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REPUBLIQUE GABONAISE

UNION-TRAVAIL – JUSTICE
MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
UNIVERSITE INTERNATIONALE DE LIBEVILLE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE ET POLITIQUE

ANNEE ACADEMIQUE 2022-2023

COURS DE DROIT FONCIER ET DU CADASTRE

LICENCE 3

Par :
Pr. KOUAM SIMEON PATRICE

Agrégé de droit privé et de sciences criminelles

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BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES

- ADJI ABDOULAYE HAMAN, Guide de l’usager, Première partie, Comment obtenir


un titre foncier ? Imprimerie du MINUH, Yaoundé, 2003.
- BIGOME LOGO (P), Gérer autrement les conflits forestiers au Cameroun, Presses de
l’UCAC, Yaoundé, 2003.
- BOPDA (A), Genèse, mutation et problème urbains de la chefferie traditionnelle à
Yaoundé, Paris, Karthala, 1993.
- CATHELINEAU (J) et VIGUIER (J.L.), Technique du droit de l’urbanisme, Paris,
Litec, 1988
- CHARMES (J.), Genèse de la rente foncière et du capitalisme agraire, Paris,
Karthala, 1992.
- CORNILLE (P.) et DURANCE (A), Code de la construction et de l’habitation, Paris,
Litec, 2002-2003.
- COULIBALY (C.), Problématique foncière et gestion des conflits en Afrique noire,
Tome 1, CDDR, 1997.
- CROUSSE (B.) et LE ROY (E.), Espaces disputés en Afrique Noire, pratiques
foncières locales, Paris Karthala, 1986.
- CUBRILO (M.) et GOISLAND (C.), Bibliographie et lexique du foncier en Afrique
noire, Edition Karthala et Coopération française, Paris, 1998.
- GASSE (V.), Les régimes fonciers africains et malgaches, évolution depuis
l’indépendance, Paris, LGDJ, 1971.
- JESTAZ (Ph.), Possession et prescription en droit français des biens, Paris Dalloz,
1984.
- KAMTO (M.), Droit de l’environnement en Afrique, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996.
- KOUASSIGAN (G.A.), L’homme et la terre : droits fonciers coutumiers et droit de
propriété en Afrique Occidentale, OSTROM, Paris, 1966.
- LACAZE (J.P.), Introduction à la planification urbaine, Paris, Edition du Moniteur,
1979.
- LAVIGNE (D.), Quelle politique foncière pour l’Afrique rurale ? Réconcilier les
pratiques, légitimité et égalité. Paris, Karthala, 1998.
- LEBRIS (E.), LE ROY (E.), LEIMDORIER (F.), Enjeux fonciers en Afrique Noire,
Paris, Karthala, 1998.
- LE ROY (E.), KARSENTY(A), BERTRAND (A), La sécurisation foncière en
Afrique, Paris, Karthala, 1996.
- MEEK (C.K.), Land law and custom in the colonies, London, Oxford University
Press, 1946.
- MELONE (S.), La parenté et la terre dans la stratégie du développement, l’expérience
camerounaise, Paris, Edition Klincksieck, 1972.
- NYAMA (J.M.), Régime foncier et domanialité publique au Cameroun, Presses de
l’UCAC, Yaoundé, 2001.

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- TIENTCHEU NJIAKO (A.), Droits fonciers urbains au Cameroun, PUA, Yaoundé,
2003.
- TIENTCHEU NJIAKO (A.), Droits réels et domaine national au Cameroun, PUA,
2004.
- TJOUEN (A.D.), Droits domaniaux et techniques foncières en droit camerounais,
Etude d’une réforme législative, Paris, Economica, 1981.

II- THESES

- DOUMBE BILLE (S.), Recherches sur les rapports entre l’Etat camerounais et les
collectivités locales, Thèse, Droit, Toulouse, 1982.
- GONDOLO (A), Ngaoundéré, évolution d’une ville peule, Thèse, 3ème cycle, Caen
1978.
- GUIMDO DONGMO (B. R.), Le personnel communal au Cameroun, Contribution à
la compréhension de la crise de l’administration communale camerounaise, Thèse,
3ème cycle, Université de Yaoundé 1992.
- GOUDEM (J.), Les politiques foncières et domaniales du Cameroun. De l’ère
précoloniale à nos jours, Thèse de Doctorat/Ph.D en droit privé, Université de
Yaoundé II, 2012.
- HENGUE (P.), Le phénomène de l’urbanisme à l’Ouest-Cameroun, Etude comparée
de deux métropoles, Foumban et Bafoussam, Thèse, 3ème cycle en sociologie,
Université de Yaoundé, 1984.
- MAYINGA (J.), Etude sur l’agglomération de Yaoundé, Thèse, 3ème cycle, Université
de Paris I, 1984.
- MIENDJIEM (I.L), La nature des droits des occupants du domaine national. Thèse
d’Etat, Université de Yaoundé II-Soa, 2008.
- MOUAFO (D), Le marché de logement à Douala, Contribution à l’étude des
mécanismes immobiliers dans les villes d’Afrique Noire, Thèse, 3ème cycle en
géographie, Université de Yaoundé, 1986.
- MOUGUE (B), Croissance urbaine périphérique : le cas de la zone est de Yaoundé,
Thèse, 3ème cycle en géographie, Université de Yaoundé, 1982.
- NKOU MVONDO (P), Le dualisme juridique en Afrique Noire francophone, Du droit
privé formel au droit privé informel, Thèse, Université de Strasbourg, 1995.
- NZALIE (J. E.), The sale and transfer of land under Cameroonian law, Thèse, 3ème
cycle en Droit, Université de Yaoundé II, 1999.
- POPUGOUE (P.-G.), La famille et la terre, Essai de systématisation du droit privé au
Cameroun. Thèse, Université de Bordeaux, 1977.
- ROJE (T.), Politique foncière et urbanisme au Cameroun, Thèse de Doctorat/ Ph.D en
droit public, Université de Yaoundé II, 2007.

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III- MEMOIRES

- ABESSOLO (J.C), La maitrise des problèmes fonciers et domaniaux au Cameroun,


Mémoire de Maitrise en Droit, Université de Yaoundé, 1985.
- BASSILEKIN (G), La gestion du financement des collectivités territoriales
décentralisées : le cas du FEICOM, Mémoire de fin d’étude, ENAM 2000.
- PUEPI (B), L’évolution du système foncier et domanial camerounais, Mémoire de
licence en droit, Yaoundé 1975.
- SANDJI (R.), La répression des atteintes à la propriété domaniale (domaine public et
domaine privé de l’Etat, domaine national), Mémoire de Maitrise en droit, Université
de Yaoundé 1991.
- SOCKENG (R.), La place de la terre dans le processus du développement
économique au Cameroun, Mémoire de Maitrise en droit, Université de Yaoundé,
1986.
- TCHANGA (F.), Problèmes théoriques et pratiques de la publicité foncière au
Cameroun, Mémoire de licence en droit, Université de Yaoundé, 1975.
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- TEMGOUA (E.), Le contentieux foncier en droit positif camerounais, Mémoire de
Maitrise en droit privé, Université de Yaoundé, 1986.
- TIENTCHEU NJIAKO (A.), Le crédit foncier du Cameroun, approche critique et
prospective, Mémoire de DESS de Paris V, 1980.

IV- ARTICLES DE DOCTRINE

- BIYIHA (J.), « L’intangibilité du titre foncier dans la législation du 06 juillet 1974 et


ses textes subséquents d’application », LexLata n°013, pp. 10-12.
- BOKALLI (V. E.), « La coutume source de droit au Cameroun », RGD, 1997, n°28,
pp. 37-69.
- KOUAM (S.P.) « Politique foncière et problématique du développement au
Cameroun : question d’hier, réponses de demain ». (A paraître dans les Mélanges
André TIENTCHEU NJIAKO).
- MINKOA SHE (A), « La place de la possession en droit foncier camerounais »,
Association Henri CAPITANT, Yaoundé 1991, p. 452.
- POUGOUE (P.G), « Empiètement matériel sur le terrain d’autrui (à propos de
quelques décisions jurisprudentielles)», RCD, n°13-17, p.37.
- POUGOUE (P.G), « Le régime foncier de l’immatriculation », in Encyclopédie
juridique de l’Afrique, Tome 5, NEA, 1982.

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INTRODUCTION GENERALE

S’il est un sujet majeur et semble-t-il inépuisable - qui n’a cessé de faire l’objet de vifs débats
au sein de l’opinion africaine en général et camerounaise en particulier, c’est bien la question
foncière. La question déchaîne d’autant les passions que la terre en Afrique est revêtue du sceau
de la sacralité. Selon les traditions, la terre appartient au clan, au lignage, aux chefs, aux
divinités… et seul un droit de jouissance est accordé aux populations et qui se transmet de
génération en génération.
Cette conception multi-séculaire de la terre des peuples africains ne devait pas manquer
d’entrer en conflit avec la politique coloniale d’administration foncière qui a résisté après les
indépendances. Désormais, il était permis de devenir propriétaire d’une parcelle de terre. Mais la
difficulté résidait moins dans l’affirmation d’une possibilité d’appropriation du sol que dans les
modalités d’appropriation. C’est la raison pour laquelle il convient de retracer l’évolution
historique du régime foncier au Gabon (I) avant de préciser le contexte actuel qui, peut-être plus
qu’hier, cristallise la terre autour de la question de développement (II).

I- L’EVOLUTION HISTORIQUE DU REGIME FONCIER AU GABON

Au Gabon comme partout ailleurs en Afrique noire francophone, le régime foncier a été
tributaire de l’évolution historique, économique et surtout politique. C’est ainsi qu’on distingue
une évolution durégime foncier de la période précoloniale à la période actuelle.

Pendant la période pré-coloniale, la gestion foncière était assurée par les chefs de clans ou des
chefs de terre, sur une base communautaire. La terre pour chaque communauté appartenait au«
premier occupant ». Les hommes s'attachaient fortement à celle-ci, dans la mesure où ils la
considéraient comme la mamelle nourricière1 de la communauté, c'est-à-dire la génératrice de
tous les moyens de subsistance. La terre était un bien commun, inaliénable et même sacré. Elle
se transmettait de génération en génération et il était alors pratiquement impossible de parler de
propriété individuelle. Les individus ne pouvaient exercer qu’un droit de jouissance pour la
satisfaction de leurs besoins de nourriture ou d’habitation.

Les modes d’attribution aux membres du clan, de jouissance variaient d’une région à une autre
et d’une ethnie à une autre. Mais ce mode de gestion des terres était globalement connu sous la
désignation de régime foncier « coutumier » ou « traditionnel ». La notion d’appropriation
individuelle a été introduite par la colonisation. Il convient de noter que les régimes coutumiers
en Afrique, y compris au Gabon, sous l’effet conjugué de l’imbrication des sociétés à l’économie
de marché, du développement des cultures de rente, de la pression démographique et de
l’urbanisation, connaissent des mutations notables vers des formes intermédiaires d’occupation
(achats, locations de terre, etc.) à caractère marchand.

C'est avec la présence coloniale que la propriété individuelle vit le jour au Gabon. Le pays a
subi l’introduction de la propriété individuelle pendant la colonisation française par le biais de la
théorie coloniale des domaines basée sur le principe de la création de la propriété. Epuré et
rationnalisé par Sir Robert Richard Torrens lors de la colonisation britannique en Australie

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milieu du XIX-me siècle (TorrensAct du 2 juillet 1858), ce système de création administrative de
la propriété a été copié par toutes les puissances coloniales de l’époque et introduit au Gabon
selon le schéma suivant :
- Délimitation par l’administration (bornage des terrains), en application d’un plan
cadastral du territoire préétabli et déclaré propriété de l’Etat, car le territoire est considéré
comme terra nullius (terre où ne s’exerce aucun droit) ;
- Attribution de ces lots aux requérants potentiels avec obligation de les mettre en valeur
(constructions, cultures) ;
- Après la mise en valeur du terrain par l’attributaire, il en devient propriétaire, recevant de
l’administration un titre foncier ;
- Réalisation de toute transmission de la propriété (vente, héritage, etc) par enregistrement
du transfert du titre auprès de l’administration qui en garantit la validité.

C’est ce système qui a survécu après l’indépendance. Ainsi, depuis son accession à la
souveraineté internationale, le régime foncier gabonais est constitué d’une pluralité de textes.
Les plus importants sont :

- La loi n°14/63 du 8 mai 1963 fixant la composition du domaine de l’Etat et les règles
qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation ;
- La loi n° 4/2013 du 14 aout 2013 complétant certaines dispositions de la loi n°14/63
du 8 mai 1963 fixant la composition du domaine de l’Etat et les règles qui en
déterminent les modes de gestion et d’aliénation ;
- La loi n° 3/2012 du 13 aout 2012 portant ratification de l’ordonnance n° 5/2012 du
13 février 2012 fixant le régime de la propriété foncière en République gabonaise.

II- LA PLACE DE LA TERRE DANS UN CONTEXTE DE DEVELOPPEMENT

Aujourd’hui, le Gabon ambitionne d’être un pays émergent. De nombreux projets en cours


d’exécution dans le pays pour la réalisation de cette vision, ont pour socle la terre, qu’il
s’agisse de la construction des routes, des autoroutes, des usines, des logements sociaux, des
stades, des édifices publics, la relance de l’agriculture etc. Aussi, la politique foncière et
domaniale doit s’insérer dans ce mouvement comme un élément fédérateur. Par exemple,
l’unicité du cadastre dans sa polyvalence en tant que outil de maitrise en amont de l’espace de
projection de tout programme de développement local est indispensable. L’idée de
polyvalence du cadastre s’est imposée d’autant plus que le cadastre constitue le dénominateur
commun essentiel des problèmes fonciers et des questions d’urbanisation, de travaux publics
et d’aménagement du territoire.

Cependant, cette politique de développement prenant appui sur la terre ne pourra vraiment
se matérialiser qu’avec une garantie efficace des droits fonciers de façon générale. Il faut
absolument ce que le Professeur Etienne LE ROY appelle « un retour au foncier ». Le retour
au foncier en Afrique est dicté par l’apparition en ce début de XXIème siècle, de nouvelles

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problématiques dans le domaine de politiques publiques qui remettent la question foncière au
centre des débats politiques et des démarches réformatrices. « Nous avons attiré l’attention
des apprentis sorciers sur les contraintes incontournables tant de la logique juridique que des
priorités politiques et de l’originalité de la question foncière en Afrique où ne peuvent être
transposées des solutions exogènes sans de profondes adaptations. L’Afrique ne peut donc
continuer à sous estimer ses priorités endogènes, et en particulier la question de l’illégitimité
des politiques foncières poursuivies depuis la colonisation ».« Le foncier actuel, par la
diversité de ses régimes particuliers comme par la nature des montages juridiques adoptés
ressemble à un puzzle gigantesque dont on ne connaît ni la configuration actuelle ni les
potentialités à venir. Il heurte donc tant les attentes des hommes politiques soucieux de
solutions uniformes que les interprétations fondées sur une démarche cartésienne ou sur le
principe aristotélicien de l’opposition des contraires ».

De tout ce qui précède, placer le foncier au centre de la problématique du développement


au Gabon, nécessite à notre sens que cet enseignement soit articulé autour de l’appropriation
du sol (première partie) et de la gestion du sol (seconde partie).

PREMIERE PARTIE : L’APPROPRIATION DU SOL AU GABON

Par le passé, il s’agissait fondamentalement de « savoir s’il doit y avoir d’autres


propriétaires de terres que l’Etat, et s’il doit en exister, quelle limite apporter à ce droit ».
Unetelle question était porteuse d’un conflit de civilisations. En Afrique, selon les coutumes,
on ne saurait être propriétaire foncier. La terre appartient au clan, au lignage, aux chefs, aux
divinités, etc., et seul un droit de jouissance est accordé aux individus et se transmet de
génération en génération. Cette conception multi-séculaire de la terre des peuples africains ne
devait pas manquer d’entrer en conflit avec la politique coloniale d’administration foncière
dont la tradition juridique est celle du code civil où la propriété privée est la règle. Désormais,
il était permis de devenir propriétaire d’une parcelle de terre. Mais la difficulté résidait moins
dans l’affirmation d’une possibilité d’appropriation du sol que dans ses modalités. De manière
constante, le législateur gabonais a opté pour le choix exclusif de l’immatriculation comme
preuve de la propriété foncière, même si l’on doit reconnaître à l’analyse que malgré les
termes de la loi (caractères inattaquable, imprescriptible et définitif), son poids est relatif.
L’aboutissement de l’immatriculation est la délivrance du titre foncier dont la publicité
foncière renforce la force probante. Mais il peut arriver que le titulaire d’un titre foncier soit
perturbé dans la mise en œuvre de son droit de propriété. On étudiera donc : l’immatriculation
foncière (chapitre 1), et la publicité foncière (chapitre 2).
.

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CHAPITRE 1 : L’IMMATRICULATION FONCIERE

L’immatriculation est une opération juridique qui consiste à dégager de façon nettement
définie les droits individuels de l’emprise communautaire et à les placer sous l’emprise du
régime du livre foncier dont l’aboutissement est pour les droits immobiliers, la délivrance du
titre foncier. En d’autres termes, immatriculer un terrain c’est obtenir un titre foncier sur
celui-ci. On distingue deux types d’immatriculation : l’immatriculation indirecte et
l’immatriculation directe.
L’immatriculation est dite indirecte parce qu’elle porte sur des terrains sur lesquels il existe
déjà un titre de propriété. Elle concerne les cessions, les démembrements ou fusions.
La cession est l’hypothèse dans laquelle le propriétaire d’un terrain sur lequel il existe déjà un
titre foncier cède pour une raison quelconque, soit à titre gratuit soit à titre onéreux, tout son
terrain à une autre personne. La cession emporte mutation du titre foncier initial au nom de
l’acquéreur. Le notaire ayant établi l’acte de cession, adresse au conservateur foncier du lieu
de situation de l’immeuble.

Les démembrements, C’est l’hypothèse où le propriétaire d’un terrain généralement de


grande superficie et sur lequel il existe déjà un titre foncier, décide de céder des parcelles de
ce terrain à différents acquéreurs. Le démembrement du terrain conduit au morcellement du
titre foncier initial au profit des acquéreurs, des copartageants ou des cessionnaires. Chacun
des lots est borné et cette opération de bornage sera rapportée sur le plan initial. Un titre
foncier et un plan distincts seront établis pour chaque lot. Cela veut dire que, par l’inscription
au livre foncier du procès-verbal consacrant l’opération du morcellement, le conservateur
foncier crée autant de nouveaux titres fonciers que de parties morcelées.
Cependant, il faut distinguer les démembrements de la propriété, objets de morcellements
qui attribuent pleine propriété à l’acquéreur, de l’état descriptif de division et de règlement
de copropriété. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une technique qui consiste à diviser en
appartements ou locaux à usage commercial, un immeuble. Chaque partie forme un lot divis
privatif qui fait l’objet d’un titre foncier différent de celui constitué par la parcelle sur laquelle
l’immeuble est érigé. Il est créé autant de titres fonciers divis que de lots privatifs.

La fusion quant à elle, c’est l’hypothèse où des terrains contigus appartiennent à


différents propriétaires, chacun détenant sur son terrain un titre foncier, sont désormais réunis
sous l’autorité d’un seul propriétaire qui devient de ce fait l’unique propriétaire de tous ces
terrains. On dit alors qu’il y a fusion de terrains. Le même propriétaire obtient un titre foncier
sur lequel sont mentionnées toutes les inscriptions grevant les anciens titres. Normalement, les
anciens titres sont obligatoirement détruits par le conservateur foncier.

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L’immatriculation directe qui sera examinée ici en profondeur puisque désormais
obligatoire, est celle qui porte sur les terrains exploités ou occupés du domaine privé de l’Etat.
Il s’agit des terrains sur lesquels les occupants n’ont pas encore de titre foncier. Elle est
réglementée par les articles 27 à 63 de la loi n° 3/2012 du 13 aout 2012 portant ratification
de l’ordonnance n° 5/2012 du 13 février 2012 fixant le régime de la propriété foncière en
République gabonaise. Ces dispositions indiquent la voie vers l’obtention du titre foncier
(section 1), les conséquences liées à la délivrance du titre foncier (section 2) et les hypothèses
pouvant donner lieu au contentieux du titre foncier (section 3).

SECTION 1 : LA VOIE VERS L’OBTENTION DU TITRE FONCIER

Il s’agit ici d’étudier et de connaître les personnes qui peuvent demander l’obtention d’un
titre foncier sur une parcelle occupée ou exploitée du domaine privé de l’Etat non
immatriculée.

Paragraphe 1 : Les personnes habilitées à obtenir un titre foncier

Aux termes des articles 27 à 29 de la loi n°3/2012 précitée, seules peuvent requérir
l’immatriculation :
- Le propriétaire ;
- Le copropriétaire, lorsque celui-ci se trouve dans les conditions requises pour
l’exercice de ce droit ;
- Les détenteurs des droits réels notamment l’usufruit, l’habitation, l’emphytéose
et l’antichrèse ;
- Les détenteurs de servitudes foncières ou d’hypothèques, avec le consentement
du propriétaire ou des copropriétaires ;
- Le mandataire légal.

Bien plus, peut également requérir l’immatriculation, le créancier hypothécaire non payé à
l’échéance qui, en vertu de la décision de condamnation devenue définitive qu’il a obtenue
contre son débiteur, entreprend une saisie immobilière. De même, le tuteur ou le curateur d’un
incapable a qualité pour requérir l’immatriculation au nom de sa pupille, au cas où celui-ci est
détenteur des droits qui lui permettraient de la requérir lui-même, s’il n’était pas incapable.

Paragraphe 2 : La procédure d’obtention du titre foncier

La procédure d’obtention du titre foncier au Gabon comporte deux phases : la phase


administrative (A) et la phase judiciaire (B).

A- La phase administrative de la procédure d’obtention du titre foncier

Toute personne requérant l’immatriculation remet à la conservation foncière du lieu de


situation de l’immeuble qui en délivre un récépissé, une déclaration signée d’elle-même ou
d’un fondé de pouvoirs muni d’une procuration spéciale et qui doit contenir :

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- Ses noms, prénoms, qualités et domicile, son état civil, sa nationalité et s’il y a lieu, le
nom de l’époux et l’indication du régime matrimonial et, en cas d’indivision, les
mêmes indications que ci-dessus pour chaque copropriétaires avec mention de la part
de chacun d’eux ;
- L’élection de domicile au lieu des services du conservateur, lorsque le requérant n’a
pas son domicile dans le ressort de celle-ci ;
- La description de l’immeuble dont l’immatriculation est requise, ainsi que l’indication
des constructions et plantations qui s’y trouvent, de sa consistance et de sa nature, de
sa situation, de sa contenance, de ses limites, tenants et aboutissants et, s’il y a lieu, du
nom sous lequel il est connu ;
- L’estimation de la valeur vénale et de la valeur locative de l’immeuble ;
- Le détail des droits réels immobiliers existants sur l’immeuble avec la désignation des
ayants droits, ladite désignation comprenant leurs noms, prénoms, qualités et domicile,
leur état civil, leur nationalité, avec, s’il y a lieu, le nom de l’épouse et la spécification
du régime matrimonial ;
- L’indication de l’origine des droits prétendus. (Voir article 30 de la loi n° 3/2012).

Dès réception du dossier d’immatriculation, le conservateur du lieu de situation de


l’immeuble créé une réquisition d’immatriculation dont il dresse un extrait qu’il fait publier
au Journal Officiel ou dans tout autre Journal d’annonces légales et d’informations. Cette
publication peut également se faire par tout moyen, notamment par affichage public au
gouvernorat, à la mairie, à la préfecture ou au tribunal judiciaire du lieu de situation de
l’immeuble. La publication doit mentionner le lieu de situation de l’immeuble ; le numéro de
la parcelle et l’indication de la section ; tout autre indication ou repère géographique
susceptible de faciliter la localisation de l’immeuble par tout intéressé.

Pendant un délai de quinze jours, qui court de la date de publication de la réquisition,


toute personne peut intervenir dans la procédure par opposition, notamment : en cas de
contestation sur l’existence du droit de propriété du requérant ou sur les limites de
l’immeuble ; en cas de prétention sur l’existence d’un droit réel susceptible de figurer sur le
titre à établir. Les oppositions sont faites par voie de déclarations écrites et déposées aux
services du conservateur du lieu de di situation de l’immeuble.
A l’expiration des délais requis et après avoir constaté l’accomplissement de toutes les
formalités destinées à assurer la publicité de la procédure, le conservateur transmet les
dossiers relatifs aux demandes d’immatriculation au greffe du tribunal judiciaire.

B- La phase judiciaire de la procédure d’obtention du titre foncier

S’il n’existe pas d’opposition, le président du tribunal judiciaire compétent examine si la


demande est régulière et si toutes les formalités requises ont été observées. Il apprécie la
nature et l’étendue des divers droits réels dont l’immeuble est grevés, et s’il y a lieu,
l’ordonnance d’immatriculation. Dans ce cas, le conservateur procède à l’immatriculation
au vu de l’expédition de la décision d’immatriculation qui lui est communiquée par le greffe.
Il inscrit les droits réels existant sur l’immeuble tels qu’ils résultent de la décision de justice.

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SECTION 2 : LA DELIVRANCE DU TITRE FONCIER

On envisagera la physionomie du titre foncier (paragraphe 1) et ses caractères (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La physionomie du titre foncier

Le titre foncier comprend obligatoirement : la description de l’immeuble avec indication


de sa consistance, sa contenance, sa situation, ses limites, ses tenants et aboutissants ;
l’indication de l’état civil du propriétaire ; les droits réels existant sur l’immeuble et les
charges qui le grèvent ; un numéro d’ordre et un nom particulier ; le plan de l’immeuble
annexé et dûment signé par un géomètre assermenté.
Lorsque le titre foncier est établi au nom d’un mineur ou toute autre incapable, l’âge du
mineur ou la nature de l’incapacité doivent être indiqués sur le titre foncier. Seul le
propriétaire a droit au duplicatum nominatif du titre foncier et d’un plan annexé, c’est-à-dire
la copie originale du titre foncier.
Lorsque plusieurs personnes sont propriétaires indivis du terrain, le titre foncier, son
Duplicatum et le plan annexé portent les noms des indivisaires. Mais le duplicatum est délivré
au propriétaire qui est en tête de liste. Les autres propriétaires n’ont droit sur leur demande
qu’à des copies certifiées conformes.

Paragraphes 2 : Les caractères du titre foncier

L’article 61 de la loi n° 3/2012 précitée dispose : « le titre de propriété [titre foncier] est
définitif, irrévocable, imprescriptible et inattaquable. Il forme le point de départ des droits
réels et des charges foncières existant sur l’immeuble, au moment de l’immatriculation, à
l’exclusion de tout autre droit non inscrit ».

En principe en application de cet article, le titre foncier ou titre de propriété ne peut en


aucun cas être annulé, ni par la voie administrative, ni par la voie juridictionnelle. Sa validité,
ses effets et les droits qu’il confère sont intemporels et immuables. Ils ne peuvent pas
s’éteindre avec le temps. Ces caractères lui confèrent une force probante en principe, absolue.

Le titre foncier est définitif signifie qu’il marque la fin de la procédure


d’immatriculation.

Dès lors qu’il est délivré, on n’attend rien d’autre pour être déclaré propriétaire. C’est
l’acte constitutif du droit de propriété immobilière au Gabon.

Le titre foncier est inattaquable veut dire qu’à partir de la date de sa délivrance, aucun
droit réel, aucune cause de résolution (comme l’inexactitude des mentions portées) invoquée
par les propriétaires antérieurs ne peuvent plus être opposés au propriétaire actuel ou à ses
ayants cause. Tout ce que les éventuels contestataires peuvent faire, est, en cas de dol,
d’engager une action en indemnité devant le juge judiciaire contre le responsable du
dommage.

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Le titre foncier est irrévocable signifie que dès qu’il est établi et délivré, on ne peut plus
ni ajouter, ni retrancher les mentions qu’il contient. L’irrévocabilité signifie aussi que la force
probante que la loi attache au titre foncier ainsi qu’aux énonciations qui le composent est
absolue, l’immatriculation d’un immeuble emporte fixation définitive de son étendue, ses
limites et son propriétaire.

Mais le titre foncier quand il est irrégulier peut faire l’objet d’un retrait, d’une nullité ou
s’il
y a eu erreur, être soumis à la procédure de rectification. Cela traduit l’idée simple selon
laquelle le poids de l’immatriculation d’un terrain est relatif à cause de la diversité de
contentieux du titre foncier.

SECTION 3 : LE CONTENTIEUX DU TITRE FONCIER

Malgré sa force probante en principe absolue (l’absolutisme du titre foncier), le titre


foncier peut donner lieu à contentieux qui se dérouler soit devant l’administration (paragraphe
1), soit devant le juge (paragraphe 2), dans plusieurs hypothèses.

Paragraphe 1 : Le contentieux du titre foncier devant l’administration

La loi gabonaise n’a prévu que trois hypothèses donnant lieu au contentieux du titre
foncier devant l’administration : l’annulation, la rectification et par le conservateur foncier.
En effet, pour l’annulation, l’article 54 de la loi n° 3/2012 précitée dispose que : « lorsque le
conservateur établit un nouveau titre de propriété, il annule le précédant en apposant une
griffe d’annulation et le timbre de la conservation sur toutes les pages de celui-ci. Il annule de
la même façon la copie et la conserve dans les archives ».

Pour la rectification du titre foncier par le notaire, l’article 101 de la loi n° 3/2012
précitée prévoit : « lorsque des omissions, des erreurs ou des irrégularités ont été commises
dans le titre foncier ou les mentions subséquentes y relatées, les parties peuvent en demander
la rectification.

Le conservateur peut toujours rectifier d’office les irrégularités, omissions ou erreurs


constatées dans les titres ou qui proviennent des documents et spécialement des plans ayant
servi à l’établissement du titre ou à toutes mentions subséquentes. Ces rectifications sont
notifiées, le cas échéant, au porteur du duplicata du titre avec sommation d’apporter ce
duplicata pour sa mise en concordance avec le titre ».

En revanche, le droit camerounais a prévu en plus de la rectification par l’administration,


l’hypothèse du retrait du titre foncier. Ainsi, aux termes de l’article 2 al. 3 (nouveau) du
décret de 2005 sur la procédure d’obtention du titre foncier, « le Ministre chargé des affaires
foncières peut, en cas de faute de l’administration, résultant notamment d’une irrégularité
commise au cours de la procédure d’obtention du titre foncier, et au vu des actes
authentiques produits, procéder au retrait du titre foncier irrégulièrement délivré ».

12
On comprend dès lors que le retrait intervient en cas de faute de l’administration résultant
d’une irrégularité commise au cours de la procédure d’obtention du titre foncier. Les cas
d’irrégularité sont nombreux. Il peut s’agir de la violation des articles 11 à 21 du décret
de2005 : absence de publicité, absence de bornage, mauvaise fixation des limites du terrain
parle cadastre (voir Affaire TOHOUO Defosso M / Etat du Cameroun, CS, Assemblée
Plénière, arrêt du 28 mars 1985).
L’alinéa 5 du même article prévoit également le retrait du titre foncier en cas de fraude du
bénéficiaire. Il y a fraude lorsque le titre foncier est obtenu à l’aide de fausses pièces. Celui
qui conteste un titre foncier et exige son retrait doit adresser son recours au Ministre chargé
des domaines. S’il n’est pas d’accord avec la décision du Ministre, il peut attaquer celle-ci
devant la juridiction administrative dans les délais du recours contentieux.
Le retrait du titre foncier délivré entraîne la mutation sans frais dudit titre au nom du
propriétaire initial, s’il s’agit d’un immeuble immatriculé. L’immeuble est remis au même et
semblable état où il se trouvait avant la délivrance du titre, s’il s’agit d’un immeuble non
immatriculé. Ce dernier effet ressemble à celui de la nullité du titre foncier.

Paragraphe 2 : Le contentieux du titre foncier devant le juge

Le législateur gabonais a visé seulement l’action en responsabilité notamment pour dol.


L’article 63 de la loi de 2012 précitée dispose : « aucun recours ne peut être exercé sur
l’immeuble à raison d’un droit réel par suite d’une immatriculation.
Toutefois, tout intéressé peut exercer une action en responsabilité contre la personne qui
aurait établi ou fait établir un titre foncier en usant du dol, de moyens illicites ou frauduleux,
sans préjudice, le cas échéant, de l’exercice de la procédure d’inscription de faux ».

Il y a dol foncier lorsque par des manœuvres, machinations, attitudes malhonnêtes, le


demandeur dans une procédure d’obtention du titre foncier parvient à surprendre
l’administration en lui cachant les droits réels ou les charges existant sur l’immeuble ou en
l’emmenant à croire faussement à des droits existants. On parle des manœuvres dolosives en
vue d’obtention du titre foncier.

Le dol doit être prouvé, c’est-à-dire que la victime doit prouver qu’elle est titulaire du
droit réel perdu du fait de l’immatriculation, ou qu’elle a ignoré l’existence de la procédure
d’immatriculation achevée, ou s’y est vraiment opposée. La juridiction compétente est la
juridiction judiciaire (civile) du lieu de situation de l’immeuble.
De même un recours est possible en cas de perte du titre foncier. L’article 91 de la loi
précitée dispose que : « en cas de perte ou de destruction de la copie d’un titre de propriété, le
conservateur en délivre une nouvelle à la requête du titulaire et annule le précédant. Toutefois,
les ayant-cause ou les ayant-droit peuvent solliciter la délivrance d’une copie d’un titre de
propriété au vu d’une nouvelle ordonnance du président du tribunal judiciaire compétent ».
C’est également une hypothèse prévue en droit foncier camerounais. En cas de perte du
duplicatum du titre foncier, le conservateur foncier ne peut en délivrer un nouveau qu’au vu
d’une ordonnance du président du tribunal civil du lieu de situation de l’immeuble, rendue à
la requête du propriétaire. L’ordonnance déclare nul et sans valeur entre les mains de tout

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détenteur, le duplicatum perdu. Un avis est publié dans ce sens au Bulletin des avis
domaniaux et fonciers, à la diligence du conservateur foncier.

CHAPITRE II : LA PUBLICITE FONCIERE

La publicité foncière consiste en une publication de tous les droits existants sur
l’immeuble et de leur modification sur des registres spéciaux tenus à la disposition du public.
Elle a deux buts principaux : d’une part, elle tend à la sécurité de l’acquéreur ; d’autre part,
elle cherche la sécurité du commerce juridique immobilier puisque c’est elle qui permet à
l’acquéreur d’être en mesure de savoir si l’immeuble à acheter est hypothéqué ainsi que le
montant des créances garanties.
L’efficacité de la publicité foncière repose sur l’établissement des documents propres à
renseigner avec autant de clarté, de rapidité que de précision, toute personne intéressée. C’est
pour cela qu’il y a des règles établies grâce auxquelles la publicité foncière peut normalement
fonctionner. On étudiera d’abord l’institution publique qu’est la conservation foncière (section
1), ensuite le mécanisme de la publicité foncière (section 2), et enfin les effets de la publicité
foncière (section 3).

SECTION 1 : LA CONSERVATION FONCIERE

L’organisation et le rôle de la conservation foncière au Gabon méritent une attention


(paragraphe 1), ainsi que le statut du conservateur foncier (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’organisation et le rôle de la conservation foncière au Gabon

La conservation de la propriété foncière et des hypothèques encore appelée « conservation


foncière », est une administration dans laquelle sont déposés les actes portant sur les droits
réels immobiliers ainsi que certains actes générateurs de droits personnels dont un immeuble
est indirectement l’objet en vue d’en assurer la publicité. Il est institué au Gabon dans chaque
chef-lieu de province une conservation de la propriété foncière et des hypothèques. Mais à
l’exception des autres provinces, la province de l’Estuaire comprend deux conservations
foncières : celle de la ville de Libreville avec juridiction sur le Département du Komo-
Mondah, et la conservation foncière des autres départements.
La conservation foncière est un service public déconcentré avec autonomie de gestion,
placé sous la tutelle du Ministre chargé de l’économie. Elle placée sous l’autorité d’un
conservateur foncier, nommé par décret pris en conseil des ministres sur proposition du
ministre responsable, parmi les agents publics de la première catégorie ou les cadres du
secteur privé de niveau équivalent, tous ayant exercé pendant au moins dix ans des fonctions
de responsabilités dans la spécialité de la conservation foncière.

14
La conservation foncière est chargée :

- De la tenue du registre foncier ;


- De l’exécution des formalités et des procédures prescrites pour l’immatriculation des
immeubles ;
- De l’inscription d’actes ou décisions concernant les immeubles.

Paragraphe 2 : Le statut du conservateur foncier

Le conservateur est un agent public ayant qualité d’officier ministériel. Avant toute prise de
service, il prête serment devant le tribunal de première instance de son ressort. Après cela, il
est tenu de constituer un dépôt à titre de cautionnement dont le montant est fixé par arrêté du
Ministre chargé de l’économie.

Dans l’exercice de ses fonctions, le conservateur n’est soumis qu’à l’autorité de la loi. A ce
titre, il jouit d’une indépendance morale et matérielle en rapport avec l’étendue de sa
responsabilité personnelle et bénéficie d’un régime spécial de rémunération fixé par voie
règlementaire. Le conservateur est garant de la sécurité des transactions immobilières. C’est
pourquoi les registres qu’il tient et les états qu’il délivre sont des actes authentiques.

Sous peine de sanctions pénales ou civiles, le conservateur est tenu de se conformer dans
l’exercice de ses fonctions, à toutes les dispositions en vigueur régissant sa charge. Il engage
sa responsabilité personnelle dans les actes qu’il prend et les formalités qu’il accomplit. Mais
l’Etat reste toutefois civilement responsable des faits dommageables non imputables à la
responsabilité personnelle du conservateur. De manière générale, le conservateur est
responsable personnellement des préjudices résultant notamment :

- De l’omission sur les registres d’une inscription, mention, pré-notation ou radiation


régulièrement demandée ;
- De l’omission sur les état ou certificats, délivrés et signés par lui, d’une ou plusieurs
inscriptions, mentions, pré-notation ou radiation portées sur le titre foncier à moins
qu’il ne soit exactement conforme aux réquisitions des parties ou que l’omission
provienne de désignations insuffisantes ne pouvant lui être imputées ;
- Des irrégularités et nullités des inscriptions, mentions, pré-notation ou radiation
portées au livre foncier.

SECTION 2 : LE MECANISME DE LA PUBLICITE FONCIERE

Le mécanisme de la publicité foncière consiste à inscrire des droits existants (paragraphe 1),
mais également des droits à venir (paragraphe 2), afin de les rendre opposables aux tiers.

Paragraphe 1 : L’inscription des droits existants dans le livre foncier

Aux termes de l’article 64 de la loi n° 3/2012 précitée, « tous faits et conventions entre vifs,
à titre gratuit ou titre onéreux, tous procès-verbaux de saisie immobilière, tous jugements
passés en force de chose jugée, ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer ou
éteindre un droit réel immobilier, tous baux d’immeubles excédant trois années doivent être

15
rendus publics par une inscription au livre foncier ». Cette inscription doit intervenir sous
peine d’amende civile, dans les trois mois de la date des actes ou décisions énumérées.

Le conservateur tient un livre foncier composé des registres et fichiers suivants :

- Le registre des dépôts ;


- Le registre des formalités préalables à l’immatriculation ;
- Le registre des oppositions à l’immatriculation ;
- Le registre des titres de propriété ;
- Le registre alphabétique des titulaires de droits réels et des baux inscrits ;
- Un fichier alphabétique des propriétaires ;
- Un fichier des titres de propriété.
Mais le livre foncier peut également être dématérialisé.

Toute personne requérant une inscription doit déposer entre les mains du conservateur
foncier, un bordereau contenant :

- La désignation, par le numéro du titre foncier, de l’immeuble qui doit être affecté par
l’inscription ;
- L’indication de la nature du droit à inscrire ;
- L’indication du mode d’acquisition et celle de la nature et de la date de l’acte qui le
constate ;
- L’indication de l’état civil du bénéficiaire de l’inscription à opérer ;
- L’indication, s’il y a lieu, des causes de résolution, restriction, au droit de disposer ou
mention spéciale dont l’inscription est requise en même temps que celle du droit
principal, le tout avec indication de l’état civil des bénéficiaires.

Dès réception du bordereau, le conservateur vérifie, sous sa responsabilité, l’identité et la


capacité du disposant, ainsi que la régularité, tant en la forme qu’au fond, des pièces produites
à l’appui de la réquisition. Toute inscription au livre foncier s’opère au moyen d’énonciations
sommaires. Elle est datée et porte la signature du conservateur, à peine de nullité. Lorsque les
réquisitions concernant le même immeuble sont présentées en même temps, le conservateur
en fait la mention au registre de dépôt et les droits sont inscrits en concurrence. L’inscription
des droits des incapables est faite à la requête des parents, du curateur, des subrogés tuteurs ou
à défaut, du mandataire familial, du Procureur de la République ou des autorités consulaires.

Paragraphe 2 : L’inscription des droits à venir dans le livre foncier

Lorsqu’un droit soumis à la publicité est constitué sur l’immeuble au cours de la procédure
d’immatriculation, il est loisible au bénéficiaire, pour prendre rang et rendre ledit droit
opposable aux tiers, d’effectuer à la conservation foncière le dépôt des pièces requises pour
l’inscription. Ce dépôt est mentionné au registre des oppositions et, au jour de
l’immatriculation, si l’événement de la procédure le permet, le droit est inscrit sur le titre
foncier au rang qui lui est assigné par le précédent enregistrement.

De même, quiconque prétend à un droit sur un immeuble immatriculé peut requérir une pré-
notation pour la conservation provisoire de ce droit. La pré-notation est une institution qui

16
permet de protéger des droits qui seraient en péril ou menacés s’ils demeuraient occultes.
C’est le cas d’une vente d’immeuble sous seing privé, l’acheteur, devenu titulaire du droit réel
(droit de propriété) peut afin de se protéger contre le vendeur récalcitrant qui risque de vendre
à un second acquéreur, parce qu’il est demeuré propriétaire aux yeux des tiers, créer une
entrave au droit de disposer du titulaire (vendeur) : on dit que l’acheteur a procédé à une pré-
notation. L’acte authentique, publié ultérieurement sera censé avoir été publié et être devenu
opposable aux tiers, à la date de la pré-notation. Le terme pré-notation signifie qu’il s’agit
d’une anticipation sur la publication ultérieure.

En droit gabonais, hors mis les cas où la pré-notation est requise en vertu d’un titre, la
réquisition d’une pré-notation doit être appuyée soit d’un extrait de la demande introduite en
justice, en vue de la reconnaissance du droit, soit d’une ordonnance rendue par le président du
tribunal judiciaire de première instance du lieu de situation de l’immeuble. La date de la pré-
notation fixe le rang de l’inscription ultérieure du droit.

SECTION 3 : LES EFFETS DE LA PUBLICITE FONCIERE

S’agissant des effets, le principe est que l’acte authentique publié le premier est opposable
à ceux publiés postérieurement sur le même immeuble par le même auteur. La publicité
foncière rend opposable aux tiers, l’existence d’un droit réel inscrit, et permet à son titulaire
d’en disposer à son gré. Seuls les droits réels publiés sont opposables aux tiers.
L’ordre d’inscription dans le livre foncier détermine l’ordre de préférence, car bien
qu’aucun délai n’ait été prévu pour l’inscription d’un droit après la délivrance du titre foncier,
toute personne qui, par ignorance ou par négligence, tarde à inscrire son droit, court le risque
de se voir primer par l’inscription d’une autre personne qui a obtenu son droit postérieurement
au premier intervenant.
Ainsi, tout droit réel relatif à un immeuble immatriculé n’existe, à l’égard des tiers, que par le
fait et le jour de son inscription sur le titre par le conservateur. L’annulation de cette
inscription ne peut, en aucun cas, être opposée aux tiers de bonne foi.
De même, les actes volontaires et les conventions tendant à constituer, transmettre,
déclarer, modifier ou éteindre un droit réel ne produisent effet, même entre les parties, qu’à
dater de l’inscription, sans préjudice des droits et actions réciproques des parties pour
l’inexécution de leurs conventions.
Par ailleurs, les baux qui n’ont pas été rendus publics par une inscription sur le livre
foncier ne sont pas opposables aux tiers pour toute la durée dépassant trois ans calculée à
partir de la date de l’acte ou de la convention.

17
DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU SOL AU GABON

Le Gabon est un pays sous-développé qui dispose d’immenses étendues de terres peu ou pas
occupées. Ces terres sont réparties par l’Etat. Les principes de répartition de ces terres
constituent la domanialité. L’Etat est le gardien de toutes les terres. Il peut à ce titre intervenir en
vue d’en assurer un usage rationnel, ou pour tenir compte des impératifs de la défense ou des
options économiques de la nation, nécessaires pour son développement. La volonté de l’Etat
gabonais a toujours été d’assurer seul, la gestion du sol en vue d’atteindre ses objectifs de
développement économique. Pour cela, il a recouru à une extension de la notion de domanialité
afin de restreindre le champ d’application des droits traditionnels et se donner les moyens légaux
pour ne pas manquer de terres.

Ainsi, sous la houlette de l’Etat dans son rôle de gérant des terres, le régime foncier est mis
au service du développement et de l’aménagement. La place que devrait occuper l’agriculture
dans l’économie gabonaise et la forte demande en terrains à bâtir dans les grandes villes, posant
indubitablement le problème de la disposition des sols, l’Etat va alors procéder à une redéfinition
de ce statut, susceptible de favoriser le développement agricole et l’aménagement urbain. A la
suite de l’Etat colonial, l’Etat indépendant s’est fait propriétaire foncier ou plus précisément
maître des terres et ensuite distributeur de celles-ci en vue de leur utilisation efficiente pour le
développement. Naturellement, la finalité assignée à la terre suppose que l’Etat contrôle ce qu’en
font les attributaires et les dépossède si les impératifs du développement l’exigent.

Cependant, en dépit de toute les prérogatives foncières exceptionnelles qu’il détient, l’Etat se
heurte à des « barrières foncières et s’avère par conséquent incapable de réguler le marché
foncier. Il s’est parfois montré incapable d’assurer le respect de la légalité foncière face à des
résistances populaires revendiquant les droits fonciers coutumiers. En effet, l’immatriculation
adoptée par le Gabon comme régime le mieux à même de faire participer les terres au
développement, se trouve déstabilisée et précarisée dans la pratique par la force de la tenure
coutumière. Les espaces urbains et surtout périurbains au Gabon font l’objet par des tiers
« d’occupations spontanées » ou « d’occupation en qualité de squatters ». Des individus ou des
communautés, sans titre juridique, accaparent les emprises domaniales et s’y installent
d’autorité, et parfois se passent pour des promoteurs fonciers ou immobiliers, substituant ainsi à
la légalité foncière et urbanistique, une sorte de « droit urbain populaire » dont ils sont les
principaux législateurs. Il en va de même en milieu rural. Il faut reconnaître que les occupations
illégales des sols constituent souvent les seules possibilités pour une importante partie de la
population, soit de se livrer à l’agriculture, soit de se procurer un toit. Ces illégalités viennent
suppléer la carence de l’appareil de l’Etat dans la mise à disposition des terrains à bâtir ou des
terres propres à l’agriculture.

La division des terres (domaine national) par l’Etat en domaine public et en domaine privé
nécessite donc de la part de l’Etat gabonais une amélioration afin de satisfaire à ses objectifs de
développement.

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On examinera d’une part, la gestion du domaine public (chapitre 1), et d’autre part la gestion
du domaine privé de l’Etat (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA GESTION DU DOMAINE PUBLIC

Pour la clarté de l’exposé, il convient de préciser d’abord la consistance du domaine public


de l’Etat, eu égard à l’évolution de la législation en la matière (section 1), avant la présentation
des modalités de gestion proprement dite (section 2).

SECTION 1 : LA CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC

Le domaine public est une partie du domaine national, entendu comme l’ensemble de toutes
les terres gabonaises placées sous l’autorité et la gestion de l’Etat. Le domaine national est à cet
effet, l’ensemble de tous les biens et les droits mobiliers qui appartiennent à l’Etat. Cependant, il
convient de relever qu’avec l’évolution de l’assiette constitutive du domaine public, on distingue
désormais le domaine public « ordinaire », du domaine public maritime dont la consistance
mérite d’être indiquée.

Paragraphe 1 : La consistance du domaine public « ordinaire »

Son contenu est fixé par l’article 2 de la loi n° 14/63 du 8 Mai 1963 fixant la composition du
domaine de l’Etat et les règles qui en déterminent les modes de gestion. Cet article dispose :
« sont considérées comme dépendance du domaine public national ceux des biens [appartenant à
l’Etat] qui sont laissés ou mis à la disposition du public, ou qui ont été affectés à un service
public, à condition qu’ils soient par nature ou aménagements appropriés, essentiellement adaptés
au but particulier de ce service ».

Il serait fastidieux d’énumérer tous les éléments de son contenu ici. Toutefois, il convient de
retenir que le domaine public est constitué de biens meubles et immeubles, qui par nature ou par
destination, sont affectés soit à l’usage direct du public, soit au service du public.

Globalement, le domaine public se divise en domaine public naturel (A) et en domaine public
artificiel (B).

A- Le domaine public naturel

Il comprend le domaine public terrestre et aérien (ex : le sous-sol et l’espace atmosphérique


situé au-dessus du territoire de l’Etat et de la mer territoriale). On peut aussi y ajouter le domaine
public fluvial, notamment les bordures de fleuves ainsi que les marécages.

B- Le domaine public artificiel

Il est composé des routes, des autoroutes, des ports, des chemins de fer, des cimetières, des
marchés, des monuments et édifices créés et entretenus par l’Etat et dans une certaine mesure les
concessions de chefferies traditionnelles et les biens qui s’y rapportent. Par ailleurs, il convient
de noter que les biens du domaine privé de l’Etat peuvent être incorporés au domaine public
national. Cela est possible et autorisé par le Ministère des finances lorsque la valeur des biens à
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incorporer n’excède pas 5 millions de franc. Elle peut être autorisée par décret en conseil des
ministres pour un montant supérieur.

Paragraphe 2 : La consistance du domaine public maritime

Aux termes de l’article 4 de la loi n° 4/2013 du 14 Aout 2013 complétant certaines


dispositions de la loi n° 14/ 1963 du 8 mai 1963 fixant la composition du domaine de l’Etat et
des règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation, « le domaine public maritime
recouvre une zone allant des plus hautes eaux jusqu’à la limite de la zone économique
exclusive ». Ainsi, le domaine public maritime comprend d’une part le domaine public maritime
naturel et le domaine public maritime artificiel.

Le domaine public maritime naturel se compose de rivage de la mer qui est la partie du sol
alternativement couverte et découverte par les eaux de la mer : c’est la zone de balancement des
marées ; le sol et le sous-sol de la mer, la zone exclusive ; la mer territoriale ; les étangs salés ;
les lais de mer qui sont des terrains formés d’alluvions, cailloux, sables et graviers déposés sur le
rivage et qui émergent au-dessus du plus haut flot ; les relais qui sont des terrains que la mer
laisse à découvert en se retirant et ne sont plus couverts par les hautes eaux ; enfin les terrains
classés comme tels par l’Etat en bordure de mer (article 5 de la loi de 2013).

Le domaine public maritime artificiel se compose des ports maritimes ; des dépendances des
ports maritimes ; des terrains artificiellement soustraits et les ouvrages liés à la navigation
maritime.

SECTION 2 : LA GESTION PROPREMENT DITE DU DOMAINE PUBLIC

On distinguera la gestion du domaine public « ordinaire » (paragraphe 1), de celle du domaine


public maritime (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La gestion du domaine public « ordinaire »

Les biens meubles et immeubles du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et


certainement insaisissables. Ils sont insusceptibles d’appropriation privée. Aucune personne
morale ou physique de droit privé ne peut prétendre acquérir ou détenir un droit de propriété sur
un bien du domaine public. La seule possibilité pour des particuliers d’avoir une emprise sur le
domaine public est d’obtenir de l’administration un permis d’occupation temporaire.

En effet, les autorités chargées de la gestion du domaine public national peuvent autoriser les
occupations temporaires et le stationnement sur les dépendances du domaine public dont elles
assurent la garde, et effectuer tous actes d’administration de ce domaine. Dès lors, nul ne peut
sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public
national ou l’utiliser dans les limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous.

Les permis d’occupation temporaire du domaine public peuvent être accordés dans les
formes et conditions déterminées par le décret pris sur rapport du Ministre des finances.

Par ailleurs, les occupants et les exploitants de bonne foi qui détiennent sur les dépendances
du domaine public des droits, ne peuvent être dépossédés que si l’intérêt général l’exige et

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moyennant une indemnisation calculée comme en matière d’expropriation. De même, doivent
être indemnisés comme en matière d’expropriation, les propriétaires des clôtures, des murs, des
plantations démolis ou enlevés en vue d’établir des servitudes de passage, d’implantation et de
circulation nécessaires à l’établissement et à l’exploitation des lignes télégraphiques, des
conducteurs d’énergie et des conduites d’eau classées dans le domaine public.

Paragraphe 2 : La gestion du domaine public maritime

La gestion du domaine public maritime se fait soit par l’autorisation d’occupation, soit par la
concession d’occupation.

L’autorisation d’occuper peut se faire sous forme d’autorisation temporaire accordée pour
des installations sans emprise ou faible emprise sur le sol. Elle donne lieu à la perception par
l’Etat d’une redevance d’occupation.

La concession d’occupation peut être perçue comme l’autorisation d’exercer une activité
ou le fait de concéder à un particulier un terrain sur le domaine public maritime de façon
définitive ou temporaire. En effet, les concessions d’occupation du domaine public maritime ne
peuvent être accordées que pour des besoins différents à la navigation ou en vue de l’édification
des structures spécifiques en mer ou sur les terrains gagnés sur la mer, de l’établissement
d’installations commerciales ou privées pour lesquelles la mer ou son rivage sont nécessaires.
Ces concessions sont accordées par Décret pris en conseil des Ministres sur proposition du
Ministre chargé de la gestion du domaine public maritime.

Cependant, les concessions d’utilisation ne confèrent pas de droits réels au profit du


concessionnaire. Les terrains exondes restent dans le domaine public maritime. L’Etat peut
également selon les cas, accorder des concessions d’outillage public de plage, de ports de
plaisance ou d’endigage. Tout ceci induit la mainmise de l’Etat sur toutes les questions relatives
au sol dans l’optique de son développement. La gestion particulière du domaine privé confirmera
cette affirmation.

CHAPITRE 2 : LA GESTION DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT

Le domaine privé constitue pour l’Etat gabonais, une réserve foncière sur laquelle la plupart
des projets gouvernementaux prend corps. On comprend pourquoi divers ministères et
administrations publiques se partagent la gestion. Il convient de préciser d’abord la consistance
du domaine privé de l’Etat (section 1), avant d’envisager sa gestion proprement dite (section 2).

SECTION 1 : LA CONSISTANCE DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT

Hormis tous les biens et droits mobiliers qui appartiennent à l’Etat, le domaine privé est
composé des terres qui ne sont pas appropriées selon le régime de l’immatriculation ou qui n’ont
pas été concédées à titre définitif. Il s’agit en effet des immeubles et des droits immobiliers
acquis par l’achat, les dons et legs effectués à l’Etat, les successions en déshérence, ainsi que
l’appropriation des biens vacants et sans maîtres.

21
Les acquisitions d’immeubles et de droits immobiliers d’une valeur totale égale ou supérieur à
5 millions de francs poursuivies par voies amiable par l’Etat, par les établissements publics
nationaux ou leurs concessionnaires, ainsi que les tranches d’acquisition d’un montant inférieur
mais faisant partie d’une opération d’ensemble portant sur des immeubles ou des droits
immobiliers d’une valeur supérieure à cette somme, ne peuvent être réalisées qu’après avis du
Service des Domaines sur le prix. Il en est de même pour les acquisitions de même nature d’une
valeur totale égale ou supérieure à 5 millions de francs, poursuivies par les mêmes personnes au
moyen de la procédure d’expropriation.

Pour les dons et legs fait à l’Etat, les établissements publics autres que les hospices et les
hôpitaux acceptent et refusent, sans autorisation de l’administration supérieure, les dons et legs
qui leur sont faits sans charge, conditions ni affectation immobilière.

Concernant les successions en déshérence, les droits les droits des personnes qui décèdent
sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l’Etat, à moins qu’il ne
soit disposé de ces biens par les lois particulières.

Enfin, les biens vacants et sans maîtres appartiennent à l’Etat. Ainsi, sont définitivement
acquis à l’Etat :

- Le montant des coupons, intérêts ou dividendes atteints par la prescription quinquennale


ou conventionnelle et afférents à des actions, parts de fondateur ou obligations
négociables émises par toute société commerciale ou civile ou par toute collectivité
publique ou privée ;

- Les actions, parts de fondateurs, obligations et autres valeurs mobilières des mêmes
collectivités lorsqu’elles sont atteintes par la prescription trentenaire ou conventionnelle ;

- Les dépôts de sommes d’argent et, d’une manière générale tous avoirs en espèce dans les
banques eu dépôt ou en compte courant, lorsque ces dépôts en avoirs n’ont fait l’objet de
la part des ayant droits d’aucune opération ou réclamation depuis trente années ;

- Les dépôts de titres et, d’une manière générale tous avoirs ou titres dans les banques et
autres établissements qui reçoivent des titres en dépôt, ou pour tout autre cause, lorsque
ces dépôts en avoirs n’ont fait l’objet de la part des ayant droits, d’aucune opération ou
réclamation depuis trente années.

SECTION 2 : LA GESTION PROPREMENT DITE DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT

Cette gestion est organisée par la loi n° 14/63 du 8 mai 1963 précitée, ainsi que des textes
particuliers. Il ressort de ces textes qu’en plus du bail, de l’échange et de l’affectation, le
principal mode de gestion du domaine privé de l’Etat est la concession. Si la concession reste
une opération permettant à l’Etat d’octroyer sous condition de mise en valeur des droits fonciers,
il convient de distinguer deux catégories de concessions : celles qui évoluent vers l’appropriation
priée et celles qui engendrent un bail ordinaire ou emphytéotique.

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Concernant la concession avec transfert de propriété, elle est octroyée, soit par
adjudication, soit de gré à gré à la suite d’une adjudication publique organisée soit par le
Gouverneur, le Maire ou le Préfet, après établissement d’un cahier de charges. Toutefois, la
concession peut résulter d’un acte de cession amiable.

Par ailleurs, la loi autorise la concession de gré à gré des immeubles immatriculés au
nom de l’Etat. Ces concessions se font en toute propriété avec inscription d’hypothèque en
garantie de l’exécution de l’obligation de lise en valeur et du paiement du prix. Le pétitionnaire
de la concession obtient une concession provisoire assortie d’un délai de mise en valeur de deux
ans prorogeable pour une durée d’un an.

L’acte de concession provisoire est un acte personnel qui confère l’usage du terrain concédé
au bénéficiaire et ne peut donner lieu de sa part, à aucun acte de cession ou de transfert de droits
sans autorisation tant qu’il n’a pas satisfait aux obligation imposées par le cahier de charges, et
principalement la mise en valeur du terrain, celui-ci lui étant concédé à titre définitif avec
transfert de propriété à la réquisition d’immatriculation. Cela signifie que la carence de mise en
valeur d’un terrain est une condition suspensive de la transformation de la concession provisoire
en concession définitive.

Pour le bail ordinaire, toute personne peut prendre à bail un terrain du domaine privé de
l’Etat. Le bail ordinaire confère au preneur un droit de jouissance pour une durée maximale de
18 ans. L’autorisation de conclure le bail est donnée par arrêté du Ministre chargé des finances.
Le bail est consenti avec l’obligation de mise en valeur du terrain. Lorsque le preneur ne respecte
pas certaines conditions (interdiction de sous-location, obligation pour le preneur de supporter
toutes les charges relatives à l’immeubles), le bail est résilié par l’Etat sans aucune indemnité
pour le, preneur. Après la notification de la résiliation, le preneur à bail a un délai maximum de
03 mois pour libérer le terrain sous peine d’expulsion. Toute sous-location est nulle. Le bail est
immédiatement résilié, l’expulsion du locataire et de ses sous-locataires s’effectue d’office.

Concernant le bail emphytéotique qui dure maximum 99 ans, il est possible sur un terrain
du domaine privé de l’Etat. Il est consenti pour une durée allant de 18 à 99 ans sous condition
résolutoire de mise en valeur dans un délai déterminé et aux conditions qui sont les mêmes
qu’en cas de bail ordinaire. A l’expiration du bail emphytéotique, l’Etat peut éventuellement
exercer son droit de préemption (en cas de vente, l’Etat doit d’abord être le premier à recevoir
l’offre) sur tous les aménagements, constructions et installations que comporte le terrain.

Si le bail est résilié par l’Etat pour une inexécution par le preneur de ses obligations, ce
dernier n’aura droit à aucune indemnité. Si le terrain était hypothéqué par le preneur, la
résiliation n’interviendra qu’après que l’Etat ait informé le bénéficiaire des intentions de
l’administration. Lorsque le contrat est résilié, l’emphytéote (le bénéficiaire du bail
emphytéotique) est tenu de libérer le terrain dans un délai de 03 mois à compter de la
notification, sous peine d’expulsion.

Les bénéficiaires des baux ordinaires ou emphytéotiques sur les terrains domaniaux doivent
confirmer leurs droits dans un délai d’un an à compter de la publication de l’arrêté l’autorisant à

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conclure le bail. Passé ce délai, si aucune demande de confirmation n’est déposée, le preneur est
considéré comme avoir renoncé au bail.

Au Gabon, le bail emphytéotique est très utilisé dans les zones industrielles et commerciales.
Les redevances annuelles étant assez modiques et la stabilité de la jouissance étant assurée par la
possibilité de renouvellement du bail, les investisseurs préfèrent de loin la concession avec bail
emphytéotique à l’achat de terrains qui nécessiterait la mobilisation d’importants capitaux.

Le bail emphytéotique étant subordonné sous condition résolutoire à la mise en valeur des
terrains loués selon les dispositions d’un cahier de charges, l’inexécution de celle-ci par le
locataire engendre la résiliation ou le droit de reprise de l’Etat.

Par ailleurs, l’affectation comme mode de gestion du domaine privé de l’Etat est envisagée
par les articles 35 et 67 de la loi de 1963. Mais ces textes n’organisent pas entièrement
l’affectation, en sorte que si son régime est connu, sa nature demeure incertaine.

L’affectation est un acte par lequel l’Etat met à la disposition d’un service public, une
dépendance de son domaine privé. Les articles 35 et 67 de la loi de 1963 ne déterminent pas de
manière claire les conditions à remplir par le service public demandeur pour bénéficier de
l’affectation. Toutefois, on peut déduire deux conditions :

- Un usage déterminé que l’on voudrait faire du terrain ;

- La mise en œuvre dudit usage.

Il s’agit là de deux points qui, en pratique permettront au Gouverneur, au Maire ou au Préfet


d’apprécier le programme à réaliser, lequel programme conditionne la suite à donner à la
demande. Mais l’on ne sait pas, puisque cela n’est pas précisé par les textes, si l’affectation est
une attribution définitive ou temporaire. L’on peut seulement remarquer que si elle une
attribution temporaire, les textes auraient précisé la durée maximale comme cela a été le cas pour
les baux ordinaires et emphytéotiques. Cependant, on constate aussi que si elle était une
attribution définitive, les textes auraient prévu la possibilité pour le service public demandeur de
se faire établir immédiatement un titre foncier sur la parcelle affectée. Car en droit gabonais, seul
le titre foncier confère le droit de propriété sur une parcelle de terre.

L’on peut donc affirmer que l’affectation se situe à mi-chemin entre une attribution
temporaire et une attribution définitive. Ce qui signifie que sa nature juridique est encore à
déterminer.

L’affectation est décidée et notifiée par décret. Dès la notification, le service public intéressé
prend possession du terrain s’il est libre de toute occupation ; s’il est occupé, on procèdera au
déguerpissement des occupants. Le terrain ainsi obtenu doit être mis en valeur selon le
programme présenté lors de la procédure d’affectation, dans un délai de 02 ans. Le non-respect
de cette condition peut entraîner la désaffectation du terrain.

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CONCLUSION DU COURS

En Afrique de manière générale et au Gabon de façon spécifique, avant et après les


indépendances, une défiance se dégageait à l’encontre des droits fonciers coutumiers considérés
comme contraires à l’idéologie développementaliste. Pourtant, « la prise en compte des droits
coutumiers est un préalable à la mise au clair des choix de politique (législative) ». D’un autre
côté, l’exclusivité de l’immatriculation comme mode d’accession à la propriété foncière a montré
ses limites. L’exploration de nouvelles pistes s’avère nécessaire. Aussi, en plus de la prise en
compte des droits fonciers coutumiers, l’aménagement des modes d’acquisition de la propriété
méritent réflexion.

THEMES D’EXPOSES

1- La réforme foncière et le développement au Gabon


2- Les mirages de l’immatriculation foncière au Gabon
3- Le conservateur foncier au Gabon
4- La gestion du domaine public au Gabon
5- La gestion du domaine privé au Gabon

FIN DUN COURS

Pr. Siméon Patrice KOUAM

Agrégé de droit privé et de sciences criminelles

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