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ÉDITORIAL

Gynécologue et psychiatre associés
dans la prise en charge de la santé
mentale des femmes
Gynecologist and psychiatrist associated
in the management of women’s mental health

À
l’heure où les pouvoirs publics prennent conscience
du peu de moyens dont dispose la psychiatrie en France,
et où la commission des 1 000 premiers jours a soulevé
l’importance de la santé mentale périnatale, il nous est apparu essentiel
de faire un focus détaillé sur les particularités de la psychiatrie au cours
de la vie des femmes. Le gynécologue en représente un acteur majeur
capable de dépister, d’orienter, de traiter, de soutenir les patientes
dans cette démarche. Le psychiatre peut, en travaillant avec le réseau
périnatalité, en être un autre maillon essentiel.
En effet, les fluctuations hormonales caractéristiques du cycle
menstruel, certains événements de la vie, en particulier la grossesse,
et quelques étapes incontournables, telles que la puberté et la ménopause,
Dr Sarah sont autant de périodes susceptibles d’influer sur la santé mentale
des femmes. La prise en charge des troubles psychiatriques en période
Tebeka périnatale, en particulier la prescription de psychotropes, peut sembler
Département de psychiatrie, hôpital
universitaire Louis-Mourier, AP-HP, Colombes ;
difficile et conduire les cliniciens, à tort, à interrompre des traitements
Université de Paris, Inserm U1266, Paris. pourtant nécessaires.
De plus, la pandémie mondiale liée au Covid-19 ajoute un facteur
de risque important de troubles psychiatriques, et vient compliquer
la prise en charge des femmes. Si initialement les consultations
de gynécologie ont été délaissées engendrant des retards au diagnostic,
le traitement de pathologies bénignes ou malignes doit parfois encore
être différé faute de personnel et de lits. La prise de conscience
de cette dégradation de la qualité des soins a incité les services
de gynécologie-obstétrique à réagir ; cependant, les dégâts psychologiques
ont été tout aussi dévastateurs et nécessitent également que l’on s’y arrête.
La prise en charge et le vécu des femmes enceintes depuis 2 ans sont loin
d’être simples.
Ainsi, un dossier en coédition avec La Lettre du Gynécologue
consacré à la prise en charge psychiatrique des femmes est né grâce
à l’enthousiasme des auteurs d’horizons divers qui ont immédiatement
Dr Brigitte répondu positivement à notre appel.
Raccah-Tebeka
Anne-Laure Sutter-Dallay nous indique comment et pourquoi
Service de gynécologie-obstétrique,
hôpital Robert-Debré, Paris. prescrire les psychotropes durant la grossesse et les risques majeurs
de rechute liés à leur interruption intempestive.
Alexandra Doncarli détaille l’impact de la pandémie actuelle
sur la santé mentale des femmes enceintes, et propose des mesures ciblées
pour le limiter.

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ÉDITORIAL

Elsa Moreau relate l’influence des étapes hormonales de la vie des femmes


sur leur humeur, en particulier lors d’un trouble bipolaire.
Sarah Tebeka ouvre largement une porte sur l’origine génétique
de la dépression du post-partum.
Romain Dugravier argumente en faveur d’un dépistage systématique
des troubles psychiatriques au cours de la période périnatale.
Claudine Schalck nous propose un accompagnement du couple face
à la terrible épreuve d’un deuil périnatal et souligne l’aide précieuse
qui peut être apportée par les associations dans cette circonstance.
Chaque auteur, fort de son expertise, s’est investi de façon remarquable
pour rendre ce numéro tout à fait exceptionnel. Qu’ils soient tous
chaleureusement remerciés.
Les mentalités changent sur la prise en charge psychiatrique qui évolue,
en particulier pour les femmes.
Gageons que les années à venir seront un tournant dans le dépistage
S. Tebeka et B. Raccah-Tebeka
déclarent ne pas avoir et l’accompagnement de la santé mentale de toutes les femmes !
de liens d’intérêts en relation
avec cet éditorial. Bonne lecture à tous !

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DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

Maniement des psychotropes


durant la grossesse
Dealing with psychotropic drugs during pregnancy
A.L. Sutter-Dallay*, F. Gressier**

L
es pathologies psychiatriques périnatales dépresseurs serait associée à une légère augmen-
(rechutes ou de novo), notamment les troubles tation du risque d’avortement spontané, mais ce
de l’humeur, sont fréquentes et concernent risque serait également augmenté chez des mères A.L. Sutter-Dallay
20 % des femmes. Les troubles bipolaires (TB) ont déprimées non traitées.
un risque important de rechute [1], mais celui-ci La majorité des études n’ont pas mis en évidence
est plus faible chez les femmes traitées par sels de majoration des malformations avec la plupart
de lithium que chez celles qui arrêtent leur trai- des imipraminiques ou des inhibiteurs sélectifs de la
tement (23 versus 86 %), avec un risque majoré recapture de la sérotonine (ISRS). Seule la paroxétine
lors d’un TB de type II (TBII) et/ou de comorbidités pourrait être associée à une légère augmentation des
psychiatriques [2]. Les complications obstétricales, malformations cardiaques, et il est recommandé de
plus fréquentes chez les femmes souffrant de TB pratiquer une échographie à la fin de l’organogenèse
qu’en population générale, sont plus rares chez celles cardiaque.
traitées que chez celles non traitées [3]. Les troubles Une augmentation de la fréquence des faibles poids
psychotiques chroniques, dont les schizophrénies, de naissance avant 37 semaines a été rapportée
nécessitent le maintien d’un traitement psychotrope chez les femmes sous imipraminiques ou ISRS mais,
au long cours. D’autres pathologies peuvent requérir là aussi, ces mêmes résultats sont trouvés chez des
un traitement de fond durant une grossesse tels les mères déprimées non traitées. Les effets atropi-
troubles anxieux – trouble panique, trouble anxieux niques des tricycliques sont susceptibles d’induire
généralisé et trouble obsessionnel compulsif – et les une tachycardie, une rétention urinaire, une disten-
troubles de la personnalité. sion abdominale avec retard à l’émission du méco-
La FDA avait classé la majorité des psychotropes nium, une hyperexcitabilité, des convulsions ou des
en B (prise envisageable) ou C (à éviter par prudence). troubles de la succion. L’exposition aux tricycliques
La décision de proposer une prescription et le choix et/ou aux ISRS a été rapportée comme augmentant
du psychotrope doivent donc toujours être guidés le risque de faible score d’Apgar, de détresse respira-
par une évaluation multidisciplinaire spécialisée et toire ou de convulsions néonatales, d’hypertension
personnalisée de la balance bénéfice/risque pour la artérielle pulmonaire (HTAP), d’hyperexcitabilité,
dyade. Cette réflexion doit prendre en compte les d’irritabilité, d’hypotonie, d’hypoglycémie.
spécificités pharmacocinétiques liées à la grossesse Les associations retrouvées entre les troubles neuro-
(notamment augmentation des clairances rénale et développementaux – troubles du spectre autistique
métabolique et modifications du volume de distribu- ou trouble du déficit de l’attention/hyperactivité
tion) et le passage transplacentaire, qui entraînent (TDAH) – et l’exposition aux antidépresseurs in utero
une variabilité de la biodisponibilité de nombre de seraient probablement fortement liées à la sévérité
molécules, nécessitant des adaptations de poso- de la maladie [5].
logies suivant la règle de la dose minimale efficace * Inserm 1219, Bordeaux Popu-
lation Health Research Center,
et rendant parfois nécessaires des dosages sanguins. université de Bordeaux ; Réseau de
Thymorégulateurs psychiatrie périnatale, pôle univer-
sitaire de psychiatrie de l’enfant et
de l’adolescent, centre hospitalier
Antidépresseurs Sels de lithium Charles-Perrens, Bordeaux.
** CESP U1018 MOODS Team, service
de psychiatrie, hôpital universitaire
13,0 % des femmes aux États-Unis prennent un Longtemps contre-indiqués pendant la grossesse de Bicêtre, AP-HP, hôpitaux univer-
anti dépresseur pendant la grossesse et 2,6 % du fait d’une suspicion d’augmentation du risque de sitaires Paris-Saclay, Le Kremlin-
Bicêtre.
en France [4]. L’exposition anténatale aux anti- malformations cardiaques majeures type maladie

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Mots-clés Points forts
Psychotropes » Hormis les valproates, aucun traitement psychotrope ne doit être arrêté sans un avis spécialisé durant
la grossesse.
Grossesse
» Un projet de grossesse doit être abordé en considérant avant tout le risque de rechute du trouble
Consultation psychiatrique, le risque étant la rechute, et non la prise de psychotropes.
antéconceptionnelle
» Les consultations antéconceptionnelles, visant à définir les grandes lignes des adaptations thérapeutiques
Prévention envisageables et adaptées à chaque femme et à sa famille et fondées sur l’évaluation de la balance
des rechutes ­bénéfice/ risque, représentent la meilleure des stratégies de prévention des rechutes en psychiatrie périnatale.
Parcours de soins » Le parcours de soins multidisciplinaire, coordonné, gradué et intégré, est le fondement des soins de qualité
pour les femmes atteintes d’un trouble psychiatrique en période périnatale.

Highlights d’Ebstein, les sels de lithium restent le traitement À plus long terme, des troubles du comportement,
» With the exception of val- préventif des rechutes le plus efficace. À ce jour, du développement cognitif et des troubles du
proates, no psychotropic leur prescription durant une grossesse peut être spectre autistique (risque relatif multiplié par 7) [12]
treatment should be stopped envisagée après une évaluation du rapport béné- ont été rapportés.
without specialist advice fice/risque, si possible antéconceptionnelle,
during pregnancy. et cela au sein d’un parcours de soins spécialisé.
Carbamazépine
» A pregnancy project must Une méta-analyse [6] a montré que l’exposition aux
be approached by considering sels de lithium était associée à une élévation de la L’exposition anténatale à la carbamazépine est
first and foremost the risk of prévalence de malformations majeures (7,4 versus associée à des taux d’anomalies du tube neural de
relapse, the risk being the 4,3 %, aOR = 1,71 ; IC95 : 1­ ,07-2,72), mais pas spéci-
relapse, not the use of psy- 0,5 à 1,0 %. Un risque majoré de malformations
fiquement des malformations cardiaques (2,1 versus faciales, de microcéphalies, de faible poids de nais-
chotropic drugs.
1,6 % ; aOR = 1,54 ; IC95 : 0,64-3,70), quand d’autres sance, de déficiences fœtales en vitamine K a été
» Preconception consultations,
soulignent un risque cardiaque dont la significati- rapporté [11], avec une incidence globale d’environ
aimed at defining the broad
outlines of possible therapeutic vité disparaîtrait au fil du temps [7]. L’exposition 5,0 % dans le rapport de l’ANSM de 2019 [13].
adaptations adapted to each anténatale augmenterait le risque de poids de nais-
Si les effets sur le développement cognitif semblent
woman and her family and sance élevé [8] et a pu être associée à des dysfonc-
moins sévères qu’avec les valproates, les enfants
based on the evaluation of the tions cardiaques néonatales, des diabètes insipides,
exposés in utero présentent une prévalence accrue
benefit/risk balance, represent des hypothyroïdies, des hypotonies, des perturba-
the best strategy for preventing de QI inférieur à 85, ainsi que des facultés verbales
tions hépatiques et des syndromes de détresse
relapse in perinatal psychiatry. diminuées. La prescription de carbamazépine doit
respiratoire. La plupart des recommandations pré-
donc se rediscuter, si possible avant la grossesse.
conisent des dosages plasmatiques mensuels jusqu’à
Keywords la 36e semaine, puis hebdomadaires jusqu’à récupé-
ration des taux sanguins habituels en post-partum. Lamotrigine
Psychotropic drugs
La suspension du traitement durant le 1er trimestre
Pregnancy La lamotrigine – utilisée principalement dans la
est parfois proposée. Cependant, le risque de rechute
Preconception consultation est important et doit donc être discuté versus une prévention des rechutes dépressives et les TBII –
Relapse prevention substitution par un autre traitement, suivant le type est bien tolérée et est considérée comme à faible
Care pathway de trouble et l’anamnèse. Enfin, les études sur le risque durant la grossesse avec environ 2,5 %
devenir neuropsychiatrique de ces enfants sont rares de malformations majeures, ce qui est proche des
mais rassurantes [9]. chiffres retrouvés en population générale [13]. Il est
préconisé de ne pas dépasser 200 mg/j et de faire
des dosages plasmatiques fréquents.
Valproates
Antipsychotiques
L’ANSM a contre-indiqué la prescription des
valproates en France en 2017 pour toute femme en Les phénothiazines n’augmenteraient pas le risque
âge de procréer. L’exposition anténatale à ces molé- de malformations. Des cas isolés et transitoires
cules est associée à 10 % de malformations graves de difficultés alimentaires, d’occlusion intestinale,
(anomalies de fermeture du tube neural, malforma- de dyskinésie, de détresse respiratoire, ou de convul-
tions cardiaques et craniofaciales). Les anomalies sions ont été rapportés. Seuls les syndromes extra­
du tube neural concernent 5 à 9 % des fœtus, sont pyramidaux pourraient persister plusieurs mois (bébés
liées à une exposition entre 17 et 30 jours après la “inconsolables”). Les formes injectables sont à éviter
conception, avec un risque dose-­dépendant [10]. du fait du risque d’hypotension maternelle et d’ano-
Les complications néonatales sont également malies du rythme cardiaque fœtal. Enfin, les molé-
fréquentes : toxicité hépatique, hypo­g lycémie, cules antiparkinsoniennes correctives des syndromes
syndrome de sevrage avec irritabilité, difficultés extrapyramidaux sont contre-indiquées étant donné
à l’alimentation et hypotonie [11]. leurs effets anticholinergiques.

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DOSSIER

Pour les antipsychotiques atypiques, l’une des plus Le risque de dépression respiratoire et de syndrome
importantes études incluant 154 patientes traitées de sevrage rend nécessaire une surveillance étroite
par olanzapine, rispéridone, quétiapine ou clozapine, durant les premiers jours de vie, car leur délai de
montre que seul 1 nouveau-né a présenté une mal- survenue varie de quelques heures à quelques jours.
formation congénitale majeure [14]. En revanche, Au-delà de ces risques “classiques”, aucune étude à
une étude portant sur la rispéridone seule retrou- ce jour n’a exploré le craving potentiel de ces bébés
vait 2,9 % de malformations congénitales (68 nou- et les difficultés interactives précoces qui pourraient
veau-nés exposés) [15], ce qui prête à éviter sa en découler, ce qui rend nécessaire un suivi au long
prescription en première intention. Avec les anti­ cours de ces dyades du fait également des difficultés
psychotiques atypiques, la prise de poids et la sur- interpersonnelles potentielles de leurs parents.
venue d’un syndrome métabolique, d’un diabète
gestationnel ou d’une macrosomie doivent être sur-
veillées, et ce plus spécifiquement avec l’olanzapine. Traitements non psychotropes
Concernant le développement cognitif, 6 des
9 études de cohortes existantes rapportent Les alternatives psychothérapiques – notamment
des troubles du développement, principalement des les thérapies interpersonnelles particulièrement
déficits moteurs, dont la majorité s’estompe avant efficaces en période périnatale – doivent toujours
2 ans, qui rendent nécessaire une surveillance déve- être discutées préalablement à toute prescription.
loppementale spécifique pour ces enfants. En effet, en termes de troubles dépressifs, la litté-
rature n’apporte pas la preuve de l’efficacité de la
prescription des antidépresseurs en prévention des
Anxiolytiques rechutes durant une grossesse.
Enfin, en cas d’épisode thymique sévère ou résistant,
L’exposition aux anxiolytiques ne semble pas asso- les recommandations internationales proposent
ciée à une augmentation du taux de malformations l’électroconvulsivothérapie qui est efficace et bien
majeures. Différents travaux relatent une augmen- tolérée chez les femmes enceintes, lorsque les pro-
tation du risque de fausse couche spontanée, retard tocoles anesthésiques sont respectés.
de croissance intra-utérin, prématurité, bas poids de
naissance, faible score d’Apgar et de troubles respira-
toires. En cas d’exposition à de fortes doses avant la Conclusion
naissance ou de traitements à faibles doses au long
cours, le risque de floppy infant syndrome (hypo- La réflexion sur le rapport bénéfice/risque intégrant
tonie, trouble de la succion, apnées, hypothermie) les différences de temporalité entre le dévelop-
serait augmenté. Le risque de sevrage est non sys- pement de l’enfant, l’évolution des pathologies
tématique, mais peut survenir jusqu’à 3 semaines maternelles et l’environnement de la dyade est le
après la naissance (demi-vie longue, allaitement fondement des soins conjoints en psychiatrie péri-
maternel). Enfin, sur le plan développemental, l’im- natale [16]. En cas de trouble connu, une consul-
pact de l’exposition anténatale aux anxiolytiques tation antéconceptionnelle pluridisciplinaire
reste, pour ainsi dire, inexploré. – psychiatre, obstétricien et pédiatre – ouvrant
sur des stratégies anticipées incluant l’allaitement A.L. Sutter-Dallay déclare avoir
des liens d’intérêts avec Sanofi
est nécessaire. La fréquence des rechutes et des (participation à un webinaire
Traitements substitutifs troubles apparaissant de novo doit mener au déve- sur les stratégies de switch
aux opiacés loppement de stratégies de dépistage et de préven- des valproates chez la femme
en âge de procréer).
tion intégrées à un système de soins coordonné et
F. Gressier déclare ne pas avoir
La méthadone et la buprénorphine ne semblent pas gradué, fondé sur une stratégie de responsabilité de liens d’intérêts en relation
associées à une augmentation du risque ­malformatif. populationnelle. ■ avec cet article.

Références bibliographiques
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3. Boden R et al. Risks of adverse pregnancy and birth out- a systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatr
comes in women treated or not treated with mood stabi- 2017;171(6): 555-63. La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  9

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DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Maniement des psychotropes durant la grossesse

Références bibliographiques (suite de la page 9)


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13. ANSM. Antiépileptiques au cours de la grossesse : état
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10. Hernández-Díaz S et al. Comparative safety of actuel des connaissances sur les risques de malformations et
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DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

Impact psychologique
périnatal de la crise sanitaire
liée à la pandémie de Covid-19
Perinatal psychological impact of the Covid-19 pandemic
health crisis
A. Doncarli*, C. Crenn-Hebert**, S. Tebeka***, N. Regnault*

L
A. Doncarli
a période périnatale, comprenant la grossesse, touchées par la p ­ andémie que les femmes non
la naissance et jusqu’à la première année du enceintes, alors qu’une autre enquête met en
post-partum, est une période de remanie- avant le contraire. Ainsi, Y. Zhou et al., en Chine,
ments profonds sur les plans biologique, physio- ont montré que les femmes enceintes (n = 544)
logique, social et émotionnel susceptible de rendre ­rapportaient significativement moins de symp-
les femmes plus vulnérables à la survenue ou à tômes de dépression, d’anxiété, d’insomnie et de
­l’aggravation de symptômes ou de troubles psychia- trouble de stress post-traumatique (TSPT) que les
triques tels que l’anxiété ou les troubles anxieux [1]. femmes non enceintes (n = 315) interrogées entre
Les troubles en santé mentale périnatale sont parfois février et mars 2020 [5]. En accord avec ce travail,
très sévères et peuvent conduire au suicide. Ainsi, l’enquête Covimater, menée par Santé publique
selon les données disponibles les plus récentes, les France courant juillet 2020 auprès de 500 femmes
suicides représentent la 2e cause de décès maternel enceintes pendant le confinement (du 17 mars au
en France comme en Angleterre [2, 3]. À l’instar des 11 mai 2020), fait ressortir une fréquence de l­’anxiété
pandémies et confinement passés [4], la pandémie parmi les participantes de 14,2 % [6] significative-
de Covid-19 et les confinements associés ont pu ment inférieure à celle de 24,8 % retrouvée chez
exacerber cette vulnérabilité et augmenter la pré- les femmes non enceintes en âge de procréer de la
valence des problèmes de santé mentale dans cette même tranche d’âge (18-49 ans) dans une enquête
population à risque. À partir des données françaises menée en population générale à l’aide d’un même
et internationales, nous proposons ici de faire le outil d’auto­diagnostic (échelle HAD) et sur la même
point sur l’impact de la pandémie de Covid-19 sur période (article de Doncarli A, Araujo-Chaveron L,
la santé mentale périnatale et suggérons des pistes Crenn-Hebert C et al. soumis pour publication). Inver-
d’interventions adaptées aux femmes durant cette sement, une étude argentine longitudinale comparant
période charnière de leur vie. 102 femmes enceintes et 102 femmes non enceintes
a montré, 47 jours après le début du confinement,
une augmentation significativement plus importante
Santé mentale des femmes des scores moyens de symptômes dépressifs (échelle
enceintes versus celle BDI-II), d’anxiété (échelle STAI) et d’affects négatifs
(échelle PANAS) chez les futures mères que chez les
* Santé publique France, direction
des maladies non transmissibles et
des femmes non enceintes femmes non enceintes. De plus, les femmes enceintes
traumatismes, Saint-Maurice. pendant la pandémie présentaient une diminution plus marquée de leur
** Département de gynécologie et score moyen d’affects positifs [7].
d’obstétrique, hôpital universitaire
Louis-Mourier, AP-HP, Colombes ; À notre connaissance, il existe peu d’études com- Globalement, ces études trop peu nombreuses ne
Agence régionale de santé d’Île-de- parant l’impact différencié de la pandémie sur permettent pas de trancher sur l’existence d’un
France, Paris.
la santé mentale des femmes enceintes et non éventuel sur-risque chez les femmes enceintes
*** Département de psychiatrie,
hôpital universitaire Louis-Mourier, enceintes. De plus, les résultats de celles dont nous versus les femmes non enceintes en âge de procréer
AP-HP, Colombes ; Université de disposons sont discordants : 2 études montrent pendant la pandémie. Les discordances observées
Paris, Inserm U1266, Paris.
que les femmes enceintes auraient été moins entre ces études pourraient être liées au fait que

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Points forts
Mots-clés
» La pandémie de Covid-19 a un impact majeur en période périnatale : augmentation de la prévalence des
principaux symptômes psychiatriques (anxiété, dépression, stress sévère, trouble de stress post-­traumatique, Pandémie
dissociation, pensées d’automutilation). de Covid-19
» Son impact est majoré chez les femmes ayant des antécédents de troubles mentaux : aggravation des SARS-CoV-2
symptômes cliniques préexistants et développement de comorbidités psychiatriques. Périnatal
» La mise en œuvre de mesures ciblées pour dépister ou prévenir la dégradation de la santé mentale : renforce-
ment de la mise à disposition pour les femmes enceintes d’informations consensuelles et actualisées sur l’impact Santé mentale
de la pandémie lors de la grossesse et de l’accouchement de façon à les rassurer ; facilitation ou renforcement Femmes enceintes
de l’accès à des soins psychologiques/psychiatriques (téléconsultation) ; réduction de l’isolement social via
la mise en place de groupes de parole spécifiques ; dépistage et soutien proactif des femmes vulnérables.

ces enquêtes ont été réalisées à des moments diffé- stricts, les femmes enceintes auraient présenté plus Highlights
rents de l’épidémie. Les 2 premières études montrant fréquemment des symptômes psychiatriques ; » The Covid-19 pandemic has
des femmes enceintes psychologiquement moins en revanche, une fois le confinement achevé et, a major impact in the peri-
affectées ont été menées alors que le pic de conta- considérant les marqueurs de suivi de la pandémie natal period: it increases the
mination était passé et que le déconfinement était comme étant plus rassurants, elles seraient deve- prevalence of major psychiatric
prononcé, mettant les femmes enceintes et non nues moins sujettes à des manifestations psychia- symptoms (anxiety, depression,
enceintes dans un état de moindre tension sur le triques que leurs homologues non enceintes. acute stress, post-traumatic
plan psychologique. Les femmes enceintes ayant, stress disorder, dissociation,
par ailleurs, été encouragées à poursuivre le suivi thoughts of self-harm).
de leur grossesses ont pu plus facilement et plus Santé mentale des femmes » Increased impact on women
with a history of mental disor-
fréquemment échanger avec les professionnels de enceintes pendant la pandémie ders: it worsens of preexisting
santé durant le confinement sur les sujets qui les
préoccupaient et se trouver plus rapidement dans versus avant la pandémie clinical symptoms and leads to
the development of psychiatric
une situation de réconfort plus prononcé que les Plusieurs revues de la littérature font ressortir que co-morbidities.
femmes non enceintes. A contrario, l’étude longi- les femmes enceintes ou accouchées ont pu avoir » Targeted measures to detect
tudinale révélant une détresse psychologique plus des symptômes psychiatriques majorés pendant or prevent mental health dete-
fréquente chez les femmes enceintes a été réalisée la pandémie. rioration. The following should
pendant le confinement dans une période d’incer- Ainsi, B. Chmielewska et al. dans leur revue systéma- be done to provide stronger
titude grandissante pour tous : il se peut que les tique de la littérature parue en juin 2021 rapportent consensual and updated infor-
femmes particulièrement vulnérables pendant leur que sur les 11 études qu’ils ont analysées et mesurant mation to pregnant women on
the impact of the pandemic on
grossesse, inquiètes pour la santé de leur enfant à la santé mentale maternelle, 7 font ressortir une aug-
their pregnancy and childbirth
naître, pour le déroulement de leur grossesse et de mentation significative de la dépression postnatale,
in order to reassure them; facili­
leur accouchement en cette période de pandémie et de l’anxiété maternelle ou les deux [9]. Dans leur tating/strengthening to give
de restrictions se soient avérées plus touchées sur le méta-analyse, H. Yan et al. ont cherché à quanti- better or reinforced access to
plan psychologique que les femmes non enceintes. fier cette augmentation et estiment que l’impact psychological/psychiatric care
Peu d’études longitudinales ont pu être menées de la pandémie a été de multiplier, respectivement, (teleconsultation); to reduce
durant cette période de début de pandémie et de par 1,65 (IC95 : 1,25-2,19) et 1,08 (IC95 : 0,80-1,46) social isolation by setting up
confinements successifs, mais une étude réalisée en le risque relatif de symptomatologie anxieuse specific discussion groups
Angleterre auprès de 11 femmes enceintes infectées ou dépressive chez les femmes en période péri­ and to proactively screen and
support for vulnerable women.
par le SARS-CoV-2 avant le confinement strict et natale  [10] comparativement à celles en gesta-
à différents moments de celui-ci va dans le sens tion ou accouchées avant la pandémie. De même,
d’une cinétique assimilable à une parabole pour dans une autre revue de la littérature suivie d’une Keywords
les scores d’anxiété (échelle GAD-7) et de symp- méta-analyse parue en 2021 [11], des symptômes Covid-19 pandemic
tomatologie dépressive (échelle PHQ-9) [8]. Les de dépression (méta-analyse sur 37 études) et d’an-
SARS-CoV-2
auteurs observent un pic des scores d’anxiété et de xiété (méta-analyse sur 34 études) étaient rapportés,
dépression coïncidant avec celui des décès dus à la respectivement, par plus de 25,6 % (IC95 : 21,8-29,9) Perinatal
pandémie survenant dans les premières semaines et 30,5 % (IC95 : 22,6‑39,8) des femmes enceintes Mental health
suivant le début du confinement. Les 2 scores interrogées en période de ­pandémie contre 11,9 % Pregnant women
déclinent ensuite à partir du moment où des infor- (IC95 : 11,4-12,5) et 22,4 % (IC95 : 19,6-25,1) d’après
mations rassurantes en provenance des collèges 2 méta-analyses réalisées avant la pandémie [1, 12].
royaux d’obstétrique et de gynécologie sont dif- Ces augmentations de la ­symptomatologie dépressive
fusées. Notamment, le score d’anxiété revient à ou anxieuse sont variables d’une zone géographique
un niveau similaire à celui observé avant le confi- à l’autre mais seuls les taux d’anxiété sont significa-
nement [8]. Femmes enceintes et non enceintes tivement différents entre les zones étudiées. Ainsi,
auraient donc pu suivre une même cinétique mais l’Asie de l’Est a des taux d’anxiété chez les femmes
avec des intensités différentes selon la phase consi- enceintes ­significativement plus faibles que ceux
dérée : au début de la pandémie et des confinements observés en Europe ou en Amérique du Nord [11].

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  11


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Impact psychologique périnatal de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19

En France, à notre connaissance, les seules données frant de troubles mentaux [18, 19]. La pandémie


disponibles actuellement concernent l’anxiété des mondiale de Covid-19 est venue ajouter un para-
femmes enceintes mesurée dans l’enquête ­Covimater mètre aggravant supplémentaire. Ainsi, les femmes
où le taux d’anxiété s’avère du même ordre de gran- enceintes souffrant de troubles psychiatriques pré-
deur que celui observé avant la pandémie à l’interna- existant à la pandémie et au confinement se sont
tional [1] ou en France [13]. Une hypothèse explicative avérées particulièrement à risque de comorbidités
serait que, en France comme en Angleterre, il y aurait psychiatriques [16]. Pendant la pandémie et le confi-
eu un pic d’anxiété survenu dans les premiers mois nement en Italie, celles ayant déclaré avoir des anté-
ou premières semaines de la pandémie et du confi- cédents de dépression ou de troubles anxieux ont
nement suivi d’une décroissance et d’un retour à un des niveaux d’anxiété significativement plus élevés
niveau d’anxiété comparable à celui observé avant la (échelle STAI-Y) et des symptômes de stress post-­
pandémie. Cela pourrait être lié, d’une part, au fait traumatique (NSESSS) significativement plus fré-
que l’enquête Covimater ait été menée au début de quents que les femmes enceintes n’ayant pas déclaré
l’été 2020 alors que les marqueurs de suivi de la pan- d’antécédents psychiatriques [20]. De même, une
démie pouvaient être perçus comme ­rassurants par les étude américaine menée pendant la pandémie a
femmes enceintes et, d’autre part, à un phénomène montré que, indépendamment de leur âge, origine
d’adaptation ou d’habituation au risque du Covid-19, ethnique, niveau d’éducation, niveau de revenus et
phénomène déjà constaté chez les femmes en âge de parité, les femmes en période périnatale avec un anté-
procréer en population ­générale [14]. cédent de dépression avaient un risque multiplié par
En dehors de l’anxiété ou de la dépression, d’autres presque 2 d’avoir des symptômes cliniques avérés de
troubles psychiatriques ont pu être mis en évidence. dépression (score CES-D ≥ 16 ; OR = 1,91 ; p < 0,01)
Ainsi, la survenue d’un stress clinique sévère s’avère comparativement aux femmes sans antécédent de
plus fréquente chez les mères qui ont accouché en dépression. Celles avec un antécédent de TSPT avaient
période de Covid-19 que chez celles ayant accouché une probabilité multipliée par 3,73 de présenter de
avant la pandémie (OR = 1,38 ; IC 95 :1,01-1,89). nouveau des symptômes de TSPT (score PCL-C ≥ 45 ;
Les conséquences de ce stress se traduisent par une p < 0,01) comparativement aux femmes sans anté-
augmentation des symptômes post-traumatiques cédent de TSPT. Les femmes avec un trouble anxieux
liés à l’accouchement, des difficultés d’attachement généralisé préexistant étaient significativement plus
ou à entreprendre l’allaitement [15]. De même, à risque d’avoir de nouveau des symptômes anxieux
des symptômes de stress post-traumatique et des (GAD-7 ≥ 10 ; OR = 2,74 ; p < 0,001) mais également
symptômes de dissociation ont été retrouvés plus de déclarer des symptômes dépressifs (OR = 1,58 ;
fréquemment chez les femmes enceintes pendant p < 0,01) ou de TSPT (OR = 1,73 ; p < 0,05) compa-
la pandémie de Covid-19 que chez celles qui étaient rativement aux femmes sans antécédent de troubles
enceintes dans les années antérieures à la pan- anxieux [21].
démie [16]. Enfin, en Chine, le risque relatif pour De plus, les femmes ayant un antécédent psychia-
une femme enceinte d’avoir eu des pensées d’auto- trique s’avéraient significativement plus inquiètes,
mutilation est multiplié presque par 3 entre avant que ce soit sur le plan médical, pour leur enfant
et après la déclaration d’une situation épidémique ou leurs proches, ou au sujet de l’avenir de la
mondiale (RR ajusté = 2,85 ; IC95 : 1,70-8,85) [17]. société en général [20]. Globalement, ces résultats
observés chez les femmes en période périnatale
étaient en accord avec ceux trouvés en population
Impact de la pandémie générale [22].
sur les femmes enceintes
présentant des troubles Facteurs de risque et facteurs
mentaux préexistants protecteurs de survenue
En dehors de tout contexte épidémique, le confine- de troubles mentaux périnatals
ment ou l’isolement social sont des facteurs de risque durant la pandémie de Covid-19
décrits de troubles psychiatriques en population géné-
rale et plus particulièrement dans les populations Les femmes les plus à risque de développer des
vulnérables comme les enfants, les adolescents, les troubles mentaux périnatals ont été caractéri-
personnes âgées, les femmes ou les personnes souf- sées. Sur la base d’une revue récente de la littérature

12  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


DOSSIER

reposant sur 81 études, il ressort que les femmes les niveau de connaissances sur le mode de transmis-
plus à risque de dépression ou d’anxiété sont celles sion virale était un facteur de moindre détérioration
qui étaient les plus défavorisées sur le plan démo- psychologique pendant le confinement.
graphique et socioéconomique (femmes les plus
jeunes, ayant un faible niveau d’études, employées à
temps plein, avec beaucoup de stress professionnel Pistes d’intervention
et avec de faibles revenus ou connaissant un état permettant de prévenir
financier difficile) mais aussi sur le plan social et
familial (femmes en charge d’une famille nombreuse, une dégradation de la santé
évoluant dans un contexte de difficultés conjugales mentale périnatale en période
ou familiales, de conflit en général) [23]. Ensuite, sur de pandémie
les plans psychologique, psychiatrique et médical,
les femmes les plus à risque étaient celles qui se En tout premier lieu, il semble fondamental de
sentent isolées ou peu soutenues de manière géné- ­faciliter l’accès pour le public et en particulier pour
rale, avaient des antécédents psychiatriques connus les femmes enceintes à une information consen-
avant la pandémie, avaient eu des symptômes en suelle et actualisée concernant l’impact du Covid-19
lien avec le Covid-19, étaient obèses ou en surpoids en période périnatale. En effet, plusieurs travaux
ainsi que les femmes multipares [10, 23]. Par ­ailleurs, ont montré qu’un bon niveau de connaissances sur
la réduction des soins prénatals était associée à les modes de transmission du Covid-19 et l’accès
une augmentation des symptômes dépressifs et à des informations délivrées par des organismes
anxieux [23]. reconnus comme compétents par les femmes
Parmi les facteurs qui protègent d’une dégradation enceintes sont des facteurs protecteurs des symp-
de sa santé mentale pendant la pandémie, ont été tômes de stress, anxieux et dépressifs au sein de
retrouvés : une bonne qualité de sommeil, la pratique cette population [6, 24].
d’exercices physiques, l’accès à de l’information sur Par ailleurs, l’accès facilité à des ressources déjà exis-
les soins prénatals en période de pandémie, un bon tantes sur le sujet de la santé mentale en général
soutien médical perçu [23, 24]. (site Internet Psycom1) peut permettre aux femmes
Ces résultats sont en accord avec les résultats enceintes de mieux comprendre ce qu’il se passe en
de l’enquête Covimater déjà présentée plus haut. elles et de faire appel, si nécessaire, à des profes-
En effet, dans ce travail, les femmes enceintes étaient sionnels de la santé mentale durant leur grossesse
plus fréquemment anxieuses lorsqu’elles avaient des et après leur accouchement.
pathologies en lien avec leur grossesse (diabète ges- Les groupes de soutien virtuel dédiés aux femmes
tationnel, prééclampsie, hypertension, etc.), un sur- enceintes tels que ceux mis en place par les asso-
poids ou une obésité, des proches malades ou avec ciations de pairs comme Maman Blues2 ou le Ciane3
des symptômes évocateurs, le sentiment d’avoir peuvent s’avérer très utiles pendant cette période de
été peu ou pas entourées, un ou plusieurs enfants pandémie. Le maintien et le développement de telles
de moins de 6 ans, ou lorsqu’elles avaient cherché initiatives seraient bénéfiques dans le contexte d’une
en vain à s’entretenir avec un professionnel de santé pandémie qui dure. Cela permettrait de rompre l’iso-
sur leur grossesse ou de leur accouchement, qu’elles lement, facteur récurrent de dépression et d’anxiété
n’avaient pas eu accès à des médicaments pour périnatale, et d’accompagner certaines femmes vers
juguler leurs troubles de l’humeur ou du sommeil. un suivi médical, si nécessaire.
Dans cette même étude, les auteurs se sont égale- L’accès aux soins psychologiques, psychiatriques
ment intéressés aux facteurs influençant une dégra- et périnatals (téléconsultations ou consultations
dation psychologique ressentie pendant la période par téléphone) est à faciliter pour toutes les
de confinement (21,1 % des participantes basculaient femmes enceintes ou en post-partum et plus par-
d’une situation déclarée comme étant bien ou assez ticulièrement pour toutes celles ayant des anté-
bien avant le confinement à assez mal, voire mal cédents de suivi psychologique ou psychiatrique.
pendant le confinement). Ainsi, les femmes ayant le
sentiment d’avoir été peu ou pas entourées pendant
le confinement et celles déclarant une charge de 1https://www.psycom.org/comprendre/la-sante-mentale/sante-
travail plus importante sur cette même période mentale-et-covid/
étaient significativement plus à risque de ressentir 2 https://www.maman-blues.fr/

une dégradation psychologique. En revanche, un bon 3 https://ciane.net/

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  13


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Impact psychologique périnatal de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19

Cela nécessite de repenser l’organisation des soins Conclusion


en prenant en compte les liens entre les services
médicaux de gynécologie, d’obstétrique, de psy- La pandémie a induit une augmentation de la fré-
chiatrie, de pédiatrie et de médecine générale en quence des troubles mentaux chez les femmes en
ville et à l’hôpital. La coordination de tous les pro- période périnatale. Une attention particulière doit donc
fessionnels autour d’un référent assurant le bon être portée à cette population vulnérable au cours de
déroulement du parcours périnatal est envisagée en cette période, notamment si ces femmes avaient des
France dans le cadre du plan d’actions “1 000 pre- antécédents psychiatriques. Cela pourrait se traduire
miers jours” et pourrait apporter une réponse à par la mise en place d’un accompagnement adapté aux
ce besoin4. femmes enceintes en cette période de crise sanitaire :
Le dépistage précoce des femmes vulnérables sur le ➤ renforcement de la mise à disposition d’infor-
plan psychique et/ou présentant certains facteurs mations consensuelles et régulièrement actualisées
de risque est également fondamental, et de façon concernant l’impact du Covid-19 sur la grossesse et
encore plus appuyée en période de pandémie. Cela l’accouchement via un ou plusieurs sites scienti-
pourrait se faire lors de l’inscription en maternité fiques de référence et confiée à un référent médical ;
et des visites périnatales. Si besoin, un soutien ➤ facilitation et renforcement des échanges avec les
proactif ciblé et gradué pourrait être mis en place professionnels de santé ou du soutien psychologique
allant de conseils simples à mettre en œuvre pour (via l’accès à des téléconsultations), voire une pres-
se sentir mieux (méditation en pleine conscience, cription médicamenteuse, si nécessaire ;
sophrologie, pratiques sportives adaptées, etc.)5 ➤ accompagnement de certaines femmes à l’aide
à du soutien auprès d’associations de pairs, puis de groupes de parole et de soutien afin de limiter
des psychothérapies, jusqu’à une mise en relation leur isolement.
avec une unité spécialisée en psychiatrie périnatale. Une stratégie de dépistage et de prévention auprès
des femmes enceintes ou ayant un nourrisson est,
en effet, fondamentale pour limiter les impacts
négatifs d’une santé mentale altérée sur le dérou-
A. Doncarli, C. Crenn-Hebert, lement de la grossesse, la mise en place du lien
4 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-
S. Tebeka et N. Regnault déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts jours.pdf mère-nouveau-né et le développement du petit
en relation avec cet article. 5 https://www.nhs.uk/pregnancy/keeping-well/mental-health/ enfant, puis de l’enfant. ■

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Childbirth du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars
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DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

Trouble bipolaire
et événements de la vie
d’une femme
Bipolar disorder throughout a woman’s life
E. Moreau*, J. Pastol*, A. Arnould**, L. Samalin**, R. Belzeaux*

L
a vie des femmes est particulièrement rythmée En France, la Haute Autorité de santé définit une
par leur cycle menstruel, les périodes péri­ prise en charge en 3 axes thérapeutiques :
R. Belzeaux
natales et la ménopause. Ces événements de ➤ pharmacologique ;
vie sont des périodes de vulnérabilité psychique ➤ psychothérapeutique ;
pour les femmes, et ce d’autant plus lorsqu’elles ➤ psychoéducatif.
souffrent d’un trouble bipolaire. Le trouble bipolaire Sur le plan pharmacologique, le traitement repose
est un trouble psychiatrique fréquent, dont la pré- sur la prescription d’un thymorégulateur. Trois
valence est estimée à plus de 2 % de la population classes thérapeutiques peuvent être prescrites pour
générale. Il s’agit d’un trouble de l’humeur évoluant le trouble bipolaire :
au long cours, qui touche autant les hommes que ➤ les sels de lithium ;
les femmes. Les premiers symptômes apparaissent ➤ les anticonvulsivants ;
majoritairement entre 15 et 25 ans, les cas pré­ ➤ les antipsychotiques de 2e génération.
pubères étant exceptionnels. Son traitement repose Il est clairement établi que le trouble bipolaire
sur 3 axes : pharmacologique, psychothérapeutique ­s ’accompagne d’une prévalence importante
et psychoéducatif. De nombreuses recommanda- des comorbidités psychiatriques. En effet, 65 %
tions encadrent la prise en charge de ce trouble, des patients présenteront au moins une autre affec-
mais il n’existe pas, à ce jour, de recommandation tion psychiatrique ou addictologique au cours de leur
spécifique concernant sa prise en charge au cours vie. Les pathologies les plus fréquemment retrouvées
de la période périnatale. Nous développerons dans sont les troubles anxieux (42 % dans leur ensemble),
une première partie des généralités sur le trouble l’abus de substances (42 % dans leur ensemble)
­bipolaire, dans une deuxième partie la fertilité et et les troubles des conduites alimentaires (6 %).
l’accès à la parentalité des patientes souffrant Le suicide constitue la complication la plus grave
de trouble bipolaire, puis dans une troisième partie, des troubles bipolaires et assombrit le pronostic.
nous préciserons les enjeux de la période périnatale. Le risque de décès par suicide serait 15 fois plus élevé
chez les patients atteints de trouble bipolaire qu’en
population générale.
Le trouble bipolaire Le cours évolutif de la maladie bipolaire peut éga-
lement s’accompagner du développement comor-
Ce trouble est caractérisé par l’alternance de phases bide d’un certain nombre d’affections somatiques,
dépressives et de phases d’exaltation de l’humeur, au premier rang desquelles l’obésité, le diabète,
dites phase d’hypomanie ou de manie, espacées d’in- les maladies cardiovasculaires et les pathologies
tervalles libres. Lors de ces périodes intercritiques, auto-immunes.
dites asymptomatiques, il persiste fréquemment Au cours de la période entourant le premier jour
des symptômes résiduels et des difficultés de fonc- des règles, les femmes peuvent être exposées à des
tionnement [1]. symptômes thymiques. En effet, 45 à 68 % des * Pôle de psychiatrie, AP-HM, univer-
sité Aix-Marseille, Marseille.
La prise en charge du trouble bipolaire repose femmes souffrant d’un trouble bipolaire présentent
** Service de psychiatrie d’adultes,
sur des recommandations et avis d’experts basés des symptômes de l’humeur en période prémens- CHU de Clermont-Ferrand, université
sur les approches des Evidence based guidelines truelle d’intensité plus ou moins sévère, qui caracté- Clermont Auvergne, Institut Pascal,
UMR 6602, Clermont-Ferrand.
et des Consensus based guidelines. risent ou non un trouble dysphorique prémenstruel.

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  15

0015_PSY 15 21/03/2022 15:39


Résumé
La vie des femmes est ponctuée, à partir de la puberté, par le cycle menstruel, la période périnatale et la
Mots-clés ménopause. Le trouble bipolaire est une maladie chronique et cyclique, qui peut être déstabilisée dans
ces moments particuliers de la vie d’une femme. Sa prise en charge nécessite un suivi spécialisé, qui doit
Trouble bipolaire
être particulièrement rapproché au cours de la période périnatale. À l’heure actuelle, il n’existe pas de
Thymorégulateurs recommandations consensuelles pour la prise en charge de cette maladie au cours de cette période.
Périnatalité

Summary Selon le DSM-5, le trouble dysphorique prémens- en moins. Quelques études montrent que les
The life of women is punctuated, truel correspond à une altération du fonctionne- patientes souffrant d’un trouble bipolaire ont une
from puberty, by the menstrual ment habituel de la personne au cours de la dernière fertilité inférieure à celle de la population géné-
cycle, the perinatal period and semaine du cycle et de la semaine suivant l’appari- rale. D’autre part, les hommes sont plus touchés
the menopause. Bipolar disorder tion des règles. Il est principalement caractérisé par que les femmes. Certains traitements utilisés
is a chronic and cyclical disease, une labilité émotionnelle, une irritabilité et/ ou une (les antipsychotiques) ont comme effet indésirable,
which can be destabilized humeur dépressive. Ces symptômes peuvent égale- par exemple, une ­augmentation de la prolactine.
in these particular moments of ment s’accompagner d’une perte ­d’intérêt pour les Cependant, des données suggèrent que certaines
a woman’s life. Its management activités habituelles, d’une fatigabilité, de troubles patientes présenteraient des anomalies menstruelles
requires specialized monitoring,
de l’appétit, de troubles du sommeil, d’un sentiment avant l’instauration du traitement [3].
which must be particularly
close during the perinatal d’être débordée ou encore de symptômes physiques
period. Currently, there are no (douleurs articulaires, mammaires ou musculaires,
consensus recommendations impression d’enfler, prise de poids). La période périnatale
for the management of bipolar La ménopause est aussi une période de vulnérabi-
disorder during perinatal period. lité psychique. Les femmes atteintes d’un trouble Risque de décompensation d’un trouble
bipolaire seraient sujettes à un accroissement des bipolaire en période périnatale
Keywords symptômes de leur maladie, et plus particulièrement
Bipolar disorder des symptômes dépressifs [2]. La période périnatale s’étend du début de la gros-
sesse à la fin de la première année suivant le terme
Moodstabilazer
de la grossesse. Elle comprend la période anté­natale,
Perinatal period La fertilité, l’accès qui se définit comme celle qui précède l’accou­
à la parentalité chement, et le post-partum, qui est celle qui suit
­l’accouchement (OMS, 2012).
Il semble que les femmes touchées par un trouble Le péripartum est une période de vulnérabilité psy-
bipolaire accéderaient moins à la parentalité. chique pour les femmes en général, d’autant plus
D’après une étude sur la population sarde, qui lorsqu’elles présentent des antécédents psychia-
comparait le nombre d’enfants par femme, celles triques.
ayant un trouble bipolaire avaient 17 % d’enfants En période périnatale, une femme atteinte d’un
trouble bipolaire de type 1 présente un risque de
rechute d’environ 50 % contre 40 % si elle souffre
(%) d’un trouble bipolaire de type 2 [4].
90 Les décompensations thymiques peuvent survenir
Grossesse
80 à n’importe quel moment de la période périnatale,
Post-partum
70 mais plus fréquemment lors du post-partum comme
60 l’indique la figure [5].
Pendant la grossesse, 23 % des femmes atteintes
50
d’un trouble bipolaire présentent une décompen-
40 sation thymique. Elles décrivent principalement
30 des épisodes dépressifs et mixtes. Les récidives
20 surviennent habituellement lors du 1er trimestre
10 de la grossesse.
0 La présence de symptômes thymiques pendant la
Trouble bipolaire de type 1 Trouble bipolaire de type 2 Trouble dépressif majeur grossesse prédit un risque 10 fois plus élevé d’épisode
(n = 479) (n = 641) (n = 1 132)
affectif majeur pendant la période post­natale [6].
Figure. Taux d’occurrence d’épisodes affectifs majeurs durant la grossesse et le post- Le post-partum est une période de grande vulnéra-
partum, d’après A.C. Viguera et al. [5]). bilité pour les femmes atteintes d’un trouble bipo-
laire. En effet, le risque de présenter un épisode

16  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022

0016_PSY 16 21/03/2022 15:39


DOSSIER

thymique significatif après l’accouchement est lui demander de ne pas faire appel à eux lorsqu’il
d’environ 50 %. Les épisodes dépressifs caractérisés est en état de stress. L’attitude de l’enfant montre
sont plus fréquents (2/3 des cas) que les manies ou qu’il n’est apparemment pas sensible à la séparation,
les hypomanies (1/3 des cas) [7]. ni au retour de sa figure d’attachement.
Concernant les thymorégulateurs, l’occurrence d’un L’attachement insécure-ambivalent peut émerger
épisode affectif majeur périnatal est d’environ 66 % lorsque les parents ont tendance à avoir des com-
en l’absence de traitement régulateur de l’humeur portements imprévisibles, tantôt adaptés, tantôt
pendant la grossesse. En revanche, le risque de indifférents, incitant l’enfant à augmenter l’intensité
rechute diminue nettement (25 % des cas) en cas de ses signaux d’appel pour recruter une présence
de poursuite du traitement pendant la période anté- parentale. Lors de la séparation, la détresse est immé-
natale [8]. diate et intense.
En cas de décompensation thymique, la compli- Dans l’attachement désorganisé, l’enfant ne met pas
cation la plus dramatique et la plus redoutée est le en place de stratégie de défense identifiable de façon
décès par suicide. Il s’agit d’une des causes les plus stable. Il peut présenter un mélange de stratégies
fréquentes de mortalité maternelle dans les pays sécures et insécures, ou des interruptions brusques de
riches [9, 10]. recherche de proximité ou de réconfort. Cela amène
à des comportements contradictoires, voire aberrants,
de proximité et de rejet.
Risques obstétricaux ou néonatals Les effets à long terme du retentissement du trouble
et trouble bipolaire des mères sur leurs enfants ont très peu été étudiés.
Dans les rares études réalisées sur le sujet, on ne
Il existe des incertitudes concernant les conséquences retrouve pas de différence d’attachement ni de
obstétricales et néonatales chez les patientes souf- développement [12] chez les enfants dont un parent
frant de trouble bipolaire, compte tenu des facteurs souffre d’un trouble bipolaire par rapport à la popu-
de confusion des comorbidités que présentent fré- lation générale.
quemment ces patientes (surpoids, tabac et autres Il faut cependant noter que les enfants dont
toxiques). les parents souffrent d’un trouble psychiatrique
Cependant, plusieurs études mettent en évidence ont un risque majoré d’en développer un.
l’impact de la présence de symptômes psychia-
triques durant la grossesse sur le pronostic néonatal
avec un risque accru de faible poids à la naissance et Allaitement maternel
d’hospitalisation en soins intensifs néonatals [11]. et trouble bipolaire

L’allaitement maternel exclusif est le mode de nutri-


Développement de l’enfant tion recommandé pour les nourrissons au cours des
et trouble bipolaire 6 premiers mois de vie, par la plupart des groupes
médicaux professionnels [13].
L’émergence, durant la période périnatale, Pratiquement tous les médicaments couramment
d’un épisode psychiatrique sévère peut avoir des utilisés pour traiter le trouble bipolaire sont excrétés
conséquences sur le développement des relations dans le lait maternel. En conséquence, il existe un
d’attachement de l’enfant. risque de toxicité pour le nourrisson. Ce risque
Une décompensation psychiatrique peut altérer chez doit être considéré et être mis en balance avec le
la mère les capacités de caregiving, de donneuse de risque accru d’épisode affectif majeur en période
soins et donc influencer les interactions précoces postnatale en l’absence de traitement chez les mères
avec son enfant. Celui-ci fera alors l’expérience atteintes d’un trouble bipolaire.
de réponses environnementales à ses besoins de Actuellement, il existe peu de données dans la litté-
réconfort moins satisfaisantes et il aura recours à rature permettant de justifier de recommandations
des stratégies adaptatives pouvant être à l’origine concernant les régulateurs de l’humeur et l’allaite-
d’un attachement insécure, évitant ou ambivalent, ment maternel. Il est toutefois possible de s’aider
voire désorganisé. des données disponibles ou de certains centres de
L’attachement insécure-évitant se traduit par une référence afin d’établir une stratégie thérapeutique
inhibition de la réponse émotionnelle de l’en- avec les patientes si elles souhaitent allaiter (le CRAT,
fant, compte tenu de la tendance des caregivers à Hale’s medication and mothers milk [14], LactMed®).

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  17

0017_PSY 17 21/03/2022 15:39


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Trouble bipolaire et événements de la vie d’une femme

De plus, il est possible de doser c­ ertains psychotropes Compte tenu des différents risques que présentent
dans le lait maternel afin de connaître le passage ces patientes en période périnatale, ainsi que leurs
de la molécule dans le lait. Cela pourrait par ailleurs enfants, il convient d’évaluer avec soin la balance
encourager l’observance de la patiente [15]. ­bénéfices­/­risques entre  :
➤ le maintien d’une stabilité thymique de bonne
qualité pour la mère avec un traitement régulateur
Enjeux de la prise en charge périnatale de l’humeur pendant la période périnatale ;
des femmes atteintes d’un trouble ➤ la préservation du fœtus et de la santé de l’enfant
bipolaire à naître (choix de la molécule, ajustement des poso-
logies, passage du médicament dans le lait).
La prise en charge thérapeutique du trouble bipo- Il est également important d’accompagner les
laire pendant la période périnatale est délicate, futurs parents dans les soins, tout en respectant
elle ne peut s’appuyer sur des recommandations leurs souhaits, particulièrement s’il existe un désir
consensuelles. Dans ce contexte, certains trai- d’allaitement maternel.
tements régulateurs de l’humeur peuvent être
prescrits, sous la condition d’une surveillance par-
ticulière selon les molécules, et après discussion Conclusion
avec la patiente [16] :
➤ lithium ; Au cours de leur vie, les femmes souffrant d’un trouble
➤ antipsychotiques de 2e génération (quétiapine, bipolaire traversent des événements durant lesquels
olanzapine, aripiprazole, rispéridone) ; elles sont plus vulnérables sur le plan psychique.
➤ lamotrigine, carbamazépine (post-partum uni- Elles peuvent, en effet, pâtir d’un trouble dysphorique
quement). prémenstruel et d’une majoration des symptômes au
Il convient parfois d’ajuster les posologies de ces moment de la ménopause. Durant la période péri-
traitements pendant la grossesse afin de prévenir natale, comprenant la grossesse et l’année suivant
E. Moreau déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts en relation au mieux le risque tératogène pour le fœtus et d’éviter l’accouchement, ces patientes sont particulièrement
avec cet article. une rechute thymique en adaptant les posologies aux à risque de rechute. Le suivi doit alors être régulier,
J. Pastol, A. Arnould, L. Samalin variations de volume de distribution de la femme. avec une attention particulière portée au traitement
n’ont pas précisé leurs éventuels Les femmes enceintes atteintes d’un trouble bi­­polaire médicamenteux donné. Ce traitement doit être
liens d’intérêts.
présentent une grossesse à risque. Elles nécessitent ­personnalisé, prenant en compte l’efficacité, le risque
R. Belzeaux déclare avoir des liens
d’intérêts avec Sanofi, Lundbeck donc un suivi pluridisciplinaire soutenu pendant toute tératogène et toxique pour le fœtus, et le souhait
et Janssen. la période périnatale. ou non d’un allaitement maternel.  ■

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0018_PSY 18 21/03/2022 15:39


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

Dépression du post-partum :
une maladie génétique ?
Is postpartum depression genetic?
S. Tebeka*, C. Dubertret*

L
a dépression du post-partum est une des prin- plié par 2 à 7 lorsqu’un apparenté au 1er degré en S. Tebeka
cipales complications du post-partum. Elle avait souffert [2]. L’héritabilité de la dépression
concerne 10 à 20 % des femmes ; il existe du post-partum est estimée autour de 50 %, dont
2 pics de survenue du trouble : la dépression du deux tiers de la variance génétique sont partagés
post-partum à début précoce survenant dans les avec celle de la dépression non périnatale [3].
6 premières semaines et celle à début tardif qui Cette étude suggère donc un chevauchement
peut débuter entre le 2e mois et la 1re année post- partiel des étiologies génétiques de la dépression
partum. Il s’agit d’un trouble psychiatrique altérant périnatale et de la dépression non périnatale.
le fonctionnement de la mère, mais également le
développement de l’enfant et la dynamique de l’en-
semble de la famille. Les conséquences pour la mère Gènes candidats
sont celles d’une souffrance intense pouvant aller
jusqu’aux idées suicidaires, voire au suicide. Ainsi, La plupart des études génétiques portant sur la
le suicide est la 2e cause de mortalité maternelle, dépression du post-partum s’appuient sur une
et dans 1 cas sur 5, il est associé à une dépression. approche de type gènes candidats, c’est-à-dire
Pour l’enfant, on retrouve des troubles du dévelop- à partir de gènes pour lesquels une hypothèse
pement cognitif, social et émotionnel. physiopathologique existe. Les gènes candidats de
Il s’agit donc d’un trouble fréquent et sévère ; pour- la dépression du post-partum sont ceux codant pour
* Département de psychiatrie, hôpital
tant, la dépression du post-partum est méconnue des neurotransmetteurs, des transporteurs ou des universitaire Louis-Mourier, AP-HP,
et largement sous-dépistée. On estime ainsi que molécules impliquées dans les modifications neuro- Colombes ; Université de Paris, Inserm
U1266, Paris.
près de 50 % ne sont pas diagnostiquées, ce qui hormonales du post-partum (figure 2, p. 20) [4].
conduit à des soins inappropriés. Mieux connaître
et c­ omprendre la dépression du post-partum
est un enjeu de santé publique.
La dépression du post-partum est une maladie multi- Santé physique
• Obésité, HTA
factorielle dont les facteurs de risque retrouvés sont • Complications obstétricales
sociodémographiques, psychiatriques, physiques,
environnementaux et génétiques. Ils sont synthé-
tisés dans la figure 1. Histoire psychiatrique Facteurs psychosociaux
• Trouble de l’humeur Dépression • Isolement/manque de support
• Trouble anxieux périnatale • Traumatismes (infantiles,
• Antécédents périnatals conjugaux, en cours de grossesse)
Études d’agrégation familiale • Histoire familiale • Événements de vie stressants

Les facteurs génétiques liés à la dépression du Génétique


post-partum ont été suggérés initialement par • Facteurs génétiques
le risque accru de dépression périnatale retrouvé et épigénétiques
en cas d’antécédents psychiatriques familiaux,
toutes pathologies psychiatriques confondues [1]. Figure 1. Principaux facteurs associés à la dépression du post-partum. (©Thèse d’uni-
Des études d’agrégation familiale confirmaient versité du Dr Sarah Tebeka).
un risque de dépression du post-partum multi-

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  19


Points forts
Mots-clés » La dépression du post-partum concerne 10 à 20 % des femmes, et peut avoir des conséquences délétères.
» Le principal facteur de risque de la dépression du post-partum est un antécédent, qu’il soit personnel
Post-partum
ou familial, de trouble de l’humeur, en particulier de dépression du post-partum.
Psychiatrie » La vulnérabilité génétique a été confirmée, avec une héritabilité estimée autour de 50 %.
Dépression » Certains variants de gènes candidats à la dépression, en particulier ceux impliqués dans des voies
Génétique sérotoninergiques, axe du stress, rythmes circadiens ou encore de l’ocytocine, sont associés à la dépression
du post-partum.
» Les études basées sur les scores polygéniques retrouvent un chevauchement entre dépression et dépres-
sion du post-partum, suggérant des spécificités de cet endophénotype à explorer.

Highlights
ESR2 BDNF
» Postpartum depression ESR1 FKBP5
affects 10 to 20% of women, Axe
and can have deleterious Hormones hypothalamo-
­consequences. stéroïdiennes hypophysaire
TPH1 PER1
» The main risk factor for post- CRH CRH-BP PER2
partum depression is a per- HMCN1 5-HTT TPH2
CRHR1 CRHR2 PER3
sonal history or family, mood Voie
Rythme circadien
disorder, especially postpartum sérotoninergique
depression. OXT COMT RORA ARNTL
» Genetic vulnerability was OXTR MAOA RORB CLOCK
confirmed, with an estimated
Ocytocine
heritability around 50%.
» S o m e c a n d i d a t e g e n e AVP
AVPR1A
­variants for depression, espe- AVPR1B
cially those involved in sero-
tonergic pathway, stress axis,
circadian rhythms or oxytocin, Figure 2. Synthèse des gènes candidats associés à la dépression périnatale. (©Thèse d’université du Dr Sarah Tebeka).
are associated with postpartum
depression.
» Studies based on polygenic Modulateurs de la neurotransmission également été étudiés. Certains polymorphismes
scores find an incomplete sérotoninergique des gènes de la monoamine oxydase A (MAOA) et
overlap between depression de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT) étaient
and postpartum depression, Les plus étudiés sont ceux impliqués dans les modifica- aussi associés avec la dépression du post-partum
suggesting specificities of this
tions de la neurotransmission sérotoninergique, connus précoce [7-10].
endophenotype.
pour participer à la physiopathologie de la dépression.
Les gènes modulant la signalisation de la voie séroto-
Keywords ninergique sont donc des candidats intéressants pour Les perturbations de l’axe
Postpartum explorer la dépression du post-partum. hypothalamohypophysaire
Psychiatry
◆ Gène 5-HTT L’axe hypothalamohypophysaire, dit “axe du stress”,
Depression Parmi ces gènes, le plus étudié est le gène 5-HTT est impliqué dans la physiopathologie de la dépres-
Genetic codant pour le transporteur de la sérotonine. Ainsi, sion. Il est donc intéressant d’évaluer l’implication
plusieurs polymorphismes fonctionnels de ce gène de certains variants de gènes de cette voie dans la
ont été retrouvés associés à la dépression du post- dépression du post-partum.
partum précoce [5].
◆ Gène CRHR1
◆ Gènes TPH1 et TPH2 Plusieurs variants du CRHR1, gène codant pour le
De plus, certains polymorphismes des gènes codant récepteur de type 1 à la CRH (corticotropin-releasing
pour la tryptophane hydroxylase (TPH1 et TPH2), hormone), étaient significativement associés à la
impliquée dans la synthèse de la sérotonine, étaient dépression du post-partum précoce [11].
significativement associés au risque de dépression
périnatale [6]. ◆ Gène BDNF
L’expression du brain-derived neurotrophic factor
◆ Gènes MAOA et COMT (BDNF) est impliquée dans la neuroplasticité céré-
Enfin, des gènes codant pour les enzymes de dégra- brale et dans la régulation de l’axe hypothalamo-
dation des principaux neurotransmetteurs que sont hypophysaire. Les taux BDNF sont diminués chez les
la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline ont femmes qui développent une dépression du post-

20  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


DOSSIER

partum, à la fois au cours de la grossesse et après leur implication supposée. En revanche, une telle
­l’accouchement. Une étude a retrouvé une association approche ne permet pas de mettre en évidence des
entre un polymorphisme du gène BDNF (Val66Met) variants génétiques associés à la maladie si ceux-ci
et la dépression du post-partum à 6 semaines [9, 12]. sont situés en dehors des gènes candidats.
Une approche génome entier, sans hypothèse
L’implication des hormones initiale, permet, d’une part, de confirmer ou non
stéroïdiennes l’implication des gènes candidats et, d’autre part,
de caractériser des voies biologiques non connues.
◆ Gène ESR1 Pour cela, 2 types d’études sont utiles : les études
Le gène ESR1 code pour le récepteur estrogénique d’association pangénomique (ou GWAS) et le calcul
alpha. Certains polymorphismes de ce gène sont d’un score polygénique.
retrouvés associés à la dépression du post-partum Plusieurs GWAS ont été réalisées sur la dépression
tardif [13, 14], bien que d’autres études n’aient pas non périnatale. Récemment, le Psychiatric Genomics
réussi à répliquer ces résultats [8, 15]. Consortium (PGC) a mené une GWAS sur le trouble
dépressif, basée sur 135 458 cas et 344 901 témoins :
◆ Gène HMCN1 il retrouve 44 loci indépendants associés à la
Le gène HMCN1 (hemicentin 1) code pour une dépression [28]. Depuis, une méta-analyse a été
protéine extracellulaire comprenant 4 sites de réalisée à partir des 3 plus grandes études d’asso-
liaison aux récepteurs estrogéniques ; or, les estro- ciation pangénomique de la dépression, portant sur
gènes modulent à la fois la sécrétion du BDNF et 246 363 cas et 561 190 témoins. Elle a permis d’iden-
l’axe hypothalamohypophysaire. Certains poly­ tifier 102 variants indépendants et 15 ensembles
morphismes du gène HMCN1 sont associés à la de gènes associés à la dépression. Ce travail a été
dépression du post-partum [16, 17]. répliqué, et a retrouvé 87 des 102 variants associés à
la dépression [29]. À ce jour, il n’existe aucune GWAS
L’ocytocine publiée portant spécifiquement sur la dépression
du post-partum.
L’ocytocine est un neuropeptide qui augmente Par ailleurs, les études basées sur les scores de risque
pendant la grossesse et diminue dans le post- polygénique considèrent les variations de l’ensemble
partum ; une association a été retrouvée entre les du génome et les comparent à de larges échantil-
taux d’ocytocine et la dépression au cours de la gros- lons afin de fournir des estimations de risque pour
sesse et du post-partum [18-21]. Certains variants la dépression. Quatre études de ce type ont permis
des gènes codant pour l’ocytocine (OXT) et pour le de mettre en évidence un chevauchement géné-
récepteur de l’ocytocine (OXTR) sont associés à la tique entre la dépression du post-partum et d’autres
dépression du post-partum [22-24]. troubles de l’humeur [30-33].
Ainsi, les scores polygéniques de trouble bipolaire
Les rythmes circadiens et les gènes et de trouble dépressif majeur issus du PGC ont été
de l’horloge testés sur une cohorte de 1 420 cas autodéclarés
de dépression du post-partum et 9 473 témoins.
Les gènes de l’horloge jouent un rôle central dans le Un chevauchement significatif a été mis en évidence
maintien des rythmes circadiens, eux-mêmes impliqués entre dépression du post-partum et trouble bipolaire,
dans les troubles de l’humeur, en particulier dans la plus important qu’avec le trouble dépressif [30].
dépression du post-partum [25, 26]. Certains variants À l’inverse, V. Rantalainen et al. retrouvaient un
de ces gènes, notamment du gène PER3, ont été asso- chevauchement entre symptômes dépressifs pré-
ciés à l’apparition de la dépression du post-partum natals et du post-partum chez 742 femmes et le
chez des femmes souffrant d’un trouble bipolaire [27]. trouble dépressif majeur, mais pas avec le trouble
bipolaire [33]. Une 3e étude proposait d’analyser
la sévérité des symptômes dépressifs du post-
Analyse pangénomique et score partum chez les femmes atteintes de troubles de
polygénique l’humeur du post-partum autodéclarés (dépression
du post-partum actuelle ou passée ou psychose du
Cette approche gène candidat a comme principale post-partum passée) ; les auteurs ont retrouvé des
limite les connaissances physiopathologiques que facteurs de risque génétique communs entre la sévé-
nous avons du trouble : les gènes sont étudiés selon rité des symptômes dépressifs du post-partum et la

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  21


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Dépression du post-partum : une maladie génétique ?

susceptibilité aux troubles de l’humeur, qu’il s’agisse de ses déterminants est nécessaire pour mieux
de dépression ou de trouble bipolaire, en dehors de ­comprendre ce trouble, le dépister et prendre en
la fenêtre périnatale [32]. charge les patientes qui en souffrent. Un antécédent
Une dernière étude avait une approche plus large personnel ou familial de dépression, en particulier de
et considérait les troubles psychiatriques du post- dépression périnatale, est un facteur de risque majeur
partum dans leur ensemble (et non uniquement de dépression du post-partum, suggérant une vulnéra-
la dépression). Cette étude, réalisée à partir de bilité génétique. Celle-ci est confirmée par des études
registres de santé danois, a trouvé un chevauche- génétiques : études d’association, études de jumeaux
ment génétique entre les troubles psychiatriques du et études pangénomiques. De façon intéressante,
post-partum et le trouble dépressif, mais pas avec on retrouve un ­chevauchement clair, mais incomplet,
le trouble bipolaire [31]. entre la dépression du post-partum et la dépression
non périnatale. D’autres études restent nécessaires,
en particulier une GWAS centrée sur la dépression
Conclusion du post-partum. Par ailleurs, les études d’interaction
gène-environnement peuvent également permettre
La dépression du post-partum est une maladie fré- une meilleure compréhension du trouble : une vul-
S. Tebeka et C. Dubertret déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts quente dont les conséquences peuvent être sévères nérabilité génétique viendrait s­ ’exprimer dans un
en relation avec cet article. pour la mère et l’enfant. Une meilleure connaissance environnement spécifique.  ■

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22  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

Dépistage systématique
des troubles psychiatriques
en période périnatale
Perinatal psychiatric disorders: systematic screening
R. Dugravier*,**, M.N. Vacheron*

L
a période périnatale est l’occasion de profonds sions seraient dépistées, ce qui fait de ce dépistage
remaniements psychiques, donc une période un enjeu de santé publique, sachant que cette
de potentielle crise maturative. Peuvent alors détresse laisse une trace durable dans la vie de
se révéler certaines fragilités psychiques, au gré des beaucoup de femmes concernées [2]. Les femmes
reviviscences infantiles, de la révision des images ayant des troubles psychiatriques tels que les
parentales et des identifications ou du rappel d’his- troubles bipolaires ou les schizophrénies sont, quant
toires traumatiques. Ainsi, nombre de femmes et à elles, plus à risque de rechute, particulièrement
d’hommes se sentent vulnérables au cours de la en postnatal [3]. Plus globalement, seules 27 % des
grossesse et dans la période qui suit la naissance patientes déclarant des difficultés psychologiques
de leur enfant. Cela est plus vrai encore pour celles durant la grossesse accèdent à une consulta-
et ceux présentant déjà un trouble psychiatrique tion [4]. Un rapport récent sur les morts mater-
tel qu’un trouble bipolaire, une schizophrénie, nelles dans l’année qui suit la naissance de l’enfant
un trouble de la conduite alimentaire, voire un montre que, toutes causes confondues, 87 femmes
trouble anxieux. La Haute Autorité de santé (HAS) meurent dans l’année qui suit la naissance de leur
considère que les grossesses des femmes ayant un enfant, soit 10,8/100 000 naissances [5]. Le suicide
trouble mental sont bien des grossesses à risque [1] (13,4 % des morts maternelles) est une des deux
et il existe actuellement un groupe de travail au premières causes de mortalité (avec les maladies
sein de cette même HAS qui a pour objet d’éditer cardiovasculaires), soit l’équivalent d’un suicide
des recommandations de bonne pratique quant par mois en France (1,4/100 000 naissances).
au repérage, au diagnostic et à la prise en charge
des troubles psychiques périnatals.
L’organisation du dépistage
des fragilités psychiques durant
Fréquence des troubles
la grossesse et au décours
psychiques en période
Il est donc nécessaire de développer une stratégie
périnatale de dépistage des fragilités psychiques destinée à
Il paraît important de différencier les altérations de toutes les femmes enceintes. Cette démarche existe
la santé mentale, soit un déséquilibre psychique lié déjà et s’incarnait dans le Plan périnatalité 2005-
à des événements de vie (deuil, prématurité, incer- 2007 et la mise en place de l’entretien prénatal
titudes dues aux aléas de la grossesse, accouche- précoce (EPP), qui fut néanmoins inégale sur le
ment traumatique, etc.), des troubles psychiatriques territoire, voire décevante. En effet, cet entretien
chroniques. Et il est à ce titre difficile de déterminer a été, au départ, peu utilisé, privilégié et dans les
la proportion de femmes ayant besoin de consulter faits réservé aux femmes ayant déjà accès aux res-
un professionnel de santé mentale. Il existe plusieurs sources et bien informées, soit 21 % des femmes [6],
indicateurs, néanmoins, de la fragilité des femmes parfois mal compris par les professionnels. Actuel- * GHU Paris psychiatrie & neuro­
au cours de cette période. Ainsi, les dépressions lement, à la suite du rapport de la commission sciences.
périnatales, bien étudiées, concernent 10 à 15 % des 1 000 premiers jours de l’enfant, en 2020 [7], ** EPIONE, université du Québec,
Montréal.
des femmes. Seulement la moitié de ces dépres- le déploiement de l’EPP est renforcé, et plusieurs

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  23


Points forts
Mots-clés
» Les stratégies cliniques de dépistage des troubles de santé mentale sont soutenues par le développe-
Dépistage
ment de l’entretien prénatal précoce systématisé, l’entretien postnatal précoce, les référents parcours,
Trouble psychiatrique les staffs de parentalité.
Grossesse » Il est nécessaire de mettre en place un parcours coordonné renforcé pour les femmes ayant un trouble
psychiatrique déjà connu.
Dépressions
périnatales » On constate des troubles fréquents encore mal diagnostiqués et mal suivis avec des conséquences
pourtant graves, le suicide étant ainsi la première cause de mortalité maternelle en période périnatale.
Parcours coordonné
» Un dépistage systématique des dépressions périnatales est justifié par leur fréquence, leur impact sur
les mères, les bébés, les familles, leur diagnostic encore trop rare.

Highlights autres mesures visent à améliorer le dépistage des Vers un dépistage systématique
» Strategies for screening vulnérabilités : instauration de référents parcours, des troubles anxiodépressifs ?
mental health disorders are entretien postnatal précoce, renforcement des staffs
supported by the develop- de parentalité en maternité, application numérique Mais est-ce suffisant ? Probablement pas si
ment of the systematized 1 000  jours. on retient les données de la cohorte ELFE [6],
early prenatal interview, à savoir que seulement 27 % des femmes ayant fait
the early postnatal interview, part d’une détresse psychologique ont eu accès à un
cases managers, antenatal Troubles psychiatriques professionnel de santé mentale. Prenons l’exemple
psycho­social staffs.
» A strengthened coordinated et parcours de grossesse des dépressions périnatales qui, bien que fréquentes,
sont encore souvent négligées par les équipes
pathway for women with an
Pour les femmes déjà connues comme ayant un trouble de soins primaires, qui sont trop peu formées et
already known psychiatric
disorder is needed.
mental, un parcours plus structuré est indiqué. En effet, n’ont que rarement mis en place des stratégies de
les grossesses chez ces femmes sont souvent non plani- dépistage [8]. Par ailleurs, nombre de mères ne
» Many psychiatric disorders
are still undiagnosed and fiées et découvertes avec retard. Elles sont encore régu- recherchent pas d’aide pour plusieurs motifs [9] :
poorly monitored with serious lièrement caractérisées par l’absence de suivi médical elles n’identifient pas les symptômes (irritabilité,
consequences, suicide being ou un suivi inadapté, un isolement social et affectif, un culpabilité, perte de plaisir, symptômes soma-
the leading cause of maternal arrêt des soins psychiatriques, des prises de substances tiques divers), elles n’osent pas en parler car elles
mortality in the perinatal toxiques, telles que l’alcool, la nicotine, ou diverses peuvent se sentir coupables des sentiments qu’elles
period. drogues. Ces grossesses sont aussi à haut risque du éprouvent à l’égard de leur enfant, elles rencontrent
» Systematic screening for fait de complications obstétricales, d’accouchements des résistances dans leur entourage et, enfin,
perinatal depression is justi- prématurés et de décompensations psychiatriques. elles craignent que la réponse thérapeutique soit
fied by its frequency, its impact À titre d’exemple, 1 femme schizophrène sur 5 sera systématiquement la prescription d’un traitement
on mothers, babies, families,
hospitalisée en psychiatrie au décours de l’accouche- antidépresseur [10]. Interrogées, elles disent claire-
their diagnosis still too rare.
ment, avec un risque maximal dans les 4 premières ment préférer les thérapies basées sur la parole aux
semaines. traitements pharmacologiques. En conséquence,
Keywords Ce sont donc des situations complexes qui une étude montre qu’un quart des mères dévelop-
Screening demandent une grande coordination des profession- pant un épisode dépressif en post-partum accédaient
nels et un accompagnement renforcé associant un à un service de psychiatrie ; et 5 % seulement de
Psychiatric disorder
suivi dans une maternité incluant un service de néo- celles dont c’est le premier épisode [11].
Pregnancy natalogie et un psychiatre de liaison, une régularité Ainsi, les arguments en faveur de la systématisa-
Perinatal depression accrue du suivi psychiatrique, la rencontre avant la tion d’un dépistage des troubles anxiodépressifs,
naissance avec une équipe de psychiatrie péri­natale, qui concernent près de 100 000 femmes en France,
l’objectif étant que ces femmes aient les mêmes semblent solides. Il y a d’ailleurs un consensus dans
chances que les autres. Dans la mesure du possible, les sociétés savantes américaines quant à l’intérêt
une consultation prénatale, voire préconception- du repérage systématique, en population générale,
nelle, permettra, avec le couple, de faire le meilleur des symptômes dépressifs en période périnatale.
choix concernant les psychotropes et l’élaboration Les obstétriciens recommandent un dépistage, sans
du plan de naissance et la détermination des aides à préciser ni avec quel outil ni à quel moment  [12].
apporter (interventions à domicile des techniciennes Une étude relève d’ailleurs la bonne acceptabilité du
d’intervention sociale et familiale, des puéricultrices dépistage mené par des sages-femmes en suites de
de la Protection maternelle et infantile, séjour en couches [13]. Les pédiatres proposent quant à eux
unité d’hospitalisation mère-bébé à temps plein ou d’utiliser l’EPDS (Edinburgh Postpartum Depression
de jour, équipe mobile en psychiatrie périnatale). Scale) ou un dépistage comportant 2 questions
Ces consultations, telles que la CICO (consultation à 1, 2 et 4 mois post-partum lors des consultations
d’information, de conseils et d’orientation), ont pédiatriques [14]. En effet, il est maintenant reconnu
pour objet de sécuriser, dans leur parcours de soins, que ce dépistage, couplé à une orientation vers des
ces femmes et ces couples ayant un désir d’enfant [3]. soins appropriés, modifie le parcours de ces dépres-

24  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


DOSSIER

sions [15, 16]. Selon T. Field [17], les pédiatres et les état émotionnel, la persistance de symptômes dépres-
médecins généralistes sont les mieux placés pour ce sifs, la qualité de leur entourage et du soutien social,
dépistage en raison de leurs rencontres fréquentes leur accès à des professionnels de santé mentale.
avec l’enfant et sa famille. Ils pourraient amorcer Des consultations ou des soins à domicile sont pro-
des pratiques de guidance (soutien de l’allaitement posés le cas échéant. Nous avons maintenant un recul
maternel, du jeu, promotion du langage, des routines de 18 mois sur ce dépistage systématique. Si nous
et de la lecture) et impliquer les compagnons. n’avons pas encore de données, le retour d’expérience
Il existe néanmoins des conditions à la mise en place montre que la plupart des femmes acceptent bien la
de ce dépistage. En effet, les usagers déclarent qu’ils démarche et sont en attente des entretiens proposés
accepteraient un dépistage des symptômes dépres- au décours, que ce soit en face-à-face ou au téléphone,
sifs si et seulement si un professionnel de santé leur et qu’un certain nombre d’entre elles n’auraient pas
fait un retour sur ce dépistage et les aide ensuite à été identifiées sans l’usage systématique de l’EPDS,
accéder aux soins  [18]. Ainsi, utiliser une échelle malgré une symptomatologie sévère. Plus encore,
telle que l’EPDS peut donner l’opportunité d’ou- ce travail contribue à une acculturation des services
vrir un dialogue entre le soignant et la patiente, de maternité et de psychiatrie quant aux enjeux
de combattre les croyances sur les dépressions et émotionnels et affectifs de la période p ­ érinatale.
d’éduquer les mères et les couples. Pour les profes- Récemment, une démarche similaire, bien que plus
sionnels, contribuer au dépistage nécessite qu’ils exigeante, a été proposée avec le cahier de suivi
soient formés et qu’ils sachent clairement quelle psychologique périnatal. Les auteurs proposent plu-
est la conduite à tenir. Ainsi, une telle démarche sieurs échelles de repérage de la dépression, de l’an-
ne peut être envisagée que si le réseau de soins de xiété et du lien mère-enfant qui seraient passées à
santé mentale est bien identifié et bien structuré. divers temps en pré- et en postnatal ; une étude de
Au début de la pandémie de Covid-19, plusieurs obs- faisabilité est en cours [19].
tétriciens et psychiatres de maternités d’Île-de-France
se sont inquiétés des conséquences que pouvaient
avoir sur la santé mentale des mères les conditions Conclusion
nouvelles d’accueil en maternité (absence ou pré-
sence limitée des pères, isolement lié au confinement, Avec l’émergence de la psychiatrie périnatale comme
incertitudes quant aux effets du virus, etc.). C’est ainsi discipline, la sensibilisation accrue des professionnels
que les équipes des maternités et de psychiatrie de de maternité aux enjeux psychopathologiques de la
Louis-Mourier et de Saint-Joseph (plus sporadique- période, une attention croissante est portée aux mères,
ment, celles de Port-Royal) ont instauré la passa- et même aux pères, avec le déploiement de ressources
tion systématique de l’EPDS en suite de naissance. telles que l’entretien prénatal précoce, les staffs de
Cette démarche fait l’objet d’une recherche épidé- parentalité et les référents parcours. Une attention
miologique, PsyCOVIDUM, dont les résultats sont particulière est nécessaire à l’égard des femmes et
attendus cette année. Dans ce cadre, chaque service des hommes ayant un trouble psychiatrique connu.
de soins psychiques propose alors des entretiens à Des consultations de conseil et d’aide à l’orienta-
toutes les femmes ayant un score positif. Le choix des tion en préconceptionnel et en prénatal doivent leur
dispositifs varie : à Louis-Mourier, toutes les femmes permettre de sécuriser leur parcours. Mais cela ne
sont rencontrées par des psychologues ou psy- suffit pas et un dépistage systématique, au moins
chiatres avant la sortie de maternité. À Saint-Joseph, des troubles les plus fréquents, semble indiqué. Si la
celles qui ne sont pas vues par l’équipe de psychiatrie coordination entre les professionnels de maternité et
de liaison du Centre de psychopathologie périnatale ceux de santé mentale dotés de dispositifs de soins
du boulevard Brune (CPBB) sont contactées par télé- est de qualité, ce dépistage devient une chance pour R. Dugravier et M.N. Vacheron
déclarent ne pas avoir
phone par l’équipe d’infirmières et de psychologue les familles et l’occasion pour les professionnels de de liens d’intérêts en relation
après leur retour chez elles. Sont évalués alors leur développer leurs compétences.  ■ avec cet article.

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DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
Dépistage systématique des troubles psychiatriques en période périnatale

Références bibliographiques (suite de la page 25)


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40  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité

L’accompagnement du deuil
périnatal et la pratique
clinique
Perinatal grief support and clinical practice
C. Schalck* , L. Pavie**

L
e deuil n’est pas un état, mais une réaction iné- natale immédiate. Suivant la précocité de cette
C. Schalck
vitable et universelle, consécutive à la perte survenue, et selon l’histoire individuelle, le deuil se
d’un être cher. Il impacte considérablement la teinte de contours plus flous quant à cet imaginaire
santé physique, mentale et sociale de la personne d’enfant attendu, sans pour autant signifier une cor-
endeuillée. L’étude Empreintes du Credoc [1], de rélation entre précocité de la perte et minoration
2019, Les Français face au deuil, menée à grande des épreuves du deuil, d’autant plus rudes avec les
échelle montre que 59 % des personnes qui y sont fausses couches à répétition.
confrontées ont souffert d’une altération de leur Toutefois, s’il est un deuil socialement toujours aussi
santé ou de leur condition physique ; 51 % ont ren- incompris [2], c’est bien celui lié aux fausses couches
contré des difficultés psychologiques, dont 26 % précoces, souvent relativisé chez les professionnels
sur plus d’un an, alors que 39 % se sont isolées par sa fréquence et leur impuissance. Il reste circons-
pendant leur deuil. crit à l’accompagnement psychologique de l’expert,
Cependant, le deuil n’est pas une maladie, mais et bénéficie, au-delà, de peu d’actions de soutien
une dynamique évolutive, certes douloureuse, formalisées, telle celle proposée depuis 3 ans par
comparable au déclenchement d’un processus le Réseau de santé périnatal parisien (RSPP)1 qui
de rétablissement naturel, qui doit permettre de a mis en place des groupes de parole, informels et
retrouver la santé physique et mentale ainsi que ouverts, animés par une psychologue et une sage-
des relations apaisées avec les autres, notamment femme ou un médecin. Pourtant, avec les moyens
avec les proches. fournis par la médecine actuelle, l’Institut national
d’études démographiques (Ined) estime à deux tiers
le nombre de grossesses “bien planifiées” [3] par
Le deuil périnatal, des formes rapport au nombre de grossesses “non prévues”,
contrastées, une même alors que la moyenne d’enfant par femme, annoncée
complexité par l’Ined en 2019, est de 1,89. C’est dire combien la
grossesse est un événement le plus souvent investi
Bien que le deuil périnatal expose lui aussi à son avant même qu’elle n’advienne, alors que la plupart
lot d’épreuves, il a été longtemps méconnu dans des femmes n’auront pas plus que 2 enfants.
ses caractéristiques spécifiques, comme dans sa
complexité et sa gravité, vraisemblablement par
l’absence de traces sociales de ce qui a été perdu, Un processus unique
* Sage-femme, psychologue clini- circonscrit dans l’intimité de la vie privée des qui impacte la santé
cienne, docteure en psychosocio- personnes endeuillées. Et, de ce fait, passé sous
logie du travail, chercheure associée
au Conservatoire national des arts et silence. D’autant plus que les pertes périnatales se Au-delà de ces pertes périnatales précoces qui
métiers, Paris ; Centre de recherche présentent sous des formes très contrastées. Car, demandent une prise en compte adaptée à leur
sur le travail et le développement -
EA 4132, Paris. si elles s’inscrivent dans le devenir de vie possible particularité, il en va du deuil périnatal comme de
** Sage-femme, centre de fertilité, d’un enfant, elles surviennent à des stades variables tout deuil. Il s’agit toujours d’un processus unique,
pôle maternité-fertilité, GH Dia- dans la période périnatale, plus ou moins tôt durant
conesses Croix-Saint-Simon, Paris.
la grossesse, à la naissance ou dans la période néo- 1 https://www.rspp.fr

26 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022

0026_PSY 26 21/03/2022 15:41


Résumé
Comme tout deuil d’une personne aimée, le deuil périnatal impacte la santé et s’inscrit dans un long Mots-clés
processus de rétablissement. Sans être pathologique, il peut le devenir avec des formes contrastées qui
demandent à être accompagnées par les professionnels de santé. Témoins et premiers aidants dans le Deuil périnatal
partage de ce qui a été perdu, ils sont partie prenante de son évolution. Cet accompagnement repose sur Comprendre
la compréhension de sa complexité et de ses spécificités afin de pouvoir en tenir compte dans le parcours
de soins, dans un esprit de prévention et de soutien, y compris pour la grossesse d’après. Des collabora- Accompagnement
tions multidisciplinaires et les ressources d’associations dédiées, telle Petite Émilie, peuvent y contribuer Pratique clinique
de manière significative.

profondément dépendant de l’importance donnée culpabilité, d’autant plus acerbe en situation d’inter­ Summary
à ce qui a été perdu et de la hauteur de son inves- ruption médicale de grossesse (IMG). Ces émotions Like any grief of a loved one,
tissement. Si bien qu’en situation clinique, il serait fluctuent dans le parcours du deuil suivant un mou- perinatal grief has an impact
plus approprié de parler des deuils périnatals plutôt vement pendulaire. Ce, depuis le choc initial, consé- on health and is part of a long
que du deuil périnatal. cutif à la perte, marqué par le déni et la sidération, recovery process. Without being
Toutefois, la portée de la valeur traumatique du deuil qui est suivi d’une période de désorganisation. pathological, it can become so
périnatal et de sa complexité a été reconnue par Elle est caractérisée par un sentiment de vide et with contrasting forms that
de nombreux travaux, alors que dans les échelles d’absence, lié au manque creusé dans la réalité, qui require the support of health
de mesure du stress des événements de la vie, la conduit à une recherche permanente de tout ce qui professionals. Witnesses and
first helpers in sharing what
perte d’un enfant, avec celle du conjoint, figure peut rappeler ou faire revivre dans les souvenirs ce
has been lost, they are stake-
en haut de liste [4] par sa gravité et son inten- qui a été perdu. C’est une incessante fuite-­recherche, holders in its evolution. This
sité. Dans une recherche, publiée dans Paediatric une poursuite psychique pour le retrouver, comme support is based on an under-
and Perinatal Epidemiology [5], les 275 femmes l’envisage Freud (1915) lui-même [8]. Dans cette standing of the complexity and
ayant accouché d’un enfant mort-né après 20 SA période de désorganisation, culmine le vécu dépressif specificities of perinatal grief in
comparées aux 522 femmes ayant accouché d’un avec la prise de conscience de la perte définitive, l’in- order to be able to take them
enfant en bonne santé, avec un suivi de 6 à 36 mois, tensité de la tristesse, du manque et de la culpabilité. into account during the care
présentent presque deux fois plus de symptômes Ce vécu dépressif réactionnel diffère de la dépression process, in a spirit of preven-
dépressifs, même sans antécédents. Récemment, clinique elle-même dans la mesure où la personne tion and support, including
for the subsequent pregnancy.
en janvier 2021, le 6e rapport de l’Enquête nationale peut rester sensible aux autres, aux liens et à des
Multidisciplinary collaborations
confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) événements susceptibles de lui changer les idées. and the resources of dedicated
en France 2013-2015 [6] donne une place prépon- Toutefois, il est attendu, voire “souhaitable”. Il est associations, such as Petite
dérante aux maladies cardiovasculaires et aux sui- un temps crucial pour le “travail” du deuil puisqu’il Emilie, will contribute signifi-
cides, premières causes de mortalité. Si bien que, prépare le terrain à une période de réorganisation cantly to this.
parmi les messages clés formulés à l’issue de cette susceptible de rétablir la santé mentale grâce à la
enquête, figurent, notamment, une meilleure prise reformulation du lien perdu dans la réalité externe,
en compte de la santé mentale dans le suivi des pour le reconstituer et l’installer dans le monde Keywords
femmes enceintes et ayant accouché mais aussi interne. Là où il ne sera plus jamais perdu. Perinatal grief
savoir sortir de la sphère obstétricale pour être
Understanding
attentif au repérage d’autres vulnérabilités, notam-
ment psychologiques et sociales, avec la mise en Le deuil périnatal, Accompaning
place de collaborations multidisciplinaires. des difficultés spécifiques Clinical practice

Ce temps dévolu à la fuite-recherche témoigne des


Une dynamique psycho- particularités, de la complexité et des difficultés
émotionnelle oscillante spécifiques du deuil périnatal. Dans un mouve-
ment pendulaire d’aller-retour, il s’agit d’atténuer
Comme tout deuil, le deuil périnatal est un processus la souffrance et de fuir le vide insoutenable de la
qui demande beaucoup de temps pour son évolution réalité pour s’apaiser dans la reviviscence de ce qui
sans que cette temporalité puisse être fixée lors- a existé et qui a été vécu, mais aussi, sans le savoir,
qu’elle se compte en nombreux mois, voire en plu- d’intégrer peu à peu l’absence définitive sous l’effet
sieurs années. Sans que pour autant sa dynamique du manque dans le réel. Lorsqu’il s’agit d’un enfant
psychoémotionnelle soit pathologique. Il n’y a pas à naître ou à peine né, un enfant en devenir, à l’exis-
de bonne ou de mauvaise façon de cheminer dans tence fugitive ou qui n’a jamais vécu au domicile
ce processus. Comme tout deuil, le deuil périnatal dans le quotidien de la famille, l’intégration d’une
est douloureux, oscillant à travers des phases non perte réelle extérieure est particulièrement ardue.
linéaires et des émotions associées marquantes [7], Avec la pauvreté des souvenirs, des vécus partagés
comme la colère, la peur, la tristesse et l’intense et de ses traces, sa courte existence risque de se

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  27

0027_PSY 27 21/03/2022 15:41


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
L’accompagnement du deuil périnatal et la pratique clinique

confondre avec l’imaginaire et le rêve. Or, tout au mort fœtale in utero qui exigent que soit préservée
contraire, il faut qu’il ait pu avoir une existence en l’humanité en veillant aux mots qui en prennent
soi et qu’il ait été connu afin que le travail lié à la soin. Ou encore, l’attention portée à la temporalité
perte puisse s’en saisir. par une inquiétude manifestée, avant l’annonce,
D’autant plus que ce travail se complique pour la qui permet d’anticiper le pire et d’atténuer, un tant
mère avec les éprouvés physiques. L’enfant mort, soit peu, le choc pour les parents. Que ce soit au
qui avait été porté vivant dans sa propre chair, moment du choc de la naissance d’un enfant sans
devient, tout à la fois, une réelle perte de soi corpo- vie lorsqu’il s’agit de le présenter à ses parents,
relle et imaginaire. Dans ce contexte, les remanie- paré d’humanité, et de recueillir ses traces avec
ments identitaires sollicités pour devenir mère et des photos, des empreintes de pied ou de main,
parent prennent un statut aussi incertain que celui de comme de solliciter des interactions immédiates
l’enfant perdu, infligeant une profonde blessure nar- afin de lui donner une réalité perceptible. Que ce
cissique, impactant l’estime de soi et le sentiment de soit, dès 15 SA, d’attester d’un accouchement avec la
sa propre valeur face à cette réalisation de soi qui ne possibilité de donner un prénom afin de faire exister
peut aboutir. Sont-ils réellement des parents à leurs l’enfant sur le livret de famille, voire d’y associer
propres yeux et aux yeux des autres ? Ce statut est-il le nom de famille comme la loi le permet depuis
légitime alors que le lien concret avec l’enfant n’existe décembre 2021. Que ce soit pour encourager l’ex-
pas ? Pourtant, très précocement, dans la grossesse, pression de rituels laïques ou religieux, quelle que
il est possible de le voir et d’entendre battre son cœur soit la situation. C’est, à chaque fois, dans la pratique
avec les moyens donnés actuellement pour le suivi clinique, s’adresser à des parents pour rester garant
de la grossesse. C’est une sollicitation d’autant plus de l’humanité de leur enfant.
intense pour la construction de la parentalité. Pour les parents, l’existence de cet enfant en devenir,
si courte soit-elle, a été partagée dans l’intimité et
avec les proches, en particulier la famille. Toutefois,
Une mort qui porte le deuil elle aura aussi été partagée avec les soignants non
de l’avenir seulement dans le suivi médical individuel, mais
aussi dans toute prise en charge institutionnelle,
Ces spécificités du deuil périnatal font sa complexité ordinairement à l’hôpital. C’est pourquoi chaque
tandis qu’elles sont également capables d’entraver occasion donnée ou suscitée, dans le parcours de
fortement son processus. Car si le deuil périnatal soins, pour parler du tout-petit, de ce qui est arrivé,
n’est pas un processus pathologique, il peut se com- ce qui a été fait ou pas fait, ce qui s’est passé dans les
pliquer et le devenir, en se figeant, notamment dans soins apportés, l’identifier, le nommer est, à chaque
la dépression clinique. Ce, d’autant plus que c’est fois, pour les parents, attester pour eux-mêmes et
un enfant vivant qui a été pensé et conçu et qu’il aux yeux des autres de son existence. Attester qu’il
faut admettre l’impensable : sa mort au moment a été et qu’il n’est plus. C’est pour une mère et des
même où sa vie était attendue. Une mort contre-­ parents parler de leur enfant et, ce faisant, se faire
nature qui renverse la transmission générationnelle. reconnaître comme tels, même s’il a été perdu.
C’est pourquoi, grâce à sa reconnaissance sociale
progressive, mais aussi celle des professionnels de
santé, les changements intervenus dans leurs pra- Le retour à domicile entre choc,
tiques cliniques ainsi que l’évolution des dispositions vide et absence
législatives et administratives répondent tous au
même objectif : celui d’incarner la perte et de la Ces occasions se font néanmoins rares dès le retour à
reconnaître à la hauteur d’un enfant pour contribuer domicile, quelle que soit la manière dont cette perte
à soutenir les parents dans le travail évolutif du deuil. sera survenue. Sans autres complications, la sortie
d’hospitalisation est anticipée sous 24 heures, ajou-
tant à la rupture des liens avec l’enfant une rupture
Prendre soin de ce qui a été de liens avec les soignants.
perdu dans la pratique clinique Car, même si une consultation est prévue à distance,
un réel suivi postnatal de la mère et des parents est
Cette dimension est au cœur de tout accompagne- quasi inexistant, puisqu’il n’y a pas d’enfant. Si bien
ment du deuil périnatal. Que ce soit au moment de qu’ils peuvent se sentir “mis de côté” par les profes-
l’annonce d’une pathologie grave ou d’une soudaine sionnels de la naissance, comme a pu le formuler

28  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022

0028_PSY 28 21/03/2022 15:41


DOSSIER

un père. Pas de pédiatre, de médecin généraliste, associations forment et sensibilisent les profession- Références
de sage-femme, de puéricultrice, de visite à la PMI nels de santé à l’accompagnement du deuil péri- bibliographiques
(protection maternelle et infantile), pas d’activités natal. Car tout accompagnement ainsi que toute
1. Centre de recherche pour
d’éveil et de socialisation, mais le renvoi au vide et prévention de ses complications commencent par l’étude et l’observation des
à l’absence dès le retour au domicile. Là où le tout- sa compréhension afin qu’il soit tenu compte de conditions de vie – Enquête
Empreintes, 19 avril 2019.
petit était attendu dans le quotidien, avec parfois ses difficultés spécifiques. https://csnaf.fr/sites/csnaf.
déjà des aménagements concrets pour l’accueillir fr/files/assises_du_deuil_
qui sont désormais inutiles. les_francais_face_au_

Seuls, les parents le sont aussi face à l’impérieux Une initiative pour un suivi deuil_2019_credoc_rapport_
complet-min.pdf
désir d’un autre enfant qui pourrait venir soulager postnatal 2. Aquien J. Trois mois sous
silence. Le tabou de la condi-
d’une telle souffrance. Désir de vie, mais aussi désir tion des femmes en début de
de retrouver l’enfant perdu par une nouvelle gros- À Paris, une initiative récente reprend un dispositif grossesse. Paris : Payot, 2021.
sesse, cet enfant pourrait n’avoir comme destin que instauré à la maternité des Bluets (type 1) en 2008. 3. Régnier-Loilier A, Leridon H.
Après la loi Neuwirth, pourquoi
celui de “remplacement” ou de “substitution” [9], Elle propose des visites à domicile postnatales (VAD) tant de grossesses imprévues ?
si tant est que le processus de deuil n’ait pas fait son de sage-femme en sortie d’hospitalisation. La coor- Populations & Sociétés, Paris :
Ined, n°439, novembre 2007.
œuvre. Voué, de ce fait, à vivre la vie d’un autre, avec dination ville-hôpital pour son évaluation, assurée
4. Paykel ES et al. Scaling
son lot d’écueils identitaires, comme la généalogie par le RSPP, associe un pool de sages-femmes of life events . Arch Gen
le dévoile parfois, notamment avec certains noms libérales et de PMI avec la maternité Port Royal ­Psychiatry 1971;25(4):340-7.
célèbres tels, par exemple, ceux de Salvador Dali, (type 3), plus particulièrement avec l’unité dédiée 5. Hogue CJR et al. The
association of stillbirth
Vincent van Gogh ou encore Camille Claudel. au diagnostic prénatal grâce au Dr Olivia Anselem. with depressive symptoms
Ces VAD n’étant pas cotées, le nombre de sages- 6-36 months post-delivery.
Paediatr Perinat Epidemiol
femmes disponibles n’est pas suffisant pour couvrir 2015;29(2):131-43.
Le travail des associations le suivi de toutes les femmes concernées. Mettre en 6. Enquête nationale confi-
de soutien du deuil périnatal place, en temps restreint, une VAD de sage-femme dentielle sur les morts
maternelles (2013-2015),
dédiée représente une gageure d’investissement EpoPé-Inserm, janvier 2021.
http://www.xn--epop-in-
Pourtant, après le choc de l’annonce, le choc du face- pour le Dr Anne Théau sur qui repose la charge de ces serm-ebb.fr/wp-content/
à-face avec leur enfant sans vie, le retour à domicile relais, ainsi que pour Nathalie Perrillat, sage-femme uploads/2021/01/Rap-
n’est pas moins violent. Pour les parents, encore sous de l’équipe, ayant l’expérience, forgée en PMI, de tels port-mortalite-mater-
nelle-2013-2015.pdf
les effets de la sidération, du déni et de l’engourdis- suivis. D’autant plus qu’ils demandent des collabora- 7. Stroebe M, Schut H. The
sement émotionnel, un long parcours de deuil les tions dans les suivis, la participation à des réunions dual process model of coping
with bereavement: rationale
attend. Ils n’ont souvent pas d’autre étayage que le de régulation et de formation avec les sages-femmes and description. Death Stud
renvoi vers le dispositif psychologique, parfois vécu participantes. Toutefois, les bienfaits d’un tel dispo- 1999;23(3):197-224.
8. Freud S. Deuil et mélan-
comme une relégation à l’expert du dysfonctionne- sitif sont d’ores et déjà patents. Ne serait-ce que colie. Extrait de Métapsycho-
ment psychique, en fonction du moment et de la par le retour des mères et des parents qui disent se logie. Paris : Gallimard 1915.
manière dont il aura été proposé. sentir moins seuls et isolés ainsi que mieux soutenus Réédité en 1986. p. 145-71.
9. Hanus M. Objet de remplace-
Ainsi, bien avant la sensibilité sociale actuelle et reconnus dans leurs épreuves. Tandis qu’il donne ment, enfant de remplacement.
portée au deuil périnatal, bien avant une préoc- lieu à un vrai suivi postnatal et de soutien pluri­ Revue française de psychana-
lyse 1982;46(6):1133-47/
cupation des professionnels de la naissance tou- disciplinaire, avec la sage-femme, qui aura tout lieu 10. Schalck C. Le deuil périnatal.
jours plus marquée, des associations se mobilisent d’orienter vers d’autres partenaires professionnels Du postnatal à la grossesse
depuis de nombreuses années pour proposer, au ou associatifs, si besoin et à bon escient [10]. d’après. Guide d’intervention
pour les sages-femmes et les
long cours, du soutien individuel ou de groupe, et professionnels de santé. Paris :
des aides concrètes pour les épreuves à traverser, L’Harmattan, 2020.
telles que : Nos tout-petits2, Spama3, Agapa4, avec La grossesse d’après 11. Schalck C. Les soignants
et la mort à la naissance. Sous
des antennes réparties sur le territoire national. la direction de M.F. Morel.
La naissance au risque de la
C’est aussi le cas de l’association Petite Émilie5, à Préserver une continuité de soutien est au cœur mort. D’hier à aujourd’hui.
Paris, dédiée tout particulièrement au deuil consé- même de tout accompagnement, d’autant plus que Coll. 1001 BB. Toulouse : Erès,
2021. p. 225-45.
cutif à une IMG qui intervient également auprès des s’y joue la qualité d’une relation de confiance qui
12. Schalck C. Un si beau
professionnels de la Caisse d’allocations familiales étayera la mère et les parents lors du suivi d’une métier. Les professionnels
(CAF) et des services funéraires. La plupart de ces nouvelle grossesse, soit la majorité d’entre eux. de la naissance au risque de
la mort. Paris : L’Harmattan,
Même normale, cette grossesse sera loin d’être 2019.
2 https://www.nostoutpetits.fr sereine, sous le poids de sentiments ambivalents 13. Thomas LV. Anthropologie
3 https://www.spama.asso.fr de la mort. Paris : Payot, 1975.
4 https://www.association-agapa.fr et d’une forte anxiété, car elle renvoie naturel- p. 52.
5 https://www.petiteemile.org lement à celle d’avant avec une reviviscence du

La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022  |  29

0029_PSY 29 21/03/2022 15:41


DOSSIER
Troubles psychiatriques
en périnatalité
L’accompagnement du deuil périnatal et la pratique clinique

travail accompli par le deuil et l’impact des dates Sans oublier que, selon les places et les rôles
commémoratives. En tenir compte, proposer plus professionnels, la mort périnatale peut renvoyer
de suivis de routine rassurants, soutenir concrète- sensiblement à l’échec et l’impuissance, avec des
ment des vécus différenciés, nommer le tout-petit questionnements portant sur le propre travail,
disparu, revenir sur sa propre histoire sont autant de accompli individuellement ou collectivement [12].
manières d’aider la mère et les parents à donner peu
à peu à chacun sa vraie place, confirmée plus tard
par la naissance d’un enfant vivant qui ne prendra Conclusion
pas la place de l’enfant disparu.
Toutefois, parce que ni le deuil ni le deuil périnatal
ne sont des processus pathologiques, les profession-
Un accompagnement nels de la naissance y sont tout particulièrement
qui impacte les soignants convoqués, par l’exigence de leur métier et de leur
humanité, à une forme de vocation sociale. Tant il
Dans la pratique clinique, cependant, cet accompa- est vrai qu’ils auront partagé la courte existence
gnement va bien au-delà du “savoir et du savoir-faire d’un tout-petit et qu’ils en restent les premiers
médical que les soignants ont de la mort à travers témoins. Le partage est une condition indispen-
leurs ‘cas cliniques’”. Il ouvre “ici sur une confron- sable à l’accomplissement du travail du deuil.
tation à un réel qui échappe à toute appréhension Comme le constate l’anthropologue Louis-Vincent
possible lorsqu’il s’agit de l’expérience de la mort Thomas6 : “Il n’y a de mort vraie que socialement
humaine, qui plus est sous la figure de la perte exis- reconnue” [13]. ■
tentielle la plus poignante, celle d’une mort d’en-
fant, et du face-à-face avec la douleur des parents
C. Schalck et L. Pavie déclarent 6 Fondateur, en 1996, de la Société de thanatologie, société savante des
ne pas avoir de liens d’intérêts endeuillés, car ‘leur douleur rejaillit sur nous’” [11], sciences humaines de la mort et du mourir qui publie la revue Études
en relation avec cet article. comme a pu le dire une obstétricienne. sur la mort. https://www.mort-thanatologie-france.com

P E T I T E A N N O N C E

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30 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022

0030_PSY 30 21/03/2022 15:41


MISE AU POINT

Nouvelles données cliniques


ÉCHOS DES CONGRÈ
e de l’ECE
Actualités du 23 congrès (Amiens)
Pr Rachel Desailloud

Actualités au congrès
de l’ADA 2021
Pr Nicolas Chevalier
S

(Nice) du SOPK : les troubles


Éditorial & DOSSI

Syndrome des ovair


es
polykystiques
Coordination : Pr Yves
Reznik (Caen)
ER
psychoaffectifs
DPC
New clinical material on PCOS: psycho-affective disorders
L’abonnement,
dans la vie
un engagement fort
page 132
Société éditrice : EDIMARK
SAS la base
R ev u e i n d exé e d a n sat i o n a l e de votre discipline
– ISSN : 2100-9619 d e d o n n é e s i nte r n
CPPAP : 0422 T 81756
ark.fr

B. Granon*, A. Leroy*,**
Bimestriel

www.edim
Prix du numéro : 44
le ICMJE
Périodique de formation Revue indexée dans
la base internationa
Vol. XXV - n° 4-5
Juillet-octobre 2021

L
e syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) térisés supérieure à celle des femmes témoins, les
est la maladie endocrinienne la plus fréquente pathologies étant généralement plus sévères. Une
chez les femmes en âge de procréer, apparais- méta-analyse récente portant sur 172 000 patientes
sant chez 5 à 10 % d’entre elles. Les manifestations retrouvait non seulement 2,8 fois plus de risque
cliniques du SOPK comprennent les signes d’hyper­ de développer une dépression ou un trouble
androgénie (hirsutisme, acné, alopécie ou signes anxieux, mais également un risque de trouble
biologiques), les troubles de l’ovulation (cycles irré- bipolaire et de trouble obsessionnel compulsif
guliers, longs, dysménorrhée, voire aménorrhée) augmenté (1,8 et 1,4 fois plus de risque, respecti-
ainsi que des anomalies ovariennes caractéristiques vement) [5].
en échographie [1]. D’après une étude récente portant sur une cohorte
Une des difficultés que comporte l’étude des nationale suédoise de 24 000 patientes souffrant
troubles psychiatriques dans cette population est de SOPK, ces femmes présentaient un risque 1,5 fois
le nombre important de facteurs confondants qui plus élevé d’avoir un trouble psychiatrique (quel
peuvent venir biaiser les résultats. qu’il soit) par rapport aux patientes indemnes [6].
En effet, le SOPK a un impact majeur sur la qualité Il convient de noter que cette prévalence accrue des
de vie, et nombre de travaux se sont donc focalisés troubles psychiatriques est également retrouvée
sur la mesure de la qualité de vie plutôt que sur après ajustement sur les conséquences les plus
l’étude des troubles psychiatriques proprement dits, manifestes de la patho­logie, telles que l’obésité et
ce qui complique l’analyse dans ce domaine. la dégradation de la qualité de vie [7].
Le SOPK est responsable de plusieurs complications Concernant les troubles du comportement ali-
ayant un impact sur la qualité de vie, comme la mentaire (TCA), une méta-analyse récente sélec-
prise de poids, l’hirsutisme et l’hypofertilité. La prise tionnant 36 articles a montré un risque de TCA
de poids semble avoir sur les patientes un effet comorbide 3 fois plus important chez les femmes
psycho­affectif particulièrement négatif, puisqu’on atteintes de SOPK que chez les témoins. Le risque
retrouve une association entre une élévation de de boulimie comorbide était multiplé par 1,4 et
l’IMC et un niveau de souffrance et d’anxiété plus celui de binge eating disorder par 3 [8]. Dans cette
élevé [2, 3]. étude, le risque d’anorexie mentale était en revanche
Une étude comparant la qualité de vie des patientes inchangé par rapport à celui des sujets témoins.
souffrant de SOPK à celle de femmes témoins Il n’existe que peu d’études portant sur le risque
relevait également plus d’insatisfaction sur le plan de suicide en cas de SOPK mais, dans la cohorte
sexuel et une baisse de l’estime de soi, et ce, même ­suédoise, le risque suicidaire, bien qu’augmenté,
© Correspondances en Métabolismes en ajustant sur l’IMC [4]. était lié à la présence de pathologies psychiatriques
Hormones Diabètes et Nutrition associées. Il semble donc que le risque suicidaire
2021;25(4-5):164-6.
dans le SOPK soit augmenté uniquement en cas de
* Service de psychiatrie générale, Épidémiologie des troubles comorbidités psychiatriques.
hôpital Fontan, CHU de Lille, Lille.
** Université de Lille, Inserm, CHU
psychiatriques chez Le trouble de la personnalité borderline est le trouble
de la personnalité le plus fréquent en population
de Lille, centre de recherche Lille
neuroscience & cognition (U1772),
les patientes souffrant de SOPK générale. Ses critères diagnostiques rendent difficile
équipe Plasticity and subjectivitY On observe chez les patientes souffrant de SOPK son étude rigoureuse, mais on trouve une littérature
(PSY), plateforme CURE, Lille.
une prévalence de troubles psychiatriques carac- scientifique en faveur d’une association épidémio-

32  |  La Lettre du Psychiatre • Vol. XVIII - n° 1 - janvier-février-mars 2022


Résumé
Le SOPK est une pathologie fréquente et invalidante qui engendre une dégradation de la qualité de vie.
MISE AU POINT
Mots-clés
Il entraîne des conséquences sur le plan psychique et peut se compliquer de troubles psychiatriques. Syndrome des ovaires
Le risque de présenter des troubles psychiatriques, tous types confondus, est environ 1,5 fois plus élevé polykystiques
qu’en population générale. Il existe une association indépendante entre le SOPK et les troubles dépressifs
et anxieux. Des études récentes postulent l’existence d’un mécanisme physiopathologique partiellement Troubles ­mentaux
commun à ces troubles. La prise en charge du surpoids aurait un effet protecteur à la fois sur le mal-être Troubles dépressifs
psychique et sur l’apparition de troubles dépressifs ou anxieux. Les troubles psychiatriques comorbides
Troubles anxieux
doivent être traités de façon habituelle, une attention spécifique doit être portée à la prise de poids sous
traitement. Il n’existe pas d’autre spécificité majeure concernant la prise en charge des troubles psychia-
triques dans le SOPK, si ce n’est la place très importante que revêtent la surveillance et le dépistage.

logique entre SOPK et trouble de la personnalité drogènes circulants élevé pourrait favoriser l’hirsu- Summary
borderline [9]. tisme chez les patientes ayant un SOPK. Le cortisol, Polycystic ovary syndrome
Bien que le sujet soit beaucoup moins étudié, et qui a un effet inhibiteur sur l’axe hypothalamo­ (PCOS) is a frequent and
les résultats moins robustes, une étude austra- hypophyso­gonadique, pourrait, quant à lui, parti- disabling disorder. It is asso-
lienne ­portant sur 5 200 femmes a montré qu’il ciper à la dérégulation des cycles menstruels. Une ciated with psychological
existait 1,8 fois plus de risque de dépression et/ou des hypothèses serait que le SOPK et le trouble de la troubles and can lead to the
de trouble anxieux pendant la grossesse chez les personnalité border­line aient une physiopathologie occurrence of psychiatric disor-
femmes souffrant de SOPK [10]. Le risque de dépres- en partie commune, médiée notamment par l’axe ders, with a 1.5 time increased
sion du post-partum serait également augmenté. du stress [9]. Dans cette perspective, l’association risk to develop any psychiatric
disorder. There is an indepen-
entre SOPK et trouble de la personnalité borderline
dent association between PCOS
serait due à un mécanisme commun en lien avec les and depressive or anxiety disor-
Hypothèses traumas qui, en altérant la voie du stress, favorise- ders. Recent studies postulate a
physiopathologiques raient des réactions inadaptées et donc l’évolution partially common physiopatho-
vers le trouble de la personnalité borderline ; et, dans logical pathway between these
Le mécanisme causal exact du SOPK n’étant pas le même temps, seraient impliqués dans l’apparition disorders. Seeking weight loss
connu à l’heure actuelle, les hypothèses concernant des signes du SOPK via une dérégulation de l’axe assistance may have a positive
le lien entre SOPK et troubles psychiatriques sont hypothalamohypophysaire. effect on patients’ well-being
peu ­nombreuses. Par ailleurs, l’une des hypothèses évoquées pour and may prevent psychiatric
disorders. Comorbid psychiatric
Plusieurs conséquences du SOPK pourraient être expliquer spécifiquement les troubles psychotiques
disorders should be treated as
impliquées dans sa physiopathologie. C’est le cas fait intervenir le taux d’estrogènes. En effet, chez usual, with a special focus
de l’obésité, mais aussi de la résistance à l’insu- ­certaines patientes souffrant de troubles schizo- on treatment-related weight
line, puisqu’il existe un lien bidirectionnel avec phréniques, il existe un lien entre la majoration de gain. The only other specific
les troubles dépressifs et anxieux dans le SOPK ; symptômes de la schizophrénie et la diminution des aspect of psychiatric disorders
la hausse de la résistance à l’insuline est en effet taux d’estrogènes que l’on peut observer au cours in PCOS is the focus toward
associée à des troubles anxiodépressifs plus fré- de certaines périodes, telles que le post-partum. prevention and patients’
quents et, inversement, les troubles dépressifs Chez les patientes atteintes de SOPK, le taux d’estro­ screening.
et anxieux sont reliés à une plus forte résistance gènes basal est plus élevé que celui de la popula-
à l’insu­line  [3]. Les taux d’androgènes élevés, les tion ­générale, mais la chute de ce taux (en période Keywords
troubles de la fertilité, l’état pro-inflammatoire d’ovulation) en est d’autant plus importante, ce qui Polycystic ovary syndrome
chronique présent dans le SOPK [2] seraient éga- pourrait expliquer cette vulnérabilité accrue [12].
Mental dis­order
lement impliqués dans les atteintes psychiques de
cette pathologie. Depressive disorder
Un essai clinique portant sur la réaction au stress Prise en charge et perspectives Anxiety disorder
a permis de mettre en évidence une réaction dis-
tincte chez les patientes souffrant de SOPK, avec des La prise en charge des troubles psychiatriques chez
taux de cortisol, d’interleukine 6 (IL-6) et d’hormone les patientes atteintes de SOPK n’a fait l’objet que
adréno­corticotrope (ACTH) accrus et, sur le plan de très rares études, de surcroît de faible qualité.
clinique, une fréquence cardiaque significativement Il existe néanmoins un large consensus concernant
plus élevée que chez les sujets sains [11]. L’hypo- l’importance du dépistage le plus tôt possible des
thèse d’une dérégulation de l’axe hypothalamo- troubles psychiatriques dans cette population [13].
hypophysaire dans le SOPK, qui serait au moins en À ce jour, il n’existe aucune étude concernant des
partie responsable d’un profil de réaction au stress stratégies spécifiques de traitement médicamenteux
anormal, pourrait donc être une explication, puisque des troubles psychiatriques dans le SOPK. La prise en
le stress répété est lui-même impliqué dans le déve- charge des patientes atteintes de SOPK présentant
loppement des troubles psychiatriques. des troubles psychiatriques doit donc être identique
En effet, les androgènes sont sécrétés en excès dans à celle de personnes sans SOPK. Cependant, une
les situations de stress chronique ; or, un taux d’an- attention particulière devrait être portée à la prise

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MISE AU POINT
Nouvelles données cliniques du SOPK : les troubles psychoaffectifs

de poids iatrogène en lien avec les traitements incorporant les professionnels de santé mentale dans
psycho­tropes. les filières spécialisées du SOPK, qu’il s’agisse de
En outre, le SOPK a un impact sur la vie sexuelle des psychologues, de psychiatres ou d’infirmiers formés
patientes, ce qui peut avoir des conséquences sur aux questions de santé mentale.
la perception de l’image corporelle et sur l’estime
de soi. Il est également recommandé de dépister
spécifiquement les troubles psychosexuels, éven- Conclusion
tuellement au moyen d’échelles, telles que le female
sexual function index (FSFI), qui a été traduit en fran- Le SOPK est une pathologie associée à un risque
çais [13]. accru de troubles psychiatriques, en particulier la
Dans une étude récente, une intervention centrée dépression et les troubles anxieux. Ces troubles psy-
sur la perte de poids a démontré une efficacité sur chiatriques sont vraisemblablement liés aux consé-
les symptômes dépressifs chez des patientes souf- quences psychiques de cette maladie chronique et
frant de SOPK. Les différentes méthodes pour perdre invalidante, mais un certain nombre d’arguments
du poids (régime seul ou associé à plusieurs types laissent penser que les altérations endocriniennes
d’exercice) obtenaient des résultats comparables dues au SOPK pourraient également avoir un effet
entre elles concernant la dépression [14]. direct sur leur apparition. L’hypothèse de facteurs de
Plus marginalement, on peut aussi noter que les trai- risque communs au SOPK et aux troubles psychia-
tements contraceptifs oraux ont démontré une effi- triques est également vraisemblable, qu’ils soient
cacité dans le trouble dysphorique prémenstruel et, génétiques ou développementaux.
du fait de leur place dans la prise en charge du SOPK, À l’heure actuelle, il n’existe pas de recomman-
on peut penser qu’ils conservent une efficacité sur dations spécifiques pour la prise en charge psy-
ce trouble ; cependant, aucune étude clinique ne chiatrique de ces patientes, mais il convient d’être
vient appuyer cette hypothèse [15]. vigilant et de dépister ces troubles le plus précoce-
Il est à noter que les psychiatres ne font pas partie ment possible.
des spécialistes les plus consultés par les femmes Des recherches plus poussées sur le sujet pourraient
atteintes de SOPK. Il est donc important d’insister permettre d’améliorer la prise en charge des nom-
sur le fait que le dépistage doit être mené en premier breux patientes concernées par cette pathologie et
lieu par les professionnels qui sont en première ligne de mieux comprendre les mécanismes physiopatho-
B. Granon et A. Leroy déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts pour ces patientes. Sur le plan organisationnel, il est logiques et biologiques sous-jacents aux troubles
en relation avec cet article. nécessaire de renforcer l’aspect multidisciplinaire en psychiatriques en général. ■

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