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Mesure de la gouvernance ou gouvernance

de la mesure : quelle normalisation comptable


pour quel type de crise ?

Christian Hoarau1 et Robert Teller2

1213
Le sujet de cet hommage a été choisi en fonction du large spectre de

6419
compétences du Professeur Geneviève Causse qui a vu, avant beaucoup
d’autres, le rôle majeur des aspects non financiers de la performance des

7:16
individus et des organisations3. Par ailleurs, qu’il s’agisse des aspects
financiers comme le rôle spécifique de la trésorerie et l’importance à venir

9.24
de la finance islamique, ou des aspects non financiers comme le rôle du
capital humain pour le développement des PME en Afrique, ou bien encore
.45.3
des aspects comptables ou d’audit dans les divers référentiels français,
anglo-saxons ou africains, l’ampleur du spectre couvert impliquait un choix
:129

plutôt global et universel par opposition à un sujet plus technique mais


9759

forcément plus limité . C’est pourquoi le choix s’est porté sur un sujet certes
délicat et controversé mais oh ! combien actuel : celui des limites de la
8883

gouvernance financière et de son impact sur la normalisation comptable


internationale.
Il est clair aujourd’hui que la crise financière s’étend bien au-delà de la
840:

sphère financière pour altérer l’économie réelle ainsi que les équilibres
9287

sociaux et sociétaux. La globalisation financière et le développement


fulgurant d’internet et de la mise en réseau ont exacerbé et mis en relation les
r:210

1
Christian Hoarau, Professeur titulaire de la chaire de Comptabilité financière et audit du
Alge

Conservatoire national des arts et métiers.


2
Robert Teller, Professeur émérite de l’Université de Nice
3
Voir par exemple :
:ESC

- Causse G., (2012), La Finance islamique, Revue Banque éditions, Paris, 2e éd., 203 p.
- Gauthier N., Causse G., (1981), La Trésorerie dans l'entreprise. Techniques et pratique des
x.com

affaires, Éditions Publi-Union, 432 p.


- Causse G., (2009), "Développement et comptabilité", in Colasse B. (ed), Encyclopédie de
comptabilité, contrôle de gestion et audit, Economica, pp 689-703.
larvo

- Causse G., (1999), "20 ans de normalisation comptable et de PCG - son influence dans le
pays d'Afrique francophone", Comptabilité, contrôle, audit, mai, pp 211-222.
.scho
www
activités économico-financières avec l’ensemble des phénomènes
écologiques, environnementaux, climatiques, énergétiques, politiques sans,
toutefois, permettre une gouvernance planétaire.
De ce fait, toute crise financière devient très vite sociétale et
réciproquement tout dérèglement sociétal prend immédiatement un aspect
financier. L’exemple du nuage provoqué par l’irruption du volcan islandais
en est une parfaite illustration.
Cette situation tend à provoquer ce que l’on peut appeler une double
inversion de paradigme dans la mesure où l’on peut se demander si la crise
n’est pas devenue l’état naturel de l’économie entre deux situations de
rupture caractérisées par une perte complète des référents habituels utilisés
pour gérer la vie économique et sociale…

1. Crises, rupture et inversion des paradigmes

1213
Deux concepts majeurs pour la normalisation comptable sont
particulièrement impactés par ces bouleversements : l’hypothèse de

6419
continuité d’exploitation et la validité de la value relevance theory.
La répétition rapprochée des crises de toutes sortes met dangereusement

7:16
en péril le statut de l’hypothèse de continuité d’exploitation qui pourrait à

9.24
terme faire une place grandissante voire essentielle à l’hypothèse de
discontinuité d’exploitation. Cette évolution ne manquerait pas d’impacter.45.3
fortement les pratiques de reporting et d’audit que nous connaissons
actuellement ainsi que la nature des organisations et des relations sociales.
:129

Par ailleurs, la toute-puissance de la value relevance devient de plus en


plus factice lorsqu’il s’agit de prendre en compte des phénomènes sociétaux
9759

complexes tels que ceux posés par la régulation des impacts


environnementaux.
8883

Si l’on peut, sans doute, faire confiance au marché pour évaluer


l’entreprise peut-on faire de même avec des problèmes sociétaux
840:

complexes ? Peut-on faire confiance au marché pour gérer la planète ? La


terre peut-elle être traitée comme un partenaire à l’instar des clients ou des
9287

fournisseurs ? On peut sans doute s’interroger sur la toute-puissance de


l’efficience des marchés pour gérer ce type de situation.
r:210
Alge

2. Une nouvelle problématique pour la gouvernance et pour la


normalisation comptable internationale
:ESC

Cette double inversion de paradigme induite par l’impact de la


globalisation sur les équilibres planétaires et sociétaux pose en termes
x.com

nouveaux la question de la gouvernance et plus généralement la question du


management par la valeur. Si l’on peut se satisfaire, à la rigueur, d’une
larvo

gouvernance financiaro-actionnariale dans des économies correctement


.scho

164
www
régulées, il n’en est plus de même lorsqu’il s’agit d’envisager une
gouvernance mondialisée chargée de réguler l’avenir de la planète.
Il est évident que dans un tel contexte, l’ensemble du cadre conceptuel lié
à la value relevance est à reconsidérer. En particulier, la prétendue
« supériorité » des normes de marché censées « évaluer » de façon optimale
l’efficacité des processus d’allocation de ressources n’est plus pertinente
lorsqu’il s’agit de mettre en place un processus de normalisation au niveau
de la valeur sociétale durable.
En fait, cette inversion de paradigme en induit une autre liée à la
gouvernance. Elle implique, en effet, un passage du paradigme de la mesure
de la gouvernance à celui de la gouvernance de la mesure. Autrement dit, il
ne s’agit plus seulement de vérifier que les critères supposés pertinents de
gouvernance sont satisfaits mais il faut reconsidérer les fondements de ce
concept et la façon dont on mesure les critères de performance.

1213
3. Passer du paradigme de la mesure de la gouvernance à celui de

6419
la gouvernance de la mesure : la mesure de la gouvernance et ses
limites

7:16
Dès le début des années 1980, le développement des pratiques

9.24
managériales liées au courant de la création de valeur issu de la value
relevance theory a produit un corps d’analyses théoriques que l’on peut .45.3
qualifier de mesure de la gouvernance. En paraphrasant Friedman, on peut
dire que la mesure de la gouvernance n’est qu’une application du courant de
:129

la value relevance (donc de l’école de Chicago) et que « la responsabilité


sociale des entreprises est de faire des profits » (Friedman, 1970)4. Dans ce
9759

champ théorique, les travaux en management ont pour but de montrer que les
stratégies qui se rapprochent des canons du management par la valeur
8883

actionnariale sont supérieures aux autres dans la mesure où elles sont


censées favoriser la création de valeur financière. Le coût du capital, la
840:

transparence financière, les incitations basées sur la valeur financière, les


stocks options, le reporting financier, la composition et la taille des conseils
9287

de direction etc. sont des indicateurs fréquemment utilisés par ce courant de


la mesure de la gouvernance, l’idée étant que plus l’entreprise se rapproche
r:210

de ces indicateurs et plus elle a de chance de créer de la valeur financière. De


même, les normes comptables et de reporting financier, qu’il s’agisse des
Alge

IFRS ou des US GAAP, sont conçues et développées dans ce champ de


réflexion en donnant la priorité à la « bonne information » pour
:ESC

l’investisseur et le marché.
Ce « paradigme » de la mesure de la gouvernance a connu un succès
x.com

planétaire lié au développement des marchés financiers et à leur


larvo

4
Milton Friedman (1970) : « The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits”
The New York Times Magazine, septembre.
.scho

165
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mondialisation. La plasticité et la réactivité des marchés financiers sont un
facteur indispensable du développement de l’innovation et il n’est pas
question de nier le rôle majeur des marchés dans le développement des
économies.
Toutefois, au vu des résultats actuels, il est permis de douter de la réalité
de l’efficience de ces marchés et surtout de l’efficacité des pratiques de
management par la valeur financière.
En effet, ces pratiques poussées à l’extrême ont abouti au développement
d’un management « asservi à la finance » qui s’est fait souvent au détriment
d’autres modèles managériaux complémentaires au modèle financier
(gestion des compétences, savoir-faire, avantage compétitif, valeur client,
gestion des stakeholders, pratiques volontaires de RSE...)
De nombreux modèles alternatifs remettent en cause la pertinence de la
seule shareholder value comme point focal du management et certains
auteurs (dont Mintzberg et Zingales) ont montré que l’excès de management

1213
par la valeur actionnariale peut s’avérer inefficace même pour l’actionnaire
en raison notamment de leur relative inefficacité face aux nouvelles formes

6419
d’organisations. Les limites du modèle de la mesure de la gouvernance et
l’intrusion des équilibres écologiques planétaires au sein de la réflexion sur

7:16
l’avenir des entreprises impliquent une révision sérieuse voire radicale du
paradigme actuel de la mesure de la gouvernance.
9.24
.45.3
4. Pour une gouvernance de la mesure fondée sur le concept de
:129

valeur sociétale « soutenable »


Le fait que d’une part, la crise soit un état naturel de l’économie
9759

provoquant une résurgence de l’hypothèse de discontinuité d’exploitation et


que d’autre part, la connexion soit de plus en plus forte entre la globalisation
8883

financière et la montée des déséquilibres environnementaux et sociétaux,


rendent urgente une nouvelle façon de reconsidérer les problèmes de
840:

gouvernance.
Considérant que, même si la value relevance theory reste partiellement
9287

pertinente, elle ne peut en aucun cas permettre d’aborder les problèmes


complexes liés à l’interdépendance croissante entre les aspects financiers,
r:210

sociaux et sociétaux. Il s’agira pour nous ici d’évoquer quelques aspects du


cadre de réflexion associé à la gouvernance de la mesure.
Alge

Il ne s’agit plus de s’adosser à une hypothèse d’efficience ou au dogme


de la valeur financière pour vérifier si les critères de mesure de la
:ESC

gouvernance (actionnariale) sont bien remplis mais au contraire de


rechercher les critères pertinents de définition d’un management par la
x.com

valeur sociétale, globale et durable.


Ce cadre élargi de la gouvernance de la mesure repose donc sur une
larvo

vision critique du courant de la value relevance. Il est forcément partenarial


.scho

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par nature puisqu’il est au cœur du problème d’intégration de la finance et
des aspects sociaux et sociétaux.
Ce problème d’intégration est un point clé pour la pérennité des
organisations telles que nous les connaissons aujourd’hui. L’accentuation
des problèmes environnementaux planétaires a, déjà, favorisé une certaine
institutionnalisation de la RSE. Elle pourrait maintenant provoquer des
changements dans la conception même de l’entreprise à un terme
relativement rapproché.
Ainsi Corinne Gendron note à propos du devenir possible des entreprises
que « certains indices permettent de constater que des transformations
institutionnelles sont bel et bien en train de voir le jour, qui modifieront
substantiellement l'entreprise et le système économique dont elle est
l'institution centrale ».5

1213
5. Pour un cadre conceptuel alternatif au niveau de la
gouvernance des entreprises

6419
Compte tenu des limites évoquées ci-dessus, une réflexion sur la

7:16
pertinence du cadre actuel de la gouvernance semble nécessaire. Au regard
des recherches relatives aux cadres conceptuels des modèles alternatifs de

9.24
gouvernance, on peut faire les observations suivantes :6
− Un cadre actionnarial fondé sur les théories contractuelles de la firme
.45.3
n’est compatible qu’avec un développement très limité de la valeur
sociétale. Il est donc peu propice au développement de la gouvernance
:129

de la mesure car l’enjeu sociétal n’est appréhendé que lorsqu’il a des


conséquences économiques positives pour l’entreprise ce qui implique
9759

une prise en compte minimale de la gestion des biens collectifs.


− Un cadre partenarial fondé sur la théorie des parties prenantes ou la
8883

dépendance des ressources pose des problèmes sérieux


d’opérationnalisation car les entreprises sont confrontées à des enjeux
840:

contradictoires lorsqu’elles ont à choisir, par exemple, entre une


réallocation géographique de leurs activités et le respect
9287

d’engagements moraux en termes d’emploi vis-à-vis de leurs salariés.


L’entreprise se retrouve au centre d’intérêts multiples et parfois
r:210

contradictoires de ses stakeholders. Les dirigeants ont donc à gérer au


mieux ces intérêts en jouant ainsi un rôle de médiateur pour servir le
Alge

bien-être collectif. Toutefois, cette approche comporte de nombreux


aspects positifs pour une gouvernance de la mesure, notamment la
:ESC

prise en compte des parties prenantes.


x.com

5
Corinne Gendron (2010) : « La RSE comme symptôme d’une modernisation de
larvo

l’entreprise », L’Économie Politique, (1) 45, p 70-82.


6
Voir par exemple : Anne-Catherine Moquet (2010) : Le contrôle sociétal, Vuibert
.scho

167
www
− Un cadre institutionnalisé permet « d’éclaircir » l’émergence de la
responsabilité sociétale à partir des interactions qui interviennent entre
la société et l’entreprise qui se situe dans un processus permanent de
légitimité par rapport aux différentes pressions exercées par la société.
Ce cadre paraît donc indispensable pour la construction du cadre de la
gouvernance de la mesure.
− Si aucun cadre théorique ne permet de formaliser complétement cette
question de la gouvernance de la mesure, on peut noter qu’un cadre
partenarial et institutionnalisé pourrait permettre d’élaborer des bases
utiles pour le développement de ce concept. Un tel cadre impliquerait
une évolution importante des modes actuels de comptabilisation.

6. Quel enjeu pour la normalisation comptable internationale ?

1213
Le statut actuel de la normalisation comptable internationale, caractérisée
notamment par la suprématie du socle comptable IFRS-US GAAP, a été

6419
prioritairement conçu dans le cadre d’une gouvernance actionnariale au
service des marchés financiers. Un tel statut paraît difficilement compatible
avec le modèle de gouvernance de la mesure que nous venons d’évoquer.

7:16
Les normes IFRS, orientées en priorité vers les investisseurs boursiers,

9.24
sont sous-tendues par l’hypothèse d’efficience des marchés (HEM) et
véhiculent une représentation financiarisée de l’entreprise réduite à la .45.3
communauté des actionnaires. La notion déjà évoquée de fair value ou juste
valeur, est le plus souvent assimilée au prix de marché, autrement dit
:129

déterminée par des préoccupations de très court terme.


En postulant que les prix de marché sont égaux aux valeurs
9759

fondamentales ou aux justes prix des actifs, l’HEM est contredite par les
faits, en particulier les crises et bulles financières, les biais comportementaux
8883

à l’origine d’une déconnexion entre valeur fondamentale et prix. Les crises


financières montrent que l’efficience des marchés n’existe pas en tout lieu et
840:

à toute heure. Elle est également mise en défaut lorsque les acteurs de
marché s’asservissent à des indices ou à des programmes automatiques
9287

d’arbitrage, fondent leurs anticipations rationnelles sur des attitudes


mimétiques ou autoréférentielles, et sont en nombre insuffisant, ce qui
r:210

conduit à des prix déterminés par des contraintes de liquidité7.


Dominées par les préoccupations des marchés financiers les normes
Alge

internationales ne prennent quasiment pas en compte les préoccupations


environnementales et sociales. Jusqu’à récemment, l’IASB était obnubilé par
:ESC

la nécessaire convergence avec les États-Unis. Le paradoxe est que ceux-ci


ont reporté sine die l’adoption des IFRS sur leur territoire mais que dans
x.com

7
Christian Hoarau (2014), « Fair value et instruments financiers: de la convergence à la
larvo

divergence internationale », in La régulation financière peut-elle sortir l’Europe de la crise ?


Dir. C.de Boissieu, éditons PUF, pp 55-68
.scho

168
www
l’élaboration de celles-ci des américains sont membres de toutes les
instances de l’IASB alors que l’UE n’y est pas représentée à parité. En tant
que « premier client » de l’IASB, elle devrait l’être même davantage.
La situation actuelle est propice aux interrogations sur la légitimité et la
gouvernance de l’IASB et offre l’opportunité à l’UE d’aller plus loin dans le
sens d’une souveraineté affirmée en matière de normalisation comptable et
financière. La réforme de l’EFRAG est-elle suffisante ? On peut-en douter.
La constitution d’un véritable organisme de normalisation comptable
européen serait susceptible de faire évoluer les IFRS vers une plus grande
prise en compte des préoccupations environnementales et sociales et des
spécificités des économies européennes. À ces conditions les IFRS
pourraient rester le référentiel pertinent de l’UE.
Mais l’Europe a-t-elle aujourd’hui la volonté de faire, dans un contexte
nouveau, ce qu’elle n’a pas pu ou su faire dans les années 1990 ? Les
responsables politiques ne peuvent continuer de se plaindre de la dictature

1213
des marchés financiers s’ils n’agissent pas concrètement pour reprendre la
main sur la finance et, au-delà des discours, engager des politiques

6419
économiques fondées sur un développement durable. Cette voie favorable à
un capitalisme régulé et responsable suppose de redéfinir la conception des

7:16
normes financières mais également celle de l’entreprise8.
En effet, un modèle de la « valeur durable » suppose une conception de
9.24
l’entreprise de type institutionnaliste et partenarial. Cette conception .45.3
juridique de l’entreprise – institution sociale qui était jusque-là dominante en
Europe - s’oppose à la conception anglo-saxonne des droits de propriété.
:129

Elle supposerait aussi une modification du cadre conceptuel IFRS-FASB qui


reste orienté quasi exclusivement sur le modèle actionnarial. Le projet de
9759

refonte du cadre conceptuel commun, IASB et FASB est sans ambiguïté à


cet égard et confirme le modèle de gouvernance orienté actionnaire.
8883

Un modèle de la « valeur durable » implique de nouvelles conventions de


mesure fondées sur un cadre alternatif à celui de l’efficience et axées sur la
840:

performance globale et soutenable.


Une telle approche impliquerait par exemple une « internalisation » des
9287

principales externalités provoquées par l’entreprise ce qui nécessiterait une


mesure appropriée de l’ensemble des passifs éventuels et des risques
r:210

produits par les entreprises ainsi qu’une prise en compte dans les résultats de
l’ensemble des passifs environnementaux, sociaux et sociétaux.
Alge

Or, le cadre conceptuel actuel des normes comptables internationales ne


permet pas de prendre suffisamment en compte les externalités et les coûts
:ESC

environnementaux assumés actuellement par d’autres acteurs sociaux. Il en


va de même pour les risques extrêmes (tel le risque nucléaire par exemple)
x.com
larvo

8
Christian Hoarau (2013) : « Changer les normes financières pour un capitalisme
responsable ? » Les Echos, du 7 octobre 2013, Le cercle Les Echos, Economie et société.
.scho

169
www
ou pour les risques liés au réchauffement climatique qui ne sont internalisés,
actuellement, qu’à concurrence du coût de l’assurance9.
Un modèle de la valeur soutenable implique une normalisation des outils
et des normes de comptabilité sociétale [normalisation du bilan éthique et
social (stakeholders' report) et de la comptabilité environnementale]. Notons
à cet égard que le reproche fait à l’imprécision des mesures de la
performance globale n’est pas une raison suffisante pour renoncer à son
calcul.
Un modèle de la valeur soutenable implique la mise en place d’un
système de stake-options assis sur des indicateurs prenant en compte la
pérennité de l’organisation, le développement des salariés et des cadres, le
maintien de la valeur ajoutée économique, la satisfaction des clients, les
comportements responsables en matière d’achat et d’environnement etc. Un
tel mécanisme pourrait prendre place dans un « tableau de bord prospectif
élargi » servant de base au calcul des « bonus plans ». (C. Hoarau et R.

1213
Teller10)
Enfin, un modèle de la « valeur soutenable » suppose un passage de

6419
l’autorégulation par les marchés à une régulation par de nouvelles règles
publiques internationales. En effet, cette nouvelle approche de la

7:16
gouvernance de la mesure ne peut se concevoir que dans le cadre d’une
convention internationale qui fixerait le mode de gouvernance d’une
9.24
« société des nations ». .45.3
Finalement, cette réflexion sur la gouvernance de la mesure de la « valeur
soutenable » permet de réfléchir à nouveau sur la relation entre l’entreprise
:129

et la société dans son ensemble.


Cette relation reste, en effet, un domaine ouvert et controversé quant à la
9759

place et au rôle des entreprises dans la société. Il est évident que, dans ce
contexte, le rôle que pourra jouer une normalisation comptable internationale
8883

plus ouverte sur les enjeux fondamentaux de la planète sera très important ne
serait-ce que parce qu’on ne gère bien que ce que l’on mesure
840:

« correctement ». Or comme l’ont souligné Macintosh et alii, en faisant


référence à Jean Baudrillard, la norme comptable actuelle crée une hyper-
9287

réalité qui n’est qu’un simulacre tant « la distinction entre un signe


comptable et sa réalité sous-jacente a implosé. Le signe comptable précède et
r:210

même crée, à travers sa propre évaluation, le référent qu’il prétend


représenter »11.
Alge

Cette phrase prophétique qui évoque irrésistiblement la si bien nommée


fair value renvoie aussi à la remarque d’Alain Desrosières à propos des
:ESC

limites de la mesure : « admettre que les chiffres ne sont pas vrais ne veut
x.com

9
Voir par exemple de Plot Emmanuelle (2010) : L’information diffusée par l’exploitant sur le
risque nucléaire : quelle réponse aux attentes des parties prenantes ? Thèse de doctorat en
sciences de gestion, Université Paris Dauphine, décembre.
larvo

10
C. Hoarau et R.Teller (2001) : Création de valeur et management de l’entreprise, Vuibert
11
Macintosh et alii (2000) : “Why do official earnings matter?” AOS n° 25
.scho

170
www
pas dire qu'ils sont faux ! La vraie question serait plutôt : peut-on leur faire
confiance ? ».12

Bibliographie
Causse G., (2012) : La Finance islamique, Revue Banque éditions, Paris,
2ème éd., 203 p.
Causse G., (2009) : "Développement et comptabilité", in Colasse B. (ed.),
Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, Economica,
pp 689-703.
Causse G., (1999) : "20 ans de normalisation comptable et de PCG - son
influence dans le pays d'Afrique francophone", Comptabilité, contrôle,
audit, mai, pp 211-222.
Friedman M. (1970) : The Social Responsibility of Business is to Increase its

1213
Profits” The New York Times Magazine, septembre
Desrosières A. (2000) : La Politique des grands nombres, éd. La
Découverte..

6419
Gauthier N., Causse G., (1981), La Trésorerie dans l'entreprise. Techniques
et pratique des affaires, Éditions Publi-Union, Paris, 432 p.

7:16
Gendron C. (2010) : La RSE comme symptôme d’une modernisation de

9.24
l’entreprise, L’Economie Politique, (1) 45, p 70-82.
Hoarau C. et Teller R. (2001) : Création de valeur et management de .45.3
l’entreprise, Vuibert,
Hoarau C. (2013) : « Changer les normes financières pour un capitalisme
:129

responsable ? » Les Echos, 7 octobre.


Hoarau C. (2014) : « Fair value et instruments financiers: de la convergence
9759

à la divergence internationale », in La régulation financière peut-elle


sortir l’Europe de la crise ? Dir. C. de Boissieu, éditons PUF, pp55-68
8883

Macintosh et alii (2000) : Why do official earnings matter? Accounting


Organizations and Society n° 25.
840:

Moatti S. (2006) : La démocratie fait ses comptes, Alternatives économiques,


n° 245 (03)
9287

Moquet A. C. (2010) : Le contrôle sociétal, Vuibert


Plot E. (2010) : L’information diffusée par l’exploitant sur le risque
r:210

nucléaire : quelle réponse aux attentes des parties prenantes ? Thèse de


doctorat en sciences de gestion, Université Paris Dauphine, décembre.
Alge
:ESC
x.com

12
Alain Desrosières (2000) : La Politique des grands nombres, éd. La Découverte.. Voir
larvo

aussi : Sandra Moatti (2006) : La démocratie fait ses comptes, Alternatives économiques, n°
245 (03/2006)
.scho

171
www
www
.scho
larvo
x.com
:ESC
Alge
r:210
9287
840:
8883
9759
:129
.45.3
9.24
7:16
6419
1213
La pensée en action et la valeur oubliée
des travaux comptables

Jean-Guy Degos1

1213
Introduction

6419
Les professionnels de la comptabilité qui la pratiquent depuis longtemps
ont assisté, à peu près à chaque décennie suivant la 2nde guerre mondiale, à
des transformations décisives, pas toujours souhaitées, mais avec lesquelles

7:16
il a fallu composer. Durant cette longue période, des métiers plutôt

9.24
classiques et représentatifs d'un travail de bureau peu mécanisé mais riche de
sens, se sont totalement transformés. En ces temps où triomphent les réseaux .45.3
sociaux qu'on veut nous faire croire indispensables, où on essaie de nous
couper de nos racines grecques et latines, où toute culture qui n'est pas
:129

immédiatement rentable est à proscrire, comme beaucoup d'autres, nous nous


interrogeons sur l'avenir culturel de la profession comptable, et non pas -
9759

d'autres le font mieux que nous - sur son avenir économique et financier.
Certains nous promettent même sa disparition, une fois que les ordinateurs
8883

futurs, à la puissance et à l'intelligence aujourd'hui insoupçonnées, auront


découvert les plus minuscules savoir-faire des experts et qu'ils les auront
840:

transformés en logiciels sans concurrence. Ces dernières années, cette


évolution nous a fait réfléchir aux mots clés de notre ordre professionnel :
9287

Science, Conscience, Indépendance. Ces valeurs sont-elles compatibles avec


les réseaux sociaux, plus souvent asociaux que sociaux d'ailleurs, avec leurs
r:210

cookies, leur manière sournoise d'extraire nos données privées de nos vies
personnelles pour en faire de bas objets de commerce et la façon dont ils
Alge

transforment artificiellement la pratique professionnelle ? C'est par hasard,


au fil de nos réflexions que nous avons consulté un ouvrage spécial et
:ESC

attachant au titre incongru : "Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la


valeur du travail", par Matthew B. Crawford, un américain aux expériences
x.com

multiples, un intellectuel qui a trouvé son salut dans le travail manuel. Ce


livre nous a tellement donné à réfléchir, nous a apporté tellement de réponses
larvo

1
Professeur émérite des universités, diplômé d'expertise comptable
.scho
www
positives, que nous avons souhaité partager cette réflexion, non pas sur un
réseau social débile, mais pour une occasion plus sérieuse, tout en pensant
qu'un livre magnifique reste à écrire : "Éloge de la comptabilité en partie
double. Essai sur le sens et la valeur du travail des comptables".

1. Matthew Crawford ou l'archétype de la connaissance intégrée à


l'action : quelques constatations fondamentales
Matthew Crawford est à la fois un philosophe et un artisan mécanicien. Il
a obtenu un doctorat en philosophie politique à l'université de Chicago, et
après son diplôme, il a fait un stage postdoctoral au Comité de recherche sur
la pensée sociale de son université d'origine. Comme les antiques mandarins
qui trouvaient le travail manuel indigne d'eux, il aurait pu laisser pousser ses
ongles et se consacrer exclusivement aux œuvres de l'esprit. Il a pris l'option

1213
contraire de plonger ses ongles dans le cambouis et de fonder une petite
entreprise de réparation de motos, Shockoe Moto, qui lui a apporté de

6419
multiples expériences vécues et dûment analysées par le philosophe qu'il est
toujours, qu'il est resté. Il est aussi membre de l'Institut des hautes études de

7:16
la culture à l'Université de Virginie. Le Sunday Times l'a considéré comme
"l'un des penseurs les plus influents de notre temps" et nous ne sommes pas

9.24
loin de partager cette opinion. En effet, ce n'est pas un penseur à la française,
faisant l'exégèse des textes philosophiques grecs ou allemands, mais un .45.3
penseur qui se penche sur son vécu d'être humain, d'artisan et d'intellectuel
en prise directe sur le monde. En travaillant de ses mains à la réparation des
:129

motos, non pas les motos modernes où les seules réparations consistent à
changer des blocs d'électronique, mais les motos les plus anciennes où la
9759

mécanique ne peut pas être réparée sans être comprise en profondeur,


Crawford constate l'importance de l'intelligence dans le travail manuel et
8883

dans le travail de bureau et il essaie de se focaliser sur ce qui est le plus


important dans sa vie, et dans celle de ses contemporains. Crawford pense
840:

que le manque d'attention et de concentration de beaucoup de salariés sont le


résultat de l'enseignement de la culture occidentale qui a oublié les liens
9287

significatifs entre les êtres humains et le monde. De nos jours, beaucoup de


gens se regardent eux-mêmes, dans leur miroir, par l'intermédiaire de la
r:210

caméra de leurs tablettes, de leurs téléphones portables, et se regardent en


train de se photographier, sans se préoccuper de ce qui se passe à côté. Il faut
Alge

vraiment beaucoup d'explosions et de tirs de Kalachnikov pour qu'ils


prennent conscience de la réalité du monde extérieur. L'addiction à soi-
:ESC

même, que nous côtoyons tous les jours avec les gens qui passent leur temps
à se représenter en selfies, est en passe de devenir une grave maladie, non
x.com

seulement dans la vie privée, mais aussi dans la vie professionnelle.


Crawford dépeint ces situations avec humour, mais aussi avec inquiétude. Il
larvo

nous livre des réflexions précieuses sur l'éducation, le travail et le


.scho

174
www
capitalisme. Il n'est pas question que tout le monde retourne à la terre,
redevienne artisan ou fabrique ses chaussures ou ses jupes, mais parfois,
nous devons réfléchir à ce que nous sommes en train de faire, de
consommer, de penser dans notre travail et nos loisirs.

2. La supériorité de l'introspection sur les réseaux sociaux


frelatés : l'expérience d'un apprenti comptable
"Connais-toi toi-même : Γνῶθι σεαυτόν" est l'un des grands principes
attribués à Socrate, à Platon ou à Héraclite que de nombreux philosophes, de
Porphyre de Tyr à Hegel ont essayé de commenter. Le sens moderne a un
peu dérivé, car les anciens voulaient se connaître pour connaître leur
différence et surtout pour ne pas se comparer aux dieux. On recherche une
connaissance supérieure par l'introspection, mais l'introspection n'est pas

1213
toujours suffisante : il faut parfois s'engager dans l'action, et se demander :
"comment et pourquoi ce que je suis en train de faire va me transformer et

6419
me permettre de comprendre cette transformation". Dans ce sens, Crawford,
n'a pas choisi d'avoir une action sans penser, il vit son action et la décrit pour

7:16
la contrôler. Il propose de réhabiliter le travail, manuel, ou de bureau, afin de
discerner si "il a du sens parce qu'il s'agit d'un travail vraiment utile". Son

9.24
idéal, à travers l'apologie du travail manuel est de recréer un vrai rapport
avec le monde matériel, qui a disparu dans les sentiers hypertextuels de .45.3
l'économie de l'information. Peut-on créer un rapport avec le monde matériel
en utilisant la comptabilité ? La comptabilité est-elle un métier manuel ?
:129

Beaucoup de gens diront non, c'est un métier intellectuel. Si je fais appel à


mes souvenirs, titulaire d'un CAP d'aide-comptable, j'ai d'abord exercé la
9759

comptabilité comme un métier manuel, sans négliger son approche


intellectuelle. Ma première expérience de "vrai comptable" a eu lieu dans
8883

une entreprise industrielle, la Société Anonyme Industrielle des Résines


SAIR, qui fabriquait un savon concurrent du savon de Marseille, à base de
840:

résine de pin de la forêt landaise : le savon La Perdrix, où je manipulais des


dizaines et des dizaines de fiches clients et fournisseurs chaque jour, pour
9287

enregistrer les écritures d'achat et de vente sur un journal en comptabilité par


décalque tenu selon le système Fidus, de la société Fiduciaire de France.
r:210

Entre les plaques à ergots, les carbones, les fiches perforées, les cavaliers en
plastique de couleur, les bacs roulants, j'avais, dans une certaine mesure les
Alge

mains dans le cambouis, mon cambouis ayant la couleur bleue du papier


carbone. Un peu plus tard, à la Compagnie Air France, pendant 4 ans, j'ai
:ESC

travaillé trois mois chaque année, le temps des longues vacances


universitaires. Mon travail était on ne peut plus manuel car je manipulais des
x.com

documents et des états : tous les jours je recevais des centaines de souches
comptables des billets d'avions, par séries de 25, accompagnées d'un état
larvo

vert, où je commençais par vérifier que le prix hors taxe du billet, augmenté
.scho

175
www
de la taxe de 2,50 francs, donnait bien le montant du billet TTC. Une fois par
semaine, je récapitulais mes états verts sur un état blanc, plus général. Et
après ce travail, comme je devais surveiller l'émission des billets d'avions de
10 agences touristiques (dont La Baule, Lourdes, Biarritz), à l'aide d'une
grille de 100 cases, je contrôlais que lesdites agences émettaient bien les
billets dans l'ordre numérique naturel (au code 57, code IATA de la
compagnie Air France). Parfois aussi, j'allais à l'aéroport, prendre livraison
des bons de transports des rapatriés d'Algérie, qui partaient d'Alger avec
seulement leur chemise et leur carte d'identité et qui arrivaient à Bordeaux
dans le plus strict dénuement, et à l'Agence Air France, je contrôlais a
posteriori leur identité, reportée sur des bons de transport, avant qu'ils
accomplissent les formalités de crédit ou de paiement du billet d'un avion
qu'ils avaient pris sans bagage, dans l'urgence. Troisième expérience
intéressante, à la compagnie d'assurance La Nationale, ancêtre d'AXA, où je
recevais chaque jour 50 dossiers à examiner. Je n'avais pas à me prononcer

1213
sur le montant de l'assurance ou sur les torts respectifs des parties, mais sans
me poser de questions fondamentales, j'examinais simplement si les

6419
renseignements obligatoires qui figuraient sur ma grille ad hoc étaient bien
présents sur les dossiers des sinistrés. Je pourrais donner d'autres exemples,

7:16
tel celui de la seconde société française de répartition pharmaceutique, où je
devais contrôler les 100 000 écritures bancaires mensuelles, ou faire une des
9.24
toutes premières consolidations à la main, avec le crayon et la gomme .45.3
réglementaires. Tous ces types de travaux étaient pour moi des travaux
manuels, et ne m'apportaient aucune supériorité par rapport à des jeunes gens
:129

de mon âge, qui auraient fait de la menuiserie, de la mécanique ou de la


couture. J'étais un ouvrier, un travailleur manuel. Et tous les soirs, un peu
9759

comme les mécaniciens se débarrassent de leur combinaison pleine d'huile et


de limaille, je quittais ma chemise en nylon infroissable et je la lavais pour
8883

qu'elle sèche dans la nuit et qu'elle soit prête le lendemain matin. Je n'étais
pas Simone Weil, que je lisais à l'époque et que j'admirais déjà, normalienne
840:

agrégée et travailleuse à la chaîne chez J.J. Carnaud et chez Renault, mais


j'avais compris ce qu'était le travail manuel, d'autant plus qu'à cette époque,
9287

mon autre lecture importante du Mythe de Sisyphe, me confortaient encore


plus dans ma conscience que l'absurdité apparente de mon travail n'était
r:210

peut-être pas aussi absurde que ça, et sans en avoir conscience, je vivais le
fait que "l'on fait de la comptabilité, mais la comptabilité vous fait aussi"
Alge

digne d'un maître bouddhiste Zen. Les expériences de tenue de livres, ou


d'écritures comptables encore plus élémentaires, m'ont permis, plus tard, de
:ESC

comprendre la relation entre ces humbles travaux et des réflexions beaucoup


plus abstraites. Et ceux qui n'ont connu que des spéculations abstraites, ont
x.com

beaucoup perdu, sans doute au moins la joie d'être heureux, comme Sisyphe,
à la fin d'un mois, le jour de la paye. Je n'ai jamais été dans la peau d'un
jeune homme vivant exclusivement dans un univers abstrait. Par ma famille,
larvo

j'ai toujours été en relation avec la campagne profonde, ses grands travaux et
.scho

176
www
ses petites joies millénaires. C'est pour cela que je crois comprendre
Crawford. Mais il ne faut pas généraliser. Tous les jeunes cherchant une vie
future authentique ne sont pas obligés de suivre un diplôme d'études
professionnelles appliquées. Crawford prône la nécessité de respecter les
dispositions et les inclinations individuelles. Ce qu'il faut surtout retenir de
son ouvrage, c'est la philosophie que lui inspire l'expérience du travail
manuel. "Abordez vos études universitaires dans un esprit artisanal, en vous
plongeant à fond dans l'univers des humanités ou des sciences naturelles". Et
plus tard, sans le connaître, je me suis aussi plongé dans l'ivresse des calculs
mathématiques et comptables, dans l'ivresse de la construction de modèles
que l'on pouvait valider sur les premiers réseaux de time-sharing d'IBM
(Call 360) ou de Bull (Mark II), mais avec une attitude d'artisan : les articles
publiés dans de belles revues sur papier couché, les livres qui sentent l'encre
quand ils sortent des presses, les thèses toutes neuves de nos étudiant, nos
rapports de commissaire ou d'expert-comptable sont un témoignage concret

1213
et matériel, et c'est ce témoignage concret et matériel qui peut donner la
fierté du travail bien fait et l'impression de ne jamais être autre chose qu'un

6419
modeste artisan.

7:16
3. La suppression des niveaux d'expertise inutiles et de la fausse
9.24
valeur ajoutée en retrouvant l'essentiel du monde réel .45.3
Crawford prend l'exemple d'une personne à qui on explique que sa voiture
est trop vieille pour être réparée (Crawford, 2010, p. 67). Il aurait pu prendre
:129

aussi l'exemple d'un réfrigérateur, d'une machine à laver, d'un appareil de


chauffage central ou de la chasse d'eau des toilettes, d'un ordinateur ou d'une
9759

tondeuse à gazon. Dans tous les cas, chacun a vécu cette expérience, ce n'est pas
un réparateur qui affirme la vétusté de votre équipement, mais l'employé
8883

(souvent stagiaire remplaçant) d'un service après-vente, ou un conseiller-


clientèle au mieux d'un concessionnaire, au pire d'une société de maintenance
840:

délocalisée à Marrakech ou à Bombay. Cet employé a été engagé parce que son
salaire était minimal, en faisant abstraction du fait que ses connaissances et son
9287

expérience étaient encore plus minimales que son salaire. Désormais, très
souvent, entre l'utilisateur et le problème à traiter, s'interposent une ou plusieurs
r:210

couches de bureaucratie qui rendent impossible le traitement correct de l'affaire.


Il n'est pas possible à l'utilisateur d'avoir accès au vrai réparateur et le faux
Alge

expert se contente de lui communiquer l'opinion de l'institution, opinion qui a été


dûment étudiée par des stratèges qui ne connaissent pas les produits : ils ont peu
:ESC

de temps à consacrer à autre chose qu'à leur carrière, et en moyenne, ils resteront
à peine trois ans à leur poste actuel. Dans une autre vie, l'utilisateur courageux
x.com

aurait décidé de démonter l'objet en panne, et il aurait eu la capacité de le faire.


C'est encore possible pour les chasses d'eau ou les tondeuses, c'est plus difficile
larvo

pour les ordinateurs ou les voitures : non seulement l'électronique est reine, mais
.scho

177
www
encore elle est conçue par blocs qu'on ne peut pas démonter sans détruire
l'objet : la seule possibilité est d'accepter le remplacement de la partie
défectueuse intégrée à un ensemble que l'utilisateur va payer le prix fort.
L'utilisateur frustré mesure son important niveau de dépendance. Et ce que
pensent les économistes et les gestionnaires de sa situation ne le console pas.
"Un économiste vous invitera certainement à considérer les coûts d'opportunités
qu'implique la tentative de réparer votre voiture tout seul. Le temps c'est de
l'argent et cette affirmation est généralement associée à une méfiance à l'égard
des expressions de fierté mal placée (Thomas Hobbes considérait l'orgueil ou la
fierté comme une forme de fausse conscience). La notion de coût d'opportunité
repose sur l'hypothèse d'une totale homogénéité de l'expérience humaine : une
fois qu'elles sont réduites à une quantité abstraite de temps et de valeur
monétaire toutes nos activités sont censées être commensurables et
interchangeables" (Crawford, 2010, p. 68). Mais comme nous ne pouvons pas
être réduits, et nos comportements non plus, à de simples évaluations ou

1213
transactions équivalentes, les analyses des économistes deviennes inapplicables.
Même s'ils nous expliquent qu'une orange est équivalente à une pomme, ou

6419
qu'une pomme Golden est équivalente à une pomme Granny Smith, rien n'est
plus faux. Un aliment que nous avons choisi, ou tout autre produit (un livre)

7:16
n'est pas absolument équivalent à un autre. L'économie et la gestion considèrent
souvent, superficiellement, que l'acquisition de l'expérience est une simple perte
9.24
de temps. Les êtres humains, certains en tout cas, considèrent que c'est la chose.45.3
la plus importante de la vie, et que les relations qu'on entretient avec le monde
qui nous entoure, et notre propre transformations au fil des expériences dans le
:129

temps (ce que nous faisons nous fait aussi, disent les philosophes Zen, nous
l'avons rappelé plus haut) sont les deux éléments les plus essentiels de notre vie.
9759

L'agent économique frustré par le défaut de ses équipements, rend les armes, se
laisse infantiliser et se laisse aller à la facilité : appuyer simplement sur le bouton
8883

marche/arrêt, ou alors il essaye de se révolter et de faire appel à sa culture active


et intuitive d'homo faber. Mais les tenants de la culture de la consommation
840:

passive nous répètent sans cesse par médias interposés que c'est plus facile de
seulement consommer et que c'est le stade final de la liberté : pourquoi faire soi-
9287

même un ragoût, une purée, alors qu'on peut les acheter tout prêt et les cuire en
quelques minutes dans un four à micro-ondes (en état de marche). La
r:210

consommation nous prive de nombreuses occasions d'être nous-même, de nous


souvenir de notre ethos, c'est-à-dire de notre manière d'être habituelle, de nos
Alge

habitudes. Cette prise de conscience suppose une morale ouverte, une capacité
d'attention aux choses qui nous entourent et une capacité de jugement. Celle-ci,
:ESC

selon Crawford, "exige que l'usager se mette en jeu, qu'il manifeste une forme
d'intérêt qui ne peut être suscité que par un engagement corporel, une
x.com

confrontation avec une réalité qui peut faire mal, comme un retour de kick2".
larvo

2
Le kick est la pièce en forme de levier qui permet de faire démarrer une motocyclette sans
l'aide d'un démarreur électrique.
.scho

178
www
Pour exercer une action pertinente sur un monde que nous n'avons pas créé, "il
faut d'abord le percevoir clairement"? Beaucoup de corps de métiers, ont besoin
de cette perception, l'artisan réparateur, le médecin ou l'enseignant ne sont pas
différents du réparateur de motos. Les choses, les corps malades, les enfants en
devenir, font partie du réel, et en faire l'objet d'une profession permet de
développer "une forme avancée de jugement discriminant sur les objets de sa
pratique, quelque chose qui ressemble un peu à la capacité d'appréciation
esthétique".

4. Retrouver l'intégration forte de la connaissance inspirant et


soutenant l'action : l'inanité des symboles vides de sens
Pour Matthew Crawford, "la génération actuelle de révolutionnaires du
management considère l'éthos artisanal comme un obstacle à éliminer. On lui

1213
préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à
l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique. Tout comme le

6419
consommateur idéal, le consultant en gestion projette une image de liberté
triomphante au regard de laquelle les métiers manuels passent volontiers

7:16
pour misérables et étriqués. Imaginez à côté le plombier accroupi sous
l'évier…". Il montre que ce travail dit intellectuel, qui nous a permis d'entrer

9.24
de plain-pied dans la valorisante économie du savoir, est surtout d'une
grande pauvreté et nous prive de nombreuses occasions de prendre nos .45.3
responsabilités et d'en tirer des expériences uniques. Crawford raconte avec
minutie l'expérience de ceux qui, comme lui, fabriquent ou réparent des
:129

objets, ce qui devient de plus en plus rare dans un monde où la


consommation est prioritaire, et où le comportement le plus courant est
9759

d'acheter, de jeter et de remplacer. Pour lui, le travail manuel au sens large


est beaucoup plus captivant que tous les nouveaux emplois de l'économie du
8883

savoir. Mais l'économie du savoir reste toujours à la surface des choses, on


ne va jamais au fin fond du carburateur et de ses composants élémentaires,
840:

qui exigent d'être compris et situés dans un système pour que l'ensemble
fonctionne. Dans la réparation des objets concrets en général et des
9287

carburateurs de moto en particulier, le travailleur transforme le monde et


cette transformation du monde entraîne sa propre transformation, son
r:210

humanité. Le travail manuel au sens large, qui cherche à modifier la matière


première ou déjà élaborée, permet de prendre conscience que les objets ont
Alge

une existence propre. La civilisation nous a fait oublier que les poissons
n'étaient pas seulement des parallélépipèdes pannés, et que les vaches
:ESC

n'étaient pas seulement des galettes de viande sous vide, qu'un simple
marteau ou qu'un simple couteau étaient des miracles de civilisations
x.com

agrégées qui nous permettraient de survivre si nous avions perdu tout le


reste.
larvo
.scho

179
www
Dans la logique qui précède, Crawford considère que la dégradation
actuelle du travail a commencé avec Taylor, qui a instauré le chronométrage
des tâches et la chaîne de montage, et qui regrettait que les ouvriers de la
chaîne de montage en semaine, soient moins dynamiques que le dimanche
sur les terrains de base-ball. Ce qui a commencé avec les ouvriers a continué
avec les employés à col blanc, dont les systèmes experts ont permis dans un
premier temps d'extraire leur expertise, et dans un second temps de leur
imposer une expertise nouvelle essentiellement composée de procédures
standardisées, avant de les remplacer purement et simplement par un
logiciel.
Les travailleurs de bureau sont à la fois favorisés, car ils travaillent, sauf
exception dans un milieu qui n'est pas sale, ni pollué, ni dangereux et ils
n'ont pas de lourdes charges à porter ni les inconvénients de la vie de plein
air, froide, pluvieuse et humide l'hiver, chaude et étouffante l'été. Mais ils ne
produisent rien de vraiment concret : des textes, des commissions, des

1213
entretiens et ce manque de corps de leur travail rend celui-ci vulnérable et les
critères pour les évaluer sont à la fois ambigus et subjectifs. Comme on ne

6419
peut pas sérieusement évaluer la valeur ajoutée de leur travail, cette valeur
est évaluée à l'aide de critères vagues de qualités personnelles apportant un

7:16
rayonnement, et comme ils travaillent en équipe, il est parfaitement
impossible de savoir quel est leur mérite réel. Lorsqu'ils font des fautes, elles
9.24
leur sont attribuées en totalité, mais leurs brillants succès sont souvent .45.3
détournés par leurs supérieurs hiérarchiques. Paradoxalement, ce sont les
généraux qui gagnent les batailles, pas les simples soldats. Pour avoir une
:129

chance de survivre, ils sont condamnés, "despotisme entrepreneurial" oblige,


à faire semblant d'approuver sans réserve la culture de l'entreprise, culture le
9759

plus souvent imaginée par des ambitieux incultes. Comparé à ce petit enfer
relatif du travail intellectuel dégradé, "Les métiers manuels sont un refuge
8883

naturel pour les individus qui entendent exercer la plénitude de leurs facultés
et se libérer non seulement des pouvoirs mortifères de l'abstraction, mais des
840:

espoirs fallacieux et des incertitudes croissantes qui semblent inhérents à


notre univers économique". On aura toujours besoin, à portée de voix ou de
9287

main, d'un plombier, d'un menuisier ou d'un mécanicien, et ces corps de


métiers, modestes et souvent méprisés, ont un autre avantage irremplaçable :
r:210

on ne peut pas les délocaliser, ni les faire venir, pour quelques minutes,
d'Hong-Kong, de Buenos-Aires, ni de Johannesburg.
Alge
:ESC

Conclusion
Le livre de Matthew Crawford est à la fois original et perturbant. Ce n'est
x.com

pas un livre dans la ligne de Jean-Jacques Rousseau et du retour à la nature


des choses simples. C'est un plaidoyer pour le travail manuel, mais qui, en
filigrane, évoque tout ce qui fait une grande partie du mal français actuel :
larvo

des politiques systématiques d'allongement de la scolarité pour cacher la


.scho

180
www
misère du chômage et pour apaiser les consciences en délivrant des diplômes
aux noms ronflants, de plus en plus variés et de plus en plus mystérieux, qui
leur donnent à la fois une grande opacité et une incapacité à résoudre les
vrais problèmes qui se posent dans une perspective opérationnelle. Comme
dans le conte d’Andersen "Les habits neufs de l’empereur", où le roi qui n’a
d'autre souci que de paraître, aime par-dessus tout se montrer devant ses
sujets dans ses nouveaux habits, qui néglige toutes les affaires du royaume et
siège dans sa garde-robe, on nous impose des visions politiques optimistes
qui veulent nous montrer l'avenir du travail sous la forme valorisante d'une
société de la connaissance qui n'existera jamais, sans les efforts que les
anciens, travailleurs de force ou travailleurs intellectuels, considéraient
comme naturels. Implicitement, on insinue que les travailleurs manuels
n'auraient pas de connaissances et on nous montre les projecteurs sans nous
montrer le côté sombre, mais bien réel, du cambouis, nécessaire au
fonctionnement des projecteurs. Il est de bon ton de se gausser des hussards

1213
noirs de la République, sans qui nous ne serions pas ce que nous sommes.
Mais nous devons honnêtement nous poser la question : si nous devenons

6419
exclusivement des manipulateurs de symboles, si nous nous contentons d'un
vernis de scientificité juste suffisant pour nous permettre de nous déplacer

7:16
dans les espaces hypertextuels et d'extraire des moteurs de recherche des
informations peu pertinentes, n'aurons-nous pas perdu ce qui fait l'essentiel
9.24
de notre humanité, une vie sereine, fondée sur des valeurs vraies, sur des.45.3
actions légitimes et constructives, soutenues par une pensée parfois difficile
à formuler, mais en tout cas bien supérieure au prêt-à-porter intellectuel
:129

qu'on cherche à nous imposer tous les jours par des voies virtuelles
insidieuses ?
9759
8883

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840:

Minuit.
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7:16
9.24
.45.3
:129
9759
8883
840:
9287
r:210
Alge
:ESC
x.com
larvo
.scho

182
www
Enjeux et limites de l’application des normes IFRS
aux PME

Pascale Delvaille, Anne le Manh et Catherine Maillet1

1213
Introduction

6419
De nombreux auteurs se sont penchés depuis plusieurs années sur l’utilité
et l’impact des normes internationales IFRS dans différents pays (ou zones
économiques), pour des entreprises faisant appel public à l’épargne ou

7:16
encore pour des entités de différentes tailles et ont montré la supériorité des

9.24
normes IFRS sur les normes locales2. Dans la mesure où le référentiel
international a comme objectif principal la comparabilité de l’information .45.3
publiée et la pertinence de ces informations pour les investisseurs, il s’est
imposé en premier lieu aux sociétés cotées, notamment aux sociétés
:129

européennes de manière obligatoire depuis 2005.


Mais de nombreux pays, notamment les pays en développement, ne
9759

disposent souvent pas de marchés de capitaux significatifs et le corps de


normes développé par l’IASB depuis le début des années 2000 est trop
8883

complexe pour le proposer comme référentiel commun dans ces pays.


L’IASB a donc publié en 2009 la norme « IFRS pour les PME », sorte de
840:

condensé simplifié du référentiel IFRS, applicable aux entités non cotées.


Dans cet article, nous proposons de discuter des enjeux et limites de
9287

l’application des IFRS aux PME.


Le contexte du développement de cette norme et ses principales
r:210

caractéristiques font l’objet de la première partie. Dans une seconde partie,


nous nous interrogerons sur le fait que la norme a été adoptée par un nombre
Alge

restreint de juridictions et essaierons d’apporter quelques éléments de


réponse relatifs aux destinataires de l’information financière selon les IFRS,
:ESC

au recours à la juste valeur comme convention d’évaluation, la prise en


compte du principe de prudence, la déconnexion fiscalité/comptabilité ou
x.com

1
Professeurs associés à ESCP Europe.
larvo

2
Le lecteur intéressé pourra se référer à l’article « Les impacts des normes comptables
internationales dans les pays en développement » de Laulusa et al publié ci-après dans cet ouvrage.
.scho
www
encore la présentation des états financiers. Dans plusieurs pays, et
notamment en France, il existe d’autres obstacles à l’adoption des IFRS pour
les comptes individuels qui tiennent à la forte connexion entre droit et
comptabilité. Par exemple, le code civil français se réfère à la notion de
patrimoine, le droit pénal à celle de distribution de dividendes fictifs, notions
susceptibles d’être fortement modifiées en cas d’application des IFRS. Ces
obstacles ne seront pas abordés dans ce papier mais pourraient faire l’objet
d’autres recherches. Notre propos sera illustré par le témoignage de M.
Sana3, directeur financier d’une PME française qui applique les normes
IFRS (dans leur version intégrale).

1. IFRS pour les PME : contexte et principales caractéristiques


1.1. Un processus long et controversé

1213
La norme IFRS pour les PME est destinée à être utilisée par les petites et
moyennes entités qui représentent 95% du total des entreprises selon les

6419
estimations de l’Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) (FocusIFRS.com). La demande concernant une version

7:16
spécifique des normes d’information financière pour les petites entreprises
était déjà soulignée par le Conseil sortant de l’International Accounting

9.24
Standards Committee (IASC) en décembre 2000, année de constitution de
l’International Accounting Standards Board (IASB). En 2003, le Conseil
.45.3
s’engage dans le projet IFRS pour les PME. Comme l’ont montré Ram et
Newberry (2013) dans leur analyse du due process (processus de
:129

consultation formelle) de la norme IFRS pour les PME, au sein même du


9759

Conseil et de son staff, les avis divergent sur le contenu et le statut de cette
norme. Certains souhaitent élaborer un référentiel spécifique pour les PME,
8883

tandis que pour d’autres il faut conserver les mêmes principes de


reconnaissance et d’évaluation et réduire simplement le nombre
d’informations à publier.
840:

En juin 2004, le Conseil publie finalement un document de discussion


9287

(discussion paper) et reçoit 120 réponses. L’étape suivante est la publication


en février 2007 d’un exposé-sondage, ouvert aux commentaires publics et
r:210

complété par des tests de terrain, des présentations lors de conférences et de


tables-rondes. Suite à l’analyse des réponses et commentaires reçus lors de
Alge

ces différentes étapes, l’IASB a apporté des changements significatifs à


l’exposé-sondage parmi lesquels (IASB, 2009b4) : le statut de document
autonome pour la norme IFRS finale avec la suppression de toutes les
:ESC
x.com

3
Nous remercions chaleureusement Mr Sana, directeur financier de la société ATEME,
société française introduite en bourse en 2014. (Chiffre d’affaires : 25 millions d’euros et 165
collaborateurs au 31/12/2014).
larvo

4
Pour une liste exhaustive des principaux changements apportés à l’exposé-sondage voir
paragraphe BC 34 in IASB (2009b) Base des conclusions pour l’IFRS pour les PME, juillet.
.scho

184
www
références croisées aux IFRS complètes prévues dans l’exposé-sondage, une
simplification de la norme avec l’élimination de la plupart des choix
complexes, l’élimination des références aux positions officielles d’autres
organes normalisateurs ou encore l’élimination du choix de la consolidation
proportionnelle pour les participations dans des entités contrôlées
conjointement. La norme autorise aussi l’utilisation de plusieurs méthodes
comptables pour enregistrer, par exemple, différentes catégories de
participations dans des états financiers séparés, plutôt qu’une seule méthode
pour toutes les catégories de participations5. Ram et Newberry (2013)
soulignent cependant qu’un certain nombre de points soulevés par les
participants au processus de consultation formelle (due processs), tel que
l’amortissement du goodwill, n’ont pas été pris en compte par l’IASB dans la
version finale de la norme.
Au total, le processus d’élaboration de la norme a donc duré 5 ans
puisque la norme définitive fut publiée en 2009. Très récemment, des

1213
amendements à la norme IFRS pour PME ont été publiés (IASB, 2015a) qui
confirment la recherche de cohérence entre les méthodes appliquées à une

6419
PME et celles applicables aux sociétés cotées (IFRS complètes) (cf. §3.2).

7:16
1.2. Caractéristiques de la norme

9.24
La norme IFRS pour les PME propose une « définition négative » de la
PME (Colasse, 2009) : une PME est une entité qui n’a pas de
.45.3
« responsabilité publique », c’est-à-dire qui n’est pas cotée (ou en voie de
l’être) ou dont l’activité principale n’est pas de détenir des actifs à titre
:129

fiduciaire pour le compte de tiers (banques, compagnies d’assurance, fonds


communs de placement, fonds de pension…). Toutes les sociétés cotées,
9759

même de taille réduite, sont donc exclues du champ d’application des IFRS
pour PME. Cette définition n’indique pas de seuil (en terme de chiffre
8883

d’affaires, total de bilan, nombre d’employés ou autre critère de taille),


contrairement à celle retenue par des organisations nationales ou régionales
840:

telles que l’Union européenne ou l’OCDE. Selon Ram et Newberry (2013),


9287

la question de la définition d’une PME et du titre de la norme fut l’une des


plus débattues au cours du due process. Un titre plus approprié aurait pu être
r:210

« IFRS pour les sociétés non cotées ».


IFRS pour les PME est une norme autonome de 165 pages6. Les
Alge

principes sont assis sur un cadre conceptuel mais de nombreux principes


:ESC

5
En particulier, un des arguments en faveur de l’introduction de choix parmi plusieurs
méthodes comptables relève de la possibilité, pour une PME, de réduire les écarts avec les
x.com

IFRS complètes (paragraphe BC68). Cette objectif souffre quelques exceptions (coûts
d’emprunt, impôts lorsque un taux d’impôt différent s’applique aux revenus distribués…).
6
À la norme proprement dite, il faut ajouter les 43 pages de la Base de conclusions ainsi que
larvo

les états financiers illustratifs et un modèle de contrôle des notes annexes, documents
téléchargeables sur le site de l’IASB.
.scho

185
www
contenus dans les IFRS complètes ont été simplifiés, notamment pour la
comptabilisation et l’évaluation des actifs, passifs, des produits et des
charges. Ainsi on observe une primauté du coût historique7. Quelques sujets
supposés ne pas concerner les PME ne sont pas inclus dans ce référentiel et
le volume des informations à communiquer dans les notes annexes a été
significativement réduit. Même si la norme est autonome, elle se réfère aux
IFRS complètes. Se pose donc la question, pas vraiment résolue à ce jour, de
la transposition dans la norme des évolutions des IFRS complètes. Prenons
par exemple le cas de la nouvelle norme IFRS 16 « Contrats de location »
(IASB, 2016), qui introduit une classification des contrats de location et un
nouveau mode de comptabilisation sensiblement différents de ceux de
l’ancienne norme IAS 17, dont les principes figurent dans la norme IFRS
pour les PME. Faut-il amender ou non la norme ? Une réponse positive
risquerait de générer une instabilité de la norme, véritable barrière à son
utilisation par des PME. Mais une réponse négative aurait pour conséquence

1213
une déconnection croissante entre les IFRS complètes et la norme IFRS pour
les PME, cette dernière pouvant alors perdre en crédibilité.

6419
7:16
2. Une norme soutenue par les bailleurs de fonds institutionnels et
privés
Selon l’IASB, la norme a pour objectif l’élaboration d’états financiers 9.24
.45.3
comparables et utilises aux investisseurs et créanciers de la PME, objectif
rarement rempli par les réglementations comptables nationales (ED, 2009).
:129

Elle faciliterait ainsi l’accès aux sources de financement. Sur les 130
juridictions8 imposant ou autorisant l’application du référentiel complet
9759

IFRS pour les sociétés cotées, seules 73 requièrent ou acceptent l’utilisation


de la norme « IFRS pour les PME » (IFRS Foundation, 2015).
8883

À ce sujet, M. Sana nous confirme l’intérêt pour une PME telle que la
sienne d’appliquer les IFRS : « L’application du référentiel full IFRS nous
840:

rapproche de nos concurrents, nous avons des données comparables, nous


pouvons nous battre à armes égales avec les concurrents internationaux. Les
9287

états financiers sont formatés et la société peut justifier des KPI [NDLR :
key performance indicateurs/chiffres-clés] avec les mêmes règles que ses
r:210

concurrents. Ces états financiers représentent la base de l’analyse des


investisseurs. Pas un investisseur ne lira des comptes en normes
Alge

françaises ». Même si nous n’avons pas de données statistiques sur ce sujet,


les propos de M. Sana mettent en évidence la pression, même informelle,
:ESC

exercée par les bailleurs de fonds privés pour une application des IFRS.
x.com

7
Avec cependant quelques exceptions relatives à certains instruments financiers ou encore
aux immeubles de placement.
larvo

8
130 juridictions sur les 140 pour lesquelles la Fondation IFRS a pu obtenir des informations.
Il existe à ce jour 197 pays reconnus par l’ONU.
.scho

186
www
Les pays en voie de développement, eux, sont fortement incités par les
bailleurs de fonds institutionnels, tels que le FMI et la Banque mondiale, à
adopter le référentiel IFRS, dans sa version complète ou dans sa version
PME. La Banque mondiale réalise ainsi régulièrement des revues des normes
comptables et d’audit (Rapports sur le respect des normes et codes,
RRNC/ROSC) dans les pays émergents, dans lesquelles les normes
nationales sont systématiquement comparées aux IFRS, devenues le
référentiel comptable universel. Pour les pays en voie de développement,
l’application du référentiel IFRS, le plus souvent dans sa version PME, ou la
convergence du système actuel vers les IFRS, sont souvent fortement
recommandées en conclusion du rapport. Par exemple, le rapport de 2011 sur
le Gabon recommande de « poursuivre avec la commission de normalisation
de l’OHADA la convergence du système comptable OHADA vers les IFRS
(…). Faire évoluer de manière progressive les normes comptables OHADA
vers les normes IFRS pour les entités d’intérêt public, vers l’IFRS pour les

1213
PME pour les autres entités, et vers des normes plus spécifiques et adaptées
pour les TPE ». Le 26 juin 2012, le conseil d’administration de la Banque

6419
mondiale a approuvé un projet d’amélioration du climat de l’investissement
dans les pays membres de l’OHADA, projet d’une enveloppe de 15 millions

7:16
de dollars. Une partie de ce budget doit être allouée à l’amélioration de
l’information financière des sociétés. Dans ce cadre, une commission a été
9.24
chargée d’étudier la possibilité d’une convergence des normes comptables .45.3
OHADA vers les IFRS (OHADA, 2012). On le voit, les pressions
institutionnelles pour l’adoption des IFRS sont très fortes dans les pays de
:129

l’espace OHADA.
Pourtant, des voix s’élèvent pour critiquer cette convergence à marche
9759

forcée vers les IFRS, notamment au sein des pays africains ayant adopté le
système comptable OHADA (Causse et al, 2012). La volumétrie des IFRS
8883

(environ 4 000 pages), leur complexité, leur inadéquation au contexte


économique des pays émergents peuvent aisément expliquer un refus
840:

d’adopter les IFRS dans leur version intégrale. Les critiques à l’encontre
d’IFRS pour PME peuvent en revanche sembler plus surprenantes, cette
9287

norme devant en principe pallier les difficultés de mise en application des


IFRS pour des sociétés de petite taille. Ces critiques ne se limitent pas aux
r:210

pays en voie de développement. En effet, étonnamment, les pays les plus


importants en termes de PIB et qui ont été parmi les premiers à adopter le
Alge

référentiel IFRS, parmi lesquels les États de l’Union européenne, l’Australie


et le Canada, n’ont pas adopté la norme IFRS pour les PME (Perera et
:ESC

Chand, 2015). Comment expliquer alors que cette norme soit boudée par de
nombreux pays ?
x.com
larvo
.scho

187
www
3. Les raisons d’un « accueil réservé » à la norme IFRS pour les
PME
Des éléments de réponse sont à chercher dans les enjeux techniques de la
norme et dans la conception de l’information financière ou plus largement,
de la comptabilité, que l’on retrouve aussi bien dans le référentiel intégral
que dans la norme IFRS pour PME.

3.1. Une information financière destinée aux investisseurs et aux


créanciers
Le cadre conceptuel de l’IASB désigne explicitement les fournisseurs de
capitaux, c’est-à-dire les investisseurs et les créanciers, comme les
destinataires privilégiés de l’information, cette dernière ayant pour objectif
de leur fournir des informations utiles à leur prise de décision (IASB 2010, §
OB2). L’IASB précise aussi que si d’autres utilisateurs, tels que des autorités

1213
de régulation, peuvent utiliser l’information financière, elle n’est pas conçue
pour leurs besoins (§ OB 10). La norme IFRS pour les PME, publiée

6419
antérieurement au cadre conceptuel révisé de 2010, est moins restrictive sur
les destinataires de l’information financière puisqu’elle précise que les états

7:16
financiers à usage général ont pour objectif de satisfaire les besoins

9.24
d’information communs à un grand éventail d’utilisateurs, tels que les
actionnaires, les créanciers, les membres du personnel et la collectivité .45.3
(IASB 2009, § P7). Mais il est ensuite mentionné que les états financiers à
usage général préparés selon la norme IFRS pour les PME risquent de ne pas
:129

satisfaire les besoins des administrations fiscales de certains pays, rappelant


ainsi que ces dernières ne sont pas des utilisateurs privilégiés.
9759

Cette focalisation sur les fournisseurs de capitaux a déjà fait l’objet de


nombreux débats notamment en France où elle apparaît en contradiction
8883

avec la vision « holistique » des principes comptables français (Burlaud et


Colasse, 2010). Sans revenir sur ce débat et même si on admet la conception
840:

de l’information financière de l’IASB pour les entités d’intérêt public, elle


devient plus discutable pour des PME non cotées. Les travaux académiques
9287

sur les utilisateurs de l’information financière diffusée par les PME sont peu
nombreux et ne permettent pas réellement de conclure sur l’identité de ses
r:210

utilisateurs et sur leurs besoins (Perera et Chand, 2015), mais il apparaît qu’il
existe des disparités significatives entre les PME cotées et les non cotées. En
Alge

effet, dans de nombreux pays, pour des PME ne faisant pas appel public à
l’épargne, les états financiers sont essentiellement destinés à l’administration
:ESC

fiscale et éventuellement aux banques.


L’utilisation de la norme IFRS pour les PME, pas nécessairement
x.com

cohérente avec les exigences de l’administration fiscale dans de nombreux


pays, présente donc pour ces entreprises peu d’intérêt. Leur imposer la
diffusion de deux jeux d’états financiers, un en normes locales pour
larvo

l’administration fiscale et un autre conforme à la norme IFRS pour les PME


.scho

188
www
générerait des coûts disproportionnés par rapport à leur taille. Une
harmonisation fiscale internationale serait certes une solution à ce problème
mais nous en sommes aujourd’hui très loin. La déconnexion comptabilité-
fiscalité, dans l’approche retenue par les normes internationales, peut donc
constituer un véritable frein à l’adoption d’IFRS pour les PME (Causse et al,
2012).

3.2. La juste valeur comme convention d’évaluation


L’introduction de la juste valeur comme convention d’évaluation des
actifs et passifs est sans doute l’un des éléments les plus contestés du
référentiel IFRS, notamment dans les pays traditionnellement attachés au
coût historique, tel que la France. Plusieurs auteurs critiquent en premier les
fondements conceptuels de la juste valeur. La comptabilisation de gains ou
de pertes latentes, le plus souvent en l’absence de tout contrôle du

1213
management serait ainsi en contradiction avec la fonction de reddition des
comptes traditionnellement assignée à la comptabilité dans de nombreux

6419
pays. Le résultat net comptable servant de base à la distribution de
dividendes, l’utilisation de la juste valeur pourrait conduire à la distribution

7:16
de bénéfices non encore réalisés. Dans le contexte français, cette idée semble
en parfaite contradiction avec la tradition comptable et juridique. L’étude

9.24
récente de Giordano-Spring et al. (2015) apporte une contribution
intéressante au débat juste valeur / coût historique en France. Les entretiens
.45.3
menés auprès de 31 professionnels du chiffre révèlent que la majorité des
acteurs interrogés serait favorable au modèle dynamique « revisité » c’est-à-
:129

dire en coût historique avec mention des justes valeurs en annexe, comme le
préconisaient plusieurs acteurs de la normalisation européenne dans les
9759

années 90.
Dans un autre contexte, le système OHADA, sorte de modèle
8883

intermédiaire entre un modèle anglo-saxon et un modèle continental selon


Colasse (2009) prévoit bien l’utilisation de la juste valeur mais uniquement
840:

pour les immobilisations corporelles et son application à d’autres actifs


9287

(actifs financiers, biologiques) pourrait s’avérer complexe.


Car en effet, au-delà du débat idéologique sur la pertinence de la juste
r:210

valeur par rapport au coût historique, sa mise en place pose des problèmes
techniques et entraîne des coûts supplémentaires (Thauvron 2012) qui la
Alge

rendent difficilement applicable pour des PME et à fortiori, pour celles


situées dans les pays en voie de développement (Causse, 2009).
Rappelons toutefois que les IFRS n’imposent pas la juste valeur pour tous
:ESC

les actifs et passifs et reposent plutôt sur un modèle mixte coût historique et
juste valeur (seuls certains instruments financiers étant obligatoirement
x.com

mesurés à leur juste valeur). Dans sa version initiale, IFRS pour les PME
était plus restrictive que le référentiel complet quant à l’utilisation de la juste
larvo
.scho

189
www
valeur et interdisait ainsi de réévaluer les actifs corporels, considérant que
cette possibilité aurait constitué une difficulté technique inutile.
Cette option, qui figure dans le référentiel complet (IAS 16), a cependant
été introduite dans les amendements à la norme IFRS pour les PME de 2015
(IASB, 2015), suite aux réponses à la demande d’information (Request for
information) initiée par l’IASB en 2012. En effet, la réévaluation des actifs
corporels est une pratique courante dans plusieurs pays, notamment ceux
ayant connu de fortes périodes d’inflation (ACCA, 2012). Ce fait illustre les
difficultés à concevoir un référentiel comptable universel pour des PME de
pays aux traditions comptables diverses.

3.3. La prudence, un concept ancré dans la culture comptable locale


Lors de la publication du cadre conceptuel partiellement révisé de l’IASB
en 2010, la disparition du concept de prudence, auparavant considéré comme

1213
l’une des caractéristiques qualitatives des états financiers en IFRS, avait
soulevé un vent de contestations, notamment en France. La prudence figure

6419
toujours cependant dans la norme IFRS pour PME. Après de nombreux
débats avec ses parties prenantes, l’IASB a finalement réintroduit la

7:16
prudence dans son projet de révision complète du cadre conceptuel (IASB,
2015c). Le concept de prudence est réintroduit dans son acception du degré

9.24
de précaution à exercer en matière d’évaluation afin de ne pas surévaluer les
actifs, ni de sous-évaluer les passifs. » (Graueur-Gaynor, 2015). .45.3
Cette réintroduction du concept de prudence devrait satisfaire un certain
nombre des détracteurs du cadre conceptuel de l’IASB. Cependant, comme le
:129

rappellent Giordano-Spring et al, (2015), l’application du principe de prudence


varie selon les pays. Ainsi, en France, la notion de prudence s’est définie
9759

progressivement en relation avec la limitation de distribution de dividendes et


probablement la volonté de promouvoir l’autofinancement des entreprises. Et
8883

c’est bien cette conception de la prudence que retiennent les DAF français
interrogés par Giordano-Spring et al. (2015). En revanche, dans la logique
840:

anglo-saxonne, dans laquelle sont fortement ancrées les IFRS, « la prudence est
parfois vue comme une opportunité de lissage impropre à donner une image
9287

fidèle » (Gélard, 2012). Ainsi le cadre conceptuel nord-américain ne fait pas


référence à la prudence, car elle est serait à l’origine de biais qui nuisent à la
r:210

neutralité de l’information financière (Ruch et Taylor, 2015). Dans leur récente


recherche sur la prudence en comptabilité, Ruch et Tayor (2015) effectuent une
Alge

revue de 34 études menées sur le sujet et publiées pour la plupart entre 1997 et
2014. Ils constatent que les recherches antérieures n’apportent pas de conclusion
:ESC

« évidente » sur les effets positifs ou négatifs de la prudence comptable pour les
utilisateurs des états financiers. Le débat reste donc ouvert sur la validité du
x.com

principe de prudence même si l’IASB semble avoir fait son choix dans le dernier
exposé-sondage sur le cadre conceptuel. Cependant son interprétation par les
professionnels de la comptabilité risque toujours de varier d’un pays à l’autre
larvo

selon sa culture comptable.


.scho

190
www
3.4. Un format des états financiers peu contraignant
IFRS pour les PME, tout comme IAS 1, est peu prescriptive en ce qui
concerne le format de présentation des états financiers, notamment celui de l’état
de résultat global9. Le nombre d’informations devant figurer obligatoirement sur
cet état est très réduit, les entités étant libres de présenter certaines données en
annexe (le détail des charges opérationnelles par exemple) ou sur l’état de
résultat global et de faire apparaître des niveaux de résultat intermédiaires.
Enfin, un certain nombre d’informations, systématiquement divulguées dans
certaines réglementations nationales ne sont pas obligatoirement publiées (c’est
le cas par exemple des produits financiers). À ce jour, le résultat opérationnel
n’est toujours pas défini en IFRS, ce qui conduit les entreprises à utiliser
différents niveaux de résultat opérationnel en fonction de leurs besoins de com-
munication financière et de leur modèle économique, ce qui peut rendre
difficiles les comparaisons entre entreprises. En France, le normalisateur

1213
comptable a essayé de combler ce vide pour les entités appliquant le référentiel
IFRS en proposant deux formats de présentation pour l’état de résultat global,

6419
mais leur application reste facultative. Si les grands groupes se satisfont du
caractère peu prescriptif des IFRS sur le sujet, elle peut s’avérer problématique
pour des sociétés de plus petite taille qui trouvent plus simple de se référer à un

7:16
modèle précis. L’IASB a entrepris à différentes reprises au cours des 15 der-

9.24
nières années de réformer en profondeur la présentation des états financiers et
plus particulièrement de l’état de résultat global, sans succès jusqu’à présent, .45.3
l’un des problèmes majeurs résidant dans la définition du concept de
performance10.
:129

3.5. Des professionnels de la comptabilité insuffisamment formés


9759

Dans leur étude sur les déterminants de l’application des IFRS, Zehri et
Chouaibi (2013) ont montré que le niveau de formation des professionnels
8883

était essentiel.
Pour une PME, une solution peut être de sous-traiter la préparation des états
840:

financiers en IFRS, à l’instar de la société de M. Sana, mais cela suppose bien


sûr un bon niveau de compétences de la profession comptable : « Notre société a
9287

fait le choix de sous-traiter une partie de l’élaboration des comptes, car


l’application des normes IFRS demande une compétence distincte. Les états
r:210

financiers et la consolidation en norme française sont élaborés en interne. Un


cabinet extérieur élabore les retraitements… »
Alge
:ESC
x.com

9
Tout comme IAS 1, IFRS pour les PME permet de présenter un état de résultat global
unique dans lequel le résultat net apparaît comme sous-total, ou un compte de résultat
« classique » et un état des autres éléments du résultat global.
larvo

10
L’IASB poursuit actuellement sa réflexion sur le sujet avec le projet de révision du cadre
conceptuel (exposé-sondage publié le 28 mai 2015) et le projet Primary Financial Statements.
.scho

191
www
4. Conclusion
De nombreux auteurs, dont fait partie Geneviève Causse, militent en
faveur de normes comptables (nationales / régionales) adaptées au contexte
socio-économico-politique local, notamment pour des sociétés non cotées.
Mais dans le même temps, les bailleurs de fonds, notamment institutionnels,
poussent à l’application des IFRS dans leur version complète ou allégée avec
la norme IFRS pour les PME. À notre avis, le débat pour ou contre les IFRS
n’est plus de mise. Il paraît peu probable que des pays ayant adopté les IFRS
complètes pour les sociétés cotées reviennent en arrière. En revanche, la
question de l’utilité de la norme IFRS pour les PME reste posée. À ce sujet,
la remarque de M. Sana mérite réflexion : « La norme IFRS pour PME
trouvera des détracteurs considérant ce référentiel pour PME comme un
référentiel au rabais. Nous ne voulons pas de cette étiquette, montrant que
nous ne sommes pas comme les autres. La norme IFRS pour PME est pour

1213
nous un label négatif. L’application du full IFRS est un gage de confiance
pour les investissements, ne la perdons pas ».

6419
On peut se poser la question de l’avenir de la norme IFRS pour les PME
en tant que référentiel simplifié mais aussi adapté aux besoins des

7:16
utilisateurs. L’exemple du Royaume-Uni et de l’Irlande illustre le
positionnement délicat de cette norme : ces 2 pays autorisent l’utilisation

9.24
d’une version corrigée d’IFRS pour les PME incluant des options autorisées
par les IFRS complètes non autorisées dans la norme publiée par l’IASB. .45.3
Nul doute que le débat n’est pas clos et fera l’objet de futures recherches.
:129

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193
www
www
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:ESC
Alge
r:210
9287
840:
8883
9759
:129
.45.3
9.24
7:16
6419
1213
Le cadre conceptuel comptable,
son évolution depuis SFAC 1

Robert Obert1

1213
La notion de cadre conceptuel comptable est née aux Etats-Unis. Dès la
création de l'AICPA (American Institute of Certified Public Accountants) en

6419
1887, on sentait une pression sur les grandes sociétés pour une sorte
d'uniformité de la comptabilité qui permette les comparaisons. Naciri

7:16
(Naciri, 1986, p. 46) rapporte que Spragues en 1880, dans une série d'articles
intitulés « Algebra of accounts », essaya de classifier et de résumer les

9.24
théories comptables les plus discutées du moment en un cadre susceptible
d'être relié aux mathématiques et à l'économie. En 1922, Patton dans le .45.3
dernier chapitre de son « Accounting Theory », présente une série
d’hypothèses de base ou « postulats » qui sous-tendent la structure d’une
:129

comptabilité moderne (Zeff, 1999, p. 91).


Dès sa création en 1973, le FASB (Financial Accounting Standards
9759

Board), décida de se donner un cadre comptable conceptuel, qui l’aiderait à


élaborer ses conclusions et défini comme : « un système cohérent d'objectifs
8883

et de principes fondamentaux liées entre eux, susceptibles de conduire à des


normes solides et d'indiquer la nature, le rôle et les limites de la comptabilité
840:

financière et des états financiers » (Nobes et Parker, 2008, p. 167).


L'ambition du FASB était de construire une théorie générale de la
9287

comptabilité financière et chaque question abordée dans un projet de norme


devrait être étudiée à la lumière des objectifs de l'information financière
r:210

définie par les recommandations conceptuelles (Béthoux et Kemper, 1988,


p. 59).
Alge

En 1978, reprenant en tout ou partie une recommandation de l’AICPA


(AICPA, 1970) sur les concepts et principes comptables de base sous-jacents
:ESC

aux états financiers et s’appuyant sur de long travaux préparatoires (FASB,


1978, § 57 à 63), le FASB publia sa première norme de concepts (Statement
x.com
larvo

1
Diplômé d’expertise comptable, agrégé de techniques économiques de gestion et docteur en
sciences de gestion
.scho
www
of Financial Accounting Concepts) SFAC 1 relative aux objectifs des états
financiers dans les entreprises.
Six normes de concepts furent publiées entre 1978 et 1985.

1. Les premières normes de concept du FASB : SFAC 1 à SFAC 6


(1978-1985)
La première norme SFAC 1 (FASB, 1978) décrivait l'environnement et
énumérait les besoins présumés des utilisateurs de l'information financière et
comptable. Les objectifs de l'information financière ont alors été définis
comme suit :
− fournir les informations utiles aux investisseurs actuels ou potentiels
et aux prêteurs pour leur permettre des décisions rationnelles ;
− leur fournir des informations permettant d'estimer le recouvrement des

1213
prêts ou du produit des ventes ;
− apporter des renseignements relatifs aux ressources économiques

6419
d'une entreprise et aux facteurs qui modifient sa solvabilité.

7:16
Le champ auquel s'était intéressé le FASB dépassait largement le cadre
des seuls états financiers puisqu'il intégrait également les informations

9.24
complémentaires non intégrées dans ces états.
La norme SFAC 2 (FASB, 1980) traitait des critères qui étaient .45.3
nécessaires pour rendre les informations financières utiles à la prise de
décision (parmi les critères identifiés apparaissent en premier la pertinence et
:129

la fiabilité, mais aussi la comparabilité, la permanence des méthodes et


l’importance relative). C'était incontestablement la recommandation la plus
9759

riche et la plus innovante.


La norme SFAC 3 (FASB, 1980) amendée en décembre 1983, définissait
8883

les dix éléments suivants des états financiers : actif, passif, capitaux propres,
apports, distribution, résultat global (comprehensive income), produits,
840:

charges, profits et pertes. Elle a été remplacée ultérieurement par SFAC 6.


La norme SFAC 4 (FASB, 1980) a étendu SFAC 1 aux entités à but non
9287

lucratif.
La norme SFAC 5 (FASB, 1984), résumait les pratiques en matière de
r:210

comptabilisation et d'évaluation. Elle définissait la comptabilisation comme


l’incorporation d’un élément dans les états financiers comme actif, passif,
Alge

produit ou charge. Les éléments présentés dans les états financiers devaient
être évalués par différentes méthodes (coût historique, coût actuel ou de
:ESC

remplacement, valeur actuelle du marché, valeur nette de réalisation, valeur


actuelle des flux de trésorerie futurs), selon la nature de l’élément ainsi que
x.com

la pertinence et la fiabilité de la méthode d’évaluation.


La norme SFAC 6 (FASB, 1985) reprenait les définitions relatives aux
larvo

éléments de base figurant dans SFAC 3 en les complétant.


.scho

196
www
Après la publication de la sixième norme, le FASB a interrompu ses
travaux en matière de concepts. Leur longueur, leur coût important comparés
à la relative faiblesse des résultats obtenus avaient fait l'objet de sévères
critiques et engendré une grande déception (Béthoux et Kemper, 1988, p.
60). Les différentes recommandations comportaient d'ailleurs certaines
ambiguïtés et contradictions, explicables pour partie en raison de la durée du
processus. Enfin, les normes du FASB émises après la publication des SFAC
n'en tenaient pas nécessairement compte. Finalement le cadre conceptuel du
FASB ne réalisa pas les espoirs qu’il avait suscités, « d’être une force
intellectuelle puissante pour l’amélioration des états financiers » (Zeff, 1995,
p. 68). Selon Bernheim (1997, p. 69), « force est de reconnaître que le cadre
a exercé une influence assez mineure dans l’élaboration des normes
actuelles, alors que l’on pouvait considérer que c’était le cas jusque dans les
années 1980 ».
Le cadre conceptuel américain constitue toutefois un modèle dans la

1213
mesure où il a été repris dans ses grandes lignes par nombre de
normalisateurs parmi lesquels le normalisateur international (Chantiri-

6419
Chaudemanche et Pochet, 2012, p. 152). Ainsi, malgré toutes les critiques
formulées à l'encontre de la formulation de ce cadre, l'IASC (International

7:16
Accounting Standards Committee) n'a pas hésité à mettre en chantier son
propre cadre (lequel a abouti en 1989).
9.24
.45.3
2. Le cadre conceptuel de l’IASC (1989)
:129

Le cadre conceptuel de l’IASC, appelé « cadre de préparation et de


présentation des états financiers » (Framework for the preparation and
9759

presentation of financial statements) a été adopté par l'IASC en avril 1989.


Les premiers projets de l’IASC voulaient s'intéresser à la globalité des
8883

informations financières externes à caractère général des entreprises, champ


dont s'était préoccupé le FASB. En fait, l'IASC a rétréci son champ
840:

d'application par rapport aux projets initiaux, le limitant aux états financiers,
c'est-à-dire aux états de synthèse et aux notes jointes aux états de synthèse
9287

(Obert, 1994, p. 64). Il s’est toutefois arrimé au modèle de gouvernance néo-


américain s’identifiant au cadre du FASB publié quelques années auparavant
r:210

(Colasse, 2012, p. 104).


Le cadre avait été précédé en janvier 1975 par la norme IAS 1, laquelle
Alge

traitait de la publicité des méthodes comptables utilisées par l'entreprise pour


la préparation des états financiers et qui a servi de base à l’élaboration des
:ESC

premières normes IAS. Trois « conventions comptables de base » :


continuité de l'exploitation, permanence des méthodes, spécialisation des
x.com

exercices, ainsi que trois « considérations relatives aux méthodes


comptables » : prudence, importance relative, prééminence de la réalité sur
l'apparence y ont été exposées. Cette norme, ainsi que les normes IAS 5 et
larvo

IAS 13, a été abrogée en 1997 et remplacée par une nouvelle norme IAS 1
.scho

197
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consacrée à la présentation des états financiers. Certaines dispositions,
intégrées dans le cadre conceptuel de 1989 n’ont pas été reprises dans la
nouvelle norme.
Le cadre 1989 traitait particulièrement de l'objectif des états financiers,
des caractéristiques qualitatives de ces états, des éléments les composant, de
la prise en compte et de l'évaluation de ces éléments, des systèmes de mesure
et du concept du capital. Il a été repris dans son intégralité par l’IASB
(International Accounting Standards Board) lors de la réforme des structures
en 2001.

2.1. Objectif des états financiers


Le cadre conceptuel de l'IASC rappelle que les états financiers ont pour
objectif de fournir une information sur la situation financière, la performance
et l'évolution dans la situation financière de l'entreprise (IASC 1989, § 12). Il

1213
considère qu'une telle information est utile pour un très large éventail
d'utilisateurs potentiels qui ont à prendre des décisions « économiques ». Il

6419
présente sept catégories distinctes d'utilisateurs potentiels (investisseurs,
salariés, prêteurs, fournisseurs et autres créanciers, clients, gouvernement et

7:16
administrations, public) ainsi que leurs besoins d'information et spécifie que
les états financiers ne constituent pour ces utilisateurs qu'un élément parmi

9.24
d'autres de l'ensemble des informations susceptibles de répondre à leurs
besoins. Il précise (IASC 1989 § 10) que « comme les investisseurs sont les
.45.3
apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la fourniture d’états
financiers qui répondent à leurs besoins satisfera également à la plupart des
:129

besoins des autres utilisateurs susceptibles d’être satisfaits par les états
financiers ». En aucun cas, le cadre conceptuel n'a envisagé que soient
9759

modulés la nature et la présentation des états financiers en fonction des


besoins spécifiques des utilisateurs.
8883

Le cadre conceptuel indique également que les états financiers sont


préparés sur la base d'une comptabilité dite d'engagement et font l'hypothèse
840:

que l'entreprise est en situation de continuité et poursuivra ses activités dans


9287

un avenir prévisible (IASC 1989, § 22 et 23).


r:210

2.2. Caractéristiques qualitatives des états financiers


Ces caractéristiques déterminent l'utilité des informations contenues dans
Alge

les états financiers. Les quatre principales caractéristiques développées par le


cadre (IASC 1989, § 25 à 42) sont l'intelligibilité, la pertinence, la fiabilité et
:ESC

la comparabilité. Le cadre développe également les concepts de prééminence


du fond sur la forme (IASC 1989, § 35) « il est nécessaire que l'information
x.com

soit comptabilisée et présentée en accord avec leur substance et la réalité


économique et non seulement selon leur forme juridique » et d'image fidèle
larvo

(IASC 1989, § 33, 34 et 46) « l'application des principales caractéristiques


.scho

198
www
qualitatives et des normes comptables pertinentes a normalement pour effet
que les états financiers donnent ce que l'on entend par une image fidèle ou
une représentation fidèle de l'information ».

2.3. Éléments des états financiers


Le cadre conceptuel identifie dans le bilan (situation financière) et le
compte de résultat (performance) un certain nombre d'éléments essentiels.
Font l'objet d'une définition et de commentaires approfondis les cinq notions
suivantes : actifs, passifs et capitaux propres pour le bilan, produits et
charges pour le compte de résultat (IASC 1989, § 49 à 80).

2.4. Prise en compte des éléments des états financiers


L'identification des grandes catégories auxquelles se rattachent les

1213
opérations ne suffit pas à l'enregistrement dans les états financiers (IASC
1989, § 83). Le concept de constatation est ensuite testé sur les différents

6419
éléments. Ainsi, un actif est pris en compte dans le bilan lorsqu'il est
probable que des avantages économiques futurs bénéficieront à l'entreprise et

7:16
que l'actif a un coût ou une valeur qui peut être mesuré de façon fiable
(IASC 1989, § 89).

2.5. Évaluation des éléments des états financiers 9.24


.45.3
Sur le choix du système de mesure applicable aux divers éléments
:129

constatés au bilan et au compte de résultat, l'IASC se montre très ouvert.


Après avoir constaté que les différents systèmes de mesure pouvaient être
9759

utilisés à des degrés divers et selon des combinaisons variées, il en énumère


les principaux : coût historique, coût actuel, valeur réalisable ou de
8883

règlement, valeur actuelle avec leurs définitions respectives (IAS 1989, §


100).
840:

L'IASC constate que le système de mesure généralement utilisé par les


entreprises dans leurs états financiers est celui des coûts historiques,
9287

habituellement combiné avec d'autres bases d’évaluation (IASC 1989, §


101).
r:210

2.6. Concepts de capital et de maintien du capital


Alge

Le texte du cadre conceptuel de l'IASC se termine par la présentation du


concept général de capital à travers deux notions : celle du maintien du
:ESC

capital financier et celle du maintien du capital physique (IASC 1989, §


104).
x.com
larvo
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199
www
3. La norme SFAC 7 du FASB (2000)
SFAC 7 (FASB, 2000), présente la méthode des flux de trésorerie
actualisés et de la valeur actuelle pour l'évaluation des actifs et des passifs.
Deux types de problèmes sont posés :
− l'utilisation de la juste valeur comme principe d'évaluation ;
− l'utilisation de l'approche en flux de trésorerie attendus comme moyen
d’évaluation.

Cette norme de concept, qui se concentre sur les systèmes de mesure de


manière plus approfondie que les normes précédentes, présente des
techniques et des notions (risque, incertitude, valeur actualisée, etc.) qui
n’étaient pas habituelles pour le praticien comptable.

1213
4. La révision conjointe du cadre par l’IASB et le FASB (2010)
Dans le cadre de l’accord de Norwalk de septembre 2002, le FASB et

6419
l’IASB avaient convenu d’élaborer un cadre conceptuel commun aux deux
organisations. À la réunion de février 2005, ils avaient prévu de conduire le

7:16
projet en 8 étapes (Obert, 2013, p. 55). Seule, la phase A portant sur les
objectifs et les caractéristiques qualitatives a finalement abouti.

9.24
C’est ainsi que l’IASB et le FASB ont publié en même temps en
septembre 2010 deux textes semblables. Il s’agit pour le FASB du SFAC 8
.45.3
(FASB 2010) et pour l’IASB du cadre conceptuel 2010 pour l’information
financière (IASB 2010).
:129
9759

4.1. Structure du nouveau cadre conceptuel de l’IASB


À la suite de ces travaux, le nouveau cadre conceptuel de l’IASB 2010 a
8883

été structuré en quatre parties (IASB 2010) :


− 1. l’objectif de l’information financière ;
840:

− 2. l’entité comptable ;
− 3. les caractéristiques qualitatives de l’information financière à usage
9287

général ;
− 4. le texte repris du cadre 1989 relatif à l’hypothèse de continuité
r:210

d’exploitation, aux éléments des états financiers, à leur


comptabilisation et à leur évaluation, aux concepts de capital et de
Alge

maintien du capital.
:ESC

Seules les parties 1 et 3 étaient nouvelles, la partie 2 correspondant à une


discussion encore en cours (exposé sondage de mars 2010) fut laissée en
x.com

blanc pour être complétée, la partie 4 reprenant les éléments du cadre


conceptuel de 1989 qui n’avaient pas été remplacés.
larvo
.scho

200
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4.2. La norme SFAC 8 du FASB
Le texte qui y est présenté, y compris les bases de conclusions (FASB
2010) est en tout point semblable à celui du nouveau cadre conceptuel de
l’IASB. La nouvelle norme de concept américaine comprend trois chapitres
(Obert, 2011, p. 26) :
− les objectifs de l’information financière ;
− l’entité comptable (également laissé en blanc) ;
− les caractéristiques qualitatives de l’information financière à usage
général.

Les anciennes normes de concept SFAC 4 à SFAC 7 sont restées


applicables. Les normes SFAC 1 et SFAC 2 ont été abrogées.

5. L’exposé sondage de l’IASB (2015)

1213
Après la publication de 2010, le FASB et l’IASB décidèrent de suspendre

6419
leurs travaux. Toutefois, en 2012, à la suite de la consultation relative à
l’agenda de l’IASB, du fait que de nombreux répondants avaient considéré

7:16
que la révision du cadre conceptuel devait être un projet prioritaire pour
l’IASB, ce dernier décida de reprendre seul le projet de révision. En juillet

9.24
2013, l’IASB publia d’abord un document de discussion relatif à la révision
du cadre conceptuel. Puis, en mai 2015, il publiait un exposé-sondage (IASB.45.3
2015) présentant ses propositions sur la révision du cadre conceptuel.
Le nouveau cadre conceptuel devrait se composer, selon l’exposé-
:129

sondage, outre un chapitre introductif, de huit chapitres ainsi dénommés :


objectif de l’information financière à usage général, caractéristiques
9759

qualitatives de l’information financière utile, états financiers et entité


comptable, éléments des états financiers, comptabilisation et décompta-
8883

bilisation, évaluation, présentation et information à fournir, concepts de


capital et de maintien du capital. En annexe, on trouverait un exposé relatif
840:

aux techniques d’évaluation des flux de trésorerie et un ensemble de


définitions réunies dans un glossaire.
9287

Dans les caractéristiques qualitatives, l’IASB s’est proposé de


réintroduire une référence explicite à la notion de prudence (IASB 2015, §
r:210

2.18, p. 30) et au principe de prééminence du fond sur la forme (IASB 2015,


§ 2.14, p. 30).
Alge

Le chapitre sur les états financiers et l’entité comptable est nouveau. Il


n’évoque que l’état de situation financière et l’état de performance, l'état des
:ESC

flux de trésorerie et l'état des variations des capitaux propres n’étant pas
cités. Ce chapitre traite également de la définition d'une entité comptable
x.com

(reporting entity) et de sa limite. Une entité comptable est une entité qui
choisit (ou qui est tenue) de préparer des états financiers à usage général.
larvo
.scho

201
www
Le chapitre sur les éléments des états financiers fournit des définitions sur
les divers éléments des états financiers (actifs, passifs, capitaux propres,
produits et charges). Un actif y est défini comme une ressource économique
actuelle contrôlée par l'entité à la suite d’événements passés.
Le chapitre sur la comptabilisation et la décomptabilisation définit ces
deux notions. La comptabilisation d’un élément doit respecter trois critères :
fournir aux utilisateurs des états financiers des informations pertinentes,
fournir une représentation fidèle de l'actif, du passif, de tout produit, charge
ou variation des capitaux propres et l'information doit se traduire par des
avantages dépassant son coût d’obtention.
Le chapitre sur l’évaluation est consacré à la description des différentes
bases d’évaluation, les informations qu'elles fournissent, leurs avantages et
inconvénients. On y distingue le coût historique et la valeur actuelle.
L’évaluation à la valeur actuelle inclut la juste valeur et la valeur d’utilité
pour les actifs ou la valeur de réalisation pour les passifs.

1213
Dans le chapitre relatif à la présentation et aux informations à fournir,
sont présentés les concepts qui déterminent quelles informations doivent être

6419
incluses dans les états financiers et comment cette information doit être
présentée et communiquée.

7:16
Enfin, les propositions contenues dans le chapitre relatif aux concepts de
capital et de maintien du capital sont tirées du cadre conceptuel existant avec
9.24
des changements mineurs pour la cohérence de la terminologie. .45.3
:129

6. L’utilisation d’un cadre conceptuel comptable par un certain


nombre de pays
9759

S’il n’existe pas en France de cadre conceptuel comptable formalisé (du


fait notamment de l’énoncé des principes comptables généraux applicables
8883

dans les articles L. 123-12 à L. 123-21 du code de commerce), dans


plusieurs pays, les organismes de normalisation ont édicté un cadre
840:

conceptuel : c’est le cas spécialement du Royaume-Uni, du Canada et de


l’Australie.
9287
r:210

6.1. Le Royaume-Uni
Avant 1999, le Royaume-Uni n’avait pas bâti de cadre conceptuel qui lui
Alge

soit propre en considérant que celui de l'IASB, qui avait été adopté, était
compatible avec ses propres principes comptables fondamentaux. En
:ESC

décembre 1999, cependant, l'ASB publiait un état des principes applicables à


l'établissement des informations financières (Statement of Principles for
x.com

Financial Reporting), inspiré des cadres du FASB et de l'IASC. Ce cadre


(ASB, 1999), comprenait 8 chapitres, relatifs respectivement à l'objectif des
états financiers, l'entité déclarante (reporting entity), les caractéristiques
larvo

qualitatives de l'information financière, les éléments des états financiers, la


.scho

202
www
comptabilisation dans les états financiers, l’évaluation dans les états
financiers, la présentation de l'information financière, la comptabilisation des
participations dans d'autres entités.

6.2. Le Canada
Depuis 2011, les entreprises ayant une obligation d’information du public
sont, au Canada, dans l’obligation de présenter leurs états financiers
conformément aux normes IFRS. Elles se réfèrent, dans ce cas, au cadre
conceptuel de l’IASB. Par contre (CNC, 2015) les entreprises à capital
fermé, les organismes à but non lucratif, les régimes de retraite ont des
référentiels propres élaborés par le Conseil des normes comptables (CNC),
lesquels font l’objet d’une publication dans le Manuel des CPA Canada -
Comptabilité. Le chapitre consacré aux « Fondements conceptuels des états
financiers » est convergent dans son ensemble avec le Cadre conceptuel de

1213
l’IASB et IAS 1 (les divergences portant sur les organismes à but non
lucratif que ne traite pas l’IASB et les notions de maintien de capital

6419
financier).

7:16
6.3. L’Australie

9.24
L’Australian Accounting Standards Board (AASB, 2009, p. 5) avait
publié en juillet 2004 un premier cadre conceptuel, fortement inspiré par .45.3
celui du FASB. Ce cadre a été révisé en septembre et décembre 2007 et en
décembre 2013. Le cadre actuel intègre le cadre de l’IASB. Un certain
:129

nombre de paragraphes, peu nombreux, ont été ajoutés. Ils concernent


notamment les entités à but non lucratif
9759
8883

Conclusion
Aujourd’hui, des informations toujours plus nombreuses, notamment
840:

d’ordre non financier, sont demandées aux entités. D’autre part, un certain
9287

nombre d’organisations, telles l’IIRC (International Integrated Reporting


Council), considèrent que les rapports qui seront présentés par les
entreprises, rapports financiers et non financiers, devront, pour une
r:210

communication améliorée, être intégrés (Obert, 2014). Le cadre conceptuel


comptable devra t’il prendre en compte cette nouvelle caractéristique de
Alge

l’information destinée aux partenaires de l’entreprise ?


:ESC

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9.24
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.45.3
No. 2, p. 89-131.
:129
9759
8883
840:
9287
r:210
Alge
:ESC
x.com
larvo
.scho

205
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:129
.45.3
9.24
7:16
6419
1213
Un acteur français méconnu de la réduction
de l'asymétrie d'information :
l'expert-comptable du comité d’entreprise

Alain Mikol1, Claude Simon2 3

1213
Introduction

6419
Bien avant que Jensen et Meckling (1976) aient théorisé et formalisé le

7:16
rôle de l’asymétrie d’information, les acteurs économiques et politiques en
avaient une pleine conscience.

9.24
L’exposé des motifs de l’ordonnance du 22 février 1945 qui institua les
comités d’entreprises peut être considéré comme un modèle de la perception .45.3
de l’effet néfaste de cette asymétrie : « Dans la résistance clandestine
comme à Londres, autour du général de Gaulle, des projets de
:129

reconstruction économique et sociale de la France ont été élaborés. Une des


idées que l'on retrouve dans presque tous ces projets est la nécessité
9759

d'associer les travailleurs à la direction de l'économie et à la gestion des


entreprises. Aussi bien, dès la libération du pays, des comités de production
8883

ou des comités de gestion se sont-ils constitués spontanément dans de


nombreuses usines. Le but de ces comités était partout de remettre en
840:

marche l'industrie nécessaire à l'effort de guerre et d'en accroître le


9287

rendement. Et il n'est pas douteux, comme l'ont montré les expériences faites
depuis quatre ans en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, que la
participation du personnel à des comités de ce genre peut avoir à cet égard
r:210

les plus heureux effets ». Dit autrement : pour reconstruire efficacement, il


faut être uni notamment en disposant de la même information. Mais, passé
Alge

l’esprit d’unité nationale né de la victoire contre l’occupant, la mise en


œuvre sera, comme nous le verrons, plus laborieuse.
:ESC
x.com

1
Professeur à ESCP Europe, commissaire aux comptes
2
Professeur émérite à ESCP Europe
larvo

3
Les auteurs remercient Henri-José Legrand pour sa relecture, ses conseils et ses précieux
apports documentaires.
.scho
www
Ce souci de réduction de l’asymétrie perdura mais le droit tant du travail
que des sociétés connut des évolutions qui conduisent à distinguer trois
grandes périodes : de la fin de la guerre aux années soixante, de celles-ci aux
lois « Auroux » (1982) et enfin de cette période à nos jours.

1. De 1945 à la fin des années soixante : plus de formalisme que de


réalité.
Que ce soit pour le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable du
comité d'entreprise cette période est caractérisée, dans les faits, par des
missions plus symboliques que réelles.

1.1. Le commissaire aux comptes : un rôle essentiellement hono-


rifique

1213
Pour ce qui concerne le commissaire aux comptes, son statut résultait,
pour l’essentiel, de la loi sur les sociétés par actions du 24 juillet 1867 4. Les

6419
principales caractéristiques en étaient :

7:16
1.1.1. Non immixtion dans la gestion

9.24
L'interdiction de s'immiscer dans la gestion, plus ou moins ambiguë
depuis la naissance de l'audit légal en France par la loi du 23 mai 1863 5, est,
.45.3
depuis le décret-loi du 8 août 1935 6 très claire : le commissaire n'a pas le
droit de participer à la gestion de la société (par exemple en donnant des
:129

conseils ou en tenant la comptabilité), et il n'a pas non plus le droit de porter


des jugements sur la bonne ou mauvaise gestion des dirigeants : "Il
9759

n'appartient pas au commissaire de critiquer l'impulsion donnée aux affaires


sociales : ce serait, de sa part, s'immiscer dans la gestion" (Solus, 1938, p.
8883

234).
840:

1.1.2. Secret professionnel


9287

C’est également depuis le décret-loi du 8 août 1935 que le commissaire


aux comptes est soumis au secret professionnel. Cette obligation figure
r:210

aujourd’hui dans l’article L. 822-15 du code de commerce : les commissaires


aux comptes, "ainsi que leurs collaborateurs et experts, sont astreints au
Alge

secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu
avoir connaissance à raison de leurs fonctions". L'obligation au secret figure
:ESC

également dans la 8ème directive européenne du 17 mai 2006 relative au


x.com

4
Loi qui crée les sociétés anonymes et qui impose un commissaire aux comptes dans chaque
SA.
larvo

5
Loi sur les SARL qui sera abrogée 4 ans plus tard et remplacée par la loi du 24 juillet 1867.
6
On dit ordonnance depuis la 5ème République.
.scho

208
www
contrôle légal : "Les États membres veillent à ce que toutes les informations
et tous les documents auxquels un contrôleur légal des comptes ou un
cabinet d'audit accède lors de l'exécution du contrôle légal des comptes
soient protégés par des règles appropriées en matière de confidentialité et de
secret professionnel" (article 23-1 7).

1.1.3. Le champ de l’intervention du commissaire aux comptes : réduit


aux seules sociétés anonymes
Dans le cadre de la loi de 1867, seules les sociétés anonymes sont
astreintes à la désignation d’un commissaire aux comptes ; nous verrons ci-
dessous que cette restriction ne sera pas sans incidence sur les droits du
comité d’entreprise.

1.2. Le comité d’entreprise (CE) : une gestation laborieuse mais dans

1213
les faits un rôle le plus souvent réduit à la gestion des œuvres sociales

6419
Les comités d’entreprise sont le produit d’une longue histoire, au
croisement des intentions de contrôle ouvrier et des politiques d’intégration

7:16
des travailleurs, que Maurice Cohen (1998, p. 37) fait débuter à la naissance
du capitalisme au milieu du 19ème siècle.

9.24
Dans son programme, arrêté le 15 mars 1944, le Conseil national de la
Résistance 8 (CNR), sans aller jusqu’à prôner la cogestion, prévoit tout de .45.3
même une gestion économique moins imprégnée d’absolutisme patronal
qu’elle ne l’était avant-guerre : « L’instauration d’une véritable démocratie
:129

économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités


économiques et financières de la direction de l’économie (…). Le droit
9759

d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et


d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires
8883

et la participation des travailleurs à la direction de l’économie ».


Le même esprit marquera le préambule de la constitution du 27 octobre
840:

1946 (dont il faut noter qu’il est considéré comme partie intégrante de celle
de 1958 et donc encore en vigueur) : « Tout travailleur participe, par
9287

l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions


de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
r:210

Les débats de l’Assemblée consultative provisoire 9 sur la mise en œuvre


de ces grandes idées furent beaucoup plus houleux ; en particulier ceux
Alge

7
Article non modifié par la directive du 16 avril 2014.
:ESC

8
Organe qui dirigea et coordonna les différents mouvements de la Résistance intérieure
française, toutes tendances politiques comprises, à partir de la mi-1943. Son premier président
x.com

fut Jean Moulin, délégué du général de Gaulle.


9
Réunie en application de l’ordonnance du Comité français de la Libération nationale du 17
septembre 1943, elle tint ses séances d'abord à Alger puis à Paris. Elle sera remplacée par
larvo

l'Assemblée constituante (octobre 1945) puis un an plus tard par les nouvelles institutions de
la 4ème République.
.scho

209
www
relatifs à l’assistance d’un expert-comptable pour le CE qui eurent lieu en
deux temps : lors des séances du 13 décembre 1944 (préparatoires à
l’ordonnance du 22 février 1945 qui donnera naissance au CE) puis de celle
du 24 avril 1946 (préparatoire à la loi du 16 mai 1946 qui établira le CE dans
des prérogatives élargies).
Dès la préparation de l’ordonnance, l’opposition politique droite / gauche
est claire. Le gouvernement, par la voix d’A. Parodi 10, propose que le CE
puisse se faire assister par un EC : « Ce que nous voulons (…) c’est que les
délégués du personnel soient éclairés sur le véritable sens des comptes qui
leur seront présentés, que la méfiance instinctive, qu’il sera naturel qu’ils
éprouvent, soit dissipée…. ». On ne saurait mieux définir l’asymétrie
d’information ! Mais la « Délégation patronale » (qui deviendra le CNPF 11
le 12 juin 1946) n’est pas du tout dans cet esprit et émet, le 22 novembre
1944, des « observations » sur ce projet d’ordonnance. On y remarque
notamment les propos suivants :

1213
− « Il n’est pas exact, dans l’esprit de l’institution prévue (le CE),
d’évoquer « la nécessité d’associer les travailleurs à la gestion de

6419
l’entreprise » ;
− « les employeurs insistent vivement pour que soit supprimée

7:16
l’assistance d’experts-comptables ».

9.24
La position est sans ambiguïté : chacun à sa place. Le patronat obtiendra .45.3
gain de cause en obtenant à la fois la suppression de l’expert-comptable et du
rôle consultatif du CE sur la marche générale de l’entreprise. Le CE dispose
:129

ainsi d’un vague droit d’information mais n’a, pour autant, pas le droit à la
parole. Les conditions d’un bon dialogue social sont mal établies ! Par
9759

ailleurs, à l’expert-comptable assistant le CE et choisi par lui seul,


l’ordonnance substitua un second commissaire aux comptes, élu par les
8883

actionnaires des seules sociétés anonymes (SA), le rôle du CE étant limité à


l’établissement d’une liste de trois noms sur laquelle le commissaire aux
840:

comptes devait être choisi.


Par contre, dans le sens du gouvernement, les propos de Jules Moch
9287

(député SFIO 12 et connu pour son anticommunisme) lors des débats en


séance du 13 décembre 1944 sont sans ambiguïté : « Nous sommes mes amis
r:210

et moi, pour le droit de gestion des travailleurs, et toute réforme, si petite


soit-elle, qui rapproche les travailleurs de ce droit a notre adhésion
Alge

enthousiaste ».
:ESC

10
Alexandre Parodi fut un résistant gaulliste. Il fut d’abord l’intermédiaire entre le CNR et
x.com

l’ACP puis ministre du travail et de la sécurité sociale dans le gouvernement de de Gaulle


entre septembre 1944 et octobre 1945.
11
Le Conseil national du patronat français deviendra le MEDEF le 27 octobre 1998.
larvo

12
Créée en 1905 la SFIO deviendra le parti socialiste en 1969 ; François Mitterrand en sera le
Premier Secrétaire en 1971.
.scho

210
www
Inversement, André Baud13, cherche tous les arguments pour s’opposer à
ce droit : « Supposons que, dans l’entreprise la direction et l’administration
soient opposées au conseil d’entreprise (le CE). Vous avez déjà un arbitrage
résultant des opérations des commissaires aux comptes. Si à ces derniers
vous opposez un expert-comptable présenté par le CE et qu’il y ait
contestations, il faudra un super arbitre, et si le conflit se produit, comment
le résoudrez-vous ?».
Le 24 avril 1946, après l’ordonnance sur les CE (22 février 1945), sur le
projet de ce qui allait être la loi du 16 mai 1946, les débats reprennent sur
l’expert-comptable du CE. Pour sa part le nouveau gouvernement reprend la
position que le Gouvernement Provisoire avait défendue devant l’Assemblée
Consultative Provisoire ; en revanche la droite revient à la charge par la voix
de M. Patrice Bougrain-Dubourg 14 qui cherche à conserver coûte que coûte,
le deuxième commissaire aux comptes, élu par l’assemblée générale des
actionnaires sur une liste de trois noms proposés par le CE. Finalement son

1213
projet d’amendement sera retiré et la loi votée, sur cet aspect, conformément
au projet qui reprenait sur ce point les termes de l’avant-projet de

6419
l’ordonnance.
Il a donc fallu attendre l’ordonnance du 22 février 1945 pour que les

7:16
comités d’entreprise apparaissent dans la législation française. Quinze mois
après, la loi du 16 mai 1946 en modifie plusieurs articles et établit des règles
9.24
qui existent encore aujourd'hui : .45.3
− le CE, obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, est
composé de salariés élus par le personnel ;
:129

− il bénéficie d'un budget que lui alloue l'entreprise et dont le montant


est fixé par la loi ;
9759

− le CE est enfin doté du pouvoir consultatif sur la marche de


l’entreprise que l’avant-projet voté par l’Assemblée Consultative
8883

Provisoire avait entendu lui conférer et que l’Ordonnance lui avait


refusé.
840:

Les attributions du CE relèvent alors de deux aspects distincts :


9287

− la gestion d'œuvres sociales au profit des salariés ; cette fonction est


souvent importante et peut recouvrir des champs très vastes (vacances,
r:210

cantines…) dans les grandes entreprises15. On est loin de la caricature


d'un CE uniquement préoccupé par l'organisation annuelle de l'arbre
Alge

de Noël ;
:ESC

13
Ancien Résistant et représentant d’une droite que l’on qualifierait aujourd’hui de musclée.
x.com

14
Ancien Résistant ; il a été en 1945 le plus jeune député de l’Assemblée Nationale
Constituante.
15
Il faudra attendre près d'un demi-siècle pour que la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014
larvo

"relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale" impose un


commissaire aux comptes dans les CE dépassant certains seuils.
.scho

211
www
− la marche de l’entreprise : le CE est obligatoirement informé et
consulté. Le droit a régulièrement étendu les attributions du CE
entrant dans ce champ. Dans ce cadre, et cela est un point fondamental
pour notre propos, la loi de 1946 accorde au comité d'entreprise la
possibilité d’être assisté par un expert-comptable rémunéré par
l’employeur. Mais, toujours dans le souci d’assurer une certaine
symétrie capital-actionnaires / travail-salariés, ce droit est réservé aux
seules sociétés anonymes (dont on rappelle qu’elles seules doivent, à
cette époque, nommer obligatoirement un commissaire aux comptes).

1.3. La réalité des fonctions du commissaire aux comptes et des


attributions économiques du CE jusqu’en 1966
Pour ce qui concerne le commissaire aux comptes, si la loi de 1867
encadrait ses fonctions, elle ne lui accordait pas un rôle très clair, ni de

1213
responsabilité. D’ailleurs aucune restriction (par exemple de compétence)
n’existait à l’exercice de la fonction. Dans la quasi-totalité des cas, son rôle

6419
était donc essentiellement honorifique et de portée des plus réduites.
Pour ce qui concerne le CE les débats en son sein sur la marche et la

7:16
gestion de l’entreprise ont, à notre connaissance, constitué l’exception
pendant cette période. Deux principales causes à cela : d’une part la bonne

9.24
marche générale de l’économie de cette période des Trente Glorieuses privait
de contenu ce type de débats, et d’autre part une évolution des systèmes de
.45.3
pensée qui, après la grande unité de la Résistance, sont revenus à des
confrontations plus classiques du type syndicat / patronat avec les salaires
:129

comme principal enjeu.


9759

Par voie de conséquence, peu de CE ont fait appel à des experts-


comptables durant cette période ; de plus les quelques EC qui réalisaient ce
type de mission se contentaient d’un travail très formel par exemple en
8883

alignant les principales données du bilan et du compte de résultat 16 année


par année sans même prendre le soin de déflater les chiffres en cette période
840:

d’inflation élevée.
9287
r:210

2. De la fin des années soixante au début des années quatre-vingt :


de profondes évolutions dans la législation et dans les faits
Alge

La loi sur les sociétés commerciales du 24 juillet 1966 va marquer une


profonde évolution. De fait, l’une de ses principales novations est relative au
:ESC

commissaire aux comptes à la mission duquel elle va donner un véritable


contenu. Parallèlement des experts-comptables vont, au cours de cette
x.com

période, développer des pratiques nouvelles mieux adaptées aux besoins des
CE.
larvo

16
À l'époque "compte d'exploitation générale" et "compte de perte et profits".
.scho

212
www
2.1. La définition d’une véritable fonction au commissaire aux
comptes
Promulguée exactement 99 ans après la précédente grande loi sur les
sociétés par actions, celle du 24 juillet 1966 compile toutes les mesures
adoptées pendant cette période et réforme en profondeur aussi bien la
fonction de commissaire aux comptes que l’organisation de sa profession. La
loi de 1966 s’inspire très largement, pour ce dernier aspect, de l’audit
pratiqué dans les pays anglo-saxons et va faire du commissaire aux comptes
un labellisateur de l’information délivrée par les instances de direction des
sociétés anonymes. Il ne diffuse pas lui-même une information mais s’assure
de la sincérité et de la régularité de celle diffusée non seulement aux
actionnaires mais à toute partie prenante ; il engage ainsi sa responsabilité
civile, pénale et disciplinaire dans l’exercice de sa mission.
Bien sûr une telle mutation ne se fit pas du jour au lendemain et il fallut

1213
organiser cette nouvelle profession. Mais on le voit, l’objectif était bien de
réduire l’asymétrie d’information existant entre les instances de direction et

6419
les actionnaires (actuels ou potentiels), mais plus généralement tous les tiers
(banquier, fournisseur, client…) qui à un titre ou à un autre estiment avoir
besoin d’une opinion sur la santé économique de l’entreprise. Pour autant,

7:16
dans cette loi, ni le commissaire aux comptes ni aucun autre professionnel

9.24
n’est chargé de porter un avis sur l’entreprise, sa santé financière, ses
perspectives… Cela ne viendra que plus tard, et de façon très encadrée, avec
.45.3
la procédure d’alerte créé par loi du 1er mars 1984 sur la prévention des
difficultés des entreprises.
:129
9759

2.2. La mise en œuvre d’une véritable utilité de l'expert-comptable au


service des CE
8883

On l’a vu plus haut, la loi du 16 mai 1946 sur les comités d’entreprise
donnait à ceux-ci le droit de se faire assister par un expert-comptable. Mais
840:

la mission de celui-ci n’était pas définie et ses moyens étaient


particulièrement réduits : il ne peut consulter que les registres comptables
9287

prévus par le code de commerce (journal et livre d’inventaire, puisque le


grand livre ne constituait pas une obligation légale). Concrètement et sauf le
r:210

cas d’entreprises particulièrement ouvertes au dialogue social et à la


nécessaire transparence qu’il exige, l’expert-comptable n’avait que des
Alge

moyens très limités, en fait assez similaires à la fonction très honorifique des
commissaires aux comptes d'avant la loi de 1966.
:ESC

À cette époque, ce n’est pas du législateur que des évolutions vont venir
mais de quelques individus. Des jeunes experts-comptables, notamment
x.com

Yves Doucet, et des économistes (Michel Séruzier entre autres), vont


s’efforcer de répondre aux besoins des salariés par une véritable analyse de
l’entreprise. Ils mettent au point des outils, à l’époque considérés comme
larvo

révolutionnaires : élaboration systématique d’un tableau de financement,


.scho

213
www
analyse du compte d’exploitation par des soldes intermédiaires de gestion,
correction des séries monétaires longues de l’inflation (à l’époque élevée),
analyse de l’environnement économique sectoriel de l’entreprise concernée,
analyse volume / prix lorsqu’ils peuvent accéder à des données le
permettant… Ils ne parlent pas de comptabilité (mais se servent, entre autres,
des informations fournies par celle-ci) aux représentants des salariés mais de
la situation financière, économique, commerciale, de production… Bref, ils
réduisent effectivement l’asymétrie de l’information en permettant aux
membres du CE de comprendre les principales évolutions de leur entreprise
et ses grands enjeux.
En 1970 ces différents professionnels se groupent en constituant le
cabinet d’expertise comptable SYNDEX qui connaîtra un développement
rapide sur la base de ces nouvelles pratiques. Parallèlement, des entreprises
de plus en plus nombreuses vivront des difficultés (LIP en 197317, la
sidérurgie à partir de 1974, le textile…), phénomène qui accentuera la

1213
demande d’une véritable expertise indépendante mais destinée aux besoins
spécifiques des salariés et de leurs représentants.

6419
Mais ce développement n’était pas du goût d’une petite fraction très
rétrograde du patronat qui conduisit, sans que cela puisse résulter du hasard,

7:16
17 entreprises à déposer simultanément des plaintes contre SYNDEX en
1979 auprès de l’Ordre des experts-comptables18. Les griefs invoqués sont
9.24
variés mais le plus souvent affligeants ; ainsi il est affirmé que le fait de .45.3
calculer la valeur ajoutée dans le cadre d’une analyse par les soldes
intermédiaires de gestion relève « d’une analyse marxiste de l’entreprise » !
:129

Finalement, la chambre de discipline relaxera SYNDEX sur la base de vices


de procédures permettant à l’Ordre de se dégager prudemment de la
9759

confrontation. Cette péripétie montre, si besoin en était, que la réduction de


l’asymétrie de l’information est un enjeu essentiel jamais pris à la légère et
8883

souvent un combat.
840:

3. Des années quatre-vingt à nos jours : des moyens donnés à


9287

l’expert-comptable pour réduire l’asymétrie d’information


Trois faits majeurs vont profondément modifier les rôles du commissaire
r:210

aux comptes et de l’expert-comptable du CE au cours de cette période : le


développement des marchés financiers, la multiplication des défaillances
Alge

d’entreprises et, en France, l’accession de la gauche au pouvoir en 1981. Ces


trois faits accentueront le besoin d’une information économique et financière
:ESC

de qualité par toutes les parties prenantes et modifieront en profondeur les


rôles de l’expert-comptable du CE et du commissaire aux comptes.
x.com
larvo

17
L'usine Lip a été le théâtre d'une grève qui a eu un retentissement considérable.
18
À l'époque Ordre des experts-comptables et des comptables agréés.
.scho

214
www
3.1. Accentuation et élargissement du rôle du commissaire aux
comptes
Toute la décennie des années quatre-vingt est marquée par un
développement mondialisé des marchés financiers. Si une seule date et un
seul lieu devaient être donnés ce seraient le 27 octobre 1986 à Londres pour
le « big bang » du marché financier. On a résumé cet événement par les
« trois D » : déréglementation, dérégulation, désintermédiation, auquel il
faudrait rajouter celui de la mondialisation. Retenons seulement ici que dans
un tel marché livré à lui-même, il faut au moins que les investisseurs
disposent d’informations et puissent avoir un minimum de confiance en
celles-ci. Il en résultera d’une part une normalisation importante de la
fonction de commissaire aux comptes et d’autre part un accroissement du
nombre de ses missions.
La mission générale du commissaire aux comptes français est fixée par le

1213
code de commerce : il mène, comme tout auditeur relevant des règles de
l'IFAC (International Federation of Accountants), une mission d'audit dans

6419
le but de donner une opinion sur l'image fidèle des comptes (article L. 823-9
du code de commerce). Ces règles (en France les normes d’exercice
professionnel, très proches des International Standards on Auditing de

7:16
l'IFAC) sont très précises et contraignantes ; elles représentent des centaines

9.24
de pages décrivant précisément les diligences que doit mettre en œuvre tout
commissaire aux comptes ; à défaut ses responsabilités civile, pénale et .45.3
disciplinaire peuvent être engagées. De plus, les commissaires aux comptes
sont régulièrement contrôlés par un superviseur public rendu obligatoire par
:129

la directive européenne du 17 mai 2006, le Haut conseil du commissariat aux


comptes (H3C)19, qui s’assure que leur pratique correspond effectivement à
9759

ces normes professionnelles.


Par ailleurs, outre la certification des comptes qui constitue la mission de
8883

base du commissaire aux comptes, la loi a défini des situations particulières


exigeant une intervention spécifique de la part de ce dernier ; sans être
840:

exhaustif on peut citer :


− suppression du droit préférentiel de souscription ;
9287

− fusion ;
− distribution d’acomptes sur dividende ;
r:210

− l’alerte : lorsque le commissaire aux comptes a connaissance de faits


de nature à compromettre la continuité d’exploitation (en clair :
Alge

lorsque l’entreprise risque d'être conduite à déposer son bilan) ;


− révélation des faits délictueux au procureur de la République.
:ESC

Les deux derniers cas cités (alerte et révélation au procureur de la


x.com

République) constituent des spécificités françaises qui correspondent au


souhait de faire du commissaire aux comptes à la fois un auxiliaire de la
larvo

19
www.h3c.org
.scho

215
www
justice 20 et un réducteur de l’asymétrie d’information entre les dirigeants et
les investisseurs. Pour autant ces derniers comprennent souvent mal le rôle
réel que la loi fixe au commissaire aux comptes : c’est ce que l’on désigne
couramment sous le terme d’audit expectation gap (cf. § 3.2. ci-dessous).

3.2. L’audit expectation gap


L'absence d'une information directement tournée vers l'actionnaire, qui
lui permettrait de bien comprendre la réalité économique et financière de
l'entreprise, a été souvent analysée (on obtient 139 000 résultats en
recherchant "audit expectation gap" sur Google) ; il s'agit de l'écart entre :
− d’une part le contenu et l'objet de la mission d'audit menée par le
commissaire aux comptes,
− et d’autre part les attentes du public.

1213
Le public attend des analyses des comptes et des avis sur la gestion alors
que le commissaire aux comptes a l'interdiction d'en donner et est obligé de

6419
se limiter, par exemple en ce qui concerne son opinion sur les comptes
annuels, à un rapport d'une page dont le contenu est strictement normé.

7:16
L'audit expectation gap ne conduit pas à une critique de la compétence du
commissaire aux comptes, mais il conduit à une critique du résultat le plus

9.24
visible de sa mission car les actionnaires attendent beaucoup plus du
commissaire qu'un simple rapport normé dans lequel il donne son opinion
.45.3
sur les comptes ; en fait un simple label.
:129

3.3. L’EC du CE : des objectifs clairs et des moyens réels.


9759

Après la victoire de François Mitterrand à l'élection présidentielle du 10


mai 1981, la gauche et les syndicats eurent à repenser complétement leur
8883

vision économique. La nationalisation des plus grandes entreprises et de la


quasi-totalité des banques en constituaient l’axe majeur21. Mais, surtout du
840:

point de vue des syndicats, il convenait d’adopter une ligne politique sur la
gestion des entreprises, qu’elles soient nationalisées ou non. Le principe de
9287

l’autogestion qui avait fait florès en mai 1968 fut rapidement abandonné. De
même le principe de la cogestion à l’allemande ne sembla pas correspondre à
r:210

l’esprit français et ni le patronat ni les syndicats de salariés, encore marqués


par la logique de la lutte des classes, n’en voulurent. De fait l’axe politique
Alge

retenu fut celui du « contrôle de la gestion » par le CE et les syndicats. Tel


:ESC
x.com

20
La Compagnie nationale "est instituée auprès du garde des sceaux" (article L. 821-6 du
code de commerce) et devenir commissaire aux comptes nécessite d'être inscrit par une
commission régionale d'inscription qui dépend étroitement d'une cour d'appel (L. 822-2).
larvo

21
Loi de nationalisation du 13 février 1982. Les premières privatisations ont commencé
quatre ans plus tard sous le gouvernement Jacques Chirac.
.scho

216
www
est l’esprit de la loi du 28 octobre 1982 relative au développement des
institutions représentatives du personnel, dite « loi Auroux »22.
Nous n’en retiendrons ici que les principaux aspects utiles à notre
propos :
− Toutes les entreprises (et non plus les seules sociétés anonymes)
disposant d’un CE peuvent dorénavant se faire assister par un expert-
comptable. On doit remarquer que, parallèlement, dans la prolongation
d'un mouvement législatif commencé en 1966, la loi étendra
l’obligation d’un commissaire aux comptes à un nombre sans cesse
croissant d'entités (associations, mutuelles…).
− La mission de l’expert-comptable qui assiste le CE bénéficie
d'objectifs clairs et d'un champ très large : elle « porte sur tous les
éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à
l’intelligence des comptes et à l’appréciation de la situation de
l’entreprise » (article L. 2325-35 du code du travail).

1213
− Les moyens d’investigation, dont on rappelle que la loi les limitait par
un accès très réduit à l’information (le journal et l’inventaire), sont

6419
dorénavant aussi étendus que ceux du commissaire aux comptes :
« Pour opérer toute vérification ou tout contrôle qui entre dans

7:16
l’exercice de ces missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes
documents que le commissaire aux comptes ». Comme l’on sait qu’il
9.24
n’existe pas de limite à l’accès à l’information du commissaire aux .45.3
comptes dès lors que cela est nécessité par sa mission cela s’étend
mutatis mutandis à l’expert-comptable du CE.
:129

Cette loi prévoit également la création d’un comité de groupe, pouvant


9759

également se faire assister par un expert-comptable.


Ultérieurement, et le plus souvent en parallèle avec l’évolution du droit
8883

commercial (par exemple dans le cadre de la loi du 1er mars 1984 sur la
prévention des difficultés des entreprises), le droit du travail prévoira de
840:

nouveaux cas où le CE a la possibilité de faire appel aux services d’un


expert-comptable pour l’assister. La liste de ces cas fait l’objet de l’article L.
9287

2325-35 du code du travail 23 :


Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son
r:210

choix :
1° En vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-
Alge

8 et L. 2323-9 ;
1° bis En vue de l'examen des orientations stratégiques de l'entreprise
:ESC

prévu à l'article L. 2323-7-1 ;


x.com

22
Du nom du ministre du travail du gouvernement Pierre Mauroy, Jean Auroux ; il y eut au
total quatre lois Auroux.
23
Cet article est régulièrement modifié. Le texte cité ici, dont tous les paragraphes ne
larvo

remontent pas à 1984, est celui en vigueur depuis la loi du 29 mars 2014, mais il a déjà été
modifié par la loi du 17 août 2015 qui entre en application en 2016.
.scho

217
www
2° En vue de l'examen des documents mentionnés à l'article L. 2323-10,
dans la limite de deux fois par exercice ;
3° Dans les conditions prévues à l'article L. 2323-20, relatif aux
opérations de concentration ;
4° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-78 et suivants,
relatifs à l'exercice du droit d'alerte économique ;
5° Lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique
d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévue à
l'article L. 1233-30, est mise en œuvre.
6° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-21 à L. 2323-26-1 A,
relatifs aux offres publiques d'acquisition.
II. ― Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il
apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les
négociations prévues aux articles L. 5125-1 et L. 1233-24-1.
Par ailleurs, conformément aux règles usuelles dans la profession, la

1213
pratique d’une lettre de mission établie entre le CE et l’expert-comptable
qu’il a choisi, permet de préciser les orientations spécifiques de la mission

6419
compte tenu des préoccupations particulières du CE lorsqu’il procède à la
désignation d’un expert-comptable pour l’assister. On ne peut prétendre qu’il

7:16
n’existe pas d’expectation gap entre l’attente des différents élus au CE et le
compte rendu de sa mission que peut en faire l’expert-comptable du CE,
9.24
pour autant force est de reconnaître que les éléments du droit français en la
.45.3
matière ont tout fait pour le réduire.
:129

Conclusion
9759

Toute information globale portant sur un organisme vivant complexe, et


tel est le cas de toute entité économique et sociale, est, de façon
8883

incontournable, partielle et partiale et ne peut prétendre à l’objectivité :


− partielle, car il faut bien faire des choix ne serait-ce que pour éviter de
840:

noyer le destinataire ;
− partiale, car l’auteur de l’information ne peut se soustraire à ses avis ni
9287

sur l’entité observée, ni sur les besoins spécifiques des destinataires de


l’information ;
r:210

− non objective car ni l’entité observée ni l’auteur de l’information ne


sont de simples objets mais bien des organismes vivants, évolutifs et
Alge

complexes.
:ESC

Les très épais documents de référence (souvent des centaines de pages)


publiés par les sociétés cotées, dont le commissaire aux comptes doit
x.com

certifier certaines parties et lire les autres "en exerçant son esprit critique"
(NEP 9510-15), ne réduisent pas l’asymétrie d’information entre les
dirigeants et les parties prenantes de l’entité. Partiels, ils nous informent par
larvo
.scho

218
www
exemple très mal sur les externalités négatives de l’entité (par exemple la
pollution engendrée). Partiaux et subjectifs, ils sont essentiellement destinés
aux investisseurs qu’ils veulent rassurer.
Très concernés par la situation de l’entreprise et son avenir, les salariés et
leurs représentants ne disposent pas non plus de toutes les informations qui
seraient utiles à une parfaite anticipation leur permettant de prendre les
meilleures décisions qui sont de leur ressort.
L’asymétrie d’information est une réalité qu’il faut accepter même si une
société démocratique et efficace sur les plans économiques et sociaux se doit
de mettre en œuvre tous les moyens pour la réduire.
En France le droit du travail et la pratique de la mission d’assistance d’un
expert-comptable auprès du CE constituent un bon exemple de mesures
agissant concrètement dans le sens d'une réduction de l'asymétrie
d'information entre dirigeants et salariés.

1213
Bibliographie

6419
Cohen, M. (1998), Le droit des comités d'entreprise et des comités de
groupe, LGDJ, Paris, 5ème édition, 1100 p. (régulièrement réédité).

7:16
CNCC (2003), L’information des actionnaires, CNCC éd., Etudes juridiques,

9.24
82 p.
Collectif (2015), Dossier spécial comités d’entreprise, Revue Française de .45.3
Comptabilité n° 491, octobre, pp. 23-53.
Jensen, M.C. and Meckling, W. (1976), Theory of the Firm: Managerial
:129

Behaviour, Agency Cost, and Ownership Structure, Journal of Financial


Economics, vol. 3 n° 4, pp. 305-360.
9759

OEC (2013), Les missions de l’expert-comptable d’assistance au comité


d’entreprise prévues par la loi et le règlement, guide d'application, 71 p.
8883

OEC (2014), Guide des missions de l'expert-comptable d'assistance au


comité d'entreprise, prévues par la loi et le règlement, 144 p.
840:

Solus H., La réforme du droit des sociétés, Sirey, Paris, 1938, 524 p.
9287
r:210
Alge
:ESC
x.com
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219
www
www
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840:
8883
9759
:129
.45.3
9.24
7:16
6419
1213
Pourquoi autant de cash dans la trésorerie
des entreprises en 2015 ?

Michel Albouy1, Alain Chevalier2

1213
Geneviève Causse a consacré sa thèse de doctorat en sciences de gestion
à la « gestion de la trésorerie au jour le jour » à l’université de Paris 1 –

6419
Panthéon Sorbonne en 1980. À cette époque, les entreprises avaient comme
on dit pudiquement des « problèmes de trésorerie » et la question essentielle

7:16
pour les trésoriers des grandes entreprises comme des plus petites était :
comment finir le mois ? Avec son côté très pragmatique qui caractérise les

9.24
travaux de Geneviève, elle pointait du doigt dans sa thèse que cette gestion
de la trésorerie naviguait entre le rationalisme et l’empirisme. Elle a .45.3
contribué entre 1975 et 1983 au développement des méthodes de maîtrise de
l’information, d’analyse, de prévision et de décision en matière de gestion de
:129

trésorerie (Causse, 1975, 1979, 1981) afin de rendre cette dernière plus
rationnelle. Il est vraisemblable que ses propositions et ses conclusions
9759

soient toujours valables aujourd’hui même si la situation financière des


entreprises a beaucoup changé. Les gestionnaires, contrairement aux
8883

économistes, évoluent toujours entre deux eaux, celles de la rationalité et


celles de l’empirisme.
840:

Aujourd’hui, trente ans après, la situation des entreprises en matière de


trésorerie a bien changé et si avant la question était « comment finir le
9287

mois ? », aujourd’hui c’est plutôt « comment placer notre cash ?».


L’objectif de cette contribution est de rappeler que la trésorerie a été le
r:210

premier cheval de bataille de recherche de Geneviève et de montrer que cette


problématique a bien changé. En effet, les entreprises – tout au moins les
Alge

plus grandes – affichent aujourd’hui des niveaux de trésorerie positifs très


élevés et la question se pose de savoir pourquoi. Cette question a fait l’objet
:ESC

de nombreux travaux de recherche dans les années récentes.


x.com

1
Professeur de finance à Grenoble École de Management et professeur émérite à l’Université
larvo

Grenoble Alpes
2
Professeur à ESCP Europe
.scho
www
Dans une première partie, nous dressons la situation des grandes
entreprises française en matière de détention de cash. Nous exposons ensuite
les principales théories qui permettent d’expliquer pourquoi les entreprises
détiennent des montants de cash aussi importants et dans une dernière partie
nous faisons un état de l’art des résultats empiriques concernant ce
comportement que nous complétons par la présentation des résultats d’une
série d’entretiens.

1. La situation des grandes entreprises françaises en matière de


cash
Afin de montrer l’importance des niveaux de trésorerie des grandes
entreprises, nous avons collecté les montants de trésorerie et d’équivalents
de trésorerie fin 2013 et fin 2014 de 35 entreprises du CAC 40, à l’exclusion

1213
des sociétés financières. Les « équivalents de trésorerie » sont des
placements très liquides, facilement convertibles à court terme, dont la

6419
valeur ne risque pas de changer de façon significative et qui sont détenus
dans le but de faire face aux engagements de trésorerie à court terme et non à

7:16
des fins de placement ou à d'autres fins. Afin de montrer l’importance du
cash détenu par ces entreprises industrielles et commerciales, nous avons

9.24
rapporté le montant du cash détenu fin 2014 à la capitalisation boursière (au
24/11/2015). Le tableau 1 récapitule ces données. .45.3

Tableau 1 : situation de trésorerie des grandes entreprises françaises


:129

(en millions d’euros)


Capitalisation
9759

Société/ Déc Cash 2013 Cash 2014 Cash/Capi


2014
Accor 1 928 2 677 8 890 30,1%
8883

Air Liquide 940 910 10 490 8,7%


840:

Airbus 10 355 7 271 51 110 14,2%


Alcatel-Lucent 4 096 5 550 10 505 52,8%
9287

Alstom 2 320 1 599 8 910 17,9%


r:210

Arcelor Mittal 4 527 2 917 7 555 38,6%


Bouygues 3 570 4 144 11 645 35,6%
Alge

Cap Gemini 1 715 2 231 14 105 15,8%


Carrefour 4 757 3 113 20 647 15,1%
:ESC

Danone 3 831 3 197 41 760 7,7%


EDF 5 459 4 701 26 095 18,0%
x.com

Engie 8 691 8 547 39 427 21,7%


Essilor
larvo

791 626 25 734 2,4%


International
.scho

222
www
Kering 1 419 1 090 20 342 5,4%
L'Oréal 2 607 1 917 91 877 2,1%
Lafarge Holcim 1 831 1 753 30 491 5,7%
Legrand 606 729 14 198 5,1%
LVMH 3 221 4 091 78 708 5,2%
Michelin 1 563 1 167 17 242 6,8%
Orange 5 916 6 758 42 594 15,9%
Pernod Ricard 477 545 28 201 1,9%
Peugeot 7 755 9 959 12 980 76,7%
Publicis 1 442 3 158 12 482 25,3%
Renault 11 661 12 497 27 183 46,0%
Safran 1 672 1 633 27 945 5,8%

1213
Saint Gobain 4 391 3 493 22 663 15,4%
Sanofi 8 257 7 341 106 245 6,9%

6419
Schneider
5 528 2 650 33 616 7,9%
Electric

7:16
Solvay 1 932 1 251 8 690 14,4%

9.24
Technip 3 241 2 685 5 615 47,8%
Total 14 647 18 292 112 077 .45.3 16,3%
Valeo 1 510 1 497 11 184 13,4%
Veolia
:129

4 274 3 148 12 238 25,7%


Environnement
Vinci 5 605 6 411 36 180 17,7%
9759

Vivendi 1 041 6 845 27 101 25,3%


8883

L’examen du tableau 1 révèle de fortes disparités dans les niveaux de


840:

cash rapportés à la capitalisation boursière des grandes entreprises


françaises. Par exemple, Peugeot SA détenait fin 2014, 7,7 milliards d’euros
9287

de trésorerie pour une capitalisation de 9,9 milliards, soit 76,7 %. À


l’opposé, Pernod-Ricard détenait seulement 545 millions d’euros pour une
r:210

capitalisation de 28 milliards d’euros, soit à peine 1,9 %. Au-delà de ce


constat, on note néanmoins qu’en moyenne ces grandes entreprises
Alge

détiennent des niveaux de trésorerie impressionnants. Le tableau 2 nous


renseigne sur la moyenne et quelques statistiques de cet échantillon.
:ESC
x.com
larvo
.scho

223
www
Tableau 2 : Statistiques sur la trésorerie des grandes entreprises françaises
(en millions d’euros)
Cash 2013 Cash 2014 Capitalisation Cash/Capi
Total 143 576 146 393 1 056 725 13,9%
Moyenne 4 102 4 183 30 192 19,2%
Médiane 3 241 3 113 22 663 15,4%
Ecart-type 3 320 3 723 26 937 16,5%
Max 14 647 18 292 112 077 76,7%
Min 477 545 5 615 1,9%

On observe que le total de cash détenu par ces entreprises fin 2014
s’élève à 146 milliards d’euros, un chiffre proche de celui de 2013 (143
milliards d’euros). En moyenne ces 35 entreprises détiennent 4,1 milliards
d’euros de cash, soit 19,2 % de leur capitalisation boursière. La médiane

1213
s’établit à 3,1 milliards de cash fin 2014. Ces chiffres témoignent de niveaux
de trésorerie très élevés. La question se pose donc bien de savoir pourquoi

6419
ces entreprises industrielles et commerciales détiennent autant de cash. À
noter que ce comportement n’est pas spécifique à la France puisqu’on

7:16
constate le même phénomène un peu partout dans le monde. D’où les
nombreuses études théoriques et empiriques cherchant à expliquer ce

9.24
comportement, car après tout la mission d’une entreprise industrielle ou .45.3
commerciale n’est pas d’accumuler du cash mais plutôt d’investir, de se
développer et ainsi de créer de la valeur.
:129
9759

2. Les théories qui justifient les trésoreries positives des entre-


prises
8883

La littérature économique et financière donne généralement quatre motifs


expliquant la détention de trésorerie positive par les firmes (Bates et al.,
840:

2009). Il s’agit des coûts de transaction, du motif de précaution, de la


fiscalité et de la relation d’agence. On peut ajouter à ces explications deux
9287

autres raisons : la recherche d’une flexibilité dans la gestion financière de


l’entreprise et l’absence d’opportunités d’investissement rentables.
r:210

2.1. Les coûts de transaction


Alge

L’approche classique en finance d’entreprise concernant la détention du


:ESC

montant optimal de cash est issue des modèles de Baumol (1952) et de


Miller et Orr (1966). Il s’agit dans ces approches d’optimiser le montant de
la trésorerie compte tenu des coûts de transaction associés à la conversion
x.com

d’actifs financiers pour faire face aux paiements que la firme doit effectuer.
L’idée principale est que le cash ne rapportant rien (ou pas grand-chose), il
larvo

faut en détenir le moins possible tout en évitant de multiplier les cessions


.scho

224
www
d’actifs financiers (titres de placement) pour limiter les coûts de transaction.
Le cash est ici considéré comme un stock, qu’il convient de minimiser,
comme tout autre stock (matière première, produits en cours et finis). Du fait
de l’existence d’économies d’échelle liées aux coûts de transaction, la
littérature en déduit que les grandes firmes devraient – tout au moins
relativement à leur taille – détenir moins de cash que les petites firmes.
L’existence d’économies d’échelle a notamment été mise en évidence par
Mulligan (1997).
Si cette approche permet de comprendre la détention de liquidités (cash)
par la firme, elle est cependant insuffisante pour expliquer les niveaux de
trésorerie détenus par les entreprises dès lors que par trésorerie nous
entendons la somme des liquidités et des actifs financiers facilement
mobilisables et considérés comme des « équivalents de trésorerie ». Or, c’est
bien ces montants de « trésorerie et d’équivalents de trésorerie » qu’il
convient d’expliquer et non seulement le niveau des liquidités. En effet,

1213
pourquoi détenir de tels actifs financiers qui sont censés rapporter moins que
les actifs industriels ou commerciaux ?

6419
7:16
2.2. Le motif de précaution
Avec ce motif, nous entrons davantage dans le débat sur les raisons qui

9.24
peuvent expliquer la détention de trésorerie positive (cash + cash
equivalent) par les entreprises. L’idée est que pour faire face à des chocs
.45.3
économiques néfastes, les entreprises constitueraient un matelas de sécurité
afin de survivre. Bien sûr, l’existence d’un marché de capitaux devrait
:129

permettre aux « bonnes » firmes d’avoir toujours accès aux financements


mais en pratique lorsque les marchés sont déprimés suite à un choc
9759

économique (comme celui de la crise des crédits subprimes), il est difficile


de trouver de l’argent que ce soit auprès des banques que des marchés.
8883

Aussi, les dirigeants des entreprises, face à un environnement économique


de plus en plus incertain, se prémuniraient en constituant d’épais matelas
840:

financiers de sécurité. Ainsi, Almeida et al. (2004) montrent que les firmes
9287

soumises à une contrainte de liquidité investissent davantage en trésorerie


que celles qui ne le sont pas. Han et Qiu (2007) démontrent également que
r:210

les niveaux de trésorerie des firmes sous contrainte augmentent avec la


volatilité des cash-flows.
Alge

L’actualité économique récente ne peut que conforter les dirigeants à la


prudence en matière de trésorerie. Lorsque, suite à une crise financière
comme celle des subprimes (2007-2008) le chiffre d’affaire s’écroule de 30 à
:ESC

40 %, et que les flux de trésorerie d’exploitation fondent, il est évident que


seules les entreprises ayant une solide situation de trésorerie peuvent
x.com

survivre. Les autres, grandes ou petites, sont balayées.


larvo
.scho

225
www
2.3. Le rôle de la fiscalité
Aujourd’hui, les grandes entreprises sont mondialisées et ont des filiales
un peu partout dans le monde. Nombreuses sont celles qui cherchent à
optimiser leur fiscalité en logeant directement ou indirectement (via des prix
de transfert) leurs profits dans des pays à faible taux d’imposition. Cela est
notamment le cas des entreprises américaines, voire européennes, qui
préfèrent laisser leurs bénéfices dans des filiales étrangères plutôt que de les
rapatrier et payer l’impôt sur les sociétés. Foley et al. (2007) montrent que
les firmes américaines dont les conséquences fiscales, suite au rapatriement
de leurs bénéfices, seraient préjudiciables ont tendance à détenir davantage
de trésorerie dans leurs comptes consolidés que les autres.
L’exemple d’Apple illustre parfaitement cette problématique fiscale liée à
la détention de cash. Cette entreprise qui dispose d’une des plus grosses
réserves de cash jamais détenues par une entreprise privée (145 milliards de

1213
dollars en 2012) a emprunté 17 milliards de dollars pour verser des
dividendes à ses actionnaires. Pourquoi ? L’explication est simple : si Apple

6419
rapatriait du cash de ses filiales, il fallait qu’elle paye des impôts aux États-
Unis. En d’autres termes, pour verser 17 milliards à ses actionnaires elle
aurait dû payer 9 milliards d’impôts et donc rapatrier 26 milliards de cash.

7:16
Du coup, la firme californienne a préféré emprunter sur les marchés

9.24
financiers (coût : 310 millions par an) d’autant plus qu’elle pourra bénéficier
de déductions fiscales sur les intérêts. .45.3

2.4. La relation d’agence


:129

La théorie de l’agence développée par Jensen (1986) reste un paradigme


9759

dominant en finance d’entreprise. Pour Jensen, la firme n’est qu’une fiction


juridique et un nœud de contrats. Chaque acteur est supposé maximiser son
8883

intérêt, même au détriment de ceux des autres parties prenantes. Par


exemple, les dirigeants des firmes non contrôlées peuvent rechercher
840:

davantage leurs propres intérêts que ceux des actionnaires. D’où le conflit
d’intérêt et la nécessité de mettre en place des mécanismes d’incitation pour
9287

réduire ses coûts d’agence. En ce qui concerne la détention de cash, on peut


supposer que les dirigeants enracinés de firmes ayant de faibles opportunités
r:210

d’investissement rentables (ou à valeur actuelle négative) préfèreront


conserver une importante réserve de cash plutôt que le distribuer à leurs
Alge

actionnaires via des dividendes ou des rachats d’actions. Ce faisant, ces


dirigeants augmentent leurs latitudes discrétionnaires et ont moins de compte
:ESC

à rendre à leurs actionnaires. C’est ainsi que Dittmar et Mahrt-Smith (2007)


et Harford, Mansi et Maxwell (2008) montrent que les dirigeants enracinés
x.com

ont davantage tendance à accumuler du cash que les autres.


larvo
.scho

226
www
2.5. La recherche de flexibilité financière
Dans un monde incertain et face à la nécessité pour les dirigeants de saisir
des opportunités d’investissement comme par exemple des acquisitions, on
peut comprendre la volonté des dirigeants d’avoir des trésoreries positives et
conséquentes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la valeur actuelle
nette des actifs de trésorerie n’est pas forcément négative (le cash rapportant
moins que le coût du capital) si on prend en compte la valeur de l’option que
comporte la détention de cash. Selon Michel Levasseur (1998), la trésorerie
est un actif présentant une valeur stratégique car elle peut permettre de saisir
des opportunités d’investissement intéressantes qui se présentent
aléatoirement à l'entreprise. Ainsi, on peut penser que des dirigeants
opportunistes soient tentés de conserver beaucoup de cash. Par ailleurs,
devant l’incertitude économique liée aux différentes crises financières,
comme celle des subprimes en 2007-2008, avoir un matelas de cash peut

1213
rassurer des dirigeants averses au risque. Gamba et Triantis (2008) montrent
que la valeur de la flexibilité financière dépend du coût des financements

6419
externes et du niveau d’imposition des sociétés. Falkender et Wang (2006)
étudient empiriquement la valeur marginale de la trésorerie pour des firmes
en rationnement de capital. Ils trouvent que la valeur marginale des liquidités

7:16
est plus élevée pour les firmes ayant de faibles niveaux de trésorerie, de

9.24
fortes opportunités d’investissement et des contraintes de financement
externe élevées. .45.3

2.6. L’absence d’opportunités d’investissements rentables


:129

L’excès de cash peut également s’expliquer par l’absence d’opportunités


9759

d’investissements rentables. Dans l’attente de perspectives meilleures, les


dirigeants accumuleraient des liquidités de façon à saisir des opportunités
8883

futures. Mais attention, de nombreuses recherches empiriques montrent que


l’excès de cash peut conduire à de mauvaises décisions qui détruisent de la
840:

valeur. Par exemple, Harford (1999) montre que les firmes ayant des niveaux
de trésorerie élevés ont tendance à surpayer leurs acquisitions. Mikkelson et
9287

Partch (2003), Pinkowitz, Stulz et Williamson (2006), et Kalcheva et Lins


(2007), sur un échantillon de plus de 5000 firmes de 31 pays, font le même
r:210

constat à savoir que l’excès de cash tend à favoriser des décisions conduisant
à des pertes de valeur pour les actionnaires. Ils trouvent, lorsque la
Alge

protection des actionnaires minoritaires est faible juridiquement, que la


valeur des firmes est d’autant plus faible qu’elles disposent de trésoreries
:ESC

élevées. On retrouve ici la problématique de la théorie de l’agence que nous


avons déjà signalée.
x.com
larvo
.scho

227
www
3. Les apports des études empiriques concernant le comportement
des entreprises en matière de trésorerie
Les études empiriques concernant les entreprises sont partielles et peu
comparables. Nous en présentons ci-dessous un aperçu pour quelques pays
développés et aussi quelques pays émergents en Asie. Cette mise en valeur
des facteurs explicatifs essentiels est une introduction à la présentation des
résultats d’une série d’entretiens semi-directifs effectués au dernier trimestre
2015 auprès de quinze entreprises françaises cotées.

3.1. Les travaux empiriques disponibles


Nous avons sélectionné, afin d’introduire les problématiques à analyser,
quelques articles dont les principaux axes exploratoires sont résumés ci-
dessous :
− l’apport respectif des approches et modèles de précaution et ceux

1213
basés sur la théorie de l’agence (Amarjit, G. et Charul, S. 2002,
Amess, K., Banerji, S. et Lampousis, A. 2015, Gao, H., Harford, J. et

6419
Li, K.2013) ;
− l’impact des crises financières (Chang, Y., Benson, K. et Faff,

7:16
R.2014) ;

9.24
− l’impact des systèmes fiscaux et de leurs spécificités (Flipse, 2012) ;
− les facteurs financiers caractéristiques des entreprises (Amarjit, G. et
.45.3
Charul, S. 2002, Ferreira, M. et Vilela, A. 2004) ;
− les facteurs de qualité de la gouvernance de l’entreprise (Ozkan, A.et
:129

Ozkan, N. 2004, Kusnadi, Y. 2011, Ginglinger, E.et Saddour, K.


2007, Tsung-Han Kuan, Chu-Shiu Li et Chwen-Chi Liu 2012) ;
9759

− la valeur du cash (Autukaite, R.et Molay, E. 2015, Boubaker, S.,


Derouiche, I.et Hassen, M. 2015, Chang, Y., Benson, K. et Faff, R.
8883

2014, Pinkowitz, L., Stultz, R. et Williamson, R. 2006) ;


− les opportunités d’investissement et de croissance (Ozkan, A. et
840:

Ozkan, N. 2004, Sher, G. 2014).


− Plusieurs monographies par pays et des comparaisons internationales,
9287

essentiellement en Europe, sont aussi disponibles :


− Allemagne (Abbas A. et Samran Y. 2013), États-Unis (Pinkowitz,
r:210

L., Stulz, R.et Williamson, R.2014, Ozkan, A. et Ozkan, N. 2004),


France (Ginglinger, E. et Saddour, K. 2007, Boubaker, S.,
Alge

Derouiche, I., Duc Khuong Nguyen 2015), Japon (Sher, G. 2014),


Suisse (Drobetz, W. et Grüninger, M., 2007), Taïwan (Tsung-Han
:ESC

Kuan, Chu-Shiu Li et Chwen-Chi Liu2012) ;


− Europe :(Flipse 2012, Agkuc, S.et Choi, J. 2013, Ferreira, M. et
x.com

Villela, A. 2004) ;
− International : Malaisie et Singapour (Kusnadi, 2011), plusieurs
continents (Pinkowitz, L., Stulz, R. et Williamson, R. 2006,
larvo

Kalcheva et Lins 2007).


.scho

228
www
3.2. Les entretiens avec des directeurs financiers et des trésoriers
Les entretiens semi directifs réalisés auprès des responsables financiers
de quinze entreprises françaises de taille importante, toutes cotées en Bourse,
ont permis de mettre en valeur des relations entre le niveau du cash
accumulé, sa volatilité et d’autres facteurs économiques, financiers ou de
gouvernance. Les différents éléments recueillis sont présentés ci-dessous.

3.2.1. Les facteurs structurels


Tous nos interlocuteurs ont d’entrée mis en valeur les différences de
situation entre :
− Les grands acteurs (en général des groupes plus ou moins
internationalisés) et les ETI/PME/TPE et plus encore les startups.
L’examen de la situation des entreprises de manière globale n’a pas de
sens. Elles appartiennent à des univers différents très éloignés les uns

1213
des autres. Les acteurs que nous avons interrogés ont tous des
fonctions de direction financière au sein de groupes cotés en Bourse et

6419
excédentaires en cash.
− Un de nos interlocuteurs a souligné la situation paradoxale dans

7:16
laquelle les entreprises évoluent aujourd’hui, les ménages présentant
un taux d’épargne historiquement élevé, des petites entreprises

9.24
souvent à la recherche de concours bancaires, des banques en situation
.45.3
de sur liquidité et en capacité de mobiliser de nouvelles ressources
auprès de la Banque Centrale et à la recherche de clients, des grands
:129

groupes excédentaires en cash et au contraire des agents publics


emprunteurs pour des montants historiquement très élevés afin de
9759

financer un pourcentage croissant de dépenses de fonctionnement.


L’épargne des ménages et les excédents de trésorerie des grands
8883

groupes sert donc à financer en partie les besoins des PME/TPE mais
surtout ceux de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité
840:

Sociale.
− Les différents acteurs ajustent leur niveau de cash en fonction
9287

d’objectifs prédéterminés, de la liquidité potentielle de leurs actifs et


de la durée moyenne de récupération de leurs investissements (pay
r:210

back) ; plus les actifs accumulés sont peu liquides et les pay back des
investissements réalisés longs, plus le niveau de cash est élevé ; ce
Alge

constat illustre bien le principe de précaution (Flipse, 2012) et la


flexibilité requise, éléments très présents dans la littérature.
:ESC

− Les entretiens effectués ne permettent pas de valider les résultats de


plusieurs auteurs (Pinkowitz, 2014) concluant à une relation positive
x.com

entre le niveau de cash accumulé et l’importance des dépenses de


recherche développement et/ou le nombre de brevets déposés chaque
année (voir par exemple les cas Peugeot et Sanofi) mais plusieurs de
larvo
.scho

229
www
nos interlocuteurs soulignent l’importance du facteur fiscal (Foley et
al., 2007, Flipse, 2012)

3.2.2. Les facteurs conjoncturels


Plusieurs interlocuteurs ont souligné les trois éléments suivants :
− Les comportements des acteurs avant et après la crise diffèrent ; les
explications proposées concernent l’accroissement du niveau
d’aversion au risque des décideurs financiers et surtout de leurs
supérieurs hiérarchiques (CEO) souvent peu formés à la finance
(Chang, 2014).
− La confiance, comme le montrent les indicateurs disponibles (enquêtes
diverses des instituts spécialisés, indice de la peur, par exemple) n’est
pas revenue à son niveau antérieur à 2007. L’idée partagée est que le
risque systémique n’a pas disparu sept ans après le début de la crise ce

1213
que traduisent les niveaux de volatilité constatés aujourd’hui comparés
à ceux de la période antérieure à 2007 et la réduction très forte du ratio

6419
Market value/Book value des entreprises financières.
− L’apprentissage des décideurs en application du principe de

7:16
précaution implique une augmentation du niveau de cash disponible
pour faire face à des situations difficiles et imprévues ; ce constat peut

9.24
être illustré au niveau de pays (cas de l’Algérie confrontée à des
revendications sociales récurrentes et aux variations du prix du pétrole
.45.3
et du gaz sur le marché international ainsi que du taux de change
Euro/US Dollars) mais aussi au niveau de groupes industriels,
:129

commerciaux et/ou de services confrontés à une crise profonde et


9759

durable (Alcatel) ou à des variations rapides et importantes de


perspectives de développement et des flux opérationnels associés
8883

(Arcelor).
840:

3.2.3. Les facteurs organisationnels


Les directeurs financiers/trésoriers interrogés soulignent l’importance des
9287

choix effectués en matière d’organisation de trésorerie et des contraintes


inhérentes au portefeuille d’activités de l’entreprise pour expliquer le niveau
r:210

total de cash accumulé, ceux-ci étant le plus souvent liés à la taille de


l’entreprise ou du groupe (Amarjit, 2012,Abbas, 2013, Ferreira, 2004,
Alge

Mulligan, 1997)).
− Certaines entreprises ont quasiment uniquement des activités dans des
:ESC

zones où les devises locales sont convertibles et les mouvements de


capitaux sont libres ou soumis à un contrôle formel, d’autres
x.com

entreprises (groupes) ont développé des activités dans des pays à


contrôle des changes stricts et à devises non convertibles ou
larvo

partiellement convertibles avec de fortes contraintes administratives.


.scho

230
www
Les niveaux de cash consolidés détenus augmentent de manière plus
que proportionnelle en fonction des contraintes rencontrées.
− Les groupes étudiés ont adopté des organisations de la gestion du cash
et des risques associés (risques de taux, de change et de prix) plus ou
moins centralisés avec des reportings de nature pyramidales plus ou
moins fréquents ; les groupes intégrés avec une centrale de trésorerie
unique détiennent moins de cash que les groupes dans lesquels la
gestion de trésorerie est, par exemple, centralisée par zone
géographique ou par métier.
− L’homogénéité ou la diversité des devises utilisées est aussi un
élément de différenciation des niveaux de cash accumulés et de la
diversité de leurs composants ; par exemple, certaines entreprises
effectuent l’essentiel de leurs opérations (achats, coûts de production,
ventes) et la publication de leurs comptes consolidés dans la même
devise, d’autres réalisent une faible partie de leurs opérations dans la

1213
devise de publications des comptes consolidés ; ces dernières
accumulent des matelas de cash libellés dans différentes devises

6419
relativement importants et ont aussi des risques de change plus
complexes et plus coûteux à gérer en particulier pour les entreprises

7:16
capitalistiques avec des pay back longs pour leurs investissements
(Lafarge Holcim offre un excellent exemple de cette situation).
9.24
.45.3
3.2.4. Les facteurs de gouvernance
Les entretiens que nous avons menés ont permis de mettre en valeur des
:129

problèmes d’agence (Jensen, 1986) et de valider certains résultats présentés


9759

dans la littérature dans le domaine de la gouvernance (Gao, 2013) :


− Un actionnariat relativement concentré et au moins structuré autour de
8883

quelques groupes dominants implique des niveaux de cash réduits et


en tout cas inférieurs aux moyennes et médianes constatées ; cet effet
peut être accentué par d’éventuels pactes d’actionnaires, des formes
840:

juridiques particulières (commandite par actions par exemple) et des


9287

systèmes de holdings réduisant les coûts d’agence ; les cas de l’Oréal,


de Michelin et de Kering illustrent ces conclusions.
r:210

− Des participations publiques importantes dans la structure de capital


(en pourcentage des actions disponibles mais plus encore en
Alge

pourcentage des droits de vote) ou encore des accords internationaux


de partage d’actionnariat sont liés à de niveaux de cash faibles ; les cas
d’Airbus et Safran confirment ces résultats.
:ESC

− Des actionnaires minoritaires nombreux et protégés par des


dispositions réglementaires relatives aux augmentations de capital,
x.com

aux offres publiques d’achats et aussi aux offres publiques de retrait


sont aussi liés à des niveaux de cash faibles comme l’illustre le cas de
larvo

l’Air Liquide et celui de Danone.


.scho

231
www
− Des actionnaires individuels faisant l’objet d’une politique de
communication de qualité correspondent aussi à des niveaux de cash
faibles comme le montrent les cas de l’Air Liquide, de Danone et de
l’Oréal.
− En revanche, le résultat de la littérature suivant lequel les entreprises
ayant des dirigeants enracinés (Dittmar et Mahrt-Smith, 2007,
Harford, Mansi et Maxwell, 2008, Boubaker, 2015) présentent des
niveaux de cash élevés n’est pas validé par nos entretiens et l’examen
des données présentées ci-dessus (cas de l’Air Liquide, de Danone ou
encore la stabilité du niveau de cash de Sanofi après le départ de son
dirigeant historique).

3.2.5. L’impact des politiques de financement d’opérations d’acquisitions


Les politiques de financement et/ou de refinancement et/ou de

1213
préfinancement d’opérations d’acquisitions ont une influence sur le niveau
de cash accumulé au moins à certaines périodes. Les niveaux de cash

6419
constatés dépendent non seulement de l’importance et du caractère plus ou
moins récurrent des cash flows (Han et Qiu, 2007, Agkuc, 2013 et Ozkan,

7:16
2004) mais aussi des choix de politiques effectuées et du niveau de
flexibilité désiré par le management. Ainsi :

9.24
− Danone présente un niveau de cash faible par rapport à la moyenne
des entreprises du CAC 40, une forte régularité des cash flows, un
.45.3
taux d’endettement le plus souvent proche de 25 à 30% du montant
des fonds propres mais a sécurisé sa capacité d’endettement à travers
:129

la négociation de lignes de crédit garanties par des établissements


9759

bancaires (multiple options facilities); cette politique a bien


évidemment un coût celui des options ainsi contractées
8883

(Levasseur,1998) qui lui-même est une fonction des notes obtenues


auprès des agences de rating (Gamba et Triantis, 2008).
− Axa a utilisé en 2001 le marché des obligations convertibles
840:

accessible à cette date à des taux très faibles pour constituer une ligne
9287

de cash à priori inutile, immédiatement replacée à court terme avant


d’être utilisée en partie pour financer l’achat de Winterthur quelques
r:210

mois plus tard ;


− BNP Paribas a proposé à ses actionnaires une augmentation de capital
Alge

à priori inutile dans une période de valorisation élevée de son action


après l’acquisition de la banque italienne BNL, mais qui a augmenté
:ESC

significativement le montant des liquidités disponibles et constitué une


réserve utile face à la crise à venir.
− D’une manière plus générale, les liens des entreprises (« la
x.com

proximité ») avec leurs banques réduisent le besoin de cash. La


comparaison des positions de cash accumulées et des participations
larvo
.scho

232
www
directes et indirectes des institutions financières dans leur structure de
capital le démontre.

3.2.6. Les arbitrages sur les actifs et la flexibilité


Les entreprises qui se trouvent en période d’arbitrage d’actifs, c'est-à-dire
de cessions de certains actifs suivies de réinvestissements des sommes
dégagées dans d’autres projets ou entreprises présentent des niveaux de cash
élevés mais le plus souvent pour une durée limitée :
− Vivendi, après la vente de plusieurs actifs et en particulier de sa
participation majoritaire dans SFR, correspond à ce cas de figure ; la
situation de ce groupe en 2014 annonce clairement de prochaines
acquisitions (Telecom Italia, Canal Plus) mais aussi compte tenu de
l’importance du cash accumulé une politique de retour aux
actionnaires par accroissement du dividende et rachat d’actions.

1213
− Alcatel en restructuration depuis plusieurs années a cédé de nombreux
actifs et offre un niveau de cash très élevé qui aurait pu permettre de

6419
nouveaux investissements et a finalement facilité son intégration au
groupe Nokia.

7:16
− Accor présentait fin 2014 un niveau de cash très élevé à la suite de
plusieurs opérations de désengagement d’actifs en Amérique du Nord,

9.24
de cessions dans des métiers connexes a son core business (Edenred)
et aussi de refinancement d’hôtels par des techniques de ventes
.45.3
assorties de contrats adaptés ou de lease back ;ces montants se
trouvaient alors disponibles dans l’attente de nouveaux projets
:129

d’investissements rentables s’inscrivant dans le core business du


9759

groupe ; une opération a été réalisée récemment par l’acquisition de


FRHI Hotels and Resorts modifiant le niveau de cash du groupe.
8883

3.2.7. L’impact sur la valeur de l’entreprise (ou du groupe)


840:

Les recherches effectuées sur ce thème ont démontré que les actionnaires
accordent à l’unité monétaire disponible en cash dans une entreprise une
9287

valeur inférieure à cette même unité monétaire (Autukaite, 2014). Ainsi, des
montants de cash élevés accumulés engendrent une destruction de valeur au
r:210

moins temporaire (Kusnadi, 2011). Les exemples fournies par des


entreprises appartenant à des secteurs différents et dans des situations
Alge

financières parfois opposées permettent d’illustrer cette affirmation (Alcatel


et Peugeot pour les entreprises en difficultés, Arcelor pour le cas d’attente de
:ESC

reprise de croissance organique, Orange, Publicis, Accor et Vivendi dans


l’attente de nouvelles opportunités d’investissement).
x.com
larvo
.scho

233
www
3.2.8. L’insuffisance des opportunités d’investissements rentables
Les entretiens que nous avons menés, au-delà des hypothèses et
conclusions mentionnés ci-dessus, convergent vers un diagnostic simple ;
l’augmentation du niveau moyen de cash à la sortie de la crise est nettement
plus élevé qu’avant le début de la crise ce qui s’explique aussi (en plus de
l’explication par le principe de précaution) par la disponibilité réduite
d’investissements potentiels présentant un couple rentabilité- risque
acceptable et au moins égal à celui du portefeuille d’investissements pré-
existant (Tsung-Han Kuang, 2012 et Ozkan, 2004).Cette situation est liée à
la faiblesse de la croissance non seulement en Europe mais aussi dans les
principaux pays émergents et au cycle déjà très avancé de l’économie en
Amérique du Nord. De rares opportunités apparaissent et sont
immédiatement saisies par les entreprises capables de financer ces opérations
(Accor, l’Air Liquide) indépendamment des montants de cash accumulés. La

1213
valeur de ces transactions est donc souvent surévaluée. Une situation de
surliquidité prolongée et des taux d’intérêt trop faibles associés à un

6419
phénomène de rareté des opportunités d’investissement entraîne toujours,
pour toutes les classes d’actifs, au moins un début de formation de bulle
(Harford, 1999 et Kalcheva et Lins, 2007).

7:16
Conclusion 9.24
.45.3
Le monde dans lequel Geneviève Causse a écrit sa thèse n’est plus. En
France, les entreprises de taille importante, surtout si elles ont accès aux
:129

marchés financiers, ne sont plus soumises aux contraintes bureaucratiques de


l’Administration et au bon vouloir de banques soumises aux ordres du
9759

Trésor. Le système financier a subi un « big bang » et les entreprises se sont


adaptées au nouvel environnement ouvert, concurrentiel, utilisant au mieux
8883

les banques et de plus en plus les marchés. L’innovation et l’ingénierie


financière ont ajouté de la flexibilité au système multipliant les choix
840:

disponibles pour le directeur financier et/ou le trésorier.


Le cash a depuis maintenant sept ans un coût très faible. Les politiques
9287

des Banques Centrales de taux faible et de Quantitative Easing (QE) ont


permis aux grandes entreprises mais aussi à d’autres acteurs de l’économie
r:210

de se financer à des coûts très faibles non seulement à court terme mais aussi
dans certains cas sur des maturités très longues. Seuls, les ménages et les
Alge

TPE qui ne peuvent se financer que par l’intermédiaire des banques


soumises à de nouvelles contraintes de structure de bilan, compte tenu de
:ESC

l’application des règles de Bâle, éprouvent encore aujourd’hui des difficultés


de financement.
x.com

Les problèmes rencontrés par les grandes entreprises dans la gestion de


leur cash relèvent donc d’autres éléments, le faible nombre d’opportunités
larvo

d’investissements rentables disponibles, le besoin de maintenir un niveau


.scho

234
www
élevé de cash de précaution et de flexibilité dans un monde incertain et
volatile, la nécessité de satisfaire les actionnaires et de leur apporter à court
et long terme l’augmentation de valeur exigée.
L’utilisation des modèles classiques basés sur les principes de gestion de
stocks (Baumol, 1952 et Miller et Orr, 2009) et d’obtention d’une trésorerie
zéro -ceux qui étaient enseignés et appliqués au cours de la période pendant
laquelle Geneviève a écrit sa thèse- ne méritent plus seuls l’attention du
monde académique et des praticiens de la finance. D’autres approches
privilégiant l’efficacité de la gestion de trésorerie dans des environnements
financiers complexes, la flexibilité et les outils optionnels, la réduction des
coûts d’agence, le choix de structures juridiques et d’actionnariat adaptés, la
qualité de la communication financière sont aujourd’hui mis en avant
(Amess, 2015). Mais si la maîtrise de ces éléments constituent des conditions
nécessaires, la clé du dispositif c'est-à-dire la condition suffisante pour
résoudre le problème rencontré, réaliser une bonne gestion de trésorerie,

1213
c'est-à-dire une gestion qui crée de la valeur pour l’entreprise, ses
actionnaires mais aussi l’ensemble de ses stakeholders se trouve dans la

6419
politique d’investissement mise en œuvre ; il ne s’agit pas de discuter une
fois encore de critères de choix mais d’identifier en amont de la phase

7:16
calculatoire de nouveaux projets d’investissements organiques ou par
croissance externe présentant des couples rentabilité-risque satisfaisants et
9.24
permettant une bonne utilisation de la trésorerie excédentaire .45.3
(Ferreira,2004,Tsung-Han Kuan, 2012 et Sher, G.,2014). Cet objectif est
plus facile à atteindre aujourd’hui par acquisition que par croissance
:129

organique, ce qui explique comme l’ont affirmé deux des directeurs


financiers interrogés, le redémarrage puis l’accélération récente de l’activité
9759

de fusion acquisition en Amérique du Nord puis en Europe compte tenu du


décalage des cycles économiques entre les deux continents.
8883
840:

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1213
6419
7:16
9.24
.45.3
:129
9759
8883
840:
9287
r:210
Alge
:ESC
x.com
larvo
.scho

238
www
Gouvernement d’entreprise :
rôle du conseil d’administration dans les institutions
de micro-finance (IMF) au Togo

Yao Messah Kounetsron1, Komivi Koumagnanou2

1213
La pérennité des institutions de micro-finance (IMF) suppose un

6419
management efficace et efficient de ces organisations. La nécessité de
protéger les intérêts des parties prenantes doit amener à réfléchir sur les

7:16
meilleurs mécanismes de gouvernance. Selon Labie et Périlleux (2009), la
question de la bonne gouvernance est essentielle pour les IMF. Malgré la

9.24
croissance rapide du secteur (Tchakoute Tchuigoua, 2010), on peut
remarquer que ces institutions ne sont pas épargnées par des difficultés
.45.3
conduisant parfois à leur disparition. Face à l’augmentation du nombre de
celles mises sous administration provisoire au Togo, il apparaît opportun
:129

d’examiner l’efficacité des mécanismes internes de gouvernance mis en


9759

place. C’est pourquoi, dans le cadre de ce document, nous allons nous


focaliser sur l’organe important qu’est le conseil d’administration.
8883

La question centrale de cette étude est : le conseil d’administration joue-t-


il concrètement son rôle dans les IMF ? L’analyse permettra alors de relever
les obstacles au bon fonctionnement de cet organe dans le cas spécifiques
840:

des institutions de micro-finance au Togo.


9287

Afin de répondre à cette question, nous adoptons une démarche


qualitative basée sur des entretiens avec deux membres de conseil
r:210

d’administration et un dirigeant d’une institution de micro-finance.


L’objectif de ces entretiens est d’appréhender la participation du conseil
Alge

d’administration à l’amélioration de la prise de décision des dirigeants des


IMF.
:ESC
x.com

1
Chef du Département des sciences de gestion à la Faculté des sciences économiques et de
gestion de l’Université de Lomé.
2
Enseignant-chercheur à l’Université de Lomé, Faculté des sciences économiques et de
larvo

gestion, et enseignant associé à l’Université catholique de l’Afrique de l’ouest – Unité


universitaire du Togo
.scho
www
Nous présenterons dans la première partie, la gouvernance et le rôle du
conseil d’administration selon la littérature. La deuxième partie sera
consacrée à la présentation de la méthodologie et des résultats et la troisième
partie sera focalisée sur la discussion des résultats.

1. Gouvernance : rôles du conseil d’administration


Les travaux de Berle et Means (1932) ont montré que la diffusion du
capital est source de perte de contrôle des entreprises par leurs propriétaires,
c’est-à-dire les actionnaires. Cette situation est caractéristique
essentiellement des grandes entreprises cotées. Ainsi, le besoin d’amener les
dirigeants de ces entreprises à agir dans l’intérêt des actionnaires a conduit à
la notion de gouvernance d’entreprise. Cette dernière connaît une évolution
la faisant passer d’une vision stricte à une conception élargie.

1213
Au sens strict, la gouvernance d’entreprise désigne l’ensemble des
dispositions prises pour contrôler les décisions des dirigeants dans le but
prioritaire de satisfaire les actionnaires (Charreaux, 1998). Les théories de

6419
l’agence et des droits de propriété sont les fondements théoriques de cette
conception de la gouvernance d’entreprise. Selon la théorie de l’agence telle

7:16
qu’elle est conceptualisée par Jensen et Meckling (1976), il existe un conflit

9.24
d’agence entre les dirigeants des entreprises et les actionnaires. Elle propose
soit des contrats prévoyant la rémunération de l’agent sur la base de son .45.3
résultat, soit l’investissement dans des systèmes d’information permettant de
suivre les activités des dirigeants (Eisenhard, 1989). Selon la théorie des
:129

droits de propriété, les actionnaires sont les propriétaires de l’entreprise, ce


qui leur donne le pouvoir de contrôle.
9759

Le gouvernement d’entreprise vise à limiter le pouvoir discrétionnaire des


dirigeants (Charreaux, 1997 ; Gomez, 2003). Selon Charreaux (1997), l’objet
8883

du gouvernement de l’entreprise est la répartition des pouvoirs dans


l’entreprise. Il s’agit d’un champ plus large que la question des relations
840:

entre les actionnaires et dirigeants. Ceci conduit à étudier les relations entre
l’entreprise et certaines de ses parties prenantes, celles détenant une créance
9287

légitime du fait de l’existence d’une relation d’échange. Un système de


gouvernement est d’autant plus efficace qu’il permet aux firmes de
r:210

maximiser la richesse créée pour l’ensemble des parties prenantes


(stakeholders) et, à un niveau supérieur, c’est offrir une plus grande capacité
Alge

de survie aux entreprises. La présence d’un actionnaire influent résout


fréquemment le problème traditionnel d’absence de contrôle dû à la
:ESC

dispersion de l’actionnariat.
C’est ainsi que Gomez (2003) distingue trois contenus juridiques du
x.com

pouvoir : le pouvoir discrétionnaire, le pouvoir souverain et le pouvoir


contrôlé. Le pouvoir discrétionnaire se caractérise par l’absence de nécessité
de rendre compte des décisions prises. La légitimité du dirigeant est
larvo

suffisante pour assurer celle de ses décisions. C’est l’espace du pouvoir


.scho

240
www
absolu et du secret. Le pouvoir souverain est caractérisé par des décisions
motivées mais pas contrôlées. Enfin, le pouvoir est contrôlé dans le cas où
les décisions sont à la fois motivées et contrôlées.
Plusieurs mécanismes sont alors utilisés pour assurer le contrôle des
entreprises. Charreaux (1997) distingue des mécanismes internes et externes.
Les mécanismes internes sont essentiellement : le contrôle direct des
actionnaires, le conseil d’administration, la structure formelle ou informelle,
la surveillance mutuelle, la culture d’entreprise et la réputation interne. Pour
ce qui concerne les mécanismes externes, l’auteur distingue :
l’environnement légal et réglementaire, les marchés des biens et services
financiers, du travail, l’environnement politique, le capital relationnel,
l’intermédiation financière et l’environnement sociétal médiatique. Parmi
ces mécanismes, le conseil d’administration semble le plus visible.
Les objectifs de la gouvernance varient suivant les approches théoriques
retenues (Charreaux, 2000). Au départ, la gouvernance doit éviter que les

1213
objectifs personnels ne conduisent à une plus faible création de valeur
actionnariale. Selon l’approche contractuelle de la gouvernance, le conseil

6419
d’administration est un instrument de discipline des dirigeants au service des
actionnaires, qui incite les dirigeants à être performant en utilisant soit les

7:16
systèmes de rémunération ou en menaçant de les évincer. Cette vision
correspond aux sociétés dites managériales, dans lesquelles le capital est
9.24
dispersé, aucun actionnaire ne pouvant exercer le contrôle. Selon l’approche
.45.3
partenariale, le rôle du conseil d’administration ne se limite plus à surveiller
les dirigeants au profit des actionnaires mais aussi à protéger l’ensemble des
:129

relations créatrices de valeur, à assurer un partage équitable et incitatif en


apportant une expertise. Selon l’approche stratégique, le rôle du conseil
9759

d’administration est de faciliter le développement de compétences, donc une


contribution cognitive. Le conseil d’administration peut être considéré
8883

comme un lieu d’échange et de discussion (Wirtz, 2006). Selon cet auteur, la


capacité d’une entreprise à créer durablement de la valeur ne se limite pas à
840:

la question de la discipline des dirigeants. La création de la valeur ne


découle pas seulement de la minimisation des coûts d’agence, mais aussi des
9287

capacités organisationnelles, connaissances et compétences spécifiques du


dirigeant et de ses équipes. La gouvernance doit alors jouer un double rôle
r:210

disciplinaire et cognitif. Selon Ginglinger (2001), le rôle du conseil


d’administration est de prendre les décisions importantes de l’entreprise et
Alge

de développer ses orientations stratégiques. Les dirigeants mettent en œuvre


les décisions du conseil d’administration qui peut également émettre des
:ESC

conseils et poser des questions.


En résumé, le conseil d’administration, au-delà de son rôle disciplinaire,
x.com

doit contribuer au développement des compétences nécessaire à


l’identification des meilleures opportunités de création de valeur et à
l’amélioration de la prise de décision dans l’entreprise.
larvo
.scho

241
www
La question de la gouvernance des IMF est très importante et mérite une
attention particulière pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la croissance
du secteur, mesurée en fonction des services proposés, du nombre de clients,
du montant des actifs…, et le nombre important de changements
institutionnels (Labie et Mersland, 2009 ; Wele, 2009). Labie et Mersland
(2009) insistent sur la particularité de la gouvernance des IMF, définie
comme un ensemble de mécanismes par lesquels une organisation est dirigée
et contrôlée afin de réaliser sa mission et ses objectifs.
Le nombre des études sur la gouvernance des IMF est relativement faible
(Tchakoute Tchuigoua, 2010). Les études existantes sont axées sur les liens
entre gouvernance et performance des IMF. Sur la base d’une étude portant
sur 64 institutions africaines, cet auteur a révélé l’absence de relation
significative entre les mécanismes de gouvernance internes et la performance
des IMF. Seule la supervision (un mécanisme externe) influence
significativement la rentabilité et la viabilité des IMF. Les résultats montrent

1213
aussi que le conseil d’administration est l’organe de gouvernance dominant
car visible dans plus de 90 % des IMF étudiées. Pour Wele (2009), le conseil

6419
d’administration est essentiel dans les IMF car il constitue le tampon entre
les dirigeants-gestionnaires et les intérêts extérieurs. Selon lui, la qualité de

7:16
la gouvernance varie suivant le statut des IMF. Les institutions de crédit
direct disposent d’un système de gouvernance plus efficace que les
9.24
institutions mutualistes ou coopératives et les organisations non .45.3
gouvernementales.
Dans le cadre de cette contribution, une attention particulière sera portée
:129

sur l’efficacité ou la capacité du conseil d’administration à assumer les rôles


disciplinaire et cognitif.
9759

Dans son rôle disciplinaire, le conseil d’administration dispose de deux


leviers essentiels d’action à savoir la révocation et la rémunération du
8883

dirigeant (Ginglinger, 2001). Le rôle cognitif du conseil d’administration


réside dans sa capacité à favoriser les meilleures décisions des dirigeants à
840:

travers les échanges et discussions (Wirtz, 2006).


9287

2. Le conseil d’administration dans les IMF


r:210

Dans cette partie, nous présenterons les résultats que nous analyserons à
la lumière de la littérature existante. Cependant, afin de faciliter la lisibilité
Alge

de ces résultats, nous exposerons au préalable la méthodologie suivie dans


cette étude.
:ESC

2.1. Approche méthodologique


x.com

L’approche qualitative retenue s’est concrétisée par des entretiens avec


trois personnes à savoir : un président de conseil d’administration d’une
larvo

institution mutualiste, un ancien membre de conseil d’administration et un


.scho

242
www
dirigeant d’une coopérative. Les entretiens ont porté sur les sujets que nous
considérons comme importants pour la gouvernance, d’une part ceux
concernant le recrutement, la rémunération et le licenciement des dirigeants,
d’autre part, ceux relatifs aux décisions de gestion du crédit, d’affectation
des résultats et aux décisions stratégiques (expansion, financement,
investissement). Les trois personnes interrogées sont issues de trois
institutions différentes de microfinance. Il s’agit d’un choix par convenance
dans le but de montrer le fonctionnement limité du conseil d’administration
dans ces institutions. Sur une population d’une centaine d’institutions de
microfinance, ces trois institutions permettent de révéler les difficultés
actuelles de gouvernance que connaît le secteur.
Cas 1 : C’est une institution de microfinance exerçant ses activités au
sein d’une ONG dont l’objectif principal est l’assistance aux groupements
féminins. Il s’agit d’encourager les femmes à s’organiser en groupements
afin de mener des activités créatrices de revenu. L’assistance apportée par

1213
cet organisme est à la fois en termes de conseil et d’appui financier. Ainsi
l’ONG a progressivement mis en place une institution de micro-finance

6419
gérée par les mêmes responsables de l’ONG. Les organes suivants ont été
mis en place : un comité de crédit, un conseil de surveillance et un conseil

7:16
d’administration.
Le conseil d’administration est composé de trois membres élus par les
9.24
adhérents lors de l’assemblée générale : un trésorier, un secrétaire et un.45.3
président. Le conseil se réunit une fois l’an. Le président du conseil
d’administration est âgé d’une soixantaine d’année et son niveau
:129

d’instruction est le secondaire. Il exerçait au moment de l’étude une activité


de commerce de céréale et occupait le poste de président du conseil
9759

d’administration (PCA) depuis trois ans, au cours de son deuxième mandat.


Cas 2 : C’est une institution d’épargne et de crédit mutualiste mise en
8883

place par une ONG internationale dont l’objectif est de soutenir les femmes
entrepreneurs qui ont démontré une forte potentialité d’expansion de leurs
840:

activités. Le répondant, un ancien membre de conseil d’administration, est


un enseignant de l’enseignement supérieur désigné par cooptation dans le
9287

conseil d’administration de cette structure de microfinance.


Cas 3 : C’est une fédération d’institutions de micro finance créée en
r:210

1969. Elle est constituée à la base par trente-neuf coopératives d’épargne et


de crédit (COOPEC) et une structure faîtière qui coordonne les activités des
Alge

COOPEC de base. Le réseau a pour mission de promouvoir la création et


l’expansion des COOPEC sur toute l’étendue du territoire national et de
:ESC

contribuer ainsi au mieux-être économique et social de ses membres.


Les organes de la faîtière sont calqués sur celui de la COOPEC de base à
x.com

savoir : le conseil d’administration, le comité de crédit, le conseil de


surveillance et l’organe de gestion. Les COOPEC fonctionnent de façon
autonome et disposent d’une structure organisationnelle identique. Chaque
larvo

COOPEC dispose de ses propres organes de décision qu’ils soient


.scho

243
www
stratégiques ou de gestion. Le répondant dans ce cas est le directeur de la
faîtière.

2.2. Le rôle du CA dans le choix, la rémunération et le licenciement


des dirigeants
Selon le PCA interviewé, le CA a un réel pouvoir de choix des dirigeants
ou de remplacement d’un dirigeant, car les textes de l’institution sont sans
ambiguïté. En cas de dysfonctionnements constatés, la procédure consiste à
convoquer le dirigeant à une séance du CA, au moins une fois, pour lui
donner une chance de justifier les comportements jugés déviants. Les
comités de crédit et de surveillance en envoyant leurs rapports au conseil
d’administration permettent au conseil de suivre les performances du
dirigeant et peuvent alors décider de l’évincer. Cependant le conseil
d’administration ne décide pas de la rémunération des dirigeants même si ces

1213
derniers ont l’obligation de communiquer leur rémunération au conseil.
Le deuxième entretien confirme le pouvoir du CA en matière de

6419
nomination ou de révocation des dirigeants de l’institution. Le fait d’être
coopté n’influence en rien le rôle de contrôle confié au conseil

7:16
d’administration dans cette deuxième institution. De plus, le CA a un droit
effectif de regard sur la rémunération des dirigeants et a la possibilité de

9.24
réduire le salaire du dirigeant s’il est jugé excessif.
Dans le dernier cas, le pouvoir du CA est réel en matière de rémunération
.45.3
et de licenciement des dirigeants au niveau de la faîtière. Il faut néanmoins
souligner que c’est un bras de fer qui s’engage lorsqu’il y a lieu de revoir la
:129

rémunération du dirigeant ou pour l’évincer.


Ces résultats montrent effectivement un rôle disciplinaire du conseil
9759

d’administration dans les institutions de microfinance malgré le statut de ces


organisations et l’absence d’actionnaire dominant. Le mode de désignation
8883

des membres du CA par cooptation ne semble pas jouer négativement sur le


rôle du conseil. Cependant on peut relever une limite liée au fait que les
840:

membres du CA sont des bénévoles. Ceci ne les empêche pas de demander


9287

et d’obtenir la démission des dirigeants en cas de mauvaise gestion. Dans le


cas 2, pendant longtemps, le dirigeant a caché la mauvaise performance de la
r:210

structure. Mais, dès que le conseil d’administration l’a su à la suite d’un


audit externe, il a été licencié.
Alge

2.3. Le rôle cognitif du conseil d’administration


:ESC

On constate que dans les trois institutions, la participation du conseil


d’administration à la gestion courante de l’IMF est très limitée, ce qui n’est
x.com

d’ailleurs pas son rôle. Cependant le conseil intervient pour ce qui concerne
les décisions stratégiques. À ce niveau, le conseil d’administration
larvo

fonctionne comme une chambre de validation qui manque suffisamment


.scho

244
www
d’arguments pour des discussions approfondies sur les propositions des
dirigeants. Ce constat est bien visible dans le cas 3. Ce cas est intéressant car
il s’agit d’une organisation faîtière qui regroupe plusieurs coopératives
dotées d’un organe de direction. L’organe de direction est chargé de planifier
les activités stratégiques dans le long terme et de définir les orientations de
l’IMF. Ainsi, les orientations stratégiques sont élaborées par les directeurs
dans chaque coopérative et soumises au CA pour appréciation. Ceci
s’explique par deux raisons essentielles. D’abord, le manque de compétences
des administrateurs favorise cette situation dans les IMF. En effet, la plupart
des membres n’ont pas un niveau de formation académique leur permettant
d’élaborer un plan stratégique, ou ils manquent de moyens pour se former
aux outils de planification stratégique. De plus, les administrateurs ne
maîtrisent pas le fonctionnement de leurs structures et n’ont pas
d’informations sur l’évolution des activités. Ceci s’explique par le fait que
les administrateurs s’impliquent peu dans la gestion de l’IMF. En effet, la

1213
fonction des administrateurs n’est pas rémunérée dans les IMF, ce qui
conduit les membres du conseil d’administration à limiter leur l’implication.

6419
7:16
3. Discussion des résultats

9.24
Ces dysfonctionnements constatés dans les institutions de micro-finance
tiennent au fait que ces organisations prennent essentiellement la forme .45.3
juridique de coopérative ou d’association. En conséquence, tous les membres
sont égaux car ils apportent une part sociale de même montant. De plus, les
:129

membres majoritairement sont issus du secteur informel et des populations à


faible niveau de formation. Ils sont généralement rejetés par les banques
9759

classiques. Ainsi choisir les membres du conseil d’administration parmi les


adhérents de la coopérative ne permet pas d’avoir les compétences qu’il faut
8883

pour assurer le bon fonctionnement de cet organe très important de la


gouvernance. Cette situation laisse dans les mains des managers un pouvoir
840:

de gestion très étendu et aussi une forte influence sur le conseil


d’administration. Même dans le cas où des personnalités extérieures sont
9287

cooptées comme dans le cas 2, ces personnes n’exerceront pas la fonction


généralement dévolue à un administrateur compte tenu du fait qu’il s’agit
r:210

d’un travail bénévole et que leur mode de désignation ne leur donne aucun
pouvoir sinon celui de défendre l’intérêt des dirigeants, c'est-à-dire de ceux
Alge

qui les ont proposés comme administrateurs.


Cependant, suivant sa fonction disciplinaire, le CA oriente les actes des
:ESC

dirigeants dans l’intérêt de l’institution. Il défend l’intérêt commun des


actionnaires au moyen d’une discipline imposée aux dirigeants grâce au
x.com

contrôle qu’il exerce sur eux. En outre, le CA détient un autre moyen de


contrôle et de pression, le suivi budgétaire. Ce dernier permet au CA de
surveiller que les dépenses sont en conformité avec les prévisions faites. Par
larvo

ailleurs, l’évaluation du plan d’activités et le suivi de l’exécution des


.scho

245
www
décisions prises lors de l’assemblée plénière permettent également l’exercice
d’une discipline des dirigeants.
En conclusion, l’efficacité du conseil d’administration dans les
institutions de microfinance dépendra de la qualité et des compétences des
membres choisis, ainsi que des mécanismes d’incitation mis en place. On
constate que la faiblesse des compétences des membres du conseil
d’administration ne constitue pas un handicap dans l’exercice du rôle
disciplinaire. Mais pour ce qui est de la contribution à l’amélioration de la
gestion à travers des questionnements et des propositions, le CA est presque
inexistant car ses membres n’ont pas les compétences attendues du fait qu’ils
sont généralement choisis parmi les membres des coopératives constituées
essentiellement des populations à faible niveau d’éducation. Il apparaît alors
important pour rendre opérationnel les CA dans les institutions de
microfinance, d’insister sur les qualifications et compétences dans le choix
des administrateurs.

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1213
PARTIE 4.

La comptabilité dans son environnement économique


et culturel

1213
La comptabilité est une techno-science située : située dans une
civilisation, dans les contraintes économiques, sociales et politiques du

6419
moment, dans une communauté de professionnels, d’utilisateurs, de
normalisateurs et de chercheurs.

7:16
De ce fait, la première question qui vient à l’esprit est de se demander si
la comptabilité peut avoir un statut de science ou si elle est l’un des modes

9.24
d’expression d’une idéologie.
Par définition, la normalisation internationale des pratiques de la
.45.3
comptabilité et de l’audit ignore les contingences locales. Ce conflit entre
mondial et local s’observe notamment en Afrique du fait de la moindre
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capacité de résistance des normalisateurs nationaux ou régionaux qui


disposent de peu de ressources en dépit des efforts déployés. L’une des
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spécificités des économies africaines est la part importante du secteur


informel qui, par définition, échappe à la codification écrite de ses modes de
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fonctionnement. Un autre exemple de spécificité est le regard porté par les


vietnamiens sur l’audit et sa pratique avec, notamment, le rôle des grands
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cabinets internationaux.
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L’évolution des technologies et notamment la révolution numérique


constituent un autre facteur de contingence remettant en cause tant les
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pratiques professionnelles et l’organisation de la profession comptable que la


nature des formations permettant l’accès à cette profession.
Enfin, le contexte économique et social avec, notamment, la question de
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l’euro en Europe et l’émergence des préoccupations liées à la responsabilité


sociale de l’entreprise (RSE) ne peut être ignorée des comptables.
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