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LA COMPOSITION DE LA « LOGIQUE » DE PORT-ROYAL

Author(s): Antony McKenna


Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger , AVRIL-JUIN 1986, T. 176, No.
2, DESCARTES SPINOZA (AVRIL-JUIN 1986), pp. 183-206
Published by: Presses Universitaires de France

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41094031

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LA COMPOSITION DE LA « LOGIQUE »
DE PORT-ROYAL

Le dessein de la Logique « de Port-Royal » est né du travail


pédagogique des amis de Port- Royal : le « hasard », ou « l'espèce
de divertissement w1, qui a présidé à sa naissance a été favorisé pa
l'histoire des écoles de Port-Royal.
Depuis leur création en 1637 jusqu'à leur suppression définitive
en 1660, ces écoles ont connu une histoire mouvementée : à tout
moment le pouvoir politique a imposé, par l'envoi de ses commis-
saires, le déplacement et la dispersion des élèves2. Or, à partir
de 1652, un refuge sûr s'offrait aux amis du monastère : au châtea
de Vaumurier les visites du lieutenant civil n'étaient que de poli-
tesse. Le duc de Luynes y faisait élever son fils, le futur duc de
Ghevreuse, sous la direction des professeurs les plus prestigieux d
Port-Royal. L'élève y a certainement vu Antoine Arnauld, Pierre
Nicole, Claude Lancelot, Isaac Le Maître de Sacy et son frère
Antoine Le Maître ; M. Duchesne, ancien professeur du duc de
Luynes et de Jacques Maignart de Bernières, y résidait ordinaire-
ment3 ; Cosimo Brunetti, Jean Bernard, seigneur de Belair, et
Nicolas Richer y ont séjourné4. Le rôle joué par le château de
Vaumurier comme un des centres des écoles de Port-Royal semble
confirmé par le séjour qu'y fait Jean Racine après la dispersion

1. La Logique ou VArl de Penser..., éd. Clair et Girbal, Paris, 1965, Avis,


p. 13. - Toutes les références à la Logique concernent cette édition.
2. Cf. notre article, Les petites-écoles de P.-R., in Chroniques de P.-R.,
1976, et surtout Fr. Delforge, Les petites écoles de P.-R., Paris, 1985.
3. Supplément au Nécrologe, 1735, p. 43, 172 ; J. Besoigne, Hist, de l abbaye
de P.-R., Cologne-Paris, 1752-1753, IV, p. 130 ; Sainte-Beuve, Port-Royal,
Ed. Pléiade, I, p. 759.
4. Sur Brunetti et Belair, cf. J. Mesnard, Pascal et les Roannez, Pans, 1965,
et Studi Francesi, 1972 ; sur N. Richer, cf. G. Hermant, Mémoires..., éd. A. Gazier,
1905-1910, III, p. 499.
Revue philosophique, n° 2/1986

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de l'école des Granges en mars


a déjà servi de refuge aux solit
au cours des années suivantes
Méditations de Descartes, devait faire de Vaumurier un centre
d'expérimentation cartésienne sur les « animaux-machines »6. Ce
contexte était éminemment favorable à la naissance d'une Logique
d'inspiration cartésienne.
C'est au jeune duc de Chevreuse, qu'on nommait alors le mar-
quis d'Albert, que Pascal aurait adressé ses trois Discours sur la
Condition des Grands à la fin de l'année 1660 et au cours de
l'année 1661 7. En présentant ces Discours, Nicole souligne l'intérêt
que Pascal portait aux problèmes du préceptorat :

« Une des choses sur lesquelles Monsieur Pascal avait


plus de vues était l'instruction d'un Prince que l'on tâche-
rait d'élever à la manière la plus proportionnée à l'état
où Dieu l'appelle, et la plus propre pour le rendre capable
d'en remplir tous les devoirs et d'en éviter tous les dangers.
On lui a souvent ouï dire qu'il n'y avait rien à quoi il
désirât plus de contribuer, pourvu qu'il y fût bien engagé ;
et qu'il sacrifierait volontiers sa vie à une chose si
importante... »8.

L'opuscule De V Esprit géométrique est peut-être né d'un dessein


semblable9. L'intérêt des amis de Port-Royal pour le préceptorat
auprès des enfants de la noblesse d'épée est en effet attesté par
de nombreux exemples10 : on sait que cet intérêt connut un déve-

5. Cf. J. Orcibal, in RHLF, 1951. Dans la bibliothèque de Racine (Bonnefon,


p. 178, R. G. Knight, p. 170) on remarque les œuvres et le portrait de Descartes ;
son séjour chez le duc de Luynes explique peut-être cet intérêt inattendu pour
la philosophie. En effet, Racine devait étudier la philosophie au collège d'Har-
court en 1658-1660, mais ce n'est certainement pas dans ce collège qu'il décou-
vrit Descartes : dans le catalogue de la bibliothèque du collège d'Harcourt à
côté d'innombrables ouvrages d'Aristote, on ne trouve aucun texte cartésien :
Archives nat., MM, 453.
6. N. Fontaine, Mémoires..., éd. Cologne, 1753, III, p. 74 ; G. Delassault,
Le Maître de Sacy et son temps, Paris, 1957, p. 46. Voir les réflexions de Pascal
sur les animaux-machines, Laf. 111, 741, 738, 105, 112, et le témoignage de
Marguerite Périer, in J. Mesnard éd., Pascal, OC, I, p. 1105.
7. J. Mesnard, op. cit., 1965, p. 737.
8. P. Nicole, Essai de Morale (1670), éd. La Haye, 1688, II, p. 199.
9. Cf. éd. Schobinger, Basel, 1974, pp. 269-271 ; Pascal, OC, éd. J. Mesnard,
I, pp. 249-250.
10. Cf. notre article cité, n. 73 ; J. Mesnard, op. cit., 1965, pp. 726, 733, 740,
875-876 et notre compte rendu du livre de Fr. Delforge, in XVII* siècle,
1985, 148.

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La (y Logique » de Port-Royal 185

loppement considérable au moment des discussi


du Dauphin11.
C'est d'ailleurs Pascal qui, chronologiquement,
témoignage sur la part que prit Arnauld dans la
Logique :
« Voilà une belle occupation pour P. Arnauld que de
travailler à une Logique ! Les besoins de l'Eglise demandent
tout son travail »12.

Ce propos rapporté par le P. Guerrier permet d'interpréter


l'anecdote de YAvis de la Logique :
« Une personne de condition entretenant un jeune
Seigneur, qui dans un âge peu avancé faisait paraître
beaucoup de solidité et de pénétration d'esprit, lui dit
qu'étant jeune il avait trouvé un homme qui l'avait
rendu en quinze jours capable de répondre d'une partie
de la Logique. Ce discours donna occasion à une autre
personne qui était présente, et qui n'avait pas grande
estime de cette science, de répondre en riant que si Mon-
sieur... en voulait prendre la peine, on s'engagerait bien
de lui apprendre en quatre ou cinq jours tout ce qu'il y
avait d'utile dans la Logique. Cette proposition faite en
l'air ayant servi quelque temps d'entretien, on se résolut
d'en faire l'essai ; mais comme on ne jugea pas les Logiques
ordinaires assez courtes ni assez nettes, on eut la pensée
d'en faire un petit abrégé qui ne fût que pour lui... »13.

Arnauld serait donc le personnage central de cette première


anecdote concernant la composition de la Logique.
Les sympathies d'Arnauld pour la philosophie cartésienne sont
connues : déjà en 1640 il déclare au P. Mersenne, en lui envoyant
ses Objections aux Méditations de Descartes : « II y a longtemps que
vous savez en quelle estime j'ai sa personne, et le cas que je fais
de son esprit et de sa doctrine »14. A cette époque Arnauld profes-
sait un cours de philosophie au Collège du Mans à Paris, avant de
soumettre sa candidature à la Sorbonne16. Parmi ses élèves nous

11. J. Mesnard, op. cit., 1965, p. 740.


12. Pascal, OC, éd. J. Mesnard, I, p. 1157.
13. Logique, p. 13.
14. at, IX, p. 153 ; éd. Alquié, II, p. 632.
15. J. Besoigne, op. cit., 1752-1753, V, p. 3&U.

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trouvons M. David et Charles Wallon de Beaupuis. M. David


devint par la suite le précepteur d'un des fils de Mme de Saint-Ange,
après l'échec en 1642 de son préceptorat auprès de Luzancy, fils
d'Arnauld d'Andilly, à Port-Royal-des-Champs16. Wallon de Beau-
puis termina ses études de philosophie par un acte soutenu sous
la direction d'Arnauld et sous la présidence de M. Retard, curé
de Magny, grand ami de Port-Royal17 ; par la suite, pendant
l'été 1644, époque où Arnauld se cachait encore des suites de l'orage
de la Fréquente Communion, Wallon de Beaupuis fut envoyé par
Arnauld auprès de Descartes à Paris18 ; en 1647, l'ancien élève
d'Arnauld fut choisi comme le premier directeur de l'école établie
par les amis de Port-Royal dans la rue Saint-Dominique19. Nous
y voyons un indice de la sympathie que les professeurs des écoles
de Port-Royal éprouvaient pour la nouvelle philosophie20.
Une autre anecdote confirme le rapport entre la composition
de la Logique et l'histoire des écoles.
On sait que Pierre Nicole fut l'un des premiers maîtres de
l'école de la rue Saint-Dominique. Plus tard, il confiera à un ami
qu'il n'y exerçait guère que des activités de répétiteur :

« M. Nicole ne faisait que diriger les études des jeunes


gens qui étudiaient à Port-Royal. Les jeunes messieurs
étaient très portés d'eux-mêmes à l'étude ; ils n'avaient
besoin que d'être avertis des beaux endroits des auteurs
soit grecs soit latins. M. Nicole était pour leur inspirer le
goût. M. Nicole était plutôt pour leur servir de moniteur
que de maître, comme on conçoit ce nom aujourd'hui »21.

16. Cf. A. Barnes, Lettres inédites de Saint-Cyran, Paris, 1962, pp. 50-53 ;
notre article cité, n. 45.
17. (Abbé de La Croix), Vie de M. Ch. Wallon de Beaupuis, 1751.
18. A. Baillet, Vie de M. Descartes, Paris, 1691, II, t>. 129.
19. Notre article cité, p. 18, n. 62.
20. A ce propos, signalons une confusion possible entre Pierre Borei, pro-
fesseur aux écoles de P.-R., et Pierre Borei, auteur d'un Discours nouveau sur la
pluralité des mondes, Genève, 1656 (composé en 1648), où il se déclare disciple
de Montaigne. Ce sont deux personnages différents. - Sur le professeur, cf. bn,
f. fr. 6898, ffo 129 v<>-130 r°, et notre article cité, n. 113. - L'autre Pierre
Borei est aussi l'auteur d'un Vitae Cartesii Compendium (1653), Paris, 1656,
qui atteste ses contacts avec M. Etienne de Villebressieu, ami de Descartes. -
Cf. H. Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, Paris, 1972, pp. 58, 314, et
P. Chabbert, in RH Se, 1968.
21. Sainte-Beuve, Port-Royal, App., Ed. Pléiade, II, pp. 1064-1068 : « Récit
par M. Denys ou le P. Ru fin de l'Oratoire », Utrecht, Amersfoort, PR. 3217.4° ;
voir notre éd. in LIAS, 1979.

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La « Logique » de Port-Royal 187

Toutefois, l'abbé Beaubrun, biographe de N


un rôle important dans l'éducation de Le N
Nicole lui aurait fait le cours de Rhétorique :
a ... Ensuite il lui enseigna la philosophi
quant sur la Logique tout ce qui a été
public dans une autre occasion sous le t
Penser (en 1662), ce qu'il ne faisait pas en
cahiers mais dans de simples entretiens e
point qu'il ne se fût aperçu qu'il avait b
qu'il lui disait, ajoutant des exemples po
clair et intelligible »22.

Ce propos sera retenu par Goujet et par B


Tronchay, secrétaire et biographe de Le Nain de
ce témoignage en y ajoutant un détail inconnu
a ... Il (Tillemont) apprit... la Logique
Penser, que M. Nicole, auteur de ce liv
durant environ deux mois, une heure seu
On lui fit lire ensuite quelques ouvrages d
modernes, sur lesquels on lui faisait faire des

C'est aussi sous la direction de Nicole que T


Baronius25 ; l'élève passa ensuite à l'étude syst
ture sainte vers l'âge de dix-huit ans26. Selo
aurait donc été l'élève de Nicole vers 1653 ou 165427.
Un autre ami de Port-Royal était voisin de Tillemont lorsque
celui-ci vint à Paris en 1656 : Pontchâteau était allé au collège de
Clermont en 1642 et il avait été accompagné au pensionnat par son
précepteur particulier, le Dr Magnet. Quelques années plus tard
ils s'établissent dans une maison proche de Saint-Etienne-du-Mont :
l'élève suit alors les cours de philosophie de Rohault, un des pre-
miers disciples de Descartes. En 1653 Pontchâteau assiste à la

22. Beaubrun, Vie de M. Nicole, bn, f. fr. 13898, f° 12 r°-v° ; note marginale :
« M. Perrault, dans VEloge qu'il a fait de M. Arnauld, dit que ce célèbre docteur
y avait eu beaucoup de part. Il pouvait savoir cette circonstance par M. Nicole
dont il était ami et voisin alors ». - Voir aussi éd. J. Mesnard, I, p. 1157.
23. Goujet, Vie de M. Nicole, éd. Liège, 1767, pp. '¿8-29, 3b ; J. Besoigne,
op. cil., 1752-1753, V, pp. 229-230, 524.
24. M. Tronchay, Vie de M. Lenain de Tillemont, uoiogne, 1/11, pp. xró.
25. Ibid., p. 3.
26. Ibid., p. 4.
27. Tillemont est né en novembre 1637 ; cr. a. iNeveu, un nistonen a i ecoie
de P.-R..., La Haye, 1966.

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188 Antony McKenna

mort de son oncle l'archevêque


projet de voyage à Rome pour
des Postes ; quelques années plu
rue des Vignes, voisine de la ru
Marceau28. Il sera donc voisin de Tillemont et de Pierre Thomas
du Fossé lorsque ceux-ci viendront à Paris après la dispersion de
l'école des Granges.
On sait le rôle important que devaient jouer les conférences de
Rohault dans la diffusion de la nouvelle philosophie : Pontchâteau
y assista certainement ; quelques années plus tard, il donnera sa
bibliothèque à Arnauld, qui a dû y retrouver les principaux textes
des disciples de Descartes29.
Une note en marge du Recueil de choses diverses suggère un
rapport important entre les conférences de Rohault et la compo-
sition de la Logique :

« Logique de Port-Royal, M. Le Bon a rapporté beau-


coup de choses à ces Messieurs de M. Rohault et ils ont
fait leur Logique sur ses Mémoires en partie : d'où vient
qu'on Ta donné à M. Le Bon »30.

Ce témoignage doit être comparé avec une note de La Monnoye :


« M. Le Bon faisait autrefois ici la même chose que
M. l'abbé de la Vau à l'Académie. Je l'appelais toujours
l'Ami Lecteur. Il est vrai que peu de gens s'en acquittaient
mieux que lui, car c'est un talent que de savoir lire. Il
faisait aussi un récit d'une manière charmante et avec une
présence d'esprit inconcevable pour tous les faits. Il
n'était pas moins bon critique. Il est l'auteur de l'excel-
lent livre intitulé la Logique ou Y Art de Penser »81.

Dans sa correspondance La Monnoye soulève de nouveau la


question de l'attribution de la Logique à M. Le Bon :
« J'ai dit que M. Le Bon était l'auteur de l'excellent
livre intitulé la Logique ou YAH de Penser, et je l'ai dit
sur la foi de Richelet qui cite ce livre en divers endroits

28. Cf. B. Neveu, S.-J. du Camboutde Pontchâteau..., Paris, 1969 ; P. Thomas


du Fossé, Mémoires..., Utrecht, 1739, I, p. 134 : éd. Bouquet. I. p. 256.
29. Utrecht, Amersfoort, Pr. 1743, pièce 4 ; - sur Rohault, cf. P. Mouy,
Le développement de la physique cartésienne, Paris, 1934.
¿u. BN, i. ir. n.a. 4333, Io 347 r° ; ci. U. (iriselle, in RHLF, 1916, p. 232.
31. Ménagianat Paris, 1715, III, pp. 267-268.

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La « Logique » de Port-Royal 189

de son Dictionnaire, tantôt sous le titr


M. Le Bon, tantôt sous celui de Logique
Voyez-le aux mots « Dialectique », « Logique
A son exemple Baillet, tome I de ses Jugem
cite plus d'une fois M. Le Bon dans ses Dis
de Penser. Il est vrai que le même Baillet
auteurs déguisés, p. 536, dit que par le
faut entendre Antoine Arnauld et Pierre
tement ; d'où il s'ensuivrait que Le Bon
chap. VI, Part. III dans ses Déguisement
p. 292, ne serait qu'un nom en l'air, de
de l'Ami, de Trigni. Ces variétés produise
sion, et sont cause qu'on ne sait à quoi
que Le Bon soit un nom vrai ou faux, je s
suadé que Racine, dans le temps qu'il ét
Messieurs de Port-Royal, affecta par r
pour les mortifier, de donner dans sa C
deurs le nom de Le Bon à un Sergent. Act

Il semble donc que Richelet et A. Baillet


attributions que sur le témoignage du seul Pri
Privilège de la Logique est en effet établi au
qui avait été un des professeurs au Chesna
dispersion de cette école en 1660. François Le
Rohault, d'Amiens, naquit en 1639 et vint c
Chesnay le 16 août 165732. C'est sans doute
a remis à Arnauld ou à Nicole les notes de Roh
pour les expériences pascaliennes sur le Vide
Traité de Physique**. Le témoignage de l'au
choses diverses a un intérêt particulier dès lor
qu'il a connu personnellement François Le Bon
Pierre Nicole et même Glerselier, beau-père d
traducteur et éditeur de Descartes34.
Trois anecdotes des historiens de Port-Royal président donc

31 a. B. de La Monnoye, Œuvres diverses, La Haye, 1770, vol. II, p. 284


art. 79.
32. BN, f. fr. 6898, f° 127 r°-v° ; et voir notre article cité, 1976, App.
33. Cf. P. Mouy, op. cit., 1934.
34. J. Orcibal, m Descaries et le cartésianisme hollandais. Pans- Amsterdam,
1950 ; E. Griselle, in Revue de Fribourg, 1907-1908 ; in RHLF, 1910, 1911, 1916,
1919 ; Le ton de la prédication avant Bourdaloue, Paris, 1906, pp. 256-285 ;
Pascal, OC, éd. J. Mesnard, I, p. 886 sqq. ; J. Lesaulnier, in Images de La Roche-
foucauld, Paris, 1984, propose Th. Fortin comme auteur du manuscrit.

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190 Antony McKenna

à la naissance de la Logique. N
ments des amis de Port-Royal
de leurs rencontres et du trav
Arrivé à Paris en 1641 ou 16
jusqu'en 1649, année où il sou
M. Lescot, ancien professeur
Port-Royal. Dès 1647 peut-être
de l'école établie dans la rue
est encore à Paris sous la dir
dispersion des élèves de cette é
de 1653, mais il est possible qu
au château de Dugué de Bagn
accompagna peut-être. En tout
lettre datée du 22 août (sans
(abbé de La Croix) de Wallon
unanimes, au moment de la di
alla aux Granges, mais nous r
vier 165435. A la fin de l'année
de la direction de la ferme d
avec Nicole aux Champs : le
sûre87. Nous supposons que N
à Paris, où il devait aider Antoine Arnauld dans la révision des
Lettres Provinciales. Or, sur la date de ce voyage nous sommes ren-
seignés par Beaubrun et par Jacques Fouillou, qui s'appuient
tous deux sur le témoignage de Nicole lui-même38.
Nicole aurait été aux Champs pour la révision de la IIe Lettre
provinciale (29-1-1656) ; selon Beaubrun, il aurait été alors à Paris
pour revoir la VIe Lettre (10-4-1656), et serait resté jusqu'à la
fin du mois de mai (28-5-1656) avant d'entrer à l'Hôtel des Ursins
où il se trouvait en juillet et en août. A la fin de septembre et en
octobre il était chez M. Hamelin, faubourg Saint- Jacques, et en
décembre de la même année il était à Vaumurier où il put parti-
ciper à la révision du Nouveau Testament « de Mons ».
Les dates données par Fouillou ne coïncident pas tout à fait
avec celles de Beaubrun, quoique leur source doive être également
un récit de Nicole : dès mars 1656 (Ve Lettre provinciale : 20-3-1656)

35. Recueil..., Utrecht, 1740, pièce 9 du 9-1-1654. - Sur ces déplacements


de Nicole, cf. notre article cité, n. 63-66, et Sainte-Beuve : « Le chapitre des
logements de Nicole n'est pas le moins curieux de son histoire et nous représente
assez bien les perplexités de son esprit » [Port-Royal, Ed. Pléiade, II, p. 913).
36. La Mère Angélique Arnauld, Lettres..., 1742, n° 799.
37. Journal de M. de Saint-Gilles, éd. Jovy, Paris, 1936, p. 58.
38. Cf. Pascal, OC, éd. J. Mesnard, I, p. 1013 sqq., 1025 sqq.

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La « Logique » de Port-Royal 191

Nicole aurait été à Paris ; en avril et en mai il


Ursins ; une formule ambiguë de Fouillou p
Nicole était avec Arnauld chez M. Hamelin f
novembre ; Nicole serait alors allé à Vaumurier
Nous savons d'ailleurs par Saint-Gilles que Ni
ment avec Arnauld, Antoine Le Maître et Saint-
- sans doute chez M. Le Jeune. Antoine Le Maître avait annoncé
son arrivée :

ft Je vois de plus que M. Nicole qui est avec nous, est


tout comme il faut à M. Arnauld pour le servir... »39.

A la fin de 1656 Nicole serait donc allé à Vaumurier, où il a


pu participer à la révision du Nouveau Testament de Mons. Aucun
témoignage sûr ne permet de croire qu'il ait quitté ce refuge pen-
dant les années suivantes : nous supposons qu'il y est resté à l'abri
pour mener à bien la traduction du Wendrock40. Parmi les élèves
à qui il a pu donner les Lettres provinciales en thème latin figurerait
alors Jean Racine, revenu de Beauvais depuis octobre 1655 et
réfugié à Vaumurier après la dispersion de l'école des Granges
(mars 1656) jusqu'à son entrée au collège d'Harcourt (en
octobre 1658)41. A la fin de l'année 1659 Nicole est encore à Vau-
murier (le 23 novembre 1659) et ce n'est que l'année suivante que
nous le retrouvons avec M. Girard, dans la rue des Vieilles-Etuves
à Paris42.
Ces dates concernant les déplacements de Nicole doivent être
comparées avec les pérégrinations d'Antoine Arnauld qui sont
encore plus difficiles à fixer avec certitude. En effet, depuis 1655

39. Fontaine, Mémoires..., éd. Cologne, 1753, III, p. 179 ; Suppl. au Nécro-
loge, 1735, pp. 258-260 ; E. Jacques, Les années d'exil d'A. Arnauld..., Louvain,
1976, p. 325, n.
40. L hypothèse de son voyage a uoiogne semoie eire lonuee sur m signa-
ture de la Préface, édition 1660, de la traduction du Wendrock : « Cologne,
27-8-1660 ». Cf. Mlle Joncoux, Maz. ms. 1088, éd. 1712 ; Goujet, op. cit., 1767,
p. 69 ; J. Besoigne, op. cit., 1752-1753, V, pp. 230, 238 ; J. Orcibal, in RHLF,
1951. - Voir aussi les déplacements de Sacy selon sa correspondance
(éd. G. Delassault) : le 13-1-1656 il est à Paris « par nécessité » ; le 8-2-1656 il se
réfugie au château de Vaumurier; le 26-6-1657 il s'en va au Chesnay « par
ordre de M. Singlin » ; cf. G. Delassault, Le Maure de Sacy..., Paris, 1959,
pp. 73-74.
41. (Abbé de La Croix), op. cit., 1751, p. 88; Beaubrun, op. cit., bn,
f. fr. 13898, f° 17 r°. - Cf. J. Orcibal, in RHLF, 1951 ; notre article cité,

42. Arnauld à Barcos, 23-11-1659 ; F. Nicole, 1. ae la urace generale, ì/io,


p. 24 ; bn, f. fr. 12755, f° 85.

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192 Antony McKenna

Arnauld va de cachette en cachette420 : le 14-10-1655 il était


réfugié chez Mme Angran de Belisi43; le 17-11-1655 il est logé
à Port-Royal de Paris44 ; nous perdons sa trace jusqu'au 5-12-1655,
date où il quitte les Champs pour Paris « pour conférer avec ses
amis... mais au lieu d'aller prendre logis à Port-Royal de Paris
comme à l'ordinaire, il s'est installé dans une maison particulière,
chez M. de Bernières, conseiller d'Etat, pour être moins exposé »46.
M. de Bernières habitait alors rue Christine dans la paroisse Saint-
André-des-Arts46. Le 7-12-1655 nous savons par une lettre de
Sacy qu'il était allé à Paris avec Arnauld46 a. Le 15-12-1655 Arnauld
est toujours à Paris, où il voit Singlin47 ; le 24-12-1655 il retourne
aux Champs, mais n'y reste que deux jours48.
« Tout ce dont je vous supplie, mon Très-cher Père,
c'est de vous tenir bien caché... »49.

lui écrit la mère Angélique le 2 janvier 1656. Arnauld était alors


caché avec Sacy, puisque la mère Angélique lui écrit encore le
lendemain :

« Encore que nous ayons été consolées, mon très-cher


Père, de voir mon neveu de Sacy, néanmoins c'a été avec
peine de vous savoir seul... On m'a dit que vous auriez
M. Pascal, j'en suis bien aise. Mais cela n'est bon que pour
le spirituel ; pour le reste je ne sais à qui vous pensez... »50.

Le 22/23-1-1656 Saint-Gilles nous informe qu'Arnauld a logé


dans le faubourg Saint-Jacques (sans doute chez M. Hamelin)51 ;
le 24-1-1656, lendemain de la parution de la /re Lettre provinciale,

42 a. Cf. P. Thomas du Fossé : «... Et c'est ce qui nous fait voir combien il
est difficile de trouver en cette vie un état où le cœur de l'homme puisse trouver
du repos. Ainsi il nous est avantageux de sentir cette instabilité en ce monde,
pour ne nous y pas arrêter, et pour tendre continuellement à un autre état où
tout sera stable et éternel... » (Mémoires, II, chap. 6), et J. Besoigne : « ... la
seconde chose en quoi se manifestait l'esprit de détachement dans ces solitaires,
c'était l'instabilité presque perpétuelle dans laquelle ils vivaient... » (op. cit.,
1752-1753, IV, p. 158).
43. La Mère Angélique Arnauld, Lettres, 1742, n° 765.
44. Documents du Minulier central, Paris, 1960, pp. 2-3
45. Saint-Gilles, Journal, éd. Jovy, p. 67.
46. A. Féron, La vie et les œuvres de Ch. Maignart de Bernières..., Rouen,
1930, p. 27.
46 a. Sacy à Le Maistre, le 7-12-1655, éd. G. Delassault, n° 8, p. 30.
47. La Mère Angélique Arnauld, Lettres, 1742, n° 789.
48. Saint-Gilles, Journal, éd. Jovy, p. 78.
49. La Mère Angélique Arnauld, Lettres, 1742, n° 802.
50. Ibid., n° 804.
51. Saint-Gilles, Journal, éd. Jovy, pp. 110-111 ; voir aussi Lettre de Sacy
du 13-1-1656, éd. G. Delassault, p. 33.

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La « Logique » de Port-Royal 193

il change de demeure « pour la deuxième fois dep


il est alors peut-être chez M. Angran, rue Sainte-
il va chez M. Le Jeune, faubourg Saint-Mar
il est à l'Hôtel des Ursins avec Fontaine ; Luzan
médiaire avec les amis ; il n'y a pas alors de
Antoine Le Maître66. Le 8-2-1656 c'est au tour de Saint-Gilles de
rejoindre le grand Docteur à Paris : nous n'avons plus alors de
témoin aux Champs, mais Saint-Gilles continuera son Journal à
Paris. A son arrivée, Arnauld, Le Maître et Saint-Gilles louent des
chambres garnies (à l'enseigne de l'Ange Gardien ?)56 ; le mois
suivant ils sont logés « ailleurs », mais Arnauld refusa sans doute
l'offre d'une maison qu'il reçut de la part de M. Clerget, ecclésias-
tique de Dijon67. En août 1656 - nous l'avons déjà signalé -
Arnauld, Nicole, Le Maître et Saint-Gilles sont ensemble à Paris ;
à la fin de cette année Arnauld participe à la révision du Nouveau
Testament. Pendant toutes les années qui suivent on le lui connaît
pas d'adresse fixe670, jusqu'en 1660, année où il serait retourné,
selon N. Larrière, chez M. Angran dans la rue Sainte-Avoie68 ;
le 10-7-1662 il déclare demeurer rue du Bac69.
Devant la multiplicité des demeures d' Arnauld, on comprend
la difficulté à fixer avec certitude les dates de sa collaboration avec
Nicole au cours de ces années de crise.
De plus, le récit de Beaubrun lui-même, le mieux renseigné
des biographes de Nicole, comprend des contradictions. En mai 1657
(15-5-1657) mourut M. Dugué de Bagnols à Paris chez M. de Ber-
nières, rue Christine : cette date nous donne un nouveau point
de repère, car Beaubrun affirme que la première collaboration de
Nicole avec Arnauld ne dura que trois ou quatre mois à Paris.
Nicole serait alors reparti pour
« reprendre ses occupations ordinaires jusques à la mort
de M. de Bagnols chez qui il s'était retiré à Paris. Cette

52. Saint-Gilles, Journal, éd. Jovy, p. 108.


53. Cf. N. Larrière, Vie de M. Arnauld, Fans-Lausanne, 1738, il, pp. 42-43 ;
J. Besoigne, op. cit., 1752-1753, IV, p. 522.
54. Arnauld à la Mère Angélique Arnauia, nw 4/.
55. Ibid., n° 49.
56. Saint-Gilles, Journal, éd. Jovy, p. 123 ; J. Besoigne, op. cit., 1752-17&3,
V, p. 484. - Sacy va alors à Vaumurier ; voir sa lettre du 8-2-1656, éd. G. Delas-
sault, p. 35.
57. Saint-Gilles, op. cit., p. 14».
57 a. Le 11-8-1669 A. Arnauld est installé aux Troux, d ou il écrit à Etienne
Périer : éd. Lafuma, III, p. 119.
58. N. Larrière, op. cit., 1783, 11, pp. 4*-43.
59. Documents du Minutier central..., Pans, 1960, p. 3.
RP - 7

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194 Antony McKenna

occasion (la mort de Bagnol


redemander - à quoi M. N
devint le compagnon insé
et cette union fut telle qu'i
la Paix de l'Eglise en 1669

Ce témoignage laisse planer u


Nicole. En effet, Dugué de Ba
Paris, on ne lui connaît pas d
Troux. Faut-il donc croire qu
ordinaires » à l'école des Troux en 1656 ? C'est en effet de cette
année-là que l'abbé de La Croix date la lettre de Nicole écrite le
22 août aux Troux. Le témoignage de Saint-Gilles présente un
obstacle insurmontable à cette interprétation : Nicole est certai-
nement à Paris avec Arnauld - sans doute chez M. Hamelin -
en août 1656.

A cause de la complexité de cette chronologie il est extrêmement


difficile de fixer avec certitude les rencontres des amis de Port-
Royal qui ont pu leur permettre de travailler à la Logique.
Pendant ce temps, Tillemont était parti de l'école de Paris
en 1653 et il est nommé par Guillaume Walon parmi les élèves
du Chesnay : il y aurait été le condisciple d'Etienne Périer61. Au
Chesnay, Tillemont a pu développer son amitié avec le fils aîné
de son hôte Bernières avant le départ de celui-ci à Vaumurier62.
Comme dans l'école de Paris, Wallon de Beaupuis y aurait été
son directeur, ce qui explique sans doute son attachement à ce
professeur qu'il appellera à son chevet peu avant sa mort63. Ainsi
s'expliquerait aussi la joie de Pierre Thomas du Fossé à retrouver
son ami Tillemont après la dispersion de l'école des Granges en
mars 1656. En effet, camarades à l'école de Paris, ils auraient été
séparés en 1650 lorsque Du Fossé fut mené avec quelques cama-
rades à Magny-Lessart, et ensuite aux Champs où il put rester
jusqu'à la dispersion définitive de l'école des Granges84.
Tillemont et Du Fossé partent en mars ou avril pour Paris
où Singlin leur fournira des précepteurs particuliers (MM. Akakia
du Lac et du Mont) dans la rue des Postes. C'est peut-être

60. Beaubrun, op. cit., ff° 15 r°-16 r°.


61. Notre article cité, n. 82, 120.
62. J. Besoigne, op. cit.. 1752-1753, IV, p. 14 ; B. Neveu, op. cit., 1966.
63. Ibid.
64. P. Thomas du Fossé, Mémoires..., éd. Bouquet, I, p. 197 ; Ponchâteau
à Saint-Gilles, le 14-1-1656, in B. Neveu, op. cit., 1969, p. 360.

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La « Logique » de Port-Royal 195

à eux que la mère Angélique fait allusion dans sa lettre


du 12 avril 1656 :

« ... Cependant nous n'avons qu'à essayer de n'être


pas de ce malheureux nombre (des ennemis de Dieu),
fuyant le mal et recherchant de tout notre cœur les saintes
lois de Dieu pour les observer. C'est ce que font, par la
grâce de Dieu, nos pauvres exilés, chacun d'eux se retirant
dans la plus grande solitude qu'il peut, jusqu'aux enfants
qui veulent vivre comme ils faisaient ici... »65.

Tandis que Tillemont restait dans la maison de la rue des


Postes, faubourg Saint-Marceau, jusqu'en 1660, Pierre Thoma
du Fossé accompagna dès 1657 Antoine Le Maître, qui, après
miracle de la Sainte-Epine, avait reçu la permission de Mazar
de regagner les Champs86. En 1660 Du Fossé fut contraint
quitter les Champs encore une fois ; il rejoignit alors son am
Tillemont aux Troux, où celui-ci était venu après la dispersio
définitive des enfants de Dugué de Bagnols et de leurs camarade
d'école en mars 1660. Tillemont et Du Fossé sont aux Troux lors
de l'entrée de la reine à Paris le 26 août 1660 et y restent pendant
vingt mois avec M. Burlugai, futur curé de Magny, et son frère67.
A la fin de ce séjour Tillemont se rend au séminaire de Beauvais68.
Cette chronologie confirme la difficulté à vérifier le récit de

65. La Mère AngéUque Arnauld, Lettres, 1742, n° 841.


66. P. Thomas du Fossé, Mémoires..., liv. Ier, chap. 18 : P. Th. du Fossé et
A. Le Maître habitent alors le « quartier de St. Antoine » aux Champs. L'élève
va pendant quinze jours ou trois semaines à Paris, chez M. de Bernières, pour
travailler dans la bibliothèque du chancelier Séguier. Il fait ensuite un court
séjour à l'abbaye de Saint-Gyran sous la direction de Barcos et retourne alors
aux Champs, où il travaille avec A. Le Maître à la Vie des Saints et recueille
les Mémoires de M. de Pontis. Après la mort d'A. Le Maître (4-11-1658), l'élève
est conseillé parSacy et Singlin : il apprend l'espagnol auprès de M. de La Rivière
en un mois ou six semaines et se lance dans la composition d'une Vie de Dom
Barthélémy des Martyrs, interrompue par la dispersion définitive des solitaires
et élèves en 1660.
67. Ibid., chap. 20. - Les curés de Magny : M. (iuarantot ecnange la cure
de Magny contre la chanoinie (à Saint-Nicolas du Louvre) d'A. Giroust (Suppl.
au Nécrol., 1735, p. 171) ; A. Giroust se retire aux Champs en 1649 et la cure
passe à M. Fr. Retard ; celui-ci reste curé de Magny pendant quatorze ans et
puis se démet en faveur de Burlugai, alors curé de Saint-Jean des Troux
(J. Besoigne, 1752-1753, V, p. 131 ; Ed. Finot, 1888 ; M. P. Boyé, 1974). M. Ler
(ou L'Air) succède à Burlugai en 1666 ; il se retire aux Champs en 1671 et
se démet de sa cure en faveur de M. Besson, prêtre d'Angers (Besoigne, 1752-1753,
V, pp. 131-134 ; Ed. Finot, 1888). M. Besson fut l'auteur - avec M. Eustache -
du Cas de conscience qui provoqua la bulle Vineam Domini Saboath. - Pendant
toute cette période, les curés de Magny furent des amis sûrs de Port-Royal.
68. Cf. B. Neveu, op. cit., 1966.

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196 Antony McKenna

Beaubrun et de Michel Tronc


redevables à la a vieillesse conte
à l'âge de dix-huit ans Tillemon
de l'Ecriture sainte (1655) ; il a
suivre Wallon de Beaupuis au
ne permet de croire que Nicole
époque. Nicole a bien pu dirig
jusqu'en 1653 : son élève avai
son assiduité auraient peut-êtr
un cours de logique fondé sur
sophie : M. Tronchay insiste bi
sophes modernes ». Si c'est l'or
ce cours pour l'annonce de la L
à y voir la confirmation de l'in
dans les écoles de Port-Royal,
rable à la composition d'une l
Du cours de Nicole nous tro
traité Des Jugements téméraires
Prince : « Former le jugement »

« c'est donner à un esprit le g


c'est le rendre délicat à reconnaître les faux raisonnements
un peu cachés ; c'est lui apprendre de ne se pas éblouir
par un vain éclat de paroles vides de sens, à ne se payer
pas de mots, ou de principes obscurs, à ne se satisfaire
jamais qu'il n'ait pénétré jusques au fond des choses ;
c'est le rendre subtil à prendre le point dans les matières
embarrassées, et à discerner ceux qui s'en écartent ; c'est
se remplir de principes de vérité qui lui servent à la trouver
dans toutes choses, et principalement dans celles dont il
a le plus de besoin »6Ö.

Pouvons-nous déceler une trace de cette éducation cartésienne


dans une anecdote recueillie par Besoigne sur les conversations
de Tillemont avec les paysans ?

«... Ainsi pour donner à un petit vacher quelque idée


de son âme, il lui demandait comment d'aussi gros ani-
maux que des vaches se laissaient gouverner par lui qui
était si petit ; et il tâchait de lui faire comprendre qu'il

69. P. Nicole, Traité de V Education d'un Prince (1670), I, art. 19, éd La


Haye, 1688, p. 242.

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La « Logique » de Port-Royal 197

fallait qu'il y eût en lui quelque chose


et de plus élevé que dans les bêtes, et q
âme... »70.

Les anecdotes concernant la composition de la Logique s'avèrent


extrêmement difficiles à vérifier. Qu'en est-il alors du propos de
l'auteur du Recueil de choses diverses ?
On sait le succès des « mercredis » de Rohault : « Les jeunes
gens qui s'appliquaient aux mathématiques, la jeune noblesse qui
s'attache aux armes, et ceux qui s'adonnent au négoce et aux
affaires » constituaient son public71. Pontchâteau avait pu y assister ;
François Le Bon y alla aussi, sans doute, avant d'être choisi comme
professeur au Chesnay. Rohault lui-même devint par la suite le
professeur de mathématique des enfants des Conti, confirmant
ainsi ses liens avec les amis de Port-Royal72. Ces circonstances
suggèrent l'hypothèse que les notes données par François Le Bon
aux auteurs de la Logique furent des notes prises sur les conférences
de Rohault.
Les Œuvres posthumes de Rohault contiennent huit traités :
« Ce sont les mêmes qu'il avait coutume d'enseigner
à ceux qui allaient à lui, non pas cependant tels qu'il les
leur dictait, mais comme il les expliquait dans ses leçons
particulières »73.
Or, la plupart de ces traités concernent des questions de mathé-
mathique et de mécanique qui n'annoncent en rien la Logique de
Port- Roy al. Les Entretiens de 1671 ne traitent que des questions
des animaux-machines et de la Transsubstantiation : si ces ques-
tions sont évoquées par les auteurs de la Logique, on n'y verra
guère un point de départ de leur travail. Le Traité de Physique,
enfin, témoigne de l'intérêt que Rohault portait aux expériences
pascaliennes ; en décembre 1656 il fait à Notre-Dame de Paris
l'expérience que Pascal avait réussie à la tour Saint-Jacques de
la Boucherie74. Les conférences du mercredi semblent avoir été
des débats contradictoires autour de telles expériences de physique :
on n'y trouve pas non plus l'annonce de la Logique, quoique, bien

70. J. Besoigne, op. cit., 1752-1753, V, p. 93.


71. Journal des Savants, 13-12-1683.
72. P. Mouy, op. cit., 1934, p. 108.
73. Journal des Savants, 13-12-1683 ; ci. aussi manuscrit bainte-tieneviève
2225 ff° 1-82 : Conférences sur la Physique faites en 1660-1661 par J. Rohault,
recueillies par M. F., avocat, qui y a ajouté du sien ; et T. Mac Claughlin et
G. Picolet, in RH Se, 1976.
74. P. Mouy, op. cit., p. 110.

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198 Antony McKenna

sûr, le travail de Rohault ait j


fusion de la nouvelle philosoph
Il semble alors possible que le
de Rohault aient été, non pas
du mercredi, mais un manuscr
auteurs de la Logique diront de
beau-père de Rohault75. Selo
recommander son élève Fran
qui cherchaient un professeur
médiaire de son ancien élève
à Arnauld, dont la sympathie
connue de longue date, une c
devait lui-même à son beau-pèr
Cette hypothèse heurte la chr
en effet, le Privilège de la pre
M. Le Bon ; ce n'est que dans
emprunts au manuscrit des Re
M. Glerselier. On s'explique m
disposaient dès 1662 du manus
Dans ces circonstances, nou
hypothèse, d'ailleurs assez fr
Le Bon aurait communiqué a
de M. Rohault. Si ce ne sont pa
tiens privés avec Rohault do
s'agit peut-être d'un extrait ou
de Descartes que Rohault ten
nous en trouvons peut-être u
Baillet concernant la Logique d
Après quelques réflexions sur
qui mériteraient d'être considé
Baillet évoque un traité perdu

« Nous connaissons d'autr


la Logique de M. Descarte
n'a point encore vu le jour
nombre, avait ouï dire que
une Logique, mais qu'il n
en était resté quelques frag
ses disciples sous le titre
peut être que M. Glerselier

75. Logique, p. 300.

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La « Logique » de Port-Royal 199

unique de tout ce que M. Descartes ava


tant de ce qui était fini que de ce qui n
mencé. Mais après une recherche exacte
de cette Logique prétendue parmi ses pa
rien trouvé sous le titre d'Erudition, ni
puisse passer pour Logique, si Ton en ex
pour la direction de V esprit... »76.

En janvier 1648, Descartes parle à Elizabeth d


«... J'avoue que je suis en peine touch
dois répondre à ces précédentes (lettre
Votre Altesse y témoigne vouloir que j
de V Erudition, dont j'ai eu autrefois l'honneu
Et il n'y a rien que je souhaite avec plu
d'obéir à vos commandements ; mais je dir
qui sont cause que j'avais laissé le dessei
La première est que je n'y saurais mettre t
qui y devraient être, sans animer trop
gens de l'Ecole, et que je ne me trouve
condition que je puisse entièrement mépr
La seconde est que j'ai déjà touché quel
que j'avais envie d'y mettre, dans une
au-devant de la traduction française de
La troisième est que j'ai maintenant un au
les mains... : c'est la description des fonct
et de l'homme »77.

Sur ce traité nous n'avons pas d'autres renseignements. Il est


possible que ce dessein se rapporte à la critique systématique de
la philosophie scolastique, telle que Descartes la projette dès
novembre 1640. Dans sa lettre à Mersenne, il annonce à cette date
la rédaction des Principes :
« Et mon dessein est d'écrire par ordre tout un cours
de ma philosophie en forme de thèses, où, sans aucune
superfluité de discours, je mettrai seulement toutes mes
conclusions, avec les raisons d'où je les tire, ce que je
crois pouvoir faire en fort peu de mots ; et au même livre
de faire imprimer un cours de la philosophie ordinaire

76. A. Baillet, Vie de M. Descartes, Paris, 1691, I, p. 282.


77. Descartes à Elizabeth, 31-1-1648, éd. Alquié, III, p. 839 ; cf. A. Baillet,
op. cit., II, p. 337.

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200 Antony McKenna

tel que peut-être celui du f


avec mes notes à la fin de c
les diverses opinions des au
toutes, et peut-être à la fin
ces deux philosophies... Je v
sophie de M. Draconis (Ab

L'appendice des Principes aur


systématique du cours d'Eust
Raconis. Descartes nourrit enc
le brandit comme une menace
pagnie de Jésus :
« ... Je vous prie de ne le
ne prendrai point un de leu
en montrer les erreurs ; c
qu'ils sachent que je le fe
connaître la vérité... »79.

Il semble que Descartes abandonne finalement ce projet, en se


contentant de l'exposé systématique de sa propre philosophie
dans ses Principes et des réflexions de la Lettre-Préface de l'édi-
tion française de ces Principes : en ceci il a pu être motivé, comme
il le suggère à Elizabeth, par la prudence à l'égard de la Compagnie
de Jésus.

Somme toute, nous n'avons pas de documents qui permettent


de vérifier sérieusement le propos du Recueil de choses diverses :
le texte de François Le Bon a pu se rapporter à ce manuscrit perdu
De l'Erudition ; il a pu également consister en des notes prises
sur le manuscrit des Regulae, lequel manuscrit aurait été commu-
niqué en son intégralité aux amis de Port-Royal entre 1662 et 1664.
La troisième anecdote concernant la composition de la Logique
s'avère aussi difficile à vérifier que les deux autres.
Le 19 avril 1660 Antoine Arnauld écrit à Mme de Sablé :

«... Mais si vous l'êtes (fâchée), tout ce que je puis


faire pour me réconcilier avec vous, c'est de vous envoyer
quelque chose qui vous divertira une demi-heure, et où
je pense que vous verrez exprimée une partie de vos
pensées touchant la sottise du genre humain. C'est un
discours que nous avons pensé de mettre à la tête de nos

78. Descartes à Mersenne, 11-11-1640, éd. Alquié, IL p. 275.


79. Descartes à Mersenne, 19-1-1642, éd. Alquié, II, p. 910.

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La « Logique » de Port-Royal 201

Logiques. Vous nous obligerez de nous e


sentiment, quand vous l'aurez vu. Ce n
personnes comme vous que nous voulons e
juges. Je le fais copier, et j'espère de l'a
ou trois jours »80.

A cette date, Arnauld loge chez M. Angran,


paroisse Saint-Merri ; Nicole habite avec M.
des Vieilles-Etuves à Paris : leurs contacts ont
liers à cette époque81. C'est donc à Paris qu'a p
tien rapporté dans Y Avis de la Logique : en ef
Chevreuse habitait alors lui aussi à Paris - dans la rue du Bac et
ensuite la rue Saint-Guillaume - et c'est là que Pascal lui aurait
tenu ses Discours sur la Condition des Grands82. A la date de la
lettre d'Arnauld, l'élève n'avait que treize ans (né le 7-10-1646).
Arnauld ne cache pas à Mme de Sablé que « les Logiques »
qu'elle doit déjà connaître sont le fruit d'un travail commun.
Depuis quelques années déjà Nicole ne le quittait guère, et Beau-
brun souligne l'étroitesse de leur collaboration :
« En effet, il était surprenant de trouver en ces deux
illustres auteurs la même étendue de génie... mais ce qui
surprenait encore davantage c'est de les voir travailler à
écrire ensemble sur une même matière et sur le même
papier alternativement et être si de concert qu'on ne
pouvait distinguer que par le caractère de leur écriture
ce qui était de l'un ou de l'autre »83.

Il peut alors sembler vain de chercher à définir avec précision


les parts respectives d'Arnauld et de Nicole dans la composition
de la Logique. Toutefois, troublé sans doute par les discussions
suscitées par Desgabets sur l'orthodoxie doctrinale de l'interpré-
tation cartésienne de la Transsubstantiation, Nicole prendra très
vite ses distances à l'égard de la philosophie cartésienne84, et,

80. A. Arnauld à Mme de Sablé, 19-4-1660, n° 96.


81. M. Larrière, op. cit., 1783, II, p. 42 ; P. Nicole, T. de la Grâce générale,
1715, p. 24.
82. J. Mesnard, op. cit., 1965, p. 737 sqq.
83. Beaubrun, op. cit., bn, f. fr. 138y», f° ó v°-4 r°.
»4. Lettres choisies écrites par jeu m. lyicoie, fans, i/uz, n" 4Z ; meures ae
M. Nicole, éd. G. Desprez, Paris, 1714-1715, n° 82. - II s'agit de la lettre
« sur la manière d'enseigner la philosophie aux jeunes religieux » ; selon
J. Besoigne, {op. cit., 1752-1753, I, p. 527), cette lettre daterait de septembre 1664
et serait adressée à Dom Joseph Homassel, prieur de Saint- Ayri (de Verdun).
- Cf. A. Arnauld, OC, P.-Lausanne, 1775-1783, vol. 38, Introduction, p. xx :
Desgabets était alors professeur de philosophie dans cette même abbaye.

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202 Antony McKenna

plus tard, il ne manquera pas d


à sa part personnelle dans la L
gnages, on a conclu que Nicol
et de toutes les additions aux éd
de Marguerite Périer, recueilli
fut chargé de la distribution a
Logique qui connut immédiatem
La part des deux auteurs est
composition des quatre livres
gnages de Nicole et de ses am
copie manuscrite de la Logique
On sait que celui-ci entra com
le 25 décembre 165888. Ce manuscrit constitue vraisemblablement
une des « Logiques » auxquelles Arnauld fait allusion dans sa
lettre de 1660 : il est donc fort possible que nous y trouvions le
petit traité originel destiné au duc de Chevreuse et rédigé, selon
Y Avis de la Logique, en « quatre ou cinq jours ». Si on admet qu'Ar-
nauld travailla d'abord seul à cette Logique et qu'il ne fut aidé
de Nicole qu'après la rédaction de ce premier petit traité, il s'ensuit
que ce manuscrit nous renseigne très précisément sur les parts
respectives d'Arnauld et de Nicole dans la première édition de la
Logique ; le manuscrit Valiant constituerait le premier petit traité
d'Arnauld ; seraient de Nicole tous les chapitres de l'édition 1662
qui ne se trouvent pas dans ce manuscrit89.

85. Cf. Logique, éd. citée, n. 1 ; J. Mesnard éd., Pascal, OC, I, pp. 232-233,
1157 ; E. D. James, Pierre Nicole..., La Haye, 1972, App. ; B. Chédozeau, thèse
dactylographiée, Sorbonne, 1975, App. I.
86. Pascal, OC, éd. J. Mesnard, I, p. 1157; éd. gef, X, pp. 330-332;
J. Orcibal, in RLC, 1949 ; Logique, Avant-Propos, p. 4 sqq. : le catalogue des
éditions.
87. BN, f. fr. 19915 : cf. Logique, n. 5.
88. J. Mesnard, op. cil., 1965, p. 727.
89. Composition de Védilion 1662 (chapitres numérotés d'après l'édition
définitive de 1683) : Liv. I : chap. 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14 ; Liv. II :
chap. 3-11, 13, 15-20 ; Liv. III : chap. 1-8, 9 supprimé, 9-12, 16-20 ; Liv. IV :
chap. 2-16.
Composition du ms. BN f. fr. 19915 : Liv. I : chap. 1, 2, 5, 6, 7, 9, 12, 13 ;
Liv. II : chap. 3-5, 8, 10, 11, 13, 13', 17-20; Liv. Ill : chap. 2-8, 9 supprimé,
9-12 ; Liv. IV : chap. 2-10, 12.
Chapitres de Véd. 1662 absents du manuscrit : Liv. I : chap. 3, 8, 11, 14;
Liv. II : chap. 6, 7, 9, 15, 16 ; Liv. III : chap. 1, 16-20 ; Liv. IV : chap. 11, 13-16.
Nous ne tirons pas argument de l'emploi de la première personne du sin-
gulier dans le texte de la Logique : en effet, on trouve cet emploi du « je » dans
des chapitres du manuscrit Valiant, de l'édition 1662 absents du manuscrit
et dans les éditions de 1664 et de 1683 : Logique, pp. 109, 128, 129, 132, 159, 169,
173, 237, 257, 317, 325 n, 326, 333, 334, 344, 345, 347. - Or un passage du
manuscrit Valiant est certainement d'Arnauld : il s'agit du plan des Nouveaux

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La « Logique » de Port-Royal 203

C'est une hypothèse utile dont il est intér


les conséquences. En particulier, on peut co
manuscrit Valiant avec celui de l'édition 1662 en examinant les
passages communément rapprochés de textes pascaliens90. On
constate que les passages du manuscrit Valiant susceptibles d'être
rapprochés de textes pascaliens concernent uniquement des ques-
tions de géométrie et ont pu être inspirés par l'opuscule De l'Esprit
géométrique, dont nous connaissons un fragment. On sait que le
texte de Pascal a été rédigé « avant 1660 » et qu'il avait été pré-
senté par Pascal à Arnauld qui entreprit ensuite, lors d'un séjour
au Chesnay, de « faire mieux »91. J. Mesnard date la rédaction des
Nouveaux Eléments de Géométrie par Arnauld de 1655 ; il n'y a
alors rien d'étonnant à trouver dans le manuscrit de la Logique
l'écho de textes qu' Arnauld connaissait depuis cinq ans et qu'il
avait pu utiliser dans sa propre Géométrie. D'ailleurs, si Pascal
avait « condamné son écrit au feu », on sait qu' Arnauld en a pu
garder une copie - copie qu'il aurait ensuite communiquée à
Filleau des Billettes et que celui-ci donnera à Leibniz lors de son
séjour à Paris entre 1672 et 167692.
Considérons alors les passages de l'édition 1662 qui sont absents
du manuscrit Valiant : certains concernent les questions du Vide93,
et de l'équilibre des liqueurs94, et sont donc à rapprocher des publi-
cations scientifiques de Pascal en 1647 et en 1648. D'autres pas-
sages, signalés par les éditeurs modernes, suggèrent des rappro-
chements thématiques avec les Pensées : leur intérêt est renforcé
par le fait que le premier Privilège de la Logique date du 1er avril 1662
et l'Achevé d'Imprimer du 6 juillet 1662, c'est-à-dire d'avant la

éléments de Géométrie introduit par ce passage : « Car j'ai dans l'esprit des
éléments de géométrie où toutes choses seraient traitées dans leur ordre naturel,
où on n'emploierait jamais aucune démonstration par l'impossible, où on
n'ajouterait point aux figures de lignes superflues pour les démontrer, et où
tout néanmoins serait très clairement démontré. Et pour faire voir comme l'on
s'y pourrait prendre, j'en mettrai ici le plan... » (bn, f. fr. 19915, p. 198). Dans
la Logique de 1662 ce passage est abrégé : « Car je m'imagine qu'on pourrait
faire des éléments de géométrie, où toutes choses seraient traitées dans leur
ordre naturel, toutes les propositions prouvées par des voies très simples et
très naturelles, et où tout néanmoins serait très-clairement démontré » (p. 333).
- Si nous admettons que les additions de 1664 et de 1683 sont de Nicole,
nous constatons que les deux auteurs emploient « je » dans ce texte qu'ils
écrivent en commun.
90. Cf. Logique, n. lui, 1U3, 1U4, îuy, nu, ayv.
91. Cf. Pascal, OC, éd. J. Mesnard, 1, p. 23U, *¿&u, yyb-yyö.
92. Ibid., pp. 232-233 ; éd. J. P. Schobmger, Basel, iy74, p. 271.
93. Logique, n. 335.
94. Ibid., n. 347.

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204 Antony McKenna

mort de Pascal. Cependant, à n


prête à une comparaison textu
Logique de 1662 s'inspire cer
tout dernier chapitre (IV. 15 d
clairement formulée la « règle
différents » qui fondent une
tiennent pour un « écho éviden
« Que la plus grande de
d'employer son temps et
peut servir à en acquérir un
tous les biens et tous les maux de cette vie ne sont rien
en comparaison de ceux de l'autre, et que le danger de
tomber dans ces maux est très-grand, aussi bien que la
difficulté d'acquérir ces biens »95.

Nous tenons ce rapprochement pour concluant : l'auteur de la


Logique emprunte certainement ici la formulation pascalienne de
l'argument Infini-Rien. La conséquence est évidente : ou bien
l'auteur de ce chapitre a vu le texte du fragment de Pascal avant
sa mort (hypothèse contredite par Etienne Périer96), ou bien il a
entendu Pascal développer oralement cet argument. Ce seul texte
nous permet donc de comparer le texte de la Logique avec les
divers témoignages sur la conférence de Pascal à Port-Royal.

Selon le témoignage de Filleau de La Chaise, qui fondera celui


d'Etienne Périer, Pascal aurait tenu une conférence à Port-Royal
devant plusieurs « gens d'un esprit à admirer peu de choses ». La
conférence aurait duré « pour le moins deux heures » et aurait
permis à Pascal d'exposer le plan de son Apologie. Selon Etienne
Périer, peu de temps après cette conférence, Pascal tomba grave-
ment malade « d'une maladie de langueur et de faiblesse qui dura
les quatre dernières années de sa vie ». Or, on sait par Gilberte
Périer que le premier symptôme de cette maladie fut la « rage de
dents », vraie ou imaginaire, qui fut à l'origine du concours de la
Roulette. Ces éléments permettent de croire que Pascal a tenu sa
conférence à Port-Royal peu de temps avant le mois de juin 165897.

95. Ibid.. p. 355.


96. Etienne Périer, Préface, in Pascal, Pensées..., Paris, G. Desprez, 1670 ;
éd. L. Lafuma, Paris, 1952, III, p. 139, § 32.
97. Cf. Royaumont, 1956, pp. 102-103 : Filleau de La Chaise, écrivant en
1667-1668, situe la conférence « il y a plus de huit ans » ; Etienne Périer, écri-
vant en 1669, la situe « il y a dix ou douze ans ».

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La « Logique » de Porl-Royal 205

Selon Etienne Périer, ce n'est qu'après la


ses amis découvrirent ses écrits sur la relig
filés en diverses liasses » : avant sa mort, ses a
son projet d'apologie que par la conférence
ce qui nous permet de supposer que tout fr
connu de ses amis avant sa mort leur a été co
de cette conférence. Or, selon notre examen d
il s'avère que le fragment Infini-Rien const
certain d'un fragment des Pensées connu d
mort. Si nous poursuivons alors les conséquen
thèse concernant l'attribution du manuscrit V
à Arnauld, le chapitre de la Logique qui com
de l'argument Infini-Rien - qui est absent du
devrait être attribué à Nicole. Il s'ensuivrai
aurait été un témoin de la conférence de Port
exploité ses notes ou ses souvenirs de cette co
rédaction de la Logique.
Cependant, cet argument est exposé dans
sonnement (Logique IV. 12-16) que nous retrou
Discours de Filleau de La Chaise dès 1672. Da
Discours (composé dès 1668) Filleau de La Ch
sément rapporter la conférence de Pascal à Po
Discours sur les livres de Moïse - qui reprend
du premier Discours sur les Pensées - sera jug
comme digne de son frère. Ces divers éléments
muler l'hypothèse - qui n'est qu'une hypothès
chapitres de la Logique (IV. 12-16) reposent
Pascal, dont Nicole aurait été l'un des témoins
Une découverte de T. Shiokawa permet de nu
sion : en effet, une première version du chapitre
se trouve dans un texte d'Antoine Arnauld de 165
d'un Docteur de Sorbonne, Sur Vavis donné par
sur le cas proposé touchant la souscription de la d
du pape Alexandre VII et du Formulaire de l'As
Clergé de France98. Cette version fut ensuite
dans sa Logique de 1660 (manuscrit Valiant
édition de la Logique de 1662 et dans le trai
publié en 1664. L'argument historique de la
par Filleau de La Chaise à Pascal - constitue

98. BN, cote Ld4 252; A. Arnauld, Œuvres, Paris-


t. XXI, n. II, art. III, pp. 21-22.

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206 Antony McKenna

des principes du chapitre IV. 12


augustiniennes. Les Réflexions
de replacer la conférence de Pa
ration augustinienne.
Rappelons, en conclusion, le
composition de la Logique. L
d'Antoine Arnauld, de Pierre
semblent très difficiles à véri
quelque vraisemblance être att
de 1660. Ce manuscrit compre
première version fut rédigée
les principes du chapitre IV . 1
développés dans un raisonnem
de l'argument Infini-Rien) que
à Pascal : Pascal aurait expos
de sa conférence à Port- Roy
d'Arnauld de 1657, s'appuya
révèle ainsi être le fondement
dans sa conférence. Enfin, le
nous semblent confirmer le rôle de la conférence de Pascal dans
la composition (sans doute par Nicole) des derniers chapitres de la
Logique.

Antony McKenna.

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