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Willy Gianinazzi

Antonio Gramsci, Cahiers de prison, 1-5, par les soins de Robert


Paris
In: Mil neuf cent, N°14, 1996. pp. 238-239.

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Gianinazzi Willy. Antonio Gramsci, Cahiers de prison, 1-5, par les soins de Robert Paris. In: Mil neuf cent, N°14, 1996. pp. 238-
239.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_1146-1225_1996_num_14_1_1164
Antonio GRAMSCI, Cahiers de prison. Cahiers 1, 2, 3, 4 et 5,
introduction, avant-propos, notices et notes de Robert Paris,
[Paris], Gallimard, 1996, 711 p.

Les cinq volumes qui composent les Cahiers de prison sont


désormais disponibles en français. La curiosité et l'enthousiasme
qui accompagnèrent la première parution, il y a plus de vingt ans,
se sont quelque peu émoussés. Cette dernière livraison arriverait-
elle trop tard, donc? Ce n'est pas sûr. Les esprits dégagés
d'arrière-pensées partisanes ont souvent éprouvé un malaise à
lire le Gramsci de la prison, séduits par le dévoilement des
entrelacements culturels et de l'alchimie finement psychologique
qui présideraient aux processus de conscience, et, en même temps,
agacés par la récupération du corpus à des fins de « compromis
historique » (alors qu'en France, parallèlement, Gramsci fut un
sas de sortie à droite pour les marxistes du PCF). Aujourd'hui,
parce que « ces Cahiers ne légitiment plus rien et ne cautionnent
plus grand-chose » (p. 66), leur sens peut être retrouvé. Robert
Paris nous y aide par son érudition (les introductions et les
notes : un régal !) et par le respect du texte : à l'état naissant,
inachevé, où s'entremêlent histoire et philosophie dans un effort
d'inventer le nouveau.
Une limite cependant entache l'exploration de Gramsci. C'est
dommage qu'il ait voulu, comme il dit, s'« intéresser spécialement
à la formation et au développement des groupes intellectuels »,
se soit penché sur l'intellectuel italien des siècles passés (dont il
montra le cosmopolitisme), ait étudié abondamment la culture de
son temps et n'ait effleuré que par l'anecdote et la stigmatisation
(« lorianiste » ce fut le blâme) les intellectuels contemporains qui

ciens » et « organisations » plutôt qu' « agglomérations s> ; p. 264,


« 1914 » (ou « 1915 ») au lieu de « 1919 » ; p. 277, « socialisme
officiel » plutôt que « soviétisme officiel ». Ajoutons encore que
la datation de la lettre du 1er avril 1910 doit certainement être
corrigée, car elle est postérieure à celle du 11 avril 1910 par
laquelle Sorel envoie, selon toute vraisemblance, la note sur le
journal la Révolution de Pouget reproduite en appendice du
volume (p. 280-281) ; de même celle de la carte du 16 février 1920
(p. 264) nous semble faire problème car, de par son contenu,
celle-ci devrait se situer plutôt vers la fin octobre ou le début
novembre de l'année précédente. Pour finir, on regrettera égale
ment dans une édition aussi soignée l'absence d'informations plus
précises sur l'histoire du document publié, qui, au-delà de l'aspect
purement philologique, auraient pu apporter un éclairage utile
sur le sort des correspondances de Sorel en Italie et les vicissi
tudes de leur publication.

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auraient dû pourtant l'interpeller au premier chef : ceux du mou
vement ouvrier et socialiste. D'autant plus que lorsqu'il jeta sur le
papier quelques phrases les concernant, c'est plus qu'une intuition
qui se dessine : « dans les autres pays le mouvement ouvrier et
socialiste a élaboré des personnalités politiques individuelles ;
en Italie, au contraire, il a élaboré des groupes entiers d'intel
lectuels qui, en tant que groupes, sont passés dans l'autre classe.
Il me semble falloir en rechercher la cause dans la faible adhésion
des hautes classes au peuple : dans le conflit des générations,
les jeunes se rapprochent du peuple ; dans les crises qui marquent
un tournant, ces jeunes retournent à leur classe (c'est ce qui est
arrivé pour les syndicalistes nationalistes et pour les fascistes) »
(p. 336).

Willy Gianinazzi

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