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GÉODÉSIE

Référentiels géodésiques africains :


de la géodésie traditionnelle
à l’ère spatiale
Diogoye DIOUF - Laurent MOREL - Françoise DUQUENNE

Le continent africain a connu de nombreuses réalisations MOTS-CLÉS l’Ouest (NGAO) et le Nivellement géné-
géodésiques ayant évolué au cours du temps, ral de l’Afrique Centrale (NGAC).
AFREF, géodésie,
particulièrement grâce à l’évolution des instruments et Afrique, triangulation,
des techniques géodésiques utilisés. Les techniques de cheminement géodésique, Structuration  
la géodésie terrestre ont caractérisé les premiers réseaux GNSS, ADOS, 12e parallèle, des référentiels  
géodésiques qui avaient généralement une dimension 30e méridien
géodésiques en Afrique
locale avec un ellipsoïde quasi géocentrique et étant
Les repères de référence terrestre en
positionné de manière différente d’un pays à un autre. Différentes réalisations
Afrique étaient, pour la plupart, réalisés
de réseaux géodésiques locaux ont ainsi pendant longtemps coexisté malgré à partir d’observations astronomiques
leur incompatibilité aux frontières. Le cheminement géodésique du 12e parallèle sur les étoiles qui permettaient de déter-
et la triangulation du 30e arc de méridien ont été parmi les rares initiatives miner des coordonnées géographiques
d’établissement de réseaux géodésiques régionaux établis par techniques terrestres. astronomiques (longitude, latitude) et
Avec l’avènement de la géodésie spatiale, un premier projet d’unification des de définir une orientation. Localement,
des chaînes de triangulations ou des
référentiels géodésiques dénommé ADOS fut lancé en 1980 pour doter l’Afrique
cheminements géodésiques, basés sur
d’un premier référentiel géocentrique. Avec les exigences de plus en plus accrues des mesures d’angle, puis de distances
en matière de positionnement et d’établissement de référentiels géodésiques permettaient un positionnement rela-
ainsi que les orientations de la communauté internationale et de la communauté tif centimétrique. Les calculs étaient
scientifique en la matière avec les systèmes globaux de positionnement par satellite effectués sur un ellipsoïde qui pouvait
(GNSS), l’Afrique a senti la nécessité de s’aligner aux standards internationaux. C’est être différent d’un pays à un autre et
positionné différemment par le choix
ainsi que le projet African Reference Frame (AFREF) fut lancé en 2001 pour doter
d’un point fondamental en général
l’Afrique d’un référentiel géodésique unifié, homogène, précis et accessible à tous selon le pays. Le point de la surface
les utilisateurs du continent effectuant un positionnement GNSS. L’analyse de cette topographique était projeté sur cet
situation des infrastructures géodésiques en Afrique a permis, dans cet article, de ellipsoïde. Les coordonnées géogra-
faire des propositions qui devraient permettre à l’Afrique de disposer d’un référentiel phiques géodésiques calculées étaient
régional en phase avec les standards en la matière. ainsi définies par rapport à la normale
à l’ellipsoïde (figure 1), et elles étaient
Introduction nent. De nombreuses anomalies et
bidimensionnelles. La composante
verticale était déterminée de manière
La géodésie en Afrique a vu le jour contraintes ont néanmoins entaché q
pendant la colonisation. Le principal les projets et réalisations géodésiques
but était de cartographier les terri- ayant été initiés. Dans cet article, nous
toires colonisés avec des techniques nous intéresserons particulièrement
similaires à celles développées en aux réseaux géodésiques planimé-
métropole. De nombreuses réalisations triques, même si, il faudra noter, que
géodésiques ont ainsi été effectuées les réseaux altimétriques ont été réali-
sur le continent africain. D’abord par sés séparément par des techniques
des techniques de la géodésie terrestre de nivellement direct. Ces réseaux
avec les réseaux de triangulation et de altimétriques étaient généralement
cheminements géodésiques avant, des réseaux régionaux établis à partir
plus tard, de voir naître la technique d’un point fondamental situé à côté
Doppler ayant permis, avant l’arri- d’un marégraphe d’une zone côtière.
vée du GPS, de définir les premiers Nous pouvons citer comme exemples, Figure 1. Coordonnées géographiques
repères géocentriques du conti- le Nivellement général de l’Afrique de géodésiques et astronomiques.

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indépendante des techniques précé- nels étaient globalement définis avec verticale étant déterminée dans un
q dentes par nivellement. certaines limites (F. et H. Duquenne, autre système dit vertical ;
2002 ; El Fettah, 2003) : - calculs d’ajustement généralement
Ces différentes mesures d’angle étaient
- nécessité d’intervisibilité entre les partiels et non en bloc, exécutés par
associées à la mesure au moins d’un
points pour assurer les visées d’orien- petits blocs de quelques points s’ap-
côté (base) de la chaîne de triangles.
tation ; puyant les uns sur les autres, ce qui
L’élaboration de ces réseaux devait dès - choix de points en hauteur pouvant pouvait facilement altérer la précision
lors passer par une bonne planification être difficilement accessibles avec et la qualité du réseau particuliè-
(description, choix et matérialisation des parfois des réalisations parti­ rement pour les pays relativement
points, observations, documentation, culières dans le cas où de tels points vastes ;
etc.), des constructions particulières n’existeraient pas ; - a bsence d’outils de calcul perfor-
pour les visées lointaines et le choix - zones de couverture limitées,  car mants à l’époque qui rendait
d’un ellipsoïde associé à un point n’étant pas possible, avec une telle difficile, voire impossible les calculs
fondamental. Cette démarche permet- méthodologie, de traverser (ou diffi- de compensation des grands réseaux
tait à cet effet de disposer d’un réseau cilement) certaines zones (océans, en bloc par l’utilisation de la méthode
géodésique passif et bidimension- grandes forêts, zones à risque, etc.) ; des moindres carrés ;
nel à l’échelle nationale, régionale ou - dépendance aux conditions météoro- - homogénéité du réseau pas souvent
continentale (à l’image du ED50 pour logiques, car la qualité des mesures assurée à cause du processus de
l’Europe). Les précisions associées pouvait se dégrader dans certaines compensation en petits blocs qui était
au réseau géodésique devaient être conditions atmosphériques et/ou généralement adopté ;
hiérarchisées, avec des chaînes de n’étant pas possibles à réaliser de - imprécision des paramètres de trans-
grands triangles formant le canevas de nuit ou en périodes d’orages par formation permettant le passage d’un
premier ordre. Ce canevas, servant de exemple ; système géodésique à un autre.
support aux triangulations de deuxième - impossibilité d’établir directement
Le fait de positionner l’ellipsoïde au
et troisième ordre, devait alors avoir un réseau tridimensionnel avec les
point fondamental avait aussi pour
la plus grande précision et donc avec instruments utilisés à l’époque qui ne
effet de positionner son centre à
une mise en œuvre nécessitant des permettaient pas de faire directement
plusieurs centaines de mètres du
moyens et un temps plus conséquents. des mesures tridimensionnelles avec
centre de gravité de la Terre (figure 2).
Les canevas de second et troisième la qualité escomptée ;
Par ailleurs, chaque pays ayant son
ordre utilisés plus couramment dans la - suivi et contrôle de la stabilité et de la
propre point fondamental, donc même
pratique impliquaient aussi un certain fiabilité des points assez complexes et
si le même ellipsoïde pouvait être
niveau de précision, mais sans devoir rarement effectués vu les ressources
choisi par plusieurs pays, son centre
compromettre la rapidité d’exécution et le temps nécessaires souvent
n’était pas situé au même endroit. Ce
et l’économie des travaux. requis ;
qui fait qu’en passant la frontière, les
- intervisibilité entre les points géodé-
La compensation des réseaux parti­ coordonnées géographiques pouvaient
siques pas toujours assurée avec
culièrement ceux de premier ordre, était différer de plusieurs centaines de
parfois le changement de l’environ-
généralement faite de manière partielle mètres.
nement entre les points (nouvelles
par blocs avec la méthode des équa-
constructions, présence d’arbres, En plus, on pouvait se retrouver avec
tions de condition des moindres carrés.
etc.) ; des systèmes géodésiques ayant un
Ce qui ne permettait pas alors d’assurer
- c ompatibilité parfois non assurée point fondamental mal défini ou sans
une homogénéité globale du réseau.
entre réseaux pouvant être rattachés réalité physique entraînant ainsi une
Pour les cheminements géodésiques, en
à des ellipsoïdes avec des points méconnaissance de la situation et
plus des mesures d’angle, les mesures
fondamentaux différents et de quali- de l’orientation de l’ellipsoïde loca-
de distance étaient également réalisées
tés différentes ;
pour la détermination des longueurs
- mise en place de réseaux à dimension
des côtés des polygones avec des
régionale ou continentale difficile,
appareils de mesure de distances élec-
particulièrement avec les pays situés
tromagnétiques (EDM) qui ont fini par
sur des îles (comme le Cap-Vert,
remplacer le fil invar utilisé pour la
Maurice et les Comores) ;
mesure des bases de mise à l’échelle.
- d ifficultés à estimer et à suivre
les vitesses de déplacement des
Faiblesses des réseaux points ou de la croûte terrestre vu
la complexité des mesures et leur
géodésiques traditionnels
qualité parfois limitée et non homo-
Les exigences des instruments et gène ;
méthodes utilisés entraînaient que - détermination des coordonnées hori- Figure 2. Position de l’ellipsoïde en géodésie
les réseaux géodésiques tradition- zontales uniquement, la coordonnée terrestre et en géodésie spatiale.

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lement. C’était le cas du système aux mouvements des plaques conti- exigences en matière de positionne-
algérien dénommé “Nord Sahara 1959 nentales ; ment et de gestion de l’information
ou NS-59” qui a été réalisé à partir du - opérations de rattachement devenues géospatiale, font que les États ont
système ED50 (European Datum 1950, beaucoup plus simples et rapides été “obligés” de moderniser leurs
utilisé en Europe à l’époque) par de avec des techniques relativement référentiels géodésiques. Mais il faut
simples translations en longitude et faciles à mettre en œuvre ; noter que dans beaucoup de pays, la
latitude (Gourine, 2019).  - etc. géodésie étant pilotée par une admi-
Avec l’avènement de la géodésie nistration militaire, les coordonnées
spatiale (particulièrement avec les étaient considérées comme ayant une
GNSS), associée aux avancées techno- Projets et réalisations   valeur stratégique et devaient rester
logiques, toutes ces contraintes ont été géodésiques africains confidentielles.
pratiquement levées. Nous pouvons
En Afrique, les référentiels géodésiques Malgré les efforts faits dans ce sens,
noter par exemple :
sont globalement caractérisés par une cette évolution n’a pas permis de
- intervisibilité entre points géodé-
coexistence des réseaux traditionnels régler toutes les difficultés auxquelles
siques pas requise du fait qu’il n’y ait
issus de techniques terrestres et parfois ont été confrontés certains États.
plus de visées effectuées par l’opé-
spatiales (mesures Doppler), ainsi que Une évolution disproportionnée a été
rateur, mais plutôt l’utilisation de
des réseaux modernes établis entière- également notée dans l’implantation
signaux électromagnétiques entre
ment à partir des techniques spatiales des nouveaux systèmes géodésiques
des stations ou récepteurs au sol et
(GNSS). Ces différents travaux géodé- nationaux utilisant des techniques
des satellites ;
siques reposaient globalement sur des spatiales. Ce qui fait que l’Afrique tarde
- observations géodésiques possibles
réseaux de triangulation et de chemi- toujours à rendre effectif le passage
de jour comme de nuit ;
nement offrant généralement, grâce aux systèmes de référence à tech-
- mesures relatives entre points géodé-
aux mesures de distance effectuées, niques spatiales, alors qu’en Europe
siques qui peuvent s’étendre jusqu’à
une bonne cohérence géométrique comme en Amérique, cette mutation a
des centaines, voire des milliers de
en planimétrie. Ces canevas plus ou pu être achevée et a permis une unifi-
kilomètres ;
moins précis étaient définis avec des cation des systèmes nationaux.
- mesures absolues possibles par tout
points de différents ordres.
temps car ne dépendant plus de la
visibilité des objets célestes comme D’après le rapport du séminaire sur les Les référentiels géodésiques
cela fût le cas avec les observations spécifications finales géométriques et
bidimensionnels africains
astronomiques ; cartographiques du projet AFRICOVER
- les coordonnées directement déter- (www.fao.org), les réseaux de triangu- n Les référentiels géodésiques
minées dans un repère géocentrique lation réguliers sont repérés dans les de l’époque coloniale
tridimensionnel  ; mais la détermi- pays d’Afrique australe et dans les pays L’infrastructure géodésique afri-
nation des altitudes par techniques du Maghreb. Alors que les réseaux caine pendant l’époque coloniale a
spatiales étant toujours tributaires de mixtes (ayant comme supports des été caractérisée par de nombreuses
l’utilisation d’un modèle de géoïde points de triangulation et de simples triangulations de base ayant suivi l’im-
précis ; points astrogéodésiques) sont géné- plantation des points astronomiques
- suivi et contrôle des points devenus ralement localisés dans les pays de utilisés pour appuyer la cartogra-
plus simples avec certaines méthodes toutes les sous-régions (Éthiopie, phie au 1/200 000. Ces triangulations
de positionnement comme le posi- Somalie, Kenya, Botswana, RCA, avaient permis la création de points
tionnement absolu par mesure de Ghana, Guinée). Les réseaux géodé- géodésiques dont les positions ont été
phase (PPP) ; siques à couverture partielle sont quant calculées parfois dans des systèmes
- possibilité de détermination de la à eux localisés dans les pays d’Afrique différents. Le plus grand nombre de
vitesse de déplacement des points centrale de la zone sahélienne et du points géodésiques était localisé en
grâce aux réseaux de stations GNSS sud-ouest équatorial. Afrique de l’Est grâce aux nombreuses
permanentes ; triangulations qui y ont été faites
Cette situation qui s’accompagnait de
- définition d’un référentiel mondial (figure 3). On peut citer la triangula-
l’utilisation de différents paramètres
en phase avec les mouvements tion sur l’arc de méridien Cap-Town-Le
(ellipsoïde par exemple) et techniques,
physiques globaux de la croûte Caire, la triangulation britannique qui
fait que les réseaux géodésiques en
terrestre devenue possible ; reliait le Kenya à l’Ouganda, la trian-
Afrique n’étaient pas compatibles entre
- travaux géodésiques interétatiques gulation de l’arc de méridien africain,
eux et la définition d’un référentiel
devenus plus simples ; la triangulation du parallèle ougan-
commun ou plus global ne semblait
- de nouvelles techniques de déter- dais, la triangulation du Méridien, etc.
pas être réalisable.
mination du géoïde possibles pour (Winterbotham et McCaw, 1927). La
la détermination des altitudes des L’évolution des instruments et des plupart de ces triangulations ont été
points ; techniques de positionnement asso- calculées sur l’ellipsoïde Clarke 1880
- des réseaux géodésiques rattachés ciée aux besoins grandissants et aux dans ses différentes versions, même
q
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fication des différentes triangulations


d’Afrique de l’Est, qui devrait plus tard
être suivi de l’unification des triangu-
lations d’Afrique de l’Ouest, du Nord et
du Sud a été initié par le Comité colo-
nial de topographie. Mais ce dernier
n’avait malheureusement pas abouti.

n Référentiels géodésiques
à dimension continentale :
cheminement géodésique
du parallèle et triangulation
d'un arc de méridien
Le développement socio-économique
du continent africain, à l’image des
autres continents, devait passer par la
réalisation d’infrastructures qui devait
reposer sur une bonne planification.
De nombreux projets transfrontaliers
devaient ainsi être initiés (routes,
chemins de fer, aéroports, télé-
communications, délimitation de
frontières, etc.). Ces projets rattachés
à la surface de la Terre, et reliant parfois
de nombreux pays, devaient dès lors
reposer sur une cartographie précise
et fiable définie à partir d’un référen-
tiel commun. Mais la non-compatibilité
des référentiels géodésiques natio-
naux (avec des points fondamentaux
différents et des ellipsoïdes parfois
différents) et le manque d’information
sur la précision de ces derniers, ne
permettaient pas une unification des
différents systèmes nationaux pour
l’obtention d’un référentiel commun.
Figure 3. Triangulations géodésiques africaines de l’époque coloniale (Winterbotham et Des initiatives interétatiques ont alors
McCaw, 1927). été prises pour aboutir à un réseau
géodésique unifié pour l’Afrique avec
l’appui d’États partenaires et d’orga-
si les triangulations des colonies était resté en vigueur. Ce qui illustre la
q italiennes ont été définies, quant à diversité qu’il y avait dans l’utilisation
nismes internationaux. C’est à cet
effet que deux réseaux géodésiques
elles, avec l’ellipsoïde Bessel. de l’ED50 en Afrique, en plus des trian-
de base regroupant de nombreux pays
En Afrique du Nord, la triangulation gulations locales qui étaient toujours
ont été mis en œuvre pour l’obtention
nord-africaine (figure 4), particulière- utilisées.
d’un référentiel géodésique africain.
ment avec le système Nord Sahara
Il faut également noter l’apport des Il s’agit de la triangulation de premier
(ED50 décalé), de qualité jugée très
pétroliers et hydrographes qui ont ordre définie le long de l'arc de méri-
satisfaisante, a été mise en place.
réalisé, dans le cadre de leurs travaux, dien reliant Le Cap en Afrique du Sud
Cette triangulation avait pour but de
de nombreux réseaux géodésiques et Le Caire en Égypte (figure 5) et le
relier des infrastructures géodésiques
locaux dans plusieurs pays comme cheminement géodésique du parallèle
africaines et européennes. Mais les
le Gabon et le Congo. Certains de ces reliant Dakar (Sénégal) à N’Djamena
réseaux géodésiques de l’Algérie, du
réseaux avaient fini par la suite par être (Tchad), précisément à la frontière
Maroc et de la Tunisie, ont été établis
adoptés et utilisés par la communauté. entre le Tchad et le Soudan.
avec l’ellipsoïde Clarke 1880 (anglais)
pour l’Algérie et Clarke 1880 (IGN) Malgré les différents ellipsoïdes, Le cheminement du parallèle dont
pour le Maroc et la Tunisie alors qu’en systèmes de référence et les diffé- le but était de mesurer par chemine-
Égypte, l’ellipsoïde Helmert 1906 était rentes projections utilisés dans les ment un arc de parallèle qui traver-
utilisé. En Libye, l’ED50, version 1979 différentes colonies, un projet d’uni- serait toute l’Afrique, s’étendait sur

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fortement des travaux d’extension et
de densification qui devaient aussi
permettre d’assurer une homogénéité
du réseau sur les territoires couverts.
Au Sénégal par exemple, les points
du 12e parallèle qui traversait tout le
pays ont servi de base pour la création
des réseaux (Yoff-Datum 200, Datum
Point 58, Adindan Datum 1969) pour
un système géodésique plus étendu
ou au rattachement du 12e parallèle à
de nouveaux systèmes géodésiques
comme le système OMVS1979.
Ces réalisations géodésiques de base
étaient également accompagnées de
la multiplication et de la diversité des
référentiels géodésiques locaux dans
les autres parties du territoire non
couvertes par le réseau de base. Ce
qui était généralement à l’origine de
la coexistence de différents réseaux
géodésiques dans plusieurs pays
comme le Gabon et le Niger.

Le théodolite (avec ses différentes


variantes) était l’appareil standard
utilisé pour les mesures d’angle. Les
distances étaient mesurées avec des
rubans pour les mesures de base q

Figure 4. Cheminement géodésique du 12e parallèle et autres canevas (Levallois, 1988).


4  656  km de Dakar à Ndjamena, en Soudan) a été par la suite, reliée à la
passant par les pays suivants : Sénégal triangulation d'un arc de méridien pour
(668 km), Mali (837 km), Burkina Faso définir ainsi le premier référentiel de
(717  km), Niger (275  km), Nigeria base de premier ordre pour l’Afrique.
(1 191 km), Cameroun (51 km) et Tchad Ces travaux ont été réalisés entre 1967
(917 km) (Adekoya, 1992 et Leblanc, et 1970 après une première conception
2022). Il a été financé par les États-Unis de la triangulation d'un arc de méridien
et réalisé par l’IGN France à l’excep- en 1880, qui fut reprise en 1954 pour
tion de la partie du Nigeria, qui a été des raisons que nous n’avons pas pu
faite par le Survey Department du découvrir. Les calculs avaient égale-
Nigeria. Ce travail mené à la demande ment montré des écarts importants de
du conseil scientifique pour l’Afrique, la triangulation d'un arc de méridien
avait permis de créer et d’observer dans certains territoires de l’Afrique de
325 bornes qui ont été rattachées au l’Est (NRD/CRSU, 1989).
nivellement de précision (figure 4).
Ces différentes réalisations géodé-
La réorientation de ce cheminement a siques commençaient généralement
été effectuée toutes les deux stations par la création d’une triangulation ou
par des observations astronomiques polygonation de base ou primaire qui
(point de Laplace). Cette chaîne de était suivie d’une extension et d’une
polygonation fondée sur le système densification du réseau. La couver-
géodésique Adindan point 58 (à partir ture géométrique et l’accessibilité du Figure 5. Triangulation du 30e arc de
du point 58, de la triangulation du réseau géodésique dépendaient ainsi méridien (Winterbotham et McCaw, 1927).

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(méridien 30°) qui finiront par être mise en place d’un réseau géodésique
q remplacés par les premiers appareils devant couvrir toute l’Afrique (IGN-F,
électroniques de mesure de distance 1981). Ce projet connu sous le nom
(EDM) comme les telluromètres et d’African Doppler Survey (ADOS),
les géodimètres qui ont été utilisés devait comporter des centaines de
dans le cheminement du 12e  paral- points observés par méthode Doppler
lèle. Les triangulations n’étaient pas sur les satellites américains Transit.
toujours réalisées avec la même
Les objectifs de ce projet étaient de
rigueur (absence de dispositions de
fournir (NRD/CRSU, 1989 et Wonnacott,
contrôle suffisantes pour certaines) et
Photo 1. Récepteur Doppler en station dans 2012) :
les calculs de compensation étaient
la savane africaine (Carrère et al., 1987). - u n système géodésique primaire
généralement effectués en petit bloc.
continental pour l’unification et la
Ce qui ne permettait pas de garantir Référentiels géodésiques consolidation des réseaux géodé-
dès lors, une homogénéité suffisante tridimensionnels   siques nationaux en l’Afrique ;
des dits réseaux. La performance des
géocentriques - un support de contrôle de base pour
outils de calcul liée aux avancées tech-
la cartographie en Afrique ;
nologiques avait permis plus tard de n Le système ADOS
- un géoïde précis pour l’Afrique.
faire des calculs de compensation en Lors du symposium sur la géodésie
bloc de certains réseaux existants. Cela africaine qui s’était tenu à Nairobi en Les observations Doppler devaient
avait permis de détecter des anomalies novembre 1981, l’Association inter- être réalisées de manière simultanée
sur certains d’entre eux, à l’image des nationale de géodésie (IAG) en avait avec des emplacements de certaines
discordances (de l’ordre du mètre) qui profité pour lancer un vaste projet de stations choisis sur des points
ont été montrées sur la triangulation de
premier ordre du Maroc (Noureddine
E., 2003).

Le réseau géodésique servait de base


à la cartographie et un appui pour les
travaux cadastraux et dans le cadre de
certains projets. Mais les différences
notées entre ces systèmes locaux
rendaient difficiles la mise en place
d’un cadastre national, l’établissement
d’un livre foncier fiable et la gestion de
certains conflits fonciers.

C’est pourquoi des initiatives ont été


rapidement prises par de nombreux
pays pour une harmonisation des diffé-
rents référentiels géodésiques à partir
de réseaux géodésiques tridimension-
nels à dimension nationale grâce aux
techniques de la géodésie spatiale
(GPS). Cela fut le cas du Sénégal qui,
à partir de 2004, a créé son premier
réseau géodésique tridimensionnel
couvrant tout le territoire sénégalais,
dénommé RRS04. Ce réseau a été créé
par technique GPS avec vingt points de
premier ordre rattachés à l’ITRF2000,
époque 2004.56. En plus des points
de premier ordre, vingt-six (26) points
co-localisés sur des points des anciens
réseaux ont été également observés en
2004 pour permettre la détermination
des paramètres de transformation ou
de passage des anciens systèmes au
nouveau système RRS04.
Figure 6. Statut et répartition des points ADOS en novembre 1986 (NRD/CRSU, 1989).

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d’anciennes triangulations géodé-
siques existantes afin de faciliter la
détermination des paramètres de
transformation entre les anciennes
triangulations et le système ADOS. À
la fin du projet, 310 points répartis sur
47 pays ont pu être observés (NRD/
CRSU, 1989). Les données d’observa-
tions ont été envoyées à cinq centres
de traitement dont deux se trou-
vaient en Afrique (Kenya et Algérie)
et un aux États-Unis avec la Defense
Mapping Agency (DMA). Les calculs
des positions des stations ont été ainsi
effectués de manière progressive et
séparée. Cependant, la compilation
des données a été plus compliquée
car seuls 22 pays avaient pu fournir
les résultats de leurs stations Doppler.

Les coordonnées des stations ont


été calculées avec les éphémérides
précises du système TRANSIT dont
la précision était inférieure à 2 m
(Newling, 1989).
Les coordonnées ont été obtenues
avec les paramètres (a = 6378145 m ;
f = 1 / 298,250) de l’ellipsoïde NWL 8-9
WGS 66 avec comme méridien d’ori-
gine, celui de Greenwich.
Figure 7. Référentiels géodésiques africains (NRD/CRSU, 1989).
C’est en 1987, lors de l’assemblée
générale de l’Union internationale de - observations simultanées requises Après 1986, de nombreuses triangu-
géodésie et géophysique (UGGI) tenue pour la technologie Doppler diffi- lations locales, parfois incompatibles,
au Canada, que la Defense Mapping cilement réalisables vu la taille du ont donc continué à coexister en
Agency a publié les coordonnées continent africain, du nombre de Afrique malgré les réalisations qui ont
Doppler des 310 points qui ont été pays concernés et les infrastructures été faites avec le projet ADOS.
calculés et répartis sur le continent géodésiques existantes à l’époque ;
En Afrique de l’Ouest, l’infrastructure
africain (figure 8). - implication des pays africains assez
géodésique était globalement définie
limitée dans la planification du projet
Les objectifs qui ont été fixés pour ce à partir uniquement de points astro-
menée par l’IAG et la communauté
projet, particulièrement celui de l’uni- géodésiques comme au Sénégal (à
internationale ;
fication des systèmes géodésiques l’exception du cheminement géodé-
- n on-implication de certains pays
en Afrique, n’ont malheureusement sique du parallèle). Les pays non
africains qui ne semblaient pas bien
pas été pleinement atteints pour de couverts par ces triangulations avaient
comprendre les enjeux du projet. Ce
nombreuses raisons (Wonnacott, ainsi des réseaux nationaux qui se
qui s’est traduit par un manque de
2006) : sont développés en partant des points
motivation et d’enthousiasme dans
astro-géodésiques ayant été, pour la
l’exécution du projet ;
plupart, créés pour appuyer les travaux
- n on-matérialisation de certains
de cartographie africaine.
accords bilatéraux desquels dépen-
dait l’exécution du projet, entre La majeure partie des triangulations se
certains pays et les organismes impli- trouvait en Afrique du Sud qui semblait
qués dans le projet ; être un peu plus en avant (pour
- absence de procédures standard clai- les triangulations) avec une partie
rement définies ; de l’Afrique du Nord (figure  7). Les
- une expertise africaine sur la techno- campagnes d’observations astrono-
Photo 2. Soirée d’observations avec une logie Doppler pas très développée, miques ayant abouti à la détermination
brigade astronomique dans l’Ennedi au nord comme cela peut être aujourd’hui le de points astronomiques déterminés
du Tchad en 1957 (Carrère et al., 1987). cas avec la technologie GNSS. isolément permettaient certes la créa-
q
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des aéroports des pays qui composent


l’ASECNA (Agence pour la sécurité
de la navigation aérienne en Afrique
et à Madagascar). Ces points ont été
créés entre 1996 et 1997 et calculés à
partir des observations effectuées par
GPS qui ont permis de les rattacher à
l’ITRF1996, époque 1998.5.

n Le projet AFREF
À la suite des échecs qui ont été obser-
vés avec le projet ADOS, des avancées
technologiques avec l’avènement du
GPS et les enjeux de plus en plus
grandissants dans l’acquisition et la
gestion de l’information géospatiale
en Afrique, une modernisation des
Figure 8. Différents sites devant définir l’ITRF2020 (Altamimi, 2021).
référentiels géodésiques africains
s’imposait. C’est ainsi que les pays
q tion de canevas locaux, mais souvent rentes versions qui se sont succédé
africains, avec l’appui de la commu-
très hétérogènes. au fur et à mesure des années, dont
nauté internationale, ont lancé en
Ces différentes réalisations géodé- la plus récente est l’ITRF2020 ayant
2001, un nouveau projet dénommé
siques traditionnelles en Afrique, succédé à l’ITRF2014. Il constitue ainsi
AFREF pour “African Reference
généralement bidimensionnelles, le référentiel mondial le plus utilisé
Frame” basé cette fois-ci sur la tech-
étaient accompagnées d’un référentiel et auquel tous les pays sont encoura-
nique de positionnement GPS. Cette
altimétrique à l’image du nivellement gés à s’y rattacher, conformément à
initiative commune des États africains
général de l’Afrique Occidentale la résolution de l’assemblée générale
consistait à mettre en place un réfé-
(NGAO53) réalisé à partir du maré- de l’Organisation des Nations unies
rentiel unifié basé sur l’installation
graphe de Dakar et traversant toutes (ONU) qui a été adoptée le 26 février
de stations GNSS permanentes. Ce
les anciennes colonies de l’AOF et 2015 dans ce sens.
référentiel devait, à cet effet, être plei-
du Nivellement général de l’Afrique Néanmoins, il faut noter que la réparti-
nement compatible avec le référentiel
Centrale (NGAC). tion des stations de l’ITRF représentant
mondial (ITRF) et accessible à tous
les quatre techniques précédemment
Avec l’avènement des techniques les acteurs du monde professionnel
citées n’est pas homogène (figure 8).
spatiales modernes, un nouveau et scientifique du continent africain.
On peut facilement voir que l’Afrique
repère de référence terrestre (ITRF) Il devait ainsi regrouper les différents
représente, malgré son étendue, le
rattaché à la croûte terrestre a été mis réseaux géodésiques nationaux et
continent abritant le moins de stations
en place en 1988. Ce repère consti- régionaux basés sur la technologie
de l’ITRF (environ une trentaine de
tue depuis lors la matérialisation du GPS dont il en serait le référentiel de
stations GNSS permanentes, cinq
système de référence terrestre (ITRS) base. Contrairement au projet ADOS,
stations DORIS, trois stations SLR et
qui a été adopté comme référentiel il a été noté une meilleure implication
une seule station VLBI).
géodésique mondial. Ce référentiel des États africains et des procédures
est défini et maintenu grâce à une Cette configuration ne permet pas ainsi standard pour l’installation des
combinaison rigoureuse des produits de garantir une disponibilité et une stations de référence GNSS clairement
dérivés des différentes techniques de qualité équivalente des produits de définies par l’IGS (Wonnacott, 2006).
la géodésie spatiale (GNSS, DORIS, l’IGS fournis à partir de l’ITRF compa- Les objectifs du projet ont été déclinés
SLR et VLBI) avec des sites dispo- rée aux autres continents. lors de la déclaration de Windhoek en
sant d’équipements de mesures 2012. Ils s’agissaient particulièrement
Ce constat montre à cet effet, l’impor-
sur chacune de ces techniques avec de (Wonnacott, 2012) :
tance pour l’Afrique, de prendre des
certains qui sont co-localisés. Ces - déterminer un réseau de référence
initiatives à l’image des autres conti-
sites répartis sur l’ensemble du globe tridimensionnel unifié pour l’Afrique
nents comme l’Europe afin de réussir
sont, pour la plupart, définis par des et rattaché à l’ITRF ;
à corriger ce déséquilibre et de s’ali-
stations GNSS permanentes. Cette - réaliser un référentiel vertical unifié
gner aux standards en vigueur dans
couverture globale, associée aux et soutenir les efforts d’établissement
les autres continents.
mesures continuelles et aux calculs d’un géoïde africain précis ;
et combinaisons rigoureux qui s’en Les premiers points géodésiques - mettre en place un réseau de stations
suivent, permettent de garantir la tridimensionnels mis en place sur le de référence GNSS permanentes
précision, l’homogénéité, la fiabilité continent et rattachés à l’ITRF furent permettant à tout utilisateur du conti-
et la robustesse du réseau avec diffé- ceux ayant permis le rattachement nent africain d’avoir accès à au moins

46 Revue XYZ • N° 173 – 4e trimestre 2022


Nous pensons qu’il est aujourd’hui,
plus que nécessaire de faire l’état des
lieux de la situation du projet afin de
le relancer, pour que les objectifs qui
ont été fixés puissent être atteints, car
les enjeux ayant motivé la création
du projet demeurent, s’ils ne sont pas
devenus plus importants. Pour ce faire,
nous pensons qu’il serait nécessaire
de :
- redynamiser les États africains à
travers les autorités locales par une
meilleure sensibilisation ;
- assurer une formation complète des
acteurs africains pour une expertise
locale suffisamment outillée ;
- faire porter le projet aux chefs d’États
africains auprès des Nations unies
et des autres organisations interna-
tionales pour un accompagnement
financier et technique ;
- assurer une implication politique,
sécuritaire, technique et financière de
tous les pays à travers, par exemple,
l’Union africaine ou les autres organi-
sations sous-régionales ;
Figure 9. Répartition spatiale des stations GNSS permanentes (SGP) de l’IGS en 2022
- faire l’état des lieux de l’infrastructure
pouvant constituer la base du réseau AFREF.
géodésique de chaque pays ;
une station de base dans un rayon de l’Afrique australe), CAFREF (pour - répertorier les stations GNSS perma-
5 000 km qui devrait plus tard passer l’Afrique centrale), EAFREF (pour nentes installées dans le cadre
à 1 000 km ; l’Afrique de l’Est) conformes avec les d’autres initiatives pour leur inté-
- déterminer les relations entre les réfé- orientations de l’AFREF et respectant gration à l’AFREF après contrôle et
rentiels nationaux existants et l’ITRF ; les spécifications de l’IGS. validation ;
- appuyer l’établissement d’une exper- - faire le diagnostic des structures en
Malheureusement, ce projet tarde
tise locale dans chaque pays pour charge des travaux géodésiques et
toujours à se concrétiser pleinement
l’implantation, l’opérationnalisation, cartographiques dans chaque État
avec beaucoup de pays qui sont en
le traitement et l’analyse de tech- et faire un plaidoyer ou encoura-
retard dans l’installation de ces stations
niques géodésiques modernes. ger l’adoption de résolutions par
permanentes, en plus du problème
les organismes régionaux ou par
Le projet AFREF devait ainsi permettre de coordination dans les projets
l’Union africaine, d’orientations
à l’Afrique d’avoir un référentiel d’installation et de la disponibilité de
qui permettront de bien outiller ces
géodésique moderne à l’image de l’information dans ce sens.
structures avec des objectifs clairs et
ceux de l’Europe (dénommé EUREF),
Cette répartition, même si elle pourra réalistes ;
des Amériques du Sud et centre
être complétée par les stations GNSS - s ’assurer de la disponibilité des
(dénommé SIRGAS) et de l’Asie
permanentes déjà installées par procédures d’installation de stations
Pacifique (dénommé APREF).
certains pays et non intégrées dans GNSS permanentes définies par l’IGS
Pour y parvenir, chaque pays devrait le réseau de l’IGS, reste encore faible, dans les structures en charge de la
au moins disposer d’une station de en plus de certaines stations souvent géodésie dans chaque État ;
référence pouvant être créée à travers non fonctionnelles ( figure 9). Huit - faire adopter aux États africains (ou
les initiatives régionales. Ces initia- de ces stations (DAKR, CPVG, RABT, aux organismes sous-régionaux) des
tives sont portées par des structures TANA, MOIU, CGGN, BJCO et ACRG) résolutions permettant l’installation
intermédiaires et devront permettre de par exemple, ne transmettaient plus de stations GNSS permanentes de
garantir une efficacité pratique dans la de données à l’IGS en septembre niveaux 1 et 2 dans chaque projet
mise en œuvre. Cette démarche devait 2022 et cela depuis plus d’une année de modernisation d’infrastructures
permettre la création de réseaux de pour certaines. Ce qui fait qu’il faudra géodésiques et/ou par rapport à un
référence régionaux : WAFREF (pour prévoir un plan d’entretien, de main- agenda défini ;
l’Afrique de l’Ouest), NAFREF (pour tenance et de pérennisation des SGP - m ettre en place un groupe de
l’Afrique du Nord), SAFREF (pour devant constituer le futur réseau AFREF. type EUREF ou SIRGAS formé de q

Revue XYZ • N° 173 – 4e trimestre 2022 47


GÉODÉSIE

ch e r ch e u r s , d ’ i n s t i t u t i o n s d e naux ou régionaux. Ce qui fait que le WGS84 (Niger, Gabon, Guinée


q recherche, d’universités, d’ingé- l’utilisation des bornes géodésiques Équatoriale, etc.).
nieurs de la géodésie opérationnelle, au sol reste quasi incontournable
La répartition spatiale (figure 10) des
etc. chargé de la centralisation des pour aboutir à un tel référentiel. Mais
systèmes de rattachement des réfé-
données et du calcul des différentes l’avancée commune majeure que
rentiels géodésiques nationaux utilisés
solutions en continu. Ce groupe nous pouvons noter, c’est l’utilisation
actuellement en Afrique, montre que
pourra être rattaché à l’Union afri- des techniques spatiales (particuliè-
malgré les efforts faits par certains
caine afin que certains problèmes rement le GNSS) dans tous les pays
pays, en s’alignant aux recommanda-
qui concerneront les autorités d’Afrique, ce qui devrait donc faciliter
tions de la communauté internationale
étatiques puissent facilement être les initiatives nationales, régionales et
en matière de gestion de l’information
traités, mais cela ne devrait pas être internationales en matière de référen-
géospatiale, des efforts restent encore
une condition pour la mise en place tiel géodésique commun.
à faire pour un bon nombre de pays.
d’un tel groupe. La mise en place
Il serait donc judicieux, d’encourager,
pourrait commencer par des engage-
Rattachement des repères de sensibiliser et d’appuyer ces pays,
ments volontaires entre chercheurs,
à mettre leur infrastructure géodésique
universitaires et autres institutions de référence terrestre
en phase avec le repère de référence
de recherche en Afrique pour une nationaux en Afrique international terrestre (ITRF). Ceci
collaboration dans ce sens ;
Le GPS a vite été utilisé en Afrique, devrait également passer par :
- encourager les États disposant de
pour améliorer les infrastructures exis- - la formation des acteurs locaux ;
stations GNSS permanentes faisant
tantes. Dans un premier temps, il s’est - le renforcement en matériel des
partie de l’AFREF à s’engager à faci-
agi d’utiliser les mesures dans les réfé- institutions nationales en charge des
liter et à donner des orientations
rences anciennes, mais très vite des aspects géodésiques ;
pour une disponibilité des données
référentiels géocentriques nationaux - la mise en place d’un système d’ar-
de ces stations GNSS permanentes
ont été mis en place. Les premiers chivage performant des informations
dans le réseau régional avec des
étaient rattachés au WGS84 de manière d’ordre géodésique (rapports d’ob-
dispositions de suivi, d’entretien et
plus ou moins précise, mais d’autres servations et de calculs, données
de maintenance des dites stations
ont été rattachés à l’ITRF dès les d’observations brutes, etc.) ;
GNSS permanentes.
années 2000 par mesure de longues - la mise en ligne (Internet) des
Ces différentes évolutions des infras-
lignes de base sur les quelques ressources géodésiques afin de
tructures géodésiques en Afrique
stations permanentes existantes sur faciliter l’accès aux chercheurs et
montrent que des efforts ont été faits
les autres continents. Les coordonnées professionnels ;
par les différents pays malgré des
de ces réseaux ont été fixées dans la - la capitalisation des observations
avancées inégales et disproportion-
réalisation ITRF en cours à l’époque GNSS faites sur un territoire national
nées. Le même souci de fournir un
des observations. Quelques-uns de ces dans le cadre d’autres projets ;
référentiel unique, fiable et accessible
référentiels s’appuient sur des stations - etc.
à tous les acteurs est une préoccupa-
permanentes nationales.
tion commune aux différents pays L’adoption de référentiels nationaux en
africains. Aujourd’hui, nous notons de Les référentiels géodésiques actuelle- phase avec l’ITRF à une époque bien
plus en plus des progrès sur l’installa- ment utilisés dans les pays africains définie devrait participer à la réussite
tion des stations GNSS permanentes sont caractérisés par leur hétérogé- du projet AFREF et à une utilisation
en Afrique. Mais ces dernières font néité malgré les nombreuses avancées optimale des techniques de position-
généralement face à certains facteurs notées. L’inventaire que nous avons fait nement émergentes comme le PPP en
bloquants (économiques, sécuritaires, sur les systèmes géodésiques actuel- Afrique.
énergétiques, humains, etc.). Ces lement en vigueur en Afrique nous Les solutions PPP étant calculées
différentes contraintes sont souvent a permis de constater que parmi les dans le système des orbites utilisées
associées dans beaucoup de pays pays pour lesquels nous avons obtenu (ITRFyyyy, époque eeee.ee), peuvent
à une non-maîtrise de la disponi- des informations (43 sur les 54), 37 % dès lors être souvent différentes des
bilité permanente de l’électricité et disposent de repères de référence solutions que l'on aurait dû avoir
une connexion Internet limitée dans rattachés à une version ITRF (yyyy) dans le système national. La vitesse
certaines zones, même si aujourd’hui, à une époque (eeee.ee) connue. Les des plaques étant relativement bien
avec les techniques de positionne- autres pays utilisent soit des canevas connue ainsi que certains mouve-
ment émergentes, des solutions officiellement rattachés à une version ments discontinus (déplacements
peuvent être espérées par rapport à de l’ITRF ou WGS84 sans que l'on ait post-sismiques), les paramètres de
certains problèmes. Mais ces solu- trouvé l’époque associée (Rwanda, transformation d’une réalisation ITRF
tions ne pourront être pleinement Togo, Érythrée, etc.), soit des cane- à une autre (avec même époque ou
applicables qu’avec l’aboutissement vas locaux qui peuvent parfois être époques différentes) sont aujourd’hui
de ce projet ou une modernisation associés à la définition de quelques bien quantifiés et disponibles sur
des référentiels géodésiques natio- points indépendants déterminés dans le site http://itrf.ensg.ign.fr/. Ce qui

48 Revue XYZ • N° 173 – 4e trimestre 2022


accessible à tous les acteurs du position-
nement en Afrique. l

Contact
Diogoye DIOUF, Enseignant-chercheur,
Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT),
Sénégal
diogoye.diouf@univ-thies.sn

Remerciements 
Nous tenons à remercier Bernard
Flacelière et Michel Kasser pour
les nombreuses suggestions, les
documents partagés avec nous et
surtout pour les échanges sur leurs
missions géodésiques faites en
Afrique.

Bibliographie
Altamimi Z., (2021). The International
Figure 10. Systèmes de rattachement des référentiels géodésiques en Afrique en 2020. Terrestrial reference Frame: an update.
IGN-IPGP, France, ICG-15, Sep 27 – Oct 1st,
permettra dès lors, avec un modèle D’abord par la création de points
2021.
de vitesse précis, de pouvoir ramener astrogéodésiques qui devaient, pour la
des solutions PPP au repère local préa- plupart, servir de base pour les travaux Adekoya O. (1992). Surveying and
lablement rattaché à l’ITRF avec une de cartographie en Afrique, ensuite mapping in Africa—Conventional Methods
époque donnée. Certains travaux topo- par la création de réseaux régionaux to Space techniques. United Nations
graphiques pourront devenir donc plus et à dimension continentale avec des Provided by the NASA Astrophysics Data
simples à réaliser avec la technique triangulations et cheminements géodé- System.
PPP ainsi que d’autres travaux d’ordre siques en plus de certains réseaux à Bamouni A. et Nagabila H. (2020).
géodésique (contrôle, maintenance et dimension locale. Ce qui caractérise Conférence-débat virtuelle sur la
densification de réseaux géodésiques). à cet effet l’hétérogénéité des référen- géodésie burkinabè. Revue XYZ • N° 166
tiels géodésiques en Afrique. – 1er trimestre 2021.
Le PPP pourrait également, de par sa
simplicité et ses performances, faci- Même si certains pays ont pu moder- Carrere J., Mestrallet C., Perrichet C. et
liter le rattachement des systèmes niser rapidement leurs référentiels Sallat R. (1987). L’œuvre de l’Institut
géodésiques traditionnels qui restent géodésiques en les alignant aux stan- Geographique National en Afrique au sud
toujours en vigueur dans certains dards internationaux, il reste encore du sahara et à Madagascar (1945-1985).
pays n’ayant pas encore de réfé- des pays pour lesquels les référentiels Bulletin d’information de l’IGN 90/2.
rentiel moderne (figure 10), mais devront être modernisés pour permettre Degbegnon L. (2012). Enjeux et
aussi des pays ayant des référentiels aux acteurs du positionnement de perspectives du réseau géodésique
géodésiques modernes rattachés à bénéficier pleinement des nouvelles béninois avec la mise en place des
l’ITRF, mais co-existant toujours avec technologies utilisées dans le position- stations permanentes, FIG Working Week,
quelques réseaux locaux. nement actuel, de faciliter l’exécution May 2012, Rome Italie.
des projets transfrontaliers et de réduire, Duquenne F. (2018). Les systèmes de
Il faut néanmoins noter que la qualité
voire éradiquer les nombreux problèmes référence Terrestre et leurs réalisations :
d’un tel rattachement dépendra des
dont la source pourrait être relative aux Cas des territoires français. Revue XYZ •
précisions des anciens réseaux, des
données de positionnement. La redé- N° 154 – 1er trimestre 2018
observations et du modèle de vitesse
finition et la relance du projet AFREF
utilisé. Duquenne F. et H. (2002). Cours de
devraient conduire à son aboutissement
géodésie, chapitre 5 : techniques
qui permettrait en même temps d’aligner
terrestres de la géodésie, es1, ESGT.
Conclusion tous les pays aux mêmes standards afin
de réduire (voire éliminer) les disparités E/eca/codist/1/6 (2009). Mise en place
Nous avons pu noter que les réali- notées dans ce sens et de permettre à du référentiel géodésique africain (afref)
sations géodésiques en Afrique ont l’Afrique de disposer d’un référentiel proposition de projet.
connu de nombreuses évolutions. géodésique précis, fiable, homogène et El Fettah N. (2003). Vers une redéfinition q

Revue XYZ • N° 173 – 4e trimestre 2022 49


GÉODÉSIE

du référentiel géodésique Marocain. systèmes globaux de navigation par


q 2nd FIG Regional Conference Marrakech, satellite en Côte d’ivoire”past-gnss Côte
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50 Revue XYZ • N° 173 – 4e trimestre 2022

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