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À Bondy, habitants et personnel redoutent la disparition de l’hôpital Jean-Verdier

Kozi Pastakia, Bondy Blog, 09 janvier 2018


https://www.bondyblog.fr/reportages/cest-chaud/a-bondy-habitants-et-personnel-redoutent-la-
disparition-de-lhopital-jean-verdier/

« Depuis 2011, le personnel de Jean-Verdier, à Bondy, est mobilisé contre


le « démantèlement » de l'hôpital avec les départs successifs de services et d'équipes de
médecins vers celui d'Avicenne (Bobigny). Du côté de l'AP-HP, on justifie ces transferts
par une « une réponse plus cohérente aux besoins de santé de la population ». À terme, c'est
tout un territoire déjà fragilisé qui sera chamboulé par ces restructurations.

« Si la maternité, la pédiatrie, la PMA, des pôles d’excellence partent, ça sera la fin de Jean-
Verdier ». Depuis 2011, l’intersyndicale de cet hôpital situé dans les quartiers Nord de Bondy,
en Seine-Saint-Denis, déplore les départs, un à un, des services mais aussi des équipes de
médecins et des internes. Ainsi, le centre hospitalier a déjà vu partir le service des ressources
humaines (en 2011), l’activité de cancérologie (en 2012), le service de stérilisation (en 2013),
la chirurgie digestive (en 2015) et une partie de la stomatologie (en 2016) vers l’hôpital
Avicenne, à Bobigny.

« Il y a deux ou trois ans, notre service de chirurgie bariatrique et d’obésité a été délocalisé à
Avicenne. Et, à ce jour, nous avons une aile qui est complètement vide. Elle est laissée à
l’abandon, c’est une sorte de débarras », fustige Laurent Personne, secrétaire de la section Sud
Santé à l’hôpital Jean-Verdier. Plus aucune blouse blanche ni de patients. L’aile B, du premier
étage, sert aujourd’hui de vestiaires pour le personnel et de lieu de stockage pour du matériel
hospitalier en réparation.

Un seul grand pôle « hôpitaux universitaires de Paris-Seine-Saint-Denis »

Et la fuite des services ne s’arrête pas là. « Fin 2018 - début 2019 sont prévus les transferts de
l’hospitalisation conventionnelle d’endocrinologie, le service d’hépatologie et l’activité de
radiologie interventionnelle », confirme le service presse de l’Assistance publique - Hôpitaux
de Paris (AP-HP), dont dépend le CHU de Bondy. La raison de ces transferts de Jean Verdier
vers Bobigny ? Le regroupement en 2010 de l’établissement de Bondy avec l’hôpital Avicenne
et l’hôpital René-Muret (Sevran) dans un seul grand pôle « hôpitaux universitaires de Paris -
Seine - Saint - Denis ».

Selon les syndicats, l’AP-HP justifie ce regroupement hospitalier par deux raisons. Tout
d’abord, une nécessité afin de lutter contre la concurrence du futur hôpital Nord Parisien à
Saint-Ouen, voulu par François Hollande et prévu pour 2024-2025. Un établissement qui
rassemblera, lui, des services des hôpitaux Bichat (Paris) et Beaujon (Clichy). Seconde
justification : le besoin de faire des économies après la baisse des dotations de l’État. Par
ailleurs, en novembre 2017, dans un courrier aux personnels, Martin Hirsch, directeur général
de l’AP-HP, a annoncé que la dette de l’institution allait augmenter de 30% en cinq ans, passant
de 2,3 milliards d’euros à 3 milliards en 2022 afin de financer les investissements prévus.
Du côté de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui renvoie vers son site Internet, pour
parler du regroupement des « hôpitaux de Paris-Seine-Saint-Denis », on évoque un « projet
ambitieux », qui « doit permettre de garantir, dans chacun des hôpitaux, une offre de soins
spécifique et complémentaire, adaptée aux besoins des personnes ». En clair, l’AP-HP est en
train de « rassembler à l’hôpital Avicenne les services de soins critiques et interventionnels ».
Quant à Jean-Verdier, l’hôpital disposera « de consultations pour 15 spécialités médicales et
chirurgicales (contre six actuellement), avec notamment des nouvelles consultations en
addictologie et rhumatologie. Un espace santé proposera également des actions de prévention,
de dépistage et d’éducation thérapeutique. Le suivi des patients se fera en consultation ou en
hôpital de jour ».

« Maintenir l’hôpital de proximité à Bondy »

Mais ce projet du nouveau Jean-Verdier ne convainc pas les syndicats Sud Santé et CGT. « On
vide l’hôpital de tous ses fleurons et on nous promet en échange un grand dispensaire, des
consultations et de l’ambulatoire », regrette une syndicaliste CGT qui souhaite garder
l’anonymat. Selon l’intersyndicale, lorsqu’il a ouvert en 1975, le CHU de Bondy comptait 571
lits d’hospitalisation. Il n’en dénombrerait plus que 170. « La population a besoin d’un hôpital
avec des lits d’hospitalisation sinon on ne peut plus parler d’hôpital mais d’un dispensaire de
santé », insiste Laurent Personne.

« La réduction depuis 40 ans du nombre de lits d’hospitalisation n’est absolument pas


spécifique à l’hôpital Jean-Verdier. Elle s’explique largement par des délais de séjour plus
courts et le développement de l’ambulatoire », rétorque l’AP-HP, contactée par téléphone.
L’Assistance publique - Hôpitaux de Paris assure que Jean-Verdier ne fermera pas ses portes et
que l’hôpital de Bondy demeure « un fort point d’ancrage pour l’avenir du groupe
hospitalier ».

Pour autant, personnel et habitants restent inquiets. Une marche citoyenne était, par exemple,
organisée le 8 décembre 2017 à l’appel des syndicats. Le mot d’ordre : « Maintenir l’hôpital de
proximité à Bondy ». La mobilisation a rassemblé une centaine de personnes dont des militants
de la France insoumise (FI), le mouvement politique de gauche Bondy-Autrement, Sabine
Rubin, députée FI de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis et Didier Mignot, conseiller
municipal PC du Blanc-Mesnil.
(…)

« Je ne comprends pas pourquoi je vais être obligée d’aller ailleurs alors que ça marchait
très bien. »

« J’ai quitté Paris pour venir m’installer à Bondy, il y a plus de 15 ans en raison de cet hôpital.
Mes trois enfants y sont nés. Je ne comprends pas pourquoi je vais être obligée d’aller ailleurs
alors que ça marchait très bien. », s’interroge Khadija Ahmad. La sexagénaire, elle, tient
régulièrement un petit stand sur le marché Suzanne-Buisson à Bondy Nord pour « informer la
population et faire signer une pétition ».

« Les mamans sont inquiètes de voir partir le service maternité et pédiatrie. C’est très
compliqué pour elles et pour les personnes âgées aussi de se déplacer en transports jusqu’à
l’hôpital Avicenne. Ça me met hors de moi », souligne-t-elle. « Quand on habite Bondy, on est
forcément déjà venu un jour à Jean-Verdier pour des consultations, passer une radio,
accoucher… On ne peut pas voir notre hôpital de proximité partir et ne rien faire ! », s’indigne
de son côté un autre riverain, proche du mouvement politique Bondy-Autrement.

L’an dernier, Jean-Verdier a enregistré 2 700 accouchements. L’établissement est connu pour
savoir gérer les grossesses à risque. Autres sujets d’inquiétude pour le centre hospitalier de
Bondy : la fermeture programmée de l’annexe de la zone ouest de Jean Verdier accueillant
l’école d’infirmières, des logements et la crèche pour le personnel.

Dégradation des conditions de travail et un accès aux soins menacé

Réputé pour ses nombreux services de qualité, l’hôpital Jean-Verdier a fêté ses 40 ans en 2016.
Sa restructuration est vue par l’AP-HP comme « une réponse plus cohérente aux besoins de
santé de la population et aux enjeux du territoire ». L’intersyndicale de l’hôpital, elle, dénonce
« un plan social » et des « conditions de travail qui se sont dégradées » pour le personnel ainsi
« qu’un droit de l’accès aux soins pour tous qui est menacé » : « À chaque transfert de service
de Jean-Verdier à Avicenne, on ne retrouve pas le même nombre de lits, on en perd », indique
une déléguée CGT. « Lors du départ de la chirurgie, il y a 30 lits d’hospitalisation qui sont
tombés dans le caniveau. Et on sait très bien que tous les agents ne seront pas recasés »,
poursuit Laurent Personne de Sud Santé. Un sentiment et des craintes partagées par le sénateur
socialiste Gilbert Roger.

« Démanteler les services de Jean-Verdier, un des acteurs majeurs de la santé de l’adulte et de


l’enfant dans le département, est une décision inadmissible dans un bassin de vie de plusieurs
centaines de milliers d’habitants. L’hôpital Jean-Verdier va devenir un pôle universitaire de
seconde zone », écrivait l’ancien maire de Bondy dans un courrier adressé à Martin Hirsch,
directeur général de l’AP-HP, le 22 septembre 2017. Gilbert Roger a, par ailleurs, lui aussi
lancé une pétition en ligne qui a récolté un peu plus de 2 100 signatures.

Pour l’heure, si le départ vers Avicenne du pôle mère-enfant et de la PMA de Jean-Verdier a


été acté depuis septembre 2017, aucune date n’a toutefois été fixée car ce transfert va nécessiter
la création d’un nouveau bâtiment à l’établissement de Bobigny. « La prochaine étape est la
sécurisation de ces financements, condition préalable à sa pleine réalisation », précise le site
Internet de l’AP-HP. Jean-Verdier poursuit sa mue et la nouvelle donne qu’est en train de lui
donner l’AP-HP va toucher les quelques 53 000 Bondynois, et plus globalement tout un
département déjà en proie à la désertification médicale. »

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