l'anxiété, la panique et
favoriser la dépression. Il peut aussi provoquer l'apparition d'une
psychose cannabique : il s'agit d'une bouffée délirante qui nécessite une
hospitalisation dans un service spécialisé. Le cannabis est également
susceptible, chez les sujets prédisposés, de révéler ou d'aggraver les
manifestations d'une maladie mentale grave, comme la schizophrénie.7

Exemple de réfutation par le sujet

Argument : N’importe qui peut composer de la musique en étant sourd (proposition). La


preuve est que Beethoven a composé des chefs d’œuvres en étant sourd (analogie).

o Réfutation par la personne : Beethoven était un génie (cas particulier).


Par ailleurs, il est devenu sourd seulement à la fin de sa vie après une
existence consacrée exclusivement à la musique.

4. Réfuter l’argumentation par la déduction

Il faut déconstruire une des propositions du syllogisme8 pour pouvoir fragiliser la conclusion.
Dans cet exemple, on peut réfuter la proposition A, soit la loi, en démontrant qu’elle n’est pas
universelle.

Exemple de réfutation par la déduction

Argument :
7
http://www.drogues.gouv.fr/drogues-illicites/cannabis/index.html
8
Voir fiche sur les principaux types d’argument
a) Une mère voue à son enfant un amour inconditionnel (loi).
b) Ta mère est une mère (fait).
c) Donc elle te voue un amour inconditionnel (cas particulier).

Voici une stratégie pour réfuter la proposition A :

o Réfutation par l’analogie (il s’agit de trouver des contre-exemples) Exemple:


Chaque année, des milliers de mères abandonnent leurs enfants.

5. Réfutation avec concession (Quand bien même vous


auriez raison, vous avez tort)

Imaginons la motion de débat suivante : ce gouvernement proposerait d’intervenir


militairement en Corée du Nord en raison d’une menace nucléaire importante.

Exemple de réfutation avec concession :

Argument : l’équipe que vous affrontez vous affirme « qu’ils n’ont pas à se soucier de la
Corée du Nord parce qu’elle ne possède pas la technologie balistique de portée
intercontinentale»9

Il est important de ne pas uniquement essayer de démontrer que la Corée détient


effectivement la capacité balistique adaptée ou la capacité de les confectionner. Il peut être
préférable de concéder que la Corée ne possède pas de roquettes adaptées et de réfuter
autrement cette partie de l’argumentation en la prenant à bras le corps.

o Réfutation en faisant une concession « Quand bien même » : QUAND


BIEN MEME la Corée du Nord n’aurait pas la capacité balistique nécessaire
(mais elle la possède selon nous), cet Etat reste un danger parce que la
technologie nucléaire ne s’utilise pas uniquement avec une technologie
balistique. En effet, une bombe nucléaire peut être déposée par des individus
et déclenchée à distance ou encore lancée d’un avion. En outre, la Corée du
Nord pourrait vendre sa technologie nucléaire à d’autres pays avec lesquels
elle entretient une relation privilégiée tel que l’Iran qui cherche à se doter de
l’arme nucléaire d’une manière insistante et auquel elle vend déjà des armes
balistiques1011. Ceci pourrait entrainer un conflit nucléaire, dans une région où
les relations internationales sont très délicates, ce qui aurait des conséquences
sur le reste de l’humanité.

9
http://perspectivesinternationales.com/?p=589
10
http://perspectivesinternationales.com/?p=589
11
Cahiers de Chaillot, Le défi de la prolifération, Perspectives européennes, Mark Smith,
Bruno Tertrais et Jean Pascal Zanders, Sous la direction de Gustav Lindstrom et Burkard
Schmitt, n°66, Décembre 2003, p. 22.
Exemple de réfutation en faisant une concession  : «  Vous vous trompez. Mais imaginons que
vous ayez raison… [Donc] même si vous aviez raison,vous auriez tort »

Vous aimerez peut-être aussi