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Collection

Urgences dentaires
et médicales
Conduites à tenir
Prévention chez le patient à risque
Yves BOUCHER
Edouard COHEN

Préface du Pr Jean AZÉRAD

Editions CdP
Collection

Dirigée par Henri Koskas

Urgences dentaires
et médicales
Conduites à tenir
Prévention chez le patient à risque

Avec la collaboration de :
S. AGBO-GODEAU, F. ANAGNOSTOU, Ch.-D. ARRETO, S. AZOGUI-LÉVY, P. CARPENTIER,
Ch. CHARTIER, B. COURRIER, B. CHRISTIAN, J. COHEN-LÉVY, N. DAVIDO, R. DUCLOS, V. DESCROIX,
R. FELIZARDO, I. FRAYSSIGNES, O. FROMENTIN, M. HENNEQUIN, C. HUSSON, R GARCIA, Ph. KATZ,
G. KHUN, S. KERNER, G. LESCAILLE, P. MACHTOU, Ch. MICHEAU, P. MISSIKA, D. MIRISCH,
H. MOIZAN, D. MORICE, Ch. NAULIN-IFI, G. PEIFFER, P. PIONCHON, F. ROBICHON, Y. ROCHE,
A. SABET, S. SIMON, R. TOLEDO-ARENAS, B. TOURÉ

Editions CdP
Éditions CdP - Wolters Kluwer France
1, rue Eugène-et-Armand Peugeot - 92856 Rueil-Malmaison Cedex

© W o l t e r s Kluwer, 2007

ISBN 978-2-84361-114-8

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de
l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées
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Auteurs XIII Chapitre 4
Collaborateurs XIV Le dossier du patient 25
Préface XIX
Introduction 1 I - Introduction 25

I - Absence de définitions 1 II - Principes fondateurs 25


II - Perception du caractère d'urgence 1 1 - Au niveau clinique 25
2-Au niveau de la gestion 25
III - Épidémiologie des urgences 2
III - Contenu du dossier du patient 26
IV - Objectifs du traitement de l'urgence 3 1 - Données 26
V - Moyen à mettre en œuvre pour traiter l'urgence 3 2- Recommandations sur la tenue d'un dossier 26
3 - Odontologie médico-légale 28
IV - Conservation du dossier 28
PARTIE 1 - Urgences : données générales

Chapitre 5
Chapitre 1 Sédation lors des urgences en odontologie 29
Urgences et déontologie — considérations
I - Introduction 29
médico-légales 7
II - Mécanismes 29
I - Urgences et déontologie 7 1 -Indications d'ordre neurophysiologique 29
1 -Peut-on refuser une urgence ? 7 2-Indications d'ordre cognitivo-comportemental 31
2-La prise en charge du patient 8
III - Populations concernées 31
3- Le service de garde 9
1 - Immaturité développementale 31
4-L'urgence en cours de soins 9
2-Troubles cognitifs, déficience mentale, démence ..32
5-Sanctions disciplinaires : jurisprudence 9
3-L'anxiété ou la phobie dans le contexte du soin
II - Responsabilité médico-légale du traitement
d'urgence 10 IV - Les agents de la sédation 33
1 -Généralités 10 1 -Les techniques non pharmacologiques 33
2-La consultation en urgence 11
2- Les procédures pharmacologiques 34
V - Les procédures de sédation en urgence 37
Chapitre 2
VI - Conditions de sécurité 38
Enjeux de santé publique — épidémiologie 13

I - Introduction 13 Chapitre 6
Analgésie 43
I I - Problématique 13
I -La permanence de soins 13 I - Introduction 43
2-Les usagers des urgences - enquêtes 14
II - Évaluation de la douleur 44
III - Quelles actions pour quelles améliorations ? 15
1 -Entretien d'évaluation de la douleur 44
2-Outils d'évaluation 45
Chapitre 3 III - Examen clinique 48
Gestion des urgences — appel téléphonique 19
IV - Douleurs d'origine non dentaire 48

I- Généralités.........................................................................19 V - Choix du traitement 49


1 -Orientation des urgences - appel téléphonique 19 1 -Objectifs du traitement 49
2- Principes de l'orientation 19 2-Traitement étiologique vs traitement palliatif 49
3-Gestion des urgences 22 3 - Stratégie thérapeutique 49

III
Urgences et risques
Table des matières

VI - Choix d'un antalgique 50 4-Intrusion 84


1 -En fonction de la cause de la douleur 50 5-Expulsion 86
2-En fonction de l'intensité des douleurs 50 Il - Traumatismes avec fractures 88
3- En fonction des contre-indications et effets
1 -Fractures coronaires 88
indésirables 52
2-Les fractures radiculaires 97
4- Chez l'enfant 53
3-Traumatismes des tissus péridentaires 100
VII - Modalités de prescription 53

Chapitre 9
PARTIE 2 - Urgences orofaciales Traumatisme des tissus mous oraux
et péri-oraux : conduite à tenir 103
Chapitre 7
I - Épidémiologie 103
Urgences endodontiques 57
II - Types de traumatismes 104
I - L'urgence en endodontie 57
III - Microbiologie des morsures animales
II - Spécificité de la douleur en endodontie 57
et humaines 104
1 - Pulpe dentaire 57
2- Parodonte péri-apical 58 IV - Examen clinique 105

III - Établir le diagnostic 58 V-Traitement 105


1 - L'historique dentaire 59 1 -Antibiothérapie 105
2- L'examen clinique 59 2- Ambulatoire ou hospitalisation 106
IV - Pathologies pouvant conduire à une consultation 3-Traitement curatif 106
en urgence 61 4-Résumé 106
1 -Douleurs d'origine pulpaire 61
2- Pathologies péri-apicales 64 Chapitre 10

V - Traitement de l'urgence endodontique 66 Urgences parodontales 109


1 - L'anesthésie 66
I - Le syndrome du septum 109
2- La pulpite réversible 67
3-La pulpite irréversible 67 II - L'abcès parodontal 110
4- Parodontite apicale 72 1 -Étiologie 110
5-Abcès apical aigu 74 2-Diagnostic 110
VI - Prescription médicamenteuse et urgence 3-Diagnostic différentiel 110
endodontique 75 4-Traitement 111
1 -AINS et prémédication 75 III - Maladies parodontales nécrotiques :
2-Prescription raisonnée et prise en charge gingivites ulcéro-nécrotiques et parodontites
de la douleur 75 ulcéro-nécrotiques 111
1 -Historique — définitions 111
Chapitre 8 2-Épidémiologie 112
Traumatismes alvéolodentaires 79 3 - Signes cliniques 112
4- Diagnostic différentiel 112
I - Les traumatismes dentaires sans fractures dentaires 79 5-Histopathologie 113
1 -Concussion et subluxation 79 6-Bactériologie 113
2-Extrusion 81 7-Facteurs de risques 113
3-Luxation latérale 81 8-Traitement 114

IV
Chapitre 11 IV - Lichen plan érosif majeur 134
Péricoronarites 117 V - Stomatite allergique de contact 135

VI - Angina bullosa haemorrhagica 135


I - Péricoronarite aiguë congestive 117
V I I - A p h t e géant 135
II - Péricoronarite suppurée .. 117
VIII - Érythème polymorphe 136
III - Péricoronarite chronique 117
IX - Primo-infection VIH 137
IV- Le traitement des péricoronarites 118
X - Zona 137

Chapitre 12 XI - Gingivo-stomatite nécrotique et Noma 138


Cellulites 119 1 - N o m a et maladie infectieuse 138
2-Formes cliniques 138
I- Tuméfactions......................................................................119 XII - Maladie de Kawasaki 138
II - Cellulites maxillo-faciales d'origine dentaire 119 XIII - Brûlures buccales ou stomatodynies 138
1 -Causes et formes cliniques 119
XIV - Ulcérations traumatiques 138
2-Voies de diffusion des cellulites odontogènes 120
XV-Tumeurs 139
III - Cellulites odontogènes circonscrites aiguës 122
1 -Topographie des cellulites odontogènes
circonscrites 122 Chapitre 14
2-Aspects cliniques de la tuméfaction 122 Urgences en cancérologie buccale 141
3-Stades cliniques des cellulites aiguës 122
4- Examens cliniques complémentaires 123 I - Le cancer buccal est une urgence diagnostique 141
5- Examens paracliniques 123 1 -Généralités 141
6-Confrontation imagerie-clinique 124 2-Caractéristiques cliniques générales des cancers
7-Diagnostic 124 buccaux 142
IV - Cellulites odontogènes extensives ou diffuses 124 II - Le cancer buccal est une urgence thérapeutique 143
1 -Topographie 125 1 - L'extension locale 143
V-Cellulite gangréneuse.....................................125 2- L'extension ganglionnaire clinique 143
3- L'extension métastatique (M+) 143
VI - Les cellulites chroniques 125
4-Examens complémentaires 143
VII - Traitement des cellulites cervico-faciales 5-Traitements des cancers de la cavité buccale 143
d'origine dentaire 126
III - Prise en charge des complications du traitement
1 -Traitement chirurgical 126 des cancers 144
2- Traitement pharmacologique 129 1 -Les complications précoces 144
VIII - Diagnostic différentiel - autres tuméfactions............130 2-Les complications à distance 145
IV - Surveillance du malade 146
Chapitre 13
Urgences des muqueuses buccales 133 Chapitre 15
Urgences en pathologie salivaire 149
I - Primo infection herpétique 133
1- Le tableau clinique 133 I - Introduction 149
2-Le traitement 134
II - Les différentes infections des glandes salivaires 149
II- Pemphigus vulgaire......................................................134 1-Oreillons 149
III- Pemphigoïde cicatricielle 134 2-Autres sialites virales 150

V
Urgences et risques
Table des matières

3-Sialadénites bactériennes 150 2-Étiologie 176


III - Parotidites chroniques de l'adulte 152 3-Le diagnostic positif 177
4-Diagnostic différentiel 177
IV - Sialites tuberculeuses 152 5-Le traitement 177
V - Adénites parotidiennes 153
VI - Submandibulite aiguë non-lithiasique de l'adulte ...154 Chapitre 17
VII - Sialodochites 154 Urgences et risques chez l'enfant 181
1 -Lithiases des glandes salivaires principales 154
I - Introduction 181
2-Lithiases submandibulaires 154
3-Lithiase parotidienne 156 II - L'urgence douloureuse chez l'enfant 181
4-Lithiase sublinguale 157 1 - Dents temporaires 181
2- Dents permanentes immatures 182
VIII - Sialadénoses 157
1 -Clinique 158 III - L'urgence traumatologique 183
2-Examens cliniques 158 1 -Introduction 183
3-Traitement 158 2-Prise en charge de l'urgence traumatique 183

IX - Sialoses systémiques 158


1 -Maladie de Gougerot-Sjogrën 158 Chapitre 18
2-Sarcoïdose 159 Urgences en chirurgie buccale -
3-Maladie de Kimura 159
complications 193
X-Kystes 159
1 - Kystes lymphoépithéliaux 159 I - Complications per ou postopératoires immédiates .193
2- Les kystes mucoïdes ou ranulas ou grenouillettes ..160 1-Alvéolites 193
2-Emphysème 194
XI - Tumeurs des glandes salivaires 160
3-Projection de corps étranger 194
1 -Tumeurs épithéliales 160
4-Communication bucco-sinusienne (CBS) 195
2-Tumeurs non épithéliales ou de nature
5- Lésions nerveuses 197
conjonctive 162
6-Fractures 199
II - Prévenir et évaluer la difficulté du geste
Chapitre 16 opératoire 200
Algies et dysfonctions 1 -Variables liées au patient 200
de l'appareil manducateur 167 2-Variables anatomiques 200

I - Les ADAM musculaires 167


Chapitre 19
1 -La douleur musculaire isolée 167
2-Les douleurs musculaires diffuses (douleur
Chirurgie implantaire et urgences 205
myofasciale - fibromyalgie) 168
I - Prévention des urgences 205
II - Les ADAM articulaires 171
1 - Complications peropératoires 205
1 - La capsulite 171 2-Complications postopératoires immédiates 206
2- Les déplacements discaux 171 3-Complications postopératoires 207
III - Lésions des surfaces articulaires 174
1 -Arthrose 174
Chapitre 20
2- Polyarthrite rhumatoïde (PR) 174
Urgences prothétiques 211
3- Luxation condylienne 175
IV - Limitation d'ouverture buccale aiguë - trismus 176 I - Quelle urgence en matière de traitement
1 -Définitions 176 prothétique ? 211

VI
II - Quelle réponse prothétique apporter 2- Message d'alerte 234
à cette demande en urgence ? 211 IV - Approche diagnostique — bilan de gravité 234
1 - La demande du patient est-elle justifiée ? 211 1 -L'interrogatoire 234
2- Peut-on apporter une réponse immédiate réaliste 2-Le bilan de gravité 235
sur le plan technique et clinique ? 212
3-Quelle responsabilité endosse-t'on en intervenant V - L'attitude à adopter par le praticien 235
en urgence sur une prothèse réalisée ? 212
III - L'urgence en prothèse fixée 212 Chapitre 23
1 -La nature du matériau 212 Prévention des urgences médicales
2-Agrégation par collage 212 au cabinet dentaire 237
3-Collage sur un support constitué de céramique
feldspathique 215 I - Évaluation de l'état de santé du patient 237
IV - L'urgence en prothèse amovible 216 1 -Le questionnaire médical 237
1 -Fracture 216 2-L'examen clinique 237
2-Douleur 217
II - Risque médical et précautions à prendre 238

III - Appréciation du degré d'anxiété 239


Chapitre 21
IV - Réduction du stress 239
Les urgences en orthodontie 223

I - Introduction 223 Chapitre 24


II - Urgences médicales et orthodontie 223 Malaises — comas 243
1 - Ingestion accidentelle 223
2- Inhalation accidentelle 223 I - Malaises 243
1 - Définition 243
III - Composition de l'appareil multi-attache
2-Le malaise vagal 243
et incidents fréquents pouvant conduire
3-Malaise cardiaque : la syncope 243
à une consultation d'urgence 225
4- Malaise hypoglycémique 244
1 -Ajustement des bagues orthodontiques 225
5- Les diagnostics différentiels 244
2- Dispositifs annexés aux bagues orthodontiques :
ancrages fixes et amovibles 226 I l - Coma 245
3-Attaches orthodontiques collées 226 1 - Définition 245
4- Arc orthodontique 227 2-Tableau clinique 245
5-Ligatures 227 3- Conduite à tenir 245
6-Douleur et mobilité dentaire 228 4- Attitude thérapeutique définitive 246
7- Irritations muqueuses 228

Chapitre 25
PARTIE 3 - Urgences médicales Douleurs thoraciques non traumatiques 247

I - Douleur thoracique sur terrain vasculaire 247


Chapitre 22 1 -Le syndrome coronarien aigu
Les urgences médicales au cabinet dentaire 233 (infarctus du myocarde) 247
2- La dissection aortique 248
I - Responsabilité 233
II - Douleur thoracique chez un sujet jeune 249
II - Épidémiologie 233 1 - Pneumothorax spontané 249
III - Numéros d'urgence 233 2- Dissection aortique 249
1 -Les unités de secours 233 III - Autres douleurs thoraciques non traumatiques .249

VII
Urgences et risques
Table des matières

1 - L'embolie pulmonaire 249 2-Tableau clinique 260


2-Autres 250 3-Conduite à tenir en cas de projection de corps
étrangers au niveau des voies aériennes 261

Chapitre 26
Arrêt cardiorespiratoire 251 Chapitre 28
Urgences allergiques 263
I - Définition 251
I - Crise d'urticaire 263
II - Physiopathologie 251
1 -Définition 263
III - Tableau clinique 251 2-Diagnostic positif 263
IV - Conduite à tenir 251 3-Évolution 263
er
1 - 1 maillon : alerte précoce 251 4-Conduite à tenir 263
2 - 2 e maillon : réanimation cardiopulmonaire II - Choc anaphylactique 263
de base par le(s) témoin(s) 251 1 -Définition 263
3-3 e maillon : la défibrillation externe précoce 254
2-Physiopathologie 263
4 - 4 e maillon : la réanimation cardiopulmonaire
3-Tableau clinique 263
spécialisée réalisée par le médecin 254
4- Conduite à tenir 264
5- Objectif thérapeutique définitif 264
Chapitre 27 III - Œdème de Quincke 264
Urgences respiratoires 255

I - Dyspnée 255 Chapitre 29


1 -Définition 255 Crise convulsive — épilepsie 265
2- Démarche diagnostique 255
3 - Conduite à tenir 255 I - Crise convulsive 265
4- Attitude thérapeutique définitive 255 1 -Définition — physiopathologie 265
2-Tableau clinique 265
II - Hyperventilation 256
3-Conduite à tenir 265
1 -Définition 256
4- Attitude médicale définitive 265
2-Étiologies 256
3-Diagnostic positif 256 II - Accident cérébro-vasculaire 266
4-Diagnostic différentiel 257 1 -Définition 266
5-Conduite à tenir 257 2-Diagnostic positif 266
3-Conduite à tenir 266
III - Œdème de Quincke 258
1 -Définition 258
2-Tableau clinique 258 Chapitre 30
3 - Conduite à tenir 258 Urgences hémorragiques 269
IV - Bronchospasme aigue....................................................258
I - Définition 269
V - Œdème aigu du poumon cardiogénique 259
II - Tableau clinique 269
1 -Physiopathologie 259
2-Signes cliniques 259 III - Conduite à tenir 269
3-Conduite à tenir en cas d'œdème aigu 1 -Si le patient présente un désordre identifié 269
du poumon (OAP) 259 2-Si le patient ne présente pas de désordre
VI - Inhalation de corps étranger 260 identifié 269
1 -Définition 260 IV - Attitude thérapeutique définitive 270

VIII
PARTIE 4 - Prévention des urgences : Chapitre 33
situations à risques Diabète 293

I - Introduction 293
Chapitre 31
II - Diabète sucré : aspects systémiques 293
Urgence hémorragique au cabinet dentaire 277
1 -Classification/physiopathologie 293
I - Le risque hémorragique 277 2-Manifestations cliniques 294
1 -Physiologie de l'hémostase 277 3-Complications chroniques du diabète 295
2-Troubles de l'hémostase 280 4-Traitement du diabète 296

Il - Que faire face à une hémorragie buccale ? 284 III - Prise en charge du patient diabétique
1 -Prise en charge d'une hémorragie au cabinet en odontologie 297
dentaire 284 1 -Complications et manifestations buccales
2-Prévenir le risque hémorragique 284 du diabète 297
2-Complications métaboliques aiguës et urgences
III - Prise en charge d'un patient avec risque
chez le patient diabétique 298
hémorragique mineur au cabinet dentaire 285
3 - Conduite à tenir lors de soins dentaires
1 -Limite de la prise en charge des patients
chez le patient diabétique 301
à risque au cabinet dentaire 285
2-Approche per-chirurgicale 286
3-Approche postchirurgicale 286 Chapitre 34
IV - Produits pharmaceutiques utilisés 286 VIH 309
1 -Mesures locales non spécifiques 286
2-Thérapeutiques spécifiques de remplacement : I - Introduction 309
nécessité de prise en charge hospitalière 287 II - Généralités sur le VIH 309
1 -Histoire de la maladie 310
Chapitre 32 2-Biologie de l'infection VIH 310
Urgences odontologiques et risque 3-Manifestations au niveau de la sphère orale 310

d'endocardite infectieuse 289 III - Déroulement de la prise en charge odontologique


du sujet VIH 315
I - Introduction 289 IV - Prise en charge d'un accident d'exposition au VIH
II - Cardiopathies à risque infectieux 289 lors de la pratique professionnelle odontologique 316

III - Actes bucco-dentaires à risque 290


1 -Actes bucco-dentaires à risque, contre-indiqués Chapitre 35
(cardiopathies groupe A et B) 290 Herpès oral 319
2-Actes bucco-dentaires non à risque 290
IV - Conduite à tenir chez les patients à risque 290 I - Données générales 319
1 - Mesures d'hygiène 290 II - Facteurs déclenchant et facteurs de récurrence
2- Indications de l'antibioprophylaxie 291
de l'herpès 319
3- Modalités de l'antibioprophylaxie 291
III - Traitement de l'herpès 319
V - Actes bucco-dentaires d'urgence 292
1 -Urgence inflammatoire ou traumatique 292 IV - Que faire lors des poussées ? 320
2-Urgence infectieuse 292 V - Au cabinet dentaire 320

IX
Urgences et risques
Table des matières

Chapitre 36 III - Porphyrie 340


Pathologie respiratoire 321 1 -Définition 340
2- Porphyries hépatiques aiguës 341
I - Introduction 321 3-Signes cliniques de la crise aiguë 341
4-Traitement 342
II-Asthme 322
5-Dépistage des porteurs asymptomatiques et
1 -Crise d'asthme 323
prévention des crises aiguës 342
2-Prévention des urgences chez le patient
asthmatique 323
III - Pathologie néoplasique pulmonaire 324 Chapitre 39
Grossesse 345
IV - Transplantation pulmonaire 325

V - Pathologie pulmonaire infectieuse : la tuberculose I - Risques au cours du traitement 345


pulmonaire 325 1 - Utilisation de médicaments pendant la grossesse ..345
1 -Le diagnostic précoce 326 2-Après l'accouchement 346
2-Les manifestations maxillo-faciales II - Effet de la grossesse sur les dents et les tissus
de la tuberculose 326 de soutien 346
3- L'isolement du patient contagieux 327
1 -Caries 346
VI - La broncho-pneumopathie chronique obstructive 2-Troubles parodontaux 346
(BPCO) 327
III - Risques de la radiographie 346
1 -La bronchite chronique 328
2-L'emphysème 328 IV - Risques de l'anesthésie 346

Chapitre 37 Chapitre 4 0
Pathologies rénales 331 Gériatrie 349

I - Mécanismes de l'insuffisance rénale aiguë 331 I - Urgences odontologiques 349

II - Tableaux cliniques des néphropathies aiguës II - Urgences endodontiques 350


iatrogènes 332 III - L'urgence parodontale 350
III - Précautions à prendre lors de la prescription IV - L'urgence prothétique 350
de médications néphrotoxiques 332
V - Problèmes associés à la présence
1 -Précautions lors de la prescription
d'autres thérapies 350
des antibiotiques 333
1 - Médicaments hypotenseurs 350
2-Les antalgiques 333
2-Les anticoagulants 351
3-Exemples de traitement 334
3-Médication anti-anxiété 351
4-Les tranquillisants 351
Chapitre 38
VI - Problèmes liés à l'utilisation des médicaments
Pathologies hépatiques 337 prescrits en dentisterie 351
1 - Les sulfamides 351
I - Principales affections hépatiques 337
2-La pénicilline 351
1 - Les hépatites 337
3-L'érythromycine 351
2-Hémochromatose 339
4-Les tétracyclines 351
3-Fibrose hépatique 339
5- Les sédatifs, hypnotiques et tranquillisants 351
4-Carcinome hépatocellulaire 339
6-Les narcotiques 351
II - Manifestations orales des affections hépatiques 339 7-Les analgésiques 351
1 -Implications en odontologie 339 8-Les salicylates 351

X
9- Les solutions anesthésiques 352 3-Matériel nécessaire à l'administration de
10-L' atropine....................................................................352 médicaments par voies parentérales (IV, SC) 363

Chapitre 41 Chapitre 44
Cancérologie 353 Les médicaments de l'urgence 365

I - Introduction 353 I - Anesthésiques locaux 365

II - Conduite à tenir 353 1 - Notions générales 365


2-Critères de choix chez le sujet sain 365
1 -Durant la phase curative 353
3- Précautions d'emploi 366
2-Durant la phase de suivi 355
II - Antibiotiques 366
1 - Notions générales 366
PARTIE 5 - Les médicaments de l'urgence 2-Comment choisir un antibiotique ? 368
3-Modalités pratiques d'administration 369
Chapitre 42 4-Principes d'utilisation des antibiotiques
en odonto-stomatologie 370
Règles générales de prescription
5- Antibiothérapie curative 371
des médicaments 359 6- Antibiothérapie prophylactique 371
7-La résistance aux antibiotiques 372
III -Anti-inflammatoires 374
Chapitre 43
1 - AIS 374
Constitution et entretien de la trousse
2-AINS 375
et du matériel d'urgence 361 3 - Autres produits 377

I - Entretien de la trousse d'urgence 361 IV - Antalgiques 378


1 - Antalgiques non-opioïdes 378
II - La pharmacie indispensable 361
2- Opioïdes/morphiniques 378
III - Le matériel de réanimation 362 3-Médicaments utilisés dans le cas de douleurs
1 - Assistance respiratoire 362 neuropathiques 379
2-Tensiomètre automatique, à brassard humerai 363 4-Médicaments utilisés dans le cas de douleurs
neurovasculaires 380

XI
Yves BOUCHER • Docteur en chirurgie dentaire
• Professeur des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Edouard COHEN • Chirurgien-dentiste, Paris


• Docteur en chirurgie dentaire et certifié en prothèse fixée de l'Université de Californie du
Sud à Los Angeles
• Fellow American College of Dentists (FACD)
• Fellow International College of Dentists (FICD)
• Active Staff, American Hospital of Paris (1970-2005)
• Exercice libéral à Paris depuis 1969

XIII
Scarlette AGBO-GODEAU • Docteur en médecine
• Stomatologiste
• Professeur adjoint, chef du département de pathologie de la muqueuse buccale
• UFR de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale

Fani ANAGNOSTOU • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Charles-Daniel ARRETO • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 5

Sylvie AZOGUI-LÉVY • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Pierre CARPENTIER • Docteur en chirurgie dentaire


• Professeur des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Christian CHARTIER • Docteur en médecine


• Praticien hospitalier en anesthésie-réanimation
• CHU Clermont-Ferrand

Bernard CHRISTIAN • Docteur en médecine


• Praticien hospitalier
• Hématologue
• Référent médical du COREVIH de LorraineChampagne

Julia COHEN-LÉVY • Docteur en chirurgie dentaire


• Assistante des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Bruno COURRIER • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Nicolas DAVIDO • Docteur en chirurgie dentaire


• Interne en odontologie
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Vianney DESCROIX • Docteur en chirurgie dentaire


• Docteur en pharmacie
• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• Université Paris 7

XIV
Roseline DUCLOS • Docteur en médecine
• Néphrologue
• CHU Le Mans

Mohamed EDDAIF • Docteur en chirurgie dentaire


• DESCB

Rufino FELIZARDO • Docteur en chirurgie dentaire


• Assistant universitaire
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Isabelle FRAYSS1GNES • Docteur en médecine


• Praticien hospitalier
• Urgences - SAMU-SMUR Auch

Olivier FROMENTIN • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Robert GARCIA • Docteur en chirurgie dentaire


• Professeur des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Martine HENNEQUIN • Docteur en chirurgie dentaire


• Professeur des Universités
• Praticien hospitalier - CHU Clermont-Ferrand
• UFR d'odontologie de l'Université d'Auvergne

Corinne HUSSON • Docteur en médecine


• Dermatologue spécialiste de la muqueuse buccale
• Ancien interne et chef de clinique

Tajeddine KABBAJ • Ancien assistant universitaire


• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7
• Attaché de consultations, service d'odontologie GHPS

Philippe KATZ • Docteur en médecine


• Stomatologiste
• Exercice privé : radiologie maxillo-faciale
• Institut d'explorations fonctionnelles des glandes salivaires

Stéphane KERNER • Docteur en chirurgie dentaire


• Ancien assistant universitaire
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Grégoire KHUN • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

XV
Urgences dentaires et médicales
Collaborateurs

Géraldine LESCAILLE • Docteur en chirurgie dentaire


• Assistant des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Pierre MÀCHTOU • Docteur en chirurgie dentaire


• Professeur des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Didier MAURICE • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Charles MICHEAU • Docteur en chirurgie dentaire


• Assistant des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Daniel MIRISCH • Docteur en chirurgie dentaire


• Président du Conseil départemental de l'Oise

Patrick MISSIKA • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7
• Expert auprès des Cours d'appel et de cassation

Hervé MOIZAN • Docteur en chirurgie dentaire


• Praticien hospitalier
• CHR Metz-Thionville

Chantai NAULIN-IFI • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître de conférences des universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7
• Pédodontiste

Gérard PEIFFER • Docteur en médecine


• Praticien hospitalier
• Pneumologue
• CHR Metz-Thionville

Paul PIONCHON • Docteur en chirurgie dentaire


• Psychologue
• Maître de conférences des Universités
• Praticien hospitalier
• Faculté de chirurgie dentaire de l'Université d'Auvergne
• Chercheur à l'Inserm E216

Fabienne ROBICHON • Docteur en chirurgie dentaire


• Ancienne assistante à l'UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

XVI
Yvon ROCHE • Professeur des Universités
• Praticien hospitalier
• UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Antoine SABET • Docteur en chirurgie dentaire


• Assistant des Universités
• Praticien hospitalier à l'UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Stéphane SIMON • Docteur en chirurgie dentaire


• Ancien assistant à l'UFR d'odontologie de l'Université Paris 7

Rafael TOLEDO-ARENAS • Docteur en chirurgie dentaire


• Praticien hospitalier
• Responsable de l'unité fonctionnelle des urgences dans le service d'odontologie du GHPS

Babacar TOURÉ • Docteur en chirurgie dentaire


• Maître assistant
• Praticien hospitalier
• Faculté de médecine, pharmacie, odontologie. Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

XVII
L
es urgences dentaires peuvent se décliner en six catégories : les traumatismes bucco-dentaires,
les pathologies infectieuses, les hémorragies, les troubles de l'articulation temporo-
mandibulaire, les pathologies de la muqueuse buccale et la douleur. Cette dernière est souvent
associée à une des précédentes mais constitue un motif de consultation propre. Les urgences
dentaires, qui résultent dans la majorité des cas d'une négligence de la santé bucco-dentaire, ne
présentent que très rarement un risque vital pour le patient, mais l'absence d'une prise en charge
adéquate peut entraîner des séquelles à long terme. À ces urgences dentaires s'ajoutent les
urgences dites médicales, dont la distinction n'est qu'artificielle car l'odontologie est une
discipline médicale à part entière. L'urgence dans ce cas peut être causée soit par le traitement en
cours, soit par le patient lui-même, lorsque son état de santé est altéré.
Dans le monde réel de la pratique professionnelle, la maturité, la lucidité, l'expérience et le savoir
du praticien sont mis à l'épreuve en situation d'urgence. C'est un lieu commun de dire que l'on doit
toujours être « prêt » et que la prévention du risque vaut mieux que la prise en charge tardive de
l'accident. Ces mises en garde sont logiques, faciles à rappeler et s'appliquent généralement dans
de nombreux contextes. Mais à moins d'être mises réellement en pratique, elles relèvent en général
de la théorie. Cependant, statistiquement, la majorité des praticiens sera à un moment donné de
sa vie professionnelle, confrontée à une urgence médicale, et, souvent, au moment le moins
opportun, qui désorganisera le programme opératoire le mieux planifié.

Les auteurs et les contributeurs de cet ouvrage ont donné de leur temps et de leur talent pour
éclairer au mieux les procédures devant être mises en place afin de prévenir ou répondre à tous les
cas d'urgence rencontrés en pratique quotidienne. Ils ont eu l'occasion de mettre en pratique les
protocoles décrits et d'en tester l'efficacité lors de leur vie professionnelle. Leurs contributions
suivent les principes de la « dentisterie fondée sur la preuve » (« évidence based dentistry »).
L'exposé des notions de base a été limité à l'essentiel afin de privilégier la clinique. La bibliographie
ne comporte pas une liste imposante de noms d'auteurs, mais des références précises ayant trait à
certaines techniques ou protocoles.
Cet ouvrage collectif et complet rendra service tant à l'omnipraticien, dans le cadre de sa pratique
quotidienne et de sa formation continue, qu'à l'étudiant en formation initiale.
Dès que l'urgence paraît, toute autre préoccupation cesse. Le praticien doit tout faire pour son
malade, en l'aidant à franchir ce cap difficile.
Puisse cet ouvrage l'aider dans cette épreuve.
PrJeanAZÉRAD
Chef du service d'odontologie du Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière

XIX
En raison de l'absence de définition précise ou de la varia-
I - Absence de définitions bilité des définitions existantes, il revient donc au chirur-
Qu'est ce qu'une urgence ? Le mot urgence vient du latin gien-dentiste d'apprécier le caractère urgent de la situa-
« urgere » qui signifie « presser ». Urgens veut dire littéra- tion. Selon quels critères ?
lement « en toute hâte » (Dubois et ai, 2005). Selon le dic-
D'un point de vue pratique, il est possible de ramener
tionnaire, est urgent « ce qui ne souffre pas de retard »
les urgences auxquelles doit faire face le chirurgien-
(Larousse médical, 2003). Dans le cas d'une urgence médi-
dentiste à deux types de situations :
cale, ce terme désigne « l'ensemble des interventions
-celles où le patient demande une prise en charge en
médicales et chirurgicales devant être pratiquées sans appelant le cabinet ou en s'y présentant de lui-même.
délai » ou « cas nécessitant une intervention et des soins Les causes les plus fréquentes de cette demande sont
rapides » (Robert, 2007). D'autres définitions sont possi- la douleur et les traumatismes. Ces situations repré-
bles selon l'angle sous lequel on aborde le problème : une sentent la majorité des situations d'urgence au cabinet
compagnie d'assurance la définit comme « terme qui dési- dentaire. Elles seront détaillées dans la 2e partie de cet
gne toute maladie, affection ou blessure grave et impré- ouvrage ;
vue nécessitant un traitement médical immédiat ». La loi y -celles où le patient fait un accident au cours d'une
voit une « obligation d'assistance à personne en péril, soit séance de soins : il s'agit des malaises, des pertes de
par l'action personnelle soit la provocation des secours » connaissance, des chocs allergiques, des hémorragies...
Elles sont souvent qualifiées d'urgences médicales
(Code pénal, article 223-6), ce qui renvoie à la notion de
bien que les autres le soient également, l'odontologie
danger ou de péril, qui sont elles aussi des notions diffici-
étant une discipline médicale à part entière. Ces
les à définir. Juridiquement, l'urgence suppose que t o u t
urgences sont rares mais pas exceptionnelles
retard entraîne un grave préjudice pour celui qui s'en pré- puisqu'un praticien sera confronté à deux ou trois
vaut (Guinchard et Montagnier, 1995), ce qui est une défi- malaises par an toutes origines confondues, que 5 %
nition par défaut. des praticiens devront pratiquer au moins une réani-
En dépit d'une réflexion séculaire remontant au moins à mation cardiopulmonaire au cours de leur carrière et
Hippocrate qui essayait déjà de définir l'urgence au Ve siècle qu'un praticien sur deux appellera le Samu (Calon
avant J.-C, et de la réalité d'une médecine d'urgence, il faut et ai, 2007). Ces urgences seront traitées dans un cha-
admettre qu'il n'existe pas de définition médicale ou admi- pitre spécifique de cet ouvrage (voir chapitre 21).
nistrative du terme unanimement reconnue. La plupart des
textes traitant de l'urgence se rapportent à une situation Si la deuxième catégorie d'urgences pose peu de problè-
pathologique précise, mais la variété des spécialités médi- mes d'appréciation et demande une réponse immédiate, la
cales rend difficile la définition d'un terme commun. première est en revanche plus difficile à cerner.
L'urgence du cardiologue est rarement la même que celle
du chirurgien-dentiste, même si les deux spécialités peu-
vent être parfois confrontées aux mêmes situations...
Il - Perception du caractère d'urgence
Cette absence de définition univoque n'empêche pas
l'existence d'un système de santé spécialisé dans la prise La perception de l'urgence d'une situation est en effet dif-
en charge des urgences médicales, construit par les pro- férente par le praticien et par le patient. Elle dépend de
fessionnels de santé, les pouvoirs publics et les différents facteurs personnels comme le caractère du sujet, son his-
acteurs du système de soins. La profession dentaire y par- toire personnelle, ses antécédents médicaux, sa peur et
ticipe activement grâce aux chirurgiens-dentistes libéraux, son anxiété vis-à-vis de la maladie et de la douleur. « Il n'y
aux praticiens exerçant dans des structures mutualistes ou a pas d'urgences, il n'y a que des gens pressés » dit l'adage.
d'assurance et ceux exerçant dans les services hospitaliers, Certains patients sont effectivement plus exigeants que
qu'ils soient hospitalo-universitaires ou hospitaliers à part d'autres... D'autres, anxieux ou phobiques, évitent les soins
entière. Les praticiens libéraux constituent la grande majo- de base qui leur éviteraient de consulter en urgence. La
rité des praticiens (90 à 95 %). Ce sont eux qui prennent en perception du caractère d'urgence des situations dépend
charge la majorité des urgences (environ 95 %). également de facteurs externes. Les peurs et les maux
qu'endurent certaines personnes le jour deviennent insup-
Encadré : prendre en charge les urgences est un impératif portables la nuit ou le week-end quand la solitude attise
éthique et légal. l'inquiétude et l'imagination. La perception du caractère

1
Urgences dentaires et médicales

d'urgence d'une situation dépend également du contexte


- mettre en oeuvre un retour le plus proche possible de
social. La fracture d'une incisive centrale a des conséquen- la normalité, et le plus rapidement possible. Il faut
ces esthétiques variables selon la situation personnelle, le remarquer que le retour à l'état précédant la maladie
travail effectué, les événements familiaux, etc. À niveau ou l'accident n'est pas toujours possible, ce qui peut
socioculturel identique, le même événement ne sera pas entraîner de la part du patient une frustration et des
ressenti de la même façon la veille d'un entretien récriminations liées à l'apparition de ce que l'on peut
d'embauche, d'un mariage ou d'un jour ordinaire. appeler un handicap, même s'il est mineur. La persis-
tance d'une cicatrice après intervention chirurgicale,
l'extraction d'une dent en cas de foyer infectieux sont
des exemples de ces modifications corporelles défini-
III - Épidémiologie des urgences tives qui peuvent laisser le patient insatisfait une fois
l'urgence oubliée ;
Les vraies urgences en odontologie peuvent être clas- - ne pas compromettre l'avenir, c'est-à-dire ne pas entraî-
sées en six catégories (Perrin, 2007) : ner de perte de chance en langage juridique. Dans une
- les traumatismes bucco-dentaires représentent 24 % situation de stress et de douleur, le patient demande
des visites en milieu hospitalier et résultent le plus souvent lui-même le recours à des solutions radicales
souvent de la pratique d'une activité sportive et qu'il pourra regretter plus tard. Le praticien hésite sou-
d'accidents domestiques ; vent entre des solutions conservatrices et des solutions
- les pathologies infectieuses des tissus cellulo-adipeux plus mutilantes mais plus efficaces. C'est par exemple le
de la face et du cou (cellulite, tuméfaction...) représen- choix entre extraction et traitement endodontique dans
tent également 24 % des motifs de prise en charge ; certains cas d'infection d'origine dentaire.
- les hémorragies d'origine dentaire, post-chirurgicales
le plus souvent, représentent 3 à 5 % des cas ;
- les luxations de l'ATM et ADAM ;
- les pathologies de la muqueuse buccale comprennent Note : une anecdote vécue illustre la différence de percep-
diverses pathologies et traumatismes dont les morsu- tion des situations côté patient et côté praticien : un
res de chien dont on dénombre en France environ patient souffrant de pulpite réclamait l'extraction de sa
molaire à corps et à cris. «Vous savez, les dents ça ne
172 000 cas annuels ayant entraîné des atteintes de la
repousse pas », lui dit-on afin de faire accepter un traite-
bouche e t / o u de la langue. L'absence de prise en ment conservateur. « Encore heureux ! », répondit-il.
charge adéquate peut entraîner des séquelles à long
terme ;
- tes urgences « de confort » et la perception d'une dou-
leur plus ou moins intense représentent 45 % des D'un point de vue général — le détail des procédures sera
motifs de consultation. Ces pathologies sont souvent traité dans les chapitres spécifiques — le praticien dispose
le fait de patients négligents à l'égard de leur santé
de plusieurs types de moyens pour répondre à une situa-
bucco-dentaire. En effet, les visites de contrôle réguliè-
tion d'urgence. Moyens relationnels t o u t d'abord, dont il
res chez le chirurgien-dentiste permettent de prévenir
ne faut pas mésestimer l'importance. Ce que l'on appelle
la majorité des atteintes pulpaires et parodontales. Par
ailleurs, les douleurs violentes ont le plus souvent été le « contexte de soins » dans la thérapeutique, à l'origine
précédées de douleurs d'intensité modérée que le des effets placebo et nocebo, influence grandement la
patient a négligées. Les douleurs très intenses doivent thérapeutique (Finiss et al, 2005, Benedetti et al, 2007).
cependant être considérées comme des urgences L'information, l'attention portée au patient, l'empathie...
vraies nécessitant une prise en charge immédiate. modifient les réponses physiologiques et l'efficacité des
traitements. Les patients se plaignent souvent de ne pas
être assez informés par leur praticien alors qu'il suffit par-
Un traitement d'urgence n'est pas nécessairement le soin fois d'un conseil téléphonique, d'informations après un
complet qu'aurait reçu le patient venant consulter dans soin pour expliquer au patient l'origine d'une douleur
d'autres circonstances. Il répond aux objectifs suivants : post-endodontique par exemple et d'éviter ainsi sa venue
- lutter contre le stress et la douleur du patient ; en urgence en état de stress.
-stopper l'évolution d'un processus pathologique ; Le praticien dispose également de moyens médicamen-
-prévenir les complications potentielles du processus
teux, de techniques opératoires et chirurgicales en
en cours ;
s'appuyant sur un plateau technique.

2
Le chirurgien-dentiste est tenu, y compris pendant les immédiate ou différée, ou de déterminer le temps qui peut
actes d'urgence, à une obligation de moyens, sans que ne s'écouler, sans préjudice pour le patient, avant l'applica-
soient clairement précisés lesquels. Cependant, la mise tion des soins (Brion, 1997). Ces questions renvoient donc
en oeuvre de ces moyens adéquats nécessite d'effectuer à une question essentielle : le tri des urgences.
un traitement conforme aux acquis de la science. L'odon- La gestion des urgences dépend également de données
tologie a connu de grands changements au cours des der- sociologiques ; certains patients, pour diverses raisons, ne
nières années : changements technologiques bien évi- se font soigner que dans un contexte d'urgence : par man-
demment avec l'apparition de nouveaux matériaux et de que d'information médicale, en raison du coût (réel ou
procédures de reconstitution qui autorisent des soins supposé) des soins, des habitudes de systèmes de soins
plus conservateurs ; mais également changements pro- organisés différemment dans le pays d'origine pour les
fonds liés aux formidables progrès des connaissances migrants... Les services d'urgence sont souvent saturés par
biologiques qui permettent une meilleure thérapeutique. des demandes ne correspondant pas à de réelles urgences
On peut citer par exemple la réimplantation de dents et qui auraient pu recevoir une meilleure réponse dans un
avulsées dont les facteurs influençant le pronostic ont autre cadre. Les services d'urgences nocturnes voient fré-
fait l'objet de nombreuses études ayant permis d'édicter quemment des patients venant chercher des soins qu'ils
des protocoles de soins codifiés (Flores et al, 2007). On disent n'avoir pas le temps de réaliser pendant la période
peut également citer l'utilisation thérapeutique de la diurne. Un récent rapport de la Cour des comptes indique
morphine qui n'entraîne pas nécessairement une accou- par exemple que les services d'urgence sont devenus, pour
tumance quand elle est prise pour raison médicale une part très importante, des services de consultations
comme le traitement de la douleur (Boureau et al, 1992, non programmées. En effet, 70 % des usagers se présen-
5ykes, 2007). Des changements conceptuels également tent directement aux urgences, sans contact médical préa-
ont vu le jour avec la montée en puissance d'une lable, même par téléphone (rapport Cour des comptes,
« dentisterie fondée sur la preuve », liée directement aux 2006). Ce rapport déplore également le manque d'organi-
avancées scientifiques et à une évaluation rigoureuse des sation de la régulation de la demande d'accès des patients
traitements. Des recommandations (guidelines) et proto- aux services d'urgence en amont des établissements.
coles de soins issus de ces travaux permettent de guider
le praticien dans les choix thérapeutiques. Ces recom-
mandations constituent par ailleurs la référence qui sera
retenue en cas de litige. V - Moyen à mettre en œuvre
pour traiter l'urgence
De la qualité de la prise en charge réussie du patient en
IV - Objectifs du traitement situation d'urgence dépend la santé de ce patient à court et
à long terme. Il importe donc qu'elle soit réussie. Par
de l'urgence ailleurs, cette prise en charge conditionne également les
Le problème de la prise en charge se complique par l'orga- relations futures entre le patient et le praticien, incluant
nisation du système de soins et notamment la maîtrise des son équipe soignante. Il nous a donc paru important de faire
coûts de santé. La survenue d'une urgence étant difficile- le point sur les urgences par un ouvrage exposant à la fois
ment prévisible autrement que par des données statisti- les procédures les plus récentes et les bases physiologiques
ques. les structures d'accueil, que ce soient le cabinet den- permettant de comprendre le bien-fondé de ces procédu-
taire ou les services hospitaliers, n'allouent aux urgences res. Ce livre s'adresse avant t o u t aux praticiens libéraux.
que des moyens limités. Il faut donc gérer la différence Ce livre ne prétend pas cependant exposer l'ensemble des
entre la prévision et le flux des urgences réelles, dans un connaissances possibles et le lecteur est invité à consulter
cadre où les ressources en temps ou en personnel, ce qui d'autres ouvrages, dans le domaine de l'odontologie
-'ne revient au même, sont limitées. Les urgences sont (Cavaillon et al, 1988) comme dans le domaine médical
souvent vécues comme des éléments perturbateurs dans (Carli et Riou, 2002).
des plannings organisés. Une question fondamentale est Seront exclues de ce livre les anesthésies qui ont fait
donc d'apprécier le caractère d'urgence réel d'une situa- l'objet de nombreux autres ouvrages de référence (Gaudy
tion, c'est-à-dire d'évaluer si la prise en charge doit être et al, 2004, 2005, Carpentier et al, 2006).

3
Urgences dentaires et médicales

Il a pour objectifs : en France, comme par exemple les techniques de séda-


- d e recenser les situations d'urgence rencontrées en tion ou l'utilisation de certains antalgiques ;
pratique odontologique ; - d'examiner les conditions de réalisation des actes d'urgence
- de proposer un cadre méthodologique de traitement chez les principaux patients à risque (Roche, 1996);
de l'urgence (accueil téléphonique, gestion du - d'indiquer chez certains patients à risque les actes ou
stress...) ; conditions qui peuvent entraîner la survenue d'événe-
- d e détailler les procédures et les moyens à mettre en ments indésirables et le recours à des soins d'urgence ;
oeuvre pour traiter efficacement et en accord avec les - de souligner les enjeux de santé publique soulevés par
dernières données scientifiques ; la prise en charge des urgences ;
- de faire connaître certaines possibilités thérapeutiques - d e préciser le cadre déontologique et légal qui
mises en oeuvre dans d'autres pays mais pas (encore ?) entoure la prise en charge des urgences.

Bibliographie
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comptes, 2007 (consultable sur : http://www.ccomptes.fr). 2007; 369:1325-6.

4
Urgences : données générales
Urgences et déontologie
— considérations médico-légales
Daniel MIRISCH, Patrick MISSIKA

I - Urgences et déontologie 1 - Peut-on refuser une urgence ?


Deux points sont rarement évoqués quand on aborde le L'insertion de patients non prévus dans un planning sou-
problème des urgences : la déontologie et la responsa- vent chargé pose souvent des problèmes d'organisa-
bilité médico-légale. Or, nous assistons depuis plusieurs tion, obligeant soit à décaler des rendez-vous déjà pré-
années à une augmentation des procédures de conten- vus, soit à écourter des séances de travail. Il est donc
tieux qui nous imposent une parfaite connaissance de tentant de repousser ces urgences à une date ultérieure,
nos obligations légales. Le décret n° 2004-802 du à un moment où le planning est moins serré, voire de ne
29 juillet 2004 a incorporé le code de déontologie dans pas les prendre et de laisser à d'autres le soin de bous-
culer leur organisation. Peut-on refuser une urgence ?
le code de la santé publique. Nous ferons donc réfé-
référence à cette nouvelle numérotation des articles et
L'article R.4 127-232 du CSP (art. 26 du code de déontolo-
indiquerons entre parenthèses l'ancienne numérotation
gie) nous donne une réponse claire, c'est non :
du code de déontologie.
Art. R.4 127-232 : « Hors le cas d'urgence et celui où il man-
querait à ses devoirs d'humanité, le chirurgien-dentiste a
L'urgence est une notion difficile à définir, subjective, toujours le droit de refuser ses soins pour des raisons per-
qui rend son évaluation délicate par le praticien, notam- sonnelles, à condition :
ment par téléphone. Un certain nombre de situations
- de ne jamais nuire de ce fait à son patient ;
présentées comme des urgences par le patient ne sont
- de s'assurer de la continuité des soins et de fournir à cet
en réalité pas des urgences vraies et leur prise en charge
effet tous renseignements utiles. »
pourrait être décalée dans le temps, insérée dans un
planning plus favorable.
Essentiel : on constatera que l'urgence est le seul cas où le
praticien n'est pas autorisé à refuser ses soins. De plus, le
législateur a ajouté à la notion d'urgence celle de devoirs
Qu'il soit réalisé par le praticien, l'assistante ou la
d'humanité, notion on ne peut plus large, floue et subjective.
réceptionniste, l'accueil du patient, et en particulier
l'accueil téléphonique, devra toujours se faire dans le
rspect de l'article R.4 127-202 du CSP (art. 2 du code de Si l'on s'en tient strictement à l'application de cet article,
déontologie) dans sa première partie et de l'alinéa 2 nous devons systématiquement répondre à toutes les
de l'article R.4 127-233 du CSP (art. 27 du code de demandes d'urgence. Cependant, ce n'est pas toujours pos-
déontologie) : sible, même avec la meilleure volonté du monde. Il faudra
-art. R.4 127-202: «Le chirurgien-dentiste, au service de alors orienter le patient vers un confrère qui pourra assurer
l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans cette prise en charge. Mais orienter ne signifie pas « se débar-
le respect de la vie et de la personne humaine. » ; rasser du patient ». Certains spécialistes de la déontologie
-art. R.4 127-233 - al. 2 : « Le chirurgien-dentiste qui a estiment que le praticien qui n'est pas en mesure de prendre
accepté de donner des soins à un patient s'oblige à agir en charge le patient devra s'assurer lui-même qu'un autre
avec correction et aménité envers le patient et à se mon- confrère le fera, ceci afin de respecter le premier alinéa de
trer compatissant envers lui. » cet article, c'est-à-dire « ne jamais nuire à son patient ».

7
Urgences : données générales
Urgences et déontologie — considérations médico-légales

2 - La prise en charge du patient - c o d e c i v i l : l'article 16-3 indique «qu'il ne peut être


À partir du moment où le patient est pris en charge, deux porté atteinte à l'intégrité du corps humain, qu'en cas
de nécessité médicale pour la personne [...]. Le consen-
cas de figure peuvent se présenter :
tement de l'intéressé doit être recueilli préalablement
- le patient est déjà suivi par le cabinet ; c'est le cas le plus
hors le cas où son état rend nécessaire une interven-
simple puisque praticien et patient se connaissent ; tion thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de
- le patient est extérieur au cabinet. Ce cas est plus délicat consentir » ;
car le praticien et le patient se découvrent. Dans la plu- - c o d e de la santé publique : l'article L.1 111-2 indique que
part des cas, le patient n'a pas vraiment choisi le « toute personne a le droit d'être informée sur son état
praticien ; il peut être stressé, parfois agressif à cause de santé. Cette information porte sur les différentes
d'une douleur, ou parce qu'il a dû appeler plusieurs cabi- investigations, traitements ou actions de prévention qui
nets avant de trouver un praticien disponible. Il faudra sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs
donc commencer par gérer cette éventuelle agressivité conséquences, les risques fréquents ou graves normale-
en le rassurant et en menant un interrogatoire le plus ment prévisibles qu'ils comportent, ainsi que sur les
autres solutions possibles et sur les conséquences pré-
concis possible.
visibles en cas de refus. Seule l'urgence ou l'impossibilité
Il y aura ensuite deux grandes règles à respecter :
d'informer peuvent l'en dispenser. La volonté d'une per-
sonne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou
2.1 - Limiter les actes au strict traitement de l'urgence d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des
Ceci découle de l'article R.4 127-238 du CSP (art. 31 du code tiers sont exposés à un risque de transmission ».
de déontologie) : « Le chirurgien-dentiste est libre de ses
prescriptions, qui seront celles qu'il estime les plus appro-
priées en la circonstance. Il doit limiter ses prescriptions Article R.4 127-233 dans son 1 er alinéa (art. 27 du code de
et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité et à l'effica- déontologie) : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de
cité des soins ». donner des soins à un patient s'oblige à lui assurer des
Cet article s'applique bien sûr dans le cadre de notre exer- soins éclairés et conformes aux données acquises de la
cice quotidien, il n'est pas spécifique à l'urgence, mais en science, soit personnellement, soit, lorsque sa conscience
cas d'urgence (dans le cas d'un patient étranger au cabi- le lui commande, en faisant appel à un autre chirurgien-
net), il revêt un caractère particulier. En effet, il n'est pas dentiste ou à un médecin ».
admissible, comme cela s'est déjà vu, de réaliser un traite- Article R.4 127-236 (art. 29-1 du code de déontologie) :
ment canalaire, suivi de la reconstitution coronaire, puis « Lorsqu'il est impossible de recueillir en temps utile le
de la taille et de l'empreinte pour une coiffe coronaire. consentement du représentant légal d'un mineur ou autre
Agir ainsi serait considéré comme un détournement ou incapable, le chirurgien-dentiste doit néanmoins, en cas
t o u t au moins une tentative de détournement de patien- d'urgence, donner les soins qu'il estime nécessaires ».
tèle et tomberait sous le coup de l'article R.4 127-262 du
CSP. (art. 55 du code de déontologie) : « Le détournement 2.2 - Informer le praticien traitant habituel du patient des
ou la tentative de détournement de clientèle est actes qui ont été réalisés
interdit. » C'est l'application du deuxième alinéa de l'article R.4 127-
D'autre part, cette précipitation dans la réalisation des 232 du CSP (art. 26 du code de déontologie) : « s'assurer de
actes est en contradiction avec le principe de l'information la continuité des soins et fournir à cet effet tous rensei-
et du consentement éclairé du patient. Le patient qui est gnements utiles » ; ainsi que de l'article R.4 127-265 du CSP.
reçu en urgence est plus ou moins en état de faiblesse. Il n'a (art. 58 du code de déontologie) : « Lorsqu'un patient fait
qu'une idée, « être soulagé », et précipiter ainsi les actes, appel, en l'absence de son chirurgien-dentiste traitant, à
sans lui laisser un réel temps de réflexion, sera considéré un second chirurgien-dentiste, celui-ci peut assurer les
comme un abus de pouvoir de la part du praticien. soins nécessaires pendant cette absence. Il doit donner à
son confrère, dès son retour, et en accord avec le patient,
Le traitement de l'urgence n'annule pas les règles de toutes informations qu'il jugera utiles. »
l'information et du consentement éclairé du patient.
Ces règles découlent du code civil et du code de la Il conviendra donc de remettre sous pli cacheté toutes
santé publique : les informations nécessaires pour le bon suivi des soins.

8
3 - Le Service de garde Disposer du matériel est une obligation légale. Savoir s'en
servir en est une autre, non moins importante : nous
devons tous mettre régulièrement à jour nos connaissan-
Important ! On ne peut pas parler de la déontologie dans le
ces en matière de réanimation. Au-delà de l'obligation
cadre de l'urgence sans aborder le problème du service de
garde. Assurer le service de garde est une obligation déon- légale, les gestes d'urgence devraient être automatiques
tologique qui s'applique à t o u t praticien quel que soit son puisqu'il s'agira de les effectuer dans des situations stres-
- r o d e d'exercice (libéral ou salarié). santes où les hésitations peuvent avoir des conséquences
dramatiques. Ces impératifs de formation s'appliquent
bien évidemment à nos assistantes.
Il découle de la deuxième partie de l'article R.4 127-202 du Nous ne pouvons donc, pour conclure, qu'inviter chaque
CSP (art. 2 du code de déontologie): «[...] Il est de son praticien au respect le plus strict de l'article R.4 127-214 du
devoir [au chirurgien-dentiste] de prêter son concours aux CSP. (art. 11 du code de déontologie) : «Le chirurgien-dentiste
actions entreprises par les autorités compétentes en vue de a le devoir d'entretenir et de perfectionner ses connaissan-
la protection de la santé »; et surtout de l'article R.4 127-245 ces, notamment en participant à des actions de formation
du CSP. (art. 39 du code de déontologie) : « Il est du devoir continue. »
de t o u t chirurgien-dentiste de prêter son concours aux
mesures prises en vue d'assurer la permanence des soins et
N o t e ; l'arrêté du 3 mars 2006 (JO du 10 mars 2006) relatif
la protection de la santé. Sa participation au service de à l'attestation de f o r m a t i o n aux gestes et soins d'urgence
garde est obligatoire. Toutefois des exemptions peuvent précise les modalités de c e t t e mise à jour. Il ressort de l'arti-
être accordées par le conseil départemental de l'Ordre, cle 1 e r que l'ensemble des professionnels de santé inscrits
dans la quatrième partie du Code de la santé publique sont
compte tenu de l'âge, de l'état de santé et, éventuellement,
concernés par l'attestation de niveau mise en place par ce
de la spécialisation du praticien. » texte. Cette attestation concerne donc les chirurgiens-den-
L'instauration du service de garde découle d'une circulaire tistes et a pour objet :
ministérielle de décembre 1969 et l'organisation de ce ser- - la prise en charge d'une personne en situation d'urgence
vices de la responsabilité des conseils départementaux. m e t t a n t en jeu le pronostic vital ou f o n c t i o n n e l ;
CHAQUE conseil définit le mode de désignation du ou des - l'application des mesures et l'utilisation des moyens indivi-
duels et collectifs face à un risque à conséquences sanitaires.
praticiens de garde, les plages horaires d'intervention, les
L'arrêté précise les structures de f o r m a t i o n des profession-
modes d'information des patients et des autorités, etc. nels de santé et le contenu des modules d'enseignement
qui devront être validés pour obtenir cette attestation. La
validité de l'attestation est de quatre ans et devra être
4 - L'urgence en cours de soins renouvelée après réévaluation des connaissances.

Le chirurgien-dentiste est également tenu de faire face


aux urgences médicales survenant au cours des soins.
D'un point de vue déontologique, chaque praticien ou
5 - Sanctions disciplinaires : jurisprudence
cabinet doit disposer du matériel permettant une réani-
mation respiratoire et cardiovasculaire ainsi que d'une N o t e : il est rassurant de constater qu'il existe très peu de
trousse d'urgence. Il n'existe aucune disposition légale sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de prati-
définissant les moyens dont le praticien doit disposer ciens qui n'auraient pas respecté leurs obligations en
pour faire face à l'urgence, cependant, la composition matière d'urgence.
de la Trousse d'urgence fait l'objet d'enseignements et
de publications, et, à ce titre, fait partie des données
acquises de la science. En voici une pour exemple, décision n° 889 du 14 janvier 1999 :
- Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code de déon-
tologie dentaire : « Il est du devoir de tout chirurgien-den-
i m p o r t a n t ! Deux grandes règles doivent être respectées : tiste de prêter son concours aux mesures prises en vue
- v é r i f i e r que ce matériel est toujours maintenu en parfait d'assurer la permanence des soins et la protection de la
état de fonctionnement ; santé. Sa participation au service de garde est obligatoire » ;
- vérifier le contenu de la trousse d'urgence, et les dates de
- Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs
péremption des produits qu'elle contient.
pas contesté que le Dr X devait assurer pendant la nuit du 26

9
Urgences : données générales
Urgences et déontologie — considérations médico-légales

au 27 novembre 1996, comme il l'avait accepté quelques est de dix ans. Cette responsabilité concerne les domma-
semaines auparavant, le service de garde organisé à M... par le ges qui peuvent être causés à autrui par notre faute. Elle
conseil départemental de l'Ordre ; qu'ayant été empêché de est délictuelle si la faute est intentionnelle, et quasi délic-
regagner M... à temps pour assurer cette participation, le Dr X tuelle si le dommage résulte d'une négligence ;
a omis d'en aviser l'organisateur du service de garde ou de - la responsabilité contractuelle nous concerne beaucoup
demander à l'un de ses confrères de le remplacer ; plus directement dans notre exercice professionnel. La
-Considérant que le Dr X, qui n'a d'ailleurs pas omis de base est le fameux arrêt Mercier de la Cour de cassation
prendre auprès de sa clientèle privée les dispositions ren- du 20 mai 1936 qui stipulait : « Il se forme entre le médecin
dues nécessaires par son empêchement, a méconnu les et son client un véritable contrat, comportant pour le pra-
obligations résultant des dispositions précitées du code ticien l'engagement, sinon de guérir le malade, du moins de
de déontologie dentaire ; que la circonstance de son lui donner des soins non pas quelconques, mais conscien-
absence n'a pas eu de conséquences fâcheuses pour la cieux, attentifs et, réserve faite de circonstances excep-
protection de la santé, et celle, à supposer établie, que le tionnelles, conformes aux données acquises de la
praticien aurait oublié son engagement ne sont pas de Science. » Il s'agit d'un véritable contrat bien que non écrit.
nature à atténuer la gravité de la faute commise ; Ce contrat est synallagmatique ou bilatéral. Le praticien
-Considérant que le conseil départemental est fondé à s'engage à soigner le patient. Le patient accepte de se faire
soutenir que le conseil régional a inexactement apprécié soigner. Il s'engage par là même à suivre les consignes, les
la gravité de cette faute en fixant à huit jours la durée de prescriptions, les visites de contrôle nécessaires, ce qui
la sanction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste prendra toute son importance en implantologie.
infligée au praticien ; qu'il y a lieu de porter cette durée Le contrat étant clairement établi, il faut souligner que les
à trois semaines [...]. contractants sont au nombre de deux : le praticien et le
Il existe bien sûr d'autres jurisprudences concernant le patient.
non-respect d'articles cités plus haut dans ce chapitre,
mais elles ne sont pas spécifiques de l'urgence (détourne- Ils doivent pour pouvoir contracter :
ment de clientèle, défaut d'information et de consente- - pour le praticien : être diplômé et avoir l'autorisation
ment éclairé, etc.). Dans ces cas, les sanctions sont varia- d'exercer dans le pays du contrat, être régulièrement
inscrit au conseil de l'Ordre des chirurgiens-dentistes
bles et vont du simple avertissement à l'interdiction
ou des médecins ;
d'exercer pendant une période plus ou moins longue.
- pour le patient : être en âge de contracter, donc être
majeur responsable.

Il - Responsabilité médico-légale
du traitement d'urgence Les enfants mineurs et les adultes sous tutelle ou curatelle
ne peuvent pas contracter directement. Il faut donc être
extrêmement prudent avant d'entreprendre des soins en
1 - Généralités urgence chez un enfant mineur surtout si l'on doit pratiquer
des actes irréversibles comme des extractions de dents per-
La réalisation d'un traitement en urgence s'inscrit dans
manentes. L'accord des parents est indispensable.
le cadre plus général de la chirurgie dentaire et de la
stomatologie. Il n'existe pas en effet de spécificité par- Enfin, pour pouvoir contracter, le patient doit au préalable
ticulière du traitement de l'urgence en chirurgie den- être informé. Ce point très important sera analysé dans le
taire. La responsabilité civile professionnelle est donc la cadre du consentement éclairé.
même que pour l'omnipratique, avec quelques points Dans le cadre de l'exercice médical, le praticien est soumis,
particuliers qu'il est nécessaire de souligner. sauf à de rares exceptions que nous ne détaillerons pas, à
une obligation de moyens et non pas à une obligation de
En France, la responsabilité civile professionnelle (RCP) est résultat. Schématiquement, le médecin est tenu de t o u t
divisée classiquement en responsabilité délictuelle ou mettre en oeuvre pour tenter de guérir son patient, mais
quasi délictuelle et en responsabilité contractuelle : n'est pas tenu de le guérir, ce qui paraît relever du bon
- la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle est la res- sens. Pour l'urgence et par analogie on pourrait dire que
ponsabilité classique de droit commun. Elle est fondée sur l'objectif principal est de soulager le patient, sans compro-
les articles 1382,1383 et 1384 du code civil. Sa prescription mettre le traitement ultérieur !

10
2 - La consultation en urgence L'article 6 de la convention de 1997 énonce : « Avant l'éla-
boration d'un traitement pouvant faire l'objet d'un dépasse-
Cette consultation doit être sérieuse et comporter un ment d'honoraires par entente directe tel que prévu dans la
entretien avec le patient pour bien appréhender les signes présente convention, le chirurgien-dentiste remet à l'assuré
qui l'ont amené à consulter en urgence. un devis descriptif écrit, établi selon le modèle présenté en
Un examen clinique minutieux complété de clichés radio- annexe II et comportant : (a) la description précise et
graphiques de bonne qualité doit permettre de poser un détaillée du traitement envisagé, (b) le montant des hono-
diagnostic précis avant d'entreprendre un traitement ou raires correspondant au traitement proposé à l'assuré, (c) le
de délivrer une prescription. montant du tarif conventionnel servant de base au rem-
boursement. Ce devis doit être daté et signé par le praticien
De même, l'état de santé du patient doit être sérieuse-
et l'assuré ou son représentant ». Ce texte s'applique même
ment évalué avant de commencer à soigner, voire à
lorsque le traitement est réalisé en urgence !
extraire.
Si le patient a indiqué être régulièrement suivi par son pra-
Nous conseillons vivement de faire remplir et signer, en
salle d'attente, un document intitulé « bilan de santé ticien traitant, il est impératif de limiter son intervention à
confidentiel », que le patient remet directement au pra- la seule gestion de l'urgence et d'éviter d'entreprendre des
ticien. Ce document permet : traitements de réhabilitation prothétique sans rapport
- d e se faire une idée relativement précise de l'état de avec le motif de consultation en urgence.
santé, des pathologies éventuelles et des médica-
ments pris par le patient ;
- d'apporter une preuve irréfutable que l'examen de
santé a bien été effectué.
Conclusion

Essentiel : il faut retenir quelques principes essentiels dans


Rappelons que le droit français est fondé sur le débat le cadre de la responsabilité civile professionnelle :
contradictoire et qu'un document écrit et signé par le - tenir méticuleusement la fiche médicale du patient. Cette
patient est un élément favorable dans un dossier. fiche retrace chronologiquement les différentes séquen-
Enfin, le traitement en urgence ne dispense pas du devoir ces de soins. Ces soins doivent être décrits de façon lisible
et suffisamment précise. Les prescriptions pré et postopé-
d'information ni de donner des explications sur les diffé-
ratoires doivent être notées avec le nom de la spécialité
rents traitements possibles, traitement endodontique ou prescrite, sa posologie et la durée du traitement ;
extraction par exemple. - les documents fondamentaux signés par le patient d o i -
TOUS ces éléments doivent, être bien sûr, consignés dans vent être scrupuleusement conservés dans le dossier, en
La fiche médicale du patient. particulier le bilan de santé et éventuellement le devis. Ce
sont des éléments essentiels en cas de conflit judiciaire ;
Le traitement en urgence ne dispense pas de la tenue de
- les documents radiographiques sont archivés et les comp-
La fiche médicale du patient, même s'il n'est venu consul-
tes rendus des radiologues conservés. Dans l'hypothèse où
ter qu'une seule fois car la responsabilité du chirurgien- un patient souhaite récupérer ses radiographies (les clichés
dentiste pourrait être recherchée soit à la suite d'un dia- lui appartiennent), il est possible de faire dupliquer certains
gnostic erroné soit dans le cas de soins inappropriés réali- clichés ou de les photographier. Il faut en t o u t état de cause
sés dans cette seule séance. conserver un double des comptes rendus et faire signer au
patient un document récapitulatif des clichés remis ;
Lorsqu'il est en possession de tous les éléments d'analyse,
- si le patient a indiqué les coordonnées de son praticien trai-
le praticien peut poser un diagnostic et proposer un trai- tant, il convient de faire un courrier relatant le diagnostic, les
tement. À ce stade, le patient doit donner son consente- soins exécutés et les médicaments éventuellement prescrits.
ment éclairé sur le traitement d'urgence proposé. Le Ces obligations administratives peuvent paraître
consentement est fondé sur le type de traitement et sur contraignantes à certains praticiens, surtout dans le cadre
d'un traitement en urgence qui viendrait perturber l'organi-
son coût. Il est évident que si le traitement ne comprend
sation rationnelle des rendez-vous déjà programmés, mais
que des actes inscrits à la nomenclature, un devis écrit
il faut savoir qu'un dossier parfaitement tenu permet une
n'est pas nécessaire. En revanche, si ce traitement com- défense bien plus efficace, l'expert pouvant parfaitement
prend des actes hors nomenclature comme resceller une apprécier le bien-fondé de la démarche thérapeutique.
couronne par exemple, un devis écrit est obligatoire !

11
Enjeux de santé publique
— épidémiologie
Sylvie AZOGUI-LEVY

L'état de santé du patient (handicap, pathologie médicale


I- Introduction lourde) peut conditionner le lieu de consultation (le milieu
hospitalier) et la visite en urgence, devant l'absence de
L'organisation et la prise en charge des urgences posent
structure de soins alternative et le manque de disponibi-
un certain nombre de problèmes :
lité des sources de soins.
- du point de vue du patient, il s'agit d'accéder aux soins
dès que le besoin s'en fait sentir, que la raison soit la Les problèmes d'accès aux soins ou de rendez-vous dispo-
douleur, l'infection ou toute autre cause. Le patient nibles rapidement incitent certains patients à utiliser les
recherche une solution rapide à ses problèmes ; services d'urgence hospitalière comme source de soins
- d u point de vue du professionnel, plusieurs aspects sont primaires (Pascal et ai, 2005 ; Cohen et ai, 2002). La fer-
à prendre en compte : le type d'urgence, la capacité de meture des cabinets le soir et le week-end dirige par
prise en charge, la densité du planning, le stress induit par ailleurs les consultations vers l'hôpital.
l'anxiété du patient ou la situation clinique et la percep- Tous ces éléments entraînent des coûts directs liés aux
tion d'une patientèle jugée labile et peu compilante ; visites non programmées et à la surcharge des cabinets
- d u point de vue institutionnel, il s'agit de répondre aux libéraux et des services hospitaliers, ainsi que des coûts
besoins de soins d'une population en s'assurant de la
indirects dus aux visites répétées sans réel suivi, induisant
qualité de ces soins et de l'équité de la réponse don-
des complications infectieuses pouvant aller jusqu'à l'hos-
née sur le territoire.
pitalisation (Cohen et al., 2002).
Assurer la disponibilité des soins d'urgence dentaire en
Ces données ne convergent pas nécessairement. Nous dehors des heures habituelles est donc un problème qui
donnerons dans ce chapitre des éléments de réflexion concerne à la fois la population et la profession.
permettant une prise de décision à la fois individuelle mais Ces constats nous amènent à poser plusieurs questions :
également collective. Nous dégagerons des perspectives traiter l'urgence est une réponse à la demande immédiate
d'action pour une meilleure articulation entre le secteur mais c'est aussi assurer la continuité des soins des malades
hospitalier et le secteur libéral pour la prise en charge des qui consultent itérativement. Il s'agit par conséquent d'amé-
soins en urgence. liorer la prise en charge en amont et l'accès aux soins pré-
ventifs (Lombrail, 1993). Pour cela, s'interroger sur des moda-
lités de fonctionnement plus adaptées à la demande
suppose que l'on renverse la problématique dominante de
II- Problématique recours inapproprié pour s'assurer de la qualité du service
rendu aux consultations, plutôt que d'agir au coup par coup.
La consultation en urgence dépend de plusieurs facteurs
qui relèvent de raisons dentaires, médicales, sociales ou
conjoncturelles. Le motif principal de consultation est la
1 - La permanence de soins
douleur, qui a un impact sur la qualité de vie (sommeil, Elle est définie en médecine par le décret du 7 avril 2005
parler, manger, Anderson et Thomas, 2000 ; 2003) et peut (JO 8 avril 2005) comme : « Une organisation mise en place
entraîner une perte de contrôle, un sentiment d'isole- avec les médecins libéraux afin de répondre par des
ment et une incapacité à coopérer (Pau et al, 2000). moyens structurés, adaptés et régulés aux demandes de

13
Urgences : données générales
Enjeux de santé publique — épidémiologie

soins non programmés exprimés par les patients. Elle cou- -trois quarts des patients sont dans un état clinique jugé
vre les plages horaires comprises en dehors des horaires stable et peuvent être traités sur place. Ils y restent moins
d'ouverture des cabinets libéraux de 20 heures à 8 heures, de deux heures pour la moitié d'entre eux.
les jours ouvrés ainsi que les dimanches et jours fériés. » - l'appréciation par les malades est largement positive.

Il est du devoir des médecins libéraux de participer à la Les deux types de problèmes les plus fréquemment
permanence des soins. Sur le plan bucco-dentaire, en cités sont l'accident (59 %) et la douleur (43 %). Pour
dehors de l'obligation déontologique, il n'y a pas encore 36 % des patients, le problème de santé qui les a amenés
d'organisation à proprement parler de la prise en charge aux urgences était déjà survenu par le passé.
des urgences. Des initiatives par département se mettent
en place. Au niveau hospitalier, la permanence des soins Près de trois quarts des usagers étaient déjà venus dans le
dentaires est inscrite dans les SROS (schémas régionaux même service auparavant, soit pour eux-mêmes soit pour
d'organisation des services de santé). Ceci a pour consé-
un membre de leur famille. Cette familiarité avec l'hôpital
quence une inadéquation entre une demande de soins et
et plus particulièrement avec les services d'urgence, va de
une organisation très diverse et peu lisible.
pair avec une certaine méconnaissance du système de
soins en ville, 20 % ne savent pas s'il existe un médecin de
La population apparaît mal informée et peut avoir une
garde dans la commune. Paradoxalement, 59 % des
attitude consumériste, confondant soins non programmés
patients qui ont un médecin traitant disent qu'ils iront le
ou soins ressentis urgents et soins urgents. Il serait néces-
consulter après ce passage aux urgences, la venue à l'hôpi-
saire de mieux connaître les besoins de soins sur des critè-
tal étant considérée comme complémentaire au recours
res objectifs afin de donner une réponse adaptée libérale
au médecin traitant. La satisfaction est liée au temps
e t / o u hospitalière et de résoudre le problème de la dis-
d'attente, au sentiment d'avoir pu expliquer sa situation et
parité de la réponse sur le territoire.
bénéficier d'actes diagnostiques et thérapeutiques.

2 - Les usagers des urgences - enquêtes 2.2 - En odontologie

2.1 - En médecine La plupart des enquêtes portent sur les usagers des servi-
ces d'urgence hospitalière mais on ne possède pas de sta-
On estime en 2000 les passages aux urgences en France à
tistiques en France sur le nombre de patients, du fait de
12 720 000. Une enquête nationale a été réalisée en 2002
l'absence d'organisation nationale. Au groupe hospitalier
auprès de 150 services d'urgence afin de mieux connaître les
Pitié-Salpêtrière où est organisée la seule garde d'Île-de-
principales caractéristiques des patients, les motifs de recours
France, les nuits, week-end et jours fériés, le nombre de
et leur parcours ultérieur (Carrasco et Baubeau, 2003) :
patients vus sur une année était de 25 000 pour 2005.
- le quart des usagers a moins de 15 ans et 43 %, moins de
Pendant la journée, la moyenne oscille autour de
25 ans;
75 patients par jour. La patientèle est constituée majoritai-
- les personnes de plus de 70 ans représentent 14 % des
rement d'hommes avec une couverture maladie et la
usagers ;
quasi-totalité consulte pour une douleur.
- ce sont majoritairement des hommes ;
Un quart des patients déclare ne pas avoir de source de
- la fréquentation équivalente le week-end et la semaine
soins dentaires régulière (Azogui-Lévy et al., 2004).
est plus faible la nuit, après minuit ;
- près de trois quarts des patients arrivent sans avoir con- Dans la plupart des études, les principales raisons den-
sulté de médecin et par leurs propres moyens ; taires de visite en urgence sont la douleur, l'infection et
- les traumatismes et les problèmes somatiques représen- le traumatisme (Anderson et al., 2003, Persson et al.,
tent les causes principales des recours avec des disparités 2000).
selon l'âge : 85 % des nourrissons arrivent aux urgences
pour des problèmes somatiques alors que les traumatismes Pour des personnes ayant des problèmes médicaux,
concernent près des deux tiers des jeunes de 6 à 25 ans. l'expertise hospitalière est un élément important, de plus,
- les trois quarts des patients ont reçu au moins un examen ils sont souvent adressés à l'hôpital par les praticiens de
diagnostique ou des soins, 19 % sont ensuite hospitalisés, ville (selon Persson et al., 2000, 20 % des patients visitant
les personnes de plus de 70 ans le sont dans plus de la les urgences ont des problèmes médicaux). Les autres rai-
moitié des cas. sons déclarées sont le coût des soins pour des personnes

14
n'ayant pas de couverture complémentaire, le manque de urgentes. Les demandes d'information étaient plus impor-
disponibilité des cabinets dentaires sollicités avec des ren- tantes. Les auteurs s'interrogent en conclusion sur le
dez-vous trop éloignés dans le temps. Certains patients contrôle et le suivi des patients. Une enquête qualitative
n'ont pas de source régulière de soins : ils ont deux fois plus s'est intéressée aux attentes des patients fréquentant les
ce chance d'avoir une visite en urgence pour une douleur. services d'urgence (Anderson, 2004). Si pour la plupart des
L'etat dentaire des patients fréquentant les services patients la raison de la consultation était la douleur, la
d'urgence hospitaliers est souvent plus dégradé : ils ont principale demande était l'information sur l'état dentaire.
plus de dents non traitées (Nassar Al-Qadi B et al., 2004), Les patients voulaient avoir l'assurance que leur problème
plus de dents absentes (Persson et al, 2000). Un état den- n'était pas « très sérieux » et qu'il était bien la source de la
taire déficient est un facteur de risque pour une visite aux douleur. La qualité de la communication avec le dentiste
urgences (Riley et al., 2005). a été jugée essentielle. Les patients comprenaient que le
Aux États-Unis, les patients non couverts par une assu- traitement donné en urgence n'était que provisoire. Les
rance ont plus de chance de souffrir d'une douleur sans auteurs discutaient ensuite l'opportunité d'un service
bénéficier d'une visite, ne reçoivent pas des soins adé- téléphonique accessible en permanence pour répondre à
quats dans un délai raisonnable et n'ont pas d'information ces demandes et qu'il soit relié à un service dentaire en cas
sur leur état. Le fait de modifier le remboursement de de nécessité de traitement.
assurance pour les personnes défavorisées, Medicaid,
pour les visites d'urgence chez les dentistes a augmenté de 2.3 - Cas particulier des enfants
façon significative le recours à des services d'urgence Le problème d'une offre de soins réduite et peu spécifi-
hospitalière ; ceux-ci ne sont pas capables de prodiguer que a pour conséquence un report de recours sur des
une prise en charge complète, ce qui a pour conséquence visites d'urgence hospitalière. Plusieurs problèmes se
tes visites répétées (Cohen et ai, 2002). surajoutent: l'absence de service la nuit et le week-end,
Aux États-Unis, une enquête nationale a montré que les le problème du suivi des enfants et de l'accès aux soins
patients des urgences sont plus jeunes (19-35 ans), et plu- (Von Kaenel et al., 2001), le délai d'attente pour des soins
tôt des hommes, des patients bénéficiant de Medicaid en sous sédation (Lewis et ai, 2002). Pour les enfants de
plus grand nombre que dans les services de médecine. Les moins de 6 ans (Wadhavan et al., 2003), 2 / 3 des visites
visites sont plus fréquentes le week-end. La plupart des d'urgence sont dues aux caries.
patients ont reçu une prescription et ils consultaient
pour moitié en raison d'une infection pulpaire e t / o u péri-
apicale. L'augmentation de la fréquentation des urgences
III - Quelles actions pour quelles
résulte de la difficulté d'avoir une source régulière de
soins. pour des patients plutôt pauvres et sans assurance. améliorations ?
Le type de soins donné aux urgences est une temporisa-
Devant ces constats, quelles sont les stratégies possibles?
tion (Lewis et al., 2003).
Il faut t o u t d'abord définir quelle pathologie relève des
Les modalités de recours aux soins des visiteurs des urgen-
services d'urgence et comment articuler la pratique de
ces sont : des visites répétées chez le même dentiste ou ville avec la pratique hospitalière. Il semble cohérent de
différents dentistes, une visite à l'hôpital et une automé- réserver aux services hospitaliers des pathologies spéci-
dication (Pau et al., 2000). On note clairement que le fait fiques et traumatiques lourdes qui nécessitent un envi-
d'avoir un recours régulier et préventif chez un dentiste ronnement plus sécurisé, mais il faut alors en informer
protège contre des visites d'urgence non nécessaires les usagers. Il faut par ailleurs rendre une telle organisa-
(Powers et al., 2000). tion lisible et la coordonner en réseau.
En suède, où existe une offre de soins dentaire publique,
une étude a été menée pour décrire les raisons des visites En médecine, plusieurs expériences voient le jour avec
en urgence des patients qui sont des utilisateurs réguliers pour objectifs la prise en charge des urgences dites
du service dentaire (Halling et al, 2000). Chez les enfants « simples » afin de désengorger les services hospitaliers.
: es adolescents, la plupart des visites concernaient des Ce sont des maisons médicales de garde reliées directe-
fractures, des traumas et une douleur. Les patients dans ment aux appels d'urgence. En odontologie, la répartition
leur majorité avaient un rendez-vous proche. Les prati- des missions est moins évidente et n'est pas encore entrée
ciens ont considéré seulement 14 % des visites comme non dans une phase de réflexion. En Grande-Bretagne, plu-

15
Urgences : données générales
Enjeux de santé publique — épidémiologie

sieurs expériences ont été tentées afin de mieux prendre taire ou l'abcès. Il y avait peu de traumatismes. Pour la plu-
en charge la continuité des soins (Anderson et al, 2005). part des patients, la douleur durait depuis moins d'une
Les patients sont normalement tous affiliés au régime semaine. La majorité des patients ont été adressés à un den-
d'assurance maladie et sont enregistrés auprès d'un chirur- tiste généraliste pour la suite des soins.
gien-dentiste pour les soins réguliers. Deux problèmes se Le principal bénéfice de cette étude est l'amélioration de
sont posés : d'une part comment répondre aux questions l'accès aux soins pour les patients non enregistrés chez un
des médecins devant les demandes des patients se présen- dentiste. L'algorithme de décision a permis de réduire le
tant en service d'urgence les week-ends, nuits et jours nombre de contacts inappropriés chez les médecins. Pour
fériés ; et d'autre part comment assurer un service de les dentistes, le tour de garde revient à un week-end par
garde avec des praticiens de ville ? Un protocole de « tri » an. La rémunération donnée pour le rendez-vous du jour
a été utilisé pour aider à la prise de décision. suivant l'urgence était plus élevée, pour la rendre plus
attractive.
Les quatre raisons de visites en service d'urgences sont : Une autre réponse a été de relier un service d'urgence den-
- la difficulté d'avaler ;
taire près de l'hôpital avec une réceptionniste coordinatrice
- l'hémorragie ;
et une infirmière assurant une permanence téléphonique
- les traumatismes ;
dentaline (Gibbons et al., 1996). Les dentistes participaient à
- la douleur.
ce tour de garde (300 dentistes volontaires). 61 % des
Quatre types d'action ont été prévus en fonction des
réponses: patients qui ont fréquenté ce service avaient un dentiste. La
- un avis conseil ; moitié était composée de jeunes (20-40 ans). D'autres
-donner un rendez-vous chez un dentiste aux heures régions ont relié leur service d'urgence avec les praticiens
normales ; de ville pour le suivi (Rehman, 2003).
- envoyer le patient pour un traitement d'urgence dans
un service hospitalier ;
- donner au patient un avis médical par téléphone.
conclusion
Parmi les personnes interrogées dans le cadre de ce pro-
tocole de tri, un tiers avait vu un dentiste la semaine pas- Remarque : la visite d'urgence, si elle d o i t être exception-
sée (la raison de la visite d'urgence était le résultat du trai- nelle, d o i t être néanmoins prise en c o m p t e et intégrée dans
tement). À la fin, 8 % seulement ont dû aller consulter à une réponse globale à la prise en charge des problèmes
l'hôpital (Horton et al., 2001). bucco-dentaires.

Une étude pilote (Topping et al., 2005) a été menée pour


mieux repérer les situations d'urgence dentaire et les soi- Elle nécessite une articulation entre les différents secteurs
gner, et référer au praticien habituel aux horaires normaux de l'offre de soins. La mission de l'hôpital est précisée pour
les situations qui ne relèvent pas de l'urgence. les patients médicalement compromis, socialement exclus,
Le service dentaire d'urgence repose sur le schéma suivant. et pour les situations plus aiguës (traumatismes, hémorra-
Un « tri » des appels est effectué par une infirmière dentaire gie...) rendant nécessaire un plateau technique. Les prati-
selon un arbre décisionnel mis au point par des chirurgiens- ciens de ville doivent pouvoir organiser une permanence
dentistes urgentistes, le soir, les week-ends et les jours des soins pour les situations simples, en dehors des ouver-
fériés. Des dentistes se portent volontaires pour donner des tures de cabinet. La mise en place de maisons médicales
rendez-vous pendant la semaine qui suit la visite en urgence. d'urgence ou de lieux expérimentaux connexes à l'hôpital,
La moitié des patients qui se sont vus proposer un rendez- dans le cadre d'un réseau de soins coordonnés avec les ser-
vous sont venus. Les patients étaient satisfaits à 90 % de ce vices hospitaliers, pourrait être des alternatives cohérentes.
procédé et des réponses apportées. Les dentistes ont Néanmoins, il s'agit également de mener une réflexion sur
confirmé l'orientation donnée par l'infirmière dans 87 % des le service rendu et le type de traitement prodigué, ceci afin
cas, avec comme principale raison de visite la douleur den- d'inscrire les patients dans une démarche de soins régulière.

16
Bibliographie

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17
Gestion des urgences
— appel téléphonique
Yves BOUCHER

L'orientation devra en outre permettre de préciser :


I - Généralités - la symptomatologie à l'origine de l'appel permettant
d'orienter le diagnostic ;
1 - Orientation des urgences - le degré de stress du patient ;
- appel téléphonique - l'état général et médical du patient ;
Un rapport précédemment cité de la Cour des comptes - s'il est en cours de soins.
(rapport 2006) indique que l'orientation des patients est Le département exécutif de santé écossais (Scottish
un des éléments essentiels au bon fonctionnement du dis- Executive Health Department) a publié des recommanda-
positif des urgences et de la permanence des soins. La tions relatives aux urgences dentaires qui peuvent être caté-
régulation médicale téléphonique a un rôle déterminant : gorisées en trois niveaux de besoins (SEHD, 2003) et permet-
elle permet de définir dès l'appel du patient la nature de tent d'identifier au cours de l'appel téléphonique (fig. 4.1) :
la réponse à lui apporter, la responsabilité de la décision - soins pouvant être gérés par des conseils et une autoges-
incombant à un médecin régulateur formé et expérimenté. tion du problème ;
Ce rapport indique également que 70 % des usagers de -soins urgents ;
l'hôpital se présentent directement aux urgences, sans - soins d'extrême urgence.
contact médical préalable, même par téléphone, provo- Ce sont ces recommandations qui seront exposées dans le
quant ainsi leur engorgement. Il conclut que pour éviter un chapitre ci-après.
afflux non justifié des patients aux urgences, il faut que le
système de régulation de la demande soit bien organisé en Patient avec urgence dentaire
amont des établissements de santé et que son fonction-
nement soit connu de la population, ce qui n'est pas le cas.
Contact téléphonique initial et orientation
Au cabinet dentaire, la plupart des patients appellent
avant de venir, mais ils appellent pour prendre un rendez-
vous qu'ils souhaitent la plupart du temps immédiat, ce qui
Conseils et auto-aide Soins d'extrême urgence
est rarement possible. section 2.1 section 2.3

Cette procédure d'orientation permettra : Soins urgents


section 2.2
-d'éliminer des appels inappropriés (Horton et al., 2001);
-d'identifier les patients ayant besoin de soins urgents
ou immédiats ; Figure 3.1 Principe de l'orientation des patients.
- de rassurer le patient et de donner des conseils qui amé-
liorent la satisfaction du patient (Anderson et al., 2005).
2 - Principes de l'orientation
important ! La qualité de l'entretien téléphonique est donc L'algorithme de la figure 3.2 permet de rationaliser la
essentielle pour la gestion des urgences et il est important conduite à tenir. La procédure s'effectue en posant des
qu'à l'issue de cet entretien, le chirurgien-dentiste ou l'assis- questions précises et simples auxquelles le patient puisse
tante puissent juger du degré d'urgence de la situation.
répondre par oui ou par non ou par un nombre telles que :

19
Urgences : données générales
Gestion des urgences — appel téléphonique

Le patient souffre-t-il ?

Oui Non

Le patient est-il gonflé ? Le patient saigne-t-il ? Gonflement Saignement

Oui
Non Oui Oui
Oui
Se référer
Autres Suivre les indications Suivre les
aux conseils relatifs
symptômes ? Gonflement indications
au saignement
Saignement
(annexe 3.1),
et le cas échéant Non Non
L'œdème gêne-t-il la ventilation ? à ceux relatifs
aux traumas
Non à l'annexe 3.2
Oui
Se référer aux conseils « Soulagement de la douleur » Donner un rendez-vous de routine
(annexe 3.3)

Évaluation d'urgence
Pour les dents avulsées
ou en cas de saignement
incontrôlé, évaluation
d'urgence

Donner Pour les autres traumas, Donner


un rendez-vous donner un rendez-vous un rendez-vous
d'urgence d'urgence d'urgence

Figure 3.2 Algorithme de gestion de l'urgence par téléphone.

- avez-vous mal ? depuis combien d'heures ou de jours ? Encadré 3.1 Conseils et autogestion du problème. Se référer aux
- quelle est l'intensité de votre douleur sur une échelle de annexes correspondantes (3.1, 3.2 ou 3.3) pour le détail pratique
des conseils à donner au patient dans chaque situation. Se réfé-
0à10 ?
rer également aux chapitres spécifiques de cet ouvrage
- êtes-vous gonflé(e) ? à quel endroit ?
- avez-vous de la température ? combien ? Conseils et autogestion du problème (moins de 25 % des appels).
- saignez-vous ? Catégorie de besoin : soins dentaires de routine.
- etc. (fig. 3.2) Conditions médico-dentaires :

- saignements post-extractionnels ou post-chirurgicaux


2.1 - Conseils et autogestion (annexe 3.1) ;
L'encadré 3.1suivant résume la situation et se rapporte aux - traumas dentaires mineurs (annexe 3.2) ;
encadrés verts des figures 3.1 à 3.3. - douleurs dentaires ne requérant pas une intervention
immédiate (annexe 3.3) ;
- pertes/descellements de couronnes ou d'élément
prothétique ;
- fractures ou pertes d'appareils amovibles ;
- tenons fracturés ;
- fracture ou perte d'obturation ;
- traitements habituellement réalisés dans le cadre d'un soin
dentaire de routine.

Trame temporelle : prévenir le patient de rappeler si la situation


s'aggrave. Sinon, un soin doit être donné dans la semaine si
possible.

20
2.2 - Soins d'urgence 2.3 - Soins d'extrême urgence
Encadré 3.2 Soins d'urgence (75 % des appels). Encadré 3.3 Soins d'extrême urgence (moins de 1 % des appels).

Catégorie de besoins : soins dentaires urgents. Catégorie de besoins : urgences dentaires.


Conditions pathologiques : Conditions pathologiques :
- infections des dents et des tissus mous sans effet général ; -traumas: blessures et lacérations orofaciales et ou
- douleurs orofaciales et dentaires non contrôlées par traumatismes alvéolo-dentaires ;
des conseils et des antalgiques de palier 1. -tuméfactions orofaciales importantes et s'aggravant ;
-saignements post-chirurgicaux que le patient ne peut
arrêter lui-même ;
- saignements post-chirurgicaux que le patient ne peut
résoudre de lui-même par des conditions dentaires qui
ont entraîné une pathologie systémique ou entraîné
une augmentation de température en raison d'une
infection dentaire ;
-trismus sévère ;
- conditions orales pouvant entraîner une détérioration de
l'état général, notamment en cas de pathologie existante.
- Prise en charge : dans l'heure qui suit l'appel ou renvoi
vers un service hospitalier.

Patient avec urgence dentaire


Si le cabinet dentaire est fermé
Les coordonnées du patient, les temporairement ou si l'appel a
raisons de son appel et les lieu en dehors des heures
Contact téléphonique
informations données, notam- d'ouverture, l'appel devrait être
ment médicales devraient être ORIENTATION redirigé vers un autre cabinet
enregistrées. ou un service hospitalier.

Conseils et autoaide Soins d'urgence Soins immédiats

Condition Condition Condition

SAIGNEMENT POST-OPÉRATOIRE INFECTION DENTAIRE ET TISSUS MOUS - TRAUMATISME - comprenant les lacérations
(voir annexe 3.2) Sans répercussions générales faciales et dommages alvéolo-dentaires
TRAUMATISME DENTAIRE ŒDÈME OROFACIAL - important et s'aggravant
(voir annexe 3.3) DOULEUR DENTAIRE INTENSE - SAIGNEMENTS POST-EXTRACTIONNELS - non
DOULEUR DENTAIRE Non contrôlée par les conseils et l'autoaide contrôlés par le patient
(voir annexe 3.4) CONDITION DENTAIRE entraînant des effets
Échelle de temps généraux, maladie ou augmentation de la
Echelle de temps Le patient doit voir un praticien dans les 24 h température
Immiédiate ; le patient doit rappeler si la TRISMUS SÉVÈRE
situation se détériore. Si nécessaire, voir un Fournisseur de soins CONDITION MÉDICALE - conditions dentaires
dentiste dans les 7 jours. Dentiste pouvant aggraver une condition médicale.
Service hospitalier Ex. : diabète
Fournisseur de soins : le patient lui-même
et, si nécessaire, le dentiste. Échelle de temps
Un conseil doit être fourni dans l'heure et un
rendez-vous selon la gravité de la situation.
Note : les problèmes dentaires qui ne relèvent pas d'une problématique d'urgence incluent les douleurs modérées
ne nécessitant pas d'intervention dans les 24 h, les problèmes prothétiques mineurs (couronnes descellée, fracture
Fournisseur de soins
du revêtement céramique, fracture d'un tenon, etc.). Un rendez-vous doit être pris dans la semaine dans un cabinet
dentaire. Dentiste Service hospitalier

Figure 3.3 Vue d'ensemble.

21
Urgences : données générales
Gestion des urgences — appel téléphonique

3 - Gestion des urgences En cas d'exercice partagé, une rotation de ces plages horai-
res dédiées aux urgences peut également être envisagée.
3.1 - Prévention des urgences Par ailleurs, la fréquence des urgences n'est pas la même
Dans notre spécialité, nous pouvons distinguer deux types tous les jours de la semaine. Les statistiques du NHS pen-
d'urgence : dant six mois en 2005 indiquent que les pics d'appels
- les urgences internes : ce sont celles de nos patients, qu'ils étaient le samedi, dimanche et lundi matin et à 18 heures
soient ou non en cours de traitement. Elles peuvent être le lundi, mercredi, jeudi et vendredi (fig. 4.4).
considérablement réduites en nombre, voire supprimées,
grâce à un système de rappel rigoureux. Après son traite-
ment et selon la gravité et l'étendue des soins et des res-
taurations, le patient est rappelé au cabinet tous les 3, 4,
ou 6 mois. Un bilan radiographique sera pratiqué tous les
2 ans. L'urgence interne devient alors exceptionnelle;
- les urgences externes : elles sont constituées soit par des
patients venant consulter pour la 1 re fois soit parce qu'ils
n'ont pas encore de praticiens traitant ou que celui-ci est
absent, soit parce qu'il n'est pas en mesure de les rece-
voir.

3.2 - Organisation des plannings


La meilleure façon de disposer de temps pour gérer des
urgences est de prévoir un créneau horaire spécifique,
dédié aux urgences. Sans nécessairement inscrire un blanc
dans l'agenda, il peut être intéressant de prévoir des actes
dont la durée peut être modulée. En cas d'urgence, ce
seront ces rendez-vous identifiés qui seront fractionnés. Figure 3.4 Nombres d'appels par tranche horaire.

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22
Annexes
Annexes 3.1, 3.2 et 3.3. Ce document est destiné aux membres de l'équipe dentaire afin d'apporter une aide au patient.

Annexe 3.1 Saignements post-opératoires.

Patients ayant des extractions au cours de la semaine passée et qui peuvent avoir besoin de conseils pour
Contexte décisionnel
gérer un saignement de l'aire d'extraction.
Des mesures locales pour contrôler le saignement peuvent être proposées après vérification que le patient
ne prend pas de médication anticoagulante ou qu'il n'ait pas indiqué une maladie générale perturbant la
Résumé coagulation.

Dire au patient de rappeler si les mesures conseillées ne sont pas efficaces.

• Il est normal d'avoir un peu de sang dans la salive après une extraction.
• Prendre une compresse ou sinon du coton qu'on placera dans un tissu propre (mouchoir, serviette de table,
torchon...), l'humidifier.
• Rincer la bouche à l'eau tiède (pas chaude) pour éliminer le sang.
Conseil • Placer la compresse sur l'alvéole et serrer fortement. En cas d'absence de dents antagonistes, tenir à la main.
Maintenir la pression pendant 20 minutes et vérifier ensuite.
• Si le saignement s'est arrêté, rester calme et en position verticale autant que possible.
• Ne pas boire d'alcool.
• Ne pas toucher l'alvéole.
• Si le saignement persiste, rappeler.

Annexe 3.2 Traumatisme dentaire.

Les patients ayant eu un traumatisme buccal peuvent avoir des dents cassées ou expulsées nécessitant des
Contexte conseils et des soins urgents. En cas d'expulsion, des conseils de base doivent être donnés sur la façon de
conserver ta dent expulsée.

• Les traumas exposant la dentine nécessitent un rendez-vous urgent afin d'éviter une infection pulpaire.
Résumé • Si une dent définitive a été expulsée, il faut ta manipuler avec précautions, en évitant un contact direct avec
la racine ; la dent expulsée doit être gardée dans du lait ou du sérum physiologique jusqu'au rendez-vous.

• Les saignements et la douleur résultant du trauma doivent être gérés selon tes consignes des annexes 1 et 3. !
• Si une dent a été fracturée mais sans exposition dentinaire, il n'y a pas d'urgence, mais un rendez-vous doit
être donné pour réhabiliter l'esthétique et les gênes fonctionnelles (arêtes vives),
• Si la dentine est exposée, un rendez-vous urgent doit être donné pour éviter une infection pulpaire.
• Si une dent temporaire a été expulsée, elle ne doit pas être repositionnée. Un traitement de la douleur doit
Conseil être instauré et un rendez-vous doit être donné pour estimer les conséquences potentielles du
traumatisme sur tes dents définitives.
• En cas d'expulsion d'une dent permanente, un dentiste doit être vu immédiatement ; les résultats de la
réimplantation dépendent en effet du temps passé par la dent hors de l'alvéole et dans quelles conditions.
Les meilleurs résultats sont obtenus Après des temps inférieurs à 30 minutes.
• Si une dent avulsée ne peut être réimplantée immédiatement, elle doit être conservée dans du lait ou du
sérum physiologique. Conservée dans ces conditions, elle peut être réimplantée jusqu'à 24 heures.
Manipuler ta dent sans toucher la racine. La préservation des cellules desmodontales est cruciale pour le
pronostic

23
Urgences : données générales
Gestion des urgences — appel téléphonique

Annexe 3.3 Douleur.


La personne délivrant des conseils relatifs à la douleur dentaire doit être formée. Les conseils relatifs à la posologie sont
réservés à un professionnel de santé.
Les patients en attente de soins urgents ou très urgents peuvent avoir besoin de conseils pour gérer leur
Contexte
douleur.

Des mesures locales pour soulager la douleur d'origine dentaire peuvent être recommandées en
combinaison avec la prise d'ibuprofène e t / ou de paracétamol. Les patients seront avisés des instructions
Résumé qu'ils doivent suivre figurant sur la notice, notamment celles relatives au respect des contre-indications
médicales. Les patients asthmatiques, les femmes enceintes, les patients ayant un ulcère gastroduodénal, par
exemple, doivent éviter l'ibuprofène.

• Éviter les stimulations qui déclenchent ou aggravent la douleur comme les aliments/boissons chauds et froids.
• Un glaçon maintenu contre une dent peut soulager certaines douleurs d'origine endodontique.
• Certaines positions corporelles améliorent la douleur.
• Les patients doivent vérifier que les antalgiques dont ils disposent leur ont déjà apporté un bienfait dans le
passé, sans provoquer de réactions indésirables.
Conseil • l'ibuprofène (comprimés 400 mg toutes les 4-6 h) ou le Paracétamol (2 x 500 mg toutes les 4-6 h) sont
efficaces pour soulager les douleurs modérées d'origine dentaire. Ne pas dépasser 3 x 400 mg d'ibuprofène
et 8 x 500 mg de Paracétamol par 24 h.
• Les enfants peuvent recevoir des sirops d'ibuprofène (100 mg/5 mL) ou de paracétamol (120 mg/5 mL ou
250 mg/5mL selon l'âge). Suivre les indications de la notice.
• Dans les cas de douleurs dentaires intenses, l'ibuprofène et le Paracétamol peuvent être combinés, par
exemple. Ibuprofène 400 mg suivi par 2 heures plus tard par du paracétamol 2 x 500 mg.

24
Le dossier du patient
Edouard COHEN

I - Introduction l'ANAES (ANAES, 2000) de ne pas élaborer de standard en


raison des spécificités variées de la profession : modes
La tenue du dossier médical du patient est une obligation d'exercice différents dus à une orientation plus ou moins
éthique et légale. L'historique médical et sa relecture avec spécialisée de nombreux praticiens.
le patient doivent précéder toute autre investigation. Un Un dossier complet et réactualisé permet un traitement
questionnaire rempli et signé doit renseigner le praticien global du patient. Les objectifs de la bonne tenue d'un
sur la santé générale du patient, ses pathologies passées dossier retenus par le groupe de travail de l'ANAES sont
et actuelles ainsi que ses traitements médicamenteux. exposés ci-dessous.
Aucun acte, aucune prescription ne doivent être effectués
sans s'être assuré de l'absence de contre-indication ou
d'éventuels effets indésirables entre la thérapeutique 1 - Au niveau clinique
envisagée et l'état général du patient. Certaines patholo-
- Permettre une prise en charge globale du patient.
gies cardiaques imposent par exemple l'utilisation d'une
-Améliorer la démarche du praticien pour optimiser son
antibioprophylaxie avant tout acte invasif, et peuvent
influer sur le choix de la thérapeutique ; dans certaines exercice.
situations, l'extraction devra par exemple être préférée au - Utiliser au mieux les données diverses recueillies dans le
traitement d'urgence d'une pulpite irréversible ou d'une dossier pour se remémorer :
nécrose, si les antécédents médicaux du patient l'impo- - l'anamnèse médicale et surtout les alertes médicales ;
sent. D'autres pathologies ou thérapeutiques lourdes peu- - les traitements effectués ;
vent compliquer considérablement les soins dentaires, - le plan de traitement.
notamment dans la situation d'urgence. Un élément par- - Planifier les traitements et donc agir avec logique et sans
ticulier doit être pris en compte lors d'une consultation en perte de temps.
urgence : un patient qui souffre depuis plusieurs heures, - Expliquer et discuter des traitements avec le patient à
voire plusieurs jours, peut avoir tendance à « minimiser » partir d'éléments du dossier.
ses problèmes de santé de peur de se voir refuser les soins.
- Garder une trace des traitements effectués et de leur jus-
Cela concerne particulièrement les traitements médica-
tification.
menteux en cours ; par ailleurs, de nombreux patients ne
prennent pas en considération les divers antalgiques et - Disposer d'un élément de référence pour les identifica-
autres anti-inflammatoires pris en automédication. Ils doi- tions médico-légales.
vent cependant être consignés dans le dossier médical.
2 - Au niveau de la gestion
Important ! Enfin, la simple lecture du questionnaire par le - Favoriser la gestion administrative.
praticien ne suffit pas ; il est nécessaire de le revoir point - Retrouver rapidement et sans risque d'erreur le dossier
par point avec le patient et de chercher à obtenir le maxi- du patient.
mum d'informations sur les champs renseignés. - Favoriser la transmission des informations du dossier à un
autre professionnel de santé.
Il est recommandé qu'un dossier soit élaboré pour chaque
patient se présentant à la consultation. En cas d'utilisation
Il - Principes fondateurs d'un dossier informatique, une déclaration de fichier de
En dépit de la demande de modèles de dossier et de ques- gestion des patients doit être faite à la Commission natio-
tionnaire médicaux, il a été décidé, par le groupe formé par nale de l'informatique et des libertés (CNIL).

25
Urgences : données générales
Le dossier du patient

III - Contenu du dossier du patient - Les données comptables doivent être séparées des
données médicales.
Le dossier informatisé doit permettre l'échange d'infor-
1 - Données mation entre les professionnels de la santé.

Essentiel : il est indispensable que le dossier du patient La réalisation du dossier informatique (actuellement en
contienne les données suivantes.
cours de finalisation par les autorités administratives :
http://www.d-m-p.org) permettra d'intégrer les données
1.1 - Données administratives médicales et odontologiques.
- Numéro du consultant. Quel que soit le support, la sécurisation des données doit
- Nom — Prénom — Sexe. être assurée.
- Date de naissance — Lieu de naissance. Une consultation d'urgence ne dispense pas de la tenue
- Adresse complète — Téléphone domicile - Portable. d'un dossier médical. Pour des raisons de temps, l'ouver-
- Numéro de Sécurité sociale - Profession. ture d'un dossier complet pour les patients vus en
- Date du 1 e r soin et du dernier. urgence, non suivis par le praticien, est souvent remise à
- Nom et prénom de l'assuré. une séance ultérieure, à tort. Dans tous les cas, un dossier
-Tuteur, curateur, tiers payeur - correspondants. minimum contenant au moins l'anamnèse médicale et
dentaire doit être réalisé (fig. 4.2).
1.2 - Données cliniques Pour responsabiliser le patient consultant normalement ou en
- Motif de la consultation. urgence, il faudra lui faire signer sa feuille de renseignements
- Anamnèse médicale (fig. 4.1). médicaux remplie qui comportera à la fin la mention suivante :
- Anamnèse odontologique. «Je soussigné... déclare avoir lu, compris, et avoir répondu au
- Données de l'examen clinique endo et exo buccal. questionnaire médico-dentaire ci-dessus au meilleur de ma
- Schéma bucco-dentaire avant et après traitement. connaissance. Je m'engage par la présente à vous aviser de
- Résultats des examens complémentaires : radios, modèles. tout changement de mon état de santé. J'autorise la constitu-
- Les courriers avec les autres professionnels de la santé. tion de mon dossier dentaire, son suivi, ainsi que mon inscrip-
- Le ou les plans de traitement. tion sur la liste de rappel du dentiste traitant. Je reconnais que
- Les traitements. mon dossier sera conservé au cabinet et que le dentiste et son
- Le suivi thérapeutique. personnel auxiliaire y auront seuls accès. Je reconnais aussi
- La prévention. mon droit de consulter mon dossier, d'en demander une rec-
- Le double des prescriptions, certificats, etc. tification et de me retirer de la liste de rappel. »
- Détail des radiographies remises. S'il s'agit d'un mineur ou d'une personne sous tutelle, une
- Nature des matériaux mis en bouche. autorisation de soins doit être signée. L'article 29-1 du
code de déontologie précise : « Lorsqu'il est impossible de
recueillir en temps utile le consentement du représentant
Important ! Un interrogatoire oral mené par le praticien
légal d'un mineur ou autre incapable, le chirurgien-den-
doit compléter l'anamnèse médicale sous forme de ques-
tionnaire écrit. tiste doit néanmoins, en cas d'urgence, donner les soins
qu'il estime nécessaires. »
En cas d'appel d'un médecin urgentiste, il faudra fournir les
2 - Recommandations éléments suivants :
- un historique de l'urgence ;
sur la tenue d'un dossier
- les symptômes observés ;
- Il doit être clair, lisible, actualisé. - les traitements administrés et leurs effets.
- La personne qui remplit le dossier doit être identifiée. Outre les coordonnées du patient, il faudra noter, l'heure
- Le dossier papier doit être écrit d'une façon indélébile. et la date de :
- La présentation du dossier doit être évolutive. - l'accident, la nature du traumatisme ;
- Les commentaires confidentiels doivent être consi- - la nature des traumatismes dentaires antérieurs ;
gnés sur une fiche à part.
- les informations médicales spécifiques.

26
Renseignements médicaux

NOM:
PRÉNOM:
Date de naissance :
Adresse :
Tel. domicile :

Quand avez-vous consulté votre médecin pour la dernière fois ?

Êtes-vous en cours de traitement ?.....................................................................................................................................................OUI NON


Prenez-vous des médicaments ? OUI NON
Êtes-vous sensible ou allergique à certains médicaments ? OUI NON

AVEZ-VOUS OU AVEZ-VOUS EU UNE DES AFFECTIONS SUIVANTES ?

Cardiaque OUI NON


Hypertension OUI NON
Respiratoire OUI NON
Nerveuse OUI NON
Diabète - Hépatite - Tuberculose -Jaunisse OUI NON
Désordre sanguin OUI NON
Saignement excessif OUI NON
Rhumatisme articulaire aigu OUI NON
Rhumatisme ou arthrite OUI NON
Traitement par rayons X ou Cobalt - Tumeur OUI NON
Allergie OUI NON
Complications de cicatrisation........................................................................................................................................................ OUI NON

Avez-vous une autre affectation à signaler ? OUI NON


Si oui, laquelle :

Avez-vous déjà subi une anesthésie générale ? OUI NON


Avez-vous déjà subi une anesthésie locale ? OUI NON
Avez-vous déjà eu une complication suite à une anesthésie ? OUI NON

«je soussigné déclare avoir lu, compris et avoir répondu au questionnaire médico-dentaire ci-dessus au meilleur de
ma connaissance. Je m'engage à vous aviser de tout changement de mon état de santé. J'autorise la constitution de mon dossier, son
suivi ainsi que mon inscription sur la liste de rappel. Je reconnais que mon dossier sera conservé au cabinet et que seuls le dentiste et
son personnel y auront accès. Je reconnais aussi mon droit de le consulter et de me retirer de la liste de rappel. »

Date : Signature :

Figure 4.1 Fiche de renseignements médicaux.

27
Urgences : données générales
Le dossier du patient

juin 2005, écrit : « La loi ne précise pas expressément de


Consultation d'urgence
délai de conservation des dossiers. Mais afin de se prévenir
des poursuites en cas de litiges, il est conseillé au praticien
Courriers ou de les conserver, y compris après son départ à la retraite.
Questionnaire Examen Bilan Modèles
médical clinique radio d'étude
compte-rendus Dans le cas d'une collaboration, c'est le titulaire du cabi-
divers
net, détenteur d'informations, qui doit assurer la commu-
nication des documents à l'intéressé. »
À titre indicatif, les dossiers administratifs doivent être
Anamnèse
médicale Diagnostic conservés dix ans, à partir de la date du dernier rendez-
et odontologique vous. Pour un patient mineur, ce délai est augmenté du
nombre d'années séparant la date du dernier rendez-vous
Plan
de traitement à celui du début de sa majorité.

Information
et consentement
éclairé La situation des praticiens retraités ou décédés
Du fait de la durée de prescription de la responsabilité
Thérapeutique civile en matière médicale (30 ans à compter des soins
avant la loi du 4 mars 2002,10 ans depuis mais à comp-
ter de la date de la consolidation du dommage, notion
Figure 4.2 La consultation d'urgence (Bitton, 2005). assez floue), un praticien qui a cessé toute activité pro-
fessionnelle depuis plusieurs années (ou qui est
3 - Odontologie médico-légale décédé) peut faire l'objet d'une réclamation de la part
d'un ancien patient.
L'identification est fondée sur l'état bucco-dentaire d'où Comment est-il garanti ? En cas d'activité ou de décès
la nécessité d'une tenue parfaite des dossiers. du praticien, la garantie de la compagnie d'assurance est
portée à 10 ans au lieu de 5 ans après la résiliation du
Important ! Les problèmes rencontrés par les praticiens en contrat (un praticien qui a pris sa retraite le 31 décembre
odontologie médico-légale sont : 2004 sera donc couvert par la compagnie qui l'assurait
- le manque de description et de date de l'examen bucco- pendant son exercice jusqu'au 31 décembre 2014). Préci-
dentaire ; sons pour ceux qui l'ignoreraient que le décès du prati-
- le manque d'uniformisation des symboles utilisés ; cien n'éteint pas sa responsabilité civile qui est transfé-
- des radiographies inadéquates ; rée aux héritiers (le décès n'éteint que la responsabilité
- des dossiers illisibles ou en mauvais état. pénale). D'où l'intérêt, au moment de la retraite, de
négocier avec son assureur une prolongation de la
durée de garantie jusqu'à 15 années par exemple. Atten-
tion cependant pour les contrats conclus avant la loi
IV - Conservation du dossier About du 30 décembre 2002 car la garantie n'est pour
eux que de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de
Alain Moutarde, dans un article paru dans la Lettre du cette loi (Vassal, 2006).
conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, en

Bibliographie
ANAES. Le Dossier du patient en odontologie. Paris : Publi- Moutarde A. Conservation du dossier médical après ces-
cations de l'ANAES, 2000. sation d'activité. Lettre du Conseil national de l'Ordre des
chirurgiens-dentistes 2005 ; 38.
Bitton J. La consultation d'urgence. Information dentaire
2005 ; 26 :1569-71. Vassal JP. Information dentaire 2006 ; 44 : 2851.

28
Sédation lors des urgences
en odontologie
Martine HENNEQUIN, Christian CHARTIER

induites par les soins, le fait qu'elles soient à but thérapeu-


I - Introduction
tique n'est pas toujours un élément suffisant pour que le
Les urgences en odonto-stomatologie comportent t o u - patient qui va y être exposé parvienne à trouver un
tes une composante d'agression e t / o u de contrainte comportement adapté, différent de la réaction primaire
que l'organisme humain ne serait pas forcément capable de lutte ou de fuite. Il faut que ses fonctions neurologi-
d"assumer sans une réaction neuroendocrinienne, ques supérieures soient formatées (« circuitées » selon le
cognitive e t / o u comportementale. Or, ces réactions ne terme des neurocomportementalistes), que ses capacités
sont pas nécessairement contrôlables spontanément, vitales soient optimales et que l'agression ne dépasse pas
et ne sont en outre pas particulièrement bénéfiques un seuil tolérable. Ce seuil est variable selon les individus,
comme expériences de vie. Les indications de sédation et la tolérance propre à chaque patient trouve toujours
sont donc particulièrement justifiées dans le contexte
une limite.
de l'urgence, soit dans la séance pour gérer les manifes-
tations neuroendocriniennes et comportementales de La douleur est avant tout un symptôme et ne constitue
la douleur et de l'anxiété, soit par le biais d'une prescrip- pas un traceur objectif du retentissement du stress. Elle
tion. pour préparer le patient à une intervention ulté- n'a donc aucun intérêt adaptatif à long terme dans le
rieure consécutive à la consultation en urgence. cadre du soin.

Lorsque la douleur fait partie des éléments du diagnostic


(pulpite, parodontite apicale aiguë ou chronique...), il n'y a
Il - Mécanismes aucun bénéfice à la laisser perdurer et il est de bonne pra-
tique d'appliquer des anesthésiques ou des antalgiques
1 - Indications d'ordre neurophysiologique dès le début de la prise en charge. Lorsqu'il s'agit d'un
symptôme d'accompagnement (fractures, œdème, luxa-
Les réactions neuroendocriniennes à l'agression sont
tion...), elle doit être traitée dès qu'elle est constatée. En
connues depuis les travaux de Hans Selye, publiés à partir
revanche, les douleurs induites lors des soins sont très
de 1956. Elles dépassent largement les seules manifesta-
spécifiques et doivent absolument être anticipées et évi-
tions douloureuses. Si la prise en charge de la douleur doit
tées. En effet, elles ne sont pas anonymes et ont la dimen-
faire partie du programme de toute unité qui reçoit des
sion psychosociale des souffrances morales induites par la
urgences, il ne peut cependant être suffisant de se limiter
contrainte. La douleur physique et la douleur morale sont
a ce seul aspect. traitées par la même zone cérébrale (aire cingulaire). Il est
Schématiquement, face à une contrainte ou une agres- donc logique que les médicaments de la douleur aient
sion, un être vivant dispose de deux moyens pour faire souvent également des effets sédatifs, et réciproquement,
cesser cette perturbation : la lutte ou la fuite. que certains sédatifs aient des effets analgésiques. De plus,
c'est le circuitage de l'enfance qui participe à diriger pré-
férentiellement les voies de la transmission vers le plaisir
La douleur et le stress ressentis ou anticipés en sont les
ou la douleur. Il est donc également logique de constater
messagers, habituels pour bon nombre de vertébrés, et
que les médicaments de la sédation entraînent générale-
envahissants pour les humains. Pour le cas des agressions

29
Urgences : données générales
Sédation lors des urgences en odontologie

ment des états très agréables, mais peuvent aussi induire l'agression (Kehlet, 2000) et l'analgésie participe aussi à cet
des effets décrits par certains patients comme très désa- objectif. Ce contrôle même partiel des réactions neuroen-
gréables. docriniennes diminue la morbidité liée à l'agression, amé-
L'avancée des connaissances neurophysiologiques por- liore le confort des patients et favorise leur réhabilitation.
tant sur la contrainte métabolique postopératoire s'est Les réactions à une agression ont des aspects cognitifs et
accompagnée de progrès biochimiques. Il est devenu pos- comportementaux qu'il est très réducteur de classer dans
sible de doser plusieurs médiateurs de l'inflammation les éléments relevant du seul confort de la vie. Une agres-
(cytokines et autres), et peptides ou hormones de la réac- sion a des implications bien plus vastes comme :
tion neuroendocrinienne. Les moyens pour mesurer le - l'activation des catécholamines bien connue ;
stress (chirurgical ou traumatique) restent grossiers. Ils - la mise en action du système neuroendocrinien ;
sont issus de l'activation du système sympathique (adré- - l'induction d'une réaction inflammatoire non immune
naline, noradrénaline), de la réponse neuroendocrinienne (dont la finalité est la réparation tissulaire et la cicatrisa-
(facteurs hypothalamo-hypophysaires, cortisol, glycémie, tion) et d'une réponse immunitaire ;
résistance à l'insuline), et de la réponse inflammatoire et - des modifications génomiques qui vont moduler le trai-
immunitaire systémique (cytokines, marqueurs immuni- tement des informations nociceptives ultérieures, en
taires), (Desborough, 2000). Aucun dosage biologique particulier lors de l'inflammation.
n'est cependant de pratique courante pour graduer la
contrainte d'un organisme humain face à une situation
Essentiel : ainsi, c'est bien l'usage de l'anesthésie locale
donnée, et de ce fait, encore moins pour guider le
combinée avec une sédation et une analgésie qui apporte
contrôle de cette réaction à l'agression par les méthodes le meilleur contrôle possible du message nociceptif pour
d'anesthésie et de sédation. l'essentiel des actes réalisés en urgence odonto-stomatolo-
Il est généralement admis qu'il est utile d'« endormir les gique.
patients », et d'avoir recours à une anesthésie générale ou
à une sédation profonde pour procéder aux actes un tant
Cette association anesthésie/analgésie et sédation constitue
soit peu invasifs ou désagréables. Cependant, il est essen-
une triade complémentaire des capacités propres de chaque
tiel de comprendre que le sommeil et l'immobilité qui lui
patient confronté à une situation donnée.
est associée ne sont pas les fondamentaux de l'anesthésie
et de la sédation. Ce sont en fait des procédures permissi-
L'action de ces méthodes thérapeutiques se situe à plu-
ves, mais non curatives en elles-mêmes.
sieurs niveaux bien complémentaires :
- bloquer l'activation des nocicepteurs périphériques ;
La perte de conscience n'est pas un état nécessaire à la - bloquer la transmission par les afférences sensitives ;
réalisation des soins et on oublie parfois que l'anesthésie -moduler la transmission par la corne médullaire
et la sédation ont pour objectif essentiel de s'opposer à postérieure ;
toute nociception, en utilisant les différents moyens - modifier le contrôle supraspinal descendant ;
classiques employés dans la pratique de l'analgésie et de - moduler la perception du message nociceptif central.
l'anesthésie, et ainsi de maîtriser autant que possible les
réactions neuroendocriniennes créées par l'agression.
La sédation ne sera donc pas mise en oeuvre systématique-
ment, et les solutions proposées seront toujours multifac-
De plus, la biologie des neurotransmetteurs est extrême-
torielles et individuelles. Ainsi, parmi 144 personnes haute-
ment dépendante du contexte psychosocial lié à une
ment angoissées adressées à un service spécialisé, 27,8 %
intervention. Or, le contexte de l'urgence en odontolo-
ont pu avoir accès aux soins sous sédation consciente avec
gie est anxiogène de façon habituelle. De ce fait, avant
un mélange N 2 O / O 2 ; et 46,5 % ont pu être soignées avec
même que ne soit indiquée la sédation, les facteurs de
une approche comportementale. Les autres personnes ont
stress liés à l'accueil, aux conditions de l'entretien et de
été soignées sous sédation intraveineuse (22,9 %) ou sous
l'examen clinique, aux locaux, aux relations interperson-
anesthésie générale (2,8 %), (Aartman et al., 1999).
nelles devront être maîtrisés pour optimiser les condi-
tions de la sédation.
L'anesthésie (locale et générale) et la sédation permettent La pratique de la sédation commence donc par la compré-
hension des concepts et des mécanismes qui la justifient.
un relatif contrôle de certaines de ces composantes de

30
2 - Indications d'ordre cognitivo- peuvent coopérer suffisamment pour s'installer sur le fau-
teuil dentaire, maintenir la bouche ouverte pendant de
comportemental
longs moments, se ventiler exclusivement par le nez lors-
Les troubles du comportement (comme l'agressivité, que de l'eau est projetée, et contrôler leurs réactions lors-
l'évitement ou l'opposition), les manifestations physio- que les instruments rotatifs sont en activité. Pour environ
logiques propres à l'activation du système nerveux 15 % de la population, des raisons médicales, mentales ou
autonome (comme l'augmentation du rythme cardia- physiques ne permettent pas cette coopération, et l'accès
que, de la fréquence respiratoire ou de la pression arté- aux soins dentaires de ces personnes dépend alors de la
rielle...) et les manifestations cognitives qui se traduisent mise en oeuvre de procédures de sédation ou même
par des distorsions dans l'interprétation des intentions d'anesthésie générale. La présence de certaines conditions
des soignants sont des réponses qui caractérisent un permet d'identifier les groupes humains pour lesquels la
trouble de l'adaptation avec anxiété (Lang, 1968). sédation sera plus fréquemment indiquée, en particulier
dans le cadre de l'urgence.
Ces manifestations sont extrêmement fréquentes dans le
contexte de l'urgence en odontologie, précisément d'une
part parce que les patients anxieux ne consultent qu'en
1 - Immaturité développementale
dernier recours et que d'autre part, les patients qui souf-
frent développent de l'anxiété. Elles sont significatives La population des très jeunes enfants est appelée à
d'un trouble anxieux ou phobique du soin dentaire qui consulter en urgence dans deux situations très particuliè-
pouvait être préexistant à la situation d'urgence, ou bien res. La première concerne les jeunes enfants polycariés,
qui a pu se développer spécifiquement avec la pathologie pour lesquels la première consultation est induite par un
douloureuse ou lors de l'exposition au contexte du soin. épisode infectieux aigu et a lieu dans le cadre de l'urgence.
Ces réponses à l'anxiété liée aux soins dentaires sont Les milieux socialement défavorisés constituent un
caractérisées par le fait qu'elles interagissent fortement groupe à haut risque carieux, pour lequel les petits enfants
entre elles, qu'elles sont acquises par l'individu, qu'elles de moins de cinq ans présentent déjà une ou plusieurs
sont maintenues dans le temps et qu'elles peuvent être lésions carieuses (Stecksen-Blicks et Holm, 1995, Moynihan
modifiées par des désapprentissages. et Holt, 1996). Une enquête menée au Royaume-Uni auprès
Les procédures de sédation sont particulièrement perti- de 1 658 enfants de 1,5 à 4,5 ans montre que 17 % des
nentes dans ce contexte. Elles ont généralement des effets enfants ont des lésions carieuses, qui, pour 83 % des cas,
complémentaires sur les trois domaines des manifesta- ne sont pas traitées (Moynihan et Holt, 1996). Dans ces
tions de l'anxiété : physiologique, comportemental et situations, un geste doit souvent être réalisé, en attendant
cognitif. Elles rendent possible l'exposition du patient au la programmation d'une anesthésie générale.
facteur de stress qu'est le soin, tout en stabilisant ses La deuxième situation concerne les enfants qui, au cours
manifestations physiologiques. Le patient reste conscient, d'un accident banal (chute de vélo, à la piscine, dans la
ce qui lui permet d'être l'un des acteurs du soin et d'en cour d'école...), subissent un traumatisme bucco-dentaire
tirer des bénéfices cognitifs notables. Ainsi, les procédures qui implique une consultation et un geste dentaire en
de sédation visent à diminuer les souvenirs pénibles, pré- urgence. Différentes enquêtes menées au Brésil, en Belgi-
venir les comportements paradoxaux, anticiper et éviter que et en Suède indiquent que 20 % à 30 % des enfants de
es moments douloureux et permettent de réhabiliter le 4-5 ans ont subi un trauma dentaire (Mestrinho et al., 1998,
patient, c'est-à-dire de le ramener dans un état permettant Carvalho, 1998, Stecksen-Blicks et Holm, 1995). Dans 33 %
le retour à sa vie habituelle, dans un délai compatible avec des cas, le traumatisme dentaire entraîne des complica-
les conditions du contexte de l'urgence, et en particulier tions douloureuses et infectieuses (Glendor et al., 1996) et
sans hospitalisation. implique une prise en charge immédiate.
Les critères permettant d'identifier ces enfants sont géné-
ralement un critère d'âge (en dessous de cinq ans), et un
critère de capacités de ventilation. Il faut en effet s'atten-
III - Populations concernées dre à ce qu'un enfant qui n'a pas encore établi une venti-
En france, le modèle général de distribution des soins se lation nasale puisse difficilement coopérer pour de longs
réfère au cadre de la pratique de ville et à des patients qui intervalles de travail en bouche.

31
Urgences : données générales
Sédation lors des urgences en odontologie

2 - Troubles cognitifs, déficience mentale, Pour les mêmes raisons de diagnostics tardifs des patho-
démence logies dentaires, et d'opposition aux soins, les personnes
âgées qui sont institutionnalisées peuvent faire l'objet
Les motifs de consultation en urgence sont plus fré- d'une indication de sédation dans le cadre de l'urgence.
quents pour les personnes qui présentent des troubles
cognitifs ou une déficience mentale que pour la popu-
Ainsi, parmi les 756 personnes qui constituaient un
lation générale. Les difficultés de communication, et
échantillon représentatif des résidents des établissements
plus précisément les difficultés d'expression de la dou-
leur, les difficultés d'accès aux soins expliquent l'évolu- d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
tion des pathologies infectieuses. (EHPAD) en Poitou-Charentes et Limousin, 53 % avaient au
moins un foyer infectieux d'origine dentaire justifiant un
geste d'extraction (Cohen et ai, 2006). Cependant, les trou-
Elles sont identifiées tardivement, par l'entourage, le plus
bles cognitifs et les pathologies démentielles sont fréquents
souvent à l'occasion d'un épisode aigu (Hennequin et al.,
chez les personnes âgées et ils s'accompagnent souvent de
1999). De plus, comme pour les jeunes enfants, les trauma-
comportements d'opposition dans le cadre du soin dentaire.
tismes bucco-dentaires sont plus fréquents au sein de
cette population. Les troubles de la motricité, les crises
d'épilepsie et pour les personnes polyhandicapées, les
3 - L'anxiété ou la phobie dans le contexte
accidents induits par les transferts quotidiens, l i t /
fauteuil/baignoire sont responsables de la fréquence des
du soin dentaire
chutes et de traumatismes bucco-dentaires. Hors troubles du développement et immaturité cognitive,
Le programme national interrégime mené en 2004 par les les enfants sont relativement disposés à développer la
caisses d'assurance maladie permet d'apprécier la préva- peur du dentiste. Pour une population suédoise de
lence de ce problème parmi un large échantillon représen- 4 061 enfants de 4-6 ans et 9-11 ans, l'anxiété du soin den-
tatif des enfants et des adolescents de 6 à 20 ans fréquen- taire et les problèmes comportementaux sont respective-
tant un institut médico-éducatif (IME) ou un établissement ment présents pour 6,7 % et 10,5 % (Klinberg, 1995). En
pour polyhandicapés (Dorin et al., 2006). Parmi les enfants Auvergne, une enquête a montré que parmi 1 303 enfants
examinés, 7,6 % présentaient au moins une dent antérieure de 5 à 12 ans scolarisés en milieu ordinaire, 11,7 % ont déjà
fracturée et non restaurée. De plus, 14,7 % étaient porteurs développé un niveau d'anxiété sévère vis-à-vis du den-
d'une lésion carieuse développée et 7,9 % présentaient un tiste, alors que 20 % présentent un niveau d'anxiété modé-
foyer infectieux d'origine dentaire. Ainsi, ces enfants sont rée (Carrasco et al., 2006). De plus, parmi ces enfants, ceux
hautement susceptibles de consulter dans une situation qui présentaient déjà au moins une lésion carieuse avaient
d'urgence. plus peur du dentiste que ceux qui n'avaient pas de caries.
Pour cette population, les troubles cognitifs et les trou- Ainsi, c'est souvent dans le cadre de l'urgence que ces
bles de la communication sont responsables des difficul- enfants consultent et l'accès à la sédation est décisif dans
tés d'adaptation aux exigences du soin, en particulier dans ce contexte pour rétablir un cycle régulier de soins ulté-
les délais courts d'une consultation en urgence. L'étude du rieurs programmés.
Programme national interrégimes (PNIR) 2004 montre que Chez l'adulte, l'angoisse du soin dentaire pourrait concerner
lors de l'examen relativement simple qu'impliquait cette 19 % de la population de plus de 18 ans au Canada et en
évaluation, 12,5 % des enfants et des adolescents étaient Norvège (Locker et al., 1999, Skaret et al., 1998), alors qu'en
fortement ou totalement opposants (Dorin et al., 2006). Islande, 10 % des adultes de 25 à 74 ans seraient concernés
L'accès aux soins en urgence est plus exigeant en coopé- (Ragnarsson, 1998). Au Danemark, 4,2 % d'un échantillon de
ration, et il est clair que le pourcentage d'enfants ne pou- patients présentent une anxiété extrême, et 6 % une anxiété
vant coopérer sans aide particulière est plus important modérée (Moore et al., 1993). En France, une enquête
(Gordon et al., 1998). Pour cette population, l'accès aux récente, menée auprès d'un échantillon national de
soins, en urgence ou non, dépend donc de l'accès à la 2 725 personnes, offrant une bonne représentativité de la
sédation. De ce fait, les procédures susceptibles d'aider à population française au plan socioculturel, a montré que ce
l'accès aux soins de ces personnes peuvent être considé- problème concernait 10,8 % de la population pour sa forme
rées comme des mesures de compensation de leur désa- modérée et 2,6 % dans sa forme sévère. Ces 14 % de la popu-
vantage. lation déclarent que la peur des soins est telle qu'ils ne sont

32
Tableau 5.1 Prévalence de l'anxiété du soin dentaire pour différentes populations comparables

Prévalence Populations Pays Bibliographie

6 à14% Étudiants Japon Horst G, Dewit CA, 1993

7,87% Adultes Norvège Horst G, Dewit CA. 1993

10,90 % Population générale Toronto (Canada) Locker D et a/., 1996

11,2 à l2,3 % Adultes Dallas (États-Unis.) Horst G, Dewit CA, 1993

13% Population générale > 16 ans France Nicolas et al., 2006.


17,70% Enfants de 14 ans Singapour Horst G, Dewit CA, 1993

20% Adultes Seattle (États-Unis.) Horst G, Dewit CA, 1993

22% Adolescents Allemagne Horst G, Dewit CA, 1993

pas capables de prendre rendez-vous chez le dentiste cien ou des agents pharmacologiques. Ainsi, les médica-
lorsqu'ils en ont besoin ou que, s'ils ont pris un rendez-vous, ments psychotropes constituent un complément et non
ils ne s'y rendent pas (Nicolas et al., 2006). un substitut aux techniques psycho-comportementales.
Ces patients développent des stratégies d'évitement du Dans tous les cas, lorsque le support pharmacologique
soin dentaire et ne consultent qu'en dernier recours, essen- sera choisi, il devra être associé à des procédures d'accom-
tiellement auprès de professionnels de santé non dentistes pagnement e t / o u de thérapie cognitive. Les attitudes
(médecins ou services d'urgence hospitaliers). Ce n'est donc d'empathie qu'adoptent spontanément les soignants par
que dans le cadre de l'urgence que ces patients sont suscep- simple humanité e t / o u professionnalisme participent à
tibles de faire l'expérience des soins dentaires et, à cette cet accompagnement. Cependant, bien souvent, il faudra
occasion, l'accès à la sédation peut les aider à retrouver un avoir recours à plusieurs techniques d'accompagnement
peu de confiance dans la situation du soin dentaire. spécifiquement en fonction du patient, de la pathologie
dentaire et de la technique de sédation. Les effets psycho-
dysleptiques ou amnésiants de certains médicaments ont
IV - Les agents de la sédation des conséquences cognitives qu'il convient de prévenir
pour aider le patient à comprendre et à interpréter les sti-
Dans le domaine de la sédation, la compétence du chi- mulations sensorielles perçues au cours du soin. Par exem-
rurgien-dentiste se limite à l'ensemble des techniques ple, les patients qui sont sous sédation pharmacologique
non pharmacologiques et pharmacologiques suscepti- et soignés sans accompagnement cognitivo-comporte-
ble de réduire la vigilance du patient, tout en conser- mental n'ont pas les éléments pour interpréter les émo-
vant ses possibilités de réponses verbales et de réac- tions vécues pendant les soins. Pour certains, une grande
tions motrices, alors que ses réflexes de protection des confusion peut résulter de ces séances de soins, sans qu'ils
voies aériennes supérieures restent intégralement pré- puissent interpréter l'origine de cette confusion. Ainsi, de
servés (ASA 2002, Dixmérias-lskandar et al., 2004). telles prises en charge, réalisées sans accompagnement
Ce domaine est défini comme celui de la sédation
pourraient avoir des effets pervers, alimenter un imagi-
consciente ou sédation modérée.
naire fait de cauchemars et de terreurs et constituer des
facteurs aggravant l'état psychologique du patient.
Les procédures de sédation profonde et d'anesthésie Cependant, ces techniques impliquent du temps dont le
générale ne sont envisageables qu'en présence d'un anes- patient a besoin pour mobiliser ses capacités d'adaptation.
thésiste. Ainsi, si dans le cadre de l'urgence le praticien doit faire un
geste sur un patient opposant, il est absolument indispen-
1- Les techniques non pharmacologiques sable de considérer que le traitement de l'anxiété est éga-
Idéalement, l'indication d'une sédation est parfaitement lement l'un des objectifs de la consultation d'urgence, au
justifiée quand le patient attribue le succès de l'acte à sa même titre que la gestion du risque infectieux e t / o u de la
propre capacité à s'adapter plutôt qu'au pouvoir du prati- douleur. Les gestes d'urgence ne doivent engendrer

33
Urgences : données générales
Sédation lors des urgences en odontologie

aucune douleur spécifique, et lorsque le patient fait réalisé dans 93 % des 1205 sédations réalisées pour
l'expérience de la sédation pour la première fois dans le 193 enfants de moins de 5 ans, 333 enfants et adultes pré-
contexte de l'urgence, le soignant doit accepter que son sentant des troubles cognitifs et 135 enfants et adultes
geste puisse être interrompu sur la demande du patient à anxieux des soins dentaires (Hennequin et al, 2004).
tout moment. Ses effets hypnotiques sont faibles mais il induit une dis-
sociation qui est particulièrement propice à la mise en
La sédation en urgence a deux objectifs complémentaires: œuvre simultanée des techniques de suggestion, de dis-
- réaliser les gestes nécessaires au traitement de la douleur; traction de l'attention et d'hypnose.
- démontrer au patient qu'il peut s'adapter au contexte
du soin, et que le contexte du soin peut être adapté à Ainsi, l'efficacité et la tolérance de la technique sont
ses besoins. hautement dépendantes de la compétence de l'opéra-
teur à accompagner verbalement le patient pendant
À ce stade, il n'est pas indispensable que le geste techni- toute la durée du soin. L'enfant, ou l'adulte, doit être
que soit complet. Dès lors que le risque algique est informé, dans les limites de sa compréhension, et selon
contrôlé, le praticien doit accepter l'éventuelle nécessité les modes de communication qui lui sont adaptés, du
but de l'inhalation du mélange gazeux, de ses effets
de fractionner un acte anxiogène sur plusieurs séances. De
secondaires ainsi que des stimulations sensorielles qui
même, dans ces conditions de sédation en urgence, il peut
seront engendrées au cours du soin.
être nécessaire d'accepter certains compromis techniques
par rapport aux critères académiques. Ces situations de
Une étude de suivi concernant une cohorte de 543 patients
compromis ne peuvent cependant être justifiées qu'à titre
initialement opposants qui étaient systématiquement soi-
transitoire et dans l'unique objectif d'aider le patient à
gnés sous sédation par inhalation de MEOPA a montré que
s'adapter à la situation du soin en urgence.
la plus grande amélioration du score de coopération appa-
raissait entre la 1re et la 2e session de soins, et qu'un échec
2 - Les procédures pharmacologiques de soins lors de la 1re session était prédictif d'un échec aux
sessions ultérieures (Collado et al., 2006). Ainsi, lorsque le
2.1 - Mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène (MEOPA) MEOPA doit être administré pour la première fois dans le
cadre d'une urgence, le délai et l'ambiance nécessaires à ta
Le mélange protoxyde d'azote/oxygène a des proprié-
sédation par inhalation doivent être aménagés de manière
tés analgésiques et sédatives qui en font le sédatif de
à optimiser l'efficacité ultérieure de la technique en déve-
choix lors des urgences en général et des urgences
loppant tout l'accompagnement et l'ambiance nécessaires.
odontologiques en particulier. En France, seul le
mélange équimolaire 50 % N 2 O / 5 0 % O2 (MEOPA) peut
être administré par des professionnels médicaux non Important ! Les contre-indications sont assez exceptionnel-
anesthésistes (Hennequin et al., 2002). les et suffisamment importantes ou graves pour le patient
Son délai d'action et son élimination sont rapides. Il pré- et risquent ainsi f o r t peu d'être ignorées. Ce sont l'hyper-
sente une excellente tolérance s'il est utilisé seul et si tension intracrânienne, le traumatisme crânien non
exploré, l'altération de conscience empêchant la coopéra-
les conditions de surveillance peropératoire sont res-
t i o n du patient, le pneumothorax, les bulles d'emphysème,
pectées (Annequin et al, 2000, Onody et al, 2006).
la distension gazeuse abdominale, le traumatisme facial
intéressant la région d'application du masque et les mala-
Ses effets analgésiques sont faibles, ils ne dispensent pas dies métaboliques associées à un trouble du métabolisme
de l'anesthésie locale, mais permettent de couvrir les de la vitamine B12 e t / o u des folates (risque de dégradation
neurologique) : déficit congénital ou acquis (grêle court) en
effets nociceptifs qu'elle induit. Plus récemment, ses
vitamine B12 ou en cobalamine, homocystinurie, tyrosiné-
effets antinociceptifs et limitant la mémorisation des évé- mie type 1, acidémie méthylmalonique.
nements durant les procédures de soins ont fait recher-
cher positivement les mécanismes d'une action antago-
niste sur les récepteurs au N-méthyl-D-aspartate (NMDA), 2.2 - Benzodiazépines
(Jevtovic-Todorovic et al., 1998). En odontologie, ce sont Les benzodiazépines sont fréquemment utilisées pour
principalement les effets sédatifs qui sont recherchés. Une obtenir une anxiolyse pour les soins dentaires. Elles agis-
étude pluricentrique menée en France a montré qu'au sent principalement sur les récepteurs de l'acide gamma-
moins un acte diagnostique ou thérapeutique avait pu être aminobutyrique (GABA) qui est le principal neuromédia-

34
teur inhibiteur du système nerveux central (SNC). Ce der- midazolam peut également être administré par voie orale,
nier agit au niveau de récepteurs dont il existe plusieurs rectale ou intranasale (Malamed, 2003, Becker et al., 2002).
sous-types (A, B). Au niveau du SNC, il y a surtout des Quelle que soit la voie utilisée pour son administration, le
récepteurs post-synaptiques GABAA. Le récepteur midazolam, comme toutes les benzodiazépines, peut géné-
comporte plusieurs sous-unités protéiques (α, β, γ, δ), et rer des effets paradoxaux, caractérisés par une hyperacti-
la différence de structure de ces sous-unités pourrait être vité et des manifestations comportementales totalement
la base biochimique de la variabilité des effets pharmaco- incompatibles avec la réalisation des soins dentaires.
logiques des diverses benzodiazépines. L'association du MEOPA et du midazolam permet d'appro-
Le système nerveux central n'est pas le site préférentiel de fondir légèrement la sédation, tout en contrôlant les éven-
la localisation des récepteurs aux benzodiazépines. La dis- tuels effets de désaturation en oxygène (Venchard et al.,
tribution des récepteurs est variable dans les différentes 2006).
zones du SNC. Il existe plusieurs sous-types de récepteurs La nécessité de la prescription de morphiniques doit être
GABAA : α1, 2 et 3. Les récepteurs α1-GABAA sont respon- envisagée avant de débuter une sédation avec les benzo-
sables de la sédation, de l'amnésie antérograde et de diazépines. L'association morphinique et benzodiazépine a
l'action anticonvulsivante. L'anxiolyse dépendrait des des effets dépresseurs du SNC ce qui implique un suivi
récepteurs α 2-GABAA. Une action sur la régulation des postopératoire particulièrement attentif.
biosynthèses de stéroïdes, et dans la différentiation/
prolifération cellulaire et l'apoptose est également rap- 2.3 - Analgésiques centraux et co-analgésiques
portée. Les liens avec les réactions inflammatoires sont
aussi largement établis (Torres et al., 2000). 2.3.1 Nalbuphine
On ne connaît pas le lien exact entre le degré d'occupa- La nalbuphine, agoniste/antagoniste des récepteurs mor-
tion des récepteurs et l'effet pharmacologique des benzo- phiniques, est moins puissante que les agonistes purs. Elle
diazépines. Cependant, on pense que l'effet augmente au est intéressante dans les situations d'urgence en tant que
fur et à mesure que le nombre de récepteurs bloqués aug- complément analgésique d'une anesthésie locale.
mente. Le blocage de moins de 20 % de récepteurs indui-
rait l'anxiolyse. La sédation apparaîtrait pour une occupa- Ses avantages sont alors :
tion de 30 à 5 0 % de ces récepteurs et la perte de - une grande marge de sécurité thérapeutique, avec un
effet plafond au-delà de 0,3 mg/kg, limitant surtout les
conscience pour une occupation dépassant 60 % de ces
effets indésirables (mais aussi la puissance de l'analgésie);
récepteurs.
- un effet de sédation propre qui contribue à potentia-
Le diazépam (Valium®), le lorazépam (Témesta®), l'alprazo- liser les effets des hypnotiques (attribué à son effet
lam (Xanax®) et le triazolam (Halcion®) sont les plus utili- agoniste sur les récepteurs ?) ;
sées pour améliorer le vécu de soins longs ou pénibles - un délai d'action très court, proche d'une minute.
pour des patients relativement coopérants (Becker et al.,
2002 b). C'est l'expression de l'anxiété du patient qui
La nalbuphine peut être administrée par voie intravei-
oriente le choix entre ces molécules dont la demi-vie et
neuse ou intramusculaire (sous-cutanée), selon une poso-
les effets hypnotiques diffèrent sensiblement.
logie de 200 à 300 µg/kg.
Le midazolam (Hypnovel®, Versed®) par voie intraveineuse
est administré à visée sédative plus qu'anxiolytique, et
2.3.2 Co-analgésiques
cette procédure est celle de référence pour les patients
anxieux ou phobiques des soins dans de nombreux pays. En Les analgésiques à faible effet sédatif sont des molécu-
France, son usage est réservé au milieu hospitalier ou au les de choix pour la programmation de soins sous séda-
contexte de l'urgence. Le midazolam a des propriétés séda- tion, différés du cadre strict de l'urgence, sur un terrain
tives et hypnotiques et un puissant effet amnésiant. Sa algique, ou après un échec d'anesthésie locale.
demi-vie est courte et il a peu d'effets secondaires. Par voie
veinuse, il est administré par titration progressive, ce qui Cette situation est relativement fréquente dans le
permet d'atteindre spécifiquement pour chaque patient et cadre des urgences odontologiques, particulièrement
chaque séance le niveau de sédation souhaité, et ses effets lorsqu'une pathologie inflammatoire ou infectieuse aiguë
peuvent facilement être antagonisés par l'administration est associée à un état de stress ou de fatigue, ou encore
d'une autre benzodiazépine, le flumazénil (Anexate®). Le lors du traitement endodontique d'une dent permanente

35
Urgences : données générales
Sédation lors des urgences en odontologie

immature. Dans ces situations d'échec d'anesthésie, ou l'intervention en prémédication analgésique (Turan et al,
d'absence de temps nécessaire au geste technique, et sur- 2004), mais des effets sédatifs légers sans altération de la
tout s'il y a eu douleur provoquée, il est préférable de dif- mémorisation, et une réduction des attaques de panique
férer la réalisation du geste à une séance ultérieure et sont bien rapportés (Pande et al, 2000). D'autres protoco-
d'ajouter à la prescription un co-analgésique pour dimi- les emploient 400 mg de gabapentine toutes les 8 heures,
nuer le seuil des catécholamines et préparer un terrain à débuter la veille de l'intervention. L'administration peut
plus favorable à l'intervention différée. être prolongée au-delà de l'intervention, particulièrement
si celle-ci implique un geste chirurgical, e t / o u si la situa-
a - Clonidine tion clinique présente un risque important de douleurs
Les agonistes α2-adrénergiques renforcent l'action antinoci- prolongées ou chroniques.
ceptive des opiacés et des anesthésiques locaux. Par son effet Le mécanisme d'action « anxiolytique » est différent de
agoniste α2-adrénergique, elle inhibe les transmissions celui obtenu avec les benzodiazépines et résulte du blo-
synaptiques au niveau des neurones de la corne postérieure cage des canaux calciques voltage-dépendants présynap-
(comme le fait la noradrénaline lors du contrôle supraspinal). tiques. Ce mécanisme produit une sédation modérée,
Elle a une action centrale, et elle potentialise les anesthési- n'affecte pas la mémorisation (absence d'amnésie) et ne
ques locaux. L'intérêt de la clonidine administrée en prémé- s'accompagne pas d'agitation paradoxale. Il n'y a pas de
dication d'une procédure sédative associant le diazépam et références pour cet usage chez l'enfant, et l'AMM fran-
la péthidine (ou mépéridine) a été démontré dans un essai çaise en limite l'utilisation à l'enfant de 12 ans au moins,
croisé (Hall et al., 2006). Par rapport à la prémédication pla- bien qu'elle soit largement utilisée comme anticonvulsi-
cebo, la clonidine approfondit et prolonge la sédation et vant chez des patients beaucoup plus jeunes.
l'amnésie, et stabilise les paramètres vitaux. De plus, elle per-
met de diminuer significativement les doses de diazépam,
Note : la gabapentine fait encore rarement partie des pro-
ainsi que les administrations d'antalgiques postopératoires. tocoles de sédation (Turan et al., 2004), d'autant plus que
L'effet analgésique agoniste α2-adrénergique est lié essen- seule la voie orale est disponible, ce qui, en urgence, limite
tiellement à la concentration de la molécule dans le liquide son utilisation aux cas de prémédication pour une interven-
cérébrospinal. Les effets hémodynamiques et bradycardi- tion différée.
sants sont moins apparents chez les petits enfants dont le
système nerveux végétatif est peu actif (jusque vers 8-9 ans),
(Bergendahl et al., 2006). 2.4 - Hydroxyzine
Les antihistaminiques sont largement utilisés en tant que
Chez l'adulte, en prémédication à la dose de 5 µg/kg sédatifs car souvent considérés à tort comme dépourvus
administrée oralement 2 heures avant une sédation par d'effets secondaires. Les effets pharmacologiques de
titration de midazolam, elle permet de diminuer les doses l'hydroxyzine (Atarax®) associent une action sédative, un
de midazolam administrées et de stabiliser les réactions effet anti-H1, une action anti-arythmique (quinidine-like),
neurovégétatives peropératoires (Murai et al., 1995). vagolytique et anti-émétique, sans anxiolyse vraie asso-
ciée (Kröll et al., 1998). L'hydroxyzine a une demi-vie rela-
b - Gabapentine tivement longue, de l'ordre de 20 heures. Son métabolite
La gabapentine (et la prégabaline plus récemment dispo- actif, la cétirizine, a un effet anti-H1, mais n'est pas sédatif.
nible) procure un blocage des canaux calciques voltage- L'hydroxyzine peut être associée pour augmenter le
dépendants présynaptiques. L'activité résultant de cette niveau de sédation recherché au cours de l'administration
fixation (qui est en fait différente des récepteurs GABA) de MEOPA. La posologie est de 1 à 2 mg/kg, 1 h 30 avant le
procure une modulation de libération des neuromédia- début du soin. L'hydroxyzine est contre-indiquée chez les
teurs excitateurs (acides aminés, neuropeptides), à l'état patients atteints de porphyrie.
de base, et surtout dans les douleurs et la nociception où
ces médiateurs sont surexprimés. Surtout utilisée à l'ori- 2.5 - Associations
gine pour traiter des douleurs neuropathiques après leur D'autres protocoles ont été développés par des équipes
apparition clinique, la gabapentine est maintenant étudiée ayant cette expertise, et en collaboration avec des anes-
en période péri-opératoire (Menigaux, 2005). Elle est pro- thésistes, dans les pays où la profession pratique la séda-
posée à la dose de 1 200 mg la veille o u / e t 1 heure avant tion depuis plusieurs décennies.

36
- en première intention, la procédure de référence est
Essentiel : les associations sont principalement destinées à
l'inhalation de MEOPA, pour tous les patients (hors contre-
approfondir le niveau de sédation pour des indications spé-
cifiques, liées soit à la nature des actes qui doivent être réa- indications) et tous les types d'actes, dans la mesure où
lisés, soit au patient. Le principe est d'utitiser la potentiali- ceux-ci ne seront pas trop longs (inférieurs à 1 heure). Plus
sation réciproque des agents pharmacotogiques pour particulièrement, ce sera la seule procédure possible pour
réduire les posologies administrées, croiser les avantages les personnes consultant en urgence et pour la première
des différentes molécules et se tenir ainsi très loin des
fois, en particulier les personnes âgées et les personnes pré-
doses potentiellement porteuses d'effets indésirables.
sentant des troubles cognitifs, ou plus généralement rele-
vant de la classification ASA 2. Les patients ASA 3 ou 4 doi-
L'usage du propofol en perfusion automatisée et de cer- vent être adressés d'emblée à un anesthésiste ;
tains opioïdes, dont les effets dépresseurs du système ner- - en deuxième intention, et si les délais de prise en charge
veux central peuvent être reversés par l'administration du patient le permettent, l'administration de midazolam
d'un antagoniste, la naloxone, sont également cités (Houpt sera envisagée en urgence uniquement pour des patients
et Giovannitti, 2002). L'hydrate de chloral, administré par relevant de la classification ASA 1, et pour des actes inva-
voie orale ou rectale, est l'un des plus anciens sédatifs- sifs, ponctuels mais un peu longs, et lorsque la présence du
hypnotiques utilisés en odontologie. Cependant, ses masque risque de gêner l'opérateur. Les effets amnésiants
effets secondaires qui se traduisaient pour des doses fai- induits par le midazolam présenteront un intérêt particu-
bles par des vomissements et des niveaux insuffisants de lier s'il est prévisible (ou risqué) que l'acte soit agressif, et
sédation, et pour des doses plus importantes par des trou- que malgré l'anesthésie et l'analgésie une forme de
bles du rythme cardiaque et des dépressions ventilatoires, contrainte ou de douleur ne puisse être évitée. Cette
ont justifié son remplacement progressif par les benzodia- situation peut être rencontrée chez des personnes oppo-
zépines. L'association de kétamine avec le midazolam per- santes présentant un risque infectieux et douloureux
met de bénéficier d'un effet antalgique central qui se important mais relevant d'un acte ponctuel et pour les-
révèle efficace lors des gestes chirurgicaux, tout en préser- quelles le fait de différer l'intervention pourrait mettre en
vant le réflexe laryngé (Parker et al., 1997). cause la réalisation du soin (par exemple les personnes
domiciliées à une distance importante, les personnes en
déplacement, l'impossibilité d'accéder à l'anesthésie géné-
rale...). Chez les jeunes enfants, la voie intrarectale pré-
V - Les procédures de sédation sente l'avantage d'une biodisponibilité rapide, sans expo-
en urgence ser l'enfant à la pose de voie veineuse ou au goût très amer
de la voie orale. Chez les adolescents et les adultes, la voie
Essentiel : la sédation n'est pas une procédure qui doit sys-
veineuse offre de plus grandes garanties d'efficacité, la
tématiquement être mise en œuvre. Il n'existe pas d'indica- titration permettant de contrôler la dose nécessaire, dans
teurs parfaitement validés et qui peuvent constituer un cri- de bonnes conditions de sécurité. La sédation par midazo-
tère prédictif des indications de sédation. Cependant, lam per-os sera préférée si ces patients sont phobiques
certains indicateurs simples doivent être mis en place pour des aiguilles ou des injections, et s'il n'a pas été possible de
justifier la procédure et suivre son efficacité.
poser la voie veineuse sous inhalation de MEOPA. Dans ce
cas, le goût amer de la solution peut être masqué par un
En particulier, l'absence de coopération aux soins est un sirop de fruit utilisé pur et l'usage de la solution de mida-
Don indicateur qui peut être fourni à partir d'une échelle zolam à 5 mg/mL permet de limiter les quantités adminis-
comportementale (échelle visuelle analogique, Child trées tout en conservant les doses. La sédation par admi-
Behavior Check-list, score de Houpt), d'une échelle nistration de nalbuphine sera réservée aux situations
d'anxiété (échelle visuelle analogique, Dental Anxiety associant un état algique important à un état de stress ;
Scale ou Dental Fear Scale) ou d'une échelle couplant ces - en cas d'échec de ces procédures en urgence, l'intervention
deux aspects (version française de l'échelle de Venham doit être différée. Pour les patients âgés déments, le méde-
modifiée), (Collado et al., 2005). cin, ou le psychiatre traitant, doit être contacté, et selon les
Dans le cadre de l'urgence, si les conditions de sécurité cas, le médecin modifiera les posologies du traitement habi-
sont réunies, les procédures suivantes pourront être mises tuel en vue de l'intervention prochaine, ou bien, la consul-
en place : tation auprès d'un anesthésiste permettra d'envisager une

37
Urgences : données générales
Sédation lors des urgences en odontologie

intervention sous anesthésie générale, sédation profonde En conséquence, lorsqu'un praticien prescrit e t / o u admi-
ou sédation modérée, mais dans un environnement médica- nistre un sédatif, il doit pouvoir gérer tous les événements
lisé, et sous la responsabilité de l'anesthésiste. Pour les susceptibles de survenir jusqu'à ce que le patient puisse
patients présentant des troubles cognitifs, l'inhalation de repartir. Plusieurs formations universitaires et interuniver-
MEOPA peut être répétée dans la séance consécutive, le sitaires ont été mises en place avec la participation des
patient bénéficiant des effets d'apprentissage de la pre- anesthésistes et la profession doit maintenant s'organiser
mière séance. Si les indicateurs comportementaux laissent pour que les bonnes pratiques pour la sédation au cours
présager une faible coopération pour le soin nécessaire, une des soins dentaires soient rédigées et respectées.
prémédication d'hydroxyzine peut aider à compléter la
sédation. Ensuite, pour les séances ultérieures, le choix de la Important ! Quelques règles simples permettent d'appré-
procédure de sédation (MEOPA, Midazolam ou autre) ou de cier les conditions de sécurité requises pour la pratique de
l'anesthésie générale pourra varier selon le nombre et la la sédation, elles s'appliquent également au cadre de
nature des actes nécessaires ; l'urgence :
- la pratique de la sédation par des non anesthésistes impli-
enfin, en cas d'échec de sédation pressenti comme lié à un
que une formation de large spectre de connaissances, de
état algique, l'intervention sera différée, et lors de la compétences et d'attitudes, à forte dominante clinique et
consultation d'urgence, une prémédication analgésique et qui ne peut être réduite à des consignes relatives à la
sédative avec la clonidine e t / o u la gabapentine pourra manipulation du matériel et à l'application de recettes
être réalisée pour préparer le patient à la sédation qui sera pharmacologiques. Elle implique pleinement la responsa-
alors programmée, soit par inhalation de MEOPA, soit par bilité du praticien qui doit être présent depuis l'adminis-
tration jusqu'à la fin de la période de récupération ;
administration de midazolam. Dans tous les cas, si une pré-
- si nécessaire, le praticien doit pouvoir avant d'accepter un
médication est envisagée, le praticien susceptible de réa- patient et débuter une procédure, adresser le patient à un
liser la sédation dans la séance ultérieure, s'il n'est pas le anesthésiste pour une consultation. Dans ces situations, la
praticien d'urgence, doit être contacté à ce stade. décision des conditions du soin, et en particulier le choix
entre l'indication d'anesthésie générale ou de sédation,
doit être prise conjointement. Dans le doute, ce sont les
solutions sécuritaires qui seront choisies ;
VI - Conditions de sécurité - selon les procédures de sédation et le patient, la présence
en permanence de deux au moins, sinon trois soignants
(pour les patients qui ont des troubles cognitifs) est indis-
Essentiel : la pratique de la sédation analgésie par des non pensable. Les locaux doivent être adaptés, et le matériel
anesthésistes pose le problème du champ de compétence de prise en charge de la ventilation et de réanimation doit
suffisant pour assurer la sécurité du patient. être accessible à t o u t moment en cours de sédation et
pour chaque sédation. La pratique de la sédation par
administration de midazolam implique l'accès, sur le site,
Cette problématique est par ailleurs également débattue à un défibrillateur (semi-automatique);
pour la pratique de la sédation analgésie par les gastro- - en urgence, une attention particulière doit être apportée
aux indications de sédation après traumatisme facial. La
entérologues lors des endoscopies à visée diagnostique.
survenue des effets indésirables de la sédation peut mas-
Bien que les procédures de sédation nécessaires aux actes quer l'apparition de signes de traumatisme crânien,
dentaires soient différentes de celles nécessaires en comme dans le cas de perte de conscience et de vomisse-
endoscopie, et qu'en particulier le niveau de sédation ments. De ce fait, la consultation d'urgence odontologi-
recherché soit sensiblement plus léger en odontologie du que doit être consécutive à la consultation en urgence
fait de l'association systématique à l'anesthésie locale, les médicale générale ;
- l'information du patient doit être délivrée de manière
objectifs sécuritaires sont communs à tous les domaines
orale et écrite, et son consentement doit être recueilli ;
où la sédation/analgésie est pratiquée. - le patient doit arriver et repartir avec une escorte qui doit
être un adulte responsable et informé. Le patient et son
En particulier, il est demandé « aux spécialistes non réa- escorte doivent recevoir les consignes postopératoires,
nimateurs qui souhaitent s'approprier certaines techni- de manière orale et écrite. Ces instructions doivent préci-
ques de ne pas se limiter à la seule vision du geste (l'injec- ser les conditions du suivi ainsi que les coordonnées d'un
tion d'un produit), et de comprendre en profondeur service d'urgence (préalablement contacté et travaillant
combien sont essentiels l'environnement, l'organisation en collaboration) susceptible de pouvoir recevoir le
en amont et en aval de l'acte » (Martin et al., 2006). patient ;

38
- un document de suivi peropératoire doit également être Conclusion
complété. Il permet le recueil des données physiologiques
Dans le contexte de l'urgence, les procédures de sédation
et cliniques du patient pendant chaque séance de soin
sous sédation ; la progression pendant la récupération participent à la prévention et à la réduction de la nocicep-
doit être surveillée. La surveillance est fondée sur la clini- tion et de la contrainte. Elles devraient donc apparaître dans
que et le monitorage. Le patient doit être spécifiquement les plateaux techniques des services concernés. Leurs indi-
examiné avant de quitter le service, de manière à vérifier cations sont spécifiques au patient, à la pathologie et aux
qu'il ne nécessite plus une surveillance professionnelle. conditions d'administration. Cependant, elles doivent être
Cette évaluation relève de la pleine responsabilité du
développées dans des conditions de sécurité sans conces-
prescripteur/administrateur.
sion, ce qui implique la formation initiale du praticien pres-
cripteur/administrateur, une pratique régulière en réseau
avec un anesthésiste et la formation continue, si possible
avec d'autres sédationistes, le partage d'expérience se révé-
lant, dans ce domaine, particulièrement formateur.

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41
Analgésie
Yves BOUCHER, Paul PIONCHON

I - Introduction obligé d'intercaler l'urgence dans un cahier de rendez-


vous déjà chargé et ne disposant donc que de peu de
La douleur est le motif principal de consultation en temps pour établir un diagnostic et intervenir si nécessaire
urgence au cabinet dentaire. Lorsqu'elle n'en est pas la — peut créer un stress supplémentaire chez le patient.
cause principale, elle est souvent associée à la situation Celui-ci peut avoir l'impression de ne pas avoir eu le temps
clinique comme dans le cas de traumatismes où le de décrire correctement ses symptômes et de ne pas être
patient peut être plus inquiet du devenir de ses dents pris convenablement en considération.
que de sa douleur qu'il relègue au second plan. C'est le Par ailleurs, à la douleur et au stress s'ajoutent également la
cas également des cellulites où le patient vient souvent fatigue et parfois l'effet psychotrope de certains médica-
consulter autant en raison de sa déformation faciale ments ou de substances absorbées par le sujet souffrant. En
que de sa douleur. effet de nombreux patients ne consultent pas immédiate-
ment, soit dans l'espoir que « cela passe tout seul », soit
À titre d'exemple, les gens consultent en moyenne 7 jours parce qu'ils n'ont pas pu obtenir un rendez-vous rapide chez
après le début des symptômes dans le cas de pulpite et un praticien. Ils recourent souvent pendant cette période à
5 jours dans le cas de parodontite apicale (Nusstein et l'automédication d'antalgiques sans ordonnance ou de
Beck, 2003, Touré et al., 2007). diverses spécialités présentes dans leur pharmacie person-
La douleur aiguë est un signal d'alarme qui signale un dom- nelle. Les médicaments ne sont pas toujours adaptés, ni en
mage corporel via l'activation de fibres nerveuses spécia- dosage ni en choix de molécule. Les patients fatigués, en
lisées. Cette activation permet au cerveau de localiser la manque de sommeil, ne demandent qu'une chose, être sou-
source de la douleur ainsi que son intensité. La douleur ne lagés de leur douleur, y compris au prix de solutions radica-
peut cependant être réduite à cette simple composante les. Un des impératifs des soins d'urgence est de préserver
sensorielle. La stimulation des fibres nerveuses nocicepti- l'avenir, d'éviter tout acte irréversible que l'on regrettera une
ves entraîne également l'activation de voies nerveuses fois la douleur ou le caractère d'urgence passés. Supprimer
concourant à la mise en alerte de l'organisme et la genèse la douleur permet au sujet de se libérer de cette obsession
d'émotions négatives comme la peur, de réactions qui occupe son champ de conscience de façon quasi perma-
végétatives, etc. qui rendent l'expérience douloureuse nente et l'empêche de penser à autre chose. Une fois reposé,
désagréable et l'inscrivent dans la mémoire. La douleur il sera mieux à même de prendre des décisions éclairées.
altère le jugement et les relations sociales. Elle permet
également d'engager des comportements d'évitement et Important ! Il est donc important pour le thérapeute de
des stratégies comportementales plus complexes, comme prendre conscience de l'état de stress du patient et de ses
répercussions physiopathologiques qui ont été clairement
par exemple de se rendre chez son dentiste.
démontrées dans la littérature. Le fait de prendre quelques
L'état de stress du patient causé par la douleur peut se
minutes pour discuter avec le patient, s'intéresser à son
compliquer par le stress évoqué par la crainte du dentiste problème et le rassurer en lui expliquant ce qui va être mis
et de ses soins. Quand le patient connaît le praticien, cette en œuvre permet de faciliter considérablement la séance
composante peut être atténuée. Cependant, le patient de soin, et finalement de gagner un temps précieux.
peut être amené à consulter un praticien qu'il ne connaît
pas. Hormis la qualification de ce dernier, le patient ne dis- Ainsi, la confiance acquise par le patient, sa compréhension
pose d'aucun élément pour lui accorder sa confiance. Mal- de la nécessité du traitement et des procédures qui seront
gré son professionnalisme et ses compétences, la rapidité effectuées permettent d'améliorer largement la séance de
de prise de décision d'intervention du praticien — qui a été soins, et de rendre les manoeuvres opératoires moins trau-

43
Urgences : données générales
Analgésie

matisantes. La qualité de la relation patient/praticien, qui 1 - Entretien d'évaluation de la douleur


fait partie du contexte de soins, sera donc primordiale.
Le chapitre de M. Hennequin et coll. a par ailleurs rappelé Il doit être structuré, appuyé au besoin par une fiche
l'importance de la sédation qui permet également de standardisée, afin de prendre en compte toutes les
diminuer le stress et la douleur. caractéristiques de la plainte du patient. Il doit permet-
tre de préciser :
Essentiel : combattre l'anxiété et la douleur est non seule- - les circonstances d'apparition et l'historique de la
ment un impératif éthique et légal, mais également néces- douleur : s'agit-il d'une première douleur ou d'un nou-
saire pour améliorer la qualité des soins, et des soins vel épisode d'une douleur plus ancienne ?
d'urgence en particulier. - l'intensité de la douleur : actuelle et passée, lors des
périodes de crise, entre les accès...
- la localisation de la douleur : intra-orale ou extra-orale ;
Il - Évaluation de la douleur sur une ou plusieurs branches du territoire du trijumeau ;
unilatérale ou bilatérale ; diffuse ou localisée...
La première étape de la consultation consiste à prendre - les douleurs référées : où la douleur se projette-t-elle ? :
connaissance de la plainte principale du patient et à réunir vers d'autres dents, articulation, oreille, nez, oeil, tempe,
toutes les informations pertinentes susceptibles d'aider à tête, cou...
comprendre la pathologie (Boucher et Pionchon, 2006). - le caractère de la douleur : comment la douleur est-
elle ressentie ? le vocabulaire utilisé par le patient est
C'est le processus d'évaluation clinique au cours duquel : alors particulièrement important (engourdissement,
- la douleur sera décrite et mesurée grâce à une écoute élancement, tiraillement, brûlure, décharge électri-
attentive du patient et à l'utilisation d'outils d'évaluation; que...). La description spontanée est souvent frustre et
- les examens exo et endo-buccaux, les tests cliniques et la proposition de qualificatifs aide souvent le patient
les tests diagnostiques seront pratiqués (Goulet, 2004). à décrire son mal ;
- la durée de la douleur : combien de temps la douleur
L'évaluation de la douleur est primordiale. Cette démar- dure-t-elle après son apparition ? en minutes, heures,
che aide à poser le diagnostic, permet de comparer la dou- jours...
leur lorsque le patient consulte à nouveau et surtout aide - la fréquence d'apparition de la douleur : tous les jours,
à choisir et adapter la thérapeutique au niveau de douleur plusieurs fois dans la semaine, dans le mois, seulement
une fois de temps en temps...
ressenti, en choisissant par exemple la molécule et son
- le décours temporel : selon l'heure de la journée, selon
dosage en cas de traitement pharmacologique.
les saisons...
- les facteurs déclenchant : la douleur est-elle aggravée
Remarque : s'il est impératif d'apprécier l'intensité de la dou-
par les fonctions orales (ouverture, mastication...), les
leur et sa localisation, il ne faut pas oublier d'évaluer égale-
ment son retentissement psycho-affectif ainsi que le contexte
mouvements de la tête, le toucher léger, l'exposition
psychologique, social et familial dans laquelle elle s'inscrit au froid, certains irritants...
- les facteurs soulageant : la douleur diminue-t-elle lors
de la diminution de la fonction, au repos, avec les
Les crises douloureuses peuvent s'inscrire dans un contexte antalgiques, avec la chaleur...
algique chronique et exprimer une détresse du patient - les symptômes et signes associés : la douleur est-elle
qu'un simple traitement de crise ne pourra pas résoudre précédée ou accompagnée d'une obstruction nasale, de
durablement. L'objectif de cette évaluation en consultation larmoiements, d'une rougeur, d'une sensation de cha-
d'urgence sera alors de faire la part entre les douleurs aiguës leur, de vertiges, de picotements, d'engourdissements...
nécessitant un traitement immédiat et les douleurs chroni-
ques complexes qui devront faire l'objet d'une évaluation Le patient doit expliquer avec ses propres mots la raison
spécialisée dans un temps différé. qui le pousse à consulter et les caractéristiques principales
Par ailleurs, l'évaluation et son inscription dans le dossier cli- de sa plainte. Le praticien doit être attentif à observer les
nique sont la seule preuve reconnue du respect de l'obliga- autres expressions de la douleur : les expressions pseudo-
tion médico-légale d'évaluer et de prendre en compte la verbales telles que les soupirs, la posture et les gestes, les
douleur du malade (Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative signes de difficulté ou d'affaiblissement, les activités cen-
aux droits des malades et à la qualité du système de santé. sées atténuer la douleur (la prise de médicaments, le
Article L1110-5 du code de la santé publique). recours au système de santé).

44
À l'issue de cette étape, le praticien sera souvent capa-
ble de poser le diagnostic, qui peut être provisoire, qu'il
complétera par des tests diagnostiques et si besoin des
examens complémentaires (radiographie par exemple).

Le praticien s'appuiera également sur les données épidé-


miologiques, la prévalence homme femme, l'âge d'appari-
tion par exemple, tout en sachant que ce ne sont que des
données statistiques. Il est important de se rappeler que
90 % des urgences vues au cabinet dentaire sont d'origine
endodontique.
À l'issue de cet entretien, le patient doit être situé sur l'Axe Évaluation globale Mesure
! qui reflète l'état des composantes sensorielles, et sur grâce au curseur en millimètres
(face patient) (face praticien)
l'Axe II qui reflète l'état psychologique, émotionnel et
comportemental (Dworkin, 2004).

Figure 6.1 Échelle visuelle analogique (EVA) : lecture de la douleur.


2 - Outils d'évaluation
La douleur s'évalue à l'aide d'outils spécifiques (Boucher et 2.3 - Questionnaires qualitatifs
Pionchon, 2006). Les plus utilisés chez l'adulte font appel à des
techniques d'auto-évaluation, c'est-à-dire que le patient 2.3.1 QDSA
décrit sa douleur qui est consignée en termes d'intensité, de L'utilisation de questionnaires spécifiques tels que le ques-
localisation, de qualité, de retentissement psychosocial à tionnaire de saint Antoine (QDSA) (fig. 6.2) facilite la descrip-
l'aide d'échelles, de cartes ou de questionnaires (ANAES, 1999). tion de la douleur en proposant aux patients des listes
d'adjectifs préétablies. Les mots y sont répartis en classes de
2.1 - Échelles d'intensité douloureuse façon à évaluer les dimensions sensorielle, affective et cogni-
Les échelles graduées EVA (échelle visuelle analogique) et tive de la douleur. De plus, au sein de chaque classe, une gra-
EN (échelle numérique) sont les plus courantes et les plus duation de la douleur est proposée. En pratique d'urgence, la
appropriées à la situation d'urgence. version abrégée du QDSA est souvent suffisante. L'utilisation
- L'échelle visuelle analogique (EVA) est la plus simple et la de certains mots permet par ailleurs d'orienter le diagnostic.
plus utilisée. Les plus courantes se présentent sous la
forme de lignes de 10 cm graduées ou non de 0 à 10 ou de 2.3.2 DN4
0 à 100. Les deux extrêmes sont définis comme « absence Récemment, un questionnaire intéressant, car court, utili-
de douleur » et « douleur maximale ». L'intensité de la sable en pratique libérale, doté d'une bonne sensibilité et
douleur au moment de la consultation est cotée entre ces spécificité, destiné au dépistage des douleurs neuropathi-
deux extrêmes. La fidélité et la sensibilité des EVA permet- ques a été développé en France : le DN4 (Bouhassira et al.,
tent des mesures reproductibles. Il est également possible 2005), (fig. 6.3).
ce l'utiliser de manière rétrospective (fig. 6.1).
- L'échelle numérique (EN) où le sujet indique un score de 0 2.4 - Évaluation du contexte psychique, social et familial
à 10 ou de 0 à 100 est également fidèle et sensible (ANAES, de la douleur
1999), contrairement à l'échelle verbale simple (EVS).
Le premier aspect de l'évaluation comportementale
2.2 - Outil de localisation topographique des douleurs concerne la façon dont la douleur interfère avec les
activités quotidiennes à la maison, à l'école, au travail
Le patient dessine la zone douloureuse sur une sil- et, socialement, en quoi la douleur empêche les
houette imprimée, ce qui permet : patients de continuer à assumer leurs responsabilités
-de faire le bilan exhaustif des sites douloureux ; personnelles, professionnelles et sociales.
-d'identifier les localisations douloureuses multiples ;
- d e faire apparaître les nouveaux sites douloureux ; Dans le domaine affectif ou émotionnel, il est essentiel
- de préciser les irradiations (topographie neurologique).
d'évaluer si le patient est réellement dépressif ou anxieux,

45
Urgences : données générales
Analgésie

Les qualificatifs sensoriels ou affectifs précisent la description de la douleur perçue.


• Proposer au patient de décrire la douleur telle qu'il la ressent en général.
• Lui demander de sélectionner les qualificatifs qui correspondent à ce qu'il ressent.
• Dans chaque groupe de mots, lui demander de choisir le mot le plus exact.
• Lui demander de préciser la réponse en donnant au qualificatif qu'il a choisi une note de 0 à 4 selon le code suivant :
- 0 / absent, pas du tout
-1 / faible, un peu
- 2 / modéré, moyennement
- 3 / fort, beaucoup
- 4 / extrêmement fort, extrêmement

A Battements J Fatigante
Pulsations Énervante
Balancements Éreintante
En éclairs
Décharges électriques K Nauséeuse
Coups de marteau Suffocante
Syncopale
B Rayonnante
Irradiante L Inquiétante
C Piqûre Oppressante
Coupure Angoissante
Pénétrante
Transperçante M Harcelante
Coups de poignard Obsédante
Cruelle
D Pincement Torturante
Serrement Suppliciante
Compression
Écrasement N Gênante
En étau Désagréable
Broiement Pénible
Insupportable
E Tiraillement
Étirement O Énervante
Distension Éxaspérante
Déchirure Horripilante
Torsion
Arrachement P Déprimante
F Chaleur Suicidaire
Brûlure
GFroid
Glacé
H Picotements
Fourmillements
Démangeaisons
I Engourdissement
Lourdeur
Sourde
0 Absent 1 Faible 2 Modéré 3 Fort 4 Extrêmement fort
Pas du tout Un peu Moyennement Beaucoup Extrêmement
1 r e case = cocher
2e case = numéroter
de A à I : critères sensoriels
de J à P : critères affectifs

Figure 6.2 Questionnaire Douleur Saint-Antoine = QDSA.

46
QUESTIONNAIRE DN4

Pour estimer la probabilité d'une douleur neuropathique, veuillez répondre à chaque item des
4 questions ci-dessous par « oui » ou « non »

QUESTION 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ?


OUI NON
1. Brûlure
2. Sensation de froid
douloureux
3. Décharges électriques

QUESTION 2 : la douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs


des symptômes suivants ?
OUI NON
4. Fourmillements
5. Picotements
6. Engourdissements
7. Démangeaisons

QUESTION 3 : la douleur est-elle localisée dans un territoire où 'examen met en évidence ?


OUI NON
8. Hypoesthésie au tact
9. Hypoesthésie à la piqûre

QUESTION 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par :


OUI NON
10. Le frottement

OUI = 1 point NON = 1 point


Valeur seuil pour le diagnostic de douleur neuropathique : 4/10

Figure 6.3 Questionnaire Douleurs Neuropathiques (Bouhassira et al., 2005).

ou si son état émotionnel actuel reflète une adaptation Pour l'évaluation de la douleur chronique, il existe diffé-
raisonnable à une situation douloureuse dont la significa- rents outils permettant d'évaluer le niveau actuel de la
tion et le futur sont incertains. fonction psychosociale.
Les évaluations recommandées pour l'état psychologique En situation d'urgence, le praticien devra évaluer la
incluent la dépression, l'anxiété et la présence de multi- part d'anxiété liée au stress de la douleur. Il devra éga-
ples symptômes physiques non spécifiques reconnus en lement prendre en compte la demande de consultation
psychiatrie comme des signes de somatisation. La dépres- en urgence face à un patient porteur d'une maladie
sion est souvent présente dans le cas de douleurs chroni- chronique douloureuse ou non, et faire la part
ques comme les ADAM. Il en est de même pour les symp- d'une somatisation douloureuse liée à son état anxio-
tômes physiques non spécifiques. dépressif.

47
Urgences : données générales
Analgésie

III - Examen clinique - la mesure de l'amplitude des mouvements mandibulai-


res horizontaux et verticaux et l'évaluation de la dou-
Un examen attentif, général, régional et local doit être
leur pendant le mouvement et le trajet de la mandi-
effectué. L'examen cherchera plus spécifiquement :
bule à l'ouverture ;
- à mettre en évidence le mécanisme de la douleur : - l'examen de l'ATM par palpation du pôle latéral du
-douleurs nociceptives à caractère inflammatoire ou condyle et de l'attache postérieure par le méat acous-
mécanique souvent reproductible ; tique externe ;
-douleurs neuropathiques devant l'association d'une - un examen neurologique : un bref examen des fonc-
sémiologie subjective et objective (allodynie, analgésie, tions sensorielle et motrice des nerfs crâniens permet-
dysesthésies provoquées, hyper/hypoalgésie, hyperpa- tant de suspecter un problème neurologique.
thie, hyper/hypoesthésie) dans le territoire d'une struc-
ture nerveuse (périphérique ou centrale).
- à mettre en évidence les troubles cutanés ou vasomo- IV - Douleurs d'origine non dentaire
teurs associés ;
-à préciser les limitations fonctionnelles éventuelles et Le chirurgien-dentiste peut être consulté en raison de
leurs répercussions (parole, mimiques...) ; douleurs orofaciales qui seront diagnostiquées comme
- à reproduire un comportement douloureux spécifique. d'origine non dentaire (fig. 6.4). Certaines sont hors champ
de compétences, mais d'autres concernent la région oro-
Il comprend : faciale pour laquelle le dentiste peut avoir des compéten-
- L'examen de la denture : ces spécifiques. Il semble dans ce cas logique, et éthique,
- la palpation des muscles de l'appareil manducateur ; que le praticien administre un traitement approprié qui
- la réalisation de tests de provocation (mouvements permettra au patient de consulter un confrère médecin
contre résistance) ;
spécialisé.

Douleur d'origine dentaire Douleur d'origine non dentaire


- Présence de facteurs étiologiques d'une douleur d'origine - Absence de facteurs étiologiques d'une douleur d'origine non
dentaire : carie, restaurations défectueuses ou infiltrées, dentaire : carie, restaurations défectueuses ou infiltrées,
traumatisme, fracture ou fêlure) traumatisme, fracture ou fêlure)
- Possibilité de reproduire lors de l'examen clinique les symptômes - Échec de l'anesthésie locale à éliminer la douleur
décrits par le patient - Douleur bilatérale ou présence de plusieurs dents douloureuses
- Cessation de la douleur après anesthésie locale - Douleur chronique ne cessant pas après traitement dentaire
- Douleur unilatérale. - Caractère de la douleur : de type brûlure, décharge électrique,
- Caractère de la douleur : sourde, pénible, pulsatile lancinante, sourde+++
- Douleur localisée+++ - Douleur concomitante à un mal de tête+++
- Sensibilié thermique+++ - Douleur accrue à la palpation de zones gâchettes ou de
- Sensibilité à la percussion, à la palpation+++ muscles+++
- Douleur accrue associé à des stress émotionnels, un effort
physique, à la position de la tête, etc., +++
- Douleur accrue associé à des stress émotionnels, un effort
physique, à la position de la tête, etc., +++

- Caractéristiques habituelles des douleurs d'origine dentaire et non dentaire. +++ = Facteur spécifique

Figure 6.4 Principales caractéristiques des douleurs dentaires et non dentaires.

48
que est supérieur à celui de l'ibuprofène ou du paracéta-
V - Choix du traitement mol mais qui n'a pas d'AMM en France en odontologie ;
Une fois la douleur évaluée, il faut instaurer un traitement - soit parce l'efficacité du traitement curatif n'est pas immé-
adapté à cette douleur et à l'état du patient. diate. Les traitements antibiotiques ne sont pas efficaces
immédiatement. On considère qu'un délai d'environ
1 - Objectifs du traitement 48 heures est nécessaire avant de mesurer ses effets. La
douleur doit être combattue pendant cet intervalle.
Important ! Les objectifs du traitement sont :
- éliminer ou réduire la douleur ; 3 - Stratégie thérapeutique
- éliminer ou réduire les facteurs cognitifs, comportemen-
taux et émotionnels ; Après la phase de diagnostic et d'évaluation de la douleur
- optimiser l'efficacité des traitements pharmacologiques; et de son retentissement sur la vie du patient, le praticien
- encourager l'autogestion raisonnable qui améliore le con- peut proposer un traitement.
trôle de la douleur.
Le traitement des douleurs aiguës est le plus souvent
chirurgical (pulpectomie ou drainage par exemple), e t /
Il faut garder présent à l'esprit que le cadre thérapeutique
ou médicamenteux (antalgie, antibiothérapie) afin de
au sens large, c'est-à-dire l'attitude adoptée par le person-
supprimer le pic douloureux ou de diminuer son inten-
nel soignant, le contexte des soins, la prise en compte de
sité. Dans le cas de crises douloureuses d'affections
l'entourage, etc. entraînent des effets non spécifiques qui chroniques, le traitement peut n'être que pharmacolo-
peuvent influencer la perception des douleurs dans un gique. Il peut cependant combiner plusieurs approches,
sens positif (effet placebo) comme dans un sens négatif comme par exemple la physiothérapie pour les dou-
(effet nocebo). leurs musculaires ou la pose d'une orthèse occlusale.

2 - Traitement étiologique vs traitement 3.1 - Traitement pharmacologique


palliatif Parmi les différents traitements possibles, les traitements
Le traitement étiologique sera retenu chaque fois qu'il sera médicamenteux, du fait de leur efficacité et de leur facilité
possible : éliminer la pulpe enflammée/infectée par un trai- d'administration, occupent une place de choix. Ils ne sont
tement endodontique en cas de pulpite, effectuer un parage pas les seuls possibles et leur utilisation peut également
canalaire en cas de parodontite apicale, ou un drainage et une conduire à de nombreux effets indésirables qu'il importe
antibiothérapie en cas d'abcès alvéolaire aigu et une cellulite. de bien peser avant d'opter pour ce type de traitement.
Cependant, le traitement étiologique n'est pas toujours
possible : 3.2 - Anesthésie
- soit en raison de la pathologie : si un patient consulte par L'anesthésie est souvent le geste de choix en odontologie
exemple en raison d'une poussée inflammatoire dans le cas pour effectuer un geste thérapeutique, étiologique
d'une ATM arthrosique, le traitement anti-inflammatoire comme une pulpotomie ou le drainage d'un abcès. En rai-
ne guérira pas l'arthrose mais atténuera ses conséquences son de l'importance du sujet tant qualitativement ni quan-
en termes de douleur et de gêne fonctionnelle. C'est éga- titativement, il n'est pas dans les objectifs de cet ouvrage
lement le cas d'un grand nombre de céphalées dont on sait de traiter de l'anesthésie locale et le lecteur est invité à
atténuer les symptômes mais pas traiter les causes ; consulter les ouvrages spécialisés (Gaudy et Aretto, 1999)
- soit parce que l'état de santé du patient ne le permet pas. pour plus de précisions.
C'est le cas du patient à risque d'endocardite pour lequel L'anesthésie peut être considérée comme une médication
une prophylaxie est indiquée 1 heure avant l'intervention. antalgique en soi. Dans les cas où le praticien ne dispose
L'antalgie s'impose dans cet intervalle de temps pour ne pas du temps nécessaire pour prendre en charge un patient,
pas laisser souffrir inutilement le patient et fragiliser une anesthésie peut permettre de temporiser quelques
encore la fonction cardiaque du fait de l'activation du sys- heures dans de meilleures conditions pour le patient. Il est
tème nerveux autonome en cas de douleur. Une question intéressant de signaler dans ce cadre l'utilisation d'anesthé-
se pose d'ailleurs dans ce cas : l'administration d'un antal- siques locaux de longue durée tels que la bupivacaïne
gique d'action rapide et efficace est indiquée. L'antalgique (Marcaïne®), ou la ropivacaïne (Naropeine®). Ces molécules
de choix semble être le kétorolac dont le pouvoir antalgi- peuvent permettre d'obtenir une analgésie prolongée par

49
Urgences : données générales
Analgésie

rapport aux autres anesthésiques, de plusieurs heures, per- période de crise, le patient peut être amené à consulter en
mettant de différer un rendez-vous nécessitant une inter- urgence. Les antalgiques et anti-inflammatoires de niveau
vention plus longue, par exemple d'attendre le matin si I sont peu efficaces sur ce groupe hétérogène. Les morphi-
l'urgence est vue au cours de la nuit, ou d'attendre le soir niques ont peu d'effets, dépendant du type de douleur ;
si l'urgence est vue le matin... Leur utilisation est cependant dans ce groupe, les douleurs du zona semblent par exem-
limitée en France au milieu hospitalier. ple mieux calmées par la morphine. Les molécules les plus
efficaces restent souvent les antidépresseurs et les anti-
3.3 - Autres traitements antalgiques épileptiques mais leur effet n'est pas immédiat. Il est donc
Lorsqu'un traitement médicamenteux est décidé, le choix difficile d'utiliser ces médicaments dans le cadre de
d'un antalgique adapté à la situation dépend de différents l'urgence car ils agissent lentement, en plusieurs jours, et
critères et doit se faire en fonction de la cause de la douleur, nécessitent souvent des paliers thérapeutiques.
du site et du mode d'action des molécules considérées, de
leur pouvoir antalgique, de leurs effets secondaires propres.
L'administration d'un traitement pharmacologique répond
2 - En fonction de l'intensité des douleurs
à des règles de prescription.
2.1 - Règles générales

VI - Choix d'un antalgique Opioïdes forts


± coantalgiques

1 - En fonction de la cause de la douleur Opioïdes faibles


±coantalgiques
Antalgiques Niveau 3
II est important d'essayer de reconnaître l'étiopathogénie et non opioïdes (EVA 7-10)
les processus biologiques mis en jeu dans la genèse des per- Niveau 2
ceptions douloureuses afin de proposer le traitement le (EVA 4-7)

mieux approprié : douleur nociceptive, inflammatoire, neu- Niveau 1


(EVA 1-4)
ropathique, idiopathique ne mettent pas en jeu les mêmes
mécanismes et sont donc calmées par des molécules diffé-
Figure 6.5 Paliers antalgiques selon l'OMS.
rentes. Il faut cependant garder à l'esprit que de nombreu-
ses douleurs peuvent combiner des mécanismes différents.
-Douleurs nociceptives et inflammatoires: les moyens En se fondant sur le critère de l'intensité des douleurs, l'OMS
thérapeutiques permettent de lutter contre la formation a proposé, pour les douleurs cancéreuses, trois niveaux ou
des potentiels d'action et contre les phénomènes inflam- paliers permettant de choisir un antalgique en fonction de
matoires par les anesthésiques locaux et les anti-inflam- l'intensité douloureuse (Lazorthes 1990) (fig. 6.5) :
matoires. Ces douleurs sont par exemple les douleurs
aiguës, post-traumatiques ou chirurgicales. Si la douleur - le palier I correspond aux douleurs de faible intensité
est due à un phénomène infectieux, le traitement doit répondant aux antalgiques non narcotiques (aspirine,
impérativement associer un traitement anti-infectieux paracétamol, AINS...) ;
-le palier II correspond aux douleurs répondant aux
(acte chirurgical, antibiothérapie...). Les principales molé-
opiacés faibles (codéine et dextropropoxyphène),
cules utilisées dans le traitement de la douleur en
associés à une substance du palier I ;
urgence sont : les anesthésiques locaux, les antalgiques
- le palier III correspond à l'utilisation des morphiniques.
non-opioΪdes et les morphiniques. Le groupe des antalgi­
ques non-opioΪdes est vaste et comprend les anti-inflam­
matoires stéroïdiens (AIS) et non-stéroïdiens (AINS), et le Deux paliers ont été ajoutés par la suite, respectivement
paracétamol. Leurs principes d'action pharmacologique, llb pour les agonistes-antagonistes morphiniques et le tra-
leurs indications contre-indications et effets indésirables madol, et Illb pour les formes non orales d'administration
sont détaillés dans la 5e partie de cet ouvrage. de la morphine.
-Douleurs neuropathiques : les douleurs neuropathiques Ces suggestions thérapeutiques mettent l'accent sur la
sont difficiles à traiter. Il en existe différents types. Les nécessité d'une évaluation rigoureuse de la douleur qui
douleurs peuvent être de type continu ou paroxystique. En aidera au choix du principe actif et de sa posologie.

50
2.2 - Suggestions thérapeutiques adaptées à l'odontologie maximum). On peut remarquer une différence d'usage entre
De nombreuses études ont comparé les effets antalgiques les pays anglo-saxons et la France où l'on prescrit des doses
des différents médicaments (Dallel et Woda, 1994, HAS, plus faibles. Par ailleurs, la couverture antibiotique sur les
2006). L'efficacité analgésique serait la suivante : aspirine AINS n'est pas systématique dans ces études qui ne rappor-
< paracétamol < AINS faible dose < paracétamol + codéine tent qu'un nombre infime d'accidents statistiquement non
< AINS forte dose. En s'appuyant sur cette échelle d'effica- significatifs. En France la couverture antibiotique s'impose
cité, plusieurs auteurs ont proposé de retenir la logique dans le cas de processus infectieux associé (AFSSAPS).
d'échelle hiérarchisée de l'OMS en odontologie et ont On peut également remarquer un usage semble-t-il inté-
proposé des suggestions thérapeutiques (Hargreaves ressant des AINS qui est la potentialisation de l'anesthésie
et al., 1987). locale (Dionne, 1986) ;
La démarche consiste à utiliser des antalgiques de palier I - la troisième possibilité est d'avoir recours à des antalgi-
en première intention, puis de palier lIa ou I fortement ques du palier IIa ou IIb.
dosés en cas d'échec, enfin de palier llb si nécessaire
(ANAES, 2000). 2.2.2 Antalgiques de palier lla
Codéine et dextropropoxyphène sont le plus souvent uti-
2.2.1 Antalgiques de palier I lisés en association avec des antalgiques de palier I (essen-
Le choix de la substance peut se faire en fonction de la tiellement aspirine et paracétamol) qui semblent potenti-
puissance antalgique, mais comme il existe de grandes aliser leur action antalgique. Une dose de 60 mg de
variations interindividuelles, c'est donc surtout l'évalua- codéine et 100 mg de dextropropoxyphène en association
tion du bénéfice par rapport au risque pour le patient qui avec du paracétamol 600 ou 1 000 mg sont souvent utili-
guidera le choix. Il semble logique de choisir en première sées. Il ne semble pas cependant que le dextropropoxy-
intention les produits les mieux tolérés comme le paracé- phène potentialise l'effet antalgique du paracétamol.
tamol (1 000 mg chez l'adulte moyen) quitte à changer de Seule la dihydrocodéine (Dicodin®) permet d'administrer
traitement en cas d'échec. Cependant, certains auteurs de la codéine seule.
préconisent d'utiliser immédiatement les AINS faiblement
dosés (ibuprofène 200 mg, kétoprofène 25 mg ou féno- Malgré sa popularité, l'association paracétamol-dextro-
profène 300 mg par exemple) si ceux-ci ne sont pas propoxyphène n'a pas montré d'efficacité supérieure au
contre-indiqués, en raison du faible risque lié à leur utilisa- paracétamol seul. Par ailleurs, son utilisation expose à des
tion sur les sujets sains. L'usage de l'aspirine tend à dimi- risques de toxicité cardiaque et d'accumulation dans les
nuer en raison des effets indésirables. De nombreuses spé- tissus en raison du différentiel de cinétique d'action entre
le paracétamol (demi-vie de 2 heures) et le dextropro-
cialités médicamenteuses associent plusieurs antalgiques
poxyphène (demi-vie supérieure à 7 heures). Elle n'est par
non opiacés (aspirine + paracétamol + caféine), mais le
conséquent pas recommandée (HAS, 2006).
bénéfice thérapeutique semble très limité car l'efficacité
antalgique n'est pas ou peu augmentée alors que les effets
indésirables sont potentialisés. 2.2.3 Antalgiques de palier llb
En cas d'échec du premier niveau, plusieurs choix se pré- En cas d'échec du second niveau, si les douleurs sont insup-
sentent: portables, l'emploi d'un morphinique est recommandé:
- changer de substance : il semble intéressant eu égard aux - la buprénorphine (agoniste-antagoniste) est néanmoins
variations d'effets interindividuelles de changer de type facile d'emploi. Mais selon l'ASFAR (Ricard-Hibon, Marty,
de substance, d'utiliser un AINS par exemple si le paracé- 2001), elle devrait être contre-indiquée en médecine
tamol n'a pas produit d'effet ; d'urgence en raison de la fréquence des dépressions res-
- modifier la dose : il est également possible de recourir à un piratoires et de l'effet-plafond, c'est-à-dire l'impossibi-
AINS plus fortement dosé (ibuprofène 400 mg, kétoprofène lité d'augmenter l'efficacité analgésique avec une aug-
50 mg ou fénoprofène 600 mg par exemple). Cependant, les mentation de la dose ;
effets indésirables croissent avec l'augmentation de la dose. - le tramadol présente des analogies de structure avec la
De même, les risques croissent avec une utilisation prolon- codéine et agit sur le métabolisme de la noradrénaline et
gée. Les données actuelles issues d'études anglo-saxonnes de la sérotonine. Il présente également moins d'effets
privilégient l'utilisation des AINS à dosage élevé (800 mg secondaires que la morphine et semble bien indiqué pour
d'ibuprofène toutes les 4 heures, 2 400 mg/24 heures au les douleurs postopératoires. Son efficacité antalgique

51
Urgences : données générales
Analgésie

en chirurgie buccale est proche de celle des AINS. On


peut l'utiliser en association avec un antalgique de palier
I en cas d'échec de ce dernier.

2.2.4 Antalgiques de palier III


Si les douleurs ne diminuent pas avec les antalgiques de
palier I et II, et qu'aucune procédure thérapeutique ne
peut les supprimer, l'utilisation de la morphine peut être
indiquée. En cas de douleur intense et rebelle, lorsque le
patient revient pour le même problème, ou dans le cas
d'une impossibilité de réaliser un acte opératoire dans
l'attente de l'effet des antibiotiques. De nombreux travaux
ont montré qu'il n'y avait pas de risque de dépendance
pour un usage lié à la douleur en prise unique ou courte.
Figure 6.6 Valise à médicaments d'un patient.
Il est possible de prescrire des morphiniques en cas de crise
aiguë au cabinet dentaire, pour une période inférieure à Les salicylés et les AINS sont formellement contre-indiqués
7 jours. Son utilisation ultérieure doit se faire en milieu hos- chez les patients présentant un ulcère gastroduodénal en
pitalier avec surveillance médicalisée, en raison du risque de évolution, des antécédents d'hémorragie ou de perforation
dépression respiratoire retardé. Par voie orale, la dose au cours de traitements antérieurs par AINS, des antécé-
conseillée est de 60 mg par jour chez l'adulte matin et soir dents ou présence d'ulcère peptique ou d'hémorragie récur-
(Actiskenan® ou Moscontin®). La prescription doit être asso- rente (2 ou plus de 2 épisodes distincts d'ulcère ou d'hémor-
ciée à celle d'un laxatif quand l'utilisation dépasse 3 jours ragie objectivés), d'insuffisance hépatocellulaire sévère,
(laxatif osmotique type Forlax®, sulfate de magnésium). La d'insuffisance rénale sévère, d'insuffisance cardiaque sévère
prescription de la morphine obéit à des règles strictes non contrôlée, de lupus érythémateux disséminé, chez la
(ordonnance sécurisée, identification du patient par le nom, femme enceinte au-delà de la 24e semaine d'aménorrhée.
prénom, âge, sexe, libellé de la prescription en toutes let- L'administration d'anti-inflammatoires chez une femme por-
tres, prescription limitée dans le temps). teuse d'un stérilet peut entraîner une grossesse non désirée.
Les effets indésirables les plus fréquents aux doses habituel- Les risques d'agranulocytose liés à l'utilisation de la norami-
les sont la somnolence, une confusion, des nausées et vomis- dopyrine restreignent considérablement son utilisation.
sements, une constipation. Du fait de cette somnolence, il L'utilisation de l'aspirine chez l'enfant est discutée en raison
faut veiller à ce que le patient ne conduise pas de véhicule des risques de survenue d'un syndrome d'encéphalopathie
ou ne se mette pas ensuite dans une situation dangereuse. avec atteinte hépatique (syndrome de Reye), lors de viroses,
ainsi qu'en raison d'un risque de surdosage aigu.
3 - En fonction des contre-indications Comme les AINS, les AIS ne doivent pas être utilisés dans
et effets indésirables les états infectieux sans antibiothérapie associée car ils
s'opposent aux réactions inflammatoires mobilisant les
défenses de l'organisme.
Note : l'évaluation du bénéfice thérapeutique par rapport
La faible utilisation des opiacés majeurs s'explique en rai-
au risque encouru par le patient guide le choix. Le praticien
détermine la substance la plus adaptée à l'état de santé du son de leurs nombreux effets indésirables, respiratoires,
patient, en fonction de ses antécédents médicaux et des digestifs et psychiques. Même si les risques d'accoutu-
éventuelles contre-indications. Les lecteurs sont invités à mance à la morphine administrée à but thérapeutique sont
consulter les ouvrages de références (Vidal, 2007, Doroz, très rares, l'usage de ces substances reste exceptionnel en
2007, Descroix et Yasukawa, 2005) pour prendre leurs déci-
odontologie. Les opiacés mineurs sont plus utilisés mais
sions thérapeutiques, notamment en ce qui concerne les
effets indésirables, les précautions d'emploi, la toxicité, les
induisent souvent des effets indésirables de type consti-
associations dangereuses (fig. 6.6)... pation, nausée et somnolence, voire céphalées, mais
d'intensité moins importante que les opioïdes majeurs.

52
4 - Chez l'enfant VII - Modalités de prescription
La douleur de l'enfant est restée et reste encore sous- Modalités de prescription des antalgiques
estimée (ANAES, 2000). - Privilégier la voie orale.
- Prescrire des prises médicamenteuses à horaires régu-
Il a été montré par exemple que pour des actes chirurgi- liers, en fonction des seules caractéristiques pharma-
caux identiques (appendicectomies, brûlures, fractures), cologiques du médicament, et des spécificités méta-
les enfants reçoivent en moyenne 1,5 à 3 fois moins boliques de chaque malade.
d'antalgiques majeurs que l'adulte, et les prescriptions à la - Rejeter les traitements « à la demande » pour une dou-
leur persistante ou chronique.
demande ne sont pas administrées. L'intensité de la dou-
-Surveiller et prévenir les effets secondaires, respecter
leur postopératoire est sous-estimée, surtout dans les pre-
les contre-indications.
mières 24 heures par l'ensemble du personnel soignant,
- Prendre garde aux interactions médicamenteuses.
médical et paramédical.
- Évaluer l'efficacité du traitement antalgique entrepris
La logique thérapeutique reste la même chez l'enfant que (selon la rapidité de l'action des molécules utilisées et
chez l'adulte, mais une plus grande prudence doit être obser- de l'intensité de la douleur au départ).
vée vis-à-vis des effets indésirables et toxiques des médica-
ments. La posologie doit également être adaptée au poids. En cas d'échec thérapeutique, modifier rapidement la
L'utilisation d'antalgiques de palier I en odontologie prescription : ajustement de la posologie, changement de
concerne essentiellement le paracétamol et les AINS dont la molécule e t / o u parfois, remise en cause du diagnostic
l'usage s'est beaucoup développé ces dernières années. Le (étiologique, physiopathologique) de la douleur.
paracétamol est le plus utilisé. La dose recommandée est dis-
cutée, variant de 30 à 60 m g / k g / j selon les pays, mais les spé-
cialistes de la douleur pédiatrique recommandent des doses
plus élevées, de 120 m g / k g / j en période postopératoire.

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novembre 2005 2006 (htttp : / / w w w . has-sante.fr). odonto-stomatologie. Paris : Maloine, 2005.

54
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques
Stéphane SIMON, Pierre MACHTOU, Yves BOUCHER

I - L'urgence en endodontie ment, remet en cause la qualité des soins délivrés, pouvant
aboutir à une perte de confiance souvent injustifiée.
Les douleurs d'origine endodontique (pulpaire ou péri- Dans le cas d'urgence endodontique avérée, le traitement
apicale) sont responsables de 70 à 90 % des consulta­ doit permettre de soulager le patient et d'éviter une dissé­
tions en urgence dans un cabinet dentaire ou un service mination des germes afin de prévenir toute complication
spécialisé, loin devant les autres motifs, tels que syn­ infectieuse grave. Fort heureusement, l'urgence endodonti­
drome du septum, accident de désinclusion, etc. (Hasler que met rarement en jeu le pronostic vital, même si quel­
et Mitchell, 1963 ; Drinnan, 1987). ques cas de décès liés à une infection d'origine dentaire ont
été décrits dans la littérature (Hought et al., 1980 ; Esquivel
À l'exception des urgences endodontiques d'origine trau- Bonilla et al., 1991 ; Ocampo Flores et al., 1991 ; Clarke, 1999).
matique (cf. chapitre suivant), les pathologies d'origine
endodontique sont de nature infectieuse et les douleurs
(pulpaire ou péri-apicale) sont causées par l'inflammation Il - Spécificité de la douleur
qui en résulte. À quelques exceptions près, la pénétration en endodontie
des bactéries vers le système endodontique, puis vers les
tissus périapicaux, se fait par voie coronaire par le biais 1 - Pulpe dentaire
d'une carie dentaire ou d'une fêlure.
La pulpe dentaire est un tissu conjonctif lâche, bien vascula- La pulpe dentaire contient deux types de fibres nerveuses
risé, innervé, et possédant un système de défense propre (Aδ et C) responsables de la conduction des informations
assurant une première barrière à la diffusion des irritants lors nociceptives vers les centres nerveux périphériques.
d'agression. Le contact des bactéries ou de leurs toxines avec - Les fibres Aδ sont des fibres myélinisées de petite taille, per­
la pulpe déclenche une réaction inflammatoire visant à mettant la conduction de l'influx nerveux à une vitesse de
contenir l'agresseur et à protéger les tissus sous-jacents. En 12 à 20 m/s. Les terminaisons à la périphérie de ces fines
fibres constituent le plexus de Raschkow, sous odontoblas-
l'absence de traitement et d'élimination des bactéries
tique. Certaines fibrilles pénètrent dans les canalicules den-
contenues dans la lésion carieuse, le processus inflammatoire
tinaires sur quelques microns, accompagnant ainsi le pro­
s'étend à la pulpe camérale, et si l'agent infectieux persiste,
longement odontoblastique dans sa partie intradentinaire.
entraîne la nécrose du tissu pulpaire tout entier. Les débris
Ces fibres sont responsables de la perception de douleurs
nécrotiques infectés se comportent à leur tour comme des
aiguës bien localisées après l'application d'un stimulus sur la
antigènes, responsables d'une réponse inflammatoire secon-
dent (jet d'air sur une dénudation radiculaire par exemple).
daire des tissus parodontaux péri apicaux (os et ligament) en
contact avec l'une des portes de sortie de l'endodonte. - Les fibres C non myélinisées, ont un diamètre plus gros
que les précédentes, et leur vitesse de conduction de
En pratique, un patient peut être amené à consulter en l'influx est inférieure (0.5 à 2,5 m/s). Elles sont situées
urgence, soit à cause de douleurs déclenchées par une plus profondément dans l'épaisseur de la pulpe. Elles
pathologie non traitée, soit à cause de douleurs posto­ sont impliquées dans la conduction des douleurs plus
pératoires faisant suite à un traitement endodontique sourdes, associées à un caractère désagréable se rappro­
ou conservateur. chant des douleurs viscérales et pouvant irradier au-delà
de la zone concernée par la lésion.
Cette dernière situation est certes frustrante pour le pra­ Les corps cellulaires des axones de ces fibres nerveuses se
ticien, mais également pour le patient qui, inconsciem- situe dans le ganglion trigéminal (Holland, 1986 ; Hirvonen,

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Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

1987). Plusieurs centaines d'axones pénètrent dans la pulpe


La nature des agents infectieux influence les réactions
de chaque racine via le foramen apical accompagné par les
tissulaires et les défenses de l'hôte. La douleur n'est
vaisseaux afférents et efférents. 70 à 90 % de ces axones donc pas systématique, et l'infection complète de
sont amyéliniques. l'endodonte peut survenir malgré un silence clinique
Ces fibres nerveuses peuvent être activées par des stimu­ complet; 4 0 % des nécroses pulpaires sont en effet
lations thermiques, mécaniques ou osmotiques, mais éga­ asymptomatiques (Michaelson, 2002).
lement par des stimulations chimiques d'origine exogène
issues des bactéries (endotoxines, lipo-polysacharides) ou La présence de bactéries et de toxines dans l'endodonte
d'origine endogène, telles que les molécules pro-inflam- initie une réaction inflammatoire dans le parodonte pro­
matoires (prostaglandines ou neuropeptides par exemple). fond en regard du ou des foramina apicaux des canaux
Ces molécules algogènes activent et sensibilisent directe­ infectés. Cette réaction de défense se met en place lente­
ment les fibres nerveuses nociceptives. ment, et est en général totalement asymptomatique ; il
À la différence d'autres tissus tels que la peau ou les s'agit d'une inflammation chronique, responsable de la for­
muqueuses, la pulpe dentaire, confinée au sein d'un organe mation d'une lésion péri-apicale d'origine endodontique,
minéralisé à parois inextensibles, ne peut se dilater lors de appelée également lésion inflammatoire périradiculaire
l'inflammation. L'augmentation de la pression sanguine d'origine endodontique (LIPOE) ou parodontite apicale
intrapulpaire et la compression du tissu conjonctif pul- dans la terminologie anglo-saxonne.
paire résultante stimulent les fibres nerveuses et contri­ Cette lésion quiescente se manifeste parfois brusquement
buent aux douleurs ressenties par le patient en cas par des douleurs importantes, notamment en cas de pres­
d'inflammation pulpaire irréversible. sions exercées sur la dent. Le confinement du tissu de granu­
Comme dans les autres tissus de l'organisme, les fibres lation ou kystique au sein d'une crypte osseuse, elle-même
sensitives de la pulpe dentaire contiennent des neuropep­ incompressible, empêche toute compensation de l'augmen­
tides, tels que la substance P et la Calcitonine gene-related tation de la pression intralésionnelle. La libération de molé­
peptide (CGRP) qui jouent un rôle important dans le trans­ cules biochimiques algogènes issues du processus inflamma­
fert de l'influx nerveux vers le système périphérique cen­ toire, associée à l'augmentation de pression vasculaire,
tral (Byers, 1992; Byers et Taylor, 1993). Ils interviennent entraîne des douleurs intenses. Les causes de cette transfor­
également dans le contrôle du diamètre vasculaire par le mation sont à ce jour inconnues. La modification de la flore
système sympathique et parasympathique et modulent bactérienne, le déplacement de l'équilibre hôte/agresseur
donc l'apport sanguin aux tissus. Ces neuropeptides jouent ainsi qu'une éventuelle modification phénotypique des
un rôle important dans les premières phases de l'inflam­ fibres nerveuses ont été proposés par certains auteurs sans
mation, mais également dans les phases plus tardives, qu'aucune de ces hypothèses n'ait pu être validée.
favorisant la cicatrisation.
Schématiquement, les douleurs pulpaires proviennent
donc de : III - Établir le diagnostic
- la stimulation directe des fibres en cas de perte de la La description de la douleur par le patient sert de repère au
barrière minérale protectrice ; praticien pour orienter son diagnostic et décider du traite­
- l'excitation des fibres nerveuses par des agents algogè­ ment approprié, particulièrement lors d'une consultation
nes exogènes ou endogènes ; en urgence (Rowe et Pitt Ford, 1990). Cependant, la douleur
- l'augmentation de la pression intrapulpaire. seule est un indicateur peu fiable de la pathologie
(Horowitz et al., 1991). En effet, il n'y a pas de corrélation
entre l'ampleur de la lésion causale et le degré de douleur
2 - Parodonte péri-apical ressenti par le patient. Par ailleurs, l'anxiété et l'appréhen­
sion de la consultation chez le chirurgien-dentiste influent
Une fois la pulpe contaminée, le processus infectieux considérablement sur le phénomène douloureux. Une
s'étend progressivement à la totalité de l'endodonte. Si expérience douloureuse antérieure lors d'un soin fait
le processus physiopathologique mis en jeu est toujours redouter au patient la séance de traitement (O'Keefe, 1976 ;
le même, la cinétique de développement et la sympto- Rankin et Harris, 1984) ; elle peut également le conduire à fil­
matologie restent très variables d'un individu à l'autre.
trer les informations qu'il donne au praticien de peur de se

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retrouver dans la même situation. L'inverse est également bien s aider d'un second questionnaire à l'image du précé­
vrai : face à la crainte de ne pas être pris en charge, le patient dent que le patient remplit dans la salle d'attente en atten­
peut amplifier volontairement les symptômes ressentis, dant d'être reçu par le praticien (cf. Annexe).
pour être pris au sérieux. Le questionnaire concernant la douleur est peu utilisé en
France; il est en revanche utilisé de façon routinière dans
Pour établir son diagnostic, le praticien doit donc collecter d'autres pays où la prise en charge de la douleur est une
les informations pertinentes auprès du patient, et réaliser obsession pour les professionnels de santé, et les dentistes en
ensuite les tests appropriés permettant de confirmer son particulier. Des questions précises, à réponse courte, permet­
hypothèse diagnostique, tout en évitant d'aggraver la dou­ tent au praticien de se faire rapidement une idée, d'une part
leur. C'est l'association de ces données objectives (tests) et
sur la nécessité d'un traitement d'urgence, et d'autre part sur
subjectives (dires du patient) qui va permettre de :
les moyens à mettre en œuvre pour établir le diagnostic.
- localiser la dent causale ;
Un autre avantage du questionnaire tient aux contraintes
- définir la nature de la pathologie (pulpaire ou péri-apicale);
-choisir le traitement approprié, qui peut comporter temporelles. La consultation en urgence est en général
plusieurs phases, chirurgicale et médicamenteuse. ajoutée à un cahier de rendez-vous déjà rempli, et le temps
disponible pour la prise en charge du patient assez court.

1 - L'historique dentaire Le questionnaire rempli dans la salle d'attente occupe le


patient qui trouve ainsi le temps d'attente moins long. Il
Si l'historique médical, indispensable y compris en situa­
a par ailleurs moins l'impression d'avoir été « intercalé
tion d'urgence, est effectué systématiquement dans les entre deux patients », situation qui peut le culpabiliser et
cabinets dentaires, l'historique dentaire l'est beaucoup le mettre dans un état de stress supplémentaire.
moins. Au cours d'une consultation en urgence, le patient
a tendance à expliquer spontanément son problème et ses
L'aide apportée par ces questionnaires est indéniable.
complaintes. Il est par ailleurs souvent coupé par le prati­
Néanmoins, la discussion avec le patient, le fait d'être atten­
cien avant d'avoir pu exposer l'ensemble de son problème.
tif à ses doléances et de lui témoigner de l'intérêt sont des
À elles seules, ces informations suffisent rarement pour éta­
éléments essentiels. On peut considérer que le traitement
blir un diagnostic mais représentent un bon point de départ.
d'urgence commence dès ce moment. Le contexte de soins
à l'origine des effets placebo et nocebo est primordial. Ras­
L'historique dentaire doit permettre de déterminer
surer, et surtout mettre le patient en confiance, facilitera les
(Castellucci, 2004) :
soins et améliorera les effets du traitement.
- la raison de la consultation en urgence ;
- si le patient a reçu récemment des soins dentaires qui
pourraient avoir une répercussion sur l'état pulpaire ; Remarque : en conclusion, l'historique dentaire et l'identifi­
- à quel moment les douleurs ont commencé et comment ; cation des signes douloureux aident considérablement à
- la localisation de la douleur : le patient peut-il locali­ l'élaboration d'un prédiagnostic. L'examen clinique et
ser précisément la dent en cause ? radiographique doit permettre de le confirmer ou de le
modifier.
- la nature de la douleur : est-elle aiguë ou sourde, spon­
tanée ou provoquée ?
- les facteurs déclenchants : chaud, froid, stress, masti­
cation...
2 - L'examen clinique
-si la douleur persiste après l'arrêt de l'agent causal Il doit permettre de répondre aux questions suivantes :
(notion de rémanence) ; - les douleurs sont-elles réellement d'origine dentaire ?
- si la douleur est reproductible ; - quelle est la dent causale ?
- si la douleur est continue ou intermittente ; - quelle est la pathologie ?
-si d'autres facteurs interviennent sur le déclenche­
ment de la douleur : posture corporelle, douleur 2.1 - Examen extra-oral
diurne ou nocturne, etc. L'apparence générale du patient est observée à la recher­
che du moindre gonflement, d'une asymétrie du visage, de
Il est rare que le patient fournisse ces informations rougeur, de présence de fistule extra-orale, d'un éventuel
spontanément ; elles sont néanmoins nécessaires. Le pra­ trismus, etc. Les chaînes ganglionnaires doivent également
ticien peut donc conduire l'interrogatoire oralement, ou être inspectées.

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Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

2.2 - Examen intra-oral Ce test peut également être effectué avec de l'eau chaude
Les tissus mous sont observés minutieusement en recher­ dans une seringue, après avoir isolé la dent avec la digue.
chant tout signe inflammatoire ou ostium fistulaire.
La dent causale peut apparaître de façon évidente (carie Remarque : en cas d'inflammation pulpaire, ces tests peu­
importante par exemple), mais ce n'est pas toujours le cas. vent s'avérer extrêmement douloureux. Il est donc souhai­
Le fond du vestibule, en regard de la dent suspecte, est table de prévoir une seringue d'eau tiède pour le test au
palpé avec la pulpe de l'index. Une zone douloureuse à cet froid, et une seringue d'eau froide pour le test au chaud.
endroit laisse suspecter la présence d'une lésion apicale en
phase aiguë.
2.4 - Autres tests
Au cours de cet examen, il est indispensable de palper la
face antéro-inférieure du sinus maxillaire en faisant glisser 2.4.1 Le test de la percussion
lentement l'index le long du vestibule en regard du groupe
Il permet de mettre en évidence une éventuelle inflamma­
prémolaires-molaires maxillaires. Si la palpation est doulou­
tion ligamentaire. Dans le cas de consultation en urgence,
reuse, une sinusite maxillaire doit être envisagée dans le dia­
ce test est d'une grande utilité car il permet très souvent
gnostic différentiel (les symptômes d'une sinusite sont très
de distinguer clairement la dent responsable. La percus­
proches de ceux d'une pulpite sur une molaire maxillaire).
sion axiale légère (dans le grand axe de la dent) ou trans­
2.3 - Les tests thermiques versale (perpendiculaire au grand axe de la dent) est effec­
Ce sont les plus connus, et les plus utilisés, car ils sont sim­ tuée avec le manche d'un miroir ; la morsure sur un coton
ples à mettre en œuvre. Ils permettent de reproduire faci­ humide, ou sur un instrument dédié (le tooth slooth®) peut
lement les stimuli responsables du déclenchement, de également être utilisée si le patient rapporte dans son
l'exacerbation ou de la diminution de la douleur. questionnaire des douleurs à la mastication.
À la différence d'une séance de diagnostic convention­
nelle, ces tests ne sont utilisés qu'en cas de doute sur 2.4.2 Le sondage parodontal
l'identification de la dent causale.
Important ! Souvent négligé, il apporte un certain nombre
Si le patient rapporte que le moindre souffle d'air est d'informations cruciales. En dehors d'éventuels problèmes
extrêmement douloureux sur une dent bien précise, il parodontaux, il permet de détecter une éventuelle fracture
n'est pas nécessaire de reproduire le test et de risquer ou fêlure radiculaire ou encore une fistule desmodontale
de redéclencher des douleurs insupportables. (sondage profond et ponctuel).

2.3.1 Le test au froid


2.4.3 La radiographie
Il est effectué avec une boulette de coton réfrigérée avec
un spray adapté (DDM : dichlorodifluorométhane : Elle est également indispensable pour établir un diagnostic,
- 50 °C, Superfrost® ; Roeko). Le spray est vaporisé sur une mais ce n'est en aucun cas un élément suffisant. C'est le
boulette de coton à quelques centimètres jusqu'à ce recoupement des informations issues de l'anamnèse, du
qu'elle apparaisse « givrée ». Celle-ci est placée sur la dent questionnaire de la douleur, des tests cliniques et des élé­
séchée et isolée avec un coton salivaire dans le vestibule. ments visibles ou suspects sur le cliché radiographique qui
Le test est dans un premier temps réalisé sur les dents non permettent d'établir le diagnostic, l'identification de la dent
suspectes pour évaluer la réponse du patient, puis en der­ en cause, et donc de programmer la thérapeutique envisagée.
nier lieu sur la dent supposée responsable. Dans le cadre de la consultation d'urgence, il est difficile de
Il peut également être effectué très simplement avec un multiplier les clichés. La radiographie panoramique permet
bâton de glace préparé en congelant de l'eau dans un d'avoir une vue d'ensemble de la cavité buccale du patient,
capuchon de seringue d'anesthésie. Maintenu dans une et d'avoir une vision plus large de la zone suspecte. Néan­
compresse pour l'examen, il permet de tester les dents moins, tous les cabinets dentaires n'en sont pas équipés.
une par une, très facilement et moins agressivement. Le cliché rétro-alvéolaire est le plus utilisé et le plus
adapté. Pour être de bonne qualité, la radiographie (numé­
2.3.2 Le test au chaud rique ou argentique) doit impérativement être effectuée
Il est effectué avec un morceau de gutta réchauffé à la avec un angulateur selon la technique des plans parallèles
flamme et placé sur la dent après l'avoir enduite de vaseline. pour limiter au maximum les déformations. La lecture du

60
cliché doit se faire sur un négatoscope, avec une loupe, sion du stimulus. En cas de pathologie, des changements
pour déceler toute information susceptible d'aider au dia­ tissulaires vont modifier la structure histologique de la
gnostic (épaississement ligamentaire, carie, défaut osseux, pulpe et ses propriétés physiologiques, comme la sensibi­
zone radioclaire apicale, fracture radiculaire, résorptions lité douloureuse.
radiculaires, proximité des structures anatomiques, etc.).
Les récents progrès effectués ces dernières années dans le Il faut rappeler qu'il n'existe pas de correspondance
domaine de la radiographie numérique permettent désor­ entre la symptomatologie et l'état histologique et qu'il
mais de disposer de capteurs performants et de plus en revient au praticien d'interpréter les signes cliniques
plus ergonomiques. L'acquisition de l'image et sa visualisa­ pour estimer la gravité de l'atteinte, notamment le
tion immédiate sur l'écran ainsi que le faible niveau d'irra­ degré d'infection et le caractère réversible ou irréversi­
diation permettent de réaliser rapidement deux ou trois ble des changements inflammatoires.
clichés (orthogonal et excentrés). On obtient ainsi, plus
d'information que sur un cliché unique, dont la qualité 1.1 - L'inflammation pulpaire réversible
dépend également des procédures de développement.
Des agressions modérées de la pulpe entraînent des chan­
En présence d'un ostium fistulaire, un cône de gutta de
gements réversibles initiés par la libération de neuropepti-
taille fine-medium est inséré dans la fistule avant de pren­
des vasoactifs par les fibres nerveuses en contact direct
dre le cliché radiographique. La pointe du cône indique
avec les odontoblastes (CGRP, Substance P, Neurokinine A,
clairement la racine responsable.
etc.). On peut d'un point de vue théorique dissocier une
phase d'hyperémie pulpaire d'une phase inflammatoire pro­
2.4.4 D'autres tests prement dite, mais les séquences d'événements forment un
Pour établir le diagnostic en endodontie, d'autres tests continuum physiologique qu'il est difficile de dissocier. Par
sont disponibles tels le test électrique, l'anesthésie sélec­ ailleurs, cette distinction n'est pas très pertinente en clini­
tive, le test de la cavité. Ces tests sont peu utilisés dans le que où il s'agit de déterminer la nature réversible ou irréver­
cadre de la consultation en urgence et ne sont donc pas sible des changements tissulaires.
détaillés ici.
Les agressions pulpaires peuvent être causées :
-par des agressions physique e t / o u chimique, lors d'un
fraisage dentinaire par exemple. L'hyperémie pulpaire se
IV - Pathologies pouvant conduire traduit cliniquement par une douleur plus ou moins forte
à une consultation en urgence pouvant parfois conduire à une consultation en urgence.
Elle concerne en général les patients qui viennent de
Deux types de pathologies endodontiques sont suscep­ recevoir un traitement conservateur, et qui se plaignent
tibles de créer des douleurs ; les pathologies pulpaires de douleurs après disparition des effets de l'anesthésie;
et les pathologies péri-apicales. - par des dénudations radiculaires : dans ce cas, les bacté­
ries sont rarement le facteur d'agression. Les mouve­
ments de fluides à l'intérieur de canalicules dentinaires
Le premier motif de consultation en urgence est la douleur
inhérents à toute agression (théorie hydrodynamique)
consécutive à un processus inflammatoire (pulpite,
(Bränström, 1963) ont une répercussion sur les odonto-
desmodontite) ; le second motif est en relation avec un syn­
blastes eux-mêmes et sont responsables d'une part de
drome infectieux avancé, qui peut être douloureux (abcès douleur aiguës et intenses à chaque stimulus, et d'autre
apical aigu) ou non (cellulite). À chaque situation clinique part d'une inflammation pulpaire si la pathologie s'ins­
correspondent un traitement d'urgence et une prescription talle dans le temps. Il n'existe pas, à ce jour, de traitement
médicamenteuse appropriée. fiable et reproductible permettant de soulager durable­
ment le patient; seules les greffes parodontales de
recouvrement semblent constituer une solution fiable ;
1 - Douleurs d'origine pulpaire -par des bactéries: c'est le cas le plus fréquent. Il est
Une pulpe saine est totalement asymptomatique. important de comprendre que les bactéries n'ont pas
Lorsqu'elle est stimulée par un facteur extrinsèque, elle besoin d'être en contact direct avec la pulpe pour
déclencher une réponse inflammatoire (Bergenholtz et
peut « répondre » en entraînant une douleur ou un incon­
Lindhe, 1975 ; Bergenholtz, 1977). Cette dernière est liée,
fort passager qui disparaît immédiatement après suppres-

61
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

sont préférables. En endodontie, le problème ne se pose


d'une part au passage des bactéries et surtout de leurs
pas, la pulpe devant être supprimée.
toxines dans les canalicules dentinaires, et au relargage
de différents facteurs de croissance initialement empri­
1.2 - L'inflammation pulpaire irréversible
sonnés dans la matrice dentinaire d'autre part ; ces molé­
cules agissent comme de véritables médiateurs sur le Le tissu pulpaire en regard de la lésion carieuse est le pre­
tissu pulpaire. En réponse à ce type d'agression, la pulpe mier touché par les changements inflammatoires, via les
secrète de la dentine tertiaire (réactionnelle voire répa­ canalicules dentinaires. En l'absence de traitement, cette
ratrice quand l'agression est plus importante et que les zone lésée évolue vers la nécrose et se comporte à son
odontoblastes ont disparu). La réaction inflammatoire tour comme un agent agressif qui va étendre le processus
pulpaire est une réaction de défense. inflammatoire aux tissus avoisinants. Selon l'ampleur du
phénomène, une situation de « non-retour » peut être
Si l'agent causal est supprimé, et si l'inflammation n'a pas atteinte, la totalité de la pulpe camérale étant atteinte. Les
franchi le stade de l'irréversibilité, le retour à la normale se substances algogènes et l'augmentation de la pression
fait progressivement. Histologiquement, il restera tou­ sanguine intrapulpaire causent alors des douleurs très
jours une « cicatrice » de l'événement. Plusieurs auteurs intenses.
s'accordent à dire que le potentiel réparateur de la pulpe
reste limité, et que le cumul des agressions est néfaste. La La pulpite irréversible est la cause principale des
réponse pulpaire en serait diminuée. consultations en urgence dans les cabinets dentaires.
Cliniquement, la douleur est spontanée, aiguë, pulsatile,
Cliniquement, le patient se plaint de douleurs aiguës, pas­ lancinante, parfois irradiante. Elle résulte de l'activité
sagères et provoquées, notamment par le froid. La dou­ des fibres C, partageant les caractéristiques des dou­
leur n'est jamais spontanée. Elle est bien localisée et leurs profondes, difficilement localisables et fortement
résulte de l'activation de fibres nerveuses A 8. L'impossi­ désagréables, dépressives.
bilité de boire des boissons fraîches, ou les douleurs
aiguës déclenchées par des gestes quotidiens (brossage
Elle est exacerbée par le chaud et souvent atténuée par le
des dents par exemple) peuvent l'amener à consulter en
urgence. Cette urgence est néanmoins relative. froid. Il n'est pas rare de rencontrer dans la salle d'attente
À ce stade, le traitement est conservateur ; rien ne jus­ un patient consultant en urgence muni d'une bouteille
tifie la dépulpation de la dent. d'eau et qui boit une gorgée toutes les deux minutes pour
soulager sa douleur (fig. 7.1).
La douleur est difficilement calmée par les médica­
Pour confirmer le diagnostic, une lésion carieuse ou la pré­ ments y compris les anti-inflammatoires non stéroï-
sence d'une obturation profonde placée récemment sont diens qui possèdent un pouvoir antalgique et anti­
recherchées. Le test au froid effectué sur la dent suspecte inflammatoire.
doit permettre de confirmer le déclenchement de la dou­ Une inflammation ligamentaire concomitante peut aggra­
leur d'une part, et l'absence de rémanence d'autre part (la ver la situation. Dans ce cas, le processus inflammatoire
douleur disparaît avec la suppression du stimulus). intéresse le desmodonte. La mastication et parfois l'occlu­
La radiographie permet de confirmer la présence d'une sion normale des arcades deviennent insupportables.
lésion carieuse, parfois proximale, qui peut passer inaper­ La pulpite irréversible est une vraie situation d'urgence qui
çue à l'examen clinique intra-oral. justifie à elle seule la nécessité d'un service de garde
L'utilisation de vasocontricteurs amplifie l'hyperémie pos­ d'odontologie les dimanches et jours fériés.
topératoire. L'utilisation, par exemple, d'une carpule
d'articaïne associée à 1/100 000 d'adrénaline provoque
Remarque : la dent responsable est souvent délicate à iden­
l'arrêt de la circulation sanguine dans le tissu pulpaire pen­
tifier par te patient. La quasi-absence de fibres tactiles non
dant 30 minutes. La vasodilatation rebond, qui suit la dis­ douloureuses dans la pulpe dentaire fait qu'il est difficile
parition des effets de l'anesthésie, amplifie l'hyperémie pour le patient de localiser l'origine de la douleur de façon
d'origine neuro-vasculaire causée par la procédure et précise ; cette douleur peut irradier vers l'oeil, les oreilles,
aggrave la douleur. À ce titre, l'anesthésie intraligamen- le cou, etc. Il revient donc au praticien d'utiliser les tests
appropriés pour définir clairement la dent causale, et cela
taire doit être évitée pour les soins conservateurs et
peut s'avérer parfois compliqué.
l'anesthésie locorégionale ou péri-apicale au maxillaire

62
Figure 7.1a Pulpite aiguë irréversible. La douleur est calmée par Figure 7.1b Vue occlusale de 46-47 que le patient désigne
le froid. Le patient boit fréquemment pour apaiser sa douleur. comme dents causales, sans certitude. La douleur irradie à
l'oreille. Ni 46 ni 47 ne sont sensibles à la percussion.

Figure 7.1c La radiographie panoramique ne révèle aucune ano­ Figure 7.1d La radiographie rétroalvéolaire ne révèle pas de
malie susceptible d'expliquer la douleur. Noter une grosse carie lésion carieuse coronaire.
sur 37.

Figure 7.1e Un interrogatoire précis complété par les tests ther- Figure 7.1f L'ouverture de la chambre pulpaire révèle une voie
miques indiquent 47 comme source probable des douleurs. Une de contamination issue du sillon occlusal.
pulpectomie est décidée.

63
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

La réponse au test au chaud est particulière. Après un bref


Remarque : le chirurgien-dentiste n'est pas tenu de savoir dia­
temps de latence, la douleur s'installe de manière gnostiquer précisément ces pathologies. Néanmoins, il est de
croissante ; seul l'apport d'eau froide ou l'anesthésie per­ son devoir de faire un diagnostic différentiel avec une pulpite
mettent de la contrôler. La percussion permet de distin­ classique, et d'adresser le patient dans un service approprié
guer une qui dent présente une inflammation ligamentaire. s'il considère que l'origine du problème n'est pas dentaire.
L'automédication et la prise massive d'antalgiques par le
patient avant sa consultation en urgence peuvent compli­ Il apparaît ainsi clairement que la consultation en urgence
quer l'étape du diagnostic. Le recours aux tests cliniques dans un cabinet ne peut se limiter à un simple interroga­
est indispensable. toire et à une prescription d'antalgiques.
Sur le cliché radiographique la présence d'une porte
d'entrée bactérienne permet d'aiguiller le diagnostic (carie 2 - Pathologies péri-apicales
importante, obturation profonde avec persistance de
douleurs depuis sa mise en place, etc.). 2.1 - La parodontie apicale aiguë
1.2.1 Douleurs référées Il s'agit d'une inflammation aiguë du parodonte profond
Dans le cas de très fortes douleurs, l'irradiation peut qui peut avoir plusieurs origines.
compliquer l'identification de la dent causale. En effet, la
sensibilisation des neurones centraux consécutive à une - Un traumatisme occlusal après une séance de soins
douleur intense ou prolongée étend le champ récepteur conservateurs quand l'obturation temporaire ou défini­
des neurones des centres de projection. Le cortex cérébral tive est en surocclusion.
ne peut plus alors reconnaître l'origine de la douleur. Les - Une pulpite aiguë irréversible ; les chiffres varient selon
douleurs référées sont rarement rencontrées avec les les études mais la majorité des pulpites aiguës s'accom­
dents antérieures ; quand c'est le cas, la douleur est res­ pagnent de signes de parodontite apicale aiguë. Par
sentie sur les dents antagonistes. Dans le cas des molaires ailleurs, une dent pluriradiculée peut présenter des
maxillaires, la douleur peut être répercutée derrière signes de parodontite apicale sur une des racines alors
l'oreille ou sur les prémolaires ou molaires antagonistes. que la pulpe n'est pas encore nécrosée dans les autres.
Pour les molaires mandibulaires, la douleur est souvent - Le passage d'une lésion chronique en phase aiguë. La per­
dite ressentie au niveau de l'oreille, induisant de nombreux sistance de produits irritants (bactéries, toxines, etc.) dans
patients à confondre la douleur dentaire avec une otite. l'endodonte entretient une réponse inflammatoire chroni­
Ces douleurs référées compliquent considérablement le que du parodonte profond péri-apical, qui se traduit avec
diagnostic. le temps par la formation d'un tissu granulomateux ou kys­
tique, radiologiquement objectivable, appelé lésion péri-
1.2.2 Diagnostic différentiel
apicale. Aucune symtpomatologie ne permet de faire sus­
Le diagnostic différentiel avec une sinusite maxillaire doit pecter au patient la présence de cette pathologie. Dans
être réalisé. Les douleurs rencontrées dans ces deux certains cas, une sensibilité au chaud peut cependant
types de pathologies sont parfois similaires. La proximité persister : la dilatation de fluides ou l'expansion de gaz
des apex des molaires maxillaires avec la cavité sinu- libérés lors de digestion tissulaire pourraient être à l'ori­
sienne est responsable de la sensation douloureuse sur gine de cette douleur. La parodontite apicale chronique
ces dents en cas d'inflammation aiguë du sinus. La palpa- n'est donc pas un motif de consultation en urgence. La
tion de la face antéro-inférieure du sinus est douloureuse nécessité d'un traitement endodontique doit être évaluée
en cas de sinusite, mais pas en cas de pulpite sur une dans le cadre d'une consultation conventionnelle.
molaire. Ce geste simple permet d'éviter de poser un dia­
gnostic erroné et de dépulper une dent inutilement. Le passage en phase aiguë se fait en général de façon
soudaine, sans signes précurseurs, et surtout sans raison
D'autres pathologies non odontogènes peuvent être à apparente pour le patient. Cliniquement, la dent est
l'origine de consultations en urgence dans les cabinets extrêmement douloureuse à la mastication, à l'occlu­
dentaires, le patient ressentant des douleurs violentes au sion et à la percussion. Les douleurs peuvent également
niveau de dents ; il peut s'agir par exemple de névralgie du être spontanées. La radiographie peut révéler un léger
épaississement ligamentaire. Les raisons du passage en
trijumeau, de troubles neuro-vasculaires, de neuropathies,
phase aiguë n'ont pas à ce jour été élucidées.
de paralysie faciale, d'infarctus du myocarde, etc.

64
La modification de la flore liée à une percolation bacté­
rienne coronaire, un affaiblissement des défenses immuni­
taires ou encore une modification phénotypique des
fibres nerveuses sont des pistes de recherche.
- Un traitement endodontique : les causes de l'inflamma­
tion du périapex dans ce cas sont :
- le dépassement des instruments au-delà de l'apex de la
dent ;
- la propulsion de débris nécrotiques, des bactéries dans
l'espace périradiculaire ;
- la propulsion de produits chimiques irritants destinés à
la désinfection, la préparation ou l'obturation de
l'endodonte.
Les récentes évolutions de l'instrumentation endodonti­
que et des procédures de désinfection permettent une
évacuation des débris en direction coronaire, et limitent
ainsi considérablement ce genre de désagrément, d'origine
Durement iatrogène.

La parodontie apicale aiguë est responsable des douleurs


postopératoires parfois intenses. La dent est alors très
douloureuse à la percussion, empêchant la mastication
voire même la simple fermeture buccale. Un léger épais-
sissement ligamentaire peut être visible à la radiographie.

2.2 - L'abcès apical aigu

L'abcès apical aigu (AAA) correspond à une réponse


inflammatoire sévère du parodonte périradiculaire pro­
fond infecté. Le passage de bactéries ou de toxines de
la pulpe vers la lésion elle-même conduit à son infec­
tion et la formation de pus dans la crypte osseuse.

Cliniquement, la douleur est intense et la dent excessive­


ment sensible à la percussion et à la mastication. La palpa-
tion de la muqueuse en regard de l'apex de la racine
concernée est douloureuse.
À la radiographie, une lyse osseuse apicale objective la
présence d'une lésion péri-apicale.
Des signes d'infection peuvent être associés à la douleur
Figure 7.2 Abcès apical aigu.
qui peut s'accompagner de fièvre, voire de malaise.
a Volumineuse collection purulente en regard de 16.
La lésion peut dans certains cas léser la corticale osseuse, et b Radiographie rétroalvéolaire de 16 indiquant une lyse osseuse
entraîner le passage du pus dans l'espace sous périosté, ce qui périapicale importante et une proximité sinusienne.
entraîne la formation d'un abcès. Cette diminution de pres­ c et d Un parage canalaire est entrepris sur tous les canaux, y
sion intra-osseuse s'accompagne d'un soulagement (fig. 7.2). compris les canaux mésiaux, sous irrigation. Même si la dent est
laissée ouverte 48 heures par précaution, l'usage de la digue est
I existe également une forme chronique de l'abcès apical
indispensable pour prévenir l'ingestion des limes et du produit
où le drainage du pus se fait par le biais d'une fistule. Ce drai­ d'irrigation.
nage naturel prévient la surpression tissulaire et évacue les e 48 heures après, la tuméfaction a disparu. Le traitement endo­
irritants, et donc la douleur. Le drainage peut également se dontique est réalisé.

65
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

faire dans les cavités osseuses naturelles comme le sinus. Le ment. L'anesthésie locale peut, dans ces situations, être par­
passage régulier de pus dans le sinus maxillaire par exemple ticulièrement difficile à obtenir.
peut être responsable d'une sinusite chronique unilatérale. Les molécules utilisées aujourd'hui sont essentiellement
L'abcès apical chronique est en général peu douloureux et des dérivés amides de la cocaïne (articaïne et lidocaïne),
ne justifie pas une consultation en urgence. moins allergisants que les esters. L'efficacité de ces molé­
cules diminue avec le pH du milieu, ce qui est le cas dans
une situation inflammatoire.

V - Traitement de l'urgence
Important ! Il est donc conseillé de pratiquer des injections
endodontique à distance du site enflammé et de préférer les anesthésies
locorégionales. Ceci est particulièrement important pour
les molaires mandibulaires où l'épaisseur des corticales est
Que l'origine de la douleur soit pulpaire ou péri-apicale,
un frein à la diffusion intra-osseuse de la solution. On réali­
l'inflammation des tissus est à l'origine des douleurs res­ sera donc une anesthésie au foramen mandibulaire (épine
senties par le patient. Une fois le diagnostic établi, le trai­ de Spix). Au maxillaire où les anesthésies péri-apicales don­
tement d'urgence consiste à anesthésier la zone concer­ nent d'excellents résultats, il est conseillé d'augmenter le
née et mettre en oeuvre la thérapeutique la plus adaptée. volume de solution injectée d'environ 25 % par rapport à un
Dans le peu de temps imparti, le praticien doit juger de tissu sain. Si une nouvelle injection est nécessaire pendant
la pertinence de la conservation de la dent ou non. la séance de soin, il est préférable de déporter légèrement
le nouveau point d'injection pour intervenir dans une zone
moins enflammée.
L'avulsion est donc une alternative thérapeutique qui
doit être considérée si la conservation de la dent ne
peut être envisagée sereinement (patient à haut risque Pour obtenir une anesthésie profonde et durable, la techni­
d'endocardite par exemple), ou si la suite des soins ne que opératoire est importante, sans pour autant résoudre
sera manifestement pas assurée par le patient (patient tous les problèmes. Malgré une technique adaptée, l'anes­
consultant exclusivement en urgence par exemple). thésie du nerf alvéolaire dentaire inférieur après injection
Si la conservation de la dent est décidée, chaque situation locorégionale au foramen mandibulaire n'est obtenue que
clinique requiert une prise en charge particulière et adap­ dans 90 % des cas (Hargreaves et Keiser, 2002).
tée au diagnostic. Le traitement d'urgence doit d'une part
tout mettre en oeuvre pour soulager le patient, et d'autre 1.1 - Les techniques d'anesthésie intra-osseuses
part de ne pas compromettre les thérapeutiques à venir.
Récemment réactualisées avec les systèmes d'injection
électronique (Quicksleeper®, DHT France), elles sont inté­
ressantes. Avec les aiguilles autoperforantes, la solution
Essentiel : la particularité du traitement d'urgence en odon­
tologie implique qu'un acte opératoire est pratiquement peut être directement injectée dans l'os médullaire et per­
toujours nécessaire pour soulager le patient. La prescrip­ met ainsi d'obtenir une anesthésie profonde rapidement.
t i o n médicamenteuse doit permettre de compléter le L'anesthésie obtenue est brève, mais suffisante pour réali­
geste d'urgence, mais ne suffit pas, à elle seule, à soulager ser l'acte clinique. Il est cependant intéressant de profiter
durablement le patient.
de la prolongation de l'anesthésie au-delà de la séance au
fauteuil, pour laisser le temps aux molécules médicamen­
teuses qui seront prescrites de prendre le relais. C'est
1 - L'anesthésie pourquoi, à la mandibule, il est conseillé d'utiliser ces
La chirurgie buccale et le traitement endodontique sont les techniques en complément de l'anesthésie locorégionale.
deux procédures les plus redoutées par les patients, car Il est également judicieux dans certains cas de refaire une
considérées comme les plus douloureuses (Wong et Lytle, anesthésie à la fin de séance, avant de libérer le patient.
1991 ; Eli ef al., 1997). La crainte et l'appréhension peuvent Le X-Tip® (Dentsply-Maillefer) est un autre système
compliquer la thérapeutique ; le patient étant dans un état d'injection intra-osseux facile à mettre en oeuvre, et ne
de stress avancé, le moindre contact avec la dent concernée nécessitant pas d'appareillage particulier. Il est composé
(fraise, instrument) lui fait craindre une exacerbation de la d'un tube creux mis en place dans l'os grâce à un foret
douleur. Il peut se plaindre, même en l'absence de tout phé­ monté sur contre angle bague bleue. Dans un deuxième
nomène physiopathologique qui justifierait ce comporte- temps, la solution (1/4 carpule) est injectée lentement

66
dans l'os médullaire. Cette technique simple permet Si aucune douleur ligamentaire n'est associée, et si l'organisa­
d'obtenir une anesthésie profonde dans 86 % des cas, lors tion du cabinet s'y prête, le traitement endodontique peut être
d'un échec d'une anesthésie locorégionale préalable conduit dans la séance. Sinon, le traitement d'urgence, pulpo­
(Bigby et al., 2006). tomie ou pulpectomie, doit permettre de temporiser, soulager
le patient, et préparer la dent pour la suite des soins (fig. 7.3).
1.2 - L'anesthésie intrapulpaire
C'est également un moyen radical pour obtenir une anes­ La totalité du tissu carieux est éliminé avant de pénétrer
thésie profonde ; elle est néanmoins extrêmement dou­ dans la chambre pulpaire.
loureuse, et doit être utilisée en dernier recours sur les -S'il s'agit d'une dent monoradiculée, la totalité du
dents les plus récalcitrantes. parenchyme pulpaire doit être éliminée à l'aide d'un
tire-nerf, et le canal irrigué à l'aide d'hypochlorite de
sodium (NaOCL).
Avant de débuter tout traitement, et avant la mise en
-S'il s'agit d'une dent pluriradiculée, la pulpotomie
place du champ opératoire si l'on veut gagner du temps,
(éviction de la pulpe camérale) seule est suffisante
il est nécessaire de vérifier que l'anesthésie de la dent
pour réduire la surpression pulpaire (fig. 7.4).
concernée est bien installée, en effectuant un test au
froid si la pulpe est encore vivante, ou un test de per­
cussion si la douleur est d'origine péri-apicale. Une compression est réalisée avec une boulette de coton
imbibée d'hypochlorite de sodium pendant 2 minutes, puis
le plancher pulpaire est inspecté. Si l'hémorragie est contrô­
2 - La pulpite réversible lée, une boulette de coton stérile est placée dans la cham­
bre pulpaire et recouverte d'un pansement non compressif.
- Si les douleurs font suite à une séance de soin, il convient
Si au retrait de la boulette de coton un saignement persiste
de rassurer le patient. L'hyperémie pulpaire consécutive
dans un canal, la pulpectomie de ce canal est nécessaire. En
à un soin restaurateur peut être considérée comme une
l'absence de ce saignement, il n'y a aucune raison de péné­
suite postopératoire « normale ». Il est préférable de pré­
trer dans les canaux ; l'agression d'un tissu physiologique-
venir le patient de la probabilité de survenue de ce genre
ment sain ne peut que créer un nouveau processus inflam­
de désagrément à la fin de la séance de soin afin d'éviter
matoire et être à l'origine de nouvelles douleurs.
une consultation d'urgence où la seule thérapeutique à
Une médication à l'hydroxyde de calcium peut être placée
envisager serait de rassurer le patient. Ces douleurs sont
dans le canal dépulpé, et la cavité obturée avec un panse­
passagères et doivent disparaître dans les 48 heures.
ment non compressif. L'obturation provisoire est effec-
-Si la dent n'est pas en cours de soins, le tissu carieux est
retiré le plus soigneusement possible avec un excavateur
e t / o u une fraise boule montée sur contre-angle. Une
boulette de coton stérile, éventuellement légèrement
imprégnée d'eugénol, est mise en place dans la cavité, et
recouverte par une obturation temporaire non hydro-
phile (IRM® Dentsply De Trey).

3 - La pulpite irréversible
L'objectif du traitement d'urgence est de réduire la pression
intrapulpaire et d'éliminer les irritants. La première étape du
traitement est la pose d'un champ opératoire qui permettra
ne prévenir toute contamination de l'endodonte et de pro­
téger le patient des projections accidentelles de produits
d'irrigation-désinfection et du risque d'avaler un instrument.
À ce stade, la pulpe est inflammatoire, mais stérile. Effectuer
un soin dans de mauvaises conditions conduirait inévitable­ Figure 7.3 Douleurs postopératoires observées après traitement
ment à la contamination de l'endodonte, et rendrait la d'urgence d'une pulpite irréversible par pulpotomie ou pulpectomie
situation plus complexe au rendez-vous suivant. sur des dents pluriradiculées (d'après Hargreaves et Keiser, 2002).

67
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

Figure 7.4 Le patient consulte en urgence en se plaignant de douleurs spontanées importantes du côté droit. Ces douleurs sont exacer­
bées par le chaud et calmées par le froid. La dent est extrêmement sensible à la percussion. Le diagnostic de pulpite irréversible sur la 47
associée à une parodontite apicale aiguë est posé, a : une anesthésie au foramen mandibulaire est complétée par une intra-osseuse avec
un X-Tip® mis en place dans le trigone rétro-molaire. Le tissu carieux est supprimé minutieusement et la dent reconstituée temporaire­
ment avec un ciment au verre ionomère. b : après la pose du champ opératoire, la cavité d'accès est réalisée et la pulpe camérale éliminée.
c : une compression est faite avec une boulette de coton imbibée d'hypochlorite de sodium pendant 2-3 minutes, d : l'hémostase obte­
nue, il n'y a aucune raison à ce stade de la séance d'urgence de procéder à la pulpectomie complète, e : une boulette de coton désinfectée
dans l'hypochlorite de sodium est mise dans la chambre pulpaire. Et la dent est ensuite obturée avec un IRM® et mise en sous occlusion.

68
tuée avec un matériau pseudo-définitif tel qu'un ciment au raison du risque de « fusées arsénicales » conduisant à des
verre-ionomère par exemple. La dent est ainsi reconsti­ lésions osseuses (fig. 7.6).
tuée pour la suite des soins, ce qui permet d'obtenir faci­
lement une cavité d'accès à 4 parois, situation idéale pour Essentiel : dans le cas de la pulpite irréversible, l'éviction
la poursuite du traitement endodontique (fig. 7.5). chirurgicale, partielle ou totale du tissu pulpaire, ne suffit
Si une inflammation ligamentaire est associée à la pulpite, pas du fait de la persistance d'agents irritants et de la sen­
la dent doit être mise en sous-occlusion. sibilisation des fibres nerveuses. Une prescription complé­
mentaire doit donc être donnée au patient, selon les moda­
L'utilisation de préparations à base d'arsénieux n'est pas
lités indiquées au chapitre 6.
indiquée dans le traitement des pulpites irréversibles en

Figure 7.5 Pulpite irréversible de 24, sous un bridge chez une patiente partant en vacances à l'étranger le lendemain matin pour trois
semaines. a : vue latérale du bridge. b : radiographie panoramique (détail). c : vue occlusale de la pièce prothétique. Il est décidé de
conserver le bridge avec reconstitution de la paroi mésiale au ciment verre ionomètre afin d'assurer l'étanchéité de la restauration.
d : vue occlusale de la paroi mésiale reconstituée. Saignement de la pulpe camérale. Malgré la pulpotomie et la compression, l'hémos­
tase est impossible à obtenir. La pulpectomie est nécessaire.

69
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

Figure 7.5 (suite) e : dans ce cas, la pulpectomie des 2 canaux


s'est révélée nécessaire. Cathétérisme des deux canaux sous irri­
gation. f : mise en place d'une boulette de coton imprégnée
d'hypochlorite de sodium dans la cavité camérale. g : obturation
temporaire à l'IRM. Mise en sous-occlusion,

70
Figure 7.6 Douleur parodontale d'origine endodontique (fusée
arsénicale), a, b : vue de la lésion muqueuse proximale due à une
fusée arsénicale, c : la muqueuse superficielle éliminée, la voie
de communication entre la chambre pulpaire où a été placé le
pansement arsénical et le parodonte apparaît. L'os alvéolaire est
nécrosé en regard de la communication, d : radiographie pano­
ramique (détail), e : séquestre osseux retiré. En raison des risques
de diffusion de l'arsenic aux tissus environnants et des lésions en
résultant, l'usage d'arsénieux n'est pas recommandé en endo-
dontie.

71
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

4 - Parodontite apicale des fibres nerveuses parodontales qui réagissent à des stimu­
lations habituellement non douloureuses (allodynie). Cepen­
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter : dant, la situation peut se compliquer dans le cas de dents
4.1 - Parodontite apicale transitoire pluriradiculées où la situation peut être différente dans les
différents canaux ; cliniquement, si un saignement persiste
Les desmodontites consécutives à des traumatismes occlu-
après pulpotomie dans un canal, la pulpectomie devra être
saux sont réversibles, entraînent des douleurs faibles ou
réalisée dans ce canal et la mise en sous-occlusion de la dent
modérées qui ne justifient pas une consultation en urgence,
est nécessaire pour soulager le patient. Une prescription
et peuvent être résolues par des conseils téléphoniques e t /
antalgique adaptée à la douleur complète le traitement.
ou la prise d'antalgiques de palier si la douleur est d'inten­
sité moyenne. C'est surtout l'incertitude qui pousse le
4.3 - PAA associée à une dent nécrosée ou dépulpée
patient à appeler. L'information des conséquences possible
des actes effectués aurait suffi à éviter l'appel. La PAA est dans ce cas liée à la présence de bactéries dans
L'inflammation ligamentaire peut également faire suite à l'endodonte. L'équilibre quiescent entre les bactéries cana-
une injection anesthésique intraligamentaire. C'est pour­ laires et les défenses de l'organisme est rompu. Le desmo-
quoi ce type d'anesthésie est à éviter quand c'est possible donte ou la lésion periapicale préexistante entrent dans un
pour les soins conservateurs. état inflammatoire aigu qui, cliniquement, se traduit par
l'apparition de douleurs importantes, spontanées et exacer­
4.2 - Parodontite apicale aiguë associée à une pulpe bées par l'occlusion et la mastication. La première étape du
encore vitale traitement consiste à effectuer un parage canalaire, c'est-à-
Dans le cas d'une pulpite irréversible sensible à la percussion, dire à tenter d'éliminer la totalité des débris organiques
les signes de parodontite apicale sont dus à la sensibilisation encore présents dans l'endodonte (fig. 7.7).

Figure 7.7 Infection péri-apicale d'origine endodontique.


JO : une patiente âgée de 37 ans, ASA1, consulte son praticien en
raison de douleurs mandibulaires droites intenses ; le praticien
constate une LIPOE sur 44 (fig. 7.7a et b), transperce la CCM et
accède à l'endodonte, « passe une aiguille dans la dent » (sans
digue ni irrigation) (fig. 7.7c) et prescrit : amoxicilline + dextro-
propoxyphène. Le lendemain, la patiente, en proie à des dou­
leurs encore plus violentes consulte dans un service d'urgences
nocturne : une prescription d'Ibuprofène est ajoutée. La douleur
n'est pas calmée, la patiente consulte à J4 le matin, en service de
jour. Elle présente des signes de fatigue très important dus à plu­
sieurs nuits sans sommeil, la douleur ressentie est à 10-12 (sur une
échelle de 10 !), irradiée à l'hémiface et engendre une faiblesse
dans le bras droit. La région sous-mandibulaire est gonflée. La 44
est extrêmement sensible à la mobilisation.

72
Un diagnostic de cellulite séreuse sous mandibulaire d'origine endodontique (44) est posé. Le traitement entrepris comprend :
- pernièrement, une étape chirurgicale ; parage canalaire : une lime K pénètre sans forcer à 18 mm, mais la vérification radiographique
indique une longueur radiculaire de 23 mm ; par ailleurs, un canal secondaire est mis en évidence au niveau du tiers apical ; le parage
canalaire des 2 canaux (canal principal lime K50) est effectué sous contrôle radiographique (fig. 7.2c à g) ; la dent est laissée ouverte ;
- ensuite, une étape médicamenteuse : 1,5 g de métronidazole (Flagyl®, 500 mg, 3 x 24 h) est ajouté à l'amoxicilline.
Un contrôle téléphonique à J7 révèle qu'àJ5, les douleurs persistant, la patiente est retournée voir son praticien initial qui lui a prescrit
de la Lamaline® (opium + caféine). Elle prend d'elle-même du dextropropoxyfène en plus. La patiente se sent extrêmement faible,
vomit, mais l'interrogatoire spécifique de la douleur indique une amélioration. Il est conseillé par téléphone à la patiente d'aller à la
pharmacie chercher du métoclopramide (Primpéran®), mais elle se sent trop faible et dans un état de stress psychologique si impor­
tant qu'il est décidé de l'hospitaliser. Le SAMU l'emmène à l'hôpital où elle reçoit une perfusion de métoclopramide qui entraîne
l'arrêt du vomissement et un réconfort psychologique. Elle rentre à la maison, dort. Les douleurs disparaissent.
La séance suivante consiste à la mise en forme et pose d'un Ca (OH)2. Au cours de cette séance, une « pseudo pulpe » (coagulat) est
extirpée du canal. Le traitement endodontique définitif sera réalisé deux semaines plus tard.

73
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

4.3.1 Si la dent n'est pas traitée endodontiquement remonte immédiatement dans le canal, et grâce à cette
La cavité d'accès est réalisée, les canaux sont mis en forme décompression, le patient est immédiatement soulagé.
et désinfectés conventionnellement. Une médication à La dent peut être laissée ouverte pendant 48 heures afin
l'hydroxyde de calcium est mise en place dans les canaux. de poursuivre le drainage. Cette notion a longtemps été
Son pH élevé favorise le retour à la normale après l'acidi­ controversée, arguant du fait que le canal devenait alors
fication induite par les bactéries et le processus inflamma­ une voie de recontamination potentielle par les bactéries
toire. La dent est ensuite obturée avec une obturation de la cavité buccale.
provisoire étanche et mise en sous-occlusion. Une pres­
Remarque : sans que l'on puisse dire aujourd'hui que l'idée
cription adaptée à la situation complète l'acte chirurgical.
de laisser la dent ouverte en interséance est adoptée de
La disparition des douleurs s'effectue en 48 heures. Le façon consensuelle, une grande majorité de praticiens
patient est reconvoqué pour la suite du traitement endo- reconnaît que les avantages sont largement supérieurs aux
dontique, qui peut être complété dans la séance suivante risques encourus avec la fermeture de la dent.
si toute symptomatologie a disparu (fig. 7.1).

5.2 - Si l'endodonte n'est pas accessible


4.3.2 Si la dent est déjà traitée endodontiquement
Certains praticiens proposent de trépaner l'os alvéolaire en
Il faut effectuer le retraitement endodontique complet. Si le
regard de la lésion enflammée pour obtenir un drainage de
temps manque et qu'un seul canal est à l'origine de la PAA,
l'exsudat inflammatoire (Guttman et Harrison, 1991), et dimi­
on peut ne retraiter que ce canal. Le retraitement peut être
nuer ainsi la pression intra-osseuse. La gencive est incisée en
compliqué par la présence de reconstitutions e t / o u d'ancra­
regard de l'apex de la dent concernée et la corticale osseuse
ges radiculaires qu'il faut éliminer avant de désobturer le
est perforée avec une petite fraise boule. Plus facilement, le
canal, négocier les obstacles intra canalaires (calcifications,
matériel d'anesthésie intra-osseuse X-Tip® peut être
butées, etc.). Les douleurs étant exacerbées par le moindre
détourné de son utilisation initiale pour obtenir ce drainage.
contact avec la dent, ceci est difficilement possible au cours
Après anesthésie traçante de la gencive, le tube est mis en
de la consultation d'urgence. La procédure ne peut être envi­
place dans la lésion grâce au foret du système. Cette appro­
sagée qu'après l'obtention d'une anesthésie profonde.
che, moins chirurgicale, permet d'obtenir une décompres­
Après le retraitement endodontique, la dent est mise en
sion de la lésion, suffisante pour soulager le patient, et c'est
sous-occlusion et une prescription antibiotique et antalgi­
une manœuvre moins traumatisante pour le patient.
que, adaptée à des douleurs fortes, est donnée au patient.
Dès que les signes douloureux ont disparu, le démontage 5.3 - Si un abcès gingival est associé à l'abcès apical aigu
des éléments corono-radiculaires est entrepris et le traite­ La douleur est moins importante. Le patient rapporte lui-
ment endodontique effectué. Suite à cet épisode doulou­ même que la douleur a considérablement diminué quand
reux, il est rarement difficile de motiver et de convaincre l'abcès a traversé le périoste. La question de l'incision sys­
le patient du bien-fondé de l'intervention. tématique d'un abcès est pertinente. Si le drainage du pus
est obtenu par la voie intra canalaire, il n'y a aucune raison
de chercher un nouveau drainage par la voie gingivale. Si,
5 - Abcès apical aigu au contraire, l'accès au canal est compromis et que l'abcès
est fluctuant, l'incision franche avec une lame de bistouri
Il s'agit d'une parodontite apicale suppurée. La présence de insérée jusqu'au contact osseux est une solution simple
pus dans la lésion osseuse exacerbe les douleurs. L'objectif pour obtenir l'évacuation du pus rapidement.
du traitement est double : supprimer la douleur et éviter la L'incision de l'abcès peut également être décidée en com­
dissémination de l'infection dans les tissus environnants.
plément du parage canalaire s'il est décidé de ne pas lais­
Le traitement d'urgence consistera à éliminer les tissus
ser la dent ouverte ou si la collection est importante.
endodontiques infectés et drainer la collection suppurée.

Note : tant que l'abcès reste localisé et que l'infection ne diffuse


5.1 - Si l'endodonte est accessible et perméable pas dans les tissus avoisinants, la prescription d'antibiotiques
Le drainage intracanalaire est le plus simple à obtenir. n'est pas justifiée en l'absence de signes généraux d'infection.
Après instrumentation et désinfection des canaux, une
lime de petit diamètre est utilisée à 1 mm au-delà du fora- Le traitement des cellulites fait l'objet d'un chapitre à part
men. Si du pus est présent dans la lésion apicale, celui-ci entière dans cet ouvrage.

74
VI - Prescription médicamenteuse que de la combattre une fois installée ; d'où l'intérêt majeur
de la prémédication, et de la prise des médicaments à une
et urgence endodontique fréquence régulière et non « en fonction des douleurs »
Le geste opératoire chirurgical (pulpotomie/pulpectomie/ comme cela est souvent inscrit sur les ordonnances.
incision), bien que souvent nécessaire, n'est pas suffisant Bien entendu, ces prescriptions doivent tenir compte des
pour soulager totalement le patient. La prescription antalgi­ médicaments préalablement pris par le patient en auto­
que est un complément indispensable de la thérapeutique. médication. Une analyse attentive de l'historique médical
Hors certaines situations particulières, justifiées médicale­ est indispensable pour s'affranchir de toute interaction
ment, la prescription d'antibiotiques est inutile dans le cas médicamenteuse potentielle avec un traitement en cours
des urgences en endodontie. Seul le cas de l'abcès alvéolaire ou une pathologie du patient.
aigu peut parfois donner lieu à discussion et la décision devra
se faire en fonction du tableau clinique et des éventuels Les doses limites de prescription sont spécifiques à cha­
signes généraux d'infection (fièvre, malaise, etc.). que pays. En France, l'AFSSAPS contre-indique un
Les douleurs en endodontie résultant essentiellement dosage d'ibuprofène supérieur à 1,2 g par jour. Ces limi­
tes nous interdisent donc de mettre en œuvre les pro­
d'un processus inflammatoire, les anti-inflammatoires non
tocoles validés et conseillés dans la littérature scienti­
stéroïdiens (AINS) sont les antalgiques de choix. Utilisés et
fique internationale (fig. 7.8 et 7.9).
évalués depuis plus de 30 ans (Dionne et Berthold, 2001),
leur action analgésique est incontestable. Ils peuvent éga­
lement être associés à d'autres médicaments en fonction Important ! Pour pallier ces limites de prescription, la stra­
de l'intensité de la douleur. Leur effet antalgique est dû à tégie de prise en charge d'une douleur intense consiste à
l'inhibition de la synthèse des prostaglandines E2. administrer toutes les quatre heures alternativement
Si l'aspirine a longtemps été considérée comme un médi­ 400 mg d'ibuprofène et 1 000 mg de paracétamol. L'asso­
ciation des effets anti-inflammatoires des AINS et de
cament de choix dans le traitement de la douleur dentaire,
l'action du paracétamol sur le système nerveux central per­
elle est aujourd'hui de moins en moins prescrite à cause de met un bon contrôle de la douleur odontogène.
ses effets secondaires, notamment d'antiagrégation pla-
quettaire qui perturbe l'hémostase.
En cas de susceptibilité ou d'allergie aux AINS, le paracé- AINS non AINS
tamol, associé ou non à des opiacés est préféré. Les dosa­ contre indiqués contre indiqués
Douleur
ges, la fréquence et le mode d'administration dépendent faible
de l'intensité de la douleur. Ibuprofène
200 à 400 mg 400 mg Paracétamol
toutes les 6 h toutes les 6 h

1 - AINS et prémédication
600 mg ibuprofène
600 mg Paracétamol
toutes les 6 h
+ 60 mg Codéine
Important ! L'intérêt de la prémédication médicamenteuse toutes les 6 h
dans le cadre du traitement de l'urgence en endodontie a fait 600 mg Ibuprofène
toutes les 6 h
l'objet de nombreuses controverses. Il est actuellement clai­ +1 g paracétamol 1 000 mg Paracétamol
rement démontré que l'administration de 800 mg d'ibupro- toutes les 6 h + 50 mg Tramadol
fène une heure avant l'acte thérapeutique a un double effet, à
la fois sur l'efficacité de l'anesthésie et sur la diminution des Ibuprofène 800 mg
toutes les 6 h
couleurs postopératoires (Jackson et al., 1989 ; Dionne, 1986).
(maximum 4 x /jour)
ou
Flurbiprofen100 mg
2 - Prescription raisonnée toutes les 8 h
(Cebutid®) ou
et prise en charge de la douleur 600 mg Ibuprofène
toutes les 6 heures
La prise en charge de la douleur en endodontie fait appel + Tramadol (Topalgic®
- 3 x /jour)
à une prescription raisonnée, adaptée à la pathologie et à
Douleur
l'intensité de la douleur évaluée par le praticien. intense
Trois niveaux de douleurs peuvent être considérés : faible
(EVA 1-3), modérée (EVA 4-7) et forte (EVA 8-10). Il est beau- Figure 7.8 Prescription recommandée dans la littérature
coup plus facile d'éviter que la douleur ne s'installe, plutôt (d'après Keiser et Hargreaves, 2002).

75
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

Ces traitements, notamment celui concernant les douleurs


AINS non AINS
contre indiqués contre indiqués
fortes, peuvent impressionner. Néanmoins, ils ne sont
Douleur nécessaires que sur une courte période (24 à 48 heures)
faible
puisqu'ils ne sont qu'un complément de l'acte opératoire. Si
Ibuprofène
200 mg 500 mg Paracétamol les douleurs persistent au-delà, le diagnostic doit être revu,
toutes les 6 h toutes les 6 h
et un traitement complémentaire éventuellement appliqué.
400 mg Ibuprofène Il est également important de prendre en considération
1 g Paracétamol
toutes les 6 h
toutes les 8 h ou l'effet placebo de toute prescription qui intervient sur la
Paracétamol 600 mg composante psychologique de la douleur. Le patient,
400 mg Ibuprofène + Codéine 50 mg
toutes les 8 h toutes les 8 h averti de la persistance éventuelle d'une sensibilité pen­
+1 g paracétamol
toutes les 6 h dant quelques heures et de l'importance de la régularité
1 000 mg Paracétamol de prise des médicaments, est en mesure d'aborder les sui­
Toutes les 4 h, + 50 mg Tramadol
en alternance,
tes postopératoires de façon beaucoup plus sereine.
400 mg d'Ibuprofène
et 1g de Paracétamol
ou Flurbiprofen 50 mg
toutes les 8 heures Conclusion
(Cebutid®)ou
600 mg lbuprofène La prise en charge d'un patient en urgence souffrant d'une
toutes les 6 h
+ 50 mg Tramadol pathologie endodontique peut s'avérer complexe et chro-
nophage. Néanmoins, les douleurs ressenties par le patient
Douleur
intense sont parfois très intenses, violentes mêmes et quelles que
soient les raisons de cette consultation, elles méritent une
Figure 7.9 Prescriptions recommandées en tenant compte de la attention toute particulière. Une simple prescription entre
législation française. deux portes ne suffit pas, et peut même être considérée
Pour pallier ces limites de prescription, la stratégie de prise en comme une faute professionnelle.
charge d'une douleur intense consiste à administrer toutes les
quatre heures alternativement 400 mg d'ibuprofène et
1 000 mg de paracétamol. L'association des effets anti-inflam­ Essentiel : l'écoute du patient, l'établissement d'un diagnos­
matoires des AINS et de l'action du paracétamol sur le sys­ tic précis, la localisation de la dent causale, l'anesthésie, le
tème nerveux centrale permet un bon contrôle de la douleur geste opératoire et une prescription raisonnée sont les six
odontogène. étapes-clés d'une consultation en urgence « réussie » à la
fois pour le patient, mais également pour le praticien.

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77
Urgences orofaciales
Urgences endodontiques

Annexe
Cabinet dentaire
Exercice limité a I'endodontie
33 Boulevard du Marechal Joffre
27400 Louviers

QUESTIONNAIRE DOULEUR
Patient: Mr GETREMAL Odan

Ce questionnaire est destine a recueillir un maximum d'informations sur la douleur qui vous amène à consulter aujourd'hui. Si vous souhaitez des informations complémentaires pour
vous aider à le remplir, n'hésitez pas à solliciter un membre de I'équipe soignante. Ces informations sont confidentielles, et seront conservées dans votre dossier medical. Seules les
personnes du cabinet soumis au secret medical peuvent y accéder.

1. Dans quelle région avez-vous mal ? 12. La dent est elle sensible aux changements de temperature ?
En haut à gauche En haut à droite Non, mais ça a été le cas il y a quelque temps
En bas à gauche En bas à droite Plus au chaud qu'au froid
Je n'arrive pas a définir clairement Le chaud et le froid de la même façon
Non
2. Avez-vous mal en ce m o m e n t ? Pas sur
Oui Non Plus au froid qu'au chaud

3. Si o u i ; depuis combien de t e m p s ? 13. Qu'est ce qui vous soulage ?


1 jour 2 jours 3 jours 4 jours Rien
5 jours 6 jours Le froid
1 semaine 2 semaines 3 semaines Le chaud
Plus de 3 semaines Le massage de la gencive
Le fait de ne pas fermer la bouche
4. Est ce que la douleur vous e m p ê c h e de dormir ? L'aspirine
Oui La douleur peut me réveiller Les AINS (Advil®, Nurofen®, etc.)
Non Non, mais ça a été le cas il y a quelque temps La Codeine
Les Antibiotiques
5. Parvenez-vous à localiser la dent responsable des douleurs ? Autres - Précisez :
Oui Non Je ne suis pas sûr(e)
Plusieurs dents sont en cause 14. Si vous ne touchez pas la dent et que vous ne fermez pas
la bouche ; ressentez-vous une douleur ?
6. Est-ce que la douleur irradie vers d'autres parties de votre c o r p s ? Oui Non Parfois
(Mâchoire, c o u , épaules...) Uniquement si je ferme la bouche d'une certaine façon
Oui Non Non, mais ça a été le cas il y a quelque t e m p s Non, mais ça a été le cas récemment

7. La douleur apparaît-elle spontanément ou est elle déclenchée par quelque chose ? 15. Quels sont les facteurs qui aggravent la douleur ?
Spontanée Elle n'est pas spontanée, mais elle I'a été Le contact
Elle est uniquement déclenchée par quelque chose Le fait de fermer la bouche
Le froid
8. Avez-vous I'impression d'etre gonfle(e) ?. Oui Non Le chaud
Si non, I'avez-vous été récemment ? Le fait de manger
Oui Non Le fait d'etre allongé(e)
Le fait d'appuyer sur la gencive
Avez-vous de la fièvre ? Le sucre
Oui Non Rien

9. Mettez une croix sur la règle suivante pour représenter I'intensité 16. C o m m e n t évolue la douleur ?
de la douleur que cous ressentez ? Elle augmente Elle diminue
Elle est constante Elle varie
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 0
17. Avez-vous récemment reçu des soins dentaires dans cette
Pas de douleur Insupportable
zone ?
Oui Non Pas sûr
10. Cochez les éléments que vous considérez c o m m e les plus
appropries pour decrire votre d o u l e u r : 18 Avez-vous pris des antibiotiques pour ce problème ?
Aiguë Sourde Irradiante Non Auiourd'hui
Migrante Constante Depuis 2 jours Depuis 3 jours
Intermittente Momentanée Depuis 4 jours Depuis une semaine
Variable Envahissante Le mois dernier II y a plus d'un mois
Pulsatile Brûlure
Uniquement lors de la mastication ou en serrant les dents 19. Avez-vous pris des medicaments pour combattre la douleur ?
Non Depuis auiourd'hui Depuis 2 jours
11. Lorsqu'elle est déclenchée, la douleur dure-t-elle ou s'arrête-t-elle immédiatement ? Depuis 3 jours Depuis 4 jours Depuis 5 jours
Elle dure Elle s'arrête Depuis 6 jours Depuis plus d'une semaine
Elle n'est pas déclenchée, mais spontanée

Souhaitez-vous ajouter quelque chose qui puisse aider le praticien à vous soulager ?

Date : / /

Signature du patient
(ou du representant legal pour les mineurs)

78
Traumatismes alvéolodentaires
Grégoire KUHN, Antoine SABET

À la suite du traitement de l'urgence, un compte rendu


Important ! Les traumatismes de la région faciale sont fré­
précis de l'accident doit être rédigé détaillant :
quents. Ils représentent environ 5 % des consultations post-
traumatiques, et constituent un vrai motif d'urgence.
- l'historique de l'accident rapporté par le patient ;
- le recueil de l'examen clinique et radiologique ;
- les traitements effectués ;
Parmi eux, les traumatismes alvéolodentaires sont les plus - le pronostic de la structure traumatisée ;
fréquents et les chirurgiens-dentistes libéraux et hospita- - les différentes complications possibles à court, moyen et
liers jouent un rôle majeur dans leur prise en charge. De la long terme.
qualité de cette prise en charge dépend en grande partie le
pronostic. Des recommandations ont été récemment Un exemplaire de cette attestation, daté et signé par le
publiées par un groupe d'experts internationaux après ana- praticien et par le patient, est remis au patient. Un dou­
ble est conservé dans le dossier médical.
lyse de la littérature et discussions (Flores et ai, 2007a et b).

Les traitements visent à : Ce chapitre est divisé en deux grandes parties selon les
-soulager la douleur ; effets du traumatisme : déplacements dentaires sans frac­
- restaurer l'esthétique et la fonction ; ture et traumatismes avec fracture coronaire e t / o u radicu-
-prévenir les complications. laire. Par ailleurs, les traumatismes dentaires peuvent parfois
être associés à des fractures de l'os alvéolaire du maxillaire
Ces conséquences sont multiples selon le type de trauma- ou de la mandibule ainsi qu'à des lésions des tissus mous
tisme. Elles peuvent intéresser la pulpe (nécrose pulpaire, obli­ (gencives et muqueuses) (voir chapitre 9). Les fractures des
tération canalaire, certaines résorptions radiculaires) et le bases osseuses, qui doivent être réduites par un chirurgien
parodonte (résorptions inflammatoires, résorption de rempla- maxillo-facial ne seront pas traitées dans ce chapitre.
cement. ankylose). Tous les traumatismes nécessitent un dia-
gnostic précoce afin d'éviter la survenue de ces complications.
Quelles que soient les formes de traumatismes et leur sévé­
I - Les traumatismes dentaires
rité l'entretien clinique et le questionnaire médical doivent sans fractures dentaires
être menés avec précision.
Les traumatismes dentaires peuvent être classés selon le
degré de sévérité : concussion et subluxation, extrusion ;
Essentiel : avant t o u t geste thérapeutique, il faut : luxation latérale, intrusion et expulsion.
-déterminer la cause de l'accident à travers l'historique,
afin d'écarter toute forme de violence physique subie. Le 1 - Concussion et subluxation
cas échéant celle-ci devra être signalée ;
- noter avec précision, selon les dires du patient, les cir­ Dans les deux cas, il s'agit d'un choc sur la couronne den­
constances exactes et le lieu de l'accident ;
taire entraînant des dommages sur le parodonte et le
- noter les souillures éventuelles...
tissu pulpaire : dans le cas d'une subluxation, ces domma­
-déterminer l'état médical du patient, ses antécédents, ses
vaccinations (notamment antitétanique) ;
ges sont plus marqués que dans le cas d'une concussion.
- d a t e r l'accident, pour déterminer le temps écoulé entre le
traumatisme et la consultation ; 1.1 - Examen clinique
- noter le milieu de conservation de la dent ou du morceau
Il met en évidence :
ce dent rapporté par le patient le cas échéant.
-des dents douloureuses à la mastication ;

79
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

- une légère mobilité par rapport aux dents controlatérales;


Le traitement consiste en :
- un saignement sulculaire ; - une coronoplastie et l'insaturation d'un régime ali­
- une palpation et percussion douloureuses ; mentaire semi-liquide durant un mois ;
- des tests de vitalité pulpaire positifs. -une prescription d'une brosse à dent chirurgicale et
L'examen clinique doit être fait délicatement en préve­ des instructions pour un brossage soigneux des dents
nant le patient et en commençant toujours par le secteur traumatisées ;
non traumatisé comme référence. -une prescription d'un bain de bouche à la chlorhexi-
dine pendant 7 jours ;
1.2 - Examen radiologique - une prescription d'antalgique adapté à la douleur.
L'examen radiologique n'apporte aucun renseignement,
mais cet examen est nécessaire pour disposer d'un ou plu­
sieurs clichés de référence qui pourront être comparés aux
contrôles ultérieurs.

1.3 - Traitement de l'urgence


L'objectif est de soulager le patient.

1.4 - Monitorage
Les contrôles seront réalisés à 1 mois, à 3 mois, à 6 mois et
à un an pour contrôler la vitalité pulpaire (fig. 8.1). Figure 8.1 Perte de vitalité et dyschromie de 21 après traumatisme.

Figure 8.2 Extrusion de 21. a : vue d'ensemble. b, c : détail des dommages tissulaires. d : contention fil métallique + composite.

80
2 - Extrusion - pendant que l'assistante maintient la dent ainsi repo­
sitionnée, coller la couronne au fil de contention déjà
L'extrusion est le résultat d'un trauma fronto-latéral. En collé aux dents adjacentes à la dent traumatisée.
général, la dent est encore retenue par quelques fibres L'occlusion doit être vérifiée ; une légère coronoplas-
desmodontales, mais les dommages sur le tissu pulpaire tie peut s'avérer nécessaire ;
et parodontal sont importants (fig. 8.2). -l'instauration d'un régime alimentaire semi-liquide
pendant un mois ;
2.1 - Examen clinique - une brosse à dent chirurgicale avec des instructions
- La ou les couronnes cliniques paraissent plus longues en pour un brossage soigneux des dents traumatisées ;
- un bain de bouche à la chlorhexidine pendant 7 jours ;
bouche.
- des antalgiques adaptés à la douleur.
- On observe un saignement important au niveau parodontal.
- Les tests pulpaires sont négatifs.
- La mobilité de la dent est très importante (ce test doit 2.4 - Monitorage
être réalisé avec précaution). Un contrôle doit être réalisé à 1 semaine, 2 semaines avec
2.2 - Examen radiologique dépose de la contention, 3 mois, 6 mois et un an, puis deux
visites annuelles.
Les clichés rétro-alvéolaires et occlusaux montrent une
radioclarté majorée de l'espace entre les parois radiculai- On réalisera alors des tests de vitalité et des clichés rétro-
res et osseuses, voire même une alvéole vide apicalement. alvéolaires afin de rechercher une éventuelle résorption
radiculaire inflammatoire e t / o u une nécrose pulpaire.
2.3 - Traitement de l'urgence Dans ce cas, une obturation temporaire à l'hydroxyde de
calcium sera réalisée pendant trois mois (cas de résorption
Il consiste en :
inflammatoire), suivie d'une obturation définitive à la
-une anesthésie sans vasoconstricteur afin d'atténuer
l'inconfort du patient lors du repositionnement ; gutta-percha. Une surveillance de la dent tous les 6 mois
- le repositionnement de la dent extrudée dans son sera instaurée pendant 5 ans.
alvéole, sous pression continue, en maintenant une
compresse cervicalement pour essuyer le caillot san­ 3 - Luxation latérale
guin qui sort de son alvéole ;
-une radio, afin d'objectiver le bon repositionnement Il s'agit d'un choc sévère intéressant (fig. 8.3) :
de la dent dans son alvéole ; - les tissus dentaires (amélo-dentino-pulpaire) ;
- le positionnement et le façonnage d'un fil d'orthodon­ - le tissu parodontal ;
tie de faible diamètre et relativement souple sur les - le tissu osseux.
dents adjacentes de la dent extrudée ; Les dommages causés peuvent être très importants, et
- le collage d'un composite fluide sur les dents adjacentes; leur guérison d'autant plus difficile.

Figure 8.3a Vue vestibulaire de 21 déplacée. Figure 8.3b Vue vestibulo-occlusale de 21 luxée.

81
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.3c Vue palatine de la 21, luxée latéralement. Figure 8.3d Radiographie rétroalvéolaire (1re incidence) montrant
l'espacement ligamentaire plus important dans la région apicale de 21.

Figure 8.3e Radiographie rétroalvéolaire (2e incidence) confirmant la Figure 8.3f Désinfection à l'iode des tissus environnants.
1re incidence.

82
Figure 8.3g Repositionnement doux au davier de 21, le pouce et l'index Figure 8.3h 21 repositionnée, contrôle de l'occlusion au papier articulé.
sur les tables osseuses pour contrôler les tensions osseuses.

Figure 8.3i Vue palatine de 21 repositionnée, contrôle de l'occlusion Figure 8.3j 21 repositionnée, contrôle radiographique avant la conten­
en bleu. tion.

Figure 8.3k Contention en place sauf sur la 21. Figure 8.3I Assistante maintenant en palatin la dent en position durant
le collage de 21 à la contention.

83
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.3m Contention en place, vue palatine, surocclusion matéria­ Figure 8.3n Contention en place, vue vestibulaire.
lisée en bleu sur la crête distale de 21.

3.1 - Examen clinique


on mobilise le bloc dento-alvéolaire en se servant du
L'examen extra-oral doit être réalisé et les lésions cuta­ pouce et de l'index pour repositionner la ou les dents.
nées minutieusement nettoyées, désinfectées et si néces­ On pourra aussi se servir délicatement d'un davier
saire suturées. pour mobiliser le bloc dento-alvéolaire ;
L'examen intra-oral met en évidence : - réaliser une contention à l'aide de fil d'orthodontique
- une occlusion le plus souvent perturbée ; souple, collé à l'aide d'un composite, les deux dents
collatérales, de part et d'autre de celle traumatisée ;
- une ou plusieurs dents fracturées e t / o u déplacées en
puis on colle au composite, en dernier, la dent trauma­
vestibulaire, lingual ou apical ; certaines dents peuvent
tisée qui est ainsi repositionnée dans son alvéole, et
paraître plus courtes e t / o u en rotation ; maintenue. Une vérification de l'occlusion et une
-des dents bloquées dans leur alvéole : elles présentent légère coronoplastie peuvent s'avérer nécessaires ;
un son métallique à la percussion ; - conseiller une alimentation normale ;
- des apex, ou fragments osseux déplacés (car ces trauma­ - prescrire une brosse à dent chirurgicale pour un bros­
tismes s'accompagnent souvent de fractures alvéolaires). sage soigneux des dents traumatisées ;
La palpation vestibulaire dans la région apicale permet - prescrire un bain de bouche à la chlorhexidine pendant
de les objectiver. 7 jours ;
- prescrire des antalgiques adaptés à la douleur.
3.2 - Examen radiologique
Le cliché occlusal est la radio de choix. On complétera par La contention doit être déposée dès que les premiers
plusieurs clichés excentrés du fait des déplacements den­ signes radiologiques sont favorables et que la dent appa­
taires e t / o u osseux, et éventuellement une incidence de raît consolidée cliniquement, c'est-à-dire que les dents
profil. Une radioclarté le long d'une des parois radiculaires sont devenues moins mobiles (entre 2 et 4 semaines).
(plus importante dans la région apicale) et de la paroi
alvéolaire est souvent observée.
4 - Intrusion
3.3 - Traitement de l'urgence 4.1 - Examen clinique
Il consiste en : L'examen extra-oral doit être réalisé et les lésions cuta­
- l'anesthésie du tronc nerveux en amont de la région nées minutieusement nettoyées, désinfectées et si néces­
traumatisée ; saire suturées.
- le nettoyage de la zone avec des compresses imbibées de Lors d'une intrusion partielle, une différence de hauteur du
solution antiseptique, à base d'iode ou de chlorhexidine; bord libre de la dent intrudée est notée par rapport aux
- la mobilisation du fragment osseux et de la dent, ce qui dents adjacentes. Dans le cas d'une intrusion totale, la
est souvent difficile. On se positionne derrière le dent semble absente de l'arcade : le diagnostic différentiel
patient, en immobilisant délicatement la tête de la avec une expulsion sera donné par la radiographie. Les tis­
main gauche (si on est droitier) et avec la main opposée,
sus parodontaux de la zone traumatisée peuvent être dila-

84
Ce déplacement résulte d'un choc très violent, selon l'axe corono-apical de la ou des dents intrudées. Cette intrusion
intéresse (fig. 8.4) :
- le tissu dento-pulpaire ;
- le tissu parodontal ;
- le tissu osseux.
L'intrusion peut être partielle ou totale, et souvent accompagnée d'une fracture coronaire de la ou des dents trauma­
tisées, ainsi que d'une fracture de l'os alvéolaire.

Figure 8.4a Vue après dépose d'une ligature métallique traumatisante Figure 8.4b Intrusion de 11, luxation de 21, réimplantation de 22.
à 7 jours.

Figure 8.4c Lésion cutanée suturée à 1 semaine après le traumatisme. Figure 8.4d Mise en place d'une contention compatible avec une
bonne hygiène orale.

Figure 8.4e Dépose de la nouvelle contention à 2 semaines après le Figure 8.4f Réhabilitation esthétique au composite de 11 et 21 et coro-
traumatisme. noplastie de 12 et 22.

85
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

cérés. La palpation digitale est délicate. Elle peut mettre Les contentions sont déposées à 4 semaines, et si néces­
en évidence une fracture de l'os alvéolaire. saire, prolongées de 4 semaines.
Le test de la percussion rend souvent un son métallique,
signant un blocage de la dent traumatisée, forcée dans son 4.4 - Monitorage
alvéole. Un monitorage à 1 semaine, 4 semaines, 8 semaines, et puis
En absence de fracture coronaire avec exposition pulpaire tous les 6 mois pendant au moins 5 ans, est instauré.
large, et malgré une réponse pulpaire négative, un traitement Dans le cas de nécrose pulpaire, ou d'apparition de résorp­
endodontique de première intention est contre-indiqué. tion radiculaire, détectée lors des contrôles radiologiques,
une obturation temporaire à l'hydroxyde de calcium de
4.2 - Examen radiographique l'endodonte pendant au moins un mois, renouvelable, est
Le cliché occlusal montre le déplacement dentaire, dans envisagée, suivie d'une obturation conventionnelle à la
le sens antéropostérieur. Des clichés rétro-alvéolaires gutta-percha. On observe très souvent des résorptions de
centrés et excentrés, sont réalisés. remplacement ou ankyloses, même tardives, sur ce type
La disparition ou la diminution de l'espace desmodontal de traumatisme.
signe le déplacement forcé de la racine dans son alvéole.
Un trait de fracture de l'os alvéolaire peut être objectivé
sur les clichés radiographiques.
5 - Expulsion

4.3 - Traitement de l'urgence Il s'agit d'un déplacement total de la dent hors de son
alvéole. En effet, l'alvéole est vide et la dent est retrou­
- Pour les intrusions légères, l'abstention thérapeutique, une
vée sur le lieu de l'incident (voir chapitre 15). Les dom­
prescription de bain de bouche à base de chlorhexidine et mages intéressent :
un monitorage sont préconisés car une ré-éruption natu­ - l e tissu pulpaire ;
relle, est possible. - le tissu parodontal.
- Pour les intrusions importantes ou totales un reposition­
nement chirurgicale ou orthodontique est préconisé : Ils peuvent cependant concerner aussi le tissu osseux. Les
examens cliniques et radiographiques chercheront à dis­
- anesthésier au niveau du tronc nerveux en amont de la
tinguer une expulsion totale complète d'une fracture radi­
région traumatisée ;
- nettoyer la zone avec des compresses imbibées de solu­ culaire apicale, avec expulsion du fragment coronaire.
tion antiseptique, à base d'iode ou de chlorhexidine; À travers le questionnaire médical, il faut établir les élé­
- nettoyer soigneusement les tissus dilacérés. Au besoin, ments importants qui influencent directement le pronos­
un mini-lambeau d'accès permet de repérer la dent tic d'une réimplantation :
intrudée, et matérialiser le traumatisme osseux. Dans ce - le temps extra-alvéolaire de la dent expulsée ;
cas, à l'aide du pouce et l'index de la main droite (pour - les conditions de conservation de la dent et notamment
les droitiers), en se positionnant en arrière et à droite du son milieu de conservation ;
patient, le bloc dento-alvéolaire est repositionné. On - le lieu et le contexte de l'accident, en cherchant à préci­
peut s'aider aussi d'un davier pour des situations de blo­
ser si la dent a été souillée, s'il y a eu contamination
cage dento-alvéolaire important. Les tissus mous sont
microbienne de la surface radiculaire expulsée.
repositionnés le plus précisément possible et suturés ;
- réaliser une contention à l'aide de fil orthodontique sou­
5.1 - Examen clinique
ple, collé à l'aide d'un composite, les deux dents collaté­
rales, de part et d'autre de la dent traumatisée ; puis finir Il doit rechercher et évaluer d'éventuelles blessures cuta­
en collant au composite la dent traumatisée ainsi reposi­ nées, muqueuses et osseuses plus graves. L'examen clini­
tionnée dans son alvéole, et maintenue. Vérifier l'occlu­ que met en évidence l'absence d'une ou de plusieurs dents
sion. Une légère coronoplastie peut s'avérer nécessaire ; sur l'arcade. Selon l'ancienneté du traumatisme, un saigne­
- conseiller une alimentation normale ; ment alvéolaire ou la présence d'un caillot sanguin au cen­
- prescrire une brosse à dent chirurgicale pour un bros­ tre d'une alvéole est observé. Du fait de l'absence de la ou
sage soigneux des dents traumatisées ; des dents expulsées, les tissus parodontaux non soutenus
- prescrire un bain de bouche à la chlorhexidine pendant sont effondrés au centre de l'alvéole.
7 jours ; Une palpation digitale vestibulaire et linguale cherchera
- prescrire des antalgiques adaptés à la douleur. une éventuelle fracture des tables osseuses alvéolaires.

86
Si la ou les dents expulsées sont rapportées par le patient,
- nettoyer délicatement à l'aide d'une compresse sté­
leur intégrité est minutieusement examinée afin de rile, imbibée de sérum physiologique, la surface radi­
rechercher une éventuelle fracture apicale. culaire en tenant la dent par sa couronne ;
- ne faut pas gratter la surface radiculaire ;
5.2 - Examen radiologique
- la dent peut être mise dans une solution d'antibiotique
Des clichés rétro-alvéolaires d'incidences différentes et à base de doxycycline pendant 5 minutes (1 mg de
proches, dans le sens mésio-distal, sont complétés par un doxycyline dans 20 mL de sérum physiologique).
cliché d'incidence occlusale. Il faut rechercher, en plus
d'une éventuelle fracture alvéolaire, la présence d'un frag­ Ces gestes peuvent éventuellement être réalisés par
ment radiculaire apical. Si le patient n'a pas retrouvé de l'assistante.
dent ou de fragment de dent sur les lieux de l'accident, il
faut vérifier l'éventualité d'une intrusion totale. 5.3.4 Procédure de réimplantation

5.3 - Traitement de l'urgence - Réaliser une anesthésie locale sans vasoconstricteur,


du tronc nerveux en amont du site traumatisé.
Important ! Le pronostic de la réimplantation des dents
- Nettoyer les lésions à l'aide d'une compresse imbibée
permanentes est directement lié au temps extra-alvéloaire d'antiseptique à base d'iode ou de chlorhexidine.
et aux conditions passées hors de l'avéole. La destruction - Irriguer l'alvéole à l'aide d'une aiguille large montée sur
des cellules desmodontales joue en effet un rôle capital une seringue remplie de sérum physiologique, afin
pour la cicatrisation. Plus elles seront abîmées, plus la d'éliminer tout le caillot sanguin formé, sans curetage
nécrose des tissus parodontal et pulpaire, qui ne sont plus alvéolaire.
vascularisés, sera importante et les complications sévères. - Repositionner ensuite la dent expulsée. En présence
Les complications sont la nécrose pulpaire et surtout la d'un fragment osseux alvéolaire, un lambeau est réalisé
résorption radiculaire inflammatoire.
afin de repositionner le fragment osseux au préalable.
Si ce fragment osseux ne peut être replacé exacte­
5.3.1 Dès l'appel téléphonique d'urgence, il faut: ment, la réimplantation ne sera pas possible. Dans le
cas contraire, ou en absence de fracture osseuse, la
- rassurer et calmer le patient ; dent est repositionnée dans son alvéole sous contrôle
- évaluer les conditions de conservation de la dent et te radiographique, à l'aide du pouce et de l'index, sous
temps extra-alvéloaire ; pression digitale modérée.
- conseiller de réimplanter la dent lui-même si le délai - Compléter l'intervention par des sutures si nécessaire.
est court et les conditions favorables :
• après avoir nettoyé la dent dans du sérum physiologi­ 5.3.5 Contention
que, du lait ou à l'eau fraîche du robinet ;
• sans toucher la racine avec les doigts ; Une contention à l'aide de fil d'orthodontique souple
• si elle n'est pas sale. sera mise en place. Elle sera collée à l'aide d'un compo­
- maintenir la dent en place avec un mouchoir ; site, en commençant sur les deux dents collatérales, de
-venir au cabinet. part et d'autre de celle expulsée. La dent expulsée et
repositionnée dans son alvéole sera ensuite collée au
5.3.2 Ce conseil est rarement accepté et le patient composite en dernier, et donc maintenue. L'occlusion est
préfère en général venir. Dans ce cas, il faut conseiller : vérifiée ; une légère coronoplastie peut s'avérer néces­
saire. La contention est déposée à 2 semaines et prolon­
- de conserver la dent dans du sérum physiologique ou gée à 4 semaines dans le cas de fracture alvéolaire.
du lait ;
- de ne pas toucher et encore moins gratter la racine 5.3.6 Conseils et prescriptions postopératoires
pour la nettoyer ;
- d e venir au plus vite. - conseiller une alimentation normale ;
- prescrire une brosse à dent chirurgicale pour un bros­
5.3.3 Dès l'arrivé du patient au cabinet, il faut : sage soigneux des dents traumatisées ;
- prescrire un bain de bouche à la chlorhexidine pendant
- placer la (ou les) dent traumatisée(s) dans une solution 7 jours ;
de sérum physiologique ; - prescrire des antalgiques adaptés à la douleur.

87
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

5.3.7 Traitement endodontique 1.2 - Les fractures coronaires simples (amélo-dentinaire)


Ce sont des fractures limitées à l'émail et à la dentine sans
- Il sera réalisé entre 7 et 10 jours après la réimplantation : exposition pulpaire. En cas de fracture amélo-dentinaire,
on réalisera la préparation et mise en forme canalaire, on recherchera des atteintes du ligament parodontal
sous irrigation d'hypochlorite de sodium à 2,5 % afin (subluxation ou extrusion) (fig. 8.5).
d'éliminer les tissus pulpaires nécrotiques.
À l'examen clinique, on notera en fonction de la sévérité
- Une médication intracanalaire à base d'hydroxyde de cal­
du traumatisme une hyperesthésie dentinaire, voire une
cium est mise en place et pourra être renouvelée jusqu'à
douleur à la mastication.
1 mois. Cette étape a pour objectif de minimiser les phé­
nomènes de résorption radiculaires inflammatoires.
-Si l'apex est large et les conditions favorables (temps Le traitement d'urgence a pour finalité de protéger le
extra-alvéolaire court et conservation humide), une tissu pulpaire des chocs thermiques e t / o u des agres­
revascularisation pulpaire est possible : le traitement sions bactériennes via les tubulis dentinaires exposés. La
endodontique ne doit être effectué qu'après des dent sera alors nettoyée et désinfectée, le fragment
signes clairs de nécrose pulpaire. dentaire conservé pourra être utilisé pour reconstituer
-Si les conditions de conservation de la dent ont été la dent et ainsi être collé à l'aide d'une résine composite
mauvaises (temps extra-alvéolaire supérieur à 60 min photopolymérisable. Sinon, la mise en place d'une
e t / o u assèchement), le traitement endodontique résine composite permettra de protéger les tubulis
peut être réalisé avant la réimplantation. exposés et de reconstituer la perte de substance. Si le
trait de fracture est proche de la pulpe il s'agira alors de
réaliser une protection dentino-pulpaire à l'aide d'un
5.4 - Monitorage hydroxyde de calcium en veillant à limiter son étendue
Le monitorage est réalisé à 1 semaine, 2 semaines, 4 semaines, pour ne pas mettre en péril l'étanchéité de la reconsti­
6 mois et 1 an, puis tous les ans pendant 5 ans. tution à la résine composite. La vitalité pulpaire sera
Entre 6 et 12 mois après le traumatisme, l'espace desmo- contrôlée à 1, 3 et tous les 6 mois.
dontal est de nouveau visible sur les radiographies rétro-
alvéolaire de contrôle, et l'obturation canalaire conven­
1.3 - Fracture coronaire impliquant le tissu pulpaire
tionnelle à la gutta-percha peut être réalisée. (dentino-pulpaire)
Les complications courantes sont une résorption radicu-
Deux paramètres sont à prendre en considération pour le
laire inflammatoire et une résorption radiculaire de rem­
traitement d'une fracture coronaire impliquant le tissu
placement. Les phénomènes d'ankylose sont fréquents.
pulpaire : la taille de l'exposition et le temps écoulé entre
le traumatisme et la consultation au cabinet.
Dans le cas d'une exposition pulpaire minime et récente il
Il - Traumatismes avec fractures faudra nettoyer la surface exposée avec du sérum physio­
logique et la désinfecter à la chlorhexidine, puis réaliser un
coiffage pulpaire direct à l'hydroxyde de calcium ou au
1 - Fractures coronaires MTA. L'étanchéité de la restauration est un facteur déter­
On distingue les fractures coronaires concernant l'émail, minant pour la pérennité de la vitalité pulpaire et la réus­
l'émail et la dentine, l'émail, la dentine et la pulpe. site du traitement. Parmi les complications, les nécroses
pulpaires sont à redouter et une surveillance stricte
1.1 - Les fractures amélaires s'impose (fig. 8.6).
Elles comprennent les éclats amélaires, les fêlures et la Dans le cas d'une exposition pulpaire plus importante e t /
perte de fragment limité à l'émail. Il s'agit préférentielle- ou plus ancienne, un traitement de pulpotomie pour les
ment d'une fracture d'un angle mésial ou distal d'une dent pluriradiculés ou de pulpectomie pour les monoradiculés
traumatisée. Le traitement de l'urgence consiste à polir ou sera mis en oeuvre. Le traitement d'urgence peut être sim­
meuler délicatement le bord fracturé avec une fraise dia- plement cette pulpotomie ou pulpectomie avec une
mantée montée sur turbine et sous irrigation. Si le fragment obturation intermédiaire à l'hydroxyde de calcium. La
fracturé est trop important, il faudra alors reconstituer la dent sera alors reconstituée, soit à l'aide d'un ciment verre
perte de substance à l'aide d'une résine composite. La vita­ ionomère modifié par adjonction de résine soit d'une
lité pulpaire sera contrôlée à 1,3 puis tous les 6 mois. résine composite.

88
Figure 8.5 Prise en charge en urgence d'une fracture coronaire amélo-dentinaire sans exposition pulpaire.

Figure 8.5a Vue clinique vestibulaire du traumatisme Figure 8.5b Vue linguale.

Figure 8.5c Traitement de la surface amélo-dentinaire avec un acide Figure 8.5d Injection dans la plaie dentinaire d'un ciment verre-iono-
faible. mère modifié par adjonction de résine.

Figure 8.5e Polissage de la restauration provisoire. Figure 8.5f Restauration définitive effectuée dans une séance ultérieure.

89
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.6 Cas clinique illustrant le recollage de fragments après une facture double 21/11 avec exposition pulpaire sur 11 :
- illustration clinique et mise en place du champ opératoire ; mordançage de l'émail au niveau de la dent et du fragment ; mise en
place d'un adhésif sur la dent et le fragment ;
- mise en place d'un composite fluide au niveau du trait de fracture, repositionnement des morceaux, photopolymérisation et situa­
tion finale.

90
1.4 - Fracture corono-radiculaire Traitement de l'urgence concernant :
On trouve deux types de fractures corono-radiculaires -les fractures corono-radiculaires simples: quand c'est
selon l'implication ou non de la pulpe. Cette fracture qui possible, le fragment fracturé sera recollé au composite
concerne l'émail et la dentine se termine habituellement fluide. Si ce n'est pas possible, un polissage soigneux de
en condition juxta ou infra osseuse. La complexité de ces la zone cervicale sera réalisé puis un composite s'éten-
fractures corono-radiculaires est liée à l'étendue de dant à distance de la limite cervicale du trait de fracture
l'exposition pulpaire. Même si la dent est déplacée, en cas sera réalisé pour restaurer la perte de substance
de fracture corono-radiculaire, le fragment fracturé reste (fig.8.7).
en place, maintenu par des fibres desmondontales. - les fractures corono-radiculaires compliquées, intéres­
sant la pulpe : il s'agira de traiter indépendamment le
Essentiel : l'examen clinique repose essentiellement sur problème pulpaire et le problème parodontal. Le pro­
l'observation minutieuse des limites de la fracture, la mobi­ blème parodontal sera considéré en fonction de l'espace
lisation des fragments et l'évaluation de la douleur due à
biologique disponible ; les différentes possibilités de res­
l'exposition pulpaire et aux lésions parodontales qui peut
être importante. pecter ou de retrouver cet espace biologique seront
envisagées : élongation coronaire ou traction orthodon-
tique. Dans le cas de dents matures, le traitement ortho-
Si plusieurs traits de fracture existent, on parle de fractures
dontique sera préféré. En fonction des cas (traumatisme
comminutives. Il faut apprécier l'importance de l'exposi­
associé à une luxation par exemple), une étape à
tion pulpaire, la position cervicale du trait de fracture,
l'hydroxyde de calcium sera envisagée. Il faudra égale­
l'importance du saignement pulpaire et parodontal. L'ana-
ment harmoniser la ligne des collets en fonction du trai­
lyse des examens radiologiques est difficile et il est
tement opéré (fig. 8.8 et 8.9).
conseillé d'utiliser plusieurs incidences.

91
Urgences orofadales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.7 Illustration clinique d'un cas de fracture corono-radiculaire sans exposition pulpaire (a). Le morceau fracturé est extrait
(b), une éviction gingivale au bistouri électrique est réalisée (c) puis le collage du fragment se fera à l'aide du super-bond (d).

92
Figure 8.8a Vue vestibulaire de la fracture corono radiculaire. Figure 8.8b Vue vestibulaire de l'appareillage orthodontique, très
simple à réaliser.

Figure 8.8c Vue palatine de l'appareillage orthodontique. Figure 8.8d Facette en composite collée sur les dents adjacentes,
après incision intrasuculaire périphérique de 14.

93
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.9a Vue vestibulaire centrée à droite lors de l'examen clinique, Figure 8.9b Vue vestibulaire lors de l'examen clinique, trait de fracture
trait de fracture horizontal visible en V de 12. horizontal visible en V de 12.

Figure 8.9c Vue palatine avant le retrait du fragment coronaire ; l'atta­ Figure 8.9d Fragment coronaire enlevé.
che est intacte.

Figure 8.9e Fragment coronaire conservé dans du sérum physiologi­ Figure 8.9f Élongation coronaire palatine au bistouri électrique, canal
que pendant les étapes préparatoires. protégé.

94
Figure 8.9g Obturation à chaud à la Guta Percha terminée. Figure 8.9b Partie coronaire, chambre pulpaire évidée, mordancée à
l'acide orthophosphorique à 35 % pendant 30 secondes et rincée.

Figure 8.9i Vue vestibulaire après collage au Super-Bond®. Figure 8.9j Vue vestibulaire après collage au Super-Bond®.

95
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.9k Vue palatine après le collage au Super-Bond®. Figure 8.9\ Collage au Super-Bond®, radiographie de contrôle.

Figure 8.9m Intégration esthétique et fonctionnelle à 8 semaines. Figure 8.9n Cicatrisation palatine à 8 semaines.

Figure 8.9o Sourire du patient à 1 an.

96
2 - Les fractures radiculaires Une dyschromie du fragment coronaire (teinte rose)
indique une hémorragie du tissu pulpaire. Ce phéno­
Lors de chocs essentiellement frontaux, les premières mène peut être réversible et le traitement endodonti-
structures dures traumatisées sont généralement les que ne doit pas être réalisé systématiquement.
dents antérieures maxillaires et parfois conjointement
les dents antérieures mandibulaires. Au traumatisme
des tissus durs s'associe souvent celui des tissus mous. a - Examen radiologique
Il comporte un cliché occlusal et plusieurs clichés rétro-
alvéolaires, d'incidences proches. L'incidence occlusale
Lorsque le ou les traits de fractures intéresse(nt) la racine
peut objectiver un déplacement antéropostérieur du frag­
des dents traumatisées, on parle alors de fractures radicu­
ment coronaire et du bloc alvéolo-dentaire. Les inciden­
laires.
ces rétro-alvéolaires peuvent objectiver le trait de frac­
Ces fractures représentent moins de 7 % des traumatismes ture entre le fragment apical et coronaire si et seulement
chez l'adulte (denture permanente) et sont observées sur­ si le rayon incident passe avec un angle inférieur à 15 % du
tout chez l'adolescent et le jeune adulte (11 à 20 ans), et plan de fracture. Plusieurs clichés d'incidences différentes
concernent plus les hommes que les femmes. dans le sens vertical sont donc indiqués.
Les fractures radiculaires peuvent se situer au tiers cervi­
cal, moyen ou apical. Les plus fréquentes sont celles du
tiers moyen. 2.1.2 Traitement de l'urgence

a - Trait de fracture au tiers coronaire ou au tiers médian


2.1 - Les fractures radiculaires
(fig 8.10)
- Elles peuvent être simple ou multiple sur une même dent.
L'objectif est de repositionner le fragment coronaire dans
- Elles peuvent être associées à des déplacements.
son alvéole le plus précisément possible par rapport au
-Elles peuvent être associées à des fractures de la table
fragment apical et de contrôler son positionnement à
alvéolaire externe.
l'aide d'une radiographie.
- Elles peuvent être combinées à des fractures coronaires.
-Désinfecter avec une solution antiseptique (iode, chlo-
2.1.1 Examen clinique rhexidine...) les zones traumatisées.
L'examen clinique doit être fait délicatement en préve­ - Anesthésier à distance du site traumatisé (locorégionale)
nant le patient et en commençant toujours par le secteur avec peu ou pas de vasoconstricteur.
non traumatisé comme référence. - Repositionner le fragment coronaire suivant l'axe radio-
- Examiner systématiquement des lésions éventuelles de la logique de la dent.
face. - Contrôler radiologiquement.
- Examiner les muqueuses et ses lésions. - Suturer les tissus mous si nécessaire :
- Rechercher une mobilisation de la table externe par pal- - réaliser une contention à l'aide de fil d'orthodontie peu
pation vestibulaire, en prenant un large appui avec l'index rigide, façonné à la forme de l'arcade sur les dents adja­
en lingual du ou des dents intéressées. centes de la ou des dents traumatisées et fixé à l'aide
-Vérifier le déplacement du fragment coronaire (plus le d'un composite. La dent traumatisée est toujours la der­
déplacement est important plus la réduction sera trau­ nière à être collée au fil de contention, maintenue dans
matisante). sa « position normale » ;
-Vérifier la mobilité: la mobilité du fragment coronaire -vérifier l'occlusion; une légère coronoplastie peut
est d'autant plus importante que le trait de fracture est s'avérer nécessaire.
coronaire. La mise en place de la digue est difficile dans ce contexte
- Faire un test de percussion : et un travail à quatre mains s'impose. La contention sera
- un son sourd à la percussion signe une fracture radicu- déposée à 4 semaines pour les fractures du tiers médian,
laire associée à une luxation du fragment coronaire ; néanmoins, pour les fractures au tiers cervical ou coro­
- un son métallique indique une fracture radiculaire asso­ naire, ou si le fragment coronaire est mobile à la dépose à
ciée à une extrusion du fragment coronaire. 4 semaines, la contention est prolongée de 3 mois.

97
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

Figure 8.10 Fracture radiculaire médiane. a : vue initiale. b : radio. c : extraction. d : fragment collé.

98
b- Trait de fracture au tiers apical sans fracture alvéolaire - anesthésier à distance du site traumatisé (locorégionale)
associée (fig. 8.11) avec peu ou pas de vasoconstricteur ;
Il n'y a pas en général dans ce cas de déplacement du frag­ - élévation d'un lambeau vestibulaire ;
ment coronaire. S'il se produit, il est très léger. - avulsion du fragment apical avec un minimum de dégâts
-S'il n'y a pas de déplacement, aucun traitement n'est osseux par voie vestibulaire ;
conseillé, un suivi périodique est préconisé avec un con­ -obturation à rétro du fragment coronaire au MTA ou
trôle radiologique. obturation orthograde au MTA lors d'une séance ulté­
- S'il y a un léger déplacement du fragment coronaire, on rieure associée à une remontée à la gutta-percha ;
réalise un repositionnement du fragment selon l'axe - repositionnement du fragment osseux ;
radiologique de la dent sans contention. -suture du lambeau ;
- prescription d'antibiotiques ;
c - Trait de fracture au tiers apical avec fracture alvéolaire - prescription d'antalgiques ;
associée - prescription de bains de bouche à la chlorhexidine pen­
Les étapes du traitement sont les suivantes : dant 48 heures.

Figure 8.11 Fracture radiculaire au tiers apical. a : radio. b : contention composite. c : vue à 1 semaine, dépose de la contention. d : vue
à 4 semaines.

99
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

d - Trait de fracture coronaire supra osseux avec contact tive à différents types de traumatismes possibles. L'image
avec le milieu buccal radio montre un contour externe de la racine irrégulier.
Les étapes du traitement sont les suivantes : Afin d'éviter ce type de résorption inflammatoire, il faut
-anesthésie ; réaliser le traitement endodontique dans les 10 jours qui
- incision intra sulculaire pour l'avulsion du fragment coro­ suivent le traumatisme. Quand la résorption externe est
naire; détectée, le traitement endodontique sera réalisé.
- traitement endodontique du fragment radiculaire ;
-élongation coronaire ou extrusion orthodontique dans le 3 - Traumatismes des tissus péridentaires
but d'une reconstitution prothétique ultérieure. Si l'espace
3.1 - Os alvéolaire
biologique ne peut être restauré e t / o u si la racine est trop
courte, la solution implantaire peut être envisagée. Les fractures de l'os alvéolaire sont fréquemment obser­
Dans chacune de ces situations un monitorage est impéra­ vées lors de traumatismes d'intrusion et de luxation laté­
tif afin d'adapter une stratégie thérapeutique en fonction rale, parfois également lors de traumatismes multiples.
de l'évolution de la ou des dents traumatisées. Des radiographies précises sont alors nécessaires pour les
Ce monitorage doit être réalisé à 1 semaine, 1 mois, 3 mois dépister. Un oedème prédomine dans la région antérieure
6 mois et à un an et puis à chaque année ultérieure, et ce et résulte d'un choc violent affectant plusieurs dents ;
au moins pendant 5 ans. l'examen exo-buccal recherchera :
- des hématomes ;
2.2 - Conséquences des traumatismes pouvant donner - une paresthésie ;
lieu à des urgences - une mal occlusion ;
- une déviation mandibulaire ;
2.2.1 Dyschromies - une douleur de l'articulation temporo mandibulaire ;
L'apparition de dyschromies de la couronne de la dent peut - une tuméfaction ;
faire penser soit à une nécrose pulpaire et dans ce cas le - différents signes qui feront rechercher une fracture.
traitement endodontique est indiqué, soit à une oblitéra­ L'examen clinique révèle une mobilité importante avec
tion canalaire ; s'il n'y a pas de symptomatologie il faudra un déplacement des dents et du fragment osseux. Lors
s'abstenir de toute intervention. Les oblitérations canalaires de l'examen radiographique, la ligne de fracture sera
sont des phénomènes de sénescence accélérée qui condui­ visible sur les clichés intra ou extra-oraux suivant les
sent à une oblitération totale ou partielle de la lumière incidences.
canalaire. Cela se traduit cliniquement par l'apparition de Il s'agit alors de repositionner simultanément le fragment
dyschromie. La sensibilité pulpaire au test de vitalité dimi­ alvéolaire et la dent déplacée, de vérifier l'occlusion et la
nue ou même peut devenir nulle. Le traitement endodonti­ position des dents à l'aide d'une radiographie.
que sera indiqué pour prévenir une nécrose ou si on Une contention collée prenant appui sur les dents non
retrouve déjà la symptomatologie d'une nécrose. mobiles sera ensuite réalisée pendant 6 à 8 semaines. S'il
n'y a pas eu de rappel antitétanique depuis 10 ans, la vac­
2.2.2 Résorptions internes cination devra être refaite. Dans le cadre de fractures
Elles résultent d'une inflammation pulpaire chronique osseuses avec des lacérations complexes, une prescription
détectable cliniquement par un aspect rosâtre de la zone antibiotique sera réalisée (fig. 8.12).
cervicale (pink spot). La radiographie montre un élargisse­
ment circulaire plus ou moins irrégulier centré sur le canal. 3.2 - Suivi et surveillance de la vitalité pulpaire
Le traitement endodontique est indiqué en passant par Si une dent est associée au traumatisme de l'os alvéolaire,
une étape à l'hydroxyde de calcium. Dans les cas de per­ il faudra surveiller la vitalité à 3 et 6 semaines puis à 3 mois
foration le MTA sera le matériau de choix. et enfin tous les 6 mois ; ces dents présentent générale­
ment une rupture du parenchyme pulpaire. En cas de
2.2.3 Résorptions externes inflammatoires nécrose pulpaire, il faudra effectuer un traitement endo­
La symptomatologie est proche d'une parodontite apicale dontique afin d'éviter que la nécrose pulpaire n'interfère
aiguë avec des douleurs spontanées, continues et locali­ avec le processus de guérison osseuse. Si une dent est
sées. Cette résorption inflammatoire résulte d'une des­ située sur le site traumatisé, il peut être préférable
truction de la couche de protection du cément consécu- d'extraire celle-ci en évaluant en fonction de la situation

100
Figure 8.12 Fracture mandibulaire.
Un patient âgé de 42 ans consulte en raison de douleurs dentaires consécutives à une chute de vélo ayant entraîné un traumatisme
facial. Le service d'urgence consulté le jour de l'accident a procédé à la suture des plaies labiales.

Figure 8.12a L'examen endobuccal révèle une béance entre 43 et


42 en appuyant sur la mandibule.

Figure 8.12b Un cliché occlusal confirme la fracture mandibulaire.

Figure 8.12c Un cliché panoramique révèle la présence d'une


fracture de la branche montante associée.

clinique le risque de mobiliser et d'extraire le fragment en général une blessure ouverte. Il faudra alors rechercher des
osseux. Plus le trait de fracture sera à distance de l'apex fragments dentaires et ou des corps étrangers enfouis et ce
moins on observera de nécrose pulpaire. tout spécialement dans les zones lacérées. Une radiographie
de contrôle aidera à éliminer tous les fragments.
3.3 - Tissus mous Le traitement consiste en un nettoyage soigneux des
Les traumatismes des tissus mous vont de la simple abrasion plaies et une surveillance. Pour les lacérations, un débride-
à la lacération en passant par la contusion. L'abrasion reste ment des lésions peut être indiqué ainsi que la pose de
une blessure superficielle, la contusion est accompagnée sutures en cas de blessure profonde. Une compression
d'une hémorragie du tissu sous-cutané, enfin la lacération est externe digitale permettra de contrôler le saignement.

101
Urgences orofaciales
Traumatismes alvéolodentaires

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102
Traumatisme des tissus mous oraux
et péri-oraux : conduite à tenir
Nicolas DAVIDO, Rafael TOLEDO-ARENAS

car ces lésions peuvent être associées à des traumatismes


Les lèvres et la région péri-orale sont le siège le plus fré­ crâniaux, spinaux ou des membres (Gassner et al., 2003) et
quent des traumatismes des tissus mous au niveau de la
comportent un risque élevé de séquelles esthétiques.
face et du cou (Islam et al., 2006).

I - Épidémiologie
L'âge est très variable en fonction des études, allant de 0 à
99 ans (Dire et al, 1994 ; Griego et al, 1995 ; Gassner et al., Les tableaux 9.1 et 9.2 résument les principales données
2304 ; Hogg et Horswell, 2006 ; Islam et al., 2006 ; Kesting et relatives à la prévalence des traumatismes des tissus mous.
al., 2006). Les causes de ces traumatismes sont multiples : Les hommes sont plus fréquemment atteints (60,9 à 67,8 %
accident de la voie publique, sport, agression, accident de des cas). Tous âges confondus, l'âge moyen de survenue
travail, morsures... et sont le plus souvent mineurs, dans est de 25,8 ± 19,9 ans, mais la majorité des études portent
92.6 % des cas selon Zerfowski (Zerfowski et Bremerich, sur les enfants (Dire et al., 1994 ; Zerfowski et Bremerich,
1998). Leur prise en charge est néanmoins souvent complexe 1998 ; Gassner et al., 2004 ; Islam et al., 2006).

Tableau 9.1 Distribution par sexe et âge des traumatismes faciaux de 1994 à 2006

Homme Femme  g e ± DS
Auteur Année
(%) (%) (années)

Dire 1994 NP NP 13,4 ±13,2

Zerfowski 1998 60,9 39,1 7,7 ±5,2

Gassner 2003 67,8 32,2 25,8 + 19,9

Gassner 2004 62,5 37,5 7 ±4,4

Islam 2006 62 38 <12


Ds:déviation standard ; NP : non précisé.

Tableau 9.2 Étiologie des traumatismes faciaux de 1995 à 2006 (%)

Auteur Année N cas AVP AT Sport Agression Jeux Morsure Autres

Griego 1995 NP NP NP NP NP NP 15-27 NP

Zerfowski 1998 1385 14,8 NP 9,5 14,9 NP 1,8 NP

Gassner 2003 9543 12 5 31 12 NP NP 2

Gassner 2004 3385 5 0,3 31,8 3,9 58,2 NP 1,1


Islam 8 NP
2006 100 NP NP NP NP 47-53
N cas : nombre de cas ; AVP : accident de la voie publique ; AT : accident du travail ; NP : non précisé.

103
Urgences orofaciales
Traumatisme des tissus mous oraux et péri-oraux : conduite à tenir

Tableau 9.3 Types de traumatismes des tissus mous de 1998 à 2006 (en %)

Auteur Année Lacération (%) Excoriations (%) Hématomes (%) Contusions (%)
Zerfowski 1998 70,7 (+TD) 21,9 NP

Gassner 2003 41,3 23,9 23,7 11,1

Gassner 2004 51,9 22,6 11,7 13,8

Islam 2006 30-40 NP NP NP


TD : traumatismes dentaires ; NP : non précisé.

Selon les auteurs, les étiologies des traumatismes faciaux La prévalence de survenue de ces lésions selon la littéra­
sont multiples, avec une prédominance pour les jeux t u r e est présentée dans le tableau 9.3.
domestiques chez les enfants (47 à 58,2 %), les accidents au La littérature m o n t r e que la plupart des traumatismes des
cours de pratiques sportives (9,5 à 31,8 %), et à un moindre tissus mous sont peu sévères (Zerfowski et Bremerich, 1998).
degré les accidents de la voie publique (5 à 14,8 %), les Les lacérations sont les plus f r é q u e m m e n t rencontrées
agressions (3,9 à 14,9 %) et les morsures (1,8 à 27 %). Les (Zerfowski et Bremerich, 1998 ; Gassner et al., 2003 ; Tuli et al.
résultats de l'analyse statistique de Gassner et al., 2003, 2004 ; Islam et al, 2006). Les lésions citées dans le tableau 9.3
montrent que les lésions des tissus mous résultent le plus ne précisent pas la profondeur de la lésion ni l'atteinte éven­
fréquemment de chute et d'agression. tuelle d'un organe de voisinage. Ces données sont indiquées
L'article de Griego et al., 1995, retrouve un pourcentage par la classification de Lackmann (Lackmann et al, 1992) :
élevé de morsures car il s'agit d'une revue de la littérature -I : lésion superficielle sans a t t e i n t e musculaire ;
portant sur les morsures animales et humaines. - Il : lésion profonde avec atteinte musculaire ;
Selon Islam et al., 2006, 88 % des lésions des tissus mous -III : lésion profonde avec atteinte musculaire et perte
dans le groupe de 0-3 ans surviennent à domicile. Ceci tissulaire ;
s'explique par une prise d'autonomie des enfants de cet - IVa : classe III avec lésion vasculaire ou nerveuse ;
âge et le besoin de découvrir un nouvel environnement. En - IVb : classe III avec lésion osseuse ou a t t e i n t e d'un organe.
revanche, les enfants plus âgés sont victimes plus souvent
de traumatismes à l'extérieur du domicile. Ces résultats
sont confirmés par les différents auteurs (Zerfowski et III - Microbiologie des morsures
Bremerich, 1998 ; Gassner et a/., 2004 ; Hogg et Horswell,
animales et humaines
2006 ; Islam et al., 2006). Enfin, du fait de leur petite taille
et leur inexpérience, les enfants sont les principales victi­ L'analyse bactériologique des morsures de chien et de
mes des morsures au visage (Griego et al., 1995 ; chat reflète la flore oropharyngée de ces animaux
Stefanopoulos et Tarantzopoulou, 2005 ; Kesting et al., (Stefanopoulos et Tarantsopoulou, 2005). Selon les
2006). Les sites les plus souvent invoqués au visage tou­ auteurs, les morsures de chat sont plus à risque d'infec­
chent les lèvres, le nez et les joues (Stefanopoulos et tion que les morsures de chien (Aigner et a/., 1996 ;
Tarantzopoulou, 2005). Un pic de survenue de ces lésions Stefanopoulos etTarantzopoulou, 2005).
est également retrouvé dans le groupe des 15-18 ans. Ceci
pourrait s'expliquer par une plus grande agressivité et un Selon Griego (Griego et al., 1995), les infections qui peuvent
comportement à risque dans ce groupe (Zerfowski et se développer à l'origine de morsures de chiens/chats sont
Bremerich, 1998). polymicrobiennes. Les bactéries anaérobies sont présentes
dans 38-76 % des cas de ces morsures. Pasterella multocida
qui est une bactérie aérobie/anaérobie facultative est
retrouvée dans 25 % des morsures de chien et de 50 à 80 %
Il - Types de traumatismes des morsures de chat. Les bactéries anaérobies isolées le
plus fréquemment sont : Bacteroides fragilis, Prevotella, Por-
Quel que soit le type de traumatismes des tissus mous, phyromonas, Peptostreptococcus et Fusobacterium. Dans
les auteurs emploient les termes de lacération, excoria­ certains cas, ces bactéries anaérobies produisent des bêta-
tion, contusions et hématomes.
lactamases. De plus, Pasterella multocida est souvent résis-

104
tant à des posologies orales d'érythromycine et requiert - temps écoulé depuis le traumatisme ;
alors la prescription de pénicilline G, association de pénicil­ -antécédents médicaux de la victime (rechercher une
lines et inhibiteurs de bêta-lactamases ou de céphalospori- immunodépression : corticothérapie, diabète...) ;
nes de troisième génération en intraveineux. Une rare infec­ -allergies ;
tion bactérienne mais potentiellement fatale (25 % des cas - statut de la sérologie antitétanique, en cas de morsure
environ) liée aux morsures de chien et rarement à celles de animale/humaine :
chat est causée par Capnocytophaga canimorsus. -type d'animal responsable ;
Le risque le plus grave lors d'une morsure par un animal (sur­ - comportement de l'animal, provocation ? lieu de l'acci­
tout le chien) est la rage. Une personne non traitée et mordue dent, propriétaire de l'animal ?
par un animal enragé a 20 % de chance de contracter la mala­ - Examen clinique :
die. La rage est responsable du décès de plus de 20 000 per­ - réaliser un examen cutané et muqueux du site lésé (type
sonnes dans le monde chaque année. Cette pathologie se et profondeur de la lésion) ;
manifeste par une encéphalomyélite toujours mortelle cau­ - rechercher un trouble nerveux (hypoesthésie par exem­
sée par un virus de la famille des rhabdovirus. ple) e t / o u vasculaire ;
Au sein des morsures humaines, on retrouve les espèces bac­ -photographier les lésions et faire un schéma daté
tériennes anaérobies similaires à celles qui sont retrouvées (médico-légal).
dsns les morsures de chiens/chats, avec en outre Veillonella - Examens complémentaires :
et Clostridium. Les organismes aérobies qui prédominent - cultures bactériennes en cas de présence de signes
dsns ces morsures sont les Streptococci alpha et bêta- d'infection;
hémolytiques, Staphylococcus aureus, Staphylococcus - radiographies si suspicion de fracture associée ou de la
epidermidis, Corynebacterium et Eikenella Corrodens. présence d'un corps étranger.
S. aureus est retrouvé pour des infections plus sévères. Il pro­
duit des bêta-lactamases et est donc résistant aux pénicillines.
La transmission des virus de l'herpès de type 1 et 2, des virus V - Traitement
de l'hépatite B e t / o u C et d'autres espèces responsables
d'infections graves (Actinomyces, Clostridium tetani, Myco- 1 - Antibiothérapie
bacterium tuberculosis et Treponema pallidum) est possible L'infection des tissus mous suite à un traumatisme est rare au
car morsure humaine (Griego et al, 1995 ; Fleisher et al., 1999 ; niveau du visage du fait de la richesse vasculaire au niveau de
Stefanopoulos et Tarantzopoulou, 2005). Dans l'étude de la face (Stefanopoulos et Tarantzopoulou, 2005). Le risque
Vidmar et al., 1996, 44 % des personnes contaminées par le d'infection lié à ces traumatismes est le plus faible pour les
virus de l'immunodéficience humaine (VIH) excrètent ce morsures d'origine canine : de 2 à 20 % en fonction des
virus dans la salive. Sur la base d'analyses prospectives et de auteurs (Goldstein et al., 1992 ; Griego et al., 1995).
suivis de patients mordus par des patients contaminés par le
VIH, la transmission paraît exceptionnelle, mais est possible L'utilisation d'un antibiotique est très discutée par les
biologiquement grâce à la présence du virus. Il existe auteurs.
c ailleurs des cas documentés de transmission du VIH suite à
une morsure humaine dans la littérature (Vidmar et al., 1996). Certains recommandent l'utilisation d'une antibioprophy-
laxie systématique devant tout traumatisme des tissus mous
de la face (Correira, 2003 ; Kesting et al., 2006). L'indication
de l'antibioprophylaxie dépend du temps entre le trauma­
IV - Examen clinique tisme et le traitement, le type d'animal en cause (s'il s'agit
L'examen clinique permet de connaître les circonstances d'une morsure), les structures anatomiques impliquées et
de survenue du traumatisme, le statut médical du patient l'extension de la lésion. L'âge du patient est un paramètre à
et de déterminer le type et la profondeur de la lésion, prendre également en compte, ainsi que ses antécédents
existence d'un trouble nerveux ou vasculaire. médicaux. Il n'existe aucun consensus confirmant l'efficacité
-Histoire de la maladie : une antibioprophylaxie.
-circonstances de survenue : elles permettent de déter­ D'autres auteurs les prescrivent lorsque l'infection est pré­
miner l'existence de lésions associées e t / o u du risque sente cliniquement ou que les patients sont immunodépri-
ce complications ; més (Dire et al., 1995 ; Aigner et a/., 1996 ; Wolff, 1998).

105
Urgences orofaciales
Traumatisme des tissus mous oraux et péri-oraux : conduite à tenir

Compte tenu des bactéries présentes dans les lésions des 3 - Traitement curatif
tissus mous lors d'un traumatisme, quel qu'il soit (AVP, sport,
Le traitement initial de ces lésions consiste en une irrigation
morsure...), les auteurs préconisent l'utilisation de pénicillines,
et un débridement. Leur rôle est, au moins, aussi important
en l'absence d'allergie, pour éviter une infection des plaies
que la prescription d'une antibiothérapie (Fleisher, 1999 ;
(Griego et al., 1995 ; Wolff, 1998). Néanmoins, certaines bacté­
Brook, 2003 ; Stefanopoulos et Tarantzopoulou, 2005 :
ries comme S. aureus produisent des bêta-lactamases et sont
Kesting ef al., 2006). L'irrigation est réalisée à l'aide de
donc résistantes aux pénicillines. Certains auteurs recom­
peroxyde d'hydrogène e t / o u d'une solution saline
mandent alors l'association de pénicillines et d'acide clavula-
(Lackmann et al., 1992 ; Javaid et al., 1998 ; Wolff, 1998 :
nique (Griego et al., 1995 ; Aigner et al., 1996 ; Correira, 2003 ;
Kesting et al., 2006). L'utilisation d'antibiotiques en topique
Stefanopoulos et Tarantzopoulou, 2005 ; Kesting et al., 2006).
et de solutions iodées (Bétadine®) n'est plus recommandée
Chez les patients allergiques à la pénicilline, la prophylaxie
(Goldstein, 1992). Le besoin d'une prophylaxie contre les
optimale est mal établie. La clindamycine est recomman­
complications infectieuses systémiques, particulièrement
dée actuellement mais en combinaison avec soit de la
le tétanos, doit aussi être pris en compte. Le traitement
ciprofloxacine (Ciflox®) ou pour les enfants du sulfamé-
chirurgical de première intention est la thérapeutique de
thoxazole triméthoprime (Bactrim®), pour compenser sa
choix pour la plupart des lésions faciales non-infectées,
faible activité contre E. corrodens (Stefanopoulos et
alors que différer le traitement chirurgical semble indiqué
Tarantzopoulou, 2005). La prescription de fluoroquinolo-
dans le traitement des lésions infectées ou à haut risque
nes en monothérapie pour les patients allergiques à la
d'infection.
pénicilline couvre de façon adéquate la plupart des bacté­
ries présentes dans les blessures par morsures.
4 - Résumé
La durée du traitement antibiotique pour les plaies
infectées doit être adaptée en fonction de la localisa­ La séquence de traitement est résumée ci-après et dans la
tion de la morsure et de la réponse au traitement. Tou­ figure 9.1 :
tefois, on considère que la durée du traitement est -irrigation des plaies avec du sérum physiologique (gold
comprise entre 7 et 14 jours. standard) e t / o u du peroxyde d'hydrogène à l'aide d'une
seringue d'au moins 20 mL et d'une canule souple afin de
permettre une irrigation d'au moins 150 mL et pouvant
2 - Ambulatoire ou hospitalisation atteindre les plaies profondes. Ces irrigations abondan­
La majorité des patients qui ont été victimes d'un trauma­ tes permettent à la fois un débridement de la plaie et de
tisme des tissus mous peuvent être traités en ambulatoire. diminuer l'inoculum bactérien ;
Les gestes cliniques peuvent aisément être réalisés au fau­ - au cours de l'irrigation, il faut mettre des lunettes de pro­
teuil dentaire sous anesthésie locale. En revanche, les cri­ tection au patient afin d'éviter toute projection de la
tères d'hospitalisation ne sont pas clairement définis. solution d'irrigation ;
-débridement précautionneux des plaies en cas de pré­
Certains auteurs (Griego et al., 1995 ; Stefanopoulos et sence d'un corps étranger ;
Tarantzopoulou, 2005 ; Islam et al., 2006) considèrent -antibiothérapie prophylactique en cas de morsures
que les critères suivants sont en faveur d'une indication
humaines;
d'hospitalisation :
-antibiothérapie probabiliste si signes cliniques d'une
- patient immunodéprimé ;
infection:
- diabète ;
-existence d'une pathologie vasculaire périphérique ; -en l'absence d'allergie à la pénicilline : une association
- non-compliance du patient ; d'amoxicilline et d'acide clavulanique (Augmentin®) à la
- lésions faciales chez l'enfant de moins de 4 ans ; posologie de 2 g/jour chez l'adulte et 80 mg/kg/jour
- manifestation systémique d'une infection (fièvre, en 3 prises chez l'enfant sur une durée de traitement de
frissons...) ; 7 à 14 jours ;
-cellulite sévère ; - en cas d'allergie à la pénicilline : la clindamycine (Dalacine®
- atteinte du système nerveux central ou périphérique ; 300 mg à la posologie de 2 comprimés 2/jour chez l'adulte
- morsures nécessitant une chirurgie reconstructrice ;
et 8 à 25 mg/kg/24 heures, en 3 ou 4 prises chez l'enfant
- nécessité d'une antibiothérapie IV.
de plus de 6 ans pendant 7 jours) est recommandée actuel-

106
en 2 prises par jour, soit chez l'enfant 1 cuillère mesure/
TRAUMATISME
DES TISSUS MOUS 5 kg/jour et l'adolescent 4 comprimés/jour de Bactrim®).
- antibioprophylaxie pendant au moins 5 jours après mor­
sure est obligatoire pour toute lésion d'une classe II ou
Examens clinique
et complémentaire
supérieure de Lackmann. Les enfants doivent recevoir
une antibiothérapie ;
-antibioprophylaxie nécessaire pour tous les patients
PATIENT SAIN PATIENT IMMUDÉPRIMÉ dont la lésion est de plus de 6 heures d'ancienneté, et si
le patient présente une immunodépression ;
Accident Morsure HOSPITALISATION - contrôler si la vaccination antitétanique est à jour. Dans
Rechercher Rechercher le cas contraire, une injection de sérum antitétanique
SAT/VAT RAGE sera réalisée ;
MDO =
systématique systématique
déclaration à INVS - prévention de la rage si indiqué (morsure de chien surtout);
+++ +++
+++
- suturer les plaies (non consensuel) au visage par des chirur­
giens plasticiens afin de diminuer le risque de cicatrices;
Irrigation/débridement +++ -rapport à l'Institut national de veille sanitaire (INVS) si
Antibiothérapie - Morsure humaine nécessaire (pour la rage qui est une maladie à déclaration
- Infection présente obligatoire).
Sutures
- > Classe II de Lackmann
(controversé)
- Enfant/lmmunodéprimé
- Lésion > 6 heures Conclusion
Intra-orales Extra-orales La prise en charge des traumatismes de tissus mous oro­
faciaux est souvent complexe car elle nécessite une
Chirurgien-dentiste Chirurgien-plasticien approche souvent pluridisciplinaire (chirurgien-den­
tiste, chirurgien-maxillo-facial ou chirurgien plasticien)
SAT/VAT : sérologie antitétanique/vaccination antitétanique ; MDO : maladie
à déclaration obligatoire ; INVS : Institut national de veille sanitaire et comprend des risques nerveux, vasculaires et infec­
tieux.
Figure 9.1 Arbre décisionnel de prise en charge des traumatis-
mes des tissus mous. Ces lésions pouvant potentiellement avoir des consé­
quences fonctionnelles, esthétiques et psychologiques, il
lement en combinaison avec de la ciprofloxacine chez est important d'évaluer de façon précise la situation clini­
l'adulte (Ciflox® 500 à 750 mg 2/jour pendant 7 jours ; elle que afin de les limiter et d'optimiser la thérapeutique. Dès
est relativement contre-indiqué chez l'enfant et l'adoles­ lors que le patient est non-coopérant, il est indispensable
cent jusqu'à la fin de la période de croissance, en raison de l'adresser vers un service hospitalier spécialisé où sera
d'une toxicité articulaire ou chez l'enfant du trimétho- mise en place une technique de sédation voire une anes-
prime sulfaméthoxazole (à la posologie de 30 mg/kg/jour thésie générale afin d'optimiser le traitement et de limiter
de sulfaméthoxazole et 6 mg/kg/jour de triméthoprime au maximum les complications de ces lésions.

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108
Urgences parodontales
Charles MICHEAU, Stéphane KERNER

I - Le syndrome du septum
Un tassement alimentaire dans l'espace interdentaire ou une
obturation débordante peuvent induire des douleurs spon­
tanées, ressenties le plus souvent au cours des repas lors de
la mise en fonction, mais pouvant ainsiêtre continues. Elles
peuvent être violentes et mal localisables, confondues avec
des douleurs de pulpite. À l'examen, la papille dentaire appa­
raît souvent tuméfiée. Une pression sur la papille provoque
une douleur et signe le diagnostic. Les douleurs de syndrome
du septum résultent de la compression mécanique mais sur­
tout du développement bactérien associé qui entraîne
l'inflammation du site. Le traitement consiste à retirer les
éléments irritatifs sous-gingivaux, à nettoyer la zone inflam­
matoire et à appliquer un antiseptique topique. Dans un
deuxième temps le point de contact défectueux devra être
reconstitué (fig. 10.1).

Figure 10.1 Syndrome du septum. a : tuméfaction vestibulo-linguale en distal de 45. b : objectivation radiologique de la souffrance
osseuse interproximale. c : retrait du corps étranger.

109
Urgences orofaciales
Urgences parodontales

Il - L'abcès parodontal 2 - Diagnostic


Le diagnostic d'un abcès parodontal repose sur l'évalua­
Selon Meng (1999), un abcès parodontal est une infec­
tion et l'interprétation des doléances du patient d'une
tion localisée, purulente des tissus parodontaux. Sa fré­
part et des signes cliniques et radiographiques d'autre
quence est importante : elle constitue 14 % des urgen­
part.
ces dentaires (Ahl et al., 1986). D'un point de vue
pathogénique, il s'agit de la pénétration de bactéries La douleur est un phénomène inconstant : la poche paro­
dans la paroi gingivale de la poche. Les cellules inflam­ dontale étant un système ouvert, le pus peut s'écouler évi­
matoires sont alors attirées par chimiotactisme et tant ainsi toute surpression intra-tissulaire.
entraînent la destruction du tissu conjonctif et la pro­ Le symptôme clinique caractéristique est la présence d'un
duction de pus (DeWitt et al., 1985). œdème gingival localisé sur la face latérale de la racine
associé à une rougeur marquée.
C'est un épisode d'active résorption osseuse : il est donc La suppuration, signe caractéristique de l'abcès, peut être
primordial de le prendre rapidement en charge afin d'en spontanée ou provoquée par la pression.
limiter la morbidité. On distingue deux types d'étiologie :
avec ou sans maladie parodontale (Herrera et al., 2000). L'examen clinique permet de mettre en évidence :
- une poche parodontale profonde ;
- une mobilité augmentée ;
1 - Étiologie - une douleur majorée à la percussion.
1 .1 - Étiologie avec maladie parodontale
- Fermeture de la poche parodontale (accumulation de L'examen radiographique peut être normal au niveau de
fibrine et de pus). l'os interdentaire s'il est réalisé dès la phase initiale mais il
- Changement de la flore. permet d'objectiver généralement la destruction tissulaire
- Modification de la réponse de l'hôte. osseuse rapide impliquant une grande partie du tissu de
- Fragments de tartre projetés dans les tissus au cours du soutien de la dent (fig. 10.2).
détartrage.
- Détartrage mal conduit : tartre résiduel au fond de la
poche et fermeture superficielle de cette dernière.
3 - Diagnostic différentiel
-Administration systémique d'antibiotiques sans débride- Le diagnostic différentiel d'un abcès parodontal doit
ment sous-gingival préalable. toujours être fait avec les autres abcès de la cavité buc­
cale.
1 . 2 - .Étiologie sans maladie parodontale Les infections aiguës comme les parodontites apicales, les
- Impaction d'un corps étranger au niveau gingival. fractures et fêlures peuvent avoir des similitudes de symp­
- Perforation au cours d'un traitement endodontique. tômes et de signes cliniques avec les abcès parodontaux,
-Anomalies de l'anatomie dentaire. malgré une étiologie différente. Une vitalité pulpaire
- Fractures radiculaires. absente, la présence de lésion carieuse profonde, un son­
L'abcès parodontal peut être la première cause d'extrac­ dage ponctiforme doivent permettre la distinction entre
tion pendant la phase de maintenance : une prise en les différentes étiologies.
charge rapide et efficace est un prérequis à la conservation Également certaines pathologies tumorales peuvent pren­
de l'organe dentaire. dre l'aspect d'un abcès parodontal (carcinome métastati-
Une fois la phase active maîtrisée, il est souvent nécessaire que d'origine pancréatique par exemple) : face à ce type de
d'avoir recours à une phase chirurgicale qui aura pour lésion on constate d'abord une absence de réponse au
objectif de corriger l'architecture négative (cratères gingi­ traitement et souvent un déplacement radiculaire mis en
vaux inter-proximaux) laissés par la pathologie. évidence à la radiographie.

110
Figure 10.2 Abcès parodontal. a : abcès parodontal en palatin de 27. b : après débridement sous-gingival avec tes ultrasons une irri-
gation est réalisée à la polyvidone iodée. c : à 8 jours, on observe une rémission complète.

4 - Traitement systématique : le métronidazole sera la molécule de choix


(Smith et Davies, 1986) compte tenu de son spectre étroit
Il s'agit d'un traitement d'urgence compte tenu de la adapté aux bactéries anaérobies.
rapidité des destructions tissulaires secondaires à cet Quand la destruction osseuse est trop importante et
épisode infectieux aigu. que le pronostic de la dent concernée est mauvais
Chez un patient en bonne santé, le protocole de prise l'extraction pourra être réalisée en urgence.
en charge de cette pathologie est simple car l'abcès
parodontal est un système ouvert : il se draine directe­
ment dans la cavité buccale par la poche parodontale. III - Maladies parodontales
Après avoir réalisé une anesthésie, à distance de la
Tuméfaction, on effectuera un débridement de la lésion nécrotiques :
à l'aide des ultrasons et curettes et il est recommandé gingivites ulcéro-nécrotiques
d'adjoindre une irrigation sous-gingivale de polyvidone
iodée (Grennstein, 1999) afin de diminuer la charge bac­
et parodontites ulcéro-nécrotiques
térienne le plus efficacement possible.
II s'agit donc d'un traitement local : la prescription d'un 1 - Historique — définitions
antibiotique par voie générale n'est pas indiquée (ANAES, Les premières références à cette pathologie semblent
1002). dater du IVe siècle avant J.-C. Ces atteintes ont été décri­
L'administration d'antibiotique ne sera réservée qu'en cas tes sous différents noms : infection de Vincent, stomatite
d'extension de la lésion infectieuse ou si le patient pré­
ulcérative du soldat ou gingivite ulcéro-membraneuse...
sente une pathologie nécessitant une antibioprophylaxie
(Rowland, 1999).

111
Urgences orofaciales
Urgences parodontales

La classification de l'Académie américaine de parodonto­ Cet état peut ensuite évoluer vers la gencive marginale. Les
logie de 1999 (Consensus report : necrotizing periodontal lésions ulcérées sont recouvertes d'une pseudomembrane
disease) a différencié et défini : grisâtre (composée de débris nécrotiques et de bactéries)
- la gingivite ulcéro-nécrotique (GUN), comme une infec­ dont le retrait provoque un saignement. Cet état clinique
tion caractérisée par une nécrose gingivale présentant est fréquemment associé à une haleine fétide. La progres­
des papilles «décapitées», associée à des saignements sion de ces lésions peut provoquer une exposition du tissu
gingivaux et des douleurs. La présence d'une haleine osseux dans les régions interproximales où les papilles ont
fétide ainsi qu'un enduit pseudomembraneux sont des été perdues (Holmstrump & Westergaard, 2003). En absence
éléments secondaires du diagnostic ; de traitement, la GUN peut progresser vers les tissus paro­
- la parodontite ulcéro-nécrotique (PUN), comme une dontaux profonds (os alvéolaire et ligament parodontal),
infection caractérisée par la nécrose des tissus gingivaux, d'où le passage vers la PUN (McCarthy & Claffey, 1991). De
du ligament parodontal, et de l'os alvéolaire. plus, des épisodes récurrents de GUN chez certains patients
Les données actuelles sur ces pathologies ne sont pas suf­ peuvent aussi être à l'origine d'une perte d'attache
fisantes pour les distinguer clairement. De plus, il est pos­ (Rowland et al., 1999). Aux signes locaux habituellement
sible qu'elles correspondent à deux stades différents de la constatés, peuvent s'ajouter des signes locorégionaux et
même infection. généraux (tab. 10.1). La PUN peut évoluer vers le Noma ;
Cette maladie gangreneuse orofaciale dévastatrice est très
Ces maladies étant toutes deux liées à une diminution grave et très rare. Elle est généralement rapportée chez des
systémique de la résistance à une infection bactérienne enfants africains issus de milieux défavorisés des pays en
des tissus parodontaux, il a donc été suggéré que la GUN voie de développement, ayant un affaiblissement impor­
et la PUN soient regroupées sous la dénomination
tant du système immunitaire (Enwonwu, 2006).
commune de maladies parodontales nécrotiques (MPN).

Tableau 10.1 Les maladies parodontales nécrotiques : symptômes


2 - Épidémiologie La MPN se caractérise par :
Bien que la prévalence de ces maladies ait diminué au
- l'apparition d'une douleur gingivale intense ;
cours du vingtième siècle, une recrudescence a été cons­ - la présence d'ulcérations gingivales, de papilles décapitées, et
tatée en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale de cratères, le tout pouvant intéresser la gencive marginale ;
(14 % de la population). Actuellement, la prévalence des - des saignements spontanés fréquents.
gingivites ulcéro-nécrotiques est estimée à moins de 0,5 % Autres signes cliniques fréquemment rencontrés :
(Horning et al., 1990). L'évolution vers la parodontite
- pseudomembrane ;
ulcéro-nécrotique est quant à elle plus rare, et prédomine
- hatitose ;
chez les sujets présentant une réponse immunitaire. Chez -fièvre, état fébrile;
les individus HIV positifs, elle est comprise entre 0 et 11 % - lymphadénopathies submandibulaires e t / o u cervicales.
(Holmstrup et Westergaard, 1994).
En cas d'atteinte du parodonte profond :
Ces pathologies sont en revanche plus fréquentes dans les
- cratères interproximaux profonds avec exposition de l'os
pays en voie de développement, en particulier chez les jeu­
alvéolaire interdentaire ;
nes, avec une prévalence pouvant atteindre 15 % (Enwonwu,
- séquestre osseux de l'os alvéolaire interproximal, vestibulaire
1994). Leur progression en Noma (évolution rapide des MPN e t / o u lingual.
vers une gangrène orofaciale) a été également rapportée
dans ces populations (Enwonwu et al., 2006).

3 - Signes cliniques 4 - Diagnostic différentiel


Le diagnostic différentiel de la GUN peut se faire avec une
La GUN est un état inflammatoire aigu d'origine bacté­ primo-infection herpétique (HSV) pour laquelle des vési­
rienne. Les premiers signes cliniques correspondent à cules herpétiques peuvent apparaître sur le palais, le dos
érythème linéaire de la gencive marginale qui se prolonge de la langue ou la gencive. Après rupture de ces vésicules,
aux papilles. Puis celles-ci prennent un aspect ulcéré, des ulcérations peu profondes persistent, de couleur gris
décapité, nécrotique et sont douloureuses (fig. 10.3).
jaune et entourées d'un halo rouge.

112
Figure 10.3a MPN chez un patient de 25 ans d'origine africaine, non-fumeur.

Figure 10.3b MPN chez un patient de 23 ans, fumeur. b1 : vue clinique initiale. b2 : après débridement. b3 : après une semaine.

Le diagnostic différentiel peut être établi avec les lésions sée d'une population bactérienne hétérogène. (Loesche
traumatiques, la gingivite desquamative, le pemphigoïde et al., 1982). De plus, certains auteurs évoquent également
muqueux bénin, certaines formes de leucémies... une étiologie virale par le cytomégalovirus ou le virus de
l'herpès (Sabiston, 1986 ; Contreras et al., 1997).
5 - Histopathologie
En 1896, Vincent rapporte que des spirochètes et des fusifor- 7 - Facteurs de risques
mes de la flore bactérienne ont une responsabilité dans les
GUN. Bien que ces bactéries soient communément retrou­ 7.1 - HIV+
vées chez des patients n'étant pas atteints de MPN, il est en Les patients séropositifs ainsi que ceux soufrant d'autres
effet probable que celles-ci et d'autres soient impliquées dans maladies systémiques atteignant le système immunitaire
la pathogénie des GUN. Une des caractéristiques de cette sont prédisposés aux MPN. De plus, la présence de PUN
pathologie est l'invasion bactérienne (spirochètes) au sein de chez ces patients est fréquemment associée à un taux de
la gencive, qui a été mise en évidence par l'analyse de biopsies. CD4 + < 200 cellules/mm 3 . (Glick et al., 1994).
(Listgarten, 1965) Le facteur bactérien représente donc un élé-
7.2 - Déficience nutritionnelle
ment essentiel dans l'étiologie de cette pathologie.
Ces patients présentent une moindre résistance aux infec­
tions., notamment en cas de carence vitaminique.
6 - Bactériologie
La flore retrouvée chez ces patients se compose essentiel- 7.3 - Hygiène orale insuffisante
ement de : Prevotella intermedia, Fusobactérium sp, Tre- La présence d'une hygiène orale insuffisante représente un
ponema sp, et Selenomonas sp. Le concept de flore facteur favorisant l'apparition de MPN. De plus, il est établi
constante suggère une association entre cette flore et la depuis longtemps que celles-ci se développent chez des
maladie, ainsi que la présence d'une flore variable compo­ patients ayant une gingivite préexistante (Pinborg, 1951).

113
Urgences orofaciales
Urgences parodontales

7.4 - Stress, et fatigue liée au surmenage 8.2.2 Bains de bouche


Une recrudescence des maladies parodontales en rapport -Chlorhexidine (0,12% ou 0,2%) 3 fois par jour pendant
avec des situations de stress a été rapportée (militaires, étu­ 15 jours.
diants en période d'examen, patients en dépression), ou
(Pinborg, 1951 ; Giddon et al., 1964 ; Cohen-Cole et al., 1983). - Peroxyde d'hydrogène (3 %) dilué de moitié avec de l'eau
Ces conditions particulières provoquent en effet l'activa- tiède jusqu'à disparition des symptômes, puis chlorhexi­
tion de l'axe corticotrope hypothalamo-hypophysaire, ce dine (0,12 % ou 0,2 %).
qui entraîne alors une augmentation de la concentration Ceux-ci ne seront efficaces qu'après le débridement des
des corticostéroïdes sériques et urinaires (Rose et al., 1980), lésions.
aboutissant à une immuno-supression. Le stress joue donc
un rôle dans le développement des MPN. En période de 8.2.3 Antibiothérapie
stress, une modification des consommations alimentaires, Elle est préconisée en cas de présence de signes généraux
une augmentation du tabac et une diminution de l'hygiène (fièvre, malaise, état fébrile) ou en absence de réponse
orale sont également fréquemment observées. rapide au traitement mécanique. La monothérapie de
métronidazole 250 mg/3 fois par jour pendant 6 jours est le
7.5 - Tabac traitement de choix (Loesche et al., 1982). Celle-ci pourra
Le tabac représente un facteur de risque pour toutes les être prolongée en cas de persistance des symptômes.
maladies parodontales, y compris les MPN (AAP, 1996). De Chez les patients HIV+, l'utilisation de métronidazole per­
plus, le risque augmente avec la quantité fumée quotidien­ met une cicatrisation rapide (Scully et al., 1991).
nement inhalée. Il agit en modifiant la composition de la Néanmoins, d'autres antibiotiques tels que la pénicilline
plaque bactérienne et en altérant la réponse de l'hôte. ou les tétracyclines peuvent être utilisés en adjonction du
débridement manuel (Holmstrump & Westergaard, 2003).
7.6 - Âge
Face à cette pathologie la réalisation d'un test bactérien
Bien que cette pathologie puisse subvenir à n'importe quel n'est pas nécessaire, même si une antibiothérapie est
âge, celle-ci est fréquemment rapportée chez des adultes décidée.
jeunes dans les pays industrialisés. Ceux-ci pouvant être en
rapport avec la présence d'un certain nombre d'autres fac­ Le patient sera revu tous les 2 - 3 jours pour un débri­
teurs de risque (stress, tabac...), (Holmstrump et Westergaard, dement, jusqu'à disparition des symptômes. Chez un
2003). patient à risque ou en cas de persistance des symptô­
mes, la prescription d'un test HIV est indiquée.
8 - Traitement
8.3 - Suite du traitement
8.1 - Conduite à tenir face à l'urgence
Il est recommandé un débridement doux et superficiel des 8.3.7 Thérapeutique étiologique
lésions, afin de diminuer la charge bactérienne et désorgani­ Après traitement de l'urgence et disparition des symptô­
ser le biofilm (écouvillonnage à l'eau oxygénée ou ultrasons). mes, une thérapeutique étiologique parodontale devra
Chez certains patients, l'utilisation d'ultrasons est décon­ être envisagée (instructions d'hygiène orale, détartrages et
seillée du fait de la vaporisation du spray (HIV+, hépatites surfaçages des poches ≥ 4 mm).
B, C..). En cas de douleur intense, une anesthésie peut être 8.3.2 Prévention de la récidive
nécessaire (anesthésie de contact ou injection à distance).
L'établissement d'un programme de maintenance régulier
8.2 - Prescription est souhaitable afin d'éviter une récurrence de la maladie.

8.2.7 Antalgique 8.3.3 Éducation du patient aux facteurs de risque


Antalgiques de palier I ou II si la douleur est intense, para- L'élimination des facteurs de risque (lorsque cela est pos­
cétamol voire paracétamol codéiné (si nécessaire). sible) est essentielle dans la prévention de la récidive.

114
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115
Péricoronarites
Nicolas DAVIDO, Yves BOUCHER

P
éricoronarites : elles concernent principalement les
troisièmes molaires. On distingue plusieurs formes :

I - Péricoronarite aiguë congestive (fig.11.1)


C'est une inflammation du sac péricoronaire qui survient lors
de l'éruption. La muqueuse adjacente est rouge et oedéma-
tiée. Elle recouvre une partie plus ou moins importante de la
couronne. Elle s'accompagne souvent d'une douleur conti­
nue, spontanée, rétro-molaire et d'une gêne à la mastication,
irradiant vers l'oreille. La pression est douloureuse et peut
faire s'écouler une sérosité. Une adénopathie simple, sub-
mandibulaire et douloureuse à la palpation existe fréquem­
ment. Elle peut régresser spontanément et disparaître en
quelques semaines avec des récidives, bien souvent multi­
ples, dont la fréquence augmente avec le temps. Elle peut
également se transformer à tout moment en forme suppurée.

Figure 11.1a Recouvrement muqueux distal de la couronne de 38.


Il - Péricoronarite suppurée (fig. 11.2)

Les douleurs sont plus fortes et irradient vers le pharynx,


l'amygdale, l'oreille. Elles perturbent le sommeil. La masti­
cation est affectée. On note souvent un trismus modéré
consécutif à la diffusion de l'infection vers les régions pos­
térieures. La muqueuse est rouge et oedématiée, la pression
douloureuse du capuchon muqueux fait sourdre du pus. La
palpation révèle une adénite submandibulaire douloureuse.
L'évolution n'est pas favorable en l'absence de traitement.

III - Péricoronarite chronique


C'est un véritable abcès sous-muqueux qui s'extériorise en
arrière de la troisième molaire. Les douleurs locales et de
l'adénopathie ont diminué. L'haleine est souvent fétide.
Tant que la couronne n'est pas totalement dégagée, les Figure 11.1b Radiographie rétroalvéolaire suggérant une image de
récidives se succèdent. kyste marginal postérieur.

117
Urgences orofaciales
Péricoronarites

Figure 11.2a Vue intrabuccale. Figure 11.2b Radiographie rétroalvéolaire suggérant une image de
kyste marginal postérieur.

IV - Le traitement des péricoronarites - Dans le cas où la conservation de la dent est possible, il


est recommandé de prescrire un traitement antibiotique
La décision de conservation ou non de la dent de sagesse à large spectre (AFSSAPS, 2001) quel que soit l'état de
(DDS) dépendra de différents facteurs : antécédents médi­ santé du patient. Ce traitement pourra être associé à un
caux du patient (patient à risque A ou B), nombre de réci­ nettoyage de la poche à l'aide de chlorhexidine, une
dives de l'accident d'évolution, motivation du patient et prescription d'antalgiques de palier II (OMS) et d'anes-
de son hygiène bucco-dentaire, angulation de la DDS thésiques locaux (xylocaïne visqueuse 2% ou lidocaïne :
selon son grand axe par rapport à la branche horizontale Dynexan® 2 %).
de la mandibule (on considère qu'au-delà de 8°, l'avulsion -Dans le cas contraire, l'avulsion de la DDS sera réalisée
de la DDS est recommandée). d'emblée ou à distance du stade aigu de l'infection.

118
Cellulites
Bruno COURRIER, Rafael TOLEDO-ARENAS, Nicolas DAVIDO

I - Tuméfactions L'anamnèse et l'examen initial détermineront les examens


paracliniques nécessaires à la démarche diagnostique.
Le terme tuméfaction définit une augmentation de En raison de leur fréquence, il faut d'abord évoquer une
volume apparent et localisé d'une partie du corps. étiologie infectieuse odontogène, donc non ou peu spéci­
Cette tuméfaction peut être : fique, jusqu'à en faire la preuve. En l'absence de cette
- le fait d'un processus inflammatoire, infectieux ou preuve, le praticien devra savoir rapidement remettre en
tumoral; cause ce présupposé pour s'orienter dans le dédale des
- la conséquence ou l'expression d'une malformation diagnostics différentiels.
congénitale ou acquise ;
- liée à un phénomène mécanique (blocage de la vidange
glandulaire ou de la présence inopinée d'air intratissulaire).

Il - Cellulites maxillo-faciales
Une anamnèse rigoureuse est nécessaire pour permettre
d'envisager un diagnostic étiologique.
d'origine dentaire
Le recueil des données concerne :
- sa topographie : 1 - Causes et formes cliniques
-uni ou bilatérale ;
-médiane ; Les infections maxillo-faciales sont à 90 % d'origine
- buccale, faciale ; cervicale. dentaire. En première intention, qu'on l'appelle cellulite
odontogénique ou abcès dentaire, il s'agit d'une mala­
-son aspect clinique :
die infectieuse des tissus de remplissage des espaces
- associée ou non à des signes inflammatoires ;
bucco-cervico-faciaux d'origine dentaire, pour laquelle
-élastique ou fluctuante ; doivent être trouvés :
-strictement localisée et circonscrite ou localisée et - une dent causale, la dent est dite causale par :
extensive ; voire diffuse. • sa pulpe nécrosée ;
- ses circonstances de survenue et son mode évolutif : • sa zone apicale ;
- progressive ou brutale ; • son parodonte ;
- inaugurale (unique) ou répétitive ; • ses éléments embryonnaires vestigiaux ou non quand
- avec ou sans horaire défini. ils sont infectés le plus souvent par la flore polymicro-
bienne habituelle de la cavité buccale.
- un implant dentaire : l'implant dentaire, quant à lui ne
Important ! Cette recherche attentive doit malgré t o u t devient septique que par perte d'« ostéo-intégration »
tenir compte en premier lieu de deux critères de gravité :
ou par fracture mécanique, hormis une mauvaise
- le risque vital que peut engendrer cette tuméfaction et ce
manœuvre chirurgicale lors de sa pose ou dans un site
d'autant qu'elle obstrue le carrefour aéro-digestif directe­
osseux affecté ;
ment, ou indirectement par ptose linguale. Un traitement
médical approprié doit alors être mis en place en urgence - un site alvéolaire maxillo-mandibulaire affecté : un site
avec transfert du patient en unité de soins médico- alvéolaire maxillo-mandibulaire édenté peut présenter
chirurgicale ; une ostéite, plus ou moins discrète, à l'origine d'une
- le second critère est lié à l'état général du patient qui peut implication des tissus de remplissage cervico-faciaux ;
être altéré par un déficit immunitaire ou une sensibilité - un traumatisme maxillo-facial : dans un contexte trau-
particulière à l'infection. matique, les plaies sont à considérer comme ouvertes.

119
Urgences orofaciales
Cellulites

1.1 - La forme aiguë


Essentiel : par sa rapidité de progression, la cellulite diffuse
Elle s'exprime par une réaction inflammatoire vasculo- aboutit précocement à des complications pouvant engager
exsudative à tendance suppurative s'exprimant par une le pronostic vital. Son caractère d'urgence nécessite une
hospitalisation du patient le plus rapidement possible. Une
tuméfaction dont la topographie est elle-même pres­
autre complication majeure de la cellulite est la septicémie
que spécifique à celle de la porte d'entrée infectieuse.
avec parfois choc septique.

La maladie reste localisée même si elle peut se régionaliser


progressivement en profitant des communications entre
les compartiments définis par l'anatomie classique. On la
2 - Voies de diffusion des cellulites
qualifie alors de circonscrite. odontogènes
Comme pour toute maladie inflammatoire à tendance sup­ À partir du foyer initial endodontique ou parodontal, l'infec­
purative, elle connaît trois stades chronologiques, identifia­ tion traverse l'os, décolle le périoste, qu'elle finit par rompre,
bles cliniquement, qu'il faut chercher à reconnaître et colonise les parties molles péri-osseuses qui sont consti­
d'emblée étant donné leur conséquence thérapeutique: tuées par un tissu cellulo-adipeux remplissant les espaces
- stade séreux ; délimités par les zones d'insertions musculo-aponévrotiques
- stade de suppuration de collection ou d'abcédation ; au niveau des tables osseuses internes ou externes.
-stade de fistulisation. La localisation de l'infection dépend principalement de
Exceptionnellement, cette même maladie infectieuse quatre facteurs qui sont :
connaît d'autres modalités pathogéniques : - la dent causale ;
-par l'extension (d'emblée ou secondairement) : cellulite - l'épaisseur de l'os alvéolaire ;
extensive ;
- la longueur des racines ;
- par l'agent initiateur : cellulite gangréneuse ;
- la relation entre le site de la fenestration osseuse et les
-par le tissu cible (muscles, tissus sous-cutanés e t / o u
différentes insertions musculaires du maxillaire et de la
cutanés) : infections nécrosantes.
mandibule.
Pour rares ou exceptionnelles qu'elles soient, ces autres
Il en résulte une infection des tissus cellulo-graisseux de la
formes cliniques d'infections odontogènes ne doivent pas
face. Au maxillaire sont concernés principalement les
être méconnues des cliniciens, mais bien plutôt redoutées
espaces incisivo-canin, buccal et infra-temporal. Les prin­
par eux donc être prioritairement évoquées ou exclues sur
cipaux espaces mandibulaires sont localisés au niveau
des signes objectifs immédiats ou sur les bases d'une sur­
mentonnier, sous-mentonnier, buccal, sous-mandibulaire
veillance adéquate :
et sub-lingual.
- un érythème marbré qui déborde la zone tuméfiée vers
la base du cou ;
2.1 - Les cloisonnements anatomiques
- une tuméfaction crépitante à la palpation ;
Les processus infectieux empruntent en priorité les che­
- une présentation extensive :
mins de moindre résistance. Leur progression et leur col­
- une tuméfaction sus-hyoïdienne latérale progressant
lection éventuelle se font donc selon des modalités étroi­
vers la région cervicale médiane, ou l'inverse ;
tement conditionnées par l'anatomie des obstacles qu'ils
- une tuméfaction jugale vers la région canthale interne
vont rencontrer. Ce sont les os maxillaires et mandibulai­
fermant l'oeil du patient.
res, les muscles, les organes et les aponévroses. Nous ne
- un aspect nécrosant.
rentrerons pas dans les détails de l'anatomie descriptive
1.2 - Les formes subaiguës et chroniques de la région cervico-faciale mais à l'aide de schémas, nous
Elles succèdent le plus souvent à un traitement incomplet dégagerons les principales voies de l'infection (fig. 12.1).
ou mal conduit (drainage insuffisant, antibiothérapie ina­ Les sangles musculaires isolent les loges de la face et les
déquate, traitement étiologique insuffisant) en laissant régions cervicales. Ces sangles sont représentées par les
persister notamment la porte d'entrée de l'infection. Leur muscles digastriques, buccinateur, mylo-hyoïdien et les
évolution peut se faire pendant plusieurs mois. muscles de la langue.
Si la plupart des cellulites observées sont circonscrites, il La présence de tissu cellulaire, nécessaire aux mouve­
existe des formes diffuses qui peuvent soit être secondaire ments mandibulaires et de la langue, vient bouleverser ce
à une cellulite circonscrite, soit diffuse d'emblée. cloisonnement. De plus, ce tissu cellulaire communique

120
Essentiel : les infections du secteur dentaire inférieur
peuvent:
- lorsqu'elles sont externes ou massétérines, par l'intermé­
diaire de l'espace sous-mandibulaire ou parapharyngé,
descendre vers le creux sus-claviculaire et le médiastin
antérieur car elles ne rencontrent plus aucune sangle mus­
culaire horizontale. Dans ce cas, la mortalité atteint 50 %
des patients ;
- lorsqu'elles sont internes et sus-mylo-hyoïdiennes de la
loge sub-linguale, diffuser rapidement vers la loge sous-
maxillaire en passant le long du bord postérieur du mylo-
hyoïdien ;
- lorsqu'elles sont sous-mylo-hyoïdiennes et sous-menta­
les, évoluer le plus souvent, en haut vers la loge sub-lin-
guale par effraction du mylo-hyoïdien, soit vers l'arrière
dans la loge submandibulaire ; le ventre antérieur du
Figure 12.1 Régions sus et sous-mylo-hyoïdiennes, vue sagittale digastrique ne représentant pas une barrière suffisante
(d'après Ranerison, 2000) : pour limiter la diffusion de l'infection ;
A- Région sus-mylohyoïdienne - lorsqu'elles concernent les loges sus et sous-mylo-hyoï­
B- Région sous-mylohyoïdienne diennes, emprunter l'espace celluleux périviscéral expli­
C- Loge thyro-hyo-épiglottique quant la dyspnée, puis diffuser vers le bas, en avant et en
arrière du cartilage thyroïde, vers le médiastin antérieur.
avec le tissu cellulaire des espaces voisins expliquant les Cette complication est très rare ;
possibilités de diffusion très lointaines. - lorsqu'elles concernent la loge sous-mandibulaire, s'éten­
dre rapidement en arrière et en haut vers la région para-
2.2 - Voies de diffusion pharyngée et rétrostylienne ; la dysphagie est alors le
signe au premier plan.
L'infection ayant fusé vers les espaces rétrostyliens diffuse,
Essentiel : les infections du secteur dentaire supérieur dif­ soit vers le médiastin antérieur via la gouttière caroti-
fusent vers : dienne, soit vers le médiastin postérieur après diffusion
- la fosse infra-temporale, puis par la fenêtre sphéno-maxil- dans l'espace rétro-pharyngien.
laire vers l'orbite, puis vers la cavité crânienne. Cette
extension est rare mais gravissime par risque de fonte
purulente de l'œil et thrombophlébite du sinus caverneux ;
Parvenue au médiastin, l'infection peut envahir le tissu
- de la fosse infra-temporale, l'infection peut se diriger vers le
bas et les régions parapharyngées expliquant la dysphagie et médiastinal d'autant plus facilement que les variations de
le risque d'obstruction des voies aériennes supérieures. la pression intra-thoracique favorisent la progression de la
cellulite par un phénomène d'aspiration.
Par ailleurs, un autre facteur favorisant cette extension
De plus, la richesse de la vascularisation céphalique, dont serait le tissu médiastinal lui-même qui, de par son inca­
le système veineux, est largement anastomosé avec les pacité à se rétracter d'une part, ne lui permet pas de cir­
veines proches des centres nerveux. C'est ainsi que le sang conscrire un foyer infectieux ainsi que sa pauvreté en élé­
veineux du maxillaire se draine en avant dans la veine ments lymphoïdes et phagocytaires d'autre part. Les
faciale puis gagne la veine angulaire et la veine ophtalmi­ infections y diffusent et s'y collectent en rencontrant peu
que qui se draine à son tour dans le sinus caverneux. Le de résistance.
drainage de la région postérieure et de la région molaire
supérieure se fait dans le plexus ptérygoïdien largement
Essentiel :
anastomosé avec le sinus caverneux.
- les infections mandibulaires présentent un risque vital en
L'atteinte veineuse sous forme de thrombose septique
cas de diffusion, par obstruction des VADS, ou médiasti-
prend naissance au niveau du foyer bucco-dentaire et se nite. La mortalité survient alors dans 50 % des cas ;
propage alors par le système veineux facial et ptérygoï- - les infections maxillaires présentent un risque vital en cas
dien vers le sinus caverneux où elle provoque une throm- d'atteinte cérébrale, par thrombophlébite du sinus caverneux;
bophlébite endocrânienne du sinus caverneux, source - les infections mandibulaires sont plus sévères que les
infections maxillaires.
d'abcès périphériques vers le cerveau et les méninges.

121
Urgences orofaciales
Cellulites

III - Cellulites odontogènes -une tuméfaction mal limitée, élastique, discrètement


érythémateuse, douloureuse, chaude localement ;
circonscrites aiguës - une tuméfaction marquée, rénitente ou fluctuante, très
érythémateuse, douloureuse spontanément, chaude loca­
Par l'anamnèse, en plus des antécédents médicaux et
lement;
chirurgicaux, on cherchera dans les circonstances de
survenue une notion de traumatisme ancien, un soin - la même tuméfaction avec un orifice turgescent, mame­
dentaire conservateur récent, une période récente lonnée ou creusant, cutané ou muqueux.
d'algie dentaire lors du décubitus. Un quatrième aspect moins franc existe, celui de cellulite
« durcie » par un traitement inapproprié ou absent ; on
Le motif de consultation se partage entre douleur et plainte peut alors trouver soit :
sur la difformité ; quand cette dernière est discrète, le -une tuméfaction ancienne, dure (non élastique et non
comblement des plis faciaux guidera utilement le clinicien. fluctuante);
L'examen clinique enregistrera précieusement la présence de : - une collection dite sous-cutanée : la collection est située
- fièvre ; directement sous les téguments au niveau d'une zone de
-adénopathie ; moindre résistance comme le quadrilatère de Chompret
-pouls ; dans la région génienne basse, ou dans la région menton­
- amplitude d'ouverture buccale ; nière, ou dans la région sous-mandibulaire ou dans la
- retentissement comportemental ; région naso-génienne. L'inspection trouve une tuméfac­
- dysphagie. tion rougeâtre, avec un plan cutané aminci ou un placard
tégumentaire infiltré rougeâtre, mal limité, à surface
mamelonnée ; un peu de pus ou de sérosité pouvant faire
1 - Topographie des cellulites issue du centre de ce placard.
odontogènes circonscrites
À partir de foyers maxillaires, on peut trouver des celluli­ 3 - Stades cliniques des cellulites aiguës
tes circonscrites :
- vestibulaires antérieures ; 3.1 - Stade séreux
- labiales supérieures ;
- naso-géniennes ; La cellulite aiguè séreuse est le stade initial, inflamma­
- sous-orbitaires ; toire. On retrouve les quatre symptômes cardinaux de
-vestibulaires postérieures ; l'inflammation : tuméfaction, douleur, chaleur, rougeur.
-géniennes hautes ou basses ;
- palatine (abcès palatin) ; À ce stade, les signes généraux associés sont minimes, voire
-ptérygo-maxillaires. inexistants. On retrouve parfois une légère hyperthermie.
À partir de foyers mandibulaires on peut trouver des Survenant le plus souvent après un épisode d'algie dentaire, à
cellulites circonscrites : type de parodontite apicale aiguë (douleurs violentes sponta­
- vestibulaires antérieures ; nées, exacerbées par le contact de la dent antagoniste et le
- labiales inférieures ; décubitus), ou débutant avec lui, une tuméfaction assez mal
-mentonnières ; limitée apparaît, comblant les sillons ou dépressions de la face,
-vestibulaires postérieures ; effaçant les méplats. La peau en regard est tendue, lisse, rosée,
-géniennes basses ; mal limitée, élastique et ne prend pas le godet (empreinte per­
- ptérygo-maxillaires ; sistante du doigt après pression à l'endroit de la tuméfaction).
- massétérines ; L'œdème est plus ou moins volumineux suivant la quantité
- péri-mandibulaire avec le plancher buccal antérieur ; de tissu cellulaire. Il reste cependant maximal autour de la
- péri-mandibulaire avec le plancher buccal latéral. dent causale. Il est important de noter que la gravité de
l'infection n'est pas proportionnelle à la dimension de
l'oedème, qui lui-même dépend uniquement de la quantité
2 - Aspects cliniques de la tuméfaction et de la qualité du tissu cellulaire du patient.
Selon qu'il s'agit de stade chronologique séreux, de collec­ L'examen endobuccal retrouve une muqueuse soulevée et
tion ou de fistulisation on trouvera : érythémateuse au voisinage d'une dent qui ne répond pas

122
aux tests de vitalité; elle est légèrement mobile et la
- u n érythème qui, à partir de la tuméfaction, tend à
moindre tentative de percussion axiale serait très doulou­ s'étendre vers la partie basse du cou ou déjà vers les
reusement ressentie. creux sus-claviculaires et la fourchette sternale ;
À ce stade, les signes généraux sont en rapport avec - une tuméfaction sus-hyoïdienne latérale qui tend à pro­
l'intensité de la douleur qui est calmée incomplètement gresser vers la région cervicale médiane, ou l'inverse.
par les antalgiques. Ces deux complications précédentes peuvent évoluer vers
Une radiographie panoramique est nécessaire pour préci­ la médiastinite, complication gravissime pouvant entraîner
ser l'état de l'os autour de la dent responsable et réaliser le décès (entre 35 et 40 % de mortalité) du malade :
un bilan du reste de la denture. - une crépitation neigeuse au palper de ta tuméfaction
révèle une cellulite gangréneuse pouvant évoluer vers
Le stade réversible peut évoluer de deux manières :
le médiastin avec nécrose extensive et rapide ;
- soit vers la résolution si le traitement de la dent causale
- une tuméfaction du plancher buccal, qui n'est plus la
est bien conduit ; collection limitée au niveau de la table interne de la
- soit vers la suppuration en cas d'évolution spontanée ou mandibule et parfois déjà associée à un œdème lingual
de thérapeutique mal adaptée. débutant, pouvant entraîner une obstruction des voies
aériennes supérieures et un risque d'asphyxie ;
3.2 - Stade suppuré
- une douleur oropharyngée très vive, qui gêne la déglu­
En l'absence de traitement approprié, la cellulite suppu- tition salivaire, s'accompagnant d'un trismus serré ;
rée s'installe dans les jours qui suivent et se caractérise - une tuméfaction jugale qui peut évoluer vers la région
par l'abcédation. ophtalmique et donner une cellulite orbitaire pouvant
se compliquer d'une thrombophlébite orbitaire ou du
sinus caverneux ou d'un phlegmon orbitaire avec ris­
On observe une hyperthermie à 38-39 °C, accompagnée
que de fonte purulente de l'oeil.
d'une altération de l'état général avec insomnie, asthénie,
parfois céphalées et courbatures, sensations de battements
au niveau de la tuméfaction faciale. La douleur devient
continue, lancinante avec des irradiations à l'hémiface
4 - Examens cliniques complémentaires
homolatérale à la tuméfaction, rebelle aux antalgiques. Ils cherchent une porte d'entrée bucco-dentaire par :
L'examen exobuccal révèle une tuméfaction assez bien - inspection cherchant une dyscoloration dentaire ;
limitée. La peau est inflammatoire, tendue et luisante. La - sondage des cavités carieuses et des poches parodontales ;
palpation permet de constater qu'il existe une augmenta­ - test de vitalité pulpaire ;
tion de la température locale, que la tuméfaction fait - transillumination cherchant une fêlure.
« corps avec l'os » ; les téguments prennent maintenant le Pour trouver :
godet et, au bout d'un certain temps d'évolution, une fluc­ - une dent mortifiée ;
tuation peut être retrouvée. - une fêlure/fracture dentaire ;
Dans la cavité buccale, l'examen est difficile, souvent gêné par - une couronne dentaire détruite par la carie dentaire ;
l'existence d'un trismus (d'autant plus important que la dent - une dent en éruption partielle ;
est postérieure), et retrouve un comblement du cul-de-sac - des antécédents de soins dentaires chirurgicaux.
vestibulaire en regard de la dent causale. Cette tuméfaction
est inflammatoire et très douloureuse à la palpation. Cette
constatation peut parfois également être faite au niveau pala- 5 - Examens paracliniques
tin ou au niveau de la table interne de la mandibule. La dent
5.1 - Examens radiologiques
responsable de l'infection est mobile et extrêmement sensi­
ble à la percussion axiale et transversale. En outre, l'haleine est Les examens radiologiques orientés par la clinique cherchent
fétide et on retrouve une hypersalivation réflexe (fig. 12.2). la porte d'entrée odontologique et objectivent le bilan
d'extension de la tuméfaction. Ils sont donc constitués par :
À ce stade, en dehors de signes généraux graves témoignant - un cliché retro-alvéolaire dentaire ;
d'une toxi-infection bactérienne, il est crucial de dépister - un panoramique dentaire ;
l'installation d'éventuels signes locaux de gravité, dont la - une tomodensitométrie (scanner) de la fosse infratempo-
constatation doit permettre d'anticiper une évolution pou­ rale, du sinus maxillaire, de l'espace masticateur et du
vant mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel :
médiastin.

123
Urgences orofaciales
Cellulites

pulpaire ; entretenant ainsi une certaine vitalité pulpaire ;


seuls les tests électriques montrant une vraie augmentation
dus seuil douloureux peuvent alors le faire envisager ;
- le soupçon de fêlure/fracture ;
- la morsure sur une gaze, la transillumination, une pression
transversale entre les cuspides de la dent suspecte au
niveau de son sillon principal ;
- une absence d'origine dentaire ;
- la présence d'une limitation d'ouverture buccale réflexe
(trismus) signe de l'implication de l'espace masticateur
doit le faire investiguer jusqu'à la fosse infratemporale ;
- l'état du sillon pelvi-mandibulaire ;
- l'absence de son comblement renseigne sur une source
extra-mandibulaire à la tuméfaction ;
Figure 12.2 Cellulite aigue odontogène génienne basse droite. - l'état des ostium avec l'absence de trismus fait évoquer
une affection de la parotide ;
5.2 - Examens bactériologiques
- la nature de la salive.
Sans indication de première intention, ils ont tout leur intérêt C'est à la première pression manuelle bi-digitale de la
dès qu'est manifeste un retentissement général à l'infection. glande qu'un peu de pus peut sourdre d'où une grande pru­
dence dès les premières manoeuvres de palpation.
6 - Confrontation imagerie-clinique
Le clinicien s'attachera à intégrer des signes inhabituelle-
ment présents ou absents lors de sa démarche diagnostique:
7 - Diagnostic
- un décalage entre la cause probable et la topographie ; Le diagnostic complet doit comporter les différents
-ainsi, les infections issues des dernières molaires peuvent- éléments argumentés suivants : cellulite, aiguë/chroni­
elles ensemencer directement la région cervicale e t / o u que/subaiguë, circonscrite, à topographie X, au stade
l'espace para-amygdalien encore appelé espace sous paro- suppuré/collecté/fistulisé, odontogène à point de
tidien antérieur ou ptérygopharyngien. qui constitue un véri­ départ dentaire Y.
table carrefour stratégique pour la dissémination de l'infec­
tion vers les autres espaces cervicaux et vers le médiastin ;
- en dehors des structures osseuses et du côté du vestibule IV - Cellulites odontogènes
buccal, la propagation des infections contourne les limites
du muscle buccinateur au profit de la gouttière buccinato-
extensives ou diffuses
maxillaire qui vient s'ouvrir en avant dans la région La cellulite diffuse peut soit être secondaire à une cellulite
génienne au niveau du quadrilatère de moindre résistance circonscrite, soit diffuse d'emblée. Par sa rapidité, elle
de Chompret dont le bord antérieur est constitué du bord aboutit précocement à des complications gravissimes. Du
postérieur du triangulaire des lèvres, le bord supérieur fait de son caractère d'urgence, elle nécessite une hospi­
constitué du bord inférieur du buccinateur, le bord posté­ talisation du patient le plus rapidement possible.
rieur constitué du bord antérieur du masséter et le bord Les compartiments anatomiques décrits précédemment
inférieur constitué du bord inférieur de la mandibule. Ce communiquent entre eux, notamment par l'intermédiaire
qui explique pourquoi cet abcès migrateur (ou buccinato- de l'espace para-amygdalien, puis avec les grands espaces
maxillaire de Chompret et L'Hirondelle) se collecte dans anatomiques de décollement qui s'étendent depuis la base
cette région après que le pus, issu de l'alvéole de la dent de du crâne jusqu'au médiastin ; c'est souligner le risque grave,
sagesse le plus souvent mais parfois d'une autre molaire, voire mortel que représente la diffusion de ces abcès.
s'est drainé le long de la gouttière buccinato-maxillaire ; - Une tuméfaction du plancher buccal, qui n'est plus la col­
- une sensibilité pulpaire résiduelle ; lection limitée au niveau de la table interne de la mandi­
- l'anatomie des racines dentaires peut être très complexe et bule et parfois associée à un oedème lingual débutant.
maintenir isolées quelques fibres nerveuses de la nécrose - Une douleur oropharyngée très vive, qui gêne la déglutie
salivaire, s'accompagnant d'un trismus serré.

124
1 - Topographie V - Cellulite gangréneuse
Certaines formes topographiques très caractéristiques
Bien que rare de nos jours, la cellulite gangréneuse
sont décrites depuis longtemps.
existe toujours. Il s'agit d'une forme particulière de cel­
1.1 - Cellulite diffuse sus et sous-mylo-hyoïdienne lulite à germes anaérobies entraînant une production de
gaz et une nécrose tissulaire extensive.
Phlegmon du plancher buccal de Gensoul (Ludwig's angina
des Anglo-Saxons). L'infection à point de départ d'une
L'installation de celle-ci se fait secondairement au déve­
molaire mandibulaire gagne les loges sus et sous amygdalien-
loppement d'un abcès « banal ». Il s'agit initialement d'une
nes pour s'étendre très rapidement vers la région sous-
cellulite circonscrite classique qui évolue vers l'abcéda-
mentale et le tissu cellulaire centrolingual, puis vers le côté
tion. Les signes de collection s'installent en l'absence ou
opposé ; tandis que l'extension en profondeur démarre à par­
malgré une antibiothérapie. Cet abcès n'est pas ou est mal
tir de l'espace para-amygdalien et à partir de la loge hyo-
drainé (traitement causal insuffisant), ce qui favorise son
thyro-épiglottique vers l'espace prétrachéal. Tous les signes
extension.
cliniques décrits précédemment sont ici exacerbés, l'œdème
L'examen clinique est primordial et la palpation est carac­
pelvi-lingual est majeur et la dyspnée s'aggrave rapidement.
térisée par une « crépitation neigeuse » caractéristique
1.2 - Cellulite diffuse faciale due au phénomène gazeux.
2 ans la cellulite diffuse faciale de Ruppe, Petit-Dutaillis, Lei- Les signes généraux associent une hyperthermie supé­
bovici et Lattèss, Cauhépé, la molaire mandibulaire est tou­ rieure à 40 °C, une pâleur et une asthénie très marquée.
jours en cause ; la cellulite, d'abord jugale, diffuse rapide-
Essentiel : la prise en charge de la cellulite gangréneuse doit
ment vers la région massétérine et vers la fosse infra-
être réalisée en milieu hospitalier, en urgence, de façon à
Temporale. Son extension cervicale mais surtout endocrâ- assurer un drainage complet de l'abcès sous antibiothérapie
nienne conditionne le pronostic. par voie intraveineuse.

1.3 - Cellulite diffuse péripharyngienne (angine de Sénator)


Au total, le diagnostic de cellulite aiguë n'est pas en général
Elle succède à une infection amygdalienne ou de la dent
très difficile à poser: l'anamnèse, l'examen clinique exo et
de sagesse, avec :
endobuccal, un bilan radiographique simple sont suffisam­
-dyspnée ;
ment explicites, même en cas de localisation particulière.
-dysphonie ;
-dysphagie.
Le pharynx apparaît rouge, tuméfié sur toute sa surface ; le VI - Les cellulites chroniques
COU est « proconsulaire ».
L'extension médiastinale est particulièrement rapide. Les cellulites aiguës sont des formes dont la pathogénie
est virulente. Il existe cependant des formes subaiguës ou
1.4 - Abcès juxta amygdalien chroniques. Ces deux formes, voisines l'une de l'autre,
Décrite par Escat en 1908 : cette cellulite concerne la face sont moins virulentes que celles étudiées précédemment.
interne de la branche montante d'où son appellation topo-
graphique d'abcès juxta amygdalien. Elle siège dans la région Ce sont des cellulites qui ne sont rencontrées que très
du foramen mandiculaire (épine de Spix), entre le ptérygoï- rarement de nos jours. Nous ne les détaillerons pas dans
dien interne et la mandibule, en arrière du ligament ptérygo- ce propos. Les patients qui présentent ce type d'infection
maxillaire ou dans l'espace sous-parotidien antérieur. consultent dans la majorité voire la quasi-totalité des cas
Dans la cavité buccale, on doit trouver malgré le trismus directement dans un service hospitalier.
intense une obturation du bourrelet ptérygo-maxillaire et Cliniquement, on retrouve au niveau cutané en regard de
le refoulement de l'amygdale vers la ligne médiane. La col­ la dent causale, une fistule présente depuis plusieurs mois
lection tend à s'abcéder au niveau du bord alvéolaire vers voire plusieurs années. Devant ce tableau clinique, les
le collet de la dernière molaire, mais elle peut aussi des­ patients devront être orientés vers un service hospitalier
cendre sur la face interne du mandibule, ou même fuser pour prise en charge de la cellulite et de la fistule qui ne
dans la région sous-mandibulaire et seulement réaliser une guérit jamais totalement, même après traitement correct
tuméfaction de la région sous angulo-maxillaire. de la dent causale.

125
Urgences orofaciales
Cellulites

VII - Traitement des cellulites possible afin d'assurer un drainage alvéolaire. Cela ne rem­
place pas un éventuel drainage muqueux ou cutané mais
cervico-faciales d'origine dentaire le complète.
Lors de cette avulsion, un nettoyage rigoureux du site
Essentiel:
d'extraction devra être réalisé en prenant soin d'éliminer
- l e traitement des cellulites diffuses et gangréneuses se
fait en milieu hospitalier pour des raisons de surveillance ;
tous les débris, corps étrangers et séquestres infectés de
- le traitement des cellulites odontogènes cervico-faciales façon à assainir la zone concernée.
circonscrites est le plus souvent médico-chirurgical, mais
il n'existe curieusement aucun protocole défini de façon 1.3 - Incision et drainage
claire et précise dans la mesure où la littérature scientifi­ Face à une cellulite collectée, l'évacuation du pus devra
que est assez pauvre sur le sujet. être immédiate et associée au traitement du foyer cau­
À l'heure actuelle, il n'existe aucun consensus basé sur des sal. C'est la fluctuation qui permettra de mettre en évi­
preuves scientifiques et chaque praticien fait appel à sa dence la présence d'une collection au sein du tissu cel­
propre expérience clinique pour les traiter.
lulaire.
Les incisions cutanée et buccale doivent tenir compte des
D'une façon générale, la qualité principale d'un traitement impératifs d'ordre anatomique et esthétique liés à l'abord
doit être la précocité avec laquelle il est mis en place. chirurgical de la région cervico-faciale. La voie d'abord
Dans les cellulites cervico-faciales en particulier, on se doit être :
trouve face à une pathologie infectieuse grave dont l'évo­
- économe mais suffisante pour effectuer un bon drainage ;
lution est extrêmement rapide et peut mettre en jeu le
- au plus près du lieu d'élection ;
pronostic vital.
- à l'endroit le plus déclive de la collection.
Le traitement instauré est à la fois médical et chirurgical. Le
Elle doit, en outre, respecter les éléments anatomiques de
traitement médical va lutter contre la diffusion de l'infec­
voisinage, à savoir : le nerf mentonnier, l'artère faciale, le
tion et sera représenté par la prescription d'antibiotiques.
nerf lingual, le nerf infra-orbitaire...
Le traitement chirurgical des tissus envahis repose, quant
Si cela est possible, la voie d'abord sera endobuccale. Si
à lui, sur le drainage (par voie vestibulaire ou linguale, par
une incision cutanée est cependant nécessaire, elle sera
avulsion ou trépanation de la dent causale), étape incon­
faite de préférence dans une zone naturellement dissimu­
tournable quand celle-ci est possible puisqu'elle permet
lée (par exemple, un pli naturel ou en dessous du rebord
de restaurer un milieu aérobie.
inférieur de la mandibule).
Dans tous les cas, la prescription d'antibiotiques ne devra L'incision ne doit pas être perpendiculaire aux fibres mus­
jamais se substituer à l'acte chirurgical qui est indispensable. culaires car leur tonicité entraîne un écartement des deux
berges de la plaie et une cicatrice plus large.
L'anesthésie de contact est utilisée pour les collections
1 - Traitement chirurgical superficielles. Lorsque celle-ci est impossible ou insuffi­
1.1 - Parage canalaire sante, une anesthésie par infiltration est alors indiquée,
Si la dent causale semble pouvoir être traitée de manière voire une anesthésie générale si les drainages cutanés sont
satisfaisante, que ses canaux sont perméables et qu'elle multiples ou si l'accès est difficile en cas de trismus.
est accessible, on décidera d'être conservateur. La cham­ Une fois le drainage réalisé, celui-ci pourra être complété
bre pulpaire sera alors largement ouverte, les orifices par la mise en place d'une lame de Delbet. Celle-ci est
canalaires seront repérés et un parage canalaire sera réa­ introduite dans le tracé d'incision et permet ainsi d'éviter
lisé afin d'obtenir un drainage par voie endodontique. La toute fermeture prématurée de l'incision de drainage. La
dent sera laissée ouverte dans un premier temps, pour une lame est fixée à la peau ou à la muqueuse buccale par
période d'environ 48 à 72 heures et le traitement endo­ l'intermédiaire de fils de suture. Et celle-ci est protégée
dontique sera réalisé dans un second temps, après régres­ par un pansement étanche. Le drainage continue tant que
sion de l'infection (fig. 12.3). la lame est en place et qu'un écoulement purulent est
présent. Le lavage est alors réalisé quotidiennement à
1.2 - Avulsion de la dent causale l'aide d'une solution de type Bétadine® (en l'absence
Lorsque la conservation de la dent causale semble impos­ d'allergie à l'iode) jusqu'à ce que la lame soit propre
sible, son extraction sera réalisée d'emblée autant que (fig. 12.4).

126
Figure 12.3 Cellulite odontogène circonscrite aiguë sous-orbitaire. a : vue de face. b : vue palatine de 23,
responsable de l'infection. c : radiographie de 23. d : pose de la digue et curetage de la dentine coronaire
infectée. e : débris nécrotiques pulpaires éliminés lors du traitement endodontique. f : cathétérisme de 23.

127
Urgences orofadales
Cellulites

Figure 12.4 Cellulite aiguë labiale et génienne basse causée par l'infection de 36. a : un trismus limite l'ouverture buccale à 1 cm.
b : radiographie panoramique préopératoire. c : anesthésie locorégionale bouche fermée par la technique d'Akinosi. d : ouverture à
deux cm qui permet l'accès à la cavité buccale. e : vestibule comblé par la tuméfaction. f : collection purulente linguale concomitante.
g : incision vestibulaire et drainage de la collection ; outre le traitement chirurgical, la patiente reçoit un traitement médicamenteux
(amoxicilline + métronidazole). h : vue de face à une semaine.

128
2 - Traitement pharmacologique ciation entre antibiotiques permet une synergie, ce qui
constitue un bon atout thérapeutique.
2.1 - Traitement antibiotique
2.2 - Traitement antalgique
L'antibiothérapie a révolutionné le traitement et le pro­
Les signes fonctionnels ressentis par le patient atteint de
nostic des accidents infectieux graves. D'emblée, elle est à
cellulite odontogène sont importants. C'est pourquoi, une
large spectre, probabiliste puis secondairement adaptée à
prescription antalgique, associée à la prescription antibioti­
l'antibiogramme si un prélèvement bactériologique a été
que, est de règle. Le plus souvent, après avoir évalué la fonc­
réalisé. Auquel cas, l'antibiothérapie sera débutée après le
tion hépatique, nous sommes amenés à prescrire un antal­
prélèvement. Elle est nécessaire mais non suffisante en cas
gique de palier II selon l'OMS, associant paracétamol 1 g
de collections suppurées ou de plages de nécrose ; la chi­
toutes les 4 à 6 heures et dextropropoxyphène ou codéine.
rurgie se révèle alors indispensable.
Même si l'effet antalgique des anti-inflammatoires non
Nous allons détailler le type d'antibiothérapie en fonction
stéroïdiens (AINS) est comparable à celui des antalgiques
du stade de l'infection.
non anti-inflammatoires, ceux-ci ne sont pas recomman­
dés chez les patients atteints d'une cellulite odontogène
2.1.1 Les cellulites aiguës circonscrites séreuses cervico-faciale, en raison du risque d'extension du proces­
À ce stade, il n'y a pas encore de suppuration. En cas de sus infectieux (il n'existe pas de preuve scientifique à
nécrose pulpaire, l'antibiothérapie est associée à la trépa­ l'heure actuelle) et d'ulcère gastroduodénal.
nation de la dent ou à l'avulsion de celle-ci en fonction de
paramètres généraux et locaux.
Ce qu'il faut retenir :
On choisira un antibiotique à large spectre, prescrit per os
- le drainage par voie vestibulaire e t / o u canalaire, l'avulsion
pendant 7 à 10 jours. Le tableau ci-après résume les poso­ de la dent causale devra être réalisée d'emblée sans attendre
logies avec des exemples de noms de spécialité (tab. 12.1) l'éventuel effet d'une antibiothérapie probabiliste, à large
spectre, qui, rappelons-le, ne joue qu'un rôle adjuvant;
- ce traitement permettra une amélioration rapide des signes
2.1.2 Les cellulites aiguës circonscrites suppurées
cliniques, de l'état de santé du patient et évitera une diffu­
L'antibiothérapie sera prescrite parallèlement à un drai­ sion secondaire de l'infection (surtout sur un terrain immu-
nage chirurgical de l'abcès. L'avulsion sera encadrée par nodéprimé), mettant en jeu le pronostic vital du patient ;
l'antibiothérapie. - il faut privilégier une association d'antibiotiques comme
L'administration d'antibiotique à large spectre est ici l'amoxicilline et le métronidazole en l'absence d'allergie à
la pénicilline ;
encore indiquée. Les molécules employées sont identi­
- il faut éviter de prescrire des AINS en antalgique.
ques à celles citées dans le tableau précédent. L'asso-

Tableau 12.1 Choix et posologies des antibiotiques utilisés dans le traitement des cellulites circonscrites (en gras, le traitement de
choix en l'absence d'allergie à la pénicilline).

Antibiotique Spécialité Posologie adulte Posologie pédiatrique


50 m g / k g / 2 4 h en 3 fois
Amoxicilline+métronidazole CLAMOXYL®+FLAGYL 1,5 g par jour 45 m g / k g / 2 4 h en 3 fois
en 3 fois

Amoxicilline + acide AUGMENTIN ® 3 g par jour en 3 fois 80 m g / k g / 2 4 h en 3 fois


clavulanique

Clindamycine DALACINE® 1,2 g par jour en 2 fois 25 m g / k g / 2 4 h


+ métronidazole FLAGYL® 1,5 g par jour en 3 fois 45 m g / k g / 2 4 h en 3 fois

Pristinamycine PYOSTACINE® 3 g par jour en 3 fois 50 m g / k g / 2 4 h


+ métronidazole FLAGYL® 1,5 g par jour en 3 fois 45 m g / k g / 2 4 h en 3 fois

129
Urgences orofaciales
Cellulites

VIII - Diagnostic différentiel Conclusion


- autres tuméfactions Parmi les facteurs suivants, (population à faible niveau
socio-économique, tabagisme, présence de caries non soi­
Chez un malade tuméfié, l'absence d'une porte d'entrée
gnées...), il semble que ce soit leur regroupement et non la
infectieuse principalement dentaire, doit alors faire envisa­
présence d'un seul de ces facteurs, qui crée un terrain favo­
ger en fonction des critères descriptifs complémentaires à
rable au développement d'une cellulite cervico-faciale.
la tuméfaction des maladies de toute nature y compris
d'exceptionnelles pathomimies :
- infections et affections dermatologiques (kyste sébacé, Cependant, les données ne permettent pas de prévoir
impetigo, œdème facial dur persistant ou maladie de avec exactitude le risque de survenue et le caractère de
gravité d'une cellulite chez un patient donné. En effet, tous
Morbihan, staphylococcies malignes de la face) ;
les patients présentant ce type de facteurs ne développe­
- infections salivaires ;
ront pas une cellulite, et la gravité de celle-ci sera variable
- emphysème sous-cutané ; d'un patient à l'autre. Il s'agit donc de facteurs de risque.
-accidents allergiques.

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131
Urgences des muqueuses buccales
Corinne HUSSON

L
es urgences en pathologie de la muqueuse buccale
sont peu fréquentes et toujours soutenues par la
notion de douleur. Il ne s'agit pas toujours de mala­
dies graves, la plupart de ces affections urgentes bruyantes
étant bénignes ou spontanément résolutives, contraire­
ment aux affections tumorales qui évoluent à bas bruit
très longtemps et passent inaperçues. Il faut néanmoins
connaître cette pathologie d'urgence engendrant chez le
patient une grande anxiété. Il existe toujours une réponse
thérapeutique pouvant soulager le patient très vite, lui
évitant d'errer auprès de plusieurs spécialistes.
La cavité buccale est tapissée par une muqueuse malpi-
ghienne qui présente de notables différences avec la peau.
Elle peut être intéressée par de nombreuses dermatoses
Figure 13.1 Herpès.
auxquelles il faut ajouter les manifestations de certaines
affections systémiques et une riche pathologie infectieuse
et tumorale. Les lésions muqueuses sont parfois secondai­
res à un problème dentaire, osseux ou salivaire.
Les différentes conditions médicales susceptibles de don­
ner lieu à une consultation en urgence sont les suivantes.

I - Primo infection herpétique


Il s'agit du 1 e r contact du virus Herpès simplex (HSV1 ou
HSV2) avec l'organisme. Cette infection virale touche très
fréquemment les enfants mais peut aussi se rencontrer
chez l'adulte jeune.

I - Le tableau clinique
II comporte une altération de l'état général avec fièvre, Figure 13.2 Herpès.
asthénie, adénopathies cervicales et dysphagie très impor­
tante de survenue brutale. L'examen montre un tableau de Un cytodiagnostic permettra de confirmer très rapide­
gingivite aiguë douloureuse avec un érythème, un oedème, ment qu'il s'agit d'une infection herpétique. Une sérologie
et des érosions post-vésiculeuses débutant sur la muqueuse herpétique à répéter au bout de 2 semaines montrant
gingivale qui est toujours atteinte en premier (fig. 13.1 et 13.2). l'élévation significative des taux d'anticorps prouvera qu'il
Ensuite, les érosions arrondies, de 2 à 4 mm de diamètre, s'agissait d'une primo-infection, de même que la nature
s'étendent en quelques jours à toute la muqueuse buccale IgM des anticorps décelés dès le premier prélèvement. Un
et oropharyngée, tendant parfois à confluer en plaques prélèvement virologique peut confirmer le tableau clini­
érosives à contours polycycliques. que très caractéristique.

133
Urgences orofaciales
Urgences des muqueuses buccales

2 - Le traitement
Il repose sur la prescription de Valacydovir (Zelitrex®) qui
soulage rapidement le patient et réduit à 7 jours la durée
d'une infection qui habituellement, chez les sujets immu-
nocompétents, cicatrise spontanément en 15 à 20 jours.

II - Pemphigus vulgaire
C'est une maladie bulleuse auto-immune de l'adulte qui
débute habituellement sur la muqueuse buccale et peut y
rester pendant toute son évolution. L'atteinte pharyngo-
laryngée est possible entraînant une dysphagie. Souvent le
patient croit avoir des aphtes qui ne cicatrisent pas. Trop sou­ Figure 13.3 Pemphigus.
vent également, le médecin non spécialisé, trompé par les
douleurs et la localisation des lésions, porte à tort ce diagnos­
tic, alors que les érosions post-bulleuses, qui succèdent rapi­
dement aux fentes acantholytiques du pemphigus, sont clini-
quement très différentes des aphtes qui sont des ulcérations
creusantes. Les fentes acantholytiques qui altèrent la transpa­
rence normale de l'épithélium se traduisent par un simple
aspect opalin de la muqueuse. Lorsque le toit de la bulle se
rompt, il apparaît une érosion à fond rougeâtre. Bulles et éro­
sions prédominent aux endroits les plus exposés frottements.
Non traitée, la maladie ne fait que s'aggraver (fig. 13.3).
Le diagnostic est confirmé très rapidement par le cytodia-
gnostic qui doit être cependant suivi d'un examen histologi-
que en immunofluorescence directe qui montre la présence
de dépôts d'IgC et de C3 dans les espaces intercellulaires de Figure 13.4 Pemphigoïde cicatricielle.
l'épithélium. Il existe parfois des anticorps anti espaces inter­
cellulaires circulants.
L'atteinte prédomine sur la muqueuse gingivale et pala­
Le traitement repose sur la corticothérapie par voie géné­ tine, pouvant s'étendre dans les cas intenses à la muqueuse
rale qui doit être poursuivie plusieurs mois ou années, par­ mobile du voile, plus rarement les joues. La langue est pra­
fois associée aux immunosuppresseurs. tiquement toujours respectée.
Une atrophie épithéliale avec fibrose cicatricielle rétrac-
tile se constitue lentement avec les poussées huileuses
III - Pemphigoïde cicatricielle successives. L'atteinte buccale peut être isolée ou
s'accompagner d'une atteinte douloureuse conjonctivale
Cette maladie bulleuse auto-immune n'est pas rare chez le
sujet âgé. Elle se développe très progressivement et ne
représente pas vraiment une urgence. Elle touche plus fré­
quemment la muqueuse buccale, et plus spécialement la
gencive que la peau ou la muqueuse conjonctivale. C'est
IV - Lichen plan érosif majeur
l'atteinte conjonctivale qui peut conduire à la cécité qui C'est une maladie dermatologique inflammatoire chroni­
fait donc la gravité de cette affection. que où l'atteinte buccale est prépondérante, parfois iso­
Il s'agit de bulles à contenu clair ou parfois hématique sur lée. L'étiologie est inconnue (LP1 idiopathique) en dehors
fond de muqueuse érythémateuse, laissant après rupture des réactions du greffon contre l'hôte, du rôle de l'hépa­
des érosions à fond fibrineux jaune grisâtre (fig. 13.4). tite C et de certains médicaments (4 e LP induit). Le lichen

134
plan buccal se traduit par des lésions blanches réticulées
siégeant en n'importe quel endroit de la muqueuse avec
une prédilection pour la langue et la partie postéro-infé-
rieure des joues.
L'évolution est très longue, durant des années ou des dizai­
nes d'années, avec des poussées et des périodes de rémis­
sion. L'activité du lichen se traduit cliniquement par un
érythème entre les mailles du réseau. Un processus liche-
nien très actif est marqué par une forme clinique érythéma-
teuse érosive ou bulleuse. Il existe des formes très actives
où le patient présente de larges nappes érosives très dou­
loureuses, touchant les lèvres, les joues et le palais (fig. 13.5)
Le diagnostic est plus aisé si le patient a déjà un LP buccal,
cutané ou génital connu.
Figure 13.5 Lichen plan érosif.
Le traitement repose sur la corticothérapie et la mise en
état du milieu buccal s'il existe des foyers infectieux den­
taires, notamment une parodontite chronique. candidosique chronique. L'interrogatoire permet souvent
Les facteurs irritatifs locaux (tabac, dentaire : 3e molaire de retrouver l'allergène (dentifrice, bain de bouche). Si
inférieure enclavée) exacerbent le lichen par phénomène besoin des tests allergologiques seront proposés.
de Koebner. Quelle que soit l'activité du lichen, une sur­
veillance périodique s'impose pour guetter l'apparition
d'une éventuelle transformation carcinomateuse cancé­ VI - Angina bullosa haemorrhagica
reuse qui peut survenir après des années d'évolution.
C'est une maladie très rare de l'adulte qui présente une ou
plus rarement plusieurs grosses bulles hémorragiques de la
muqueuse buccale qui apparaissent fréquemment au
V - Stomatite allergique de contact cours ou après un repas. L'alimentation chaude pourrait
les favoriser.
Il s'agit d'un patient présentant de façon aiguë une douleur
Elles siègent sur l'oropharynx pouvant donner une sensa­
avec sensation de brûlure lors de l'alimentation, du bros­
tion d'étouffement ou parfois sur les bords de la langue et
sage des dents, ou après des soins dentaires.
les joues.
L'examen retrouve des nappes mal limitées d'érythème sur
Leur taille peut atteindre plusieurs centimètres et le
la muqueuse labiale, les joues et les bords de la langue. Il
contenu de la bulle est rouge foncé à noirâtre. La cortico­
peut exister de très petites vésicules qui ne se traduisent
thérapie locale ou en pulvérisations nasales a été incrimi­
cliniquement que par un exsudat fibrineux.
née mais le plus souvent aucune cause n'est retrouvée à
La muqueuse buccale est très tolérante aux allergènes et
cette affection bénigne non auto-immune.
ces tableaux sont rares. Les produits utilisés pour les soins
Le traitement en cas de bulle volumineuse consiste à éva­
dentaires et les matériaux employés pour les prothèses sont
cuer le contenu hématique par une petite incision latérale
habituellement très bien tolérés et pour les incriminer il faut
de la bulle à la pointe du bistouri, sans anesthésie, et sans
constater un érythème rouge vif de la muqueuse.
excision du toit qui se réapplique sur le plancher.
Il faut distinguer les stomatites allergiques de contact des
La cicatrisation spontanée se fait en quelques jours après
stomatites d'irritation induites par certains produits plus ou
incision ou rupture spontanée du toit de la bulle.
moins caustiques qui ne mettent pas en jeu de réaction
allergique, et se traduisent plutôt par des manifestations
érythémateuses ou érosives. Certaines prothèses sont mal
acaptées ou il existe une surinfection candidosique. Il faut VII - Aphte géant
aussi les distinguer des érythèmes qui peuvent se produire Les aphtes buccaux peuvent être isolés ou s'inscrire dans le
sous les plaques prothétiques dus tantôt à une surcharge cadre d'une aphtose atteignant d'autres organes. L'aphte
(pression excessive sur la muqueuse en rapport avec une commun est très fréquent dans la population normale, il sur­
mauvaise conception de la prothèse), tantôt à une infection vient de façon sporadique. Chez ces patients ou chez ceux

135
Urgences orofaciales
Urgences des muqueuses buccales

porteurs d'une aphtose buccale récidivante, les aphtes peu­


vent mesurer 1 cm ou plus. Il s'agit alors d'ulcérations bucca­
les profondes et très douloureuses surtout si elles siègent
sur les bords de la langue car elles empêchent l'élocution ou
si elles siègent dans l'oropharynx empêchant l'alimentation.
Cliniquement l'aspect est celui d'une ulcération très dou­
loureuse arrondie ou ovalaire, à fond nécrotique, jaunâtre,
recouverte de fibrine, déprimée en cupule, entourée d'un
bourrelet inflammatoire induré et surélevé (fig. 13.6 à 13.8)
Sans traitement, la lésion dure plusieurs semaines ou mois
et laisse des cicatrices fibreuses rétractiles et mutilantes. Le
traitement repose sur la prise ponctuelle de corticoïdes qui
soulage le patient en 48 heures et accélère la cicatrisation.
En cas d'aphtose buccale récidivante un traitement par
Figure 13.6 Aphtes.
Colchicine ® ou Thalidomide ® peut être proposé. Les aph­
tes géants correspondent à une atteinte de vaisseaux plus
profonds et de plus gros calibre. Un bilan biologique mini­
mum (NFS) permet d'éliminer une agranulocytose.

VIII - Érythème polymorphe


C'est une maladie de l'adulte jeune qui touche la peau et
les muqueuses. L'atteinte de la muqueuse buccale peut
être isolée.
Au cours de cette affection souvent récidivante, les pous­
sées successives peuvent être marquées tantôt par une
éruption cutanéo-muqueuse, tantôt seulement par des
bulles endobuccales. Au stade initial, des bulles de taille
variable à contenu clair ou parfois hématique apparaissent
sur la muqueuse des joues, des lèvres, de la langue et du
palais. Sur la peau les lésions sont soit des bulles à évolu­ Figure 13.7 Aphtes.
tion nécrotique sur base érythémateuse, soit des bulles en
cocarde (une bulle centrale entourée par une aréole
érythémateuse entourée par une couronne de petites bul­
les ou vésicules), elles sont moins visibles sur la muqueuse
(fig. 13.9).
Les lésions buccales sont des érosions post-bulleuses sur
muqueuse érythémateuse, à fond fibrineux jaune rosâtre,
entourées par une large aréole érythémateuse. Ces lésions
peuvent être parfois très étendues, atteignant également
la demi-muqueuse des lèvres et débordant sur la peau
voisine.
Elles atteignent n'importe quelle zone de la muqueuse,
mais respectent la gencive attachée et marginale au moins
au début de la poussée. L'aspect en cocarde existe histo-
logiquement sur la muqueuse, mais ne peut être reconnu
cliniquement dans la plupart des cas. Les lésions buccales
et pharyngées sont douloureuses. Figure 13.8 Aphtes.

136
Figure 13.9 Érythème polymorphe. Figure 13.10 Zona.

Il existe des causes médicamenteuses, virales post-herpé­ ses et ressemblent plus à un herpès ou à des syphilides
tiques ou liées à une infection à mycoplasme. secondaires qu'à des aphtes, avec parfois une gingivite
Parfois aucune cause n'est retrouvée et la maladie dure quel­ érythémateuse douloureuse.
ques années avec des poussées plus ou moins fréquentes. La
poussée dure 2 à 4 semaines et disparaît. Les corticoïdes par
voie générale soulagent le patient très rapidement.
Les études récentes ont montré que les lésions cutanées X - Zona
en cocarde correspondent à un EP de cause infectieuse
(herpès, mycoplasme, etc.), le plus souvent récidivant, qui La clinique de l'infection par l'herpès virus varicellae (VZV)
ne manifeste aucune tendance à évoluer vers le syndrome est caractérisée par une éruption buccale de vésicules à
de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell. Les bulles topographie unilatérale, ressemblant à celles de l'herpès,
nécrotiques en revanche correspondent à un EP de évoluant rapidement vers de larges placards érosifs à fond
cause médicamenteuse, qui peut évoluer rapidement en grisâtre entourées d'une nappe d'érythème. L'éruption est
syndrome de Stevens-Johnson, avec atteinte bucco- d'autant plus douloureuse que le sujet est plus âgé, et
pharyngée, trachéo-bronchique, et en syndrome de Lyell s'accompagne d'adénopathie (fig. 13.10).
avec grands décollements bulleux cutanés autrefois régu­ -Le zona de la branche maxillaire du trijumeau (V2) inté­
lièrement mortels, syndrome qui est actuellement grave resse le palais, la gencive, le vestibule supérieur, la partie
par ses séquelles ophtalmologiques. supérieure de la joue et la lèvre supérieure.
-Le zona de la branche mandibulaire du trijumeau (V3)
intéresse la gencive inférieure, le vestibule inférieur, la
partie inférieure de la joue et la lèvre inférieure.
IX - Primo-infection VIH - Le zona du ganglion trigéminal intéresse le bord de la lan­
La reconnaissance de ce tableau clinique permet au gue et la zone Ramsay-Hunt du pavillon de l'oreille
patient un traitement précoce, de plus c'est la période où (autour de l'orifice du conduit auditif).
la virémie est la plus forte, la contagiosité maximale. L'affection est grave s'il existe une atteinte concomitante
ll existe une altération de l'état général avec syndrome du VI (branche ophtalmique). Chez le sujet âgé, le risque
grippal et une éruption non spécifique du tronc et de la est un développement d'algies post-zostériennes. Le trai­
muqueuse buccale. tement est le valacyclovir per os pendant sept jours qui
permet de réduire la survenue de douleurs post-zostérien­
L'atteinte buccale est caractérisée par des petites érosions
nes et réduit considérablement le temps de l'érosion.
dites « aphtoïdes », qui ne sont que peu ou pas douloureu-

137
Urgences orofaciales
Urgences des muqueuses buccales

XI - Gingivostomatite nécrotique En l'absence de diagnostic surviennent des complications


cardiaques et vasculaires (anévrismes coronaires, myocar-
et Noma dite, thromboses).
Le Noma tire son nom du grec nomein qui signifie dévorer. Le traitement repose sur l'administration d'immunoglobuli-
C'est une stomatite gangréneuse de la face à point de départ nes polyvalentes à forte dose en association avec l'aspirine.
endobuccal touchant les jeunes enfants dénutris, et le plus
souvent secondaire à une maladie infectieuse. Le Noma n'est
pas une maladie tropicale, c'est une maladie de la précarité.
On a constaté que la distribution du Noma était superposa-
XIII - Brûlures buccales
ble à la répartition de la malnutrition dans le monde. ou stomatodynies
Certaines consultations sont demandées en urgence
1 - Noma et maladie infectieuse pour des malades « qui souffrent le martyre » alors qu'il
s'agit d'une affection chronique qui évolue depuis des
Le Noma fait souvent suite à une maladie infectieuse, il s'agit :
années.
-soit d'une infection virale ; les plus fréquentes sont les
Ces patients ont déjà consulté de nombreux médecins et
fièvres éruptives (la rougeole, la scarlatine, la varicelle, la
cette consultation est rarement une urgence. Cependant,
variole) mais aussi les primo-infections herpétiques ;
la douleur ressentie peut être intense. Le patient ressent
-soit d'une infection parasitaire comme le paludisme,
des brûlures, des picotements intolérables parfois asso­
l'ankylostomiase, la bilharziose, l'amibiase fragilisent le
ciés à des troubles du goût et des perturbations salivaires.
patient par destruction de ces globules rouges ou par des
L'examen clinique de l'ensemble de la muqueuse
troubles digestifs diarrhéiques ;
buccale est normal mis à part des petits signes de ten­
- soit des maladies bactériennes comme la fièvre typhoïde
sion nerveuse tels que la saillie anormale de la linea
et la tuberculose.
alba ou des « diapneusies » de la lèvre inférieure. Les
examens biologiques éliminent une hémopathie ou une
2 - Formes cliniques maladie de Biermer. La stomatodynie est souvent asso­
ciée à une dépression e t / o u un état d'anxiété nécessi­
- La stomatite débute par une gingivite d'apparence
tant une prise en charge psychologique et parfois des
banale, qui évolue rapidement vers des ulcérations
traitements médicamenteux antidépresseurs et à visée
nécrotiques à fond gris noirâtre au niveau des espaces
anxiolytique ; elle est pour ces raisons parfois appelée
interdentaires qui s'adonnent rapidement à la gencive
paresthésie buccale psychogène (PBP).
attachée et à l'os alvéolaire. Évolution : séquestres alvéolai­
res qui s'éliminent avec une chute des dents.
- Le Noma peut accompagner la stomatite ou non : débute
par une plaque grisâtre de nécrose de la muqueuse jugale XIV - Ulcérations traumatiques (fig.13.11)
qui s'accroît et évolue vers une nécrose massive de la
joue e t / o u de la lèvre. Si l'enfant survit, perte de mem­ Il est parfois difficile de les distinguer des ulcérations néo-
brane importante de la joue ou de la lèvre imposant une plasiques. Elles ont un contour net, un bord parfois suré­
difficile chirurgie réparatrice. levé, un fond jaune grisâtre et une base infiltrée et sont
douloureuses. Autour de l'ulcération, il existe parfois une
nappe de kératose de friction blanche grisâtre traduisant
le traumatisme local.
XII - Maladie de Kawasaki La cause peut être une prothèse neuve ou au contraire
C'est une maladie aiguë fébrile qui touche les enfants de 1 à ancienne, une dent délabrée ou agressive, une dent saine
5 ans, d'étiologie inconnue. Elle est plus fréquente au Japon. au cours d'une morsure (épilepsie), ou chez un malade
On retrouve une fièvre élevée, une rougeur conjonctivale, ayant subi une anesthésie générale ou locorégionale.
une uvéite, un érythème des mains et des pieds avec des­ La suppression de la cause doit amener la cicatrisation en une
quamation, ainsi que des adénopathies cervicales. dizaine de jours. Passé ce délai une biopsie est nécessaire.
Le début est brutal et s'accompagne d'un érythème pha­ Il existe d'autres types d'ulcérations concernant la muqueuse
ryngé, d'une perlèche, avec langue exfoliée (framboisée). buccale, d'origine médicamenteuse par exemple (fig. 13.12).

138
tumeur ulcéro-végétante qui envahit rapidement les par­
ties molles et donne des métastases ganglionnaires cer­
vicales (fig. 13.13 à 13.14).

Figure 13.11 Ulcération.

Figure 13.13 Carcinome épidermoïde invasif.

Figure 13.12 Ulcération médicamenteuse (nicorandil).

Figure 13.14 Carcinome épidermoïde invasif.


XV - Tumeurs (cf. chapitre 14)
Certaines vraies urgences tumorales ne sont diagnosti­
quées que très tardivement car le patient est asymptoma-
tique. Il s'agit du :
- mélanome malin : observé plus souvent sur la muqueuse
des gencives et du palais. Son évolution est catastrophi­
que car il est toujours diagnostiqué avec retard. C'est une
lésion noire maculeuse puis nodulaire, il existe aussi des
rares formes achromiques ;
- carcinome épidermoïde : la consultation n'est pratique­
ment jamais demandée en urgence, et souvent la lésion
est découverte au cours de soins dentaires. C'est la plus
fréquente des tumeurs malignes buccales, elle siège prin­
cipalement sur la langue, les lèvres, le plancher buccal et
le voile. L'aspect clinique le plus fréquent est celui d'une Figure 13.15 Carcinome épidermoïde invasif.

139
Urgences orofaciales
Urgences des muqueuses buccales

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140
Urgences en cancérologie buccale
Scarlette AGBO-GODEAU

Le carcinome in situ correspond à une prolifération de cel­


L'urgence en cancérologie buccale est avant tout de
lules épithéliales cancéreuses qui intéresse toute la hau­
diagnostiquer et de traiter précocement les lésions
teur de l'épithélium mais qui ne franchit pas la membrane
débutantes : lésions précancéreuses ou cancers de
basale et n'envahit pas le chorion. Cliniquement, il n'existe
petite taille. Les résultats des traitements de ces can­
cers sont encore très décevants. pas de masse tumorale et les anomalies macroscopiques
sont minimes.

Ils restent étroitement liés au stade initial de l'affection qui


Essentiel : le dépistage du carcinome in situ est primordial
conditionne aussi le coût et les séquelles des traitements ;
pour le pronostic, car à ce stade aucune métastase n'est
d'où l'intérêt d'un diagnostic précoce, qui appartient, pour constituée, le traitement local et limité peut permettre une
une grande part, aux médecins généralistes et aux chirur­ guérison.
giens-dentistes. Le rôle du praticien odontologiste est pri­
mordial car il va pouvoir intervenir à toutes les phases de la
prise en charge de ces patients : Le franchissement de la membrane basale par les cellules
cancéreuses définit le carcinome invasif ou infiltrant. Les
- au temps diagnostique avec le dépistage des tumeurs ;
cellules peuvent ensuite disséminer à distance pour for­
-au moment du traitement pour la remise en état
mer des métastases. L'extension lymphatique est la voie
dentaire ;
la plus fréquente de dissémination des carcinomes buc­
-au stade des séquelles thérapeutiques quand il retrouve
caux. La métastase ganglionnaire se fait selon le drainage
son patient ;
ganglionnaire de la région atteinte, le premier relais gan­
- ensuite, lors de la surveillance à distance.
glionnaire du drainage lymphatique est appelé le gan­
glion sentinelle.
Un des facteurs pronostiques le plus important est la taille
I - Le cancer buccal est une urgence de la tumeur au moment du diagnostic. La tumeur au stade
diagnostique débutant est peu ou pas douloureuse et peut être négligée
plusieurs semaines ou plusieurs mois avant de motiver la
consultation (fig. 14.1). Les médecins généralistes et les
1 - Généralités odontologues occupent une place privilégiée pour détec­
Dans la majorité des cas, le cancer se développe sur une ter les cancers débutants, leur rôle de dépistage est essen­
muqueuse buccale en apparence saine. Dans 17 % des cas, tiel, notamment chez les patients à risque, alcooliques e t /
il est précédé par des lésions muqueuses chroniques pré­ ou tabagiques. Chez les patients atteints de lésions bucca­
cancéreuses (Ben Slama, 2001 ; Szpirglas et Guilbert, les précancéreuses, (leucoplasies, lichen plan atrophique,
1996). Ces lésions sont des anomalies histopathologiques érythroplasie, papillomatose orale floride ou carcinome
qui peuvent aboutir à l'apparition d'un cancer. Au niveau verruqueux), c'est la surveillance régulière pluriannuelle
de l'épithélium buccal, ces lésions précancéreuses sont qui permettra de dépister précocement une éventuelle
appelées « dysplasies », ce sont des troubles acquis de la transformation carcinomateuse (fig. 14.2). C'est la modifi­
multiplication cellulaire résultant d'anomalies généti­ cation des lésions qui doit faire suspecter cette évolution.
ques qui altèrent le contrôle de la prolifération cellulaire L'apparition d'une érosion ou d'une ulcération, d'un bour­
et sont responsables d'anomalies de la maturation cellu­ geonnement, d'une infiltration doit attirer l'attention et
laire. faire pratiquer une biopsie de contrôle.

141
Urgences orofaciales
Urgences en cancérologie buccale

Figure 14.1 Cancer débutant de la pointe de la langue. Figure 14.2 Petit carcinome du bord droit de la langue déve­
loppé sur une plage de lichen plan atrophique.

2 - Caractéristiques cliniques générales - La forme végétante se présente sous l'aspect de bour­


geons, plus ou moins épais, en saillie sur la muqueuse
des cancers buccaux
saine. Certains aspects très en relief correspondent à la
La forme clinique de loin la plus fréquente est ulcéreuse, forme « exophytique ».
végétante ou ulcéro-végétante (fig. 14.3). Dans quelques - La forme ulcéro-végétante associe les deux aspects.
cas, l'aspect est fissuraire, nodulaire interstitiel ou s'étend -Dans la forme fissuraire, en « crevasse » au sein de la
en surface. La tumeur peut aussi « émerger » au niveau tumeur, l'ulcération est cachée dans une zone
d'une lésion préexistante précancéreuse. de réflexion de la muqueuse et peut être difficile à
- L'ulcération tumorale présente un bord plus ou moins irré­ visualiser.
gulier, induré, surélevé, parfois éversé ; le versant externe - Le nodule interstitiel est perçu sous une muqueuse saine
est recouvert d'une muqueuse saine ou congestive. Le ver­ mais sa dureté et le caractère infiltrant doivent éveiller
sant interne se prolonge avec le fond de l'ulcération, fine­ les soupçons. Le nodule s'ulcère quand le volume tumo­
ment végétant ou bourgeonnant, l'ulcération repose sur ral augmente.
une base indurée, plus ou moins étendue en profondeur, - La forme infiltrante ou ulcéro-infiltrante est définie par
qui déborde toujours largement les limites visibles de l'importance de la tumeur en profondeur, alors que les
l'ulcération et qui doit être appréciée par le toucher. signes d'inspection sont souvent minimes.
- La forme érosive superficielle est souvent observée sur
une plage érythroplasique ou lichénienne. Les bords sont
nets mais légèrement surélevés par rapport à la
muqueuse.
-La forme « papillomateuse hyperkératosique » ou
« carcinome verruqueux » est constituée de bourgeons
plus ou moins kératinisés à leur sommet. On la décrit
aussi, sous le nom de papillomatose orale floride (POF).
Le carcinome verruqueux de grade I est considéré
comme une « lésion précancéreuse » encore bénigne, le
grade II présente des anomalies de la couche basale avec
des bourgeons secondaires et des aspects dysplasiques,
mais seul le grade III est synonyme de «cancer», avec
l'aspect histologique d'un carcinome épidermoïde bien
Figure 14.3 Carcinome ulcéro-bourgeonnant du bord gauche de différencié ; cette forme peut être associée à une leuco-
la langue. plasie ou à un lichen plan ancien.

142
Il - Le cancer buccal est une urgence scanner thoracique au moindre doute. Un panoramique
dentaire est réalisé pour programmer une remise en état
thérapeutique dentaire avant traitement carcinologique.
Le diagnostic de cancer buccal doit être confirmé par
l'examen anatomo-pathologique d'une biopsie de la 4 - Examens complémentaires
lésion. Ce geste simple doit être réalisé, de préférence, en
milieu spécialisé avec une technique rigoureuse : prélève­ Ce bilan d'extension est systématiquement complété par
ment profond, orienté, à cheval sur la limite de la lésion. des examens complémentaires. La pan endoscopie des
L'examen anatomopathologique permet de départager, à voies aéro-digestives supérieures, effectuée sous anesthé-
côté des carcinomes épidermoïdes regroupant 90 % des sie générale, recherche une seconde localisation, permet
tumeurs malignes de la cavité buccale, les adénocarcino- d'extraire les dents très délabrées, et de faire une biopsie
mes et autres tumeurs glandulaires salivaires, les lympho- si elle n'a pas été déjà réalisée.
mes (surtout non hodgkiniens), les sarcomes (2 %), plus L'échographie abdominale et une fibroscopie gastrique sont
rarement les mélanomes malins et des tumeurs exception­ effectuées à la recherche de métastases hépatiques ou de
nelles comme les métastases buccales d'autres cancers. cancer digestif associé notamment chez les patients alcoolo-
La découverte d'un carcinome buccal nécessite la réalisa­ tabagiques. La TDM est le plus souvent demandée pour com­
tion d'un bilan local, régional et général. pléter le bilan d'extension notamment pour apprécier le
volume tumoral, l'envahissement osseux de proximité.
La classification TNM (tumeur, nodes ou ganglions, Après confirmation histologique du cancer et avec les
métastases) de la tumeur est systématique. résultats du bilan d'extension, la décision thérapeutique
est prise au sein d'une unité de concertation pluridiscipli­
Elle conditionne la décision thérapeutique et elle permet naire (UCP) regroupant un chirurgien maxillo-cervico-
de comparer des résultats thérapeutiques. facial, un radiothérapeute et un chimiothérapeute.

1 - L'extension locale 5 - Traitements des cancers


Elle s'apprécie sur la taille tumorale exprimée par le code de la cavité buccale
T selon le plus grand diamètre :
-T1 inférieur à 2 cm ; - Faute de temps, la préparation bucco-dentaire avant le
- T2 de 2 à 4 cm ; traitement du cancer est souvent limitée. Les extractions
-T3 supérieur à 4 cm ; des dents infectées, délabrées, en malposition sont effec­
- T4 si la tumeur, quelle que soit sa taille, envahit des struc­ tuées lors de l'endoscopie des VADS qui est effectuée sous
tures de voisinage (os, peau, musculature profonde). anesthésie générale. Il faut surtout évaluer la motivation
du malade à poursuivre une hygiène et une éventuelle pro­
phylaxie anti-carie pendant et surtout après son traite­
2 - L'extension ganglionnaire clinique
ment carcinologique. La chirurgie des cancers buccaux
Elle est codifiée selon le trajet des lymphatiques : étant souvent très délabrante, il faut essayer de conserver
- NO en l'absence d'adénopathie palpable ; le maximum de dents pour maintenir les futures prothèses
- N1 en présence d'une adénopathie unique homolatérale maxillo-faciales. Avant traitement carcinologique un
inférieure à 3 cm ; détartrage, des soins endodontiques ou conservateurs
- N2a pour une adénopathie unique homolatérale entre 3 peuvent être effectués à condition qu'ils soient le plus par­
et 6 cm; fait possible et rapidement terminés.
- N2b si les adénopathies sont multiples mais homolatérales;
- L'exérèse chirurgicale est le traitement de choix quand la
-N2c en cas d'adénopathie unique ou multiple controla-
taille et l'extension de la tumeur ainsi que le terrain général
térale;
du patient le permettent. Elle est plus ou moins délabrante
- N3 si la taille de l'adénopathie est supérieure à 6 cm.
et va laisser des séquelles proportionnelles à l'importance
et au siège du geste chirurgical. Elle est complétée par un
3 - L'extension métastatique (M+) curage ganglionnaire fonctionnel ou bilatéral selon les
Elle est souvent initialement pulmonaire. La radiographie constatations cliniques et scanographiques de l'examen
de thorax à la recherche de métastases est complétée d'un cervical. Certains protocoles de traitement consistent à

143
Urgences orofaciales
Urgences en cancérologie buccale

prélever le ganglion sentinelle (Nieuwenhuis, 2005) et à ne apte, en collaboration avec le centre spécialisé, à assurer
compléter le traitement par un curage ganglionnaire que si son suivi thérapeutique bucco-dentaire.
celui-ci est histologiquement envahi par la tumeur.
- Place de la chimiothérapie : elle est soit néo-adjuvante 1 - Les complications précoces
pour réduire la taille tumorale avant un geste chirurgical,
soit combinée à la radiothérapie pour les tumeurs non Les mucites sont les complications buccales fréquentes
opérables, soit palliative. Le protocole le plus utilisé est de la chimiothérapie anticancéreuse et quasi constante
l'association du 5 FluoroUracile® et du Cisplatine®. Des étu­ de la radiothérapie cervico-faciale. Il est indispensable
des concernant les dérivés du taxane (Taxol®, Taxotere®) de maintenir l'hygiène bucco-dentaire durant le traite­
sont prometteuses, cet agent utilisé seul sur des lésions ment malgré la mucite (brosse très souple de type chi­
rurgical, rinçages de bouche).
inopérables permet d'obtenir un taux de réponse partielle
ou complète de l'ordre de 40 % (le Cisplatine® utilisé seul
a un taux de réponse de l'ordre de 20 %). 1.1 - Les mucites chimiothérapiques
- La radiothérapie externe sur le site tumoral peut être uti­ Elles sont dues à l'action directe des médicaments cytos-
lisée en traitement curatif mais surtout en traitement tatiques bloquant le renouvellement des cellules de la
complémentaire de la chirurgie sur le site tumoral et gan­ muqueuse buccale. Elles apparaissent environ 7 jours
glionnaire. Ses indications dépendent essentiellement après le début du traitement et présentent des aspects
des résultats anatomo-pathologiques de la pièce d'exé­ variés en fonction de l'importance de la réaction :
rèse chirurgicale et du curage ganglionnaire, la décision érythème, érosions, ulcérations fibrineuses, voire nécro-
est prise lors d'une nouvelle consultation de l'UCP. Les tico-hémorragiques quand une neutropénie et une throm-
doses totales sont de l'ordre de 70 Gray étalées sur 6 à bopénie compliquent le traitement. La stomatite est dou­
7 semaines consécutives. loureuse, plus ou moins invalidante. La surinfection
-L'association chimiothérapie-radiothérapie concomi­ bactérienne et fongique est fréquente. Elles peuvent avoir
tante semble donner de meilleurs résultats que la radio­ un impact important pouvant parfois engager le pronostic
thérapie seule mais des études sont encore nécessaires. vital, lorsque le malade ne peut plus s'alimenter.
- La curiethérapie peut se faire en complément de la radio­ En cas d'urgences dentaires pendant la chimiothérapie, les
thérapie externe ou de l'exérèse chirurgicale (curiethéra­ soins se font avec l'accord du chimiothérapeute, en fonc­
pie de barrage) quand les limites de résection sont à la tion du bilan hématologique et de la période du traite­
limite du tissu cancéreux. ment dans laquelle il se trouve. Il est souhaitable d'atten­
dre que le taux de leucocytes soit supérieur à 2 0 0 0 / m m 3 ,
sous couverture d'un antibiotique à large spectre, et que
le taux de plaquettes soit supérieur à 75 0 0 0 / m m 3 . Le
III - Prise en charge des complications moment le plus favorable pour réaliser ces soins, se trouve
du traitement des cancers pendant les quelques jours précédant le début d'une cure
Idéalement, tout patient atteint d'un cancer de la cavité et les premiers jours du traitement sachant que l'aplasie
buccale devrait pouvoir bénéficier avant traitement carci- débute vers le 5e jour.
nologique, d'un bilan dentaire clinique et radiologique, et
d'une remise en état buccal. Le délai entre le diagnostic de 1.2 - La stomatite radique
cancer et le début du traitement est relativement court, de Elle débute vers la 3e semaine d'irradiation, les muqueuses
l'ordre de 2 à 4 semaines, principalement occupé par la réa­ sont inflammatoires, douloureuses, compliquées d'érosions,
lisation du bilan d'extension de la tumeur et au bilan préthé­ voire d'ulcérations nécrotiques, invalidantes, avec parfois
rapeutique du patient. Les soins dentaires, dans le contexte une agueusie, gênant l'alimentation. L'apparition de cette
de l'urgence carcinologique, passent malheureusement stomatite entraîne une altération de l'état général et un
souvent au second plan et sont donc reportés à une date amaigrissement. Une courte fenêtre thérapeutique favorise
ultérieure au traitement carcinologique. Le chirurgien-den­ la restauration du film muqueux.
tiste retrouve son patient porteur de séquelles thérapeuti­ Le traitement des mucites radiques ou chimiothérapiques
ques qui ne doivent pas lui faire récuser les soins dentaires, est superposable. Il est symptomatique, antalgique local
car dans cette phase, son rôle est important. Correctement (pansements gastriques type Ulcar® ou gel de Polysilane®
informé du dossier carcinologique de son patient, il est utilisés en bain de bouche), anesthésique local (gel de

144
Xylocaïne® à 2 %) voire général (médicaments de classe I et 2.3 - Gestion des séquelles et prévention
II. morphine et ses dérivés), antiseptique (bains de bouche à des complications à distance
base de bicarbonate de sodium à 14 ‰ + chlorhexidine
+ Mycostatine) et une réalimentation liquide (substituts ali­ 2.3.1 L'hyposialie ou l'asialie
mentaires liquides ou semi-liquides hyperprotidiques tels Pour humidifier la bouche, le malade utilise de l'eau miné­
que Renutryl®, Clinutren®) éventuellement administrée par rale qu'il garde avec lui en permanence. Il peut utiliser des
sonde naso-gastrique permettant la « mise au repos » et gels humectants : Bioxtra®, Aequasyal®. On peut également
l'accélération de la cicatrisation muqueuse. lui conseiller les gommes à mâcher, les boissons gazeuses
non sucrées. Des sialagogues peuvent être prescrits : le
Salagen® ou la teinture de jaborandi.
2 - Les complications à distance La prophylaxie fluorée est indispensable, effectuée par
Aucune séquelle de traitement chirurgical, chimiothérapi- l'application de gel hautement fluoré (Fluogel®, Fluocaril
que ou radiothérapique, ne contre-indique ni le maintien gel®) à l'aide de gouttières en résine souple portées pen­
de l'hygiène bucco-dentaire qui au contraire doit être ren­ dant une dizaine de minutes quotidiennement. Correcte­
forcée, ni la pratique des soins dentaires qui doivent être ment et régulièrement utilisées, elles permettent une pro­
adaptés à chaque patient. tection efficace des dents restantes contre la survenue de
caries. Elle doit débuter dans les semaines qui suivent la fin
2.1 - Le traitement chirurgical de la radiothérapie, quand la sécheresse buccale s'installe
Il est plus ou moins délabrant selon la taille et le siège de et augmente le risque cariogène. Cette prophylaxie doit
la tumeur. Les séquelles entraînent surtout des difficultés être poursuivie pendant toute la vie, associée à une
de réhabilitation prothétique. Les prothèses pré-opératoi­ hygiène rigoureuse. Le risque en l'absence d'hygiène et de
res (plaques palatines), les prothèses guides ainsi que les fluoration est la survenue d'odonto-radionécroses, les
prothèses maxillo-faciales sont confectionnées dans les dents prennent une couleur ébène, l'émail se détruit ce qui
services hospitaliers par des praticiens habitués. Leur but aboutit à des atteintes pulpaires, avec risque d'infection
est de prévenir, limiter les séquelles en améliorant les osseuse sous-jacente.
fonctions et l'esthétique. Le praticien traitant doit connaî­
tre l'appareillage de son patient, et pouvoir l'aider à régler
2.3.2 Conduite des soins dentaires
rapidement un problème mineur. Sur les prothèses
maxillo-faciales, il peut réaliser des meulages de zones Les radiographies dentaires peuvent se faire normalement.
traumatisantes, resserrer un crochet, etc., apporter un Les détartrages doivent être réguliers, les soins doivent
soulagement en attendant une consultation spécialisée. viser à éliminer toute épine irritative dentaire ou prothé­
tique, les obturations de caries se font sans précautions
Le rôle du chirurgien-dentiste est important pour aider particulières.
son patient mutilé, en lui assurant une réhabilitation L'utilisation des anesthésiques dentaires ne pose pas de
fonctionnelle et esthétique, outil nécessaire à la réin­ problème, cependant il est conseillé d'éviter les vasocons-
sertion sociale et à l'équilibre psychologique. Les soins tricteurs pour les soins des dents mandibulaires ainsi que
conservateurs des dents restantes doivent être réguliè­ les techniques d'injections traumatisantes (intra ligamen­
rement effectués pour assurer la stabilité et la rétention
taires, intra septales) compte tenu du terrain irradié pau­
des prothèses maxillo-faciales.
vrement vascularisé.
Les restaurations prothétiques peuvent être envisagées
2.2 - Les soins dentaires environ 6 mois à 1 an après la fin de la radiothérapie. Pour
Chez le patient irradié, ils sont plus délicats, les séquelles les prothèses conjointes, les préparations cervicales doi­
de la radiothérapie cervico-faciale étant souvent irréver­ vent être le moins traumatisantes et respecter les tissus
sibles comme l'hyposialie, la limitation de l'ouverture buc­ gingivaux.
cale, les dermites cutanées, la fragilité muqueuse ainsi que Avant la confection de prothèses amovibles, il faut éva­
les possibles ostéoradionécroses (Kielbassa et al., 2006). luer l'état des muqueuses et la salivation. La sécheresse
Le praticien traitant en ville doit être informé de ce qu'il buccale est un facteur de mauvaise tolérance de la pro­
peut ou ne doit pas faire car il peut être amené à intervenir thèse qui risque d'être traumatisante, elle doit donc être
en cas d'urgence. adaptée, éventuellement avec une base en résine souple.

145
Urgences orofaciales
Urgences en cancérologie buccale

(Kielbassa et al., 2006). Les traitements endodontiques se


Le risque majeur de la radiothérapie des maxillaires est
l'ostéoradionécrose (ORN) qui survient exclusivement font sous antibiothérapie avec désinfection canalaire
au niveau de la mandibule. C'est une affection doulou­ rigoureuse. Les autres actes chirurgicaux sont réalisés en
reuse nécessitant, quand elle s'étend, le recours à des milieu hospitalier. La chirurgie parodontale est contre-
antalgiques des classes II et III. Ses conséquences peu­ indiquée. La question de l'indication des implants dentai­
vent être sévères nécessitant parfois un geste chirurgi­ res chez le patient ayant reçu une radiothérapie maxillaire
cal à type d'hémi-mandibulectomie. La circonstance va se poser de plus en plus fréquemment. Elle est légitime
déclenchante est presque toujours dentaire ou périden- chez certains patients édentés, difficilement appareilla-
taire à la suite d'une extraction ou d'un acte intempestif bles avec d'autres techniques, chez qui les implants peu­
chirurgical. La muqueuse ulcérée met à nu l'os sous- vent apporter une nette amélioration de leur qualité de
jacent, en relation avec la cavité buccale septique, vie. L'indication doit se poser au cas par cas, en accord
l'infection se propage le long de l'os et reste très diffi­
avec l'équipe hospitalière, elle tient compte de facteurs
cile à stopper (fig. 14.4).
généraux (maladies systémiques, terrain psychologique),
locaux (hygiène du patient), la pose des implants se fait en
observant des précautions (anesthésie générale, antibio­
thérapie, surveillance radioclinique postopératoire...),
(Schoen et al., 2006, Bodard et al., 2006).
Le risque d'ostéoradionécrose ne décroît pas avec le
temps, les précautions préventives sont donc à appliquer
pendant toute la vie restante du patient.

IV - Surveillance du malade
Le pronostic des cancers buccaux traités reste sévère : les
récidives locales ou ganglionnaires sont fréquentes au
cours des deux premières années. Le risque de survenue
Figure 14.4 Cliché panoramique : ORN mandibulaire. d'une deuxième localisation impose une surveillance
rigoureuse. Les contrôles cliniques réguliers sont indispen­
Pour prévenir cette complication, les extractions des sables au début tous les mois, puis tous les 3 ou 4 mois.
dents mandibulaires doivent être le moins traumatisantes Passé un délai de 5 ans de stabilité clinique, la surveillance
possible, avec éventuellement utilisation de colles biolo­ devient bi annuelle puis annuelle. Les soins bucco-dentai-
giques pour combler l'alvéole, rapprochement voire sutu­ res restent primordiaux pendant les périodes de rémis­
res des berges muqueuses, afin d'accélérer la cicatrisation. sions et les guérisons, en prenant toutes les précautions
L'antibiothérapie systématique est poursuivie par sécurité nécessaires si le patient a subi une radiothérapie cervico-
jusqu'à réépithélialisation complète de la plaie d'extrac­ faciale. Le praticien de ville, a là encore un rôle important
tion, mais cette attitude n'a pas fait la preuve de son béné­ dans la surveillance carcinologique, adressant son patient
fice dans la prévention de l'ORN, de même que l'oxygéno- à l'équipe de cancérologie à la moindre lésion nouvelle,
thérapie hyperbare dont la place reste à préciser persistante ou douteuse.

146
Bibliographie
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147
Urgences en pathologie salivaire
Philippe KATZ

I - Introduction 1.1 - Étiologie


Maladie provoquée par un paramyxovirus à ARN pourvu
Les glandes salivaires font partie intégrante de la cavité d'une enveloppe à tropisme glandulaire et nevraxique,
buccale. Produisant la salive, elles sont souvent immunisant et doté d'un pouvoir hémagglutinant.
méconnues par les praticiens dentistes. Leur rôle est si Le virus se transmet par contage direct et par les goutte­
important que sans elles l'alimentation n'est plus possi­ lettes de salive. L'infection est endémique dans les pays
ble, parler devient irréaliste et la denture se détériore tempérés, mais elle se manifeste surtout en hiver par une
rapidement. petite épidémie. Elle concerne principalement les jeunes
enfants avant 5 ans. Les deux sexes sont également
Les pathologies atteignant ces organes sont diverses et atteints, mais les complications sont plus fréquentes chez
variées, allant de la simple infection jusqu'à la tumeur, ainsi les garçons : orchite, méningite, encéphalite, voire surdité.
toutes ces atteintes doivent représenter une urgence. L'incubation est silencieuse, de 18 à 21 jours.
Divisées en deux groupes, glandes salivaires principales et
glandes salivaires accessoires, leurs pathologies sont pra­ 1.2 - Anatomie pathologique
tiquement similaires. Les lésions à type d'oedème, vasodilatation, et infiltrats lym-
Dans un souci de clarté, nous ne décrirons que les patho­ pho plasmocytaires prédominent dans le tissu conjonctif
logies des glandes salivaires principales, sub-mandibulai- interstitiel interlobaire et interacineux.
res, sub-linguales et parotides.
Schématiquement, on peut distinguer deux grands chapitres : 1.3 - Clinique
- les infections quelles qu'en soient les causes ;
La forme la plus fréquente touche la parotide en donnant
- les tumeurs et formations kystiques.
un volumineux gonflement, soulevant le lobule de l'oreille
et une douleur de type otalgique. Il s'agit d'une parotidite.

L'invasion est de courte durée, de 24 à 36 heures. C'est la


Il - Les différentes infections phase de grande contagion. Elle se manifeste par de la fiè­
des glandes salivaires vre, s'accompagnant parfois de bradycardie et d'une otal-
Toutes les infections des glandes salivaires peuvent se gie survenant lors de l'alimentation. La palpation des paro­
dénommer sialites. Bien qu'il existe des sialites globales du tides se révèle douloureuse. Classiquement, l'ostium du
parenchyme et des canaux, on distingue habituellement canal de Sténon est érythémateux.
d'une part les infections du parenchyme ou sialadénites, Ces signes doivent impérativement commander l'isole­
d'autre part les infections des canaux ou sialodochites. ment de l'enfant.
Nous traiterons les sialites les plus courantes qui représen­ La période d'état est celle de la parotidite avec douleurs
tent toutes une urgence. irradiant vers l'oreille, nettement augmentée par la masti­
cation. La tuméfaction est d'abord unilatérale comblant le
sillon rétro mandibulaire et soulevant le lobule de l'oreille.
1 - Oreillons La parotidite se bilatéralise en 2 à 3 jours. Les chaînes gan­
La plus fréquente des affections salivaires, elle touche glionnaires sont très souvent atteintes.
environs 300 000 cas par an, mais a tendance à diminuer La salive est rare aux ostiums mais jamais purulente.
depuis la vaccination. L'énanthème oro-pharyngé est inconstant. Les signes

149
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

généraux sont variables d'un sujet à l'autre : fièvre, brady- vaires mais n'y détermine aucune manifestation clinique
cardie, signes méningés, lymphocytose. sauf chez des sujets immunodéprimés.
L'amylasémie élevée du 6e au 10e jour confirme l'inflam­
mation salivaire.
La guérison se fait en une dizaine de jours.
3 - Sialadénites bactériennes
3.1 - Parotidite aiguë
1.4 - Formes cliniques
3.1.1 Étiopathogénie
Elles sont souvent trompeuses : formes frustes unilatéra­
les, sub mandibulaires, et parfois lacrymales ; formes gra­ À l'état normal, la salive est stérile dans les acini et les
ves chez des enfants immuno-suppréssés ; formes compli­ canaux efférents. L'infection peut soit être ascendante,
quées de méningite, d'orchite, de pancréatite, d'atteinte d'origine buccale, soit hématogène bactérienne ou septi-
des nerfs crâniens avec surdité ou cécité. cémique, ou encore résulter de l'extension d'une infection
de voisinage.
1.5 - Diagnostic différentiel La voie d'infection ascendante est prédominante avec une
flore poly-microbienne à prédominance streptococcique.
Le problème se pose surtout avec le premier épisode de
Divers facteurs favorisent le développement de l'infection:
parotidite bactérienne chronique ou du premier épisode
infectieux d'une lithiase parotidienne. - l'hyposialie par dysfonctionnement glandulaire ;
Le diagnostic peut être confirmé par la mise en culture du - la béance du méat du canal de Sténon.
virus sur des cellules à partir de la salive et par les tests 3.1.2 Clinique
d'hémagglutination. Le début peut être soit progressif soit brutal, il s'accompa­
gne toujours de fièvre et de douleurs parotidiennes voire
1.6 - Traitement d'otalgie. L'enfant peut présenter un trismus. La glande est
Les formes simples sont traitées classiquement par isole­ tuméfiée. L'examen endobuccal montre un méat érythé-
ment de l'enfant, éviction scolaire de 15 jours, repos au lit, mateux et turgescent avec un écoulement de pus franc ou
antipyrétiques et antalgiques. de salive mucco-purulente. La mise en culture du pus per­
Les AINS sont volontiers prescrits. mettra l'identification du germe.
Les parotidites sont souvent accompagnées d'adénites
1.7- Prophylaxie intra parenchymateuses (fig. 15.1).
Un seul examen doit être demandé : l'échographie. Elle
La relative fréquence des complications et la gravité de permet de visualiser les lésions intraparotidiennes sans
certaines d'entre elles, justifient pleinement la vaccina­ traumatisme, elle est totalement indolore et facile à pra­
tion à partir de l'âge de douze mois (vaccin Imovax® tiquer. Elle montre des dilatations canalaires franches, sans
Mérieux, triple vaccin rougeole, oreillon, rubéole ou ROR).
image lithiasique (fig. 15.2).

2 - Autres sialites virales


Elles sont rares et méconnues :
- le virus de la grippe (myxovirus influenzae) provoque des
parotidites subaiguës ;
- certains virus Coxsackies A (entérovirus) provoqueraient
également des parotidites ressemblant aux oreillons. Le
virus est mis en évidence dans la salive et les fèces ; mais
ces parotidites guérissent en quelques jours, ce qui
n'incite pas à faire de diagnostic précis ;
- la mononucléose infectieuse pourrait parfois s'accompa­
gner de parotidite ;
Rappelons que le cytomégalovirus (un herpès virus), dit
virus salivaire, se trouve à l'état latent dans les cellules sali- Figure 15.1 Abcès parotidien.

150
3.2.3 Clinique
Le premier épisode de parotidite survient souvent vers
l'âge de 3-4 ans, parfois plus tôt. Il est très souvent pris
pour les oreillons.
Le deuxième épisode survient quelques mois après et il
peut encore faire penser au mixovirus et à une immunité
défaillante, mais la clinique est bien différente de celle des
oreillons.
Le début de chaque épisode aigu est précédé d'une asthé­
nie d'une à deux journées puis apparaît au cours d'un repas
une tuméfaction parotidienne uni ou bilatérale mais sur­
tout douloureuse et ferme. La fièvre est variable.
Figure 15.2 Échographie de parotidite aiguë (1 : parenchyme
On note toujours la présence d'adénopathies submandi-
glandulaire, 2 : dilatations canalaires).
bulaires et jugulo-carotidiennes.
3.1.3 Traitement L'examen endobuccal confirme le diagnostic avec l'issue
Après avoir effectué un prélèvement bactériologique, on pres­ d'une salive muco purulente. L'ostium est largement béant
crit un antibiotique en fonction du germe et l'on associera un et parfois érythémateux. Si l'on prenait le pH, ce dernier
corticoïde ainsi qu'un antispasmodique. La durée du traitement serait franchement alcalin.
doit être de 10 jours afin de parfaitement stériliser le milieu.
Si le prélèvement ne peut être effectué, il convient de 3.2.4 Examens complémentaires
prescrire toujours une double antibiothérapie associant L'examen bactériologique de la salive met en évidence une
Spiramycine® à la dose de 9 millions par 24 heures et flore polymicrobienne d'origine buccale. L'antibiogramme
Mitronidazole® 1,5 g par 24 heures ainsi qu'un corticoïde type sera utile pour le choix de l'antibiotique malgré la pluralité
Prednisolone® 40 mg par 24 heures et un antispasmodique. des germes en cause.
L'échographie sera demandée d'emblée, examen facile à
Note : il conviendra de proscrire les AINS qui n'ont aucune
réaliser, atraumatique, il permet de confirmer le diagnos­
action et les sialogogues entraînant une recrudescence des
douleurs. tic. Le parenchyme est inhomogène avec la présence de
nombreuses petites lésions hypoéchogènes de tailles
variables parfois à la limite de la visibilité. Les adénopa-
3.2 - Parotidite bactérienne chronique de l'enfant
thies intra et extra-parenchymateuses sont présentes.
Il s'agit d'une affection non exceptionnelle, pouvant évo­ L'échodoppler énergie apporte la preuve de l'inflamma­
quer au début les oreillons. tion avec une augmentation du débit sanguin intra glandu­
3.2.1 Étiopathogénie laire. Les ganglions sont hypervascularisés (fig. 15.3).
Les bactéries en cause sont presque toujours à Gram
positif : streptocoque (S. fécalis hémolytique), pneumoco­
que et staphylocoque. C'est donc une flore oropharyngée.
Le mécanisme paraît assez complexe et associe une réduc­
tion du débit salivaire, un probable déficit immunitaire
ainsi qu'une une dilatation du méat et du canal excréteur
de la glande. Souvent, les lésions sont bilatérales. Elles
peuvent guérir spontanément à la puberté.
La responsabilité du virus d'Epstein Barr a également été
évoquée.

3.2.2 Histopathogénie
Les lésions chroniques n'ont rien de spécifiques : infiltrat
lymphoplasmocytaire du tissu interstitiel, métaplasie
régressive des acini passant par le stade muqueux pour Figure 15.3 Échographie de parotidite chronique évolutive
aboutir à un état canaliculaire. (flèches : destructions parenchymateuses).

151
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

La sialographie sera pratiquée au décours de la crise dou­


loureuse. Bien que le Lipiodol Ultra Fluide® ait été retiré du
marché pour ce type d'examen, il n'en reste pas moins le
meilleur produit. L'injection doit être faite de la façon la
plus douce avec quelques millilitres de produit de
contraste. Cet examen n'est pas douloureux. Les clichés
sont faits immédiatement après l'injection, ils montrent
des lésions caractéristiques tout comme l'échographie.
Classiquement, il s'agit des images de « pommier en fleur »
représentant les dilatations canaliculaires intraparenchy- Figure 15.4 Sialographie d'une Figure 15.5 Sialographie d'une
mateuses. Ces images sont pathognomoniques de la mala­ parotidite chronique chez un parotidite chronique chez
die. Les clichés tardifs permettent de visualiser le retard à enfant (aspect typique avec l'adulte (sténose du canal excré­
l'excrétion salivaire avec la persistance du produit de microlacs lipiodolés). teur, dilatation des canaux et
atrophie parenchymateuse).
contraste au niveau des microlacs mais aussi des canaux.
Cet examen peut être pratiqué dès l'âge de 4 ans (fig. 15.4).
chyme et des suppurations. L'imagerie la plus courante à
3.2.5 Évolution et traitement effectuer reste l'échographie. Elle montre une destruction
Les épisodes successifs peuvent rester unilatéraux mais du parenchyme qui peut apparaître soit sous forme de tra-
sont le plus souvent à bascule, tantôt à droite tantôt à gau­ béculations hyperéchogènes témoignant d'une sclérose
che. Ils évoluent spontanément vers la guérison en une soit sous forme de vastes vacuoles hypoéchogènes en rap­
dizaine des jours. port avec les dilatations canaliculaires. Très rarement, on
L'antibiothérapie permet d'abréger les crises douloureu­ retrouve des calcifications hyperéchogènes.
ses. Il est choisi en fonction de l'antibiogramme. On peut Le canal de Sténon est en général dilaté et monoliforme. Les
d'emblée commencer le traitement à l'aide de Spiramy- échodopplers peuvent mettre en évidence une hypervascu-
cine® dont la concentration élevée dans la salive permet larisation dans les phases aiguës inflammatoires. La sialogra­
de réduire les crises. Il conviendra toujours d'associer un phie confirme la destruction du parenchyme laissant place
corticoïde et si possible un antispasmodique. La durée du à des dilatations canaliculaires, sorte de lacs iodés. Le canal
traitement ne sera jamais inférieure à 10 jours. excréteur est dilaté et monoliforme (fig. 15.5).
Le traitement local contribue à la désinfection salivaire : le À part, les tumeurs de Kuttner, sialadénites chroniques
Lipiodol Ultra Fluide® de l'éventuelle sialographie constitue sclérosantes qui peuvent être confondues avec d'authen­
un excellent désinfectant, permettant des rémissions allant tiques tumeurs de la submandibulaire. Leurs caractéristi­
de six mois à un an voire plus. Des lavages de la glande à ques échographiques sont évocatrices : atteinte de toute
l'aide d'antibiotiques peuvent être proposés. Des cures de la glande, avec dilatations canaliculaires voire calculs, par­
sialogogues ont été proposées avec des résultats variables. fois lésions focales hétérogènes, hypervascularisation glo­
En général, les crises s'espacent à la puberté et la guérison bale de la glande au doppler.
peut apparaître. Dans d'autres cas, la maladie se poursuit à
l'âge adulte.

IV - Sialites tuberculeuses
III - Parotidites chroniques La sialite tuberculeuse est une affection rare, mais qui
reste d'actualité. Sa localisation est le plus souvent paro-
de l'adulte tidienne. Cette pathologie est ambiguë du point de vue
Elles sont très souvent l'aboutissement d'affections diver­ nosologique. En effet, il est difficile d'une part de différen­
ses. Citons en particulier la parotidite chronique de l'enfant cier la sialite et le développement des adénopathies
qui n'a pas régressé à la puberté, les mégas canaux idiopa- concomitantes, d'autre part de préciser la chronologie des
thiques, les dolichomégasténons, les sténoses des canaux deux lésions. La parotidite se révèle par le développement
excréteurs mais aussi certaines maladies immunologiques d'un nodule froid dans la loge souvent prétragien. Les dia­
telles que le syndrome sec de Gougerot-Sjögren. Toutes ces gnostics alors évoqués sont soit une adénopathie, soit un
affections entraînent des infections chroniques du paren- processus expansif type adénome pléomorphe.

152
Dans un premier temps, l'échographie confirme la présence de ces formations, il existe une zone hyperéchogène repré­
d'une ou plusieurs lacunes intraparenchymateuses. Ces forma­ sentant le hile de l'adénopathie. Le parenchyme parotidien
tions sont très souvent hétéroéchogènes à tendance hypoé- reste normal. Les échodopplers visualisent une hypervascu-
chogène, elles sont plus ou moins bien limitées, supracentimé­ larisation des différents hiles en rapport avec l'inflammation.
triques. Le parenchyme reste normal, il est rare de trouver un Les mégacanaux sont probablement secondaires à plu­
aspect de parotidite avec dilatation des canaux. L'aspect sieurs phénomènes concomitants, une striction du sphinc­
d'adénopathie est extrêmement difficile à confirmer. Les ter du canal parotidien ne permettant pas un écoulement
échodopplers permettent de visualiser une hypervascularisa- salivaire normal associé à une déhiscence des parois cana-
tion de la lacune... Cet examen doit conduire à explorer la laires qui deviennent atones. Ces anomalies entraînent des
glande en IRM. La ou les masses sont mal limitées, en hypersi- infections répétées, qui permettent le reflux intraglandu-
gnal T2, hétérogènes, avec des zones en hyposignal corres­ laire et la stase salivaire (fig. 15.7a et b).
pondant au caséum et à d'éventuelles calcifications, en hypo­
signal en Tl. La prise de contraste est variable, et dépend de
leur degré de nécrose. Ces lésions sont aspécifiques. Même les
séquences de diffusion, très utiles en cas d'abcès à pyogène,
sont d'interprétation difficile, car le caséum est le plus sou­
vent en hyposignal sur les séquences en B1000. Seule la ponc­
tion biopsie pourra confirmer le diagnostic montrant des fol­
licules tuberculeux voire une nécrose caséeuse (fig. 15.6).

V - Adénites parotidiennes
Les rapports étroits du tissu lymphoïde et du parenchyme
glandulaire parotidien font qu'il peut être difficile de diffé­
rencier une adénite d'une parotidite. La plus courante des
adénites est la lymphoréticulose bénigne d'inoculation ou
maladie de la griffe du chat. Le germe en cause serait
Rochalimae Henselae. Elle se traduit par la présence de Figure 15.7a Méga-sténon gauche, vue de l'empreinte du canal
nodules parotidiens et d'une atteinte des chaînes ganglion­ sous la peau.
naires latérocervicales en général unilatérale. La notion de
contage est indispensable pour le diagnostic. L'échographie
permet de visualiser la présence de lacunes multiples intra­
parenchymateuses, hypoéchogènes bien limitées. Au centre

Figure 15.7b Sialographie montrant le méga-sténon avec sté­


Figure 15.6 Sialite tuberculeuse en IRM. nose serrée du canal.

153
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

VI - Submandibulite aiguë sein d'un acini pour ensuite continuer sa cristallisation en


remontant vers la sortie de la glande. À 99 % les lithiases
non-lithiasique de l'adulte ont toute la même composition : phosphate de calcium.

Il s'agit d'une atteinte non exceptionnelle de la glande


submandibulaire dont il faut savoir faire le diagnostic. 2 - Lithiases submandibulaires
C'est la plus fréquente des lithiases (70 %), elle s'observe
La glande submandibulaire augmente brutalement de dès l'âge de 3 ans.
volume entraînant une douleur insupportable. Parfois, on
peut distinguer du pus à l'ostium du canal de Wharton. 2.1 - Clinique
L'échographie confirme le diagnostic. La glande subman­ La lithiase submandibulaire est parfois découverte fortui­
dibulaire est augmentée de volume, hétéroéchogène, avec tement au décours d'un examen radiographique panora­
des dilatations canalaires franches. Aucune formation mique des maxillaires. Mais le plus souvent, elle entraîne
lithiasique hyperéchogène n'est visible. Il peut exister des des accidents mécaniques et infectieux.
adénopathies satellites dans la loge submandibulaire. Mais
il ne s'agit en aucun cas d'un adénophlegmon. Les écho- 2.1.1 Accidents mécaniques
dopplers montrent une importante hypervascularisation, - La hernie salivaire est le signe le plus fréquent, il s'agit d'un
témoignant du caractère très inflammatoire des lésions. gonflement de la glande salivaire survenant au moment du
repas, dans la région sous angulomaxillaire qui dure le
temps du repas et disparaît ensuite. Il n'y a pas de douleurs.
VII - Sialodochites - La colique salivaire se traduit par une rétention complète
de la salive et un spasme du canal excréteur. La douleur
est intense et irradie vers l'oreille ou au niveau de l'hémi-
1 - Lithiases des glandes salivaires langue. La glande est tuméfiée. Tuméfaction et douleur
principales disparaissent quelques heures après le repas. Très sou­
Les lithiases se constituent dès l'enfance, on admet vent chez les jeunes enfants cette pathologie est prise
aujourd'hui qu'elles sont d'origine génétique. En effet, il pour une amygdalite unilatérale.
existe un caractère familial et l'on retrouve très souvent
2.1.2 Accidents infectieux
d'autres membres d'une même famille ayant une patholo­
La submandibulite aiguë se révèle par une tuméfaction de la
gie identique. Il s'agirait d'un dérèglement d'une glande sali­
glande, non rythmée par les repas, entraînant une douleur
vaire principale, voire exceptionnellement de deux d'un
au niveau de la glande irradiant en arrière vers l'oreille et en
même groupe, qui aurait une excrétion plus importante en
avant vers le plancher. L'orifice du canal de Wharton est tur­
calcium. Celui-ci précipiterait dans un premier temps au
gescent, parfois on peut distinguer un écoulement purulent.

2.2 - Diagnostic
Il repose sur la découverte de la lithiase. Rarement le cal­
cul est visible au niveau de l'ostium, parfois il peut être
palpé dans le plancher de la bouche, mais cette manœuvre
est douloureuse chez les enfants (fig. 15.8).
On aura recours dans un premier temps, si l'enfant est
assez grand, à la radiographie intrabuccale, type mordu,
qui mettra en évidence une petite calcification du canal.
On pourra pratiquer aussi une tomographie panoramique
des maxillaires qui montrera parfaitement la région sous
angulomaxillaire.
Dans tous les cas, on fera une échographie de la glande et
du plancher à la recherche d'un hyperécho signant la pré­
Figure 15.8 Lithiase visible au niveau de l'ostium du Wharton sence de la lithiase et d'une dilatation des canaux salivai­
chez un jeune enfant. res (fig. 15.9)...

154
Figure 15.10a Sialographie d'un enfant de 8 ans présentant une
lithiase (flèche).

Figure 15.9 Échographe d'une lithiase sub-mandibulaire visible


sous forme d'un hyper-écho blanc.

La sialographie submandibulaire ne sera pratiquée qu'à


partir de 5 ou 6 ans en raison de la difficulté de cathété-
risme de l'ostium (fig. 15.10). Elle pourra mettre en évidence
une dilatation du canal excréteur de la glande et une image
d'arrêt du liquide de contraste par un corps étranger radio
opaque. Parfois la lithiase est radio claire mais elle entraîne
toujours un hyperécho à l'échographie.

2.3 - Traitement et pronostic


Dans un premier temps, il faut refroidir la crise douloureuse.
antibiothérapie, corticothérapie, antalgique et antispasmo­
dique seront de rigueur.
Figure 15.10b Sialographie d'une lithiase (flèche) chez un adulte
Dans un second temps, l'ablation de la lithiase chez les
enfants se fera toujours de façon non chirurgicale, soit par
endoscopie, soit par lithotripsie extracorporelle.

2.3.1 Endoscopie
L'endoscopie des glandes salivaires est pratiquée chez des
enfants à partir de l'âge de 5 ans, à l'aide d'un fibroscope
de 0,8 mm de diamètre. Cet examen ne peut être fait
qu'après avoir effectué un repérage exact du calcul par cli­
ché mordu et sialographie. Le fibroscope est introduit sim­
plement après dilatation de l'ostium et descendu en direc-
tion de la lithiase. Après avoir vérifié que la lithiase est
mobile dans le canal, que les parois canalaires ne sont pas
inflammatoires, on met en place une sonde à panier minia­
turisée qui est descendue et ouverte au niveau du calcul.
On remonte ensuite la pince et le calcul pris à l'intérieur
ces mailles, on pratique une anesthésie locale et l'on fait
une petite sphinctérotomie pour laisser passer la lithiase
(fig. 15.11). Le méat sera ensuite marsupialisé à l'aide de fils Figure 15.11 Lithiase retirée par l'intermédiaire d'une pince à
de soie. panier miniaturisée dans le canal de Wharton.

155
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

2.3.2 Lithotripsie importante tuméfaction de la glande accompagnée de


Dans le cas où la lithiase est enclavée dans la glande au douleurs et parfois de fièvre. Il sera difficile lors de la pre­
niveau du bassinet ou dans le canal excréteur, on aura mière crise de faire le diagnostic de lithiase. En général,
recours à la lithotripsie extracorporelle à ondes de choc cette crise évoquera plus une parotidite aiguë infectieuse
électromagnétique. Elle est pratiquée à l'aide d'un lithotrip- et sera traitée comme telle.
teur spécialement adapté pour les glandes salivaires. Le L'orifice du canal de Sténon est érythémateux et un écou­
repérage du calcul se fait grâce à un échographe situé au lement purulent est visible (fig. 15.13a).
centre du tube de fragmentation. Une ou deux séances sont
en général nécessaires pour fragmenter complètement un 3.2 - Examens complémentaires
calcul chez une enfant. Ce traitement n'est pas douloureux L'échographie sera pratiquée de première intention et
et ne requiert aucune anesthésie. Les fragments sont évacués montrera très souvent une glande augmentée de volume
spontanément par la salive ou par endoscopie (fig. 15.12). et inflammatoire. On remarquera la présence d'une dilata­
Ces lithiases récidivent toujours dans le temps. On tion d'un canal ou du canal excréteur avec au sein de
compte en général environ 5 années avant l'apparition cette anomalie un petit hyperécho correspondant au cal­
d'un nouveau calcul. cul (fig. 15.13b).
La radiographie sans préparation n'a que peu d'intérêt en
raison des superpositions osseuses (fig. 15.13c).
3 - Lithiase parotidienne La sialographie, si elle peut être réalisée, au décours de la
La lithiase parotidienne est beaucoup moins fréquente (29 %) crise douloureuse, montrera le blocage du produit de
et donne des signes plus tardivement à partir de 5 ou 6 ans. contraste au niveau de la lithiase (fig. 15.13d).

3.1 - Clinique 3.3 - Diagnostic différentiel


La lithiase est le souvent révélée par une parotidite. Seule la parotidite chronique peut être discutée, si l'on ne
L'infection se fait par voie rétrograde et entraîne une retrouve pas d'emblée la lithiase.

Figure 15.12 Lithiase sub-mandibulaires fragmentées par lithotripsie extracorporelle dans le canal de Wharton sur un cliché occlu-
sal(a) et sorties à l'aide de la sialo-endoscopie (b).

156
Figure 15.13 a : échographie d'une glande parotide avec une lithiase (1 : parenchyme ; 2 : lithiase ; 3 : dilatation du canal). b : sialogra­
phie d'un canal de Sténon présentant deux lithiases. c : expulsion spontanée d'une lithiase après lithotripsie extra-corporelle.

3.4 - Traitement 4 - Lithiase sublinguale


Seuls les traitements non chirurgicaux endoscopie et ou
Peu fréquente (environ 1 %), elle entraîne souvent des cri­
lithotripsie sont envisageables. Il ne saurait être question de
ses de coliques salivaires par blocage du canal excréteur
pratiquer une parotidectomie chez un enfant ou même la
de la glande.
dissection du canal de Sténon dans sa portion intrajugale.
Leur mise en évidence se fait par la clinique, très souvent,
le calcul se trouve sousmuqueux.
3.4.1 Endoscopie La whartonite est de rigueur avec un canal augmenté de
L'endoscopie parotidienne, chez les enfants, ne sera faite volume et érythémateux.
que si le calcul se trouve dans la partie terminale du canal Le film radiographie occlusal complétera le bilan et per­
de Sténon, après avoir visualisé le canal par sialographie. mettra de visualiser la lithiase.
L'ablation du calcul se fera l'aide d'une pince à panier
miniaturisée.

3.4.2 Lithotripsie
VIII - Sialadénoses
Le plus souvent, on aura recours à la lithotripsie extracor­ Elles sont essentiellement parotidiennes. Nous citerons
porelle. Ce moyen de fragmentation des calculs est beau­ les affections les plus rencontrés :
coup moins traumatisant chez les enfants et il est prati­ - l'excès d'aliments riches en amidon (pain, pomme de
quement indolore. Les lithiases étant peu calcifiées chez terre) détermine une hyperplasie modérée parotidienne.
les enfants, on ne pratiquera que peu de séances. Les frag­ L'échographie montre des glandes parotides augmentées
ments seront évacués spontanément avec la salive. de volume mais homogènes, sans signe inflammatoire ;

157
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

des deux glandes parotides sans autre anomalie. Les écho-


dopplers montreront une hypervascularisation inflamma­
toire.
La sialographie n'a aucune raison d'être pratiquée dans ce
syndrome.

3 - Traitement
La prise en charge psychiatrique est indispensable. Le
volume des glandes parotides diminuera avec une régres­
sion de l'anorexie et une reprise d'une alimentation nor­
male.

IX - Sialoses systémiques

1 - Maladie de Gougerot-Sjogrën
Figure 15.14 Photographie d'une parotido-mégalie chez une Maladie systémique auto-immune, le syndrome de Sjögren
patiente présentant un trouble comportemental. ou syndrome « sec » atteint les patients âgés de 40 à 60 ans.
le plus souvent des femmes. Le diagnostic repose sur la pré­
- l'alcoolisme induit une dystrophie salivaire. L'hyperplasie sence de symptômes associés : arthrite, kératoconjoncti-
des parotides s'observe chez des éthyliques à la phase de vite, sécheresse buccale. Les anticorps antinucléaires et la
précirrhose. Bilatérale et modérée, elle est toujours indo­ biopsie des glandes salivaires établissent le diagnostic. Le
lore. L'échographie confirme l'augmentation homogène syndrome est dit « primaire » quand il est isolé n'atteignant
du parenchyme glandulaire sans dilatation canalaire ; que les glandes salivaires ; « secondaire » quand existent des
-les syndromes anorexigènes: il s'agit de jeunes filles, altérations diffuses du tissu conjonctif péri vasculaire.
rarement de jeunes hommes, qui au moment de la L'imagerie conventionnelle par sialographie à la phase initiale
puberté développent un syndrome anorexigène à type objective des canaux excréteurs principaux de taille normale
de boulimie ou d'anorexie (fig. 15.14). ou atrophique, coexistant avec des macro ou microcollec­
tions intraglandulaires diffuses, persistant au temps d'éva­
cuation, donnant une image « ponctuée », suggestive du dia­
1 - Clinique
gnostic À la phase tardive, les kystes deviennent larges
Les patients viennent consulter pour une parotidomégalie (fig. 15.15). Cette sialographie est de moins en moins deman­
bilatérale d'apparition récente ne semblant pas rythmée dée quand l'IRM est possible. L'échographie, pour certains
par les repas. Les deux glandes parotides sont très nette­ auteurs, suffit en exploration de routine. Elle permet la sur­
ment augmentées de volume, elles sont fermes et peuvent veillance de ces patients. Elle montre un parenchyme hypoé-
être douloureuses. L'écoulement de salive se fait norma­
lement, les méats sont normaux.

C'est l'interrogatoire qui va guider le diagnostic. Devant


l'absence de signes infectieux mais surtout une certaine
maigreur, il faut essayer de savoir comment s'alimen­
tent ces patients.

2 - Examens cliniques
L'échographie sera le seul examen à pratiquer. Elle permet­ Figure 15.15 Sialographies de maladie de Gougerot-Sjogrën a en
tra de mettre en évidence des hypertrophies homogènes phase de début, b en stade terminal.

158
Figure 15.16 Maladie de Kimura. a : TDM. b : en IRM.

chogène inhomogène avec de petites zones liquidiennes. La provoque l'apparition de nodules sous-cutanés cervicaux
complication majeure de cette maladie est la survenue de indolores, parfois prurigineux, associés à des adénopathies
lymphome (4 fois plus fréquent que dans la population en particulier cervicales, et une hypertrophie des glandes
témoin). L'échographie permet la surveillance des aires gan­ salivaires. En TDM, les lésions sont tissulaires. En IRM, elles
glionnaires cervicales. Des images pseudotumorales peuvent sont en relatif hypersignal T1 et T2, associées à un œdème
exister, dues à des agrégats lymphocytaires. L'IRM permet le sous-cutané hypo-intense en T1, hyperintense en T2, et à
diagnostic dans plus de 90 % des cas. Les remaniements zones de flux circulant intra lésionnelles (15) (fig. 15.16).
micro-kystiques du parenchyme sont bien visibles, et traduits
par des lésions intraparenchymateuses liquidiennes bien limi­
tées, en hypersignal T2, hyposignal T1, ne prenant pas le con­
traste. L'évolution se fait souvent vers l'atrophie de la glande.
X - Kystes
La sialo-IRM montre des dilatations canalaires monoliformes,
parfois de petites collections dues à des abcédations. 1 - Kystes lymphoépithéliaux
Leur aspect est caractéristique. Il s'agit de formations arron­
dies, bilatérales, de plus ou moins grande taille, typique­
2 - Sarcoïdose ment en hyposignal T1 et hypersignal T2 ; mais dont le signal
Fréquente (10 % des cas), l'atteinte salivaire associée à une varie en fonction de la composition du liquide intrakystique.
paralysie faciale définit le syndrome de Heerfordt. Son II est par exemple en : hypersignal T1 et hyposignal T2 en cas
imagerie est proche de celle de la maladie de Sjögren. Elle de richesse en protéines. Ces kystes sont souvent associés
peut être associée à une atteinte des glandes lacrymales à une sinusite, des adénopathies cervicales, une hyperplasie
(syndrome de Mikulicz). de l'anneau de Waldeyer et une inflammation des cellules
mastoïdiennes. Ils font rechercher une séropositivité pour
le virus de l'immuno déficience humaine (VIH), dont ils peu­
3 - Maladie de Kimura vent être la lésion révélatrice. Le plus souvent en hyposignal
Elle est due une prolifération cellulaire lymphoplasmocy- sur les séquences en B1000. Seule la ponction biopsie
taire associée à une fibrose. Elle touche surtout les hommes pourra confirmer le diagnostic montrant des follicules
(> 80 % des cas), et prédomine entre 20 et 30 ans (78 %). Elle tuberculeux, voire une nécrose caséeuse.

159
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

Figure 15.17 a : photographie d'un volumineux lipome du plancher de la bouche. b : ranula ou grenouillette du plancher de la bouche.

2 - Les kystes mucoïdes ou ranulas savoir si elle est mobile ou non par rapport aux plans pro­
fonds.
ou grenouillettes
L'état bucco-dentaire sera vérifié.
Les mucocèles sont fréquents dans la région des glandes Une fois cet examen pratiqué, il faudra systématiquement
sublinguales. Comme pour les mucocèles sinusiennes, on demander une échographie.
souligne, dans la genèse de ces kystes le rôle d'antécé­
En effet, il s'agit du seul examen, atraumatique, facile à réa­
dents traumatiques. Elles se présentent comme une petite
liser et rapide à exécuter qui pourra donner les meilleurs
tuméfaction arrondie, indolente rénitente ou fluctuante,
renseignements et savoir s'il s'agit d'un processus expansif
d'aspect bleuté, développée le plus souvent sur le plan­
intraglandulaire ou extraglandulaire, tout en donnant des
cher buccal, sous la langue mobile. Le diamètre de la lésion
renseignements sur la glande salivaire en cause.
varie de quelques millimètres à deux ou trois centimètres.
Par la suite, il sera envisagé, soit une IRM, soit une cyto-
Traumatisée ou ponctionnée, elle se vide de son contenu
ponction à l'aiguille fine ou les deux pour compléter le
qui est analogue à du blanc d'oeuf mais la récidive est iné­
diagnostic.
luctable. Seul un traitement chirurgical avec exérèse de la
Notre propos n'est pas de donner une approche diagnos­
paroi du kyste est efficace (fig. 15.17).
tique de toutes les tumeurs des glandes salivaires, mais de
sensibiliser les praticiens sur la gravité et la responsabilité
qu'il y aurait à laisser un patient sans examen.
XI - Tumeurs des glandes salivaires
Classiquement, les tumeurs des glandes salivaires se répar­
tissent de la façon suivante (tab. 15.1) :
Les tumeurs des glandes salivaires représentent une
part non négligeable de la pathologie. Elles doivent tou­ Nous décrirons les tumeurs pouvant se rencontrer le plus
jours être traitées comme une urgence absolue. souvent, tout en sachant que cette liste n'est pas exhaustive.
Il s'agit d'un patient ou d'une patiente venant consulter
pour l'apparition d'une « boule », douloureuse ou non, 1 - Tumeurs épithéliales
située dans l'aire d'une glande salivaire principale ou du
plancher de la bouche. II s'agit des tumeurs les plus nombreuses des glandes sali­
Il appartiendra au praticien dentiste d'essayer de faire vaires.
un diagnostic. Elles représentent environ 60 % des tumeurs des glandes sali­
vaires dont plus de 50 % d'adénomes pleiomorphes et 7 % de
Pour ce faire, il faudra avoir recours à un interrogatoire cystadénolymphomes et les adénomes monomorphes étant
strict en essayant de déterminer la date d'apparition des des tumeurs beaucoup plus rares.
symptômes, le type de douleur, la rapidité d'apparition. On rajoute volontiers les kystes développés aux dépens
L'examen clinique avec la palpation de la masse, sa loca­ des glandes salivaires qui ne sont pas d'authentiques
lisation par rapport à la glande salivaire en question, tumeurs.

160
Tableau 15.1 Les différentes tumeurs des glandes salivaires

Tumeurs épithéliales
Bénignes :
Adénome pléomorphe
Adénome monomorphe (adénolymphome ou
cystadénolympnome)
Kystes (kystes intra parotidiens, pseudo-kystes salivaires)
Malignité inconstante :
Tumeurs à cellules acineuses
Tumeurs muco-épidermoïdes
Malignes :
Carcinome adénoïde kystique ou cylindrome
Adénocarcinomes
Carcinomes indifférenciés Figure 15.18 Photographie d'une patiente présentant un adénome
Carcinomes épidermoïdes pleiomorphe du prolongement antérieur de la glande parotide.
Cancers sur adénomes pleiomorphes
Métastases intraparotidiennes

Tumeurs de nature conjonctive


Bénignes:
Angiomes, hémangiomes, lymphangiomes
Lipome
Schawnnome
Malignes ;
Lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens
Hémangiopéricytomes
Fibrosarcome
Rhabdomyosarcome (enfants)
Schawnnome malin

1.1 - Adénome pléomorphe

1.1.1 Découverte de la tumeur


Le plus souvent, il s'agit d'une femme (fig. 15.18) qui vient Figure 15.19 Échographie d'un adénome pleiomorphe de la
consulter pour une petite « boule » située dans la région glande parotide.
rétro-auriculaire. Cette petite masse est ferme et indolore,
il n'existe aucun signe neurologique. Elle est en général Il faudra ensuite demander une IRM qui confirmera le dia­
d'apparition récente. gnostic. La lésion apparaîtra sous forme d'un hyposignal en
Elle peut se situer au niveau de la glande submandibulaire. T1 et d'un hypersignal en T2 (fig. 15.20).
D'emblée, il faudra évoquer une tumeur et demander les
examens complémentaires qui orienteront le diagnostic. 1.1.3 Traitement

1.1.2 Examens complémentaires Le traitement est uniquement chirurgical et consiste en


Dans un premier temps, on demandera toujours une écho- l'ablation de la glande soit de façon totale, soit partielle
mais toujours avec conservation du nerf facial.
graphie (fig. 15.19). Cette dernière donnera le siège exact de
la lésion, intra ou extraparotidienne. Dans tous les cas, la
tumeur est intraparotidienne, de nature homogène hypo- 1.2 - Adénolymphome (tumeur de Whartin
échogène, sans vascularisation intratumorale, souvent ou cystadénolymphome)
développée aux dépens du lobe superficiel. Parfois, il C'est une tumeur de l'adulte et plus particulièrement de
existe des ganglions satellites toujours infracentimétri- l'homme. Le siège est parotidien et souvent développé dans
ques. Le reste de la glande parotide est normal. Cet exa­ le lobe superficiel. Il s'agit d'une formation pouvant dépas­
men facile à réaliser orientera le diagnostic. ser 4 cm. Elle est de consistance rénitente, mais bien limitée.

161
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

Une telle tumeur identifiée par l'examen extemporané


doit a priori être considérée comme maligne ou potentiel­
lement maligne et justifie la parotidectomie totale avec
conservation du VII, tant qu'il n'est pas manifestement
intéressé par le processus néoplasique. L'atteinte des gan­
glions sera de mauvais pronostic.

2 - Tumeurs non épithéliales ou de nature


conjonctive
2.1 - Angiomes
Dans la majorité des cas, il ne s'agit pas de tumeurs mais
de dysembryoplasies (fig. 15.21).
Ils s'observent essentiellement chez le jeune enfant et le
Figure 15.20 IRM d'un adénome pleiomorphe de la parotide (flè­ nourrisson, ils sont congénitaux.
che). Ce sont des hémangiomes, des lymphangiomes ou des
hémolymphangiomes.
L'échographie confirmera la présence d'une tumeur intra-
parotidienne. En IRM, lorsqu'elle est typique, contraire-
ment à l'adénome pléomorphe, la lésion est en relatif
hypersignal T1 (présent chez près de 77 % des patients), ce
qui en fait le critère IRM le plus caractéristique et en relatif
iso ou discret hyposignal global T2. Elle présente des zones
kystiques. Elle prend le contraste après injection de façon
souvent hétérogène, avec des zones très fortement rehaus-
sées et d'autres peu. Ce caractère hétérogène est dû à la
richesse en protides de la lésion, à l'existence de remanie-
ments hémorragiques, à une éventuelle surinfection. L'IRM
permet de confirmer ou non le caractère unique de la
lésion, et de préciser ses limites. En effet, ces tumeurs
bénéficient de l'exérèse en « b l o c » par parotidectomie
partielle sous-faciale quand la lésion est unique.
Le traitement est uniquement chirurgical.

1.3 - Tumeurs muco-épidermoïdes (TME)


Les tumeurs muco-épidermoïdes peuvent se voir dès
l'enfance. Elles sont dites à malignité intermédiaire car cer­
taines peuvent se révéler malignes. Seul l'examen anato-
mopathologique pourra poser le diagnostic. Les formes
bénignes restent nodulaires, semblables en tout point de
vue aux adénomes pléomorphes tant par leur clinique que
par leurs images échographiques ou IRM. Les formes mul-
ticavitaires sont plus rares mais d'emblée suspectes de
malignité. Elles donnent des images échographiques peu
caractéristiques avec des destructions parenchymateuses
laissant place à des cavités hypoéchogènes. L'IRM
confirme l'atteinte parenchymateuse et la présence de Figure 15.21 Angiomes. a : angiomes plans de la face. b : angiome
nombreuses cavités intraglandulaires. de la face interne de la joue.

162
Un enfant sur dix naît avec un angiome. Les 3 / 4 de ces
angiomes sont de siège cervico-facial. Mais les angio­
mes ne font que 1 à 2 % du total des tumeurs salivaires.
Dans la majorité des cas, il s'agit de lésions congénitales
dysplasiques (angiodysplasie) développées à partir
d'éléments de l'unité microcirculatoire: artériole, vei­
nule, canal anastomotique, cul-de-sac lymphatique.

Schématiquement, à ces divers éléments circulatoires cor­


respondent les hémangiomes (dérivés des artérioles ou
des veinules), les «tumeurs» glomiques et les lymphan-
giomes. Les vraies tumeurs vasculaires sont rares et corres­
pondent à des hémangiopéricytomes et sont malignes.

2.1.1 Diagnostic
Dans la plupart des cas, ces anomalies sont révélées chez
le nourrisson.
Qu'ils soient parotidiens ou submandibulaires, les hémo-
lymphangiomes prennent l'aspect de tumeurs mollasses,
polylobées, mobiles sous la peau laquelle est très souvent
amincie ; adhérents aux plans profonds, indolores, irréduc­
tibles, parfois pseudo-fluctuantes, rénitentes. Figure 15.22 Hémangiome parotidien chez un jeune enfant.
L'échographie et surtout l'échodoppler mettront bien en
gerie rapides type GRASS en IRM, de l'échographie et de
évidence l'aspect circulatoire de la tumeur qui refoule lar­
l'échodoppler L'échographie objective, soit des lésions
gement les glandes salivaires sans détruire le parenchyme.
kystiques pures, soit des lésions mixtes, vasculaires et kys­
À moins qu'il ne s'agisse d'un véritable angiome, chez le
tiques. Les échodopplers indispensables objectivent une
nourrisson, seul cet examen sera nécessaire.
hypervascularisation intratumorale en rapport avec des
Le scanner peut montrer une masse hétérodense, prenant
ectasies veineuses.
le contraste lors de l'injection de produit de contraste et
permettant de visualiser précisément (phrase modifiée) 2.3 - Lipome
les prolongements.
L'aspect de cette tumeur graisseuse est caractéristique
2.1.2 Évolution en IRM, en TDM et en échographie. Elle se développe
au niveau de la glande parotide, en intra ou en juxta-
L'évolution est variable. Les masses restent parfois glandulaire ou au niveau de la glande submandibulaire
quiescentes. Elles évoluent le plus souvent chez le nour­ (fig. 15.23a et b).
risson par poussées inflammatoires pouvant entraîner
une infection voire une septicémie.
L'échographie montre une masse iso ou hypoéchogène,
Ces complications sont traitées par antibiothéraphie et
corticoïdes. pure ou associée à de nombreuses fibres hyperéchogènes,
La régression est de règle mais rarement complète. bien limitée, dépressible sous la sonde. Le lipome se dis­
tingue nettement du parenchyme glandulaire, homogène.
2.1.3 Indications thérapeutiques L'échodoppler ne fait pas apparaître de vascularisation
L'évolution étant bénigne, sans risque de transformation anormale. Son signal caractéristique suit celui de la graisse
maligne, la prudence chirurgicale s'impose. dans toutes les séquences (hypersignal T1 et T2 rapide,
Dans les lymphangiomes kystiques, on peut proposer une hyposignal en cas de suppression de graisse, pas de prise
de contraste). En TDM, sa densité est celle de la graisse. Sa
sclérose par injection de différents produits.
densité et son signal deviennent hétérogènes en cas de
2.2 - Les hémangiomes composante fibreuse associée. En IRM, la comparaison des
Ils atteignent généralement l'enfant de moins de 5 ans séquences avant et après suppression de graisse a une
(fig. 15.22). Leur diagnostic bénéficie de séquences d'ima- valeur diagnostique irréfutable.

163
Urgences orofaciales
Urgences en pathologie salivaire

Dans tous les cas, quelle qu'ait été l'importance du geste


chirurgical, la radiothérapie de la région parotidienne et
des aires ganglionnaires sera appliquée.
Malheureusement, celle-ci va entraîner des séquelles gra­
ves, essentiellement hypoplasie mandibulaire, constric-
tion des mâchoires, troubles d'évolution dentaire.
La chimiothérapie sera constamment faite.

Ce traitement bien conduit permet d'améliorer le pour­


centage de survie des petits malades porteurs de ces
tumeurs, mais compromet leur avenir professionnel,
social et familial (fig. 15.24).

Figure 15.23 a : lipome de la face interne de la joue. b : lipome


du plancher de la bouche.

2.4 - Rhabdomyosarcomes Figure 15.24 Paralysie faciale chez un patient d'une tumeur mali­
gne de la face.
Les rhabdomyosarcomes embryonnaires sont des
tumeurs assez fréquentes chez l'enfant. Siégeant plus
particulièrement au niveau du cavum ou des cavités
sinusiennes, elles ne sont pas exceptionnelles au niveau
de la parotide.
Conclusion
La pathologie des glandes salivaires représente une part
Le diagnostic ne peut résulter que de la parotidectomie importante des maladies de la cavité buccale. De la rapi­
exploratrice ou de la biopsie. dité du diagnostic dépend la guérison, si elle est possible.
La thérapeutique repose essentiellement sur la radiothéra­ La connaissance de la clinique est indispensable pour
pie et la chimiothérapie, beaucoup plus que sur la chirurgie. savoir orienter les thérapeutiques. Aucun clinicien ne peut
En effet, la parotidectomie ne peut souvent qu'être aujourd'hui laisser un patient présentant une maladie des
incomplète, en raison de l'infiltration rapide de ces glandes salivaires sans traitement car chaque pathologie
tumeurs dans les régions avoisinantes. est une urgence en elle-même.

164
Lectures conseillées
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166
Algies et dysfonctions
de l'appareil manducateur
Pierre CARPENTIER

Les algies et dysfonctions de l'appareil manducateur Remarque : si les arthromyalgies temporo-masséterines


(ADAM) sont la principale source de douleurs orofacia­ sont fréquemment associées à un dysfonctionnement de
l'appareil manducateur, de nombreux dysfonctionnements
les immédiatement après les douleurs d'origine den­
existent en l'absence de toute douleur. Les claquements et
taire. Dans ce groupe hétérogène, on reconnaît
ressauts articulaires en sont un exemple.
aujourd'hui trois sous-groupes: les dysfonctionne­
ments musculaires (groupe I) - les déplacements dis­
caux (groupe II) - les lésions articulaires dégénératives Les patients venant consulter pour une gêne fonctionnelle
- arthrose - arthrite (groupe III) (Lobbezoo et al., 2004). sont moins nombreux que ceux qui associent dysfonction­
nement et douleur. C'est donc la douleur articulaire e t / o u
Dans chaque catégorie, une crise douloureuse, associée ou non musculaire qui déclenche le plus souvent la demande de
à une gêne fonctionnelle, peut conduire le patient à consulter prise en charge.
en situation d'urgence. Cette urgence peut sembler relative car L'impossibilité soudaine d'ouvrir ou de fermer la bouche
les douleurs sont parfois présentes depuis quelque temps. Le constitue également un motif de consultation d'urgence.
patient demande alors de l'aide pour une exacerbation ou
parce qu'il n'arrive soudain plus à supporter sa douleur.

Une question capitale va permettre d'orienter le


1 - Les ADAM musculaires
diagnostic : La douleur est-elle augmentée par la masti­ La douleur musculaire est une donnée essentiellement
cation? Si la réponse est négative ou si, à l'inverse, le clinique qu'aucun marqueur biologique ne permet
patient rapporte un soulagement, le diagnostic d'ADAM actuellement d'évaluer (Stolher, 1999).
doit être écarté, car la contraction musculaire comme
l'étirement amplifient la douleur. La douleur articulaire, Selon la topographie, on reconnaît cliniquement deux
quelle qu'en soit l'origine, est également exacerbée par grands types : les douleurs localisées, par exemple au
la fonction. À l'inverse une réponse positive ne signe pas complexe temporo-masséterin et les douleurs diffuses,
obligatoirement un ADAM. Un processus invasif de la intéressant plusieurs groupes musculaires. Ces dernières
fosse infra-temporale, de la loge parotidienne, une sont de loin les plus fréquentes.
tumeur de l'ATM, un neurinome du nerf mandibu-
laire.etc. peuvent générer douleurs et dysfonctionne­
ments de l'appareil manducateur.
1 - La douleur musculaire isolée
1.1 - Douleur primaire
Même si statistiquement ces cas sont rares, il faut rester
vigilant lorsqu'un signe inhabituel vient s'ajouter au Une douleur unilatérale ressentie dans le masséter a le
tableau clinique ou lorsque l'histoire de la maladie ne plus souvent une origine locale. Elle peut être due :
coïncide pas avec le schéma classique. Une tuméfaction -à une infection locale ou une inflammation (injection
n'est pas un signe d'ADAM, des dysesthésies dans un terri­ anesthésique, etc.) ;
toire cutané non plus. En cas de doute, des examens bio­ -à un traumatisme (choc, utilisation intempestive ou sur­
logiques ou d'imagerie devront être prescrits. charge du muscle, ouverture buccale prolongée chez le

167
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

dentiste qui provoque un étirement musculo-ligamen- ment son occlusion habituelle. Cette situation clinique peut
taire, mastication d'un aliment trop dur, etc.) ; également s'observer chez un patient traité par neurolepti­
- à une interférence occlusale. ques (Halopéridol) bien que le mécanisme soit différent.
Ces événements entraînent une myosite ou un réflexe mus­
culaire de protection. Cette activité musculaire anormale
peut disparaître en quelques jours, ou si la source d'irritation 2 - Les douleurs musculaires diffuses
persiste, entraîner une raideur musculaire locale. L'évolution (douleur myofasciale - fibromyalgie)
se fait alors vers la résolution spontanée ou au contraire vers
le spasme (trismus) si les conditions persistent. La gamme des douleurs musculaires diffuses est variée.
Il peut s'agir de simples tensions ou crispations mus­
1.1.1 Les signes cliniques culaires ressenties en amont d'une épreuve revêtant
une importance particulière (examen, concours, entre­
- Une malocclusion secondaire.
tien d'embauche, etc..) ou de douleurs invalidantes pou­
- Une raideur à la palpation.
vant nécessiter un arrêt de travail. Dans ce dernier cas,
- Une douleur localisée ou référée. le patient peut consulter dans un cadre d'urgence.

1.1.2 Le traitement
-Éliminer la cause. 2.1 - Sémiologie
- Conseiller un repos musculaire ou une utilisation dans les Le signe caractéristique de ces affections est la présence
limites physiologiques. de points, nodules ou bandes douloureux (trigger point)
- Administrer des antalgiques de palier I. ressentis à la palpation digitale des masses musculaires et
des insertions musculo-tendineuses. Ces douleurs peu­
1.2 - Douleur secondaire vent être parfois spontanées. Elles sont aggravées par la
La douleur musculaire peut également être référée. Son ori­ pression, le mouvement et la mise en charge musculaire.
gine réelle n'est pas le muscle mais un autre tissu, à l'image Les patients entrant dans ce groupe viennent rarement con­
des souffrances cardiaques ressenties dans le bras gauche sulter au stade initial de l'affection, laissant la douleur s'ins­
ou la mandibule. Les causes les plus fréquentes sont taller progressivement. D'abord localisée à un groupe mus­
dentaires : une dent par exemple dont les fibres nerveuses culaire facial, elle s'étend au territoire cervico-céphalique et
« souffrent en silence » à la suite d'une carie, d'un panse­ gagne parfois la ceinture scapulaire et les membres thoraci-
ment arsenical oublié, d'une fêlure... La douleur référée ques. Le patient engage alors une automédication à base
ayant pris l'ascendant sur la douleur primaire, le patient d'antalgiques ou d'AINS qui s'avère peu efficace. Cette don­
peut ne pas rapporter la douleur dentaire. née recueillie lors de l'interrogatoire a une forte valeur dia­
gnostique. Ces patients polyalgiques consultent souvent
Ces phénomènes de douleurs référées, exceptionnels différents spécialistes selon le site douloureux prédomi­
avec les tissus superficiels (cutanés et muqueux) sont nant: gynécologue (Slocumb, 1984), gastro-entérologue
fréquents avec les douleurs profondes, dentaires et (Jorgensen et al., 1996), (Lubrano et al., 2001), rhumatologue
musculaires. Ils compliquent sérieusement le diagnostic (Jorgensen et al., 1990, Crofford et Clauw, 2002) ou... chirur­
qui fait appel dans ce cas à un test anesthésique : une
gien-dentiste puisque 20 % des patients ont une sympto-
injection au site supposé de la douleur primaire doit
matologie orofaciale. Le chirurgien-dentiste est souvent
faire disparaître la douleur référée.
consulté en première intention du fait de la gêne fonction­
nelle ressentie dans la région temporo-mandibulaire lors de
1.3 - Co-contraction la mastication. L'ouverture buccale est douloureuse et limi­
Cette entité entraîne une modification majeure des rapports tée ainsi que le serrement dentaire.
interarcades par un mécanisme d'origine centrale. Un patient
en classe II 2 d'Angle peut se présenter à la consultation Outre les douleurs musculaires diffuses, ces patients
d'urgence en classe III. La co-contraction s'installe le plus présentent plusieurs des signes suivants : limitation
souvent suite à un traumatisme uni ou bilatéral ou à une fonctionnelle, fatigabilité à l'effort, troubles du som­
lésion des surfaces articulaires (arthrose ou ostéonécrose meil, céphalées, signes dépressifs, paresthésies, vertiges,
avasculaire). Elle disparaît en trois à quatre semaines suite au colopathie fonctionnelle, qu'il faudra rechercher lors de
l'anamnèse médicale.
traitement de la douleur et le patient retrouve progressive-

168
Selon Plesh (Plesh et al., 1996), les douleurs musculaires
rencontrées dans les ADAM constituent une entité diffé­
rente des douleurs fibromyalgiques car le dysfonctionne­
ment est local alors qu'il est général dans les fibromyalgies
(FM). Cependant, en pratique clinique il est parfois difficile
de les différencier. C'est encore plus vrai en urgence. Par
ailleurs, de nombreux patients FM ont des symptômes
d'ADAM. Les patients présentant un syndrome de fatigue
chronique, une fibromyalgie, ou un ADAM partagent plu­
sieurs signes cliniques tels les troubles du sommeil, les
douleurs musculaires, la fatigue, et peinent à assumer une
vie active (Aaron et al., 2000). Les taux de comorbidité
associés à la fibromyalgie, exprimés en pourcentage, sont
de 21 à 80 % pour le syndrome de fatigue chronique, 32 à
80 % pour les colopathies (Lubrano et al., 2001), 10 à 80 %
pour les céphalées de tension et les migraines et de 75 %
pour les ADAM qui représentent le taux le plus élevé
(Aaron et Buchwald, 2003).

2.2 - Le questionnaire médical


Il va permettre d'orienter l'interrogatoire et de recueillir Figure 16.1 Points douloureux identifiables lors de la palpation
des informations concernant : musculaire et caractéristiques de la fibromyalgie selon le collège
- les traitements médicamenteux au long cours, un certain américain de rhumatologie.
nombre d'entre eux étant susceptibles de provoquer des
2.3.2 Examen clinique intra-oral
douleurs musculaires (hypocholestérolémiant) ;
- les maladies connues pour leur symptomatologie mus­ Il permettra de vérifier qu'une cause dentaire n'a pas été
omise, ce qui est rare dans un tel contexte clinique. Enfin,
culaire (polyarthrite rhumatoïde) ;
la lecture des documents fournis par le patient (examen de
- les troubles hormonaux (hypothyroïdie) ;
laboratoire, imagerie) se fera en dernière intention. Chez
- les troubles du sommeil et notamment la qualité ;
ces patients, l'examen clinique vient confirmer l'hypo­
- les douleurs cervicales et lombales ;
thèse diagnostique qui s'est construite mentalement lors
- les colopathies fonctionnelles ;
de l'interrogatoire.
- le profil psychologique (stress, anxiété, état dépressif) ;
- les facteurs psycho-sociaux qui sont fortement associés ;
- les comportements oraux parafonctionnels (Van Selms Important ! Au plan clinique, trois sous-groupes de patients
FM peuvent être isolés (Giesecke et al., 2003) :
et al., 2004).
- les patients qui présentent des douleurs extrêmes en
l'absence de t o u t facteur psychologique et cognitif ;
2.3 - Examen clinique - les patients qui ont une douleur modérée et une humeur
normale;
Il débutera toujours par un :
- les patients dont l'humeur et les facteurs cognitifs influen­
cent très largement la plainte douloureuse.
2.3.1 Examen extra-oral statique et fonctionnel
- L'examen de la cinématique mandibulaire (ouverture/
fermeture, amplitude, trajet, propulsion, latéralités). 2.4 - Examens complémentaires
-La palpation bilatérale de la musculature temporo- Certaines maladies auto-immunes (polyarthrite rhuma­
masséterine (consistance et douleur). toïde, lupus érythémateux diffus, syndrome sec) sont
- La palpation systématique des autres groupes musculai­ associées aux fibromyalgies, de même que l'hypothyroïdie
res sans se limiter à la région cervico-céphalique selon les qui est présente dans 10 % des cas. Il est donc nécessaire
recommandations du collège américain de rhumatologie en présence d'un ADAM musculaire de demander un bilan
(11 points sur 18) (fig. 16.1). biologique.

169
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

2.5 - La prise en charge de l'urgence ler l'absence de serrement. Il faut savoir que les méta-
Elle est difficile. Il s'agit de douleurs chroniques pour les­ analyses disponibles indiquent qu'il n'existe pas de
quelles les patients ont souvent déjà consulté, reçu des niveau de preuve suffisant permettant de justifier l'utili­
traitements ou expérimenté eux-mêmes différents types sation d'orthèses occlusales pour le traitement des
de traitement de toute nature (classiques, acupuncture, ADAM (Forsell et Kalso, 2004), les effets non spécifiques
physiothérapie, psychothérapie, etc.) sans succès. Certains (placebo) jouent probablement un rôle important (Dao
patients considèrent la cavité orale, proche de leurs dou­ et Lavigne, 1998) ;
leurs, comme la source la plus probable. Ils accusent la -traitement physique des groupes musculaires compre­
denture, les travaux prothétiques et bien sûr l'occlusion nant l'application de chaud e t / o u de froid, la compres­
dont ils ont lu dans des magazines ou sur internet qu'elle sion des points gâchette, l'étirement passif avec ou sans
était à la source de tous ses maux... difficile de les faire réfrigération, l'utilisation d'ultrasons, de stimulations
changer d'avis. électro-galvaniques, ou biofeedback peut être institué.
Aucun de ces traitements n'est supérieur à l'autre (Lee
Le traitement d'urgence comporte plusieurs phases : et al., 1997);
- expliquer la pathologie, déconstruire un schéma men­ - antidépresseurs tricycliques :
tal pré établi. Il faut expliquer et montrer au patient -certains auteurs considèrent les douleurs musculaires
que les douleurs musculaires ressenties au niveau de la chroniques et la fibromyalgie comme des douleurs neu-
face ne sont pas isolées, même si elles prédominent, ropathiques, notamment en raison de l'efficacité des
et que d'autres groupes musculaires sont également antidépresseurs tricycliques utilisés à faible dose,
concernés ; que la structure n'est pas en cause, même comparativement aux maladies psychiatriques ;
si une dysmorphose, un édentement, une malocclu­
sion peuvent être associés ; qu'il ne s'agit pas d'une - les thérapies physiques et cognitives associées au trai­
maladie au sens habituel du terme, mais d'un dysfonc­ tement médicamenteux du sommeil et de la douleur
tionnement neuro-musculaire induit par des facteurs donnent les meilleurs résultats dans le traitement de la
centraux et qu'une prise en charge médico-psycholo­ FM (Rossy et al., 1999) ;
gique globale est nécessaire ; - les molécules antalgiques classiques de palier I et même
- instituer une thérapie comportementale permettant Il sont peu efficaces chez ces patients ;
de prendre conscience et d'éliminer les attitudes noci­ - plusieurs études contrôlées ont en effet démontré
ves telles que grincement, serrements pouvant surve­ l'efficacité de l'amytriptyline à faible dose dans le trai­
nir lors de la journée (exemple : mettre un téléphone
tement des fibromyalgies (Plesh et al., 2000, Ashina
mobile à vibrer toutes les heures et faire vérifier par le
et al., 2004),
patient l'état d'inocclusion) ;
- instituer un régime alimentaire mou ; En conséquence, le traitement de la crise douloureuse par
-prescrire un traitement médicamenteux d'antalgiques le chirurgien-dentiste peut donc s'orienter vers un traite­
de palier I ou II, qui peut éventuellement être associée ment à l'amytriptyline (Laroxyl®), qui sera prescrite à la
à un myorelaxant. dose moyenne de 10 gouttes le soir avant 20 heures pen­
dant une période de deux à trois mois. Il est important de
prévenir le patient qu'à cette dose, il n'y a pas d'addiction
À l'issue de cette phase, la moitié des patients sont soula­
et que les effets secondaires sont très limités. Un courrier
gés en 2 à 4 semaines. Les patients doivent être revus pour
au médecin traitant ou au psychiatre permettra le suivi
réévaluation en dehors de la consultation d'urgence.
médical du patient en complétant ou en ajustant le traite­
En cas d'échec de cette prise en charge ou si le patient a
ment médicamenteux si nécessaire. Cette prescription
déjà pris des antalgiques classiques sans succès, d'autres
permet de soulager le patient en attendant la confection
traitements peuvent être tentés :
de l'orthèse si l'on décide d'en poser une.
- prolongement du traitement médicamenteux e t / o u
changement de molécule : souvent décevant ;
-mise en place d'une orthèse maxillaire ou mandibulaire Essentiel : quel que soit le traitement institué, ces patients
destinée à soulager les forces s'exerçant sur l'ATM et doivent être revus hors urgence et évalués. En cas de non-
réduire la tension musculaire. L'orthèse est portée le plus amélioration, ils doivent alors être pris en charge de façon
multidisciplinaire avec accompagnement psychologique,
souvent pendant le sommeil mais également dans les
thérapie cognitive, traitement par psychotropes...
situations où le patient risque de ne pas pouvoir contrô-

170
Il - Les A D A M articulaires La douleur qui peut accompagner le dysfonctionne­
ment est plus ou moins vive, elle irradie parfois dans
Les douleurs articulaires sont d'origine mécanique e t / o u
l'oreille et dans le masséter profond. Le pôle latéral de
inflammatoire. Étant exacerbées par la mastication, elles
l'ATM est sensible à la palpation signant l'atteinte de
conduisent le patient à consulter un chirurgien-dentiste ou l'attache latérale du disque.
parfois un oto-rhino-laryngologiste si les otalgies prédomi­ La prise en charge va consister à rassurer le patient en
nent. Le plus souvent l'examen de l'oreille est négatif (50 % lui expliquant qu'il s'agît d'une « petite entorse » et à
des douleurs auriculaires sont des douleurs référées) et le rechercher les facteurs de risques en vue d'intégrer
confrère ORL conseille au patient de s'adresser à un chirur­ dans la thérapeutique le contrôle de certains d'entre
gien-dentiste en évoquant un « trouble de l'occlusion». eux. Les facteurs fréquemment associés sont les
suivants :
-occlusion permanente des arcades dentaires (serre­
1 - La capsulite ment, grincement, parafonctions) ;
- hyperlaxité ;
Ce terme désigne une inflammation de l'articulation suite à
- mastication unilatérale ;
un traumatisme direct ou indirect ayant entraîné un léger -tensions psychiques.
étirement capsulo-ligamentaire. Le patient a éprouvé une
douleur vive en mastiquant ou lors d'un choc, et cette dou­
leur perdure tout en s'atténuant progressivement. Il faut
rassurer le patient en expliquant qu'à l'occasion d'un geste Il faut expliquer au patient l'équilibre biologique des
masticatoire malencontreux un étirement ligamentaire s'est ATM et notamment l'alternance nécessaire de périodes
produit, prescrire des antalgiques ou des AINS (exemple : de contrainte et de récupération. Le disque articulaire
Diclofenac 150 mg par jour en dose d'attaque chez l'adulte), étant mastiqué pendant les repas, il doit récupérer son
et formuler quelques recommandations comportementa­ équilibre psycho-chimique et notamment sa lubrifica­
les. La mise au repos temporaire de l'articulation nécessite tion. La mastication intempestive de chewing-gum, le gri­
le contrôle des parafonctions, une alimentation molle et gnotage et surtout le serrement dentaire, qui peut
une mastication préférentielle du côté douloureux. s'exprimer de jour comme de nuit, perturbent cet équili­
bre produisant déformation et déplacement du disque, à
l'image des disques intervertébraux qui subissent des
2 - Les déplacements discaux contraintes gravitationnelles dans la journée et retrou-
vrent leur épaisseur après une nuit de repos.
2.1 - Le déplacement discal réductible Il faudra donc demander au patient de contrôler l'absence
Les bruits articulaires ne constituent pas un motif de de serrement dentaire dans la journée, l'équiper d'une
consultation dans le cadre de l'urgence sauf si la douleur orthèse pour la nuit, lui conseiller de dormir sans
s'installe et apporte une dimension nouvelle qui inquiète contrainte latérale sur la mandibule et de mastiquer du
le patient. Le diagnostic repose sur l'examen clinique qui côté douloureux pour diminuer la charge (Naeije et
met en évidence : Hofman, 2003).
-une déviation du trajet mandibulaire à l'ouverture du La prescription d'AINS (diclofenac 1 m g / k g / j ou ibupro-
côté de l'ATM atteinte ; fène 1 200 mg/j) pendant une période de 8 à 10 jours, sauf
- un bruit franc, accompagné d'un ressaut perceptible à la contre-indication, est parfois nécessaire. Si les muscles
palpation articulaire traduisant la réduction du élévateurs de la mandibule présentent une hypertonicité
déplacement ; douloureuse à la palpation associée à un stress élevé, il est
- un recentrage de la mandibule en fin de trajet ; possible d'ajouter un myorelaxant. La prescription d'ima­
- une amplitude d'ouverture normale ; gerie n'est pas recommandée en première intention, le
- un claquement à la fermeture buccale lorsque le disque bilan clinique étant plus pertinent pour diagnostiquer un
se déplace à nouveau. ADAM que le cliché panoramique, ce qui ne signifie pas
que ce dernier soit inutile dans le diagnostic d'une douleur
Le claquement de fermeture toujours plus discret doit orofaciale (Epstein et al., 2001, Leon, 2004). Il n'y a pas non
être recherché en réalisant une pression sur le menton plus d'indication à prescrire un scanner ou une IRM (White
pour confirmer le diagnostic de claquement réciproque. et al., 2004).

171
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

2.2 - Le blocage discal situation est la plus fréquente, Les attaches disco-
condyliennes se sont étirées progressivement et surtout
Le contexte clinique est le même que précédemment le disque a perdu sa morphologie initiale garante de sa
mais des épisodes de blocage mandibulaire empêchant
stabilité naturelle sur la tête condylienne.
l'ouverture se produisent occasionnellement soit en
Le traitement va dépendre de plusieurs facteurs et sera
mastication, soit le matin au réveil. Il s'agit d'un dépla­
cement discal qui se réduit très tardivement à l'ouver­ différent selon l'association de ces facteurs.
ture et qui parfois ne se réduit pas.
b - Réduction du déplacement discal par manipulation
♦ Dans un contexte traumatique
Cette situation est très inconfortable pour le patient, qui
se trouve parfois dans l'impossibilité d'ouvrir la bouche. Il Un diagnostic différentiel doit être réalisé cliniquement et
faut alors lui conseiller d'effectuer des mouvements de confirmé par une imagerie de première intention (examen
latéralité droite et gauche pour se débloquer. Dans cer­ panoramique) pour écarter une fracture condylienne. Il n'y
tains cas, le patient n'arrive plus à retrouver son occlusion a pas non plus d'indication à prescrire un scanner ou une
car les attaches discales sont tellement lâches que le dis­ IRM(White et a/., 2004).
que se positionne de façon anarchique et fait obstacle. Il ♦ Chez un patient jeune ou d'âge moyen
est alors obligé de développer une gestuelle mandibulaire Sans antécédent articulaire, venant consulter quelques
particulière, voire d'appuyer sur l'ATM, pour parvenir à jours après le traumatisme ou au plus tard après un délai
retrouver ses contacts dentaires. Heureusement, cette de deux à trois semaines, on doit tenter une manipulation
période dure au plus quelques semaines avant d'évoluer pour repositionner le disque. Le pronostic est favorable
vers un déplacement non réductible du disque. car sa morphologie étant préservée, il va réintégrer
l'espace qu'il occupait précédemment, les surfaces articu­
2.2.1 Le déplacement discal non réductible laires n'ayant pas eu le temps de se modifier. Les attaches
C'est un contexte d'urgence typique car le patient ne par­ ayant été étirées, un claquement réciproque pourra néan­
vient plus à ouvrir la bouche ce qui l'inquiète beaucoup, moins, constituer une séquelle traumatique bien qu'il n'y
d'autant que la douleur est vive, comparable à celle d'une ait pas de certitude en ce domaine.
otite. La technique extra-orale de Mongini a notre préférence
Le diagnostic repose sur l'examen clinique qui met en car elle peut être utilisée quelle que soit la limitation
évidence : d'ouverture, sans nécessité une anesthésie préalable du
- une limitation importante de l'ouverture buccale (parfois nerf auriculo-temporal (Mongini, 1995) (fig. 16.2).
< au cm) ; Il faut ensuite maintenir cette position bouche ouverte en
- une déflexion du trajet d'ouverture du côté de la lésion ; interposant des cotons salivaires le temps de préparer le
- une limitation du mouvement de latéralité du côté matériel nécessaire à la réalisation d'une empreinte man­
opposé à la lésion ; dibulaire ou maxillaire, afin de confectionner extempora-
- une propulsion limitée et défléchie du côté douloureux ; nément une gouttière dont le port sera continu pendant
- l'absence de bruit articulaire. au moins trois semaines. Il est préférable d'adjoindre des
AINS pendant la première semaine.
a - Mécanismes physiopathotogiques En cas d'échec, l'ouverture buccale s'étant améliorée suite
Il est indispensable de bien dissocier les deux modalités aux manipulations précédentes, une manœuvre intra-
conduisant à cette situation clinique. orale peut être envisagée (Martini et al., 1996) (fig. 16.3).
-Soit le déplacement discal non réductible survient On s'orientera vers un traitement purement symptoma-
d'emblée suite à un traumatisme direct sur la mandibule tique si les éléments suivants sont retrouvés dans l'anam-
(coup-de-poing, sport de contact, chute sur le menton), nèse:
chez un patient n'ayant aucun antécédent articulaire. Les -antécédent de claquements articulaires depuis de nom­
attaches discales sont brutalement étirées sous l'effet du breuses années (10,15 ans) ;
choc, en particulier l'attache latérale la plus fragile, mais - sujet âgé ;
la morphologie du disque est préservée. - perte du calage dentaire postérieur ;
-Soit, il survient après un déplacement discal réductible - facteur systémique (hyperlaxité) ;
installé depuis plusieurs mois ou plusieurs années. Cette -facteurs psychologiques (stress, état dépressif).

172
Figure 16.3 Réduction d'un déplacement discal par la manœuvre
intra-orale de Martini.
Si le blocage concerne l'ATM gauche, le pouce de la main droite
est placé sur les molaires ou sur le pied de la branche mandibu-
laire du côté de l'articulation bloquée, tandis que les autres
doigts saisissent le bord basilaire de la mandibule. Le bras
opposé contourne la tête du patient pour l'immobiliser, t o u t en
amenant l'extrémité de l'index sur le pôle latéral du condyle.
Figure 16.2 Réduction d'un déplacement discal par la technique Simultanément, le praticien appuie sur les molaires et tracte la
extra-orale de Mongini. mandibule vers l'avant, tandis que l'index appuie sur le pôle laté­
Dans un premier temps, le patient exécute seul des mouvements ral pour chercher à l'abaisser.
de latéralités, sans chercher à ouvrir la bouche, pendant deux à
Trois minutes afin de bien lubrifier les surfaces articulaires. Puis
le praticien placé face au patient, saisi le menton d'une main et aura jamais d'ankylose et que de toute façon, la chirurgie
guide doucement les mouvements mandibulaires en latéralité. Il
ne lui rendra pas une articulation neuve.
augmente progressivement son emprise sur le patient en immo­
bilisant de l'autre main l'arcade maxillaire et poursuit son assis­ Pendant cette période, différents moyens lui seront pro­
tance en restant bien en phase avec le patient. Une pression posés pour favoriser l'adaptation articulaire et prendre en
forte et soudaine est effectuée du côté opposé à la lésion en charge la douleur.
cherchant à surprendre le patient. Si le blocage en latéralité Récemment ces traitements palliatifs ont fait l'objet d'une
cède, cela signifie que le disque est replacé ce qui peut être véri­
étude contrôlée et randomisée, en vue d'évaluer l'intérêt des
fié de suite puisque le patient retrouve son amplitude d'ouver­
ture habituelle. AINS, de l'orthèse occlusale et de la kinésithérapie, compara­
tivement à un groupe témoin recevant de simples explica­
tions et quelques recommandations (Minakuchi et al., 2001).
c - Traitement symptomatique Trois paramètres ont été utilisés dans cette évaluation :
du déplacement discal non réductible - la douleur ;
Il est très important de rassurer le patient en lui expliquant - le handicap fonctionnel journalier ;
qu'il s'agît d'une « grosse entorse ». Dire que les articula­ - l'amplitude des mouvements mandibulaires.
tions temporo-mandibulaires ont une réelle capacité à se Dans les trois groupes, avec le temps, il existe une amélio­
remanier, mais que cela ne peut se faire en quelques ration significative de l'ensemble des variables étudiées,
semaines et qu'il faudra attendre entre 6 à 18 mois selon mais il n'y a pas de différence significative entre les trois
les cas, pour que la fonction articulaire redevienne nor­ groupes à la fin de l'étude.
male (Sato et al., 1997). L'informer toutefois que la récupé­
ration de l'ouverture buccale se fera progressivement, que
la douleur va diminuer et que les attaches postérieures Remarque : ces résultats viennent confirmer le fait que les
vont se transformer en un néo-disque. Expliquer qu'il gar­ signes et les symptômes des déplacements non réductibles
dera une fragilité articulaire sans que cela soit un handicap s'estompent en absence de t o u t traitement, uniquement
avec te temps (Sato et al, 1997 ; Kurita et al, 1998).
s'il utilise normalement son appareil manducateur, qu'il n'y

173
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

Lorsque les patients ne répondent pas à ces traitements ment le patient à consulter. On constate assez fréquem­
symptomatiques et que tous les moyens non invasifs ont ment dans ce cadre, une co-contraction musculaire de
été utilisés, il est alors justifiable d'envisager un lavage arti­ protection mettant en jeu le chef inférieur du ptérygoï-
culaire avec ou sans hyaluronate de sodium, l'adjonction dien latéral du côté de l'articulation douloureuse, ce qui
de ce dernier semblant renforcer l'effet thérapeutique entraîne une inocclusion molaire homolatérale. Si on cher­
(Balazs, 2003). che à guider le patient en occlusion habituelle ou en cen­
trée, en combattant le réflexe musculaire, la douleur est
très vive et l'on n'y parvient pas.
III - Lésions des surfaces articulaires
1.3 - Traitement
1 - Arthrose La prise en charge thérapeutique va consister à traiter
l'inflammation en prescrivant des AINS pendant une
1.1 - Physiopathologie période de deux à trois semaines (Ekberg et al., 1996). Un
Les stades initiaux de l'arthrose sont cliniquement muets relais par un inhibiteur de l'interleukine-1 telle la diacé-
tant que l'équilibre entre synthèse et dégradation de la rhéine, pendant plusieurs mois, s'avère efficace sous
matrice cartilagineuse est maintenu. Dans le cas contraire, réserve que les effets secondaires sur le transit intestinal
la dégradation des protéoglycanes dénude le réseau de n'amènent pas le patient à interrompre le traitement.
collagène et provoque une fibrillation du cartilage. Les
produits de dégradation vont induire une synovite secon­
Remarque : la mise au repos de l'articulation sera obtenue
daire qui, par la production d'enzymes protéolytiques et par la réalisation d'une orthèse occlusale destinée à caler la
de facteurs inflammatoires, active le processus de mandibule dans sa position antalgique d'origine réflexe. Le
destruction du cartilage, les chondrocytes produisant eux- bon réglage est atteint lorsque le patient peut serrer sur la
mêmes de l'interleukine et des métallo-protéinases. gouttière sans que la douleur se manifeste.
La plupart des données concernant ces mécanismes sont
extrapolées d'études réalisées sur le cartilage hyalin. Il
Il est revu au bout de 4 à 6 semaines et si la douleur a dimi­
semble que les ATM aient un mode de réponse spécifique
nué, on pourra plus facilement guider la mandibule en
lié à la présence du périchondre et surtout à la couche
occlusion habituelle, sans pouvoir l'atteindre le plus sou­
proliférative. Les études sur l'ATM réalisées chez le lapin,
vent. On ajuste alors l'orthèse à la limite de cette position,
par induction mécanique ou chimique d'un processus arth-
l'idée étant de remettre progressivement l'articulation en
rosique, montrent une réponse spécifique par épaississe-
charge. On procède ainsi par retouches successives au
ment du périchondre et activation de la couche proliféra­
cours de l'année thérapeutique. En sortie de traitement, la
tive (Clèdes et al., 2006). Ce mode de réponse confère aux
douleur a disparu, le réflexe également mais les crépita­
ATM un meilleur potentiel de résistance et de réparation
tions persistent. On constate souvent une légère modifi­
comparativement aux articulations à cartilage hyalin.
cation de l'occlusion que l'on doit stabiliser pour amélio­
L'association entre le vieillissement de l'appareil mandu­
rer le calage dentaire. S'il existe une nécessité prothétique.
cateur, associé à la perte totale ou partielle des organes
on peut envisager de reconstruire des prothèses dans
dentaires, et l'arthrose n'est pas clairement établie
cette nouvelle position de référence.
contrairement aux idées reçues (Zarb et Carlson, 1999).
Selon Luder, le sexe et le nombre de dents manquantes ne
sont pas significatifs, mais la réduction de la longueur
d'arcade et surtout l'âge (> 60 ans) semblent les facteurs
2 - Polyarthrite rhumatoïde (PR)
les plus importants (Luder, 2002).
Les atteintes dégénératives des ATM qui peuvent éga­
lement s'observer dans le cadre de maladies rhumatis­
1.2 - Aspects cliniques males ne donnent habituellement pas lieu à une
Les crépitations articulaires caractérisant l'atteinte des demande de prise en charge dans le cadre de l'urgence.
surfaces articulaires ne constituent pas un motif de
consultation dans le cadre de l'urgence. En revanche, Toutefois, si l'effondrement articulaire se traduit par
lorsqu'elles s'accompagnent d'une douleur invalidante l'apparition soudaine d'une béance antérieure, le patient
limitant sévèrement la fonction, elles amènent naturelle- peut venir consulter. Il faut surtout dans un tel contexte

174
ne pas meuler les contacts postérieurs qui protègent les
mais aussi pour exercer une pression suffisante sur la man­
articulations et envisager une orthèse pour tenter de
dibule sans que les pointes cuspidiennes constituent un fac­
répartir les contacts sur l'ensemble de l'arcade, sans trop teur restrictif, il est recommandé d'entourer les pouces
augmenter la dimension verticale. d'une compresse fixée à l'aide d'un sparadrap. Si la puis­
L'apparition soudaine d'une béance antérieure n'est pas sance des muscles élévateurs du patient outrepasse celle
réservée à la PR, elle peut être secondaire à une ostéo- des membres thoraciques du praticien, ou si plusieurs ten­
tatives de réduction se sont soldées par un échec, il faut
nécrose avasculaire qui s'observe le plus souvent suite à un
envisager la manœuvre de rotation des poignets (wrist
traumatisme ou à une chirurgie orthognatique (Schellhas pivot method) (fig. 16.4).
et al., 1989).

3 - Luxation condylienne

Important ! Elle constitue fréquemment un motif de con­


sultation en médecine d'urgence dans les services de garde
des hôpitaux. Il est rare qu'un patient ne pouvant plus fer­
mer la bouche aille consulter en urgence son chirurgien-
dentiste. En revanche, il est des cas où cette situation peut
se produire à la suite de soins dentaires prolongés (traite­
ment endodontique) ou lorsqu'un appui important est réa­
lisé sur la mandibule (détartrage mécanique, avulsion den­
taire). Cette situation pour le moins inconfortable pour le
patient nécessite une prise en charge immédiate car elle
entraîne douleurs et angoisse.

Figure 16.4 Manœuvre de rotation des poignets (wrist pivot


method).
Le blocage bouche grande ouverte correspond à une luxa­ Cette manœuvre consiste à placer les deux pouces sous le men­
tion condylienne, un condyle mandibulaire ou les deux ton tandis que l'index et le majeur de chaque main, entourés
restant bloqués en avant de l'éminence articulaire du tem- d'une compresse, reposent sur les molaires mandibulaires. Une
poral. Des douleurs consécutives à l'étirement et à pression est exercée simultanément vers le haut sous le menton
l'œdème des muscles masticateurs s'installent très vite et vers le bas sur les molaires par rotation des poignets de l'opé­
rateur. L'angle mandibulaire fixé par la tension du massséter et
pouvant conduire à une véritable crise de panique. Le
du ptérygoïdien médial fait office de point d'appui d'un levier
tableau clinique est suffisamment évocateur pour poser le inter-résistant dont l'effet multiplicateur permet d'obtenir, avec
diagnostic d'emblée et ce n'est ni le moment d'interroger une force moindre, la rotation postérieure de la tête de la man­
le patient, qui de toute façon ne pourra répondre autre­ dibule et sa réintégration dans la fosse mandibulaire. Selon les
ment que par des gestes, ni d'avoir recours à l'imagerie qui auteurs, plutôt que combattre la tension des muscles mastica­
teurs, cette technique l'exploite.
est parfaitement inutile. Il faut entreprendre immédiate­
ment une manoeuvre de réduction, la plus connue étant
Il existe bien souvent chez ces patients une prédisposition
celle de Nélaton.
anatomique associée ou non à un facteur systémique. La
dysharmonie entre la tête de la mandibule et la fosse man­
Manœuvre dite de Nélaton dibulaire est souvent retrouvée ainsi qu'une forte asymé­
Le crâne du patient étant parfaitement calé dans la têtière trie des pentes condyliennes.
du fauteuil, le principe consiste à remboîter les condyles Il faut recommander à ces patients de limiter l'amplitude
mandibulaires dans les fosses, en appliquant une force pro­
des mouvements mandibulaires lors de l'ouverture buc­
gressive et continue sur les molaires mandibulaires pour
combattre celle des élévateurs, en vue d'abaisser et de cale et les inciter à fléchir la tête sur le thorax lors de tout
reculer la mandibule. Le réflexe myotatique de fermeture, bâillement. L'orthèse occlusale augmentant la dimension
contrarié par le blocage articulaire, va s'exprimer instanta­ verticale est évidemment contre-indiquée. On pourra
nément lors de la réduction, induisant un mouvement essayer une rééducation du geste d'ouverture buccale en
d'élévation mandibulaire dont la rapidité risque de coincer
apprenant au patient à fonctionner dans une enveloppe
les pouces du praticien entre les arcades. Pour cette raison,
plus restreinte. Il est possible par exemple de coller un fil

175
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

à pêche de longueur adéquate entre les prémolaires pen­ buccale, chez l'adulte, en dessous de 35 mm ; chez l'enfant,
dant cette période d'apprentissage et de demander au en dessous de 20 mm Cependant différentes définitions et
patient d'ouvrir la bouche en favorisant la composante gradations du trismus ont été proposées en fonction de
rotatoire du mouvement. Des exercices d'ouverture et de l'amplitude de l'ouverture buccale (Jen et al., 2002;
fermeture buccale, répétés plusieurs fois par jour, en main­ Nguyen et al,,1988).
tenant la pointe de la langue en appui sur la papille inci­
sive, permettent de diminuer la translation du complexe 2 - Étiologie
disco-condylien et de rééduquer le geste d'ouverture.
Le trismus est de cause locale dans 95 % des cas, générale
Cette démarche est inutile chez les patients hyperlaxes
dans 5 % des cas (Dhanrajani et Jonaidel, 2002).
qui sont habitués à réduire seuls leur luxation.
Pour éviter ce genre de désagrément, à l'issue d'une séance
de soins dentaires, il est recommandé de pratiquer chez traumatique fracture, dysfonction
tout patient un examen systématique de la cinématique Cause
infectieuse dents, ORN
mandibulaire, avant d'entreprendre tout acte de soin. Il locale
suffit pour cela de placer les index sur les pôles condyliens tumorale

et de demander au patient d'exécuter des mouvements TRISMUS


d'ouverture - fermeture, de propulsion et de latéralité. Si
l'amplitude de ces mouvements est augmentée ou dimi­ infectieuse tétanos
nuée, si le trajet d'ouverture est dévié ou défléchi, si des Cause
neurologique Parkinson, tumeurs cérébrales
générale
ressauts articulaires e t / o u des bruits se manifestent, il faut
médicamenteuse strychnine, phénothiazine,
interroger le patient pour en savoir plus. Cet examen de
chloropromazine,
moins d'une minute permet d'évaluer la faisabilité de cer­ métaclopromide
taines thérapeutiques (endodontie, prothèse, implant) en
présence d'une ouverture limitée et d'éviter des séances Figure 76.5 Étiologies locales et générales du trismus.
trop longues ou des appuis trop prononcés sur la mandi­
bule (avulsion, prise d'empreinte) si le patient présente 2.1 - Trismus de cause locale
une lésion du complexe disco-condylien ou une grande
Trois causes principales sont identifiées :
laxité.
2.1.1Traumatiques
-Fracture de la branche mandibulaire incluant celle du
processus coronoïde et du col condylien.
IV - Limitation d'ouverture buccale - Contusion de l'ATM.
aiguë - trismus - Fracture de l'arcade zygomatique qui crée une gêne au
fonctionnement du muscle temporal.
- Contusion ou hématome des muscles élévateurs.
1 - Définitions
- Injection d'un anesthésique local. La cause peut alors
Après les déplacements discaux, la cause la plus fréquente être due aux lésions tissulaires causées par le trauma­
de limitation d'ouverture buccale aiguë est le trismus. La tisme de la pénétration de l'aiguille, à un hématome
définition première du trismus est une « contraction toni­ post-lésionnel, ou à une réaction myotoxique due à la
que des muscles élévateurs de la mandibule ». Bien que le molécule anesthésique entraînant une nécrose.
terme soit habituellement utilisé en marge des ADAM, il
peut dans sa nouvelle définition s'appliquer à un déplace­ 2.1.2 Infectieuses
ment discal non réductible par exemple. La définition -Aiguës :
actuelle est en effet une limitation d'ouverture buccale -arthrites temporo-mandibulaires caractérisées par
passagère, récente et transitoire ; on la différentie des l'association douleur, trismus, oedème ;
limitations d'ouverture chronique ou constrictions perma­ - infections d'origine dentaire, osseuse ou muqueuse (les
nente dont l'origine est le plus souvent due à une ankylose plus fréquentes).
de l'ATM, ou un processus inflammatoire chronique ou -Subaiguës, chroniques : ostéite de la branche montante
tumoral. On parle en général de limitation d'ouverture mandibulaire (l'ostéite post-radique en est un exemple).

176
2.1.3 Causes tumorales - les neuroleptiques : de première (halopéridol : Haldol ® ),
Elles sont consécutives à des tumeurs malignes de voisi- ou seconde génération (Phénothiazines : Largactil®,
nage, notamment du palais mou, de la région tonsillaire ou Majeptil ® ) ;
du sinus maxillaire. - les antidépresseurs tricycliques (imipramine : Tofranil®) ;
- les antispasmodiques (metaclopromide : Primperan®) ;
2.2 - Trismus de cause générale - l'halothane qui est un anesthésique général gazeux.
Il est plus rare et lié à trois étiologies : L'intoxication à la strychnine peut également entraîner un
trismus.
2.2.1 Infectieuse
-Tétanos : c'est le premier diagnostic à éliminer formel­
lement devant tout trismus. La forme localisée à la face 3 - Le diagnostic positif
OU tétanos céphalique de Rose peut être foudroyante.
Le trismus étant un symptôme et non une pathologie en
La maladie est mortelle dans 50 % des cas. Le trismus est
soi, le diagnostic s'appuie sur l'examen clinique avant tout.
le symptôme inaugural du tétanos qui débute par une
Les muscles élévateurs sont contractés et empêchent
gêne masticatoire devenant permanente ; puis la con­
l'ouverture. Ils sont durs à la palpation.
traction s'aggrave, devient irréductible et invincible, par­
fois douloureuse ; sans fièvre ; le sujet ne peut plus man­
ger. L'extension de la contracture au niveau du pharynx 4 - Diagnostic différentiel
est responsable d'une dysphagie ; les contractions mus-
Il se fait avec :
culaires de l'étage facial entraînent une accentuation
• le déplacement discal réductible ou non réductible (voir
ces rides, un froncement des sourcils, la réduction des
chapitre 2.2.) ;
fentes palpébrales, la fermeture des lèvres. En l'absence
• l'artérite temporale à cellules géantes (Maladie de
de traitement, la mort survient par spasme laryngé,
Horton) (Nir-Paz et al., 2002). Cette affection entraîne
spasme des muscles respiratoires ou par une hémorragie
digestive. des limitations d'ouverture et dans les cas graves une
Aucun test biologique ne permet de faire le diagnostic qui « claudication mandibulaire » caractéristique et peut
est strictement clinique : il repose sur la conjonction d'un être à l'origine d'une cécité irréversible. Dans ce cas, la
statut vaccinal défectueux, d'un trismus sans fièvre et du cause de consultation est en général la douleur, qui est
f a i c è s caractéristique. Le malade doit être hospitalisé presque toujours temporale, uni ou bilatérale, perma­
d'urgence quelle que soit la gravité du tétanos. nente avec des paroxysmes matinaux, ressentie en regard
-Encéphalites: épidémiques, vaccinales, maladie de des artères temporales superficielles qui sont dilatées et
Heinemedin ou poliomyélite dans sa forme encéphalique. sensibles à la palpation ;
-Rage. • la constriction permanente dont le diagnostic est fait sur
le caractère constant et l'absence de sédation à
2.2.2 Neurologique l'anesthésie ;
- Maladie de Parkinson, caractéristique lorsque le trismus • la luxation condylienne temporo-mandibulaire : il s'agit
est associé à une akinésie, un trouble du tonus postural non plus d'une limitation d'ouverture mais d'une impos­
et un tremblement au repos, chez le sujet de plus de sibilité de fermeture buccale ;
50 ans. • la constriction d'origine psychique dans un contexte de
-Tumeurs cérébrales, notamment les tumeurs protubé- névrose hystérique.
rantielles.
- Éclampsie, accident aigu de la toxémie gravidique carac­
térisé par la survenue de crises convulsives.
5 - Le traitement
- Maladie de Guillain Barré, ou polyradiculonévrite avec Le traitement est avant tout étiologique. Le trismus cède
dissociation albumino-cytologique. avec l'élimination de la cause. Cependant, il peut être
nécessaire de lever un trismus au cours d'une consultation
2.2.3 Médicamenteuse d'urgence, notamment afin d'accéder à un foyer infectieux
les principaux médicaments susceptibles d'entraîner un dentaire. La méthode de choix est l'anesthésie locorégio-
trismus sont : nale par la technique d'Akinosi car elle se pratique bouche

177
Urgences orofaciales
Algies et dysfonctions de l'appareil manducateur

fermée (Carpentier et al., 2006). L'anesthésie par voie Les trismus de cause générale doivent être traités en
externe du nerf temporo-massétérin peut également être milieu hospitalier. Le traitement symptomatique est celui
réalisée dans l'incisure mandibulaire. de l'hypermyotonie.

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179
Urgences et risques chez l'enfant
Rufino FELIZARDO, Chantai NAULIN-IFI

I - Introduction Les réponses aux tests cliniques sont peu fiables chez
l'enfant, ceci peut s'avérer frustrant pour le praticien qui
Un certain nombre d'urgences se révèlent d'expression est quotidiennement confronté à ces gestes essentiels
commune, qu'elles concernent l'adulte ou l'enfant et ne pour son diagnostic chez le patient adulte. Il faut alors
nécessitent pas une prise en charge spécifique (hémorra­ adapter son examen clinique et en particulier rechercher
gies, brûlures, plaies cutanéo-muqueuses). dans les signes exprimés par le corps le début d'un test
douloureux (dilatation des pupilles, clignement de l'œil,
Ce chapitre est limité à la gestion des urgences doulou­
évitement de la zone douloureuse...).
reuses chez l'enfant suite à l'atteinte de l'organe den­
N'oublions pas que l'enfant, bien que pourvu de tout le
taire par destruction carieuse ou par traumatisme.
système nerveux nécessaire à la perception des stimuli
nociceptifs, n'atteint la maturité des voies de contrôle que
Les caractéristiques anatomiques des dents temporaires plus tardivement. De ce fait les cris, les pleurs sont autant
conditionnent une physiopathologie spécifique dans de signes d'alerte pour les parents et de mode d'expres­
l'évolution des agressions carieuses. La présence d'une sion de la douleur chez un enfant dont la verbalisation de
pulpe volumineuse, de parois dentinaires minces associées ses affects ne se précise qu'au-delà de cinq ans. Cepen­
à des tubuli et des canaux pulpo-parodontaux larges sont dant, la gravité des lésions n'est pas fonction du volume
autant de facteurs expliquant la rapidité d'atteinte de sonore, celui-ci n'est en réalité qu'un mode d'expression
l'organe pulpaire et du parodonte chez l'enfant. de beaucoup de choses et se module en fonction de l'édu­
L'inflammation de la pulpe cède rapidement la place à une cation et de la culture où évolue l'enfant.
nécrose de celle-ci puis à l'abcès. Ce dernier étant un des A contrario, certains enfants qui d'habitude expriment très
principaux motifs de consultation en urgence chez le largement leur joie de vivre en ne tenant pas en place plus
chirurgien-dentiste. de 60 secondes vont se renfermer progressivement dans
La peur de l'inconnu est naturelle chez l'enfant, il en va de un mutisme et un isolement qui tient lieu de marqueur de
même,lorsque celui-ci se rend chez le chirurgien-dentiste douleurs intenses.
pour la première fois. L'association qu'il effectue à ce
moment précis avec la douleur qu'il ressent, et dont la
manifestation a motivé la consultation, peut la renforcer.
Notre rôle n'est pas d'infantiliser encore plus notre jeune Il - L'urgence douloureuse
patient ou de nier sa douleur mais d'essayer de la compren­ chez l'enfant
dre. Pour cela, un interrogatoire de l'enfant ou de ses
parents, un examen clinique et radiologique associant des
1 - Dents temporaires
gestes doux tout en maintenant une communication ver­
bale avec celui-ci, et non avec ses parents, est nécessaire. 1.1 - Syndrome du septum
Le type de douleur, son mode d'expression, sa fréquence,
son horaire d'apparition, autant de questions qui vont 1.1.1 Sémiologie
nous guider. Une douleur vive au niveau oral qui s'exprime
au moment des repas nous oriente vers le syndrome du Les lésions carieuses proximales sur les molaires tempo­
septum très fréquent chez l'enfant. Une douleur sponta­ raires sont fréquemment à l'origine du syndrome du
septum provoquant de vives douleurs au moment des
née, intermittente, de préférence nocturne signale
repas (fig. 17.1).
l'inflammation totale de la pulpe.

181
Urgences orofaciales
Urgences et risques chez l'enfant

Les douleurs peuvent être provoquées signalant une


inflammation pulpaire confinée à la pulpe camérale, soit
spontanées dans ce cas l'ensemble du système endodon-
tique de la dent est atteint.

1.2.2 Traitement
En cas de douleurs provoquées, et après avoir exclu un
syndrome du septum, on procède à une pulpotomie suivie
d'une reconstitution coronaire.
En cas de douleur spontanée, la pulpectomie est la théra­
peutique de choix.

1.3 - Nécrose pulpaire avec participation parodontale

Figure 17.1 Syndrome du septum : caries proximales sur 54 et 55 1. 3.1 Sémiologie


avec tuméfaction papillaire et tassement alimentaire.
La nécrose du tissu pulpaire s'est extériorisée, les produits
toxiques ont diffusé dans le parodonte.
L'examen clinique met en évidence une papille interden­ L'anamnèse révèle une douleur spontanée, vive et lanci­
taire congestive, très sensible au toucher, parfois accompa­ nante, l'enfant n'arrive pas à dormir, l'alimentation est dif­
gnée d'une parulie. ficile, un fébricule n'est pas rare.
L'examen radiologique par cliché retrocoronaire ou L'examen clinique révèle une dent avec une mobilité aug­
rétroalvéolaire permet d'apprécier le volume des lésions mentée (par rapport à la controlatérale), une pression
carieuses et leur proximité avec la chambre pulpaire. occlusale reproduit la douleur spontanée. La dent causale
s'accompagne d'une tuméfaction vestibulaire le plus sou­
1.1.2 Traitement vent en regard de celle-ci.
S'il n'y a aucune contre-indication médicale ; le traitement L'examen radiologique révèle une radio-clarté périapicale
dans un premier temps vise à débrider la papille interden­ traduisant la présence d'un foyer de lyse osseuse et radi-
taire en levant l'obstacle alimentaire. On effectue alors la culaire plus ou moins étendu.
restauration d'un point de contact efficace par restaura­
1.3 .2 Traitement
tion composite ou par le biais d'une coiffe pédodontique.
Dans les cas plus avancés, la pulpe peut être atteinte. Une Lors de la séance d'urgence, on procède à l'ouverture de
douleur provoquée (acides ou sucres) conduit à la pulpo- la chambre pulpaire. Une irrigation à l'hypochlorite de
sodium permet l'évacuation des produits de nécrose.
tomie associée à une reconstitution en verre ionomère. La
L'enfant est placé sous antibiothérapie per os (amoxycil-
pose d'une coiffe pédodontique permet dans un
line 50 m g / k g / j o u r réparti en quatre prises).
deuxième temps la reconstitution du point de contact. La
Une deuxième séance permet, en fonction de l'étendue de
douleur spontanée conduit à la pulpectomie, la restaura­
la participation parodontale et de la coopération du
tion du point de contact se faisant de manière identique.
patient, une obturation endodontique de la dent, ou son
La nécrose du tissu pulpaire impose également d'effectuer
extraction sous couverture antibiotique si les signes clini­
une pulpectomie, l'obturation des canaux est réalisée avec
ques n'ont pas disparu.
une pâte oxyde de zinc-eugénol.

Dans le cas de stade de résorption avancé, l'extraction 2 - Dents permanentes immatures


sera le traitement de choix.
2.1 - Inflammation pulpaire
1.2 - Inflammation pulpaire de la dent temporaire de la dent permanente immature
Les signes sont les mêmes que ceux évoqués pour les
1.2.1 Sémiologie dents temporaires.
C'est un stade furtif, la douleur est de courte durée, l'évo­ L'inflammation pulpaire est limitée, sans participation de la
lution vers la nécrose pulpaire est rapide. pulpe radiculaire. La lésion carieuse est nettoyée, en cas

182
d'effraction pulpaire une pulpotomie partielle sur 2 mm est plus mobiles donc plus susceptibles aux accidents. Il existe
préférable jusqu'à atteindre un tissu pulpaire non inflam­ un sex-ratio rapporté de 1,3 à 1,8 en faveur des garçons.
matoire. Le coiffage du tissu pulpaire est réalisé soit à En denture temporaire, on observe plus fréquemment des
l'hydroxyde de calcium soit au minerai trioxyde aggregate déplacements de l'organe dentaire (luxation, intrusion)
(MTA), suivi d'une reconstitution avec du verre ionomère que des fractures coronaires ou radiculaires.
ou du composite. En cas d'inflammation plus étendue, sans En denture mixte, l'os alvéolaire moins minéralisé mais
atteinte radiculaire cependant, la pulpotomie peut être aussi l'immaturité du desmodonte et de la racine les ren­
étendue au niveau cervical dans les mêmes conditions. dent plus susceptibles à une expulsion dentaire. Les rixes,
les jeux en collectivité, la cour de recréation, les sports
2.2 - Pulpite aiguë avec participation desmodontale collectifs ou individuels sont autant de causes des trauma­
Les douleurs sont spontanées, elles peuvent être repro­ tismes dentaires et du parodonte.
duites par l'application d'un test au chaud ou à la per­
cussion axiale. 2 - Prise en charge
Le traitement de choix est la thérapeutique d'apexification. de l'urgence traumatique
L'extirpation de l'ensemble du système pulpaire caméral et
radiculaire est suivie par la mise en place d'un hydroxyde 2.1 - L'accueil téléphonique
de calcium dans les racines afin de permettre la formation L'écoute et les conseils prodigués par le praticien
d'une barrière apicale. Le matériau est changé si sa résorp­ contacté permettent soit une réimplantation rapide (sur le
tion est visible radiographiquement au tiers apical. La for­ site de l'accident) soit d'optimiser le transport de la dent
mation d'une barrière apicale radiologiquement visible et ou du fragment de dent et ainsi d'améliorer le pronostic
objectivée cliniquement permet l'obturation définitive à la thérapeutique. En rassurant les parents et de manière indi­
gutta de la dent. Six mois à un an peuvent être nécessaires. recte l'enfant, on améliore les conditions d'une bonne
prise en charge de ce dernier.

2.2 - L'examen clinique de l'enfant


III - L'urgence traumatologique
En premier lieu on recherche une atteinte neurologique
1 - Introduction (perte de conscience ou une désorientation...) qui néces­
site une prise en charge médicale. Puis une éventuelle
Les traumatismes dentaires représentent la véritable contre-indication médicale à un geste de réimplanta­
urgence dentaire du fait de l'imprévisibilité de ceux-ci tion ou pouvant provoquer un saignement (cardiopa­
et l'état de stress engendré chez l'enfant et ses parents. thie, troubles sévères de la coagulation, pathologie clas­
Le premier contact avec le cabinet dentaire est en géné­ sant le patient dans la catégorie des patients à risque
ral téléphonique. L'écoute, la disponibilité du praticien d'endocardite infectieuse, enfant immunodéprimé...).
à donner les premiers conseils améliore le pronostic.
L'examen clinique débute par un examen extra-oral. La palpa-
En premier lieu on recherche des signes généraux altérés tion des rebords osseux (maxillaire, mandibule, plancher de
(neurologiques, respiratoires...) qui nécessitent une prise l'orbite, os zygomatique) est systématique, un ressaut ou une
en charge médicale. S'informer des circonstances, de l'âge douleur peut révéler un déplacement, une fracture. L'examen
de l'enfant, du type de denture (temporaire ou perma­ des articulations temporo-mandibulaires peut mettre en évi­
nente), des signes visibles (dent de « travers », dent cassée, dence une limitation, une déviation, une déflexion du chemin
dent rentrée ou dent expulsée) permet de dédramatiser, d'ouverture et peut nous amener à prescrire un examen com­
d'organiser l'arrivée de l'enfant et de donner les premiers plémentaire (radiographie panoramique).
conseils (réimplantation, milieu de conservation, net­ Les plaies sont explorées, nettoyées, après utilisation d'un
toyage des plaies). spray anesthésiant, avec une solution de mercryl (atten­
Les traumatismes en denture temporaire sont fréquents : tion aux allergies à l'iode).
50 % des enfants d'âge préscolaire ont subi un choc den­ L'ensemble de ces éléments est noté sur un schéma joint
taire sur les dents temporaires. Les pics d'incidence se au dossier dentaire du patient.
situent la première année (apprentissage de la marche), puis Lors de l'examen intra-oral, on recherche les plaies des tis­
entre 3 et 4 ans où l'indépendance de mouvement les rend sus mous, les déplacements dentaires, les pertes de struc-

183
Urgences orofaciales
Urgences et risques chez l'enfant

tures des tissus durs ainsi que les dyschromies coronaires - si le stade de maturation (stade 2) est atteint, la pulpec­
éventuelles. Il est important de compter les dents mais tomie s'impose avec une obturation à l'oxyde de zinc-
également de s'informer de l'état dentaire antérieur (sur­ eugénol (fig. 17.2) Si celle-ci ne peut être réalisée dans de
tout en période de denture mixte). En cas d'absence d'une bonnes conditions, l'extraction est préférée du fait du ris­
dent non retrouvée sur les lieux de l'accident, ou d'un que d'atteinte du germe successionnel par les produits
patient présentant, ou ayant présenté, un épisode de toux, de nécrose pulpaire.
il ne faut pas hésiter à demander un cliché du thorax pour
♦ Fractures corono-radiculaires
exclure une inhalation accidentelle de la dent.
On procède le plus souvent à l'extraction. Ces fractures ne
L'examen radiologique sous plusieurs incidences (occlu-
permettent pas d'obtenir une parfaite étanchéité des trai­
sale et retro-alvéolaire) permet de mettre en évidence les
tements canalaires.
rapports des dents temporaires avec les germes de dents
permanentes ainsi que d'éventuelles fractures radiculaires ♦ Fractures radiculaires
ou alvéolaires. Il nous renseigne également sur le stade de En l'absence de déplacement dentaire, la fracture est vraisem­
développement radiculaire des dents permanentes imma­ blablement dans le tiers apical. On instaure une surveillance
tures et du degré des déplacements. radiographique de la résorption de ce fragment (fig. 17.3).

2.3 - Traumatisme sur dents temporaires

Essentiel : la difficulté essentielle est l'approche du patient


traumatisé et choqué par l'accident.

L'examen clinique doit être rigoureux malgré la difficulté


d'interprétation des résultats (notamment les tests de vita­
lité). La coopération du petit patient est le garant d'une
thérapeutique efficace. On devra se poser la question de la
conservation de la dent temporaire sur l'arcade en fonc­
tion du stade de maturation de celle-ci mais également de
la possibilité de mener à terme un traitement adéquat (pul-
pectomie et obturation irréprochable). Un traitement
médiocre peut être plus dommageable envers le germe de Figure 17.2 Pulpectomie sur 51 à l'oxyde de zinc-eugenol après
traumatisme et nécrose pulpaire.
la dent définitive que l'abstention ou l'extraction.
La classification OMS modifiée par Andreasen qui classe
les traumatismes en fonction de l'atteinte de l'organe den­
taire ou des tissus de soutien sert de référence.

2.3.1 Atteinte coronaire


♦ Fracture amélaire
Il s'agit de la situation la plus bénigne, un simple polissage
du bord amélaire associé à une surveillance suffit dans la
plupart des cas.
♦ Fracture intéressant l'émail et la dentine
Une reconstruction avec un ciment verre ionomère ou un
composite peut être réalisée.
♦ En cas d'implication pulpaire
Le traitement est fonction du stade de maturité de la dent :
- sur une dent immature (stade 1), une pulpotomie partielle
ou cervicale associée a un matériau de coiffage pulpaire Figure 17.3 Fracture du tiers apical sur 51 sans déplacement, la sur­
(hydroxyde de calcium ou MTA) doit permettre une sur­ veillance clinique et radiologique est effectuée (a), après 6 mois la
vie de la dent et une évolution physiologique radiculaire ; résorption apicale est objectivée sur un cliché rétroalvéolaire (b).

184
Tableau 17.1 Arbre décisionnel des traumatismes dentaires en denture temporaire

Traumatisme dent temporaire


Partie 1
Fractures dentaires

Atteinte coronnaire Fracture corono-radiculaire Fracture radiculaire

Fracture 1/3 apical Fracture basse


Fracture émail Fracture email Atteinte
Extraction Fragment Fragment mobile
seul et dentine pulpaire
non mobile Extraction
Surveillance partie coronaire
de la résorption Surveillance
Abstention Protection Maturité Maturité résorption apex
polissage Verre ionomère stade 1 stade 2
Reconstitution Maturité
composite stade 3
Surveillance Extraction
Pulpotomie Pulpectomie
partielle Obt. oxyde si pas de
Ca(OH)2 / MTA de Zn-Eugenol coopération Extraction
Reconstitution Verre ionomère-
composite composite

En cas de déplacement du fragment coronaire, on pro­


cède à l'extraction. Le praticien doit alors évaluer le ris­
que d'aller rechercher le fragment apical. Si celui-ci est
difficilement accessible, on privilégie l'abstention
thérapeutique afin de ne pas endommager le germe de
la dent permanente. Sa résorption est vérifiée lors des
contrôles radiographiques (tab. 17.1).

2.3.2 Traumatismes du parodonte


♦ Concussion
Abstention et simple surveillance pendant 2 mois.
♦ Subluxation
S'il n'existe pas d'interférence occlusale, la dent se reposi­
tionne spontanément. Dans le cas contraire, le reposition­ Figure 17.4 Extrusion de 51 avec plaie de la gencive marginale.
nement est effectué et une contention réalisée pendant
2 semaines. La surveillance pulpaire doit être instaurée. ♦ Intrusion et luxation latérale
Une nécrose pulpaire peut survenir nécessitant une pul- L'intrusion de la dent temporaire lors d'un traumatisme est
pectomie si la coopération de l'enfant le permet. Sinon la principale cause de dommages causés aux germes sous-
l'extraction s'impose. jacents (fig. 17.5).
♦ Extrusion La décision thérapeutique dépend du stade d'évolution
En fonction de la sévérité de l'extrusion (fig. 17.4) et de mais également de la direction de l'apex de la dent tem­
l'interférence occlusale engendrée, on tente de remettre poraire.
doucement la dent dans son alvéole sans forcer au risque Si celui-ci est forcé en palatin, la dent doit être extraite
d'endommager le germe de la dent définitive. Sinon on pour protéger le germe sous-jacent. Si l'apex est en direc­
procède à l'extraction. tion vestibulaire (plus fréquent) on surveille pour éviter

185
Urgences orofaciales
Urgences et risques chez l'enfant

tion de l'âge, à maintenir l'espace laissé vacant par une pla­


que amovible ou de préférence une dent prothétique
montée sur un arc palatin soudé à deux bagues molaires
(tab. 17.2).

2.4 - Traumatismes sur dents permanentes

2.4.1 Fractures coronaires


♦ Intéressant l'émail
Une simple fêlure demande une surveillance sans autre
thérapeutique. Cependant, une sensibilité au froid peut
nous conduire à l'application d'un sealant, ou d'un vernis
fluoré.
Figure 17.5 Intrusion de 51 associée à une large plaie gingivo- La perte d'un fragment d'émail sera réparée par restaura­
muqueuse. tion du composite ou, si l'atteinte est minime, un meulage
et une symétrisation du bord incisif.
que la résorption apicale ne s'accompagne d'un processus
♦ Intéressant l'émail et la dentine
infectieux.
La perte de substance est plus conséquente, la dent peut
Lorsque la dent est immature, on attend 6 mois pour
être sensible au froid et aux agents agressant la pulpe,
qu'elle effectue sa ré-éruption, les premiers mouvements
notre rôle est de la protéger en première intention. Si la
sont visibles après quatre semaines.
restauration ne peut être effectuée dans l'urgence, un ban­
Après sa ré-éruption, la dent doit être surveillée afin de
deau de verre ionomère ou de résine composite fluide est
procéder au traitement endodontique en cas de dyschro- déposé sur la dentine exposée, afin de fermer les tubuli et
mie objectivant une nécrose pulpaire. minimiser l'agression pulpaire. Dans un deuxième temps, la
♦ Luxation totale (avulsion) perte de substance est restaurée soit en recollant le frag­
On ne réimplante pas la dent temporaire au risque de for­ ment conservé dans une solution de sérum physiologique,
cer la dent ou le caillot contre le germe de la dent perma­ soit en effectuant une restauration composite.
nente. Les conséquences d'une réimplantation peuvent Le pronostic est excellent lorsque la protection dentinaire
être plus nuisibles que le traumatisme. On veille, en fonc- n'est pas différée dans le temps.

Tableau 17.2 Arbre décisionnel relatif aux traumatismes du parodonte - Denture temporaire

Traumatisme dent temporaire


Partie 2
Traumatisme du parodonte

Concussion Subluxation Intrusion - Luxation latérale Extrusion Luxation complète (avulsion)

Abstention Dent non mobile Apex vestibulaire ou Faible déplacement NE PAS RÉIMPLANTER
surveillance Surveillance latéralisé Tenter le
Changement Attendre ré-éruption si repositionnement
de teinte stade 1 sinon surveillance sans forcer

Dent mobile Apex forcé en palatin : Fort déplacement :


contention extraction extraction
10 jours
Surveillance
si coopération
sinon extraction

186
♦ Exposition pulpaire Cependant, la thérapeutique recommandée et même au-
Le pronostic vital de la dent ainsi que la thérapeutique delà de 36 heures est la pulpotomie partielle. Elle consiste
mise en place est fonction du stade de maturation de la en la création d'une petite cavité sur 2 mm à 3 mm et le
dent, des circonstances (notamment septiques) de surve­ coiffage du tissu pulpaire avec l'hydroxyde de calcium ou
nue de l'exposition, de la taille de celle-ci ainsi que du du MTA est possible avec les mêmes matériaux de coiffage
temps écoulé depuis lors. (fig. 17.6).
Quand le traumatisme est supérieur à 48 heures ou que
♦ Sur dent permanente immature
l'exposition pulpaire est volumineuse, la réalisation d'une
Toute thérapeutique vise à maintenir la vitalité pulpaire pulpotomie cervicale permet l'édification des racines par
et permettre la bonne édification radiculaire. L'apexo- apexogenèse. Une fois l'édification terminée un traite­
genèse est ainsi possible. ment endodontique définitif doit être réalisé.
Dans les cas ultimes où l'exposition pulpaire entraîne une
Dans les cas d'exposition minime et récente (inférieurs à nécrose de celle-ci, la dent devient sensible à la percussion,
24 heures) un coiffage direct à l'hydroxyde de calcium elle ne répond plus aux tests de vitalité et peut développer
peut être tenté. une tuméfaction vestibulaire parfois fistulisée.

Figure 17.6 Traumatisme de 11 avec fracture coronaire atteignant une corne pulpaire (a, b), une pul-
potomie partielle est réalisée (c) suivie d'un coiffage direct au MTA (d) ; le fragment mobile est
recollé au composite (e).

187
Urgences orofaciales
Urgences et risques chez l'enfant

Dans cette situation, lorsque la dent est immature avec un décision thérapeutique peut aller de sa conservation à son
apex largement ouvert, un traitement endodontique défi­ extraction (tab. 17.3).
nitif ne peut être entrepris.
2.4.2 Traumatismes du parodonte
La thérapeutique d'apexification permettant la mise en
place d'une barrière apicale se fait soit avec l'hydroxyde ♦ Concussion
de calcium (barrière physiologique), soit avec le MTA (bar­ Les signes cliniques sont normaux, seule une légère sensibi­
rière mécanique). lité à la percussion ou à la mastication peut être retrouvée.
On s'abstiendra de tout traitement, seule une surveillance
♦ Intéressant les racines est instaurée.
Le trait de fracture peut être situé plus ou moins coronai-
rement. ♦ Subluxation
Dans le cas de fracture intéressant le tiers apical (sur choc Une mobilité dans le sens antéropostérieur est retrouvée
frontal), les fragments peuvent conserver leur vitalité. lors de ce traumatisme, un saignement sulculaire témoigne
Dans la grande majorité des cas, il n'existe pas de commu­ de l'atteinte parodontale. La dent répond positivement
nication entre la pulpe et le milieu buccal. La réparation aux tests de sensibilité. Le test à la percussion est doulou­
peut s'effectuer soit par formation d'un cal dentinaire ou reux et émet un son sourd.
osseux entre les deux fragments. S'il existe des interférences, l'occlusion est ajustée. La
La mobilité du fragment coronaire est nulle ou légère. contention n'est pas nécessaire et si effectuée ne dépasse
Dans ces cas, la pose d'une contention peut être discutée pas 2 semaines.
et dépend du jugement clinique du praticien. ♦ Intrusion
Lors d'une fracture intéressant le tiers coronaire de la La dent est forcée dans son alvéole suite à un choc axial.
racine, la situation est plus défavorable. Néanmoins, toute Les réponses aux tests de vitalité sont le plus souvent
fracture du tiers coronaire sans communication avec la négatives, mais ne préjugent pas de l'avenir de la dent. À la
cavité buccale doit être traitée comme décrite ci-dessus. percussion, la dent est douloureuse et présente un son
En cas de communication du trait de fracture avec la métallique. Un décalage du bord libre par rapport aux
cavité buccale, le pronostic dépend du fragment apical. La dents adjacentes est visible (fig. 17.7).

Tableau 17.3 Traumatismes sur dents permanentes

traumatisme sur dents permanentes


Partie 1
Fractures dentaires

Atteinte coronnaire Fracture corono-radiculaire Fracture radiculaire

Pulpotomie ou Fracture 1/3 apical Fracture 1/3 coronaire


Fracture émail Fracture email Atteinte
pulpectomie selon le trait Fragment Fragment mobile
seul et dentine pulpaire
de fracture et l'hémostase non mobile Extraction partie
coronaire égression
Surveillance
Abstention Verre ionomère Dent immature
Dent immature Extraction
polissage Reconstitution Temps d'exposition
nécrosée Fragment coronaire
Reconstitution composite de la pulpe
composite Surveillance Égression
orthodontique
Traitement
<24h Exposition > 48 h ou endodontique
Apexification
Coiffage direct 24 h - 48 h volumineux Ca(OH)2/MTA
Ca(OH)2/MTA Pulpotomie Pulpotomie
Reconstitution partielle cervicale
composite Coiffage direct Apexogénèse
Ca(OH)2 MTA puis obturation
Reconstitution définitive
composite

188
Figure 17.7 Intrusion de 11 avec fracture coronaire.

Les clichés radiographiques (un cliché occlusal, et deux cli­ Figure 17.8 Expulsion de 21 ; un caillot sanguin comble l'alvéole.
chés rétroalvéolaires excentrés) mettent en évidence la
disparition de l'espace desmodontal au niveau apical. Les principales causes sont les chutes, les rixes et les acci­
Dans l'urgence, aucun geste de dépulpation ne doit être dents de la circulation. De plus, du fait vraisemblablement
pratiqué, en l'absence de lésion infectieuse. de la faible longueur des racines immatures, de l'immatu­
On attend une ré-éruption physiologique de la dent (3 à rité du desmodonte et d'un os alvéolaire moins minéralisé
4 semaines). Dans le cas contraire une égression orthodon- ces traumatismes sont observés avec un pic vers 7-9 ans.
tique est nécessaire pour éviter une ankylose. Lors de l'appel téléphonique, il convient de s'assurer des
Si la dent est mature, le risque de nécrose pulpaire est de éléments indispensables à la réimplantation qui reste la
100 % et peut entraîner l'apparition de lésion apicale et meilleure option thérapeutique. Une dent réimplantée
d'une résorption radiculaire inflammatoire. Un traitement dans les 15-20 minutes après l'expulsion présente les
endodontique « prophylactique » doit être entrepris. C'est meilleures chances de survie et minimise les risques de
pourquoi l'égression orthodontique avec des forces lour­ résorption radiculaire ou d'ankylose. Aussi l'implantation
des (en 3 à 4 semaines) doit être préconisée. peut être conseillée sur le site de l'accident, le patient
étant par la suite orienté au cabinet dentaire pour
♦ Luxation latérale
contrôle et contention.
La dent est bloquée dans une position latéralisée, les signes
vitaux sont négatifs, associés à un son métallique à la per­ En cas d'impossibilité, la dent expulsée est conservée dans
cussion, et une douleur à la percussion. Une fracture alvéo­ un milieu approprié et surtout pas à sec. Le milieu de
laire du fait du déplacement de la dent est fréquente. Les conservation le plus aisé à trouver et donnant d'excellents
radiographies (occlusale et rétroalvéolaires excentrées) per­ résultats est le lait UHT, la dent pouvant être conservée
mettent d'apprécier l'importance de l'impaction latérale mais 6 heures dans ce milieu. Les solutions de remplacement
aussi le volume pulpaire et le stade d'édification radiculaire. sont le sérum physiologique, ou la salive du patient.
Afin de réduire cette luxation une anesthésie est préféra­ ♦ Protocole de réimplantation
ble, les lames osseuses alvéolaires sont repositionnées en - Nettoyage de la dent avec du sérum physiologique, en la
même temps que la dent, qui est amenée dans sa position tenant par la couronne afin de minimiser la dégradation
initiale avant la mise en place d'une contention de quatre des cellules desmodontales.
semaines (8 semaines si fracture alvéolaire associée). La - Examen de l'alvéole, avec une radiographie pour exclure
nécrose est plus fréquente en cas de déplacements impor­ la présence d'un corps étranger ou une fracture alvéo­
tants et sur des dents matures, un espoir de revascularisa- laire.
tion reste de mise en cas d'immaturité de la dent.
- Rinçage de l'alvéole pour retirer le caillot.
♦ Expulsion -Préparation de la dent expulsée : il s'agit là d'un proto­
cole en fonction du temps de survie de la dent hors de
L'expulsion est définie par le déplacement total de la l'alvéole :
dent en dehors de son alvéole. Les dents les plus - si la dent est mature et le temps extra-oral est inférieur
concernées sont les incisives maxillaires (fig. 17.8).
à 20 minutes : un nettoyage et une réimplantation suivis

189
Urgences orofaciales
Urgences et risques chez l'enfant

d'une contention sont suffisants. Le traitement endo- composites collées, éventuellement renforcées à l'aide
dontique est réalisé dans un second temps (1 à d'un fil orthodontique. Si une fracture alvéolaire est asso­
2 semaines après) ; ciée au traumatisme, on prolonge entre 4 et 8 semaines la
-si la dent est immature et le temps extra-oral est infé­ contention.
rieur à 20 minutes : une revascularisation pulpaire peut Quel que soit le cas de figure, un cliché radiographique est
être espérée. Une maîtrise de la prolifération bacté­ réalisé afin de vérifier la bonne disposition de la racine
rienne au sein de la pulpe est nécessaire. Aussi la dent dans son alvéole.
sera-t-elle immergée dans une solution de doxycycline Pour une dent mature, la revascularisation ne pouvant se
(1 mg dilué dans 20 mL de sérum physiologique) pen­ faire, il faut retirer le tissu pulpaire nécrosé 2 semaines après
dant 5 minutes avant la réimplantation ; afin d'éviter les phénomènes de résorption. Une médication
- au-delà de 60 minutes à sec, la survie des cellules des- temporaire à base d'hydroxyde de calcium est laissée dans
modontales est impossible on cherche alors à augmen­ la racine. L'obturation définitive à la gutta-percha est effec­
ter la résistance de la racine au phénomène d'ankylose tuée 3 à 6 mois plus tard après la reconstruction d'un liga­
et de résorption. La dent est traitée endodontiquement ment parodontal visible radiologiquement.
à la main. La racine est grattée et débarrassée des débris Dans le cas de survie inférieure à 60 minutes et un apex
desmodontaux, trempée dans de l'acide citrique, puis ouvert, il convient d'attendre que la revascularisation se
renforcée par un bain de fluorure d'étain avant d'être fasse. Un laps de temps d'un an peut être nécessaire avant
réimplantée (tab. 17.4). la réapparition de la sensibilité. Si l'examen radiographique
Dans tous ces cas, hormis une fracture alvéolaire, une montre un arrêt de d'édification radiculaire ou une résorp­
contention semi-rigide doit être conservée entre 7 et tion inflammatoire, la technique d'apexification est alors
10 jours. Cette contention est réalisée à l'aide de résines mise en oeuvre.

Tableau 17.4 Arbre décisionnel pour la réimplantation d'une dent permanente

Temps de conservation
extra-alvéolaire à sec

< 20 mn < 20 mn > 60 mn


Apex fermé dent mature Apex ouvert dent mature Apex ouvert ou fermé
Mauvais pronostic Bon pronostic Mauvais pronostic
endodontique, endodontique, endodontique,
Bon pronotic parodontal et parodontal et parodontal

Nettoyage de la racine Pulpotomie ou Élimination du ligament


Réimplantation, contention pulpectomie selon le trait parodontal nécrosé
de fracture de l'hémostase (grattage ou acide citrique)
traitement endodontique
manuel

Trempage solution fluorure


d'étain 2 % 20 mn
Rinçage sérum
physiologique
Réimplantation contention

190
Bibliographie
Andreasen JO, Andreasen FM. Textbook and color atlas of Trope M. Clinical management of the avulsed tooth: pre­
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191
Urgences en chirurgie buccale -
complications
Nicolas DAVIDO, Géraldine LESCAILLE, Rafael TOLEDO-ARENAS

décrite comme une inflammation de l'alvéole, qui se distin­


La chirurgie buccale, comme tout acte chirurgical, comporte
gue de l'ostéite localisée dès lors que cette inflammation
des risques que le chirurgien-dentiste doit savoir évaluer en
dépasse l'alvéole. Crawford (Crawford, 1986) fut le premier
pré-opératoire afin de prévenir les situations d'urgence. La
à utiliser les termes de «dry socket». Il existe un certain
prévention implique en effet la connaissance des complica­
tions possibles et la compréhension de leurs causes afin de nombre d'autres termes employés dans la littérature (ostéo­
les éviter ou d'en limiter leurs conséquences. myélite, ostéite alvéolaire...) et pas moins de 17 définitions.

Les complications peuvent être directement liées au 1.1 - Diagnostic


patient (antécédents, traitements...), à une configuration La littérature actuelle tend à la définir comme une douleur
anatomique (position de la dent sur l'arcade, proximité ner­ intense, irradiante, peu sensible aux antalgiques habituels
veuse...) ou à l'intervention elle-même. Le praticien doit être survenant entre le deuxième et le cinquième jour après
capable d'apprécier tous les risques pour un patient donné l'extraction dentaire. L'examen de l'alvéole révèle un os
en accord avec les connaissances actuelles de la science. blanchâtre, dépourvu de caillot, avec la présence de débris
Les complications postopératoires les plus fréquemment nécrotiques, exhalant une odeur nauséabonde. Histologi-
rapportées dans la littérature sont l'ostéite alvéolaire, les quement, on observe une ostéite circonscrite à l'alvéole
infections, les hémorragies et les paresthésies. avec une tendance à l'extension osseuse (fig. 18.1).
Les complications peuvent être de type opératoire ou L'alvéolite concerne en moyenne 3 à 4 % des extractions
inflammatoire. Ainsi on distinguera les complications en général. Ce risque semble être augmenté de 10 fois lors
hémorragiques, nerveuses, les communications bucco- de l'avulsion de la troisième molaire mandibulaire, ce qui
sinusienne, fractures ou encore emphysèmes de nature représente 20 à 30 % des alvéolites post-extractionnelles.
opératoire et les complications telles que les alvéolites et Certains auteurs ont pu rapporter des taux beaucoup plus
douleurs inflammatoires. Le taux de complication est
variable selon les auteurs ce qui peut s'expliquer au moins
en partie par l'indication de la chirurgie pouvant être pro­
phylactique ou curative. Nous exposerons les différents
types de complications (hors risque hémorragique faisant
l'objet d'un autre chapitre) avec leur prise en charge ainsi
que les variables permettant d'évaluer la difficulté du
geste opératoire, afin de limiter le risque de complication.

I - Complications
per ou postopératoires immédiates
1 - Alvéolites
L'alvéolite, ou ostéite alvéolaire, représente la complication
la plus commune des avulsions dentaires. L'alvéolite a été Figure 18.1 Alvéolite après avulsion de 46.

193
Urgences orofaciales
Urgences en chirurgie buccale - complications

importants : 48,7 % (Simon et Mater, 2001), ce qui tend à locale, associée à une crépitation pathognomonique per­
penser que certaines conditions augmentent considéra­ mettent de poser facilement le diagnostic.
blement ce risque, comme la difficulté du geste chirurgi­
cal, l'inexpérience du chirurgien, ou un défaut d'irrigation 2.2 - Conduite à tenir
peropératoire.
Bien que souvent bénins et spontanément résolutifs,
1.2 - Conduite à tenir une surveillance adaptée permet de prévenir d'éven­
tuelles complications.
Il n'existe aucun consensus dans la prise en charge des
alvéolites qui relève plus de la recette que de la dentis­ Dans de rares cas, l'emphysème peut en effet se propager,
terie fondée sur la preuve. Le traitement en est souvent provoquer un emphysème para e t / o u rétropharyngé et
symptomatique et palliatif et repose classiquement sur
une extension est alors possible dans le thorax et le
ta prescription d'antalgiques en première intention.
médiastin, engageant le pronostic vital du patient
(Shackelford et Casani, 1993). Le patient devra être hospi­
Devant la persistance des signes cliniques, une révision talisé, afin d'être surveillé, mis sous couverture antibioti­
alvéolaire sous anesthésie est souvent réalisée accompa­ que et subir des examens complémentaires radiologiques
gnée d'une antibiothérapie à large spectre. Certains (radiographie thoracique de face et profil, scanner en
auteurs préconisent également la mise en place de pâtes deuxième intention).
antimicrobiennes e t / o u antalgiques (eugénol). Devant
l'absence de certitude scientifique quant à l'efficacité des Bien que le risque soit faible, l'emphysème peut consti­
traitements proposés, il semble d'autant plus évident tuer une urgence vitale réelle; il convient donc pour
d'adopter une attitude préventive en diminuant dans la chaque praticien d'en connaître l'existence et les symp­
limite du possible tous les facteurs de risque potentiel, tômes révélateurs.
tabac et manque d'hygiène notamment.

3 - Projection de corps étranger


2 - Emphysème
3.1 - Diagnostic
L'emphysème sous-cutané accompagne habituellement
certaines conditions cliniques dont le traumatisme maxillo- Lors d'un acte chirurgical, il peut arriver qu'un instrument,
facial, l'infection, la trachéotomie, ou encore l'éviction gan­ voire une dent, soit projeté dans un site non souhaité. La
glionnaire. Bien que rares, les emphysèmes sous-cutanés, projection d'une dent entière lors d'un geste avulsionnel
cervicaux faciaux voire médiastinaux résultant d'actes den­ est peu fréquente mais décrite dans la littérature, notam­
taires, sont connus et décrits dans la littérature (Heyman et ment dans le sinus maxillaire, dans la loge submandi-
Babayof, 1995). Le premier cas a été rapporté en 1900 bulaire, voire même dans la fosse pterygo-maxillaire et
(Turnbull, 1900), chez un patient trompettiste suite à une infratemporale (Gulbrandsen et al., 1987) et l'espace para-
avulsion dentaire. Ils peuvent faire suite à différents traite­ pharyngé (Esen et al., 2000), ou encore dans les voies aéro-
ments odontologiques, notamment avec l'utilisation de la digestives supérieures (VADS). Des considérations anato-
turbine ou de l'air comprimé. Les cas rapportés font suite à miques comme l'angulation distolinguale de la dent,
des traitements restaurateurs, chirurgicaux (avulsion et l'épaisseur de la corticale linguale, l'exercice d'une force
biopsie) ou encore endodontiques. excessive ou incontrôlée, des examens radiographiques ou
cliniques inadéquats sont autant de facteurs qui peuvent
2.1 - Diagnostic conduire à une projection non contrôlée.
L'emphysème sous-cutané se forme lorsque de l'air est
introduit entre les fascias et le tissu conjonctif Dans la 3.2 - Conduite à tenir
majorité des cas, ils passent inaperçus et se résorbent En cas de projection dans les voies digestives, le patient
spontanément. Cliniquement, le patient présente une aug­ avale la plupart du temps le corps étranger qui est rejeté
mentation de volume hémi-latéral des parties molles cer- par les voies naturelles dans les 48 à 72 heures Au-delà de
vico-faciales. Les diagnostics différentiels à évoquer sont ce délai, un contrôle radiographique pourra le cas échéant
l'anaphylaxie, l'angio-cedème ou l'hématome. L'absence vérifier sa position. En revanche, dans le cas d'une projec­
de signes inflammatoires, comme l'érythème et la chaleur tion dans les voies aériennes, il sera nécessaire d'intervenir

194
plus ou moins rapidement. Si le patient inhale le corps Cette communication peut faire suite à différents types de
étranger, provoquant une asphyxie, il faudra alors procé­ gestes chirurgicaux : avulsion d'une dent antrale (prémo­
der à des manoeuvres d'expulsion de type Heimlich e t / o u laires maxillaires, première molaire maxillaire), projection
faire appel à des secours. Dans le cas où le corps étranger d'une racine ou d'un apex dans le sinus maxillaire, curetage
est inhalé sans détresse respiratoire, il peut descendre d'un kyste au maxillaire, exérèse d'une tumeur bénigne ou
dans une bronche ou à un niveau encore plus bas, qui maligne, pose implantaire au maxillaire.
nécessitera des techniques d'imagerie adéquates afin
d'être localisé pour enfin être retiré par endoscopie. Ce 4.1 - Diagnostic
dernier cas représente une urgence réelle du fait d'un ris­ Son diagnostic consiste à mettre en évidence cette com­
que très important d'infection. munication et nécessite un nettoyage du site, souvent
délicat et difficile en raison d'un site opératoire fréquem­
Remarque : si certains auteurs préfèrent différer une inter­ ment hémorragique. La manoeuvre de Valsalva qui
vention, attendant que l'inflammation des tissus puisse consiste à pincer le nez du patient en guidant une expira­
immobiliser le corps étranger, pour enfin le récupérer, tion nasale douce est une technique décrite qui permet de
d'autres au contraire préconisent d'intervenir le plus rapi­ diagnostiquer une CBS en objectivant la présence d'une
dement possible afin de diminuer le risque de complica­
bulle d'air dans l'alvéole et de buée sur un miroir placé en
tions secondaires de type infection et inflammation (Gay-
Escoda et al.,1993). regard du site d'avulsion. Son utilisation est controversée
en raison du risque de provoquer une CBS si celle-ci n'exis­
tait pas. La mise en place d'une sonde parodontale direc­
En général, l'extraction des corps étrangers qui se logent tement dans la CBS est aussi parfois utilisée, bien que le
dans le sinus maxillaire se fait soit par l'orifice d'entrée, risque d'élargissement de la communication et de traite­
soit par un site secondaire. Le site avulsionnel sera de pré­ ment ultérieur plus complexe soit non négligeable. Les dif­
férence évité afin de ne pas l'agrandir et permettre une férentes techniques cliniques de mise en évidence de la
fermeture étanche de la CBS précédemment décrite. La CBS seront donc à réaliser avec délicatesse, afin de ne pas
technique de Caldwell-Luc a longtemps été la technique aggraver la communication.
de référence pour accéder au sinus maxillaire en vue d'y
traiter divers problèmes, y compris pour en extraire des
Les examens radiologiques sont utiles dans leur dia­
corps étrangers, jusqu'à l'introduction de la chirurgie gnostic. Le cliché rétro-alvéolaire permet de mettre en
endoscopique fonctionnelle des sinus. Chacune de ces évidence la CBS par la présence d'une rupture de conti­
techniques a ses limites et toutes deux peuvent occasion­ nuité entre le plancher sinusien et le fond de l'alvéole.
ner des complications (Murray, 1983 ; Venkatachalam et Dans le cas d'une racine ou d'un apex projeté dans le
Jain, 2002). sinus maxillaire, les clichés rétro-alvéolaire et occlusal
permettent une mise en évidence et une localisation
Une technique Caldwell-Luc assistée par endoscopie plus précise de l'élément projeté dans le sens antéro-
pourra être proposée lorsque la chirurgie endoscopique postérieur et vestibulo-palatin.
fonctionnelle sera impossible en raison de la taille trop
importante du corps étranger.
4.2 - Conduite à tenir
Les indications des différentes techniques de fermeture
4 - Communication de la communication dépendent de l'ancienneté de la
CBS, de sa taille, de la présence ou non d'une sinusite
bucco-sinusienne (CBS)
maxillaire d'origine dentaire associée. En outre, un traite­
Une communication bucco-sinusienne (CBS) corres­ ment étiologique devra être mis en œuvre (tab. 18.1).
pond à la création d'un espace entre la cavité orale et En l'absence de CBS, un sinus sain est généralement stérile.
le sinus maxillaire, qui peut survenir après une chirurgie En revanche, la création d'une communication entre le
buccale maxillaire (0,31 à 3,8 % des cas) (Kitagawa et al., sinus maxillaire et la cavité buccale, aura pour consé­
2003). La guérison n'étant pas spontanée, le chirurgien- quence la contamination du sinus par des bactéries de la
dentiste devra intervenir le plus précocement possible, cavité buccale, notamment dans le cas d'une projection
après réalisation d'un interrogatoire et d'un examen cli­ d'une racine ou d'un apex dans le sinus maxillaire. Certains
nique complet. auteurs préconisent l'utilisation d'une antibiothérapie

195
Urgences orofaciales
Urgences en chirurgie buccale - complications

Tableau 18.1 Avantages et inconvénients des différentes techniques de fermeture des CBS

Avantages Inconvénients
Lambeau de translation buccal - Facilité d'accès - Perte de profondeur du vestibule
-Technique chirurgicale simple - CBS < 2-3 mm
- Bride cicatricielle

Lambeau de translation palatin Bon résultat et bonne stabilité de la greffe - Douleurs post-opératoires
- Cicatrisation de seconde intention au niveau
du site donneur

Lambeau graisseux buccal Quantité importante de tissu > 5 mm pour - Techniques chirurgicales ± complexe
fermer la CBS - Suites opératoires souvent douloureuses

Greffe osseuse monocorticale - Indiqué lors de pertes de substances - Technique chirurgicale complexe
importantes

Transpositions dentaires - Permet de mettre en fonction la dent - Technique chirurgicale complexe


transplantée - Résultat inconstant sur dent mature
- Fermeture de la CBS - Risque d'ankylose et de résorption de la dent
transplantée

prophylactique avant drainage chirurgical du sinus maxil­


Deux techniques chirurgicales sont employées pour réa­
laire, par Amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin
liser le drainage, le lavage du sinus e t / o u la récupération
500®, 2cp 2/J) ou encore Clindamycine (Dalacine® 300,2cp du fragment dentaire projeté dans le sinus maxillaire :
2/J) en cas d'allergie à la pénicilline et Métronidazole - méatotomie moyenne ou inférieure (intervention chi­
(Flagyl®) 1,5 g/jour en 3 prises pendant 7 à 10 jours, efficace rurgicale sous endoscopie réalisée par un ORL ou un
contre les bactéries anaérobies. Des lavages naso- chirurgien maxillo-facial) ;
sinusiens (Stérimar® 6 pulvérisations/jour) pourront égale­ - technique de Caldwell-Luc : abord chirurgical au niveau
ment être proposés pendant 10 jours. de la paroi antérieure du sinus maxillaire (fig. 18.2).

Figure 18.2 Technique de Caldwell-Luc au niveau maxillaire droit. a : vue vestibulaire de la voie d'abord. b : fragment de pâte d'origine
dentaire récupéré par cette voie d'abord (à droite).

196
Le traitement antibiotique sera poursuivi pendant 10 jours sonde numéro 6 et ainsi réaliser une stimulation méca­
après intervention chirurgicale, et des antalgiques seront nique à la recherche d'une hypoesthésie ou d'une anesthé­
prescrits (paracétamol 1 g, maximum 4 g/24 heures). Tout sie. Cette cartographie (fig. 18.3) est indispensable pour
mouchage violent, utilisation de pailles et consommation évaluer une éventuelle amélioration des symptômes et
de tabac seront proscrits pendant une durée d'au moins présente un intérêt médico-légal.
15 jours.
La surveillance du patient sera de règle jusqu'à disparition 5.2 - Conduite à tenir
complète des signes cliniques et fermeture de la commu­ La prise en charge de ces lésions est indispensable compte
nication. tenu des conséquences qu'elles entraînent sur le plan
fonctionnel et psychologique. Robinson et coll. en 2004
ont proposé une démarche thérapeutique à adopter face
5 - Lésions nerveuses à une lésion nerveuse des nerf lingual et alvéolaire infé­
rieur (Robinson et al., 2004) (fig. 18.4).
Il faut rassurer le patient puisqu'on estime, selon les étu­
Important ! Les lésions nerveuses sont des complications
des, que sur nerf exposé intact, l'évolution est favorable
communes de l'avulsion des dents de sagesse. Les lésions du
nerf lingual et du nerf alvéolaire inférieur ont fait l'objet de dans 70 à 83 % des cas à 1 an (fig. 18.5).
nombreuses publications dans la littérature scientifique, et On notera l'évolution de la sensibilité nerveuse et sa récupé­
leur incidence globale varie de 0,4 à 8,4 % pour les lésions ration grâce à la cartographie précédemment évoquée.
du nerf alvéolaire inférieur et de 0 à 22 % pour les lésions Des traitements non-chirurgicaux et chirurgicaux sont
du nerf lingual (Graff-Radford et Evans, 2003 ; Pogrel et
proposés pendant la période de suivi post-lésionnel
Goldman, 2004 ; Robinson et al., 2004 ; Gomes et al., 2005 ;
Robert et al., 2005). L'atteinte du nerf lingual entraînant une (tab. 18.2) :
perte des fonctions sensitives (perte de sensibilité) et sen­ - corticothérapie : 1 m g / k g / 2 4 heures pendant une semaine
sorielle (perte du goût) au niveau des deux tiers antérieurs pour diminuer l'inflammation postopératoire et limiter la
de la langue et la lésion du nerf alvéolaire inférieur entraî­
compression nerveuse ;
nant une anesthésie, hypoesthésie ou paresthésie au niveau
du menton et de l'hémilèvre correspondante. Leur prise en - antalgiques : le traitement de choix est celui des douleurs
charge est indispensable tant sur le plan fonctionnel que neuropathiques. Les deux seules molécules qui ont
psychologique. l'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le trai­
tement des douleurs neuropathiques sont l'amitriptyline
(Laroxyl® : antidépresseur tricyclique) à dose antalgique,
5.1 - Diagnostic allant de 25 mg à 100 mg/jour pendant 3 mois et la gaba-
L'examen clinique doit être orienté par les symptômes pentine (Neurontin ® : anti-épileptique) ;
décrits au cours de l'interrogatoire du patient. D'une - vitaminothérapie Bl, B6, B12 : chez l'animal, on a montré
façon générale, il concernera les territoires d'innervation une régénération nerveuse périphérique. Cependant,
du nerf lingual (deux tiers antérieurs de la langue) et du aucune étude scientifique concernant l'efficacité de la
nerf alvéolaire inférieur (menton et l'hémilèvre corres­ vitaminothérapie n'a été réalisée chez l'homme.
pondante). À l'interrogatoire, le patient décrit le plus
souvent des douleurs à type de décharges électriques ou La prévention de ces lésions nécessite une connais­
paresthésies, une agueusie, des fuites de liquide au cours sance accrue de l'anatomie et sur le repérage avant
des repas, une difficulté à formuler certaines syllabes ou intervention chirurgicale des situations à risque : exis­
à s'exprimer entravant de façon significative la vie quoti­ tence de signes radiologiques, âge, sexe, localisation
et position de la dent. En cas de lésion nerveuse,
dienne.
l'évolution est le plus souvent favorable à un an. Le
L'examen clinique repose essentiellement sur la palpation patient devra être informé que la récupération ner­
et l'application de molécules sapides à la recherche veuse est longue et il sera suivi jusqu'à amélioration
d'hypoesthésie, de dysesthésie, d'anesthésie, de dysgueu- ou disparition des symptômes Le cas échéant, le
sie ou d'agueusie dans le territoire nerveux lésé correspon­ patient devra être orienté vers un service hospitaliser
dant. Afin d'affiner l'examen et de cartographier de façon spécialisé.
précise le territoire atteint, nous pouvons utiliser une

197
Urgences orofaciales
Urgences en chirurgie buccale - complications

Figure 18.3 Lésion nerveuse post-chirurgicale. a : radiographie préopératoire avant avulsion de 37. b : radiographie postopératoire
1 an après l'intervention ; le patient ressent une zone d'insensibilité labio-mentonnière signant une lésion du nerf alvéolaire inférieur
lors du curetage de la lésion. c : radiographie 2 ans après l'intervention ; après une période d'insensibilité d'environ 1 an, le patient a
commencé à ressentir des douleurs spontanées à type de brûlure et une allodynie de contact, évoquant une douleur de type neu-
ropathique. d : territoire cutané (en jaune) dans lequel le patient ressent les dysesthésies.

Avulsion DDS mandibulaire Section du NL ou NAI en per-opératoire Sutures dans un service hospitalier spécialisé
et adresser le patient en urgence

Suivi post-op Anesthésie


Si lésion du NL Si lésion du NAI

Paresthésie Prévoir une intervention Radiographie à la recherché


chirurgicale d'une compression du canal

Surveillance régulière (tous les mois)


Non Oui
Retrait de l'obstruction ou addresser en urgence

Contrôle à 3 mois

Amélioration Pas d'amélioration


Orienter vers un service spécialisé pour exploration et,
si nécessaire, réparation (surtout si dysesthésie persistante)
Suivi Amélioration limitée

Figure 18.4 Arbre décisionnel permettant la gestion des lésions du nerf lingual (NL) et du nerf alvéolaire inférieur (NAI) (Robinson
et al, 2004).

198
6.1.1 Diagnostic
Lorsque la fracture survient en peropératoire, un bruit de
craquement et une douleur ressentie par le patient peuvent
survenir au niveau du trait de fracture, avec une hémorragie
localisée et une dilacération muqueuse. Dans les suites pos­
topératoires, un œdème post-lésionnel survient souvent.
Ce signe est difficile à interpréter car il peut être confondu
avec l'oedème postopératoire lié à l'acte chirurgical lui-
même. Ainsi, devant un craquement en peropératoire ou en
cas de douleur persistante, un cliché radiologique (panora­
Figure 18.5 Évolution de la sensibilité au cours du temps après
lésion nerveuse (Tay et Go, 2004). mique dentaire) permettra de confirmer la fracture. Il fau­
dra rester prudent quant à l'interprétation du cliché radio-
graphique car il existe un délai de 10 ±4 jours (Wagner
Tableau 18.2 Traitements non chirurgicaux et chirurgicaux des
et al., 2005) dans le diagnostic radiologique de fracture
lésions nerveuses
mandibulaire. Ainsi, en l'absence d'image de trait de frac­
Traitements ture à la radiographie et en cas d'oedème et de douleur per­
Traitements chirurgicaux
non chirurgicaux sistants, des clichés pourront être réalisés régulièrement.
Médicamenteux : Microchirurgie
6.1.2 Conduite à tenir
- corticoïdes ; (service spécialisé) :
- amitriptyline ; - décompression nerveuse ; Une fois le diagnostic de fracture mandibulaire posé, il
- gabapentine ; -greffes; faudra adresser le patient dans un service hospitalier de
- vitamine B1, B6, B12. - sutures sous loupe ou chirurgie maxillo-faciale.
Topiques: microscope opératoire à l'aide
En fonction de la localisation et de l'ancienneté du trait de
- capsaïcine, lidocaïne 4 %, de fil monofilament
crème EMLA ; résorbable 8-0. fracture, de l'existence d'un déplacement, le chirurgien
- traitement psychologique préconisera soit une alimentation molle, un blocage inter­
d'accompagnement maxillaire ou une réduction associée ou non à un blocage
bimaxillaire.

6 - Fractures 6.2 - Fracture de la tubérosité


La fracture de la tubérosité peut survenir après l'avulsion
L'avulsion des dents de sagesse est l'un des actes les d'une dent de sagesse maxillaire. Lorsque la fracture sur­
plus fréquents dans notre pratique quotidienne. Le vient, un bruit de craquement est présent accompagné
chirurgien-dentiste est tenu responsable de l'infor­ d'une hémorragie tubérositaire mineure. Le fragment de
mation du patient concernant les risques que com­ tubérosité fracturé est souvent ankylosé avec la dent avul-
porte t o u t acte chirurgical : douleur, oedème,
sée. Dans le cas contraire, il est indispensable de retirer le
hémorragie et infection. De plus, le chirurgien est
fragment fracturé afin d'éviter une infection locale. Dans
tenu d'informer son patient du risque de lésion du
tous les cas, une révision alvéolaire systématique, l'utilisa­
nerf lingual, du nerf alvéolaire inférieur et du risque
éventuel de fracture de la mandibule ou du maxillaire tion d'une râpe à os, d'une pince gouge et des points de
à différents niveaux et des conséquences que celles- sutures berge à berge sont à réaliser afin de retirer les
ci pourraient engendrer. débris osseux fracturés et de permettre une bonne cicatri­
sation d'une part et d'arrêter l'hémorragie potentielle
d'autre part.
6.1 - Fractures de la mandibule

L'incidence des fractures de la mandibule suite à l'avul­ 6.3 - Fracture alvéolaire


sion d'une dent de sagesse mandibulaire est exception­ La fracture alvéolaire survient soit suite à des manœuvres
nelle puisque, selon les auteurs, elles ne représentent iatrogènes, trop brutales lors de l'avulsion, soit lors de
que 0,0008 à 0,19 % des fractures (Alling et Catone, l'avulsion d'une dent avec un traitement endodontique
1993 ; Perry et Goldberg, 2000 ; Libersa et al., 2002 ;
ancien ou chez le patient âgé. La conduite à tenir est la
Otten et al., 2005).
même que pour une fracture alvéolaire.

199
Urgences orofaciales
Urgences en chirurgie buccale - complications

Il - Prévenir et évaluer importantes chez l'homme, le risque de fracture mandibu-


laire suite à une avulsion de dent de sagesse mandibulaire
la difficulté du geste opératoire est plus élevé chez l'homme que chez la femme (Wagner
Il est à noter que le risque de complication dépend de l'indi­ et al., 2005).
cation de l'intervention. En effet, l'abstention est de rigueur
devant un acte chirurgical non indiqué (ANAES, 1997). Ainsi 1.3 - Tabac
les dents incluses ne présentant aucune symptomatologie La consommation de tabac est incriminée dans le risque
(dent de sagesse incluse sous-corticale par exemple), ni d'alvéolite notamment. Il semble augmenter le risque
aucune indication clinique d'avulsion (risque pour les dents d'alvéolite de 2,6 à 12 % selon les auteurs, voire plus lors­
adjacentes), souvent à haut risque de complication, seront que le patient fume immédiatement après le geste opéra­
conservées. Une fois l'indication posée, il convient d'éva­ toire (Blum, 2002). Il a été évoqué un risque d'incorpora­
luer un certain nombre de critères avant de procéder au tion des composants polluants du tabac dans le site
geste chirurgical, afin de prendre les mesures les plus appro­ extractionnel. Il convient donc de prévenir le patient et de
priées dans la prise en charge du patient (imagerie, prescrip­ le motiver fortement à ne pas fumer dans les suites immé­
tion, suivi...). diates de l'intervention et dans les jours qui suivent.

1.4 - Hygiène bucco-dentaire


1 - Variables liées au patient
L'hygiène bucco-dentaire est une variable évidente à pendre
1.1 - Âge du patient en compte, avant le geste opératoire. Les bactéries ont un
L'âge du patient est un paramètre à prendre en compte, mais rôle non négligeable dans le développement de l'alvéolite, en
pas modifiable. Globalement, plus le patient est jeune, contribuant à la fibrinolyse du caillot sanguin. De nombreuses
moins il y a de risques de complication. En effet, le risque études se sont intéressées à l'effet de la réduction de la
d'alvéolite à 20 ans est de 10 %, augmentant à plus de 30 % charge bactérienne dans l'apparition d'alvéolite, avec l'utilisa­
à 40 ans, l'âge moyen de survenue de fracture de la mandi­ tion d'antiseptiques qu'ils soient topiques ou systémiques.
bule est de 49 ± 3 ans (Wagner et ai, 2005) et le risque de Il est, bien entendu, préférable d'intervenir dans une
lésions nerveuses augmente considérablement après 35 ans « bouche propre », la mauvaise HBD étant un facteur favo­
(Robinson et al., 2004). Par ailleurs, les pathologies et les risant d'alvéolite et d'infections postopératoires.
médications augmentant avec l'âge, d'autres risques de
complication sont souvent à ajouter. Important ! Il est à noter que l'emploi d'antiseptiques
comme la chlorhexidine avant, pendant et après le geste
De ce fait, il convient de réaliser les avulsions des dents opératoire (Caso et al., 2005), associé à une révision alvéo­
de sagesse (DDS) le plus t ô t possible dès lors que l'indi­ laire post-avulsionelle sont des mesures peu contraignantes,
cation est posée (ANAES, 1997). qui utilisées de manière systématique contribuent à dimi­
nuer les risques d'alvéolite et d'infection postopératoire.

1.2 - Sexe
Ce paramètre n'étant pas modifiable, son appréciation En revanche concernant l'utilisation d'antibiotiques
aura des avantages limités. Les femmes ont en effet un ris­ comme te métronidazole, ou encore les tétracyclines, les
que de complication plus important que les hommes, cinq études ne justifient pas l'utilisation d'une antibiothérapie
fois plus notamment concernant le risque d'alvéolite. Les systématique.
oestrogènes seraient capables d'activer le système fibrino-
lytique via une voie indirecte, contribuant à la destruction
prématurée du caillot sanguin et donc au développement 2 - Variables anatomiques
de l'alvéolite. Il a également été rapporté une augmenta­ Le praticien devra évaluer la difficulté de l'acte opératoire
tion du risque dans les premiers jours du cycle menstruel, par les différents moyens cliniques et radiologiques à sa
qui serait alors une période à éviter. Par ailleurs, le risque disposition, Il devra également évaluer sa capacité à réali­
de lésions nerveuses est également plus important chez ser l'acte chirurgical et prendre en compte différents para­
les femmes. Le praticien doit être conscient de ces risques mètres. Nous aborderons exclusivement les variables à
pour informer, insister sur les conseils postopératoires et évaluer pour les DDS mandibulaires, qui sont à l'origine des
le suivi des patientes. Les forces masticatrices étant plus complications les plus fréquentes.

200
2.1 - Localisation, position de la dent ficulté de l'acte opératoire et d'estimer le risque de lésion
La classification de Pell et Gregory permet d'apprécier la du nerf alvéolaire inférieur (Sanai et al., 2002) grâce aux
position des DDS mandibulaires et différents risques liés à signes radiologiques suivants (Sedaghatfar et al., 2005) :
leur avulsion (flg, 18.6). Ainsi l'orientation linguale et les M3 - obscurcissement des racines à l'apex ;
enclavées de classes IIB et IIC, ont davantage de risques de - interruption de la paroi supérieure du canal ;
lésions du nerf lingual. La réalisation d'un lambeau lingual - déplacement du canal ;
reste sujet à controverse (Graff-Radford et Evans, 2003 ; - rétrécissement des racines à l'apex ;
Pogrel et Goldman, 2004; Gomes et al., 2005; Robert - crochet apical.
et al., 2005). En outre, du fait d'une très grande variabilité Ces signes pris isolément ne sont pas suffisamment sensi­
anatomique de la position du nerf lingual, il sera préférable bles ou spécifiques pour conclure à un risque réel de lésion
de réaliser une protection du nerf lingual à l'aide d'une du nerf alvéolaire inférieur. C'est la concordance de plu­
lame malléable (Wagner et al., 2005). sieurs de ces signes qui est en faveur d'un risque de lésion
du nerf alvéolaire inférieur (NAI). C'est pourquoi, en cas de
doute, il sera nécessaire de recourir à une technique d'ima­
Classe 1 Classe 2 Classe 3
gerie plus précise, comme une tomodensitométrie à
rayons X (fig. 18.7).
Exemple : la radiographie panoramique présente une
a) interruption, un déplacement de la paroi supérieure du
canal dentaire et un crochet apical. Un scanner a été réa­
lisé pour évaluer le rapport entre le canal et l'apex de M3.
Il met en évidence un risque pour le nerf alvéolaire infé­
rieur.
b) En outre, le panoramique dentaire permet, lors d'un déficit
sensitif constitué dans le territoire du NAI, d'évaluer radio-
logiquement la présence ou non d'une compression du
canal dentaire inférieur ou d'une lésion liée à une manœu­
vre iatrogène en rapport avec un fraisage intempestif, par
c) exemple.
Certains auteurs ont proposé, dans le cas où il existait une
relation étroite entre le canal mandibulaire et l'apex de
M3, de réaliser la technique des « apex laissés place ».
Figure 18.6 Classification de Pell et Gregory (Wagner et al. 2005). Cette technique n'a pas fait ses preuves du fait du manque
de recul clinique, d'études rigoureuses et du risque d'infec­
tion des racines non avulsées. Lorsqu'il existe un risque
Par ailleurs, les classes IB et IIA représentent des facteurs
important de lésion du nerf alvéolaire inférieur, il convient
favorisants de fractures mandibulaires, alors que les
de faire un choix dans la technique chirurgicale en se gui­
classes IIC et IIIC sont en revanche très peu à risque. En
dant grâce aux examens complémentaires.
outre, lorsque le patient est âgé et que la dent est ankylo-
Ces paramètres vont notamment permettre de diriger
sée de surcroît, le risque de fracture sera maximum. Il est
l'intervention dans le choix d'un certain nombre de tech­
à noter que le côté gauche est en moyenne trois fois plus
niques chirurgicales.
souvent fracturé d'après la littérature.
Outre la nécessité d'une antibioprophylaxie liée aux
2.2 - Examen radiographique préopératoire pathologies du patient (risque d'endocardite, prothèse
articulaire...), l'AFSSAPS en 2001 recommande, lors de la
La radiographie panoramique est l'examen de base en réalisation d'une chirurgie osseuse, de prescrire des anti­
odonto-stomatologie. biotiques (à large spectre comme l'amoxicilline par exem­
ple). Une corticothérapie (Solupred® 1 m g / k g / 2 4 heures)
En chirurgie buccale, en prévision de l'avulsion d'une dent pendant 4 jours pour limiter les suites opératoires pourra
de sagesse mandibulaire (M3), elle permet d'évaluer la dif­ être prescrite, mais toujours sous couverture antibiotique.

201
Urgences orofaciales
Urgences en chirurgie buccale - complications

Figure 18.7 Panoramique dentaire et examen tomodensitométrique destinés à évaluer le rapport entre le nerf alvéolaire inférieur et
l'apex de 38. a : la radiographie panoramique présente une interruption, un déplacement de la paroi supérieure du canal dentaire et
un crochet apical. b : un scanner a été réalisé pour évaluer le rapport entre le canal et l'apex de M3. Il met en évidence un risque pour
le nerf alvéolaire inférieur.

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203
Chirurgie implantaire et urgences
Edouard COHEN

I - Prévention des urgences 1.1.3 Stabilité primaire d'un implant


Elle peut dépendre de la faible densité de l'os ou d'une
De nombreuses urgences liées à la pratique de l'implanto- préparation inappropriée du site.
logie sont dues à des complications chirurgicales et ont Si la stabilité primaire est insuffisante : dans le cas des
été traitées dans les chapitres précédents (hémorragie, implants posés en un seul temps chirurgical, il doit être
communication bucco-sinusienne, fracture de la mandi­ retiré immédiatement et remplacé par un implant plus
bule, emphysème, etc.). Cependant un certain nombre de large et plus long si cela est possible ; dans le cas
situations d'urgence sont spécifiques à la pratique implan­ d'implants posés en deux temps chirurgicaux, on pourra,
taire. pour obtenir une meilleure stabilisation, choisir un implant
plus long et allonger le temps d'osséo-intégration.
Important ! Anticiper ces situations reste la meilleure façon
de les prévenir. Cette prévention s'appuiera sur : 1.2 - Hémorragie artérielle
- une consultation pré opératoire rigoureuse avec radio
À la mandibule, en cas de non-respect de la zone de
panoramique et scanner afin de déterminer la présence
d'éléments anatomiques à risques (artères, veines, sécurité de 2 mm minimum, le canal mandibulaire ou
nerfs, etc.) ; l'artère linguale peuvent être endommagés. Au maxillaire,
- l'établissement d'un plan de traitement chirurgical et pro- c'est l'artère maxillaire qui est la plus souvent atteinte.
thétique précis ; L'intervention sur la symphyse expose au risque de perfo­
- l'utilisation peropératoire d'un guide chirurgical.
ration de la corticale interne avec section de l'artère
sublinguale, et sous mentale.
Les principales situations sont les lésions nerveuses res­
ponsables de dysesthésies, douleurs neuropathiques et
Essentiel : une hémorragie artérielle se présente sous la
perte de sensibilité dentaire, les hémorragies, les inges­ forme d'un envahissement soudain du site opératoire avec
tions et inhalations de pièces implanto-prothétiques, parfois la mise en évidence d'un jet de sang pulsatile.
l'absence de stabilité immédiate de l'implant, les péri- Le traitement consiste à compresser immédiatement
implantites. l'artère lésée ou à la clamper si l'on peut l'atteindre.
L'hémorragie peut parfois ne se déclarer que dans tes heu­
On peut distinguer les situations d'urgence peropératoires
res qui suivent l'intervention. C'est une urgence chirurgicale
et postopératoires. très grave. Le patient d o i t être vu immédiatement et trans­
porté en milieu hospitalier pour la coagulation ? de l'artère
lésée.
1 - Complications peropératoires
1.1 - Liées à un mauvais placement de l'implant
1.3 - Lésion nerveuse (voir chapitre 18)
1.1.1 Perforation L'identification des structures nerveuses et la définition
Dans les cas d'implants trop longs et insérés suivant un d'une zone de sécurité de 1 mm minimum sont indispen­
mauvais axe. sables en raison des variations anatomiques importantes
d'un sujet à l'autre. Les lésions nerveuses entraînent par­
1.1.2 Dommages causés à la ou les dents adjacentes fois une sensibilité immédiate. Il faut dans ce cas immédia­
Ils nécessiteront le traitement endodontique en cas de tement prendre une radiographie et corriger la position de
perte de vitalité ou une résection apicale. l'implant. Dans le cas de compression du canal dentaire,

205
Urgences orofaciales
Chirurgie implantaire et urgences

l'implant devra être retiré et remplacé par un implant plus -Anticiper la survenue de la douleur par la prescription
court ; en cas d'effraction du canal le retrait de l'implant précoce d'antalgiques, en tenant compte de leur délai
devra se faire immédiatement. d'action.
Les lésions nerveuses ne sont cependant pas perçues - Ne pas prolonger inutilement le bloc nerveux (anesthésie).
immédiatement par le patient mais seulement après dis­
2.1.2 Postopératoire immédiat: traiter
parition de l'anesthésie. La lésion du nerf lingual entraîne
une perte de sensibilité dans les 2/3 antérieurs de la moi­ -Traiter sans attendre la survenue de la douleur.
tié ipsilatérale de la langue. Les lésions du nerf lingual - Couvrir tout le nycthémère.
affectent l'élocution, la mastication, la déglutition des ali­ - Préciser sur l'ordonnance les modalités d'adaptation du
ments solides et des liquides. traitement.
Plusieurs études prospectives ont évalué l'incidence des 2.1.3 Postopératoire retardé : suivre et adapter
complications neurologiques après chirurgie implantaire.
- Assurer un suivi téléphonique à J +1.
Zarb et Schmitt (1991) n'ont pas observé de neuropathie en
- Faire quantifier la douleur par le patient : utilisation d'une
surveillant entre 4 et 9 ans, 74 implants posés chez
échelle (EVA, EVS ou EN).
46 patients. Bartling et al, (1999) ont étudié 94 patients
- Adapter le traitement par palier (tab. 19.1).
avec 405 implants mandibulaires pendant 6 mois et ont
noté 8,5 % de dysesthésies la première semaine postopé­ 2.2 - Œdème-hématome
ratoire, avec une amélioration progressive en quelques L'inflammation postopératoire est un phénomène physiolo­
semaines et ce jusqu'à 4 mois. L'étude de Wismeijer et al. gique normal. L'oedème doit disparaître en 6 à 8 jours dans
(1997) montre une incidence de 11 % de dysesthésies labia­ les cas d'interventions courtes et « délicatement » menées.
les inférieures à 10 jours et de 10 %, 16 mois après l'inter­ L'hématome est une collection sanguine qui apparaît surtout
vention. Ellies (1992) observe que 37 % des patients inclus chez les sujets présentant une fragilité vasculaire. L'héma­
rapportent des « sensations modifiées » postopératoires, tome sera évité par l'application de froid pendant plusieurs
persistant à long terme chez 13 % d'entre eux. Dans la plu­ heures immédiatement après la fin de l'intervention. Si en
part des cas, ces troubles ne contrebalancent pas pour les dépit de ces précautions il se développait, la prescription
patients le bénéfice de la chirurgie. d'antibiotiques éviterait l'infection secondaire (fig. 19.1).

Tableau 19.1 Facteurs prédictifs de douleur postopératoires


2 - Complications postopératoires
immédiates Facteurs de risque de l'intensité de la douleur
Caractéristiques de l'intervention :
2.1 - Douleur - difficulté opératoire
- durée opératoire
Une douleur aiguë postopératoire peut être la conséquence Niveau d'expérience du chirurgien
d'un traumatisme osseux, d'un mauvais traitement des tissus Caractéristiques du patient :
mous, de l'effraction du desmodonte ou du contact avec - douleur préopératoire
l'apex d'une dent adjacente. Dans ce cas, le traitement - hygiène buccale défectueuse
- tabagisme
endodontique de la dent lésée est indispensable.
- anxiété
L'HAS a récemment établi une revue des connaissances - dépression
relatives à la prévention et au traitement des douleurs en - facteurs sociaux défavorables
chirurgie buccale (HAS, 2005) et a établi des recommanda­
Cas particulier des douleurs neuropathiques :
tions de bonne pratique. - caractéristiques anatomiques (profondeur de l'inclusion,
Il faut, en : inclinaison linguale de la dent)
- site (le territoire du nerf alvéolaire inférieur, après avulsion de
21.1 Préopératoire : anticiper 3e molaire mandibulaire, pose d'implants ou anesthésie loco
régionale)
- Identifier les facteurs prédictifs de l'intensité de la dou­
- technique opératoire (la durée opératoire, la suppression d'os
leur pour adapter : distal et l'élévation d'un lambeau lingual, la section verticale de
- la nature du traitement initial (cf. schéma thérapeu­ la dent, l'utilisation d'instruments rotatifs plutôt que frappés)
tique); - niveau d'expérience du chirurgien
- la durée du traitement. - douleur préopératoire

206
être à l'origine de la perte de l'implant. Le pourcentage des
échecs implantaires d'origine bactérienne est plus élevé
chez les édentés partiels que chez les édentés complets.
L'échec bactérien est dû à une augmentation des micro­
organismes et à une variation qualitative des anaérobies
Gram-.

Toute infection intervenant quelques semaines après la


pose d'implants devra être traitée par une forte antibio-
thérapie. La dépose de l'implant n'intervient qu'en cas
de perte osseuse ou de fistule.

3.1 - Fracture de l'implant


Elle intervient dans les cas de fatigue excessive ou d'occlu­
Figure 19.1 Hématome bilatéral consécutif à une chirurgie
sion traumatique. Elle est difficile à détecter radiographi-
implantaire.
quement. Le traitement est l'extraction de tous les frag­
ments de l'implant fracturé. Attendre ensuite un minimum
2.3 - Infection de trois mois avant une réimplantation.
Cliniquement, l'infection se manifeste par une douleur, un
œdème et une suppuration au niveau du site implantaire. Il 3.1.1 En denture naturelle
faudra retirer une ou deux sutures pour permettre un drai­ Les récepteurs desmodontaux captent l'intensité et la
nage et vérifier que le patient prend bien ses antibiotiques. direction des forces s'exerçant sur les dents. Des mécanis­
Le protocole chirurgical doit respecter l'asepsie. Les micro- mes de protection réflexes et centraux permettent
organismes pathogènes du milieu buccal peuvent contami­ d'adapter les forces et les mouvements mandibulaires aux
ner la surface de l'implant et compromettre fortement conditions occlusales, protégeant ainsi les dents.
l'ostéo-intégration. Le site pourra aussi avoir été conta­
miné par un kyste, un granulome, une lésion endodontique 3.1.2 Dans le cas de prothèses implanto portées
ou parodontale avant l'extraction de la dent remplacée. Ces réactions d'adaptation naturelle ne peuvent intervenir
du fait de l'absence de récepteurs au niveau de l'implant.
2.4 - Mobilité de l'implant L'implant ne se trouve pas dans un environnement osseux
identique à celui d'une racine naturelle, ce qui crée des
Essentiel : au cas où l'infection entraînerait une mobilité de contraintes qui peuvent entraîner une fracture.
l'implant, il devra être extrait en urgence pour éviter une Le traitement implantaire ne doit être entrepris qu'après
perte osseuse importante et compromettre une réimplan­
une étude préliminaire approfondie, une chirurgie rigou­
tation quelques mois après.
reuse et une prothèse supra-implantaire dont l'intégration
dépendra d'un équilibre biomécanique et occlusal. L'étude
2.5 - Déglutition préliminaire permettra d'adapter et de décider :
Une compresse doit être maintenue dans la bouche pour - du nombre et du diamètre des implants ;
éviter l'inhalation de petits instruments lors des phases - de la disposition : rectiligne ou en tripode ;
opératoires. -d'une extension prothétique (dans les cas extrêmes) ;
- d e l'inclinaison des implants ;
- d u matériau prothétique.
3 - Complications postopératoires Dans les cas de surcharge occlusale on pourra observer,
Seul un plan de rappel périodique avec motivation à surtout dans les cas unitaires, des dévissages des différents
l'hygiène et une séance de prophylaxie tous les 6 mois composants.
maximum pourra prévenir les conséquences des compli­
cations postopératoires. 3.2 - Sinusite chronique
Si le contrôle de la plaque péri-implantaire est négligé, une Le patient ressent une pression et une douleur vive. La
mucosite s'installe. La contamination bactérienne pourra radiographie montre une opacité du sinus maxillaire.

207
Urgences orofaciales
Chirurgie implantaire et urgences

L'implant doit alors être retiré. Cette complication est 3.4.2 Stade 2
rare. Le contact entre un implant et la membrane de Approfondissement des pertes osseuses horizontales et
Schneider est bien toléré. Dans un sinus sain, la pénétra­ verticales, Les tissus périphériques sont gonflés et sai­
tion de l'implant jusqu'à 2 m / m est asymptomatique dans gnent abondamment. Un curetage chirurgical est indispen­
des conditions d'asepsie parfaite. sable pour éliminer les poches, réarchitecturer l'os et créer
une zone de gencive kératinisée autour de l'implant.
3.3 - Douleur à la mise en charge de l'implant
3.4.3 Stade 3
À la mandibule, un implant trop proche du canal mandi-
La perte osseuse de plusieurs spires provoque l'apparition
bulaire provoquera une irritation du nerf entraînant une
d'une poche circulaire qui entraîne la mobilité de
douleur vive à la mise en charge des implants. Une anti-
l'implant. La cause en est souvent la forte surcharge méca­
biothérapie devra accompagner l'extraction de l'implant
nique. La partie de l'implant dénudé devra être parfaite­
causal.
ment repolie. Et l'hygiène devra être sans faille. Une radio
de contrôle tous les trois mois devra être prise.
3.4 - Facteur bactérien
3.4.4 Stade 4
La colonisation de la surface implantaire par les bacté­
ries pathogènes peut entraîner des réactions tissulaires Extrême et profonde perte osseuse circulaire entraînant
inflammatoires entraînant l'apparition de petites un sondage profond qui saigne et suppure. La mobilité
lésions lytiques péri-implantaire. Bien nettoyées, ces de l'implant est devenue très importante. Avec couver­
lésions disparaissent mais peuvent récidiver en quel­ ture antibiotique, il est recommandé, à ce stade de reti­
ques mois. L'inflammation péri-implantaire chronique rer l'implant ou de tenter une régénération osseuse.
est appelée péri-implantite.
La destruction de l'os péri-jonctionnel a une forme coni­
On peut distinguer quatre stades dans l'évolution de la que typique. Elle peut être associée à une fistule qui sem­
péri-implantite. ble ralentir le phénomène de destruction. Sa mise en évi­
dence avec un cône de gutta aboutit, le plus souvent à la
3.4.1 Stade 1 jonction implant-pilier. Contrairement à la lésion paro-
Légère perte osseuse horizontale et verticale. Une antibio- dontale qui migre apicalement le long du ligament, dans le
thérapie et le curetage de la surface implantaire et osseuse cas de l'implant, l'infection provoquera une destruction
périphérique sont nécessaires. Ces patients devront être symétrique et régulière sur toute la circonférence cervi­
mis sur un programme de rappel à 3 mois pour éviter les cale implantaire. Ce n'est que tardivement que la mobilité
récidives. s'installe, entraînant la perte de l'implant (fig. 19.2 et 19.3).

Figure 19.2a Périimplantite : vue clinique. Figure 19.2b Périimplantite : radiographie.

208
Figure 19.3a Périimplantite - implant lame : vue clinique. Figure 19.3b Périimplantite - implant lame : radiographie.

3.5 - Tableau clinique du patient consultant en urgence L'antibiothérapie est indispensable dès l'apparition des
Il est le plus souvent le suivant : symptômes.
- inflammation et hyperplasie gingivale ;
- saignement avec ou sans suppuration à la palpation ou au
sondage ;
Essentiel : dans tous les cas, le suivi du patient implanté est
- poche parodontale plus ou moins profonde ;
une règle absolue. Suivant les cas, les rappels tous les 3,4 ou
- perte osseuse intéressant plusieurs spires ; 6 mois sont nécessaires afin de maintenir les implants en
- mobilité de l'implant et douleur spontanée ; place et préserver le confort du patient.
- expulsion de l'implant en phase terminale.

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209
Urgences prothétiques
Olivier FROMENTIN

I - Quelle urgence en matière vaise adaptation de la base prothétique entraînant une


hyperplasie ou une ulcération.
de traitement prothétique ? - Enfin, plus récemment, de nombreuses études (Walton et
Mc Entee 1997, 2002) soulignent la fréquence élevée
Il s'agit généralement de consultation pour des doléan­
d'interventions de réparation concernant les prothèses
ces d'apparition très récente souvent esthétiques, fonc­
amovibles supra implantaires en rapport avec la mainte­
tionnelles ou parfois douloureuses, en rapport avec :
- la fracture partielle ou totale d'un élément cosmétique; nance du système d'attachement.
- le descellement d'un dispositif prothétique visible lors Ces chiffres ne donnent qu'une indication très partielle de
du sourire ; la fréquence des interventions en urgence mais ils reflè­
- le descellement d'une restauration plurale limitant la tent bien la réalité clinique et l'évolution souvent diffici­
mastication ou la phonation ; lement prévisible des traitements prothétiques réalisés.
-la fracture de la base prothétique ou des dispositifs
assurant sa rétention ;
- l'apparition d'une douleur vive en rapport avec le port Il - Quelle réponse prothétique
d'une prothèse amovible.
apporter à cette demande
Fort heureusement, ces événements sont rares ; en dehors en urgence ?
de quelques études longitudinales de pérennité prothétique,
Toutes ces demandes sont des urgences relatives, sans inci­
la littérature rapporte peu de données quantitatives sur
dence significative sur l'état de santé des patients ; néan­
l'urgence prothétique et la fréquence des fractures, descel­
moins, le ressenti est souvent vécu par ceux-ci comme un
lements ou des réparations de différents types de prothèse.
handicap immédiat réel imposant une prise en charge rapide.
- D'après Walton et al. (1986), 18 % des réfections de res­
La problématique consiste à répondre à trois questions
taurations céramométalliques plurales étudiées à envi­
avant d'intervenir dans cette situation d'urgence (Hargrave
ron 6 ans étaient liées à la fracture du matériau cérami­
et al. 1986).
que et environ 17 % au descellement.
-Selon Libby et al., (1997), pour 15 % des échecs prothéti­
ques constatés concernant des bridges fixés, environ 1 - La demande du patient
16 % montraient une fracture d'un pilier dentaire ou de la est-elle justifiée ?
reconstitution à 4,5 ans et 8 % des restaurations céramo­
métalliques présentaient une fracture à 15 ans. Dans une Remarque : comme pour toute demande de soins, il peut arri­
ver que les attentes des patients soient disproportionnées par
revue systématique de la littérature, Tan et al. (2004)
rapport à la réalité thérapeutique ; avant de s'engager dans
montrent qu'à 10 ans, les risques de descellement et de une quelconque tentative d'intervention, il est essentiel de
fracture du pilier dentaire sont respectivement de 6,4 % s'assurer du bien-fondé ou du caractère raisonnable de ces
et 2,1 % ; concernant la fracture de l'armature ou de la attentes qu'elles soient esthétiques ou fonctionnelles.
reconstitution prothétique ainsi que du matériau cosmé­
tique, le risque cumulé est de 3,2 %. Dans le cadre de l'urgence au cabinet dentaire pour
- D'après Carlsson (1998), la littérature concernant les trai­ laquelle il est rare d'avoir prévu un moment dédié pour
tements par prothèse amovible complète montre cela dans un emploi du temps souvent chargé, il faut
qu'environ 5 à 10 % des patients examinés rapportent des cependant prendre le temps nécessaire pour écouter suf­
douleurs en rapport avec une surextension ou une mau- fisamment avant de réaliser un acte technique.

211
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

2 - Peut-on apporter une réponse -est-elle immédiate après un traumatisme récent ou au


contraire sans cause connue rapportée par le patient ?
immédiate réaliste sur le plan technique
-se produit-elle sur une prothèse récemment réalisée ou
et clinique ? sur une restauration prothétique ancienne ?
Dans un intervalle de temps limité, est-il possible de réali­ Complété par l'examen clinique, cet interrogatoire vise à
ser une intervention qui ne sera ni une prouesse technique évaluer le risque de récidive de cette fracture ; même dans
ni un bricolage hasardeux mais un acte réfléchi constituant une situation d'urgence, cette procédure est indispensable
un réel service rendu au patient dans l'attente d'une solu­ pour réaliser le choix judicieux d'un traitement.
tion prothétique différée globale ? Pour répondre à la demande des patients, plusieurs possi­
Par ailleurs, cette intervention urgente ne doit pas bilités thérapeutiques sont envisageables depuis la répara­
compromettre les thérapeutiques ultérieures ou consti­ tion immédiate par collage jusqu'à la réfection différée,
tuer un facteur de risque supplémentaire pour une réinter­ après démontage et réalisation d'une prothèse provisoire.
vention nécessaire; ainsi, par exemple, l'utilisation en Dans le cadre d'une intervention par collage en urgence, il
urgence de colle ou ciments dits définitifs ne doit se con­ faut prendre en compte trois facteurs (Yanikoglu, 2004) :
cevoir qu'à condition de s'être assuré cliniquement, et à - le support de collage ou matériau sur lequel il faudra coller ;
l'aide de clichés radiologiques, de l'absence d'indication - le matériau qui sera collé sur ce support ;
de retraitement endodontique du pilier dentaire sur lequel - le matériau de collage qui dépendra des deux facteurs
une infrastructure prothétique serait descellée. précédents.

3 - Quelle responsabilité endosse-t'on 1 - La nature du matériau


en intervenant en urgence La nature du matériau sur lequel sera réalisée la réparation
sur une prothèse réalisée ? dépend du niveau de la fracture de l'élément cosmétique :
- le cas le plus fréquent correspond à la fracture superfi­
important ! Dans un contexte de judiciarisation des rap­ cielle, au sein même du matériau céramique, appelée
ports conflictuels, il faut être attentif aux conséquences aussi fracture cohésive ; l'éclat de céramique laisse appa­
d'une intervention sur une prothèse dont la conception n'a raître une surface plus ou moins importante de biscuit
pas été assurée par le praticien intervenant en urgence. Si céramique et parfois d'opaque ;
l'antériorité de l'état prothétique n'est pas attestée, t o u t e
- la fracture plus profonde peut entraîner une séparation à
modification, même minime de cette prothèse peut donner
lieu à contestation sur le résultat obtenu ; à ce titre, les rec­ l'interface métal-céramique ; ce type de fracture qui laisse
tifications de prothèses amovibles anciennes par soustrac­ à nu l'alliage métallique de la chape est souvent le signe
tion (meulages) ou addition (résine chémopolymérisable d'un traumatisme violent ou d'un défaut de conception
utilisée en bouche) doivent être entreprises avec beaucoup lors de la réalisation de l'élément prothétique (fig. 20.1).
de circonspection.

2 - Agrégation par collage


Les moulages, photos ou radiographies sont autant de
documents médico-légaux utiles avant d'entreprendre Sur ce support, sera agrégé par collage soit le morceau
une modification de l'état existant. fracturé s'il a été conservé, soit une reconstitution en
résine composite.
Si le fragment de céramique n'est pas disponible ou si le
volume à reconstituer est très important, il peut être décidé
III - L'urgence en prothèse fixée
de réaliser au laboratoire une pièce de reconstitution en
En prothèse fixée, le motif de consultation en urgence est céramique ou même une coiffe télescope (ou surcoiffe)
essentiellement de nature esthétique ; en dehors du des­ céramométallique ; ceci impose de réaliser un élément pro­
cellement prothétique, c'est la fracture partielle de la par­ visoire extemporané et d'entreprendre secondairement un
tie cosmétique d'une prothèse fixée antérieure qui justifie traitement prothétique classique.
souvent cette consultation. Le collage du morceau fracturé original s'effectue sans frai­
La première étape du traitement consiste en l'analyse de sage du support en utilisant un adhésif translucide ou non
l'étiologie de cette fracture : teinté visant à limiter la visibilité du joint de colle.

212
Figure 20.1 Fracture de la partie cosmétique d'une restauration
céramo-métallique sur 11 consécutive à un traumatisme. La 11 fait
partie d'une prothèse plurale ancienne qu'il faudra refaire en rai­
son d'une fracture concomitante de la racine de 21 mise en évi­
dence par la radiographie. a : l'armature métallique est très visi­
ble dans le sourire ; situation d'urgence sur le plan esthétique.
b1 : le fragment de céramique a été conservé par le patient. b2 :
intrados du morceau fracturé ; la fracture s'est faite à l'interface
métal-opaque ; la réparation par collage est difficile mais doit
être tentée afin de répondre à la situation d'urgence. b3 : l'intra­
dos est sablé, nettoyé, séché avant application d'acide fluorhy-
drique à 5 %. b4 : rinçage, séchage puis application de plusieurs
couches de silane.

213
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

Figure 20.1 (suite) c1 : conditionnement de l'acide fluorhydrique à 5 % ; attention : produit provoquant de graves brûlures en cas de
contact avec la peau ou la muqueuse. c2 : conditionnement du produit de silanisation ; il est important de respecter le protocole
d'utilisation et surtout de refermer hermétiquement les flacons sous peine d'évaporation du solvant. d1 : remarquer la surface impor­
tante de métal sur laquelle il faut coller ; la création de microrétentions par sablage permet d'améliorer l'adhérence de la colle
utilisée ; noter la digue placée malgré les dents solidarisées par la prothèse fixée. d5 : microsableuse Micro-Etcher® projetant de
l'oxyde d'alumine 50 microns. d2 : le collage est réalisé ; noter la perte de matériau céramique en cervical qui ne sera pas remplacé.
d4 : la résine 4 Méta de collage utilisée (Super Bond®).

214
Figure 20.1 (fin) d3 : aspect esthétique après dépose de la digue ; l'attaque acide et le sablage modifient la teinte du morceau collé.
e : le sourire du patient après la réparation en urgence. Le déficit esthétique a disparu ; la dépose différée du bridge peut alors être
est planifiée en toute sérénité.

Inversement, lors d'une reconstitution par résine compo­ forme d'une couche de résine opaque avant de choisir un
site, il est nécessaire de réaliser un biseautage du support matériau de reconstitution adapté.
céramique afin d'augmenter la surface de collage et d'éli­
miner les bords de céramique trop fragiles ; de plus, du fait
3 - Collage sur un support constitué
de l'hétérogénéité des matériaux, il est utile de dissimuler
le joint céramique-résine dans une région périphérique, de
de céramique feldspathique
moindre visibilité. Sur un support constitué de céramique feldspathique, le
L'utilisation d'une microsableuse de bouche (type Micro- collage sera réalisé à l'aide d'un agent de couplage ou
Etcher® projetant de l'oxyde d'alumine 50 microns) per­ silane associé à un matériau adhésif type composite dual
met dans tous les cas de finir la préparation du support (chémo et photopolymérisant).
en créant des microrétentions mécaniques ; ceci est L'utilisation de silane a pour but d'améliorer la mouillabi-
d'autant plus important si une surface métallique est lité et de contribuer à la formation de liaisons covalentes
exposée. avec la résine composite.
Pour certains auteurs, ce type de préparation mécanique Après mordançage à l'acide fluorhydrique puis rinçage et
est à lui seul suffisant pour envisager la rétention de séchage du support ainsi que du morceau fracturé, le
l'agent de collage. silane est déposé en plusieurs couches successives. Un
Pour d'autres, la préparation chimique des surfaces de temps de séchage suffisant est nécessaire afin d'obtenir
céramique est essentielle ; l'utilisation d'acide fluorhydri- l'évaporation du solvant contenu dans la solution de
que de 4 % à 10 % permet de réaliser une attaque chimique silane placée sur les fragments de céramique; puis, le
des cristaux de leucite d'une céramique feldspathique et matériau adhésif est déposé en couche mince avant
ainsi de créer des microrétentions. d'agréger sous pression digitale la pièce fracturée sur la
L'utilisation intrabuccale de ce produit nécessite une pro­ céramique prothétique. L'activation photonique à l'aide
tection des yeux du patient en cas de projection ainsi que de la lampe à polymériser doit être suffisante en intensité
l'isolement du site opératoire à l'aide d'une digue et de et durée pour initier la photopolymérisation du matériau
matériau d'étanchéification (type digue liquide photopo- adhésif au travers du morceau collé.
lymérisable). Le collage d'un fragment de céramique sur une armature
Après préparation mécanique et chimique du support, si métallique est plus délicat à réaliser du fait de l'hétérogé­
une surface de l'armature métallique est exposée, il est néité des matériaux à assembler. L'alliage métallique doit
utile de la recouvrir à l'aide d'un agent masquant sous être sablé (oxyde d'alumine 50 microns) afin d'activer la

215
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

surface et faciliter une liaison mécanique et chimique avec 1 - Fracture


la colle utilisée.
La fracture subite de la base prothétique ou la perte d'une
Une résine 4 Méta tri N Butyle Borane (type Super Bond®)
ou plusieurs dents entraîne, outre un préjudice esthétique,
ou Bis GMA (Panavia®) est ensuite utilisée pour coller le
une incapacité fonctionnelle immédiate.
morceau fracturé préalablement mordancé et silané. Sur
Néanmoins, même en urgence, comme il a été souligné
une armature en alliage précieux, un agent de couplage
précédemment, les interventions modifiant une prothèse
spécifique est parfois indiqué pour faciliter l'adhésion de
non réalisée par le praticien habituel d'un patient peuvent
la colle sur le support métallique.
faire l'objet de contestation et doivent faire l'objet de pru­
Il faut rappeler que le silane à froid est inactif sur un alliage
dence et de discernement.
métallique ou une céramique non feldspathique ; pour y
L'urgence consiste à intervenir en un minimum de temps
remédier, il est indispensable de déposer une couche de
sur une prothèse généralement ancienne et bien intégrée
silice sur le substrat métallique par projection (procédé
par le patient ; pour celui-ci, l'idée de s'en séparer même
Rocatec®) ou pyrolyse au laboratoire. À cette condition,
pour une courte période est souvent vécue comme une
un matériau adhésif dual comme décrit précédemment
« séparation » douloureuse.
peut être utilisé.
Dans ce cadre, il est intéressant de pouvoir intervenir au
Quels que soient les matériaux utilisés, il est impératif de
cabinet pour limiter au maximum la durée de cette inter­
respecter scrupuleusement les indications d'emploi et les
vention.
protocoles (nettoyage, séchage, nombre de couches...)
décrits par le fabricant de l'adhésif utilisé (Suliman et coll.,
La réparation d'une fracture simple ou l'adjonction
1993) ; de plus, les conditions de conservation (tempéra­ d'une dent peut aisément se réaliser au cabinet avec un
ture, durée...) influent sur la concentration en solvant et en minimum de matériel (Ogolnik, 1996) (fig. 20.2) ; l'inter­
produit actif ce qui agit directement sur la qualité du joint vention consiste en l'assemblage temporaire des frag­
collé (Perdigao et coll., 1999). ments à l'aide d'une colle cyanoacrylate ou d'un peu de
Ainsi, si la concentration en silane augmente dans le flacon cire collante déposée sur l'extrados ; une empreinte
par évaporation prématurée du solvant, le produit utilisé intrabuccale de situation prothétique permet de réali­
se comporte comme un isolant vis-à-vis de la résine et ser rapidement un modèle en plâtre ; après avoir meulé
largement les berges prothétiques autour du trait de
conduit à l'effet inverse de celui recherché.
fracture, les morceaux sont assemblés grâce à une
Pour Barghi (2000), si la silanisation est efficace et essen­
résine métacrylique rose dont la polymérisation s'effec­
tielle dans un joint collé, elle reste très délicate à mettre
tuera de préférence dans une enceinte sous pression
en oeuvre avec précision. (« cocotte » à polymériser).

Important ! Le traitement de l'urgence en prothèse fixée Ces opérations seront d'autant plus rapides et faciles à réa­
doit toujours être suivi par une consultation de contrôle qui liser que le patient n'aura pas tenté de réparer lui-même sa
a pour but de vérifier la stabilité du résultat obtenu ; de prothèse à l'aide de différents produits adhésifs ou colles
plus, cette séance permet d'évaluer plus sereinement la du commerce, ce qui conduit fréquemment à l'impossibilité
pérennité de la restauration effectuée et proposer si néces­
de retrouver la position initiale des morceaux fracturés.
saire un plan de traitement prothétique répondant à la glo­
balité de la situation clinique. Si les travaux à effectuer sont trop conséquents ou néces­
sitent l'utilisation de matériel spécifique (renfort ou cro­
chet coulé, réfection complète de la base prothétique,
brasure sur le châssis, changement ou réparation d'atta­
chements...), il est nécessaire de mettre en place une pro­
IV - L'urgence en prothèse amovible thèse provisoire de substitution.
Les doléances urgentes des patients traités en prothèse Le handicap fonctionnel et surtout le préjudice esthétique
amovible sont généralement d'ordre fonctionnel ou dou­ doivent être évités durant la période nécessaire à la répa­
loureux. ration.

216
Pour cela, l'utilisation d'une ancienne prothèse réadaptée 2 - Douleur
ou mieux d'un duplicata de la prothèse d'usage est indis­
pensable. La douleur sous une prothèse amovible peut être aussi
un motif de consultation en urgence.

Note : il est utile de rappeler ici t o u t l'avantage apporté,


lors d'un traitement prothétique, par la réalisation au labo­ Comme en prothèse fixée, l'interrogatoire et l'examen cli­
ratoire d'un deuxième jeu de prothèses transmis au patient nique seront indispensables à la compréhension de la
en même temps que la prothèse terminée. Pris en compte
situation d'urgence, au diagnostic étiologique et à la déci­
dans le devis initial, ce double prothétique permet de pré­
voir les inconvénients d'une intervention en urgence sur la sion thérapeutique.
prothèse originale. La symptomatologie douloureuse rapportée est souvent
en rapport avec une blessure cliniquement décelable.
La région prothétique en rapport avec la blessure détectée
Si aucune prothèse ancienne n'est disponible ou si sa réa­
est examinée soigneusement afin de détecter une irrégu­
daptation est impossible, il faut envisager la réalisation au
larité irritative qui devra être éliminée.
cabinet d'un duplicata de la prothèse d'usage (fig. 20.3 et
Un crayon dermographique peut être utilisé pour marquer
20.4).
la région douloureuse et localiser la zone prothétique
L'utilisation d'un dispositif de moufle articulé (type den­
concernée ou inversement colorer une zone prothétique
ture Duplicator®) permet de dupliquer rapidement une
retouchée et visualiser ses rapports avec la fibromu-
prothèse amovible (Kaplan, 1992, Ferenczi-Troje et Hüe,
queuse.
1999).
Une rectification localisée de la prothèse suffit générale­
À l'aide de ce dispositif garni de matériau élastique (élas-
ment à diminuer fortement la sensation douloureuse.
tomère siliconé de haute viscosité ou mieux hydrocol­
Une prescription de gel anesthésiant ou antalgique
loïde irréversible), il est possible de réaliser l'empreinte de
(Xylocaïne visqueuse à 2 %, Pansoral®, Dinexan®) et de
l'intrados, de l'extrados et des dents prothétiques qu'il
bains de bouche peut contribuer à l'amélioration rapide de
s'agisse d'une prothèse amovible mandibulaire (fig. 20.3)
la situation.
ou maxillaire (fig. 20.4).
Si aucune blessure est visible, la pression digitale ou à
Tout d'abord les dents prothétiques sont dupliquées dans
l'aide d'un brunissoir à amalgame permet de détecter des
le moufle à l'aide de résine chémopolymérisable d'une
zones douloureuses ; la pression de la base prothétique
teinte appropriée, utilisée pour confectionner les prothè­
s'avère parfois localement extrêmement douloureuse,
ses transitoires de prothèse fixée.
particulièrement en présence d'une épine osseuse
La polymérisation est réalisée de préférence dans un
séquelle d'une extraction mal conduite ou d'une émer­
volume d'eau chaude (60 °C) placé dans une enceinte sous
gence nerveuse située au sommet de la crête édentée.
2 bars de pression pendant 10 à 15 minutes.
Les matériaux révélateurs de pression type Disclosing Wax®
L'arcade dentaire obtenue est désinsérée du matériau à
ou un élastomère siliconé de haute viscosité (Fitt checker®)
empreinte, ébarbée puis replacée dans le moufle ; une
permettent aussi de détecter des zones de compression
résine métacrylique rose est alors coulée dans l'empreinte
localisées qui devront être localement déchargées
puis polymérisée comme précédemment.
par meulage (Troendle et Troendle, 1992 ; Berteretche et
Une fois poli, ce duplicata prothétique est inséré en bou­
Taddéi, 1996) (fig. 20.5).
che et les contacts occlusaux sont ajustés.
Particulièrement pour les sujets âgés et fragiles, il est impor­
Cette technique est évidemment moins précise et utilise
tant de prendre en compte avec empathie et patience ces
des matériaux de moindre qualité mécanique qu'une mise
doléances (Fromentin et Hüe, 2002), même si les signes cli­
en moufle traditionnelle réalisée au laboratoire mais
niques semblent très limités par rapport à l'intensité rappor­
présente l'avantage, décisif ici, d'être très rapidement réa­
tée de la symptomatologie douloureuse.
lisable au cabinet ; de plus, il est utilisé des matériaux faci­
lement disponibles dans le cadre d'une activité d'omnipra-
tique. Note : néanmoins, il arrive que malgré les efforts et les soins
prodigués, aucune amélioration ne soit signalée; il faut
Enfin, elle permet à faible coût d'assurer le remplacement
envisager l'existence de douleur atypique, à type de brûlure
provisoire de la prothèse d'usage envoyée au laboratoire (stomatodynie).
de prothèse pour réparation.

217
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

Figure 20.2 Fracture d'une prothèse amovible complète mandibu-


laire; urgence fonctionnelle et esthétique. a : vue des deux pièces
de la prothèse fracturée. b : collage des 2 parties fracturées à l'aide
de cire collante ou d'une colle cyanoacrylate. c : les deux morceaux
assemblés par collage ; noter la perte de matériau au niveau de
la 43. d : une bride et une clé en silicone permettent de garantir la
précision de la réparation. e : les bords de la fracture sont meulés
afin de permettre un apport de résine suffisant pour solidariser soli­
dement les deux morceaux fracturés. f : après polissage, vue lin­
guale de la réparation. g : vue vestibulaire de la réparation.

218
Figure20.3 Duplication de prothèse. a: la prothèse mandibu-
laire a dupliquer est placée dans le matériau à empreinte (hydro­
colloïde irréversible). b : le moufle à dupliquer est refermé ;
noter le matériau qui fuse au travers des perforations de la con­
trepartie du moufle. c : le moufle ouvert, après désinsertion de
la prothèse à dupliquer. d : la résine chémopolymérisable de
couleur dentine est coulée dans les indentations. e : après poly­
mérisation, l'arcade dentaire est désinsérée du matériau à
empreinte.

219
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

Figure 20.3 (suite et fin) f : les dents sont meulées jusqu'au niveau du collet. g : l'arcade dentaire préparée est replacée dans le moufle.
h : de la résine métacrylique rose est ensuite coulée avant de refermer le moufle et de le placer dans une cocotte sous pression d'eau
à 60 °C. i : la résine polymérisée ; noter l'évacuation de la résine en excès par les évents pratiqués dans le matériau à empreinte. j :
prothèse d'usage à dupliquer. k : prothèse dupliquée immédiatement lors de la séance.

220
Figure20.4 Prothèse maxillaire dupliquée à l'aide d'élastomères siliconés de haute viscosité. a: moulage de la prothèse à l'aide
d'élastomères siliconés de haute viscosité. b : extrados du duplicata réalisé avant polissage.

Figure 20.5 Douleur par compression localisée de la gencive par la plaque prothétique. a : mise en évidence de la zone de compres­
sion avec la cire Disclosing Wax®. b : élimination des zones compressives. c : vérification de l'absence de compression dans les zones
rectifiées.

221
Urgences orofaciales
Urgences prothétiques

Conclusion Néanmoins, répondre à la demande de nos patients en


détresse face à une fracture prothétique, un déficit esthéti­
Les thérapeutiques prothétiques sont caractérisées par de que ou à une douleur survenant brutalement est essentiel.
nombreuses étapes successives tant cliniques qu'au Après un interrogatoire et un examen clinique rapide, il est
laboratoire ; la durée de ces traitements est souvent très souvent possible de réaliser un acte simple, nécessitant
longue, en inadéquation avec la rapidité de l'intervention peu de matériel, et qui permet de donner satisfaction à ces
propre à l'urgence. patients en situation d'urgence.
En ce sens, l'urgence prothétique au sens strict est rare ; il
s'agit plus de rendre service au patient qu'entreprendre la Bien conduite, cette intervention représente souvent
phase initiale d'une thérapeutique de réhabilitation pro­ un facteur majeur de la confiance et de la coopération
thétique. praticien-patient, facilitant la thérapeutique qui devra
être entreprise ultérieurement.

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222
Les urgences en orthodontie
Julia COHEN-LEVY, Robert GARCIA

I - Introduction -si l'objet est visible, le retirer à l'aide de précelles ou


d'aspiration chirurgicale, qui doivent être disponibles
Au cours d'un traitement orthodontique, les patients peu­
à tout instant;
vent être amenés à consulter en urgence leur praticien
- s'il n'est pas visible, on peut alors présumer que l'objet
traitant, même s'ils sont adressés à un spécialiste pour leur a été avalé ou aspiré.
traitement. Même si la plupart du temps, ils ont simple­
ment besoin d'être rassurés, certaines situations nécessi­
tent d'intervenir ou d'identifier une urgence médicale. 1 - Ingestion accidentelle
Ce chapitre traite des incidents communs rencontrés en
Les corps étrangers qui pénètrent dans le tractus digestif
orthodontie, et décrit des gestes cliniques simples, assurant
sont pour la plupart évacués naturellement, sans incidence,
la poursuite du traitement avec le minimum d'interruption. à moins de s'inclure ou de créer une perforation intestinale,
Les appareils orthodontiques comportant souvent de ce qui peut avoir des conséquences graves (Absi et Buckley
petits éléments, les recommandations générales concer­ 1995, Ireland 2005, Milton et al. 2001, Tiwana et al. 2004).
nant les risques d'ingestion, d'inhalation accidentelles ou Les objets d'assez grande dimension et ceux aux bords
de projection dans les yeux sont également abordées. aigus peuvent s'inclure au niveau de l'oesophage, généra­
lement au niveau de la 4e vertèbre cervicale. Le patient ne
peut plus déglutir ou présente de vives douleurs lors de la
déglutition, et peut être sujet à des vomissements.
II - Urgences médicales
Quand le corps étranger a atteint l'estomac, il a 80-90 % de
et orthodontie chances d'être éliminé naturellement sans incident, une per­
La plupart des patients sont traités en position allongée, aug­ foration intestinale n'étant décrite que dans moins de 1 % des
mentant le risque d'aspiration ou d'ingestion accidentelle. Il cas. Elle se manifeste par des douleurs abdominales, de la fiè­
a été rapporté de nombreux incidents consécutifs à un enga­ vre, des nausées, des vomissements ou une distension abdo­
gement d'appareils orthodontiques ou de leurs fragments minale. Face au caractère non spécifique de ces symptômes,
dans les voies aériennes ou le tractus digestif : barre palatine et au délai parfois important pour traverser le tractus intesti­
(Abdel-Kader 2003), portion d'arc (Quick et Harris 2002, nal (compris entre 2 et 12 jours), le diagnostic peut en être dif­
Tiwana et al. 2004), appareil de contention (Hinkle 1987), clés ficile. En cas de doute, et systématiquement pour les objets
d'activation pour disjoncteur (DiBiase et al. 2000)... piquants ou tranchants, le patient doit être adressé à un gas-
tro-entérologue, qui décidera des examens à pratiquer et
Si un objet tombe dans la bouche d'un patient allongé, d'une éventuelle intervention. Il est parfois conseillé aux
il est recommandé de (Ireland 2005, Jacobi et al. 1981) : patients de consommer davantage d'aliments riches en fibres,
- lui tourner la tête sur le côté ou vers le bas pour favo­ censées faciliter le transit intestinal (asperges, poireaux...).
riser la chute de l'objet dans la joue ou sur le sol, et non
dans l'oropharynx
- lui demander de tousser 2 - Inhalation accidentelle
- examiner attentivement les vestibules, le plancher buc­
cal et l'oropharynx. Explorer attentivement la région de Essentiel : la projection d'un corps étranger dans les voies
la base de la langue à t'aide d'un miroir, les corps étran­ aériennes d o i t être traitée dans l'urgence car elle peut met­
gers se logeant souvent dans la loge amygdalienne, les tre en jeu le pronostic vital (Aytac et al. 1977, Cameron et al.
vallécules épiglottiques et les récessus piriformes ; 1996, Ireland 2005, M i l t o n et al. 2005, Tiwana et al. 2004).

223
Urgences orofaciales
Les urgences en orthodontie

Les symptômes dépendent de la situation de l'objet : quand 2.1.2 Appareils amovibles


il est au-dessus des plis vocaux, une détresse respiratoire On recommande de vérifier régulièrement la qualité des
aiguë peut apparaître, nécessitant une intervention immé­ soudures, de l'absence d'épine irritative ou de pointes
diate. Les petits objets ont tendance à passer les cordes voca­ interdentaires acérées, qui pourraient se détacher de
les, atteignant les bronches. Les corps étrangers en position l'appareil. La rétention doit être suffisante : un cas de bles­
laryngotrachéale créent une dyspnée, une toux et un stridor sure importante des tonsilles palatines a été décrit, occa­
(émission d'un son aigu lors de l'inspiration). Une voix rauque sionné par un appareil amovible maxillaire venu se loger
ou une aphonie accompagnent l'obstruction du larynx ou de dans le pharynx d'un jeune patient, alors qu'il dormait.
la trachée, associée à une cyanose si l'obstruction est com­ La résine choisie pour la réalisation des plaques amovibles
plète (le patient devient bleu). En position bronchique, il y a en orthodontie est généralement transparente ou rose,
une diminution du volume d'air inspiré sans obstruction com­ pour rester discrète et se fondre avec les muqueuses. Cet
plète. Le patient tousse, et émet des sifflements. aspect peut rendre la recherche de fragments très difficile
si une endoscopie bronchique ou digestive est nécessaire.
En cas d'obstruction, tenter tout d'abord de déloger le Aussi, certains auteurs recommandent d'utiliser une résine
corps étranger en frappant le dos du patient au niveau acrylique colorée, et des inclusions métalliques pour la
des omoplates, suivie de la manœuvre d'Heimlich. rendre plus visible à la radiographie, tant qu'une une résine
radio-opaque n'est pas disponible (Firth et al. 2003).
Si l'objet n'est pas expulsé, que le patient perd conscience,
2.1.3 Pose et dépose de bagues, clés d'activation intra-orale
une ventilation au masque à pression positive doit être
maintenue de façon artificielle jusqu'à l'arrivée des secours. Afin d'éviter le risque de chute des bagues ou de dispo­
L'objet doit être contourné en urgence de façon à rétablir sitifs soudés sur bagues lors de leur adaptation ou de
un passage pour l'air. La procédure recommandée est de leur scellement, on peut utiliser un parachute en fil den­
passer à travers la membrane crico-thyroïde, ce qui ne doit taire (fig. 21.1).
être tenté qu'après un apprentissage spécifique de la tech­
nique (European resuscitation council guidelines, 1998). On peut conseiller aussi d'utiliser une petite compresse, se
Le patient doit être transféré sans délai en milieu hospita­ comportant comme une barrière.
lier, car les corps étrangers passés dans le tractus respira­
2.2 - Blessures oculaires
toire doivent être retirés aussi vite que possible pour évi­
ter l'installation d'un oedème ou l'accumulation de Des blessures oculaires peuvent faire suite à la projection
sécrétions. L'inhalation de corps étrangers de petite taille de corps étrangers dans les yeux du patient, lors par exem­
peut passer inaperçue, et se manifester plus tard, par ple de la dépose de ligatures, de brackets ou du meulage
l'occurrence d'infections secondaires. Après un certain d'un appareil.
laps de temps, ils peuvent créer des abcès, une pneumo­ Il faut alors explorer la face interne des paupières, sans
nie, une atéléctasie, bronchiectasie. L'extraction de ces exercer de pression risquant d'inclure plus profondément
corps étrangers peut être alors compliquée par un tissu
cicatriciel ou de granulation.

2.1 - Recommandations (Wicwire et Norton 1972)

2.1.1 Prise d'empreintes


Il est recommandé d'utiliser une pâte de haute viscosité,
sur un porte empreinte adapté à la morphologie du
patient. Des instructions claires sont données quant au
déroulement de l'acte, lui demandant d'essayer d'éviter de
déglutir, en laissant si nécessaire la salive s'écouler sur un
plateau placé à cet effet. Il doit être possible de visualiser
l'arrière du porte empreinte, pour que les excès de maté­
riau n'atteignent pas le carrefour pharyngé. Le patient est
idéalement en position redressée, invité à pencher la tête Figure 21.1 Parachute réalisé en fil dentaire lors du scellement
vers l'avant, le menton vers le thorax. d'un quad'hélix soudé.

224
l'objet. S'il est planté dans la cornée ou demeure invisible, crochet pour la pose d'élastiques, et sur la face linguale,
ne pas tenter de l'extraire et adresser le patient aux deux petites ailettes (« cleat ») pour aider au contrôle des
urgences ophtalmologiques. Sinon, utiliser le coin d'une rotations. Ces éléments accessoires peuvent être légère­
compresse stérile pour le dégager. ment écartés de la gencive, ou au contraire rabattus à
Les appareils à appui crânien ou cervical, communément l'aide d'une pince, pour ne pas blesser les muqueuses.
appelés « force extra-buccale » (FEB) comportent un arc Il est d'usage de poser des séparateurs avant le choix des
interne destiné à coulisser dans des tubes molaires, et bagues, pour ne pas être gêné par un point de contact
deux branches externes sur lesquelles s'accrochent les serré. Ce sont de petits anneaux en élastomère radio-opa­
modules de traction. Des accidents dramatiques, ayant que ou en métal (laiton, acier, nickel titane), qui sont pla­
conduit à une cécité ont été rapportés, lors de l'utilisation cés dans l'espace interdentaire et laissés quelques jours,
inappropriée de cet appareil (Shaver et al. 2000). pour ménager un léger diastème (fig. 21.2).
Les séparateurs peuvent être délogés à l'aide d'une sonde
Des dispositifs de sécurité ont été développés pour droite, ou peuvent tomber spontanément si l'espace est
essayer de prévenir ce danger, mais ils ne dispensent pas suffisant.
d'une information claire de l'enfant et de ses parents.

2.3 - Manifestations allergiques


Des allergies peuvent se révéler, chez des patients sensibili­
sés, en cours de traitement orthodontique. Les réactions
peuvent être localisées aux zones de contact, entraînant
rougeur et gonflement, mais ensuite s'étendre et s'accom­
pagner de signes respiratoires, oculaires, ou même de choc.
Outre les situations d'urgence, une hypertrophie gingivale
persistante en cours de traitement, malgré une bonne
hygiène, doit évoquer une réaction allergique en réaction aux
attaches ou aux arcs en nickel. Elle est surtout décrite chez les
filles, qui ont pu être sensibilisées lors de piercing des oreilles.
Si tel est le cas, déposer l'appareillage et le remplacer par
un autre dispositif (brackets céramiques, arcs en TMA™ par
Figure 21.2a Scellement de Figure 21.2b Séparateurs élas-
exemple). bagues sur les molaires infé­ tomériques posés avant scel­
rieures. Noter le double tube lement de bagues sur les
En cas de réaction allergique au fauteuil, même minime,
sur la première molaire, et le deuxièmes molaires. Des atta­
adresser le patient à un allergologue pour des tests plus crochet pour le port d'élasti­ ches orthodontiques ont été
approfondis, le degré de sévérité d'une réaction ulté­ ques intermaxillaires. Les ailet­ collées sur les autres dents, en
rieure est imprévisible, et les allergènes doivent absolu­ tes linguales peuvent parfois céramique ou en métal.
ment être identifiés. être irritantes pour la langue.

Recommandations
III - Composition de l'appareil Face à un séparateur « disparu », il est nécessaire de s'assu­
multi-attache et incidents fréquents rer qu'il n'est pas passé sous le point de contact ; un jet d'air
permet d'explorer le f o n d du sulcus, ou en cas de doute un
pouvant conduire à une consultation cliché rétroalvéolaire permet de le mettre en évidence.
d'urgence Il a été décrit le développement d'abcès gingival et de
lésion parodontale suite à l'oubli d'un séparateur, aussi le
nombre et le siège des séparateurs posés, variable en fonc­
t i o n des situations cliniques doit-il être consigné dans la
1 - Ajustement des bagues orthodontiques fiche patient.
Les bagues sont ajustées et scellées aux molaires et éven­ Il a été montré qu'une bactériémie pouvait être provoquée
tuellement aux prémolaires (fig. 21.1) Une attache y est par la pose de séparateurs, l'ajustage et le scellement de
bagues (entre 7,5 % et 10 % des cas), ainsi que leur dépose
soudée, comportant au moins une gorge ou un tube dans
(6,6 %).
lequel coulisse l'arc orthodontique, habituellement un

225
Urgences orofaciales
Les urgences en orthodontie

Important ! L'AHA (American heart association) recom­


mande pour les patients à risque d'endocardite une antibio-
prophylaxie à la pose initiale des bagues, mais pas avant col­
lage des attaches.
Cette antibio-prophylaxie ne doit pas être prescrite systé­
matiquement, et n'est pas sans danger : au risque allergique
s'ajoute celui de l'émergence de souches résistantes. Aussi,
en cas de doute sur le niveau de risque d'endocardite, il est
conseillé de contacter le cardiologue traitant.

2 - Dispositifs annexés aux bagues


orthodontiques : ancrages fixes
et amovibles
Figure 21.3a Arc transpalatin amovible, ligaturé à l'aide de deux
De nombreux appareils auxiliaires peuvent être adjoints au modules élastomériques sur bagues molaires pour la correction
dispositif multi-attache, dans le but de renforcer l'ancrage des rotations.
intra-arcade, ou de générer des déplacements dentaires :
on peut citer les barres palatines, arcs transpalatins de
Goshgarian (avec boucle), le Quad'hélix, Bihélix, l'appareil
de Crozat, ou encore le disjoncteur, appareil orthopédi­
que d'expansion transversale.
Ils sont adaptés à la voûte palatine, et peuvent être soudés
aux bagues molaires ou, pour certains, coulisser dans des
fourreaux palatins afin de permettre des réglages ulté­
rieurs sans descellement (fig. 21.3a).
Une déformation accidentelle ou une trop forte activa-
tion peuvent les rendre blessants quand ils touchent la
fibromuqueuse palatine, voire y pénètrent profondément.
Les pastilles de Nance d'ancrage, ou les dispositifs de dis-
talisation molaire (Pendulum, Distal Jet, Giannely) compor­
Figure 21.3b Dispositif de Nance-Transpalatin soudé sur les
tent une surface d'appui en résine acrylique, qui peut com­
bagues des premières molaires pour ancrage maximal à l'arcade
primer la muqueuse, ou être à l'origine d'hyperplasie maxillaire. La pastille de résine a dû être déposée, du fait de
réactionnelle, ou d'infection candidosique (fig. 21.3b). l'inflammation en regard de la papille rétro-incisive. On a
conservé l'arc transpalatin et les bagues en sectionnant les deux
bras antérieurs (noter les points de soudure restants).
Recommandations
Il peut être suffisant d'éloigner l'appareil de la muqueuse à
l'aide d'une pince 3 becs, directement en bouche, si le dis­ Le type d'attache est choisi par l'orthodontiste pour la
positif n'est pas façonné à partir d'une section de fil impor­ dimension des gorges (018 x .025 inch ou .022 x .028 inch)
tante, et si la gencive n'a pas commencé à se refermer sur
ou la prescription des valeurs d'angulation et de torque.
l'appareil. Le cas échéant, il est conseillé de le retirer sous
anesthésie locale : dépose des ligatures pour les arcs amo­ Leur position sur la surface dentaire peut également être
vibles, et pour les arcs fixes descellement ou section de la individualisée en fonction des objectifs de traitement et
portion blessante à la fraise transmetal sous irrigation. de l'occlusion.

Recommandations
3 - Attaches orthodontiques collées Lors d'un choc, au cours d'une activité sportive ou en man­
geant un aliment dur, des attaches peuvent se décoller. Le
Les attaches orthodontiques (« brackets ») sont collées sur
patient s'en aperçoit souvent lors du brossage, lorsque
la face vestibulaire ou linguale des dents. Elles peuvent l'attache apparaît dans une position excentrée sur la dent,
être en alliage métallique, en composite, ou en céramique.

226
ou si elle est en rotation sur le fil et irrite la lèvre. Dans ce
cas, on peut simplement utiliser des pinces (précelles, pince
à épiler) pour glisser l'attache dans l'espace interdentaire,
la tourner sur le fil pour la replacer sur la dent. Pour recoller
t'attache, une visite chez l'orthodontiste est nécessaire, le
type d'adhésif et le positionnement de la gorge ayant une
importance clinique.
Dans le cas où c'est l'attache la plus postérieure qui est
décollée (tube collé sur une molaire), le fil orthodontique
n'est plus soutenu, et la gêne fonctionnelle est importante.
Il peut être nécessaire, dans l'urgence, de sectionner la por­
t i o n de fil intéressée.
Il est utile de récupérer les attaches des patients traités en
technique linguale, car leurs bases sont individualisées, et
leur perte nécessite une nouvelle étape de laboratoire.
Figure 21.4a Arc de base d'expansion de Ricketts. Noter les sec­
tionnels de stabilisation latéraux, et les boucles d'activation.
4 - Arc orthodontique
L'arc orthodontique est choisi, adapté par le praticien, et
activé à chaque séance. Il peut être continu, ligaturé à
l'ensemble des dents de l'arcade, et comporter des bou­
cles ou des pliures plus ou moins complexes.
Dans les techniques segmentées, plusieurs arcs peuvent se
trouver simultanément sur une même arcade : arcs présen­
tant des décrochements verticaux (arc de base de Ricketts,
arc ingressif de Burstone) qui s'insèrent dans les tubes auxi­
liaires des bagues molaires, sectionnels latéraux ou anté­
rieurs (fig. 21.4) ou une superposition de fils.

Recommandations
Un f i l orthodontique t r o p long peut entraîner des ulcéra­
tions jugales profondes, pouvant conduire au développe­ Figure 21.4b Sectionnel antérieur pour masque facial dans le cas
ment d'une cellulite. On recommande d'utiliser une pince d'occlusion inversée antérieure : les boucles peuvent se défor­
coupante spécifique, qui retient la portion de fil distale à la mer et blesser la lèvre.
section, et permet d'éviter sa projection dans les parties
molles. À défaut, on peut utiliser une pince ordinaire, en
prenant soin de maintenir l'extrémité de l'arc en ta fichant
dans un coton salivaire (Killingback and Stephens, 1988 ;
Perry, 1987). devenir trop court d'un côté, et dépasser de l'autre. Pour
Pour les cas appareillés en technique linguale, où le fil doit éviter ce problème, l'arc peut être recourbé derrière la
être coupé à ras du tube postérieur sous peine de créer des dernière dent, ligaturé en avant de celle-ci (boucle oméga)
blessures, il est plus simple d'utiliser une fraise transmétal
ou bloqué par un « STOP » plié ou serti sur le fil.
pour sectionner le court segment qui dépasse, sous irriga­
tion et aspiration.
Les arcs de base ou certains sectionnels, sont idéalement 5 - Ligatures
adaptés au procès alvéolaire. Occasionnellement, à la suite
Les ligatures solidarisent les attaches à l'arc : elles pla­
d'un traumatisme par exemple, ils peuvent s'incruster dans
la gencive ou dans la joue, nécessitant leur dépose, parfois quent le fil au fond de la gorge avec plus ou moins d'inten­
en plusieurs segments. sité, et sont retenues sous les ailettes. Elles peuvent être
simples, doubles, élastomériques ou métalliques (fig. 21.5).
Ces dernières peuvent éventuellement solidariser plu­
Comme l'arc orthodontique est sous-dimensionné par sieurs dents entre elles et sont serrées par un toron dont
rapport à la lumière des attaches, il peut coulisser, pour l'extrémité est recourbée sous l'arc.

227
Urgences orofaciales
Les urgences en orthodontie

deviennent vite blessants et peuvent être rabattus contre la


dent, sous l'arc, à l'aide du manche d'un miroir par exemple.
Les attaches dites « autoligaturantes » assurent la
rétention du fil orthodontique dans la gorge par un cla­
pet, ou un volet coulissant, ne nécessitant plus de liga­
tures conventionnelles. Elles permettent une friction
minimale lors des déplacements dentaires. Si le fil se
désengage, il suffit de le repositionner et de rabattre le
volet avec le doigt ou en le guidant à l'aide d'une sonde
droite.

Figure 27.5a Ligature métallique en 8 solidarisant les attaches de 6 - Douleur et mobilité dentaire
l'arcade supérieure, ligatures élastomériques de couleur par­
dessus, et chaînette de traction canine. La douleur qui suit les séances d'ajustement des appa­
reils orthodontiques est normale, et peut être assez
importante lors des premières activations. Elle est due à
des phénomènes ischémiques associés au déplacement
des dents dans leur alvéole, avec la compression ou l'éti-
rement des fibres desmodontales. Elle disparaît habi­
tuellement sous 3-4 jours, jusqu'à une dizaine de jours
pour les adultes (Bartlett et al. 2005, Erdinc et Dincer
2004).

Recommandations (Bartlett et al. 2005, Otasevic et al.


2005)
On conseille de consommer des aliments plus mous, et de
prendre des analgésiques légers, utilisés pour des maux de
t ê t e (paracétamol, ibuprofène à dose antalgique, sauf
contre-indication). Certains auteurs conseillent, à
l'inverse, de stimuler la circulation sanguine dans les
alvéoles, par des exercices de mastication sur une plaque
occlusale, afin d'accélérer les processus de cicatrisation
parodontale.
On conseille d'éviter de prendre de l'aspirine qui retarde­
rait le déplacement orthodontique par son effet anti­
inflammatoire (Sari et al. 2004).

Figure 21.5b Cas traité en technique linguale avec base indivi­


dualisée Incognito™, où le fil a été recourbé en arrière du tube 7 - Irritations muqueuses
molaire. Noter les différents types de ligatures (double ligature
sur l'incisive centrale, simple sur la latérale, ligature métallique Le frottement des attaches contre la face interne des
sur la canine). Une gaine plastique a été posée sur le segment lèvres et des joues peut créer des irritations voire des ulcé­
d'arc en regard de l'espace d'extraction, pour protéger la langue. rations muqueuses. On conseille l'utilisation de cire ou de
silicone de protection, que l'on applique localement : en
prendre un petit morceau et le rouler pour obtenir la gros­
seur d'un pois, le presser en un petit disque, et le déposer
Des aliments collants peuvent partiellement ou complè­ sur l'attache blessante, en couvrant les ailettes pour en
tement détacher les ligatures. adoucir les bords
En utilisant de petites pinces, les modules élastomériques Pour les patients appareillés en technique linguale, on
peuvent être remis autour de l'attache. Les torons délogés peut conseiller l'application d'un pansement parodontal

228
pendant les premières semaines qui suivent la pose de Conclusion
l'appareil, car les mouvements linguaux peuvent déloger
facilement la cire.
Alors que pour un sujet sain, la cicatrisation se fait sponta­ Note : les urgences en orthodontie sont rares... mais elles
existent.
nément, ou aidée de bains de bouche antiseptiques, on
peut craindre une complication chez les patients immuno-
déprimés. On recommande chez eux de supprimer toute Elles s'apparentent le plus souvent à une gêne, ou une irri­
source d'irritation, tels les arcs façonnés avec boucles, tation légère due à l'encombrement des appareils, pour
ligatures métalliques, torons blessants, crochets, soudu­ laquelle des conseils simples suffisent (Bartlett et al. 2005).
res... et de préférer les ligatures élastomériques autant que Des traumatismes peuvent déformer les appareiIs et les ren-
possible. drent blessants, nécessitant une intervention rapide.

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229
Urgences médicales
Les urgences médicales
au cabinet dentaire
Fabienne ROBICHON

I - Responsabilité Le praticien est en outre tenu à une obligation de sécurité


face aux infections nosocomiales, à l'environnement du
Lors d'un soin au cabinet dentaire, parfois même avant malade et du personnel, cette obligation implique la dis-
ou juste après, un patient peut se trouver dans une position de matériel médical d'urgence. Les risques encou-
situation d'urgence médicale. Cette situation possible, rus par le patient sont à la fois inévitables, acceptés par lui-
et même probable au vu des statistiques relatives à la même (cas d'une injection médicamenteuse) et calculés
survenue d'accidents médicaux au cabinet dentaire par le praticien.
(Fleurançeau et al, 2004) peut être due :
- à la santé générale du patient ;
-au contexte des soins dentaires occasionnant une
situation de stress ;
-à l'utilisation de matériel et de produits susceptibles
Il - Épidémiologie
de donner lieu à des réactions indésirables.
Les troubles les plus fréquemment rencontrés au cabi-
net dentaire (Fleurançeau et al., 2004) sont les malaises :
Le chirurgien-dentiste, comme tout citoyen, doit assis- -vagal ;
tance à personne en danger selon une responsabilité rele- -avec hyperventilation ;
vant du code pénal. Il doit donc venir en aide à son patient. - malaises hypoglycémiques.
Cependant, du fait de sa profession spécifique de profes- Dans une moindre proportion :
sionnel de santé deux types de responsabilité lui incombent : - les réactions allergiques ;
- une responsabilité délictuelle qui met en cause une faute - les détresses cardio-ventilatoires incluant la fausse
route ;
intentionnelle, une négligence, relevant du droit commun ;
- les hémorragies ;
-une responsabilité contractuelle stipulée par l'arrêt
- les autres urgences (delirium tremens, etc.).
Mercier qui définit le contrat entre un patient et son
praticien. Ce contrat est synallagmatique. De ce fait, il
est donc nécessaire pour les enfants de moins de
18 ans d'avoir un accord parental écrit qui peut cepen-
dant être tacite si l'un des deux est présent au cabinet Il - Numéros d'urgence
dentaire.
1 - Les unités de secours
Important ! Il incombe au praticien trois types d'obligation :
En cas d'urgence médicale au cabinet dentaire, la princi-
- une obligation de savoir conforme aux données acquises
de la science ; pale responsabilité du praticien est de faire appel aux
- une obligation de moyens incluant un questionnaire médi- secours compétents et de préserver les victimes jusqu'à
cal signé et daté, un examen clinique, ainsi que les exa- leur arrivée. L'alerte est une action capitale, elle condi-
mens complémentaires nécessaires ; tionne le devenir des victimes. Quel numéro appeler, quels
- une obligation d'information et donc un consentement
renseignements impératifs à communiquer, quelle atti-
éclairé.
tude, quels gestes avoir ?

233
Urgences médicales
Les urgences médicales au cabinet dentaire

Il est donc judicieux de préparer un contenu type affiché au


Essentiel : en France les secours s'organisent en deux orga-
nismes: niveau du téléphone.
- les sapeurs-pompiers selon la loi du 22 juillet 1987 ; En cas d'extrême urgence (arrêt cardio-respiratoire), l'assis-
- l'organisation de la sécurité civile ainsi que le SAMU (ser- tante doit communiquer des mots clés type arrêt cardia-
vice d'aide médicale urgente) et le SMUR (service mobile que, massage cardiaque en cours, et non « malaise
d'urgence et de réanimation) selon la loi du 6 janvier 1986
cardiaque » qui n'a pas de signification médicale (dans le
sur l'aide médicale urgente.
langage courant, il peut s'agir d'un simple malaise vaso-
vagal). Dans les autres cas, le praticien communiquera lui-
Depuis la loi 86-11 du 6 janvier 1986 relative à l'aide médi- même les informations en étant le plus descriptif possible.
cale urgente et aux transports sanitaires, un centre de Le contenu du message est systématisé. En tout premier
réception et de régulation des appels (centre 15) permet lieu, il est nécessaire d'indiquer qu'il s'agit d'un cabinet den-
de réceptionner les appels d'urgence et d'organiser les taire et que de ce fait, le stationnaire s'adresse à un profes-
secours en pouvant aussi faire intervenir les sapeurs- sionnel médical, ensuite la localisation géographique est
pompiers et la police. donnée de façon exacte et précise, ainsi que le numéro
Les sapeurs-pompiers dépendent d'une gestion départe- d'appel du cabinet dentaire. Les circonstances de survenue
mentale: le CODIS (centre opérationnel d'incendie et de de l'urgence, la nature des troubles et l'éventuel diagnostic
secours) dont le numéro d'appel est le 18. Il existe deux sont expliqués dans des termes concis et médicaux. Il faut
statuts chez les sapeurs-pompiers, militaire à Paris et également préciser l'heure de l'événement.
Marseille et civil comprenant des professionnels et des Un exemple d'un appel trop précipité est celui d'une per-
volontaires (la majorité). sonne qui signalait une femme « violet », le stationnaire a
interprété le message comme s'agissant d'une femme
Essentiel : les SAMU et les SMUR dépendent d'une gestion « violée »... Les secours n'ont pas été envoyés de façon
départementale: le CRRA (centre de réception et de régu- rapide et adaptée pour une patiente au teint violet en
lation des appels) dont le numéro d'appel est le 15. arrêt cardiaque !

Les missions des SAMU comportent une écoute médicale


permanente, une réponse adaptée à la demande de secours
par envoi d'un SMUR, de sapeurs-pompiers, d'une ambu- IV - Approche diagnostique
lance privée ou associative ou d'un simple conseil médical. — bilan de gravité
Ils gèrent aussi les SMUR du département et l'accueil hospi-
talier. Les SMUR dépendent des structures hospitalières et La phase d'approche diagnostique repose sur l'interroga-
comprennent une équipe de réanimation ainsi que du maté- toire du patient ou de son entourage et l'examen clinique
riel de réanimation pré-hospitalier. du patient. Le praticien ne disposera pas dans l'urgence
d'examens paracliniques complémentaires (biologiques,
d'imagerie...) pouvant l'aider au diagnostic.
Essentiel : le numéro d'urgence européen est le 112, il nous
permet, selon le département d'être en relation soit avec le
CODIS, soit avec le CRRA. L'appel est réceptionné par un sta-
tionnaire qui effectue un interrogatoire précis, puis prend la 1 - L'interrogatoire
décision de transférer l'appel à un médecin dont le rôle est
d'évaluer la situation médicale et d'envoyer les secours les
- Les antécédents médicaux et chirurgicaux personnels
plus appropriés. Cet appel est donc fondamental.
et familiaux.
- Les facteurs de risque cardiovasculaire : HTA, diabète,
hyperlipidémie, tabagisme, obésité, sédentarité.
2 - Message d'alerte - Le terrain : âge, sexe, habitudes de vie (éthylisme, toxi-
comanie...).
- Les traitements suivis.
Essentiel : le message d'alerte est prévu par avance, le ou les - La symptomatologie d'appel : circonstances de surve-
numéros d'urgences pré-enregistrés, c'est-à-dire le 15, ou le nue, mode de début, caractères, signes fonctionnels
18 pour Paris (92 - 93 - 94), ou enfin le 112. associés...

234
2 - Le bilan de gravité V - L'attitude à adopter
Avant l'appel aux secours, un bilan de gravité doit être par le praticien
posé par le praticien. Les premiers gestes peuvent être réa- Elle est déterminée par le fait que le patient est conscient
lisés en fonction des compétences de chaque intervenant ou inconscient.
en attendant les secours, certains sont réalisables par tous
Dans le cas où le patient est conscient, sa ventilation peut
à partir du moment où certains éléments ont été diagnos-
être normale ou difficile. Le praticien mettra le patient en
tiqués.
décubitus dorsal, libérera les voies aériennes supérieures
des instruments en bouche, des cotons salivaires, de l'aspi-
Les fonctions vitales attirent en tout premier notre
ration et conservera un contact verbal avec lui dans le cas
attention. Les signes doivent toujours être rattachés au
où sa ventilation est normale.
contexte de défaillance. Les trois fonctions vitales,
Si celle-ci est ou devient difficile, le patient sera mis en
c'est-à-dire la fonction neurologique, puis ventilatoire,
puis cardio-circulatoire sont évaluées et leur évolution position semi-assise, une oxygénothérapie sera mise en
surveillée. place, le contact verbal sera toujours conservé. Les autres
fonctions seront toujours surveillées.
La situation est plus critique lorsque le patient est incons-
2.1 - Fonction neurologique
cient. La ventilation peut être toujours préservée, le
Elle est contrôlée par la stimulation verbale e t / o u noci- patient sera descendu du fauteuil et placé en position
ceptive. latérale de sécurité avec une oxygénothérapie.
Verbalement, des questions simples sont posées, comme : Dans la situation où la ventilation est absente, le praticien
« Quel est votre nom ? », des ordres simples sont deman- doit libérer les voies aériennes supérieures, la ventilation
dés, comme : « Serrez la main ». peut reprendre, le patient sera alors placé en position laté-
La réponse du patient peut être correcte, spontanée, donc la rale de sécurité. L'arrêt ventilatoire se poursuit, le prati-
fonction neurologique n'est pas atteinte. Elle peut être incor- cien pratique alors deux insufflations pour voir si celles-ci
recte, confuse, le patient présente une obnubilation, la fonc- provoquent des mouvements du thorax.
tion neurologique est alors atteinte. L'absence de réponse ou L'absence de mouvement thoracique révèle qu'un élé-
de réaction signifie que le patient est inconscient. ment obstrue les voies aériennes, une manoeuvre d'Hei-
mlich est alors indiquée. Si le thorax se soulève suite aux
2.2 - Fonction ventilatoire
insufflations et que le pouls est toujours présent, le
Elle est évaluée par les mouvements de l'abdomen qui tra- patient nécessite d'une ventilation soit par bouche à bou-
duisent la fréquence respiratoire (FR). Ils peuvent être régu- che ou par bouche à masque. Il est préférable de mettre
liers, rapides (sup. à 20/min), lents (inf. à 10/min) ou absents. en place un masque raccordé à une bouteille d'oxygène.
Dans ce dernier cas, il est urgent de ventiler le patient. Il En l'absence de pouls, un massage cardiaque doit être
faut également rechercher des pauses respiratoires : commencé en plus de la ventilation, selon le principe de
apnée, mise en jeu des muscles respiratoires accessoires 30 massages cardiaques externes pour 2 ventilations arti-
(tirage sus-claviculaire, sus-sternal, intercostal), asynchro- ficielles si le praticien est seul ou de 5 massages cardiaques
nisme thoraco-abdominal, cyanose. externes pour 1 ventilation artificielle si le praticien est
aidé d'un tiers.
2.3 - Fonction cardio-circulatoire
Elle s'observe le plus facilement par le pouls carotidien
Essentiel : toutes ces manœuvres sont commencées après
(entre le sterno-cléïdo-mastoïdien et la trachée). Le pouls
l'appel au secours qui prime avant t o u t I
est rapide au-dessus de 100 pulsations par min (tachycardie)
et lent en dessous de 50 pulsations par min (bradycardie).
L'absence de pouls signale un arrêt cardio-circulatoire. La situation d'urgence dans laquelle se trouve un patient
Il faut également noter la présence de sueurs, sensation de doit être clairement et rapidement évaluée par le praticien
soif, pâleur, teint gris, marbrures (genoux, tronc), pouls afin que celui-ci transmette les informations nécessaires
filant, peu frappé voire imprenable en radial, tension arté- aux organismes de secours. En attendant l'arrivée de ces
rielle diminuée de façon plus ou moins importante voire derniers, il pourra commencer à effectuer les premiers ges-
imprenable. tes selon ses compétences. Un arrêté relatif à l'attestation

235
Urgences médicales
Les urgences médicales au cabinet dentaire

de formation aux gestes d'urgence est paru au Journal Offi- Les chirurgiens-dentistes sont donc concernés en tant
ciel du 10 mars 2006. L'arrêté stipule que les professionnels que professionnels de santé, et de plus, tenus déonto-
de santé inscrits dans la quatrième partie du code de la logiquement de faire face à toute situation d'urgence
santé publique sont concernés par l'attestation de forma- (article 4127-205 du code de la santé publique).
tion aux gestes et soins d'urgence (de niveau 2).

Bibliographie
Pour des raisons de commodité de lecture, les références Les trois algorithmes décisionnels sont également inclus
relatives aux urgences médicales ont été regroupées à la en fin de cette partie (annexes 1, 2 et 3).
fin de cette troisième partie, page 270.

236
Prévention des urgences médicales
au cabinet dentaire
Yvon ROCHE

pré-imprimé rempli par le patient ou par le praticien reste


L'immense majorité des urgences médicales peut être pré-
le plus utilisé. Si le questionnaire est rempli par le patient,
venue. En effet, selon McCarthy (McCarthy, 1971), environ
il sera repris, en présence de ce dernier, par le praticien
90 % des urgences médicales peuvent être évitées.
pour être, si nécessaire, complété e t / o u détaillé. Dans
La connaissance des risques médicaux auxquels est
exposé le patient constitue la clé de cette prévention tous les cas, il doit permettre de préciser l'état de santé du
(Malamed, 2003). Cette connaissance repose sur l'éva- patient ainsi que ses antécédents médicaux e t / o u chirur-
luation de l'état de santé du patient à partir duquel le gicaux et de connaître la nature (type de médications,
risque médical peut être déterminé et à partir duquel posologies) du ou des traitements en cours. En cas de
certaines précautions sont à prendre. Cette approche pathologie(s), un dialogue avec le patient s'impose. Si
doit être complétée par une appréciation du degré nécessaire (incertitudes du patient, doutes ou suspicions
d'anxiété et par une réduction du stress. du praticien, pathologies complexes e t / o u multiples), le
praticien traitant sera contacté. Ce questionnaire doit être
régulièrement mis à jour.
I - Évaluation de l'état de santé
du patient
2 - L'examen clinique
Cette évaluation de l'état de santé du patient a prioritai-
rement pour objectif d'identifier : Bien que le questionnaire médical soit indispensable, il reste
toutefois limité par le fait qu'un patient peut ignorer un pro-
- un problème médical connu, ou à suspecter l'existence
blème médical dont il fait l'objet. « Se sentir bien » n'est pas
d'un problème latent pouvant nécessiter des précautions
obligatoirement synonyme de bonne santé. En effet, de
particulières (Roche, 2008) ;
nombreuses pathologies latentes et de longue durée sont
- les éventuelles médications prescrites au patient afin de
asymptomatiques. De plus, certains patients peuvent faire
s'assurer qu'elles ne sont pas à l'origine d'interactions
abstraction, de façon délibérée ou non volontaire, d'un pro-
médicamenteuses avec celles s'inscrivant dans les soins
blème médical e t / o u d'un traitement. C'est pourquoi le
bucco-dentaires (Mauprivez et al., 1999).
praticien doit à travers l'examen clinique rechercher
Cette évaluation a aussi pour but :
d'autres sources d'informations. Si une pathologie est mise
- d'établir une bonne relation patient-praticien par la sen-
en évidence à l'interrogatoire, cet examen devrait au moins
sibilisation du praticien vis-à-vis de l'état de santé de son
consister d'une part, en l'enregistrement des signes vitaux :
patient ;
pression artérielle, pulsations cardiaques, fréquence venti-
- de faciliter la communication praticien-médecin traitant;
latoire et température et, d'autre part, en l'inspection du
- d e respecter les aspects médico-légaux.
patient. La prescription d'investigations paracliniques (NFS,
Cette évaluation de l'état de santé du patient repose sur
glycémie...) pourra compléter cet examen si nécessaire.
le questionnaire médical et l'examen clinique.

2.1 - Enregistrement des signes vitaux


1 - Le questionnaire médical La pression artérielle, les pulsations cardiaques et la fré-
Bien qu'il existe différentes approches telles que l'interro- quence ventilatoire traduisent l'état fonctionnel du sys-
gatoire direct du patient par exemple, le questionnaire tème cardiorespiratoire.

237
Urgences médicales
Prévention des urgences médicales au cabinet dentaire

2.1.1 Pression artérielle Il - Risque médical et précautions


La prise de la pression artérielle doit constituer une des
étapes de l'enquête médicale. Dans l'idéal, pour tout nou-
à prendre
veau patient, deux enregistrements doivent être réalisés Après évaluation de l'état de santé du patient, le bilan
au repos à quelques minutes d'intervalle et les résultats médical permet de définir le risque médical afin de pren-
doivent être moyennés. La valeur moyenne ainsi obtenue dre les précautions qui s'imposent (Roche, 2008).
servira alors de référence. La définition de ce risque repose sur la classification ASA
établie en 1962 par la Société américaine des anesthésis-
2.1.2 Pulsations cardiaques tes (American Society of Anesthesiologists, 1963). Cette
Non seulement la fréquence cardiaque doit être notée classification permet de déterminer, avant la réalisation
mais aussi le rythme (régulier ou irrégulier) et la qualité du des actes, les risques chirurgicaux et anesthésiques. À cha-
pouls (filant, frappé...) doivent être évalués. Chez l'adulte que classe, notée ASA I, II, III, IV, V et E, correspond une
au repos, la fréquence cardiaque est comprise entre 60 et attitude déterminée qui est destinée à limiter les compli-
100 par minute. cations. Les principales pathologies et leur classe d'appar-
tenance sont présentées dans le tableau 23.1.
Toute valeur en deçà de 60 et au-delà de 100 nécessite
- La classe ASA I concerne les patients sains sans affection
une évaluation médicale si aucune explication évidente
systémique chez qui les actes ne nécessitent aucune pré-
(anxiété, pratique d'un sport d'endurance...) ne peut être
caution particulière.
évoquée. En général, à un pouls normal est associé un
rythme régulier. - La classe ASA II concerne les patients médicalement sta-
bles présentant une affection systémique légère à modé-
rée avec des facteurs de risque significatifs. La prise de
2.1.3 Fréquence ventilatoire
précautions lors des soins (antibioprophylaxie, sédation,
La fréquence ventilatoire est de 16 à 18 par minute chez durée de traitement limitée...) ainsi qu'une exposition
l'adulte. En raison du stress, une hyperventilation est très minimale au stress est recommandée.
souvent observée lors des soins. En règle générale, toute - Les patients appartenant à la classe ASA III sont ceux pré-
anomalie, autre qu'une bradypnée (liée à l'administration sentant une affection systémique sévère nécessitant,
d'un narcotique) ou une tachypnée (associée à de la fiè- d'une part, une consultation médicale et, d'autre part les
vre), doit être évaluée avant les soins. mêmes précautions que dans le cas de la classe II. Toute-
fois ces dernières sont plus conséquentes.
2.1.4 Autres signes généraux : température, poids
et taille
La prise de la température, du poids et de la taille du Tableau 23.1 Classification des patients ASA
patient est facultative. Cependant, l'enregistrement du
ASA I : patients sains sans affection systémique chez qui les actes
poids et de la taille présente un intérêt indiscutable dans
ne nécessitent aucune précaution particulière.
le cas d'administrations médicamenteuses.
ASA II : concerne les patients médicalement stables présentant
2.2 - Inspection du patient une affection systémique légère à modérée avec des facteurs de
risque significatifs. La prise de précautions lors des soins
Il s'agit en fait d'une observation attentive du patient. En (antibioprophylaxie, sédation, durée de traitement limitée...) ainsi
effet, posture, élocution, mouvements et aspect du tissu qu'une exposition minimale au stress est recommandée.
cutané peuvent traduire des désordres que les autres ASA III : affection systémique sévère nécessitant, d'une part, une
approches n'ont pas permis d'identifier. consultation médicale et, d'autre part les mêmes précautions que
dans le cas de la classe II. Toutefois ces dernières sont plus
En fait, après le questionnaire médical et l'examen clini-
conséquentes.
que, une évaluation complémentaire peut être nécessaire.
ASA IV : affection systémique associant un risque vital. Là encore
Le plus souvent, il s'agit d'auscultation cardiaque e t / o u une consultation médicale s'impose. Les soins, qui sont à
pulmonaire et d'examens de laboratoire. Ces investiga- pratiquer en milieu hospitalier, nécessitent des précautions
tions, qui peuvent être faites à la demande du praticien, strictes. Les patients appartenant à ta classe V sont des patients
nécessitent une interprétation médicale appropriée ce qui moribonds ne pouvant survivre au-delà de 24 h avec ou sans
intervention. Ces patients relèvent du milieu hospitalier.
sous-entend d'adresser le patient pour consultation, dia-
gnostic et, si besoin, traitement médical. ASA E : nécessitent une intervention d'urgence.

238
- Les patients appartenant à la classe ASA IV présentent IV - Réduction du stress
une affection systémique associant un risque vital. Là
encore une consultation médicale s'impose. Les soins, Quelle que soit l'origine, physiologique e t / o u psychologi-
qui sont à pratiquer en milieu hospitalier, nécessitent des que du stress, sa réduction pré, per ou postopératoire
précautions strictes. constitue un moyen de prévention élémentaire et fonda-
- Les patients appartenant à la classe V sont des patients mental (Malamed, 2000).
moribonds ne pouvant survivre au-delà de 24 heures Chez le patient appartenant à la classe ASA I, cette réduc-
avec ou sans intervention. Ces patients relèvent du tion repose :
milieu hospitalier. -sur une prémédication orale la veille au soir qui sera
- Les patients classés ASA E nécessitent une intervention renouvelée une heure avant le rendez-vous (Ex : Atarax®
d'urgence. 25 mg, 1 à 4 comprimés) ou bien une sédation pharmaco-
En fait, seuls les patients ASA I, II, III et IV sont susceptibles logique peropératoire par inhalation de protoxyde
d'être rencontrés en pratique quotidienne. d'azote et d'oxygène ou par voie intramusculaire ou
intraveineuse. La technique de sédation par inhalation de
protoxyde d'azote et d'oxygène est reconnue par les
communautés médicale et scientifique comme étant la
III - Appréciation du degré d'anxiété plus sûre, la plus simple et la plus appropriée à la pratique
des soins bucco-dentaires (Malamed, 2003). L'administra-
Il faut savoir que 10 à 20 % de la population redoute et tion intramusculaire ou intraveineuse de sédatifs néces-
évite les soins dentaires par peur (Gale, 1972 ; Kleinknecht, site un environnement spécialisé en matériel et en per-
1973). Ces patients ne consultent qu'en présence de pro- sonnel pour faire face aux éventuelles complications qui
blèmes sérieux (douleur intense et permanente, insom- peuvent y être associées ;
nies...). En fait, la peur et l'anxiété occupent une place pré-
- des rendez-vous de préférence le matin avec une attente
pondérante dans les urgences médicales en tant que
et une durée limitées ;
facteurs déclenchants. De plus, elles peuvent être à l'ori-
- un contrôle approprié et efficace de la douleur pendant
gine de l'exacerbation de problèmes médicaux. C'est le cas
le traitement ;
par exemple de l'angine de poitrine ou de l'asthme. C'est
- un contrôle postopératoire de la douleur et de l'anxiété.
pourquoi l'aptitude du patient à tolérer le stress est indis-
pensable à évaluer dans le cadre de la prévention des Chez le patient appartenant à la classe ASA II, III ou IV, les
urgences médicales. mêmes modalités sont à suivre. De plus, une consultation
Trois éléments contribuent à cette évaluation : médicale sera préconisée et un monitorage per et posto-
- le questionnaire médical ; pératoire sera effectué et consigné.
- l'observation du patient et le dialogue ; Toutefois, il est à noter que certaines formes sévères
- l'utilisation d'un questionnaire spécifique. d'anxiété relèvent d'une prise en charge en milieu hospita-
Mis au point par Corah (Corah, 1969), le questionnaire spé- lier (Jeffrey, 1993).
cifique permet d'établir le degré d'anxiété du patient par La nature du risque en fonction de la classe ASA ainsi que
score en réponse à des items (Corah, 1988 ; Ronis, 1995). l'attitude de l'odontologiste lors des soins sont présen-
L'observation du patient (Philippart et Roche, 2004) peut tées dans le tableau 23.2.
être aussi très révélatrice. Enfin, le dialogue constitue aussi
un excellent moyen d'évaluation de l'anxiété.
L'anxiété peut être modérée ou sévère (Milgrom, 1985).
Conclusion
Dans ce dernier cas, elle se traduit par une augmentation
de la pression artérielle, des tremblements, une sudation La prévention des urgences médicales doit indiscutable-
sévère et une mydriase. Dans tous les cas, il est primordial ment s'inscrire dans la pratique quotidienne. Le suivi de la
de rassurer le patient. En présence d'une anxiété modérée démarche présentée ici permet, dans l'état actuel des
ou sévère, la psychosédation couplée à la pharmacoséda- connaissances, d'en réduire significativement la survenue.
tion est particulièrement efficace.

239
Urgences médicales
Prévention des urgences médicales au cabinet dentaire

Tableau 23.2 Principales pathologies et classifications ASA.

Affections Classe ASA


Articulaires : polyarthrite rhumatoïde et arthrose ASA Il/IIl
Cardiovasculaires
Angine de poitrine
Forme stable ASAII/III
Forme instable ASA IV

Athérosclérose ASA lll/IV

Cardiomyopathies congestive, hypertrophique ou restrictive


Légère à modérée ASA III
Sévère ASA IV

Cardiopathies congénitales
Prolapsus de la valve mitrale
Malformation du septum, coarctation aortique et sténose pulmonaire ASAII/III
Tétralogie de Fallot ASA IV

Endocardite
Aiguë ASA III
Subaiguë ou chronique ASA IV

Hypertension artérielle
Forme non compliquée ASAII
Forme compliquée par un autre désordre ASA III

Infarctus du myocarde
Forme stable ASA III
Forme aiguë ASAIV/V

Insuffisance cardiaque
Forme légère à modérée ASA III
Forme sévère ASA IV

Lésions cardiovasculaires devant être opérées ou ayant été opérées


Patients en attente d'une transplantation ASA IV/V
Payant ayant subi
une transplantation ASA lll/IV/V
une revascularisation des coronaires ASA III
Patients porteurs de valves prothétiques ASA lll/IV

Troubles du rythme
Tachycardie ASA ll/lll/IV
Bloc auriculo-ventriculaire ASA III, /lll/IV
Extrasystolie auriculaire ASA III
Extrasystolie ventriculaire ASA IV
Bradycardie ASAII/III
Port d'un pacemaker ASA lll/IV

Valvulopathies
Rhumatismales ASA lll/IV
Non rhumatismales ASA lll/IV
Endocriniennes
Désordres thyroïdiens
Hyperthyroïdie
Contrôlée ASA III
Non contrôlée ASA IV
Hypothyroïdie ASAII/III

Désordres surrénaliens
Maladie d'Addison ASA III
Syndrome de Cushing ASA II

240
Affections Classe ASA
Diabète
Contrôlé
Par régime ou hypoglycémiants oraux ASAII
Par insuline ASAII/III
Mal contrôlé ou non contrôlé ASA lll/IV
Avec complications rénales associées ASAIV
Gastro-intestinales
Cirrhose hépatique ASAII/III
Hépatites virales
Hépatite A ASAII
Hépatite B ASA III
Hépatite C ASA ll/lll
Hépatite D ASA lll/IV/V
Ulcères gastroduodénaux ASA ll/lll
Hématologiques
Anémies
Drépanocytose ASA lll/IV
Par déficit en acide folique, pyruvate kinase ou G6PD ASA III
Par déficit en fer ASAII/III
Pernicieuse ASA ll/lll
Sphérocytose héréditaire ASA ll/lll
Thalassémie
mineure ASAII
majeure ASA lll/IV

Désordres leucocytaires non prolifératifs


Neutropénie cyclique ASAII
Neutropénie non cyclique ASA lll/IV

Leucémies aigues ou chroniques ASAIV


Lymphomes ASAIV
Myélomes ASAIV
Troubles de la coagulation et de l'hémostase
Auto-immun ASAII
Héréditaire ou acquis ASAIV
Médicamenteux ASAII/III
Thrombotique ASA III
Insuffisance rénale chronique
Traitée
Par dialyse ASA III
Par transplantation sans rejet ASA III
Non traitée ASAIV
Neurologiques
Accidents cérébro-vasculaires
Ayant plus de 6 mois ASAII
Durant les 6 derniers mois ASA III
Multiples dans l'année précédente ASAIV
Epilepsie
Crises dont la fréquence est inférieure à une par mois et sous contrôle médical ASAII
Crises dont la fréquence est supérieure à une par mois sous contrôle médical non satisfaisant (non observance, médications inefficace...) ASA III
Respiratoires
Obstructives chroniques
Bronchite
Forme légère à modérée ASA III
Forme sévère à modérée ASA lll/IV
Emphysème ASA lll/IV
Asthme
Intermittent ASAII/III
Chronique ASA III
Tuberculose ASA III

241
Malaises — comas
Isabelle FRAYSSIGNES, Mohamed EDDAIF, Rafael TOLEDO-ARENAS

I - Malaises Conduite à tenir


Dès la constatation des prodromes, il faut protéger le
patient de la chute, l'allonger jambes surélevées. Il convient
1 - Définition de le laisser suffisamment longtemps en décubitus, jusqu'à
disparition de la symptomatologie. Une remise t r o p pré-
C'est un terme fréquemment utilisé par les patients ou les
coce en orthostatisme peut se solder par une récidive. Dans
professionnels de santé pour des situations cliniques mul- la forme typique du sujet jeune, une consultation médicale
tiples et variées. Le malaise est défini selon la conférence n'est pas nécessaire.
de consensus de la Société francophone d'urgence médi- Si le malaise perdure, récidive anormalement, est atypique
cale (1996) comme : « Unépisode aigu, régressif, caractérisé (sujet âgé, comorbidités, symptomatologie associée cardia-
par un trouble de la conscience ou de la vigilance (perte que, neurologique...), il est prudent de garder le patient
allongé et de prendre un avis médical.
de connaissance brève ou lipothymie) avec ou sans hypo-
tonie pouvant être responsable d'une chute. Le retour à
l'état antérieur est spontané, rapide ou progressif. »
Au cabinet dentaire, le malaise vagal sera l'étiologie la plus
fréquemment retrouvée ; mais il est important de savoir 3 - Malaise cardiaque : la syncope
évoquer les situations où le malaise n'est qu'un épiphéno-
Cliniquement caractérisée par l'absence de prodromes,
mène symptomatique d'une affection grave.
la syncope débute par une perte de connaissance bru-
tale avec chute lourde, non amortie, à l'origine de bles-
2 - Le malaise vagal sures. On note une pâleur extrême au cours du malaise
avec parfois abolition du pouls. La reprise de cons-
Sa présentation clinique est le plus souvent stéréotypée, cience est spontanée rapide et complète. Il y a amnésie
évocatrice chez un(e) adulte jeune. Les circonstances du malaise.
favorisantes sont multiples, parfois associées. Ce sont : D'autres éléments orientent vers une étiologie cardiaque :
- émotion, stress ; l'âge, les antécédents et facteurs de risque cardiovasculai-
- atmosphère surchauffée ; res, un traitement antiarythmique, la survenue à l'effort,
- période postprandiale ; l'association à des symptômes cardiorespiratoires : dou-
-douleur aiguë ; leur thoracique, dyspnée, palpitations...
- station debout prolongée.

Le malaise débute par des prodromes à type de faiblesse Conduite à tenir


musculaire intense, troubles visuels e t / o u auditifs, sen- La syncope est un phénomène bref, mais si elle se prolonge,
il faut éliminer un arrêt cardiorespiratoire.
sations vertigineuses, sueurs froides. Il peut évoluer vers
Après retour à la conscience, laisser le patient allongé,
une hypotonie généralisée avec chute molle et aboutir
contrôler les paramètres vitaux (fréquence cardiaque, res-
parfois à une perte de connaissance brève. Le retour à piratoire, pression sanguine artérielle, glycémie éventuelle-
l'état antérieur est spontané, progressif. On peut consta- ment) et demander un avis médical au CRRA. Il ne faut pas
ter au cours ou au décours immédiat du malaise une laisser repartir le patient avant qu'il n'ait bénéficié d'un exa-
pâleur intense, une bradycardie, une hypotension arté- men médical. Il sera habituellement hospitalisé pour bilan
étiologique et surveillance ; une récidive pouvant survenir
rielle. À l'issue du malaise le patient reste asthénique
avec issue parfois fatale.
quelques heures.

243
Urgences médicales
Malaises — comas

Les étiologies des syncopes sont fréquemment des trou- La complication provient d'un coma prolongé dû à un
bles paroxystiques du rythme ou de la conduction, des bas oedème cérébral avec des séquelles neurologiques défini-
débits sur pathologie valvulaire cardiaque... Elles peuvent tives.
mettre en jeu le pronostic vital du patient.
4.4 - Conduite à tenir

4 - Malaise hypoglycémique Chez le patient conscient :


-arrêter les soins ;
4.1 - Définition -allonger le patient ;
- faire absorber au patient une boisson sucrée.
Le malaise hypoglycémique peut être défini comme une
Chez le patient inconscient :
sensation pénible liée à un abaissement de la glycémie
- arrêt les soins dentaires ;
en deçà de la limite inférieure normale de la normale
- position du patient : mettre le patient en décubitus
(< 2,77 m m o l / L ou 0,5 g/L).
dorsal en élevant légèrement les pieds ;
- évaluation de la liberté des voies aériennes, de la res-
Il peut se manifester chez le patient diabétique (suite à une piration et de la circulation ;
insuffisance d'apport glucosé, une infection, une insuffisance -administration des hydrocarbures: chez le patient
rénale, un surdosage d'antidiabétique ou une interférence inconscient, l'administration des hydrocarbures doit
entre le thérapeutique antidiabétique et les médicaments être réalisée par la voie la plus efficace. La voie orale
associés tels les bêtabloquants, les coronodilatateurs, les doit être évitée à cause du risque de fausse route ou
anti-inflammatoires stéroïdiens ou les salicylés) ; mais aussi le d'obstruction des voies aériennes. Plusieurs protoco-
patient non diabétique (suite à un jeûne, un régime alimen- les ont été proposés tels que l'injection IV lente d'une
taire inadapté, un alcoolisme aigu ou une atteinte hépatique). solution glucosée à 50 %, l'injection IV ou IM d'1 mg de
Glucagon® ou l'injection IM ou sous-cutanée de 0,5 mg
4.2 - Diagnostic positif d'une solution d'épinéphrine à 1/1 000 (en cas d'échec
des deux premières thérapeutiques) ;
Les prodromes sont dominés par des signes neurologiques:
- surveillance constante des fonctions vitales ;
- changement brusque d'humeur ;
- appel d'une équipe médicale d'urgence : dans le cas de
-sensation de malaise ;
retard de normalisation ou d'aggravation de l'état du
- fatigue ; patient ;
-faim impérieuse ; - après la crise, le resucrage par voie orale s'impose ainsi
- signes cutanés : sueurs profuses et pâleur. que la prise de sucres lents ;
En plus des signes annonciateurs, la période d'état se mani- -consultation médicale: le patient est adressé à son
feste par : médecin traitant pour réévaluation et si nécessaire
- paresthésies ; modification du traitement.
- perte de conscience progressive ;
-hypersialorrhée ; 5 - Les diagnostics différentiels
-céphalées ;
- vertiges ; Toutes les situations où le malaise d'allure lipothymique
-troubles visuels ; ou syncopale s'intègre dans un tableau clinique potentiel-
-troubles moteurs (tremblements, hypertonie, trismus et lement grave :
parfois convulsions) ; - douleur thoracique aiguë de l'infarctus du myocarde, de
-tachycardie ; l'embolie pulmonaire, du pneumothorax, de la dissection
-palpitations ; aortique...
- polypnées. - dyspnée quelle qu'en soit son origine...
-céphalée aiguë de l'hémorragie méningée...
4.3 - Évolution -douleur abdominale aiguë: ulcère perforé, rupture
Chez le patient non diabétique, l'évolution est habituelle- d'anévrysme aortique, grossesse extra-utérine...
ment favorable et facilitée par la prise du sucre. Chez le - hémorragie extériorisée ou non (grossesse extra-utérine,
sujet diabétique, l'évolution se fait vers le coma hypogly- hémorragie digestive...) ;
cémique avec convulsions, collapsus cardio-respiratoires -trouble persistant de la vigilance, avec ou sans signes
et risque d'obstruction par fausse route. neurologiques déficitaires : coma, AVC...

244
Dans ces situations, le malaise n'est qu'un épiphénomène ;
- l'absence de motricité volontaire ; mais il peut exister des
la gravité est liée à l'étiologie et demande une prise en
convulsions, des mouvements stéréotypés non adaptés
charge adaptée à chaque cas. Systématiquement, il faudra (parfois localisés) à la stimulation douloureuse.
avoir recours aux services spécialisés pour prise en charge
diagnostique et thérapeutique.
Il est possible d'approfondir l'examen neurologique en
regardant l'état des pupilles et leur réactivité à la lumière ;
l'éventuelle localisation des mouvements à la stimulation
Il - Coma douloureuse.
Dans un contexte traumatique (même simple chute), on
1 - Définition recherche des lésions de la boîte crânienne, et surtout on
considère définitivement le patient comme un traumatisé
Trouble de la vigilance ou de la conscience caractérisé potentiel du rachis cervical, ce qui exclut toute manipula-
par trois éléments : tion intempestive sans respect de l'axe rachidien.
- absence d'ouverture des yeux ;
-absence de parole ; 2.2.2 L'appréciation clinique des deux autres fonctions
- absence de motricité volontaire. vitales
Il s'agit d'une situation clinique grave mettant en jeu le Systématique, obligatoire dès la constatation d'un coma.
pronostic vital qui nécessite dès sa reconnaissance l'éva-
Il faut en premier lieu éliminer un arrêt cardiorespiratoire,
luation des fonctions respiratoire et cardiocirculatoire.
sinon mettre en évidence des signes de détresse vitale :
- respiratoire : cyanose, sueurs, bradypnée voire pauses
2 - Tableau clinique respiratoires ou apnées. Le coma induit une détresse res-
piratoire par hypoventilation alvéolaire d'origine cen-
Le diagnostic positif repose sur l'examen clinique. Celui-ci trale, obstruction haute par hypotonie du pharynx, inha-
couplé à l'anamnèse pourra donner des éléments d'orien- lation de liquide gastrique par perte des réflexes de
tation quant à une étiologie éventuelle. protection des voies respiratoires ;
- cardiocirculatoire : sueurs, marbrures, pouls filant, collapsus.
2.1 - L'interrogatoire de l'entourage ou des témoins
Deux éléments sont faciles à obtenir et importants à
Il recherche : connaître : la température centrale, la glycémie capillaire.
-des antécédents neurologiques, psychiatriques, cardio-
respiratoires...
- des facteurs de risque tels le diabète, l'hypertension arté- 3 - Conduite à tenir
rielle...
- un terrain particulier : éthylisme, toxicomanie.,. - Appel circonstancié du CRRA.
- la prise d'un traitement : anti-comitial, psychotrope, anti- -Si arrêt cardiorespiratoire, inhalation de corps
diabétique, anticoagulant... étranger : prise en charge adaptée.
- Mise en position latérale de sécurité (PLS) de façon à
- les circonstances de survenue : traumatisme, douleur
éviter les inhalations de liquide gastrique ; en cas de
thoracique, céphalée aiguë, convulsion, intoxication
traumatisme, respecter l'axe rachidien tête - cou -
éthylique, inhalation de corps étranger, syndrome fébrile,
tronc et réaliser la manoeuvre à plusieurs.
confinement... - Contrôler les paramètres vitaux : fréquences cardia-
que et respiratoire, pression sanguine artérielle.
2.2 - L'examen
- Libérer les voies aériennes supérieures : ablation de
2.2.1 Le coma corps étranger, dentier. En l'absence de traumatisme,
légère bascule de la tête en arrière.
Important ! Il traduit une défaillance de la fonction neuro- - Oxygéner au masque à réserve, débit 10 L/min.
logique et il est caractérisé par : - En cas d'hypoglycémie documentée ou fort probable,
- l'absence d'ouverture des yeux à l'appel, à la stimulation le médecin régulateur conseillera l'administration
douloureuse (appui f o r t sur le lit d'un ongle) ; intraveineuse de glucosé hypertonique à 30 % ou de
- l'absence de parole ; glucagon intramusculaire.

245
Urgences médicales
Malaises — comas

4 - Attitude thérapeutique définitive -traumatiques : hématomes extraduraux, sous duraux,


intraparenchymateux ; oedème cérébral...
Tout coma nécessite une prise en charge parallèle dia- -vasculaires : hémorragie méningée, cérébroméningée,
gnostique et thérapeutique. Le traitement symptomati- hématome ou infarctus cérébral...
que vise à maintenir les fonctions vitales et à éviter tous -infectieuses: méningites, méningo-encéphalites bacté-
les facteurs secondaires d'agression cérébrale. riennes, virales, parasitaires...
- métaboliques : hypo et hyperglycémies, dysnatrémies,
Le traitement définitif adapté nécessite une enquête étio- hypoxie, hypercapnie...
logique exhaustive. -toxiques : psychotropes, CO, stupéfiants, alcool...
Les étiologies des comas sont multiples et variées (liste
non exhaustive) :

246
Douleurs thoraciques
non traumatiques
Hervé MOIZAN, Gérard PEIFFER

Certaines douleurs thoraciques mettent rapidement en


C'est une plainte fréquente, dont il faut souligner jeu le pronostic vital, il est donc important de savoir les
d'emblée trois particularités : reconnaître précocement.
- la difficulté d'analyse du symptôme, tant par le malade Dans cette présentation non exhaustive, les douleurs tho-
que par le praticien ; raciques potentiellement graves, les plus fréquemment
-l'absence de parallélisme entre l'importance de la rencontrées, seront classées en fonction du terrain sur
symptomatologie douloureuse et l'étiologie ;
lequel elles surviennent.
- la probabilité d'un symptôme annonciateur d'une pos-
sible urgence médicale.

Les étiologies possibles des douleurs thoraciques répon- I - Douleur thoracique


dent à trois grands chapitres hiérarchisables sur le plan de sur terrain vasculaire
l'urgence (tableau 25.1).
La survenue d'une douleur thoracique aiguë lors d'un acte
Tableau 25.1 Étiologies principales des douleurs thoraciques odontologique doit faire évoquer de prime abord la crise
(d'après Ellrodt A. Urgences médicales. Paris : Éditions Estem, d'angor et bien sûr l'infarctus du myocarde surtout chez le
2005 (5e éd.)) patient ayant des antécédents cardiaques. L'âge jeune n'éli-
mine pas le diagnostic d'urgence coronarienne ou d'infarc-
5 grandes urgences Fréquence
tus du myocarde.
Angor instable -Infarctus du myocarde +++
Embolie pulmonaire ++ -Le plus souvent il s'agira d'un adulte de tout âge, de
+
Dissection aortique sexe masculin ; mais non exclusivement ; les femmes
Péricardite - étant de plus en plus fréquemment exposées aux
Rupture d'oesophage -- mêmes facteurs de risque.
7 moyennes urgences - On retrouvera assez régulièrement des antécédents de
pathologie cardiovasculaire, traitée ou non.
Pleurésies, pneumonies +++
+
- Les facteurs de risque sont isolés ou associés, traités
Pneumothorax
ou non : hypertension artérielle, tabagisme, hyperlipi-
Péricardite +
Pancréatite aiguë - démie, diabète, obésité, sédentarité, antécédents car-
Cholécystite - diovasculaires familiaux... Parfois chez un jeune on aura
Douleur radiculaire - connaissance d'une toxicomanie à la cocaïne.

Pas d'urgence vitale

Douleurs pariétales, rachis inclus +++ 1 - Le syndrome coronarien aigu


Douleurs psychosomatiques +
Spasme œsophagien -
(infarctus du myocarde)
Colique hépatique -
-
1.1 - Définition
Colopathie
Syndrome de Münchhausen C'est une nécrose d'origine ischémique, massive et systéma-
--
Zona avant éruption tisée, sur une partie relativement étendue du myocarde.
--

247
Urgences médicales
Douleurs thoraciques non traumatiques

1.2 - Diagnostic positif


-soulager la douleur: il est important de soulager la
- Douleur à début brutal, en dehors de tout effort, rétro douleur car ceci permet de diminuer l'anxiété du
sternale, en barre et constrictive, résistante à la trinitrine, patient. D'autre part, la douleur est considérée
d'une durée prolongée. comme l'un des facteurs déclenchants du choc car-
- Nausées, vomissements. diaque qui est associé à un taux de mortalité très
- Faiblesse. élevé. Plusieurs protocoles peuvent être utilisés,
-Vertiges. comme l'administration des analgésiques opioïdes
(sulfate de morphine : 2 à 5 mg en IV répétés toutes
- Palpitations.
les 5 à 15 minutes ou 5 à 15 mg en sous-cutané, ou bien
-Sueurs froides.
de la mépéridine : 50 à 100 mg en IM) ou la sédation
par inhalation du monoxyde d'azote ;
1.3 - Conduite à tenir
- Préparation à gérer les complications en l'attente de
- Arrêt des soins dentaires. l'équipe médicale de secours : il peut s'agir d'arythmies
- Poser le diagnostic : il est difficile de faire la différence cardiaques ou d'arrêt cardiaque ;
entre l'angine de poitrine et l'infarctus du myocarde. Il - Évacuation du patient à l'hôpital.
est suggéré que la gestion de la douleur thoracique
soit approchée comme une angine de poitrine dans le
cas où le diagnostic n'est pas évident.
- Placer le patient dans la position la position la plus 2 - La dissection aortique
confortable (position assise).
- Évaluation de la liberté des voies aériennes, de la res- 2.1 - Définition
piration et de la circulation ; et réaliser la réanimation
cardio-pulmonaire si nécessaire. Elle correspond à un clivage au sein de la média de la
- Traitement définitif : paroi vasculaire aortique, créant un faux chenal et pro-
-administration de l'oxygène le plus rapidement pos- gressant de manière le plus souvent antérograde, par-
sible si la saturation de l'hémoglobine en oxygène est fois rétrograde.
inférieure à 90 % (Sa0 2 < 90 %) car il a été suggéré
que l'augmentation de la pression partielle, en oxy-
2.2 -Tableau clinique
gène (PaO2) peut diminuer la taille de l'infarctus.
L'oxygène peut être administré grâce à une canule La douleur se différencie de celle des syndromes corona-
nasale ou masque nasal avec un débit de 4 à 6 L/min ; riens aigus par certains caractères :
- appeler en urgence une équipe d'assistance médicale. - intensité progressivement croissante ;
L'appel est réalisé à cette étape lorsque le diagnostic -à type de déchirure ;
de présomption posé est celui d'un infarctus du myo- -migratrice: douleur initialement rétrosternale, irradie
carde ou lorsque la douleur thoracique est inaugurale ; dans le dos en zone interscapulaire puis lombaire ; tradui-
-administration de la trinitrine en suivant le même
sant la progression de la dissection.
protocole décrit dans le cas d'angine de poitrine : si
Le tableau douloureux peut se compliquer de manifesta-
la douleur continue ou devient plus importante mal-
tions en rapport avec des lésions vasculaires collatérales
gré l'administration de la trinitrine et de l'oxygène, ou
lorsque la trinitrine arrive à calmer la douleur pen- sur le trajet de la dissection : accident vasculaire cérébral,
dant quelques minutes et que cette dernière réappa- syndrome coronarien aigu, ischémie d'un membre, isché-
raît, le diagnostic de l'infarctus du myocarde doit être mie mésentérique...
sérieusement considéré ;
-administration de l'aspirine: l'aspirine, grâce à ses Les signes de gravité, témoin de défaillance des fonc-
propriétés fibrinolytiques, contribue à la revasculari- tions vitales :
sation du myocarde ischémique. Une dose de 325 mg - respiratoire : dyspnée, cyanose, pauses ou arrêt respi-
d'aspirine est administrée par voie orale aussitôt que ratoire;
le diagnostic de l'infarctus du myocarde est posé ; - cardiocirculatoire : sueurs, pâleur, pouls filant, marbru-
-contrôle des signes vitaux : les signes vitaux (rythme res, chute de la pression sanguine artérielle, arrêt
respiratoire, fréquence cardiaque et pression arté- cardiaque ;
rielle) doivent être évalués régulièrement (au mini- - troubles de la conscience : de la perte de connaissance
mum toutes les 5 minutes) et enregistrés ; brève au coma ; agitation ; confusion...

248
La situation est gravissime, engageant rapidement le pro- -cardiocirculatoire: tachycardie > 120/mn, sueurs, mar-
nostic vital souvent par tamponnade cardiaque, insuffi- brures, pouls filant, chute de la pression sanguine arté-
sance aortique massive, rupture vasculaire... rielle, arrêt cardiaque ;
- neurologique : agitation, confusion, perte de connais-
2.3 - Conduite à tenir
sance brève ou coma...
- Appel du CRRA qui dépêchera sur place les secours
spécialisés adaptés et donnera des conseils en atten- 1.1 - Conduite à tenir
dant leur arrivée.
- Mise au repos strict du patient, en décubitus dorsal ou -Appel du CRRA qui dépêchera sur place les secours
demi-assis. Le rassurer. spécialisés adaptés et donnera les conseils à suivre en
- Contrôle des paramètres : fréquence respiratoire, car- attendant leur arrivée.
diaque; pression sanguine artérielle aux deux bras. - Laisser le patient dans la position qu'il a spontanément
- Oxygénation au masque à réserve et débit 8-10 L/min adoptée : le plus souvent en position assise.
si défaillance vitale. - Le mettre au repos strict, le rassurer.
- Administration éventuelle d'un antalgique. -Contrôler les paramètres: fréquences respiratoire et
cardiaque, pression sanguine artérielle.
2.4 - Objectif thérapeutique étiologique - Oxygénation au masque à réserve, débit 8-10 L/min.
- Si inconscient, mettre en PLS ; si arrêt cardiaque, débu-
-Calmer la douleur.
ter la réanimation cardiopulmonaire.
- Faire baisser la pression sanguine artérielle souvent élevée.
-Traitement chirurgical des dissections de l'aorte ascen-
dante et de la crosse ; traitement médical des autres 1.2 - Le traitement définitif
localisations. En fonction de l'importance du pneumothorax et de son
retentissement cardiorespiratoire, il sera réalisé une exsuf-
flation du pneumothorax à l'aiguille e t / o u un éventuel
drainage pleural.
Il - Douleur thoracique
chez un sujet jeune
2 - Dissection aortique
Le plus souvent homme jeune, sans antécédent notable Le tableau clinique précédemment décrit sur terrain vas-
hormis parfois une maladie de Marfan ; de morphotype culaire peut survenir chez un sujet jeune porteur d'une
longiligne ; tabagique ou non. maladie de Marfan.

1 - Pneumothorax spontané Les différences portent sur l'origine de la dissection vas-


culaire qui n'est pas secondaire à une hypertension arté-
II correspond à l'irruption d'air entre les deux feuillets de
rielle mais à une pathologie dégénérative.
la plèvre dans un contexte médical, non traumatique.
Douleur thoracique d'apparition brutale, spontanée ou au
La conduite à tenir ne diffère pas.
cours d'un effort, localisée ou irradiant vers l'épaule, à
type de pointe, inhibant la ventilation. Parfois associée à
une toux irritative, une dyspnée. La douleur est en général
vite calmée et alors au second plan derrière la dyspnée. III - Autres douleurs thoraciques
Certains patients présentent des récidives de pneumotho- non traumatiques
rax spontanés ce qui peut faciliter le diagnostic.
Rarement, le pneumothorax spontané peut devenir com-
pressif et induire une défaillance cardiorespiratoire enga- 1 - L'embolie pulmonaire
geant le pronostic vital.
Dans ce cas, on note alors des signes de gravité : Véritable urgence, elle peut être responsable d'un syn-
- respiratoire : cyanose, sueurs, dyspnée intense avec drome douloureux thoracique d'allure angineuse par
dilatation des artères pulmonaires ou par insuffisance
signes de lutte ou d'épuisement, tachypnée > 3 0 / m n ,
coronarienne fonctionnelle.
pauses ou arrêt respiratoire ;

249
Urgences médicales
Douleurs thoraciques non traumatiques

Le diagnostic est le plus souvent très difficile et repose 2 - Autres


sur l'absence de diagnostic alternatif devant un signe évo-
cateur surtout en cas de facteurs de risque (cancer, gros- La liste étiologique des douleurs thoraciques est longue,
sesse, ATCD de thrombose veineuse, cardiopathie, HTA, correspondant à d'autres affections d'organes thoraci-
BPCO, handicap neurologique, obésité, chirurgie à risque). ques, mais aussi à des affections d'organes sous diaphrag-
Les signes cliniques sont les suivants : dyspnée, douleur matiques, quel que soit le terrain.
pleurétique, hémoptysie, syncope, polypnée, tachycar- Les tableaux plus atypiques ne peuvent être ici tous décrits.
die, râles pulmonaires, frottement pleural, cyanose,
confusion, agitation, choc, fièvre. L'appel du SAMU est Essentiel : l'important, même en l'absence d'étiologie évi-
impératif pour les formes graves avec transfert du patient dente ou suspectée, est de savoir reconnaître les signes de
en réanimation. gravité témoignant d'une détresse vitale, nécessitant une
prise en charge symptomatique rapide.

250
Arrêt cardiorespiratoire
Isabelle FRAYSSIGNES

I - Définition IV - Conduite à tenir


Essentiel : l'arrêt cardiorespiratoire (ACR) correspond à L'objectif de la prise en charge est la restauration la plus
l'interruption brutale de la circulation et de la ventilation rapide possible d'une activité cardiaque spontanée.
aboutissant à une anoxie cellulaire.
La stratégie la plus efficace de prise en charge des ACR
Il s'agit de la plus urgente des urgences vitales ; elle ne souf-
extrahospitaliers est « la chaîne de survie ».
fre aucun retard de prise en charge.
Cette chaîne est constituée de 4 maillons.
En l'absence de réanimation efficace, la m o r t neuronale sur-
vient en 4 à 6 minutes. En cas de restauration incomplète de
l'activité cardiorespiratoire, la survie est possible mais au
prix de séquelles parfois très lourdes tels les états neurové- 1 - 1 er maillon : alerte précoce
gétatifs chroniques.
Alerte précoce, circonstanciée, précise du Centre de
réception et régulation des appels (obtenu en composant
Il - Physiopathologie le numéro téléphonique 15) qui déclenche immédiatement
les secours spécialisés : le plus souvent départ simultané
L'ACR peut avoir une origine cardiovasculaire ou respiratoire:
d'un véhicule de sapeurs-pompiers doté d'un défibrilla-
-Causes cardiovasculaires :
teur semi-automatique (DSA), d'une Unité mobile hospita-
-la fibrillation ventriculaire myocardique ischémique,
lière du SMUR et d'un médecin de proximité.
toxique, médicamenteuse, métabolique...
- autre trouble du rythme ou de la conduction ; Le dilemne du témoin isolé (praticien seul dans son
- causes mécaniques ; états de choc... cabinet) est de savoir s'il faut privilégier l'alerte ou les
- Causes respiratoires, toutes aboutissent en l'absence de premiers gestes de survie :
traitement à une anoxie cellulaire : - chez l'enfant de moins de 8 ans et chez l'adulte ayant
- obstruction des voies aériennes ; présenté un arrêt respiratoire initial (exemple du corps
- autre insuffisance respiratoire aiguë quelle que soit son étranger des voies aériennes), il faut débuter la réani-
étiologie : atteinte de la commande neurologique, mation cardiopulmonaire de base pendant une minute
avant d'alerter les secours ;
asthme aigu grave, pneumothorax suffocant, atteinte
- dans tous les autres cas, il faut privilégier l'alerte.
toxique, noyade...

III -Tableau clinique 2 - 2e maillon : réanimation


Essentiel : quels que soient les circonstances et le contexte
cardiopulmonaire de base
étiologique, le diagnostic clinique d o i t être porté immédia- par le(s) témoin(s)
tement et systématiquement devant l'association des trois
signes suivants :
Les recommandations 2005 soulignent encore que la
- perte de connaissance complète ; compression de la poitrine seule ne représente pas la
- arrêt respiratoire ; meilleure méthode pour la RCP mais qu'elle est néanmoins
- disparition du pouls carotidien. acceptable dans les cinq premières minutes de l'arrêt cir-
Le diagnostic ne doit pas prendre plus d'une dizaine de culatoire. La compression de la poitrine combinée avec le
secondes; il doit déclencher la mise en œuvre immédiate
bouche-à-bouche augmente en effet la survie dans les
de la « chaîne de survie ».
études humaines et reste la méthode de choix en cas d'AC

251
Urgences médicales
Arrêt cardiorespiratoire

quelle qu'en soit la cause (Recommandation de niveau lIa).


Le MCE seul est néanmoins une alternative acceptable, en
particulier lorsque le sauveteur refuse d'effectuer la bou-
che-à-bouche. Elle permet d'obtenir de meilleurs résultats
par rapport à l'absence de RCP.
Réalisée avant l'arrivée des secours organisés, elle amé-
liore le pronostic de l'ACR.

2.1 - La réanimation respiratoire


Le patient est en décubitus dorsal sur un plan dur (au sol),
ses vêtements sont dégrafés.
On a observé le patient pendant 10 secondes et constaté
l'absence de ventilation efficace : pas de mouvements
thoraciques ni de bruits respiratoires.

2.1.1 Libérer les voies aériennes


En enlevant, avec l'index en crochet, les prothèses den-
taires, corps étrangers intrabuccaux. Si on a assisté à une
inhalation de corps étranger, on aura au préalable effec-
tué une manoeuvre d'Heimlich.
En créant une légère bascule de la tête en arrière, en
soulevant le menton (manoeuvre contre-indiquée en
cas de traumatisme suspecté du rachis cervical)
(fig.26.1).
Si le patient reprend une ventilation spontanée, on l'ins-
talle en position latérale de sécurité et on le met sous
oxygène au masque à réserve (débit : 15 L/min). Dans le
cas contraire, on poursuit par la ventilation.

2.1.2 La ventilation
Les deux mots d'ordre de la ventilation de toute victime
en AC sont :
-temps limité d'insufflation ;
- réduction des interruptions des compressions thoraci-
ques.
En effet, concernant la ventilation au bouche-à-bouche
ou à l'aide d'insufflateur manuel à l'air ambiant ou sous
oxygène, le sauveteur doit délivrer chaque insufflation
en une seconde.
L'efficacité est jugée simplement par le soulèvement du
thorax, représente un volume courant entre 500 et
600 mL (6 à 7 mL/kg).

Figure 26.1a, b, c Ventilation à l'aide d'un insufflateur manuel.

Essentiel : dans tous les cas, il est impératif de réduire au


maximum les interruptions de compressions thoraciques
pour effectuer des manœuvres d'insufflation Par ailleurs, il Dans le cadre de l'exercice professionnel, la ventilation
est souligné que le bouche-à-nez est aussi efficace que le sera réalisée au mieux à l'aide d'un ballon autoremplisseur
bouche-à-bouche et qu'il est particulièrement recom- à valve unidirectionnelle, muni d'un masque adapté au
mandé en cas d'existence d'un trismus ou d'un traumatisme
patient, d'une réserve à oxygène et relié à un obus d'oxy-
de la bouche.
gène sur lequel on affiche un débit de 15 L/min.

252
Le masque facial est appliqué de façon étanche par une
main dont le pouce et l'index appuient sur le masque ;
les trois autres doigts en crochet maintenant l'exten-
sion du cou et la subluxation antérieure du maxillaire
inférieur. L'autre main tient le ballon et réalise les insuf-
flations.
Le volume à insuffler est de l'ordre de 500 mL ; il ne faut
donc pas comprimer complètement le ballon. Si le volume
insufflé est trop important il engendre une insufflation de
gaz dans l'estomac à l'origine de régurgitations avec risque
secondaire d'inhalation pulmonaire.
À chaque insufflation, on vérifie l'efficacité du geste en
visualisant le soulèvement synchrone du thorax.

Essentiel : le rythme à observer à un ou deux sauveteurs est


de 2 insufflations toutes les 30 compressions thoraciques
chez l'adulte.

2.2 - La réanimation cardiocirculatoire

2.2.1 La prise du pouls


Le pouls est recherché au niveau carotidien pendant
10 secondes. S'il est présent, on poursuit uniquement la
ventilation au rythme de 12 insufflations par minute (1
insufflation toutes les 5 secondes).

2.2.2 Le massage cardiaque externe


Il est réalisé si le pouls carotidien n'est pas retrouvé.
Patient en décubitus dorsal sur un plan dur. On se
positionne à côté de lui, à genoux. Les talons des
mains sont superposés sur la partie supérieure de la
moitié inférieure du sternum. On garde les bras tendus
verticalement, on ne décolle jamais les mains du ster-
num pendant le massage. On effectue une dépression
sternale de 4 à 5 cm dont l'efficacité est jugée sur la
perception synchrone d'un pouls carotidien. La fré-
quence des compressions sternales est de 100/min
chez l'adulte. Le rapport compressions sternales/
insufflations est de 3 0 / 2 chez l'adulte ; chez l'enfant,
il est de 3 0 / 2 à un sauveteur et de 15/2 à deux sauve-
teurs (fig. 26.2).
Figure 26.2a, b, c Massage cardiaque externe (MCE).

253
Urgences médicales
Arrêt cardiorespiratoire

3 - 3e maillon : la défibrillation externe Essentiel : il doit parfaitement connaître les gestes élémen-
précoce taires de survie et demander à ce que son personnel soit
formé (fig. 26.3).
Essentiel : elle consiste en l'application d'un choc électrique
externe destiné à la réduction d'un trouble du rythme de fré-
quence rapide mal toléré ; le plus fréquent étant la fibrilla- La victime ne répond pas
t i o n ventriculaire au cours de la mort subite de l'adulte.
Appeler à l'aide
La défibrillation pourra être réalisée soit par :
- des secouristes non médecins, à l'aide d'un défibrillateur Libérer les VA

semi-automatique (DSA). Il s'agit le plus souvent des


sapeurs-pompiers dépêchés sur place, lorsqu'ils sont sur La victime ne respire pas normalement
place avant l'Unité mobile hospitalière (UMH) ;
- le médecin de l'UMH du Service médical d'urgence et Appeler le 15/18
réanimation, à l'aide d'un défibrillateur manuel.
30 compressions thoraciques
e
4 - 4 maillon : la réanimation
2 insufflations
cardiopulmonaire spécialisée réalisée 30 compressions thoraciques*
par le médecin * jusqu'à l'arrivée des secours ou épuisement du sauveteur

Elle associe : Figure 26.3a Algorithme de la RCP.


- l'analyse du rythme cardiaque et la défibrillation éven-
tuelle;
INCONSCIENCE
- la prise en charge invasive des voies respiratoires par
intubation orotrachéale et la ventilation sur sonde Appeler à l'aide
intratrachéale ;
LVA
- la réanimation cardiocirculatoire avec mise en place
Respiration anormale
d'un abord veineux, l'utilisation de médicaments
vasoactifs dont l'adrénaline et éventuellement Chercher un DAE
d'autres drogues adaptées au type d'ACR. Appeler le 15/18
RCP 30/2
jusqu'à l'arrivée d'un DAE
Si le praticien chirurgien-dentiste a pu prendre un abord vei-
neux (il faut alors qu'une ou mieux deux autres personnes
réalisent la ventilation et le massage cardiaque externe), le DAE
Analyse du ryhtme
médecin régulateur lui demandera, en l'absence de reprise
d'activité cardiaque spontanée, de réaliser des injections Choc Choc non
intraveineuses d'adrénaline à la dose de 1 mg toutes les conseillé conseillé
3 minutes. En l'absence de voie veineuse, des injections sous- 1Choc
cutanées pourront être réalisées, mais avec peu d'efficacité. (150-200 j
biphasique)
Les contrôles d'une éventuelle reprise d'activité cardiaque
spontanée sont effectués toutes les 3 minutes par recher- Reprendre Reprendre
RCP 30 / 2 RCP 30 / 2
che du pouls carotidien (en cessant alors le massage car-
Pour 2 min Pour 2 min
diaque). Si la reprise d'activité cardiaque est effective,
seule la ventilation sera poursuivie.
Continuer jusqu'à ce que
Un praticien chirurgien-dentiste, extra-hospitalier, témoin la victime respire normalement
d'un ACR a un rôle majeur à jouer en activant précocement
les deux premiers maillons de la chaîne de survie, mais aussi Figure 26.3b Algorithme BLS (basic life support).
dans la mise en oeuvre du 4° maillon avec utilisation précoce DAE : défibrillateur automatique externe ; LVA : libération des voies
de l'adrénaline, guidé par le médecin régulateur du centre 15. aériennes ; RCP : réanimation cardio-pulmonaire (Cassan, 2007).

254
Urgences respiratoires
Hervé MOIZAN, Isabelle FRAYSSIGNES, Gérard PEIFFER

I - Dyspnée - mode de début ;


- signes associés : douleur thoracique, toux, hémoptysie,
palpitations, encombrement...
1 - Définition Recherche des signes de gravité ou signes de défaillance
d'une ou plusieurs fonctions vitales :
Il s'agit d'une gêne ressentie lors de la respiration
- respiratoire : polypnée > 3 0 / m i n (adulte) ; signes d'épui-
comme un étouffement, un essoufflement, un manque
sement respiratoire : balancement thoraco-abdominal,
d'air. Les étiologies sont nombreuses mais importantes
pauses voire arrêt ventilatoire ; cyanose ; sueurs ;
à identifier afin de proposer parallèlement à la prise en
charge symptomatique une thérapeutique adaptée. - cardiocirculatoire : sueurs, tachycardie > 120/min (adulte),
chute de la pression sanguine artérielle, marbrures;
- neurologique : troubles de la conscience : de la somno-
2 - Démarche diagnostique lence au coma.
Elle repose en premier lieu sur l'anamnèse et l'examen
clinique ; mais nécessitera régulièrement des examens 3 - Conduite à tenir
complémentaires utiles à l'approche étiologique. D'où
l'importance mais aussi les limites de la phase clinique. - Laisser le patient dans la position qu'il a spontanément
adoptée et qui le plus souvent est une position assise
2.1 - L'interrogatoire
ou semi-assise ; le rassurer. En cas de troubles de la
Il note : conscience, il faudra mettre le patient en position
- les antécédents : cardiaques, respiratoires, néoplasiques, latérale de sécurité (PLS).
thromboemboliques... - Libérer les voies aériennes et dans le cas de l'inhalation
- les facteurs de risque cardiovasculaire : HTA, diabète, de corps étranger, pratiquer la manoeuvre d'Heimlich
hyperlipidémie, tabagisme... (fig.27.1).
- le terrain : âge, sexe, habitudes de vie... - Appeler le CRRA. Le médecin régulateur pourra appro-
- les traitements en cours ; cher un diagnostic grâce aux éléments cliniques four-
nis. Il guidera l'utilisation de l'oxygène et le choix du
- l'histoire de la dyspnée actuelle : circonstances de surve-
débit en fonction de la pathologie suspectée ; l'utilisa-
nue (effort, repos, alitement, au cours du repas...), mode
tion éventuelle de drogues (bronchodilatateurs, déri-
de début, signes d'accompagnement... vés nitrés...).
2.2 - L'examen clinique
Il précise les caractères de la dyspnée :
- fréquence, amplitude, rythme ;
4 - Attitude thérapeutique définitive
- position adoptée par le patient, position favorisante ; Elle est symptomatique, visant à restaurer une hématose cor-
-temps inspiratoire ou expiratoire ; recte avec parfois prise en charge invasive de la ventilation
- bruits associés : cornage ou stridor inspiratoire (obstruc- par intubation endotrachéale ; et une étiologique curative.
tion des voies aériennes supérieures), weezhing expira- Les causes de dyspnée sont extrêmement variées corres-
toire (obstruction des voies aériennes inférieures), mixte pondant à une atteinte à un quelconque niveau de la
(obstruction trachéale) ; respiration : commande neurologique ; obstruction des
- signes de lutte : tirage sus-claviculaire, sus-sternal, inter- voies respiratoires ; atteintes pariétales, alvéolaires, cellu-
costal; balancement thoraco-abdominal ; laires métaboliques...

255
Urgences médicales
Urgences respiratoires

Figure 27.1a Manœuvre d'Heimlich assis. Figure 27.1b Manœuvre d'Heimlich couché.

Il - Hyperventilation 2 - Étiologies
L'hyperventilation est l'une des situations d'urgence
L'angoisse est à l'origine d'une hyperventilation psycho- plus communes rencontrées au cabinet. Elle peut être c
gène qui induit une hypocapnie à l'origine d'une dimi- sée par :
nution du taux plasmatique de calcium ionisé. Cette -anxiété extrême : constitue la cause la plus fréquente
hypocalcémie provoque alors des manifestations -causes organiques :
somatiques neuromusculaires. -douleur ;
- acidose métabolique ;
Les patient(e)s, le plus souvent, ignorent leurs symptômes - intoxication médicamenteuse ;
psychiques pour se concentrer sur les manifestations - hypercapnie ;
organiques, ce qui ne fait que rajouter à leur angoisse. -cirrhose ;
Dans la majorité des cas, il s'agit d'une manifestation - désordres organiques du système nerveux central.
somatique de l'anxiété, de l'angoisse ; dépourvue de carac-
tère de gravité. Dans de rares cas, elle est secondaire à des 3 - Diagnostic positif
hypocalcémies organiques ; mais le contexte de survenue
est atypique. Les symptômes de l'hyperventilation sont nombreux :
- signes cardiovasculaires :
-palpitations ;
Il s'agit d'une pathologie essentiellement féminine ;
-tachycardie ;
mais elle peut se rencontrer chez l'homme.
-signes neurologiques :
- vertiges ;
-étourdissement ;
1 - Définition - perturbation de la conscience ou de la vision ;
- engloutissement et picotement des extrémités ;
L'hyperventilation est définie comme une ventilation -signes respiratoires :
excessive à celle requise pour maintenir une pression - respiration courte ;
partielle normale en oxygène (PaO2) et en dioxyde de - douleur thoracique ;
carbone (PaCO2). Elle fait suite à une respiration rapide
- sécheresse buccale ;
e t / o u profonde (augmentation de la fréquence e t / o u
-signes musculo-squelettiques :
de la profondeur de la respiration).
- douleurs et crampes musculaires ;

256
-tremblements ; 5.4.2 Calmer le patient
- raideur ; Il faut rassurer le patient et l'aider à regagner le contrôle
- signes psychologiques : de sa respiration en lui parlant calmement.
- anxiété ; Essayer de pousser le patient à réduire lentement et régu-
-tension. lièrement sa fréquence respiratoire jusqu'à une fréquence
de 4 à 6 respirations par minute. Ceci va permettre d'aug-
4 - Diagnostic différentiel menter la pression partielle en dioxyde de carbone (PCO2),
de réduire le pH sanguin et d'éliminer les symptômes de
- Asthme. l'hyperventilation.
- Embolie pulmonaire.
- Hypertension pulmonaire. Dans la plupart des cas, ces étapes sont suffisantes pour
-Désordres métaboliques (diabète céto-acidosique, maîtriser la crise.
hyperthermies malignes...).
-Toxicité chimique (aspirine, progestérone, alcool, nico- 5.4.3 Correction de l'alcalose respiratoire
tine...). Face à l'inefficacité des étapes précédentes, augmenter la
- Désordres neurologiques (lymphome cérébral, hyperven- concentration sanguine en CO 2 devient l'objectif majeur.
tilation centrale...). Pour cela, différentes techniques ont été proposées par
- Grossesse. les auteurs. Le patient peut être amené à respirer un
-Attaque cardiaque. mélange gazeux formé de 7 % de CO2 et de 93 % d'O 2
comprimé en bouteille, mais ce type de matériel est rare-
5 - Conduite à tenir ment disponible dans un cabinet dentaire. De façon plus
pratique, le patient peut respirer son propre air expiré, qui
L'objectif du traitement est la correction des problèmes contient une concentration plus importante de CO 2 . Pour
respiratoires et la réduction du niveau de l'anxiété. Il cela, on peut demander au patient de respirer dans un sac
comporte plusieurs étapes. en plastique qui lui recouvre en même temps le nez et la
bouche, ou plus simplement de mettre les deux mains
5.1 - Arrêt des soins dentaires devant le nez et la bouche en forme de réservoir et de res-
La cause présumée de la crise (exemple : pièce à main, pirer l'air qui s'y trouve et qui est enrichi en CO 2 .
seringue, davier) doit être retirée du champ de vision du
5.4.4 Prise en charge médicamenteuse
patient.
En cas de persistance de la crise d'hyperventilation, une
5.2 - Position du patient prise en charge médicamenteuse est réalisée pour réduire
l'anxiété et la fréquence respiratoire. L'administration
Le patient hyperventilé reste la plupart du temps cons-
intraveineuse du Diazépam ou du Midazolam constitue le
cient, mais présente des difficultés respiratoires variables.
traitement de choix. La dose à administrer est de 10 à 15 mg
Le décubitus dorsal est normalement inadapté pour ce
de Diazépam ou de 3 à 5 mg de Midazolam.
genre de patients à cause de la diminution du volume ven-
tilatoire à la suite de l'écrasement du diaphragme par les 5.4.5 Reprise des soins dentaires
viscères abdominaux. Pour cela, le patient doit être placé Après la fin de la crise et la rémission des signes cliniques,
en position assise ou semi-allongée. le praticien est amené à déterminer la cause de l'hyperven-
tilation.
5.3 - Contrôle des paramètres vitaux
Note : dans ta plupart des cas, l'hyperventilation est la pre-
Fréquence respiratoire et cardiaque, pression artérielle. mière manifestation d'une phobie des soins dentaires.

5.4 - Traitement définitif


Les soins dentaires peuvent reprendre si le patient est ras-
suré et lorsque le praticien est certain du bon déroule-
5.4.1 Libérer les voies aériennes supérieures
ment de la séance. Dans le cas contraire, les soins seront
Par l'élimination de tous les corps étrangers (prothèse
reportés et une préparation psychique visant à réduire le
amovible, digue...) ainsi que des vêtements serrés (col de
stress est envisagée pour éviter la récidive.
chemise déboutonné, cravate desserrée...).

257
Urgences médicales
Urgences respiratoires

III - Œdème de Quincke 3 - Conduite à tenir


-Contrôle des paramètres vitaux: fréquences respira-
1 - Définition toire et cardiaque, pression sanguine artérielle.
-Si patient conscient et pression sanguine artérielle
Il s'agit d'une manifestation grave de l'hypersensibilité conservée, laisser en position assise.
immédiate de type 1, caractérisée par un œdème secon- - Oxygéner au masque à réserve avec un débit de 10 L/
daire à une vasodilatation localisée avec augmentation min dans tous les cas.
de la perméabilité capillaire. Appel du CRRA. Le médecin régulateur pourra donner
les consignes suivantes :
-nébulisation d'adrénaline avec un masque adapté:
C'est une forme particulière d'urticaire avec œdème pro- 1 mg ramené à 5 cc de sérum physiologique en utilisant
fond dermique ou hypodermique, dont la gravité est liée l'oxygène à 6 L/mn comme gaz propulseur ;
à la localisation au niveau de la face et du larynx. - injection d'adrénaline par voie sous-cutanée 0,25 mg
L'œdème de Quincke est isolé ou associé à d'autres mani- toutes les 10-15 minutes ou intraveineuse en titration ;
festations allergiques : urticaire, choc anaphylactique. - administration de corticoïdes (1 mg/kg) par voie orale
sublinguale ou intraveineuse.
-Si troubles de la conscience, mettre en position laté-
2 - Tableau clinique rale de sécurité ; si chute de la pression sanguine,
L'angio-oedème se traduit par des gonflements localisés allonger jambes surélevées.
plus ou moins limités, blancs rosés, fermes, cuisants, peu -Si arrêt cardiorespiratoire, pratiquer la réanimation
douloureux. Leur progression est rapide, surtout au niveau cardiopulmonaire.
des tissus lâches (lèvres, paupières) et des muqueuses.
L'atteinte muqueuse fait toute la gravité de la pathologie
en raison du risque d'asphyxie aiguë par œdème pharyn-
golaryngé.
IV - Bronchospasme aigu
Le bronchospasme s'inscrit dans le cadre symptomati-
L'atteinte pharyngolaryngée se traduit cliniquement que et nosologique des accidents allergiques.
par :
- des picotements localisés ;
- une modification voire une extinction de la voix ; L'accident reste, rappelons-le imprévisible. Il peut survenir
- une hypersialorrhée parfois ; quels que soient l'individu et le type de produit injecté, en
- une bradypnée inspiratoire avec cornage ; l'absence de facteurs de risque préexistants. Les médica-
- un tirage sus-sternal, sus-claviculaire. ments responsables et utilisés en odontologie sont repré-
Les signes de gravité traduisent une défaillance des sentés par les AINS, les antibiotiques, les antalgiques
fonctions vitales par asphyxie obstructive aiguë : (codéine, morphine) et les anesthésiques locaux (accidents
- respiratoire : cyanose, pauses voire arrêt respiratoire ; rarissimes). D'autres substances utilisées au cabinet (résine
-cardiocirculatoire: sueurs, marbrures, chute de la méthacrylique, résine époxy, eugénol, produits d'hygiène
pression sanguine artérielle, arrêt cardiaque ;
dentaire, latex...) peuvent être à l'origine d'une crise de bron-
- neurologique : agitation puis troubles de la conscience
chospasme sévère pouvant nécessiter une ventilation arti-
pouvant aller jusqu'au coma.
ficielle transitoire.
La relation causale est très souvent facile à établir, car la
Les causes sont multiples : crise suit de quelques minutes l'absorption, l'injection, ou
- médicamenteuses : antibiotiques/pénicillines, sulfamides ; l'inhalation de l'agent déclenchant. Ces crises graves sur-
antalgiques/paracétamol, opiacés ; acide acétylsalicyli- viennent préférentiellement chez les sujets atopiques et
que; anti-inflammatoires non stéroïdiens ; exceptionnelle- asthmatiques connus. Le bronchospasme est une manifes-
ment les anesthésiques locaux... tation respiratoire rarement isolée mais accompagnant le
- latex ; plus souvent l'œdème de Quincke et le choc anaphylacti-
-alimentaires : arachides, crustacés, lait... que. Il appartient de ce fait aux accidents d'hypersensibi-
- produits végétaux, animaux, cosmétiques, industriels... lité immédiate de type I de la classification de Gell et

258
Coombs. Le pronostic de cet accident dépend exclusive-
C'est une véritable urgence médicale, complication en
ment du délai et de la qualité de prise en charge incluant général d'une cardiopathie gauche, rare au cabinet den-
le diagnostic et le traitement. taire, mais envisageable chez un patient ayant des anté-
Ce bronchospasme se présente sous deux formes cliniques: cédents cardiaques qui après un effort physique déve-
- la forme mineure : caractérisée par une gêne respiratoire loppe subitement un OAP. Le praticien doit la déceler
accompagnée d'une toux sèche, quinteuse, d'une dysp- rapidement et mettre en place un traitement d'urgence
née laryngée ou asthmatiforme, sifflante et à maximum sans retard avant l'arrivée d'une équipe médicalisée.
expiratoire ;
- la forme majeure : comprend les signes généraux suivants,
angoisse, agitation, troubles possibles de la conscience, les
2 - Signes cliniques
signes d'hypoxie aiguë (cyanose, tachycardie, élévation Ils sont constitués par :
tensionnelle) et les signes d'obstruction respiratoire (respi- -dyspnée aiguë à type de polypnée augmentée par le
ration superficielle, bruyante, avec tirage). L'évolution décubitus dorsal avec une réelle « soif d'air ». Orthopnée
peut alors se faire vers l'arrêt respiratoire et cardiaque. quasi constante associée parfois à des sifflements ;
- cyanose + sueurs + agitation anxieuse = signes de gravité ;
Conduite à tenir en cas de bronchospasme -toux ;
- Arrêt des soins, assurer la vacuité de la cavité buccale. - expectorations abondantes, mousseuses, rosâtres car
- Liberté et protection des voies aériennes supérieures. teintées de sang ;
Toujours s'assurer chez un patient porteur d'une canule de
-tachycardie ;
trachéotomie de l'absence d'obstacle à la circulation de
l'air. - râles crépitants à l'auscultation des deux champs pulmo-
- Malade en position demi-assise si conscience conservée. naires;
- Faire appel au SAMU, noter heure de survenue de l'acci- - signes d'IVG : turgescence des jugulaires ;
dent. -antécédents d'HTA, de traitements cardiologiques anté-
- Oxygénation au masque idéal au débit de 10 L.min -1 ,
rieurs (diurétiques, anti-hypertenseurs, tonicardiaques).
même chez le bronchopathe chronique, puis débit plus
modéré ensuite à 3 L.min -1 .
- Administrer 2 à 3 bouffées de salbutamol (Ventoline ® ) β2
mimétique, renouvelable toutes les 3 à 5 minutes.
3 - Conduite à tenir en cas d'oedème aigu
- Si le bronchospasme est rebelle aux aérosols de β2 mimé- du poumon (OAP)
tique alors administrer de l'adrénaline par voie sous-cuta-
née dose de 0,3 à 0,5 mg, injection possible toutes les 10 à -Arrêt des soins, assurer la vacuité de la cavité buccale.
15 minutes par cette même voie SC - Placer le patient en position demi-assise ou assise et
- Surveillance constante (pouls, TA, FR, saturation hémoglo-
jambes pendantes.
bine en oxygène...) jusqu'à l'arrivé de l'équipe médicalisée.
- Oxygénothérapie nasale 6 à 10 L.min -1 ; si dyspnée
sévère: O2 au masque 8 à 10 L.min -1 :
-administrer un vasodilatateur par voie perlinguale :
Trinitrine sublinguale sous forme de flacon pressurisé
V - Œ d è m e aigu du p o u m o n de 200 doses (Lenitral® spray 0,4 mg/dose ou Natis-
cardiogénique pray® fort 0,3 mg/dose). La substance médicamen-
teuse correspond à un dérivé nitré coronodilatateur
et puissant vasodilatateur veineux. L'administration
1 - Physiopathologie se fait à raison d'une pulvérisation au niveau de la
muqueuse sublinguale sans inhalation. Il est possible
L'oedème aigu du poumon (OAP) est une complication de renouveler l'administration après une période de
cardiaque se manifestant au niveau pulmonaire du fait 2 à 3 minutes si la crise persiste ;
de l'augmentation brutale de la pression capillaire pul- - abord veineux et pose d'un soluté de G5 ;
monaire suite à un engorgement des vaisseaux pulmo- -appel impératif d'une équipe médicale d'urgence ;
naires sanguins et lymphatiques avec pour conséquence -surveillance des constantes: pouls, pression arté-
une exsudation de liquide dans les espaces interstitiels rielle, oxymétrie de pouls (saturation de l'hémoglo-
et intra-alvéolaires provoquant alors une détresse res- bine en oxygène) jusqu'à l'arrivé de l'équipe
piratoire de gravité variable. médicalisée ;

259
Urgences médicales
Urgences respiratoires

En fonction de leur taille et de leur position, les corps


- si persistance de la crise : injection de 2 ampoules de
étrangers sont plus ou moins obstructifs. Ils peuvent être
diurétique par voie IV type Lasilix® 20 à 40 mg (diuré-
tique de l'anse hypokaliémiant). à l'origine d'une asphyxie aiguë létale.

2 - Tableau clinique
VI - Inhalation de corps étranger Le diagnostic quasi-immédiat est initialement clinique faci-
lité par le contexte et la soudaineté d'apparition de la symp-
tomatologie et sera ensuite confirmé par la radiographie e t /
1 - Définition ou l'endoscopie. Deux formes cliniques sont rencontrées.

L'accident d'inhalation se définit par la projection acci- 2.1 - L'asphyxie aiguë


dentelle d'un corps étranger au sein de la filière respira-
Elle est liée au blocage du corps étranger dans la tra-
toire. Ces accidents ne sont pas rares dans notre spécia-
chée ou le plus souvent dans le larynx, éventualité rare
lité et surviennent au cours des soins endodontiques
en odontologie car les instruments susceptibles d'être
(broches, limes...), prothétiques (tenons, fraises...) ou chi-
inhalés sont généralement réduits en taille (fraise, ins-
rurgicaux (débris dentaires).
trument endodontique, débris d'amalgame dentaire,
tenon...). Le malade s'agite, panique et porte ses mains à
Ces accidents sont favorisés par les mouvements du sa gorge (signe d'Heimlich) et cyanose rapidement.
patient, une accessibilité délicate à un site opératoire,
l'absence de mesures préventives (digue, parachute, aspi- Il ne peut ni parler ni tousser, présente un tirage intense
ration efficace) et la maladresse ou fatigue du praticien. (creusement sus-sternal, sus-claviculaire). La mort survient
Les sujets les plus exposés étant les jeunes enfants et les en 4 à 5 minutes si aucun traitement efficace n'est ins-
adultes à facteurs de risque tels une pathologie neurolo- tauré. L'appel des secours d'urgence (15) est impératif. Dans
gique, un abus de sédatifs, un éthylisme... du fait de méca- l'attente de l'aide médicalisée, le traitement de ce syn-
nismes de protection laryngée défaillants. drome asphyxique est la manoeuvre d'Heimlich (fig. 27.2),

Figure 27.2 Manoeuvre d'Heimlich debout.

260
puis oxygénothérapie après élimination du corps étranger. 3 - Conduite à tenir en cas de projection
La manœuvre d'Heimlich se justifie si le corps étranger est de corps étrangers au niveau
évacuable par la manoeuvre, cas d'un objet non contendant
ne risquant pas d'être bloqué au niveau glottique générant
des voies aériennes
alors un œdème glottique et mort par asphyxie aiguë. La tentative d'extraction du corps étranger à l'aide
d'une pince porte-aiguille est réalisable exclusivement
2.2 - L'obstruction distale (syndrome de pénétration) si le corps étranger est visible dans la partie postérieure
de la cavité buccale. La toux doit être respectée, son
efficacité est toujours supérieure à une manœuvre
Elle est liée au blocage par un corps étranger de petite
externe.
taille au-delà de la bifurcation trachéale. Le risque vital
n'est pas immédiat.
3.1 - Asphyxie aiguë
Le traitement ne souffre aucun retard et doit être entre-
Le malade présente une toux incoercible. Celle-ci peut pris immédiatement et avant toute alerte de secours par
se calmer secondairement ce qui peut rassurer fausse- le témoin isolé. En présence de plusieurs témoins, le pre-
ment le praticien. Le corps étranger va provoquer une mier pratique la manœuvre d'Heimlich, alors qu'un autre
atélectasie plus ou moins grave source secondaire alerte le CRRA.
d'infection. En pareil cas, la conduite impose de rassu-
rer le patient, de l'installer en position demi-assise et 3.2 - Syndrome de pénétration
de l'oxygéner s'il existe des signes de cyanose. L'appel
Dans l'hypothèse d'un corps étranger réduit en volume,
du SAMU (15) s'impose impérativement pour transférer
sans détresse respiratoire, le patient doit être calmé, main-
le malade vers une structure hospitalière afin de pro-
tenu dans la position la plus confortable possible en évi-
céder au retrait du corps étranger généralement par
tant de le mobiliser. Aucune manœuvre ne doit être ten-
endoscopie.
tée, seule une surveillance doit être réalisée jusqu'à
Ces accidents d'inhalation doivent être distingués des acci- l'arrivée des secours médicalisés, l'objectif prioritaire est
dents de déglutition pour lesquels le corps étranger là encore la liberté des voies aériennes.
emprunte les voies digestives. Dans ces derniers cas, il n'y a Tant que le patient tousse, il faut respecter la toux dont la
pas de gêne respiratoire, ni de toux. Ces derniers accidents force expulsive est très supérieure à celle obtenue par
sont sans gravité si les corps étrangers sont peu agressifs, toute manœuvre externe.
l'élimination par voie naturelle est de règle même si une sur-
veillance de leur évacuation s'impose.
Remarque : cependant, le corps étranger peut ne pas avoir
été expulsé ou ne l'avoir été qu'incomplètement (corps
À l'opposé, la projection d'un corps étranger au niveau étranger friable).
des voies aériennes entraînera toujours des complica- Il convient dans tous les cas de syndrome de pénétration
tions immédiates ou tardives avec parfois des atteintes d'adresser le patient à un médecin pour réalisation d'un
pulmonaires graves (pleurésie, pneumothorax, abcès du bilan radioclinique, en vue d'une éventuelle endoscopie
poumon...). d'extraction.

261
Urgences allergiques
Isabelle FRAYSSIGNES, Mohamed EDDAIF, Rafael TOLEDO-ARENAS

I - Crise d'urticaire - consultation médicale : une consultation du médecin


traitant ou d'un allergologue doit être demandée
pour déterminer la nature de l'allergène, le traite-
1 - Définition ment médical à suivre ainsi que les modifications
éventuelles concernent les soins dentaires.
L'urticaire est une réaction allergique de l'organisme
avec une traduction cutanée.
Elle se manifeste par des plaques érythémateuses plus
ou moins étendues qui s'accompagnent d'une sensation
de chaleur locale et de prurit. Il - Choc anaphylactique

1 - Définition
2 - Diagnostic positif
- Plaques érythémateuses.
Important ! Manifestation clinique d'une réaction d'hyper-
- Prurit, rush. sensibilité immédiate de type 1, caractérisée par la surve-
- Picotement. nue brutale et rapide après exposition à un allergène d'un
-Chaleur. état de choc circulatoire engageant le pronostic vital.

3 - Évolution 2 - Physiopathologie
En règle générale, l'évolution est favorable qui se fait La réaction d'hypersensibilité immédiate de type 1 consé-
vers la disparition rapide du rush cutané. cutive à l'exposition à un allergène, auquel le patient est
sensibilisé, induit la libération de médiateurs de l'inflam-
mation dont l'histamine. Ces médiateurs provoquent un
4 - Conduite à tenir état de choc hypovolémique par vasodilatation artérielle
et séquestration liquidienne.
-Arrêt des soins dentaires immédiatement après
l'observation des signes cliniques de la crise d'urticaire. Les allergènes responsables sont multiples :
- Placer le patient dans la position la plus confortable. -médicaments : pénicillines, antalgiques (acide acétyl-
- Évaluation de la liberté des voies aériennes, de la res- salicylique, morphine...), anesthésiques généraux, rare-
piration et de la circulation. ment les anesthésiques utilisés en dentisterie...
- Traitement définitif : - le latex (gants chirurgicaux) : allergie croisée fréquente
-administration des antihistaminiques : les antihista- avec une allergie alimentaire (kiwi, banane...) ;
miniques peuvent être prescrits au patient lorsque la -alimentaires : lait, soja, oeuf, oléagineux, crustacés...
réaction allergique devient sérieusement gênante. La - produits de contraste iodés...
prescription est recommandée pour une durée de 2 à
3 jours. L'administration par voie orale est réalisée à
raison de 50 mg de diphénhydramine 3 à 4 fois par 3 -Tableau clinique
jour ou de 4 mg de chlorphéniramine 3 à 4 fois par
Le début est précoce (2 à 3 minutes), après exposition à
jour;
l'allergène, avec apparition d'un malaise général associé à

263
Urgences médicales
Urgences allergiques

une anxiété, une impression de mort imminente. On note un


- Mise en place éventuelle d'une voie veineuse périphé-
prurit plus ou moins généralisé, un érythème cutané urtica- rique pour injections :
rien, une dyspnée avec weezhing expiratoire traduisant une - adrénaline : on dilue 1 ampoule de 1 mL = 1 mg dans
obstruction bronchique par œdème ou avec cornage inspi- 9 mL de sérum physiologique (NaCl à 0,9 %) puis on
ratoire, dysphonie traduisant un œdème laryngé. injecte mL par mL (soit 0,1 mg par 0,1 mg) de façon à
Peuvent exister des troubles digestifs à type de diarrhée obtenir une pression artérielle systolique supérieure
parfois sanglante, douleurs abdominales. à 100 mmHg;
Les manifestations neurologiques vont de la confusion au - méthylprednisolone : 1 mg/kg de poids du patient ;
coma parfois convulsif. - si la voie veineuse n'est pas disponible l'alternative est
d'injecter l'adrénaline par voie sous-cutanée (la posolo-
Les manifestations cardiovasculaires associent tachycar-
gie sera dictée par le médecin régulateur en fonction
die et collapsus (chute importante de la pression sanguine
des éléments en sa possession de l'ordre de 0,25 mg à
artérielle). 1 mg) ; et de donner un corticoïde per os à la même dose.
L'arrêt cardiorespiratoire peut survenir brutalement -si ACR, il faut pratiquer la réanimation cardiopulmo-
d'emblée, sans prodromes ou secondairement à l'hypoxie naire
liée à la détresse respiratoire (bronchique, laryngée) ou au
choc circulatoire vasoplégique.
5 - Objectif thérapeutique définitif
4 - Conduite à tenir
important ! Prise en charge symptomatique des détresses
- Immédiatement supprimer tout contact avec l'aller- vitales après éviction de l'allergène. Surveillance hospita-
gène suspecté : interrompre une injection, ôter les lière puis à distance bilan allergologique et éventuelle
gants de latex... désensibilisation à l'allergène. Si la désensibilisation est
impossible, le patient doit observer à la lettre les conseils
- Mettre le patient en décubitus dorsal jambes suréle-
d'éviction de l'allergène et avoir en permanence sur lui un
vées, ou en position latérale de sécurité s'il est incons-
kit d'adrénaline auto injectable.
cient.
- Appeler le CRRA qui envoie sur place les secours spé-
cialisés et donne des conseils d'attente.
- Oxygénation au masque à réserve au débit de 10-15 L/min.
-Contrôle des paramètres: fréquence respiratoire et III - Œ d è m e de Quincke
cardiaque, pression sanguine artérielle. Voir chapitre 27, page 252.

264
Crise convulsive — épilepsie
Isabelle FRAYSSIGNES, Mohamed EDDAIF, Rafael TOLEDO-ARENAS

I - Crise convulsive Chez les épileptiques connus, l'absorption d'alcool, le


manque de sommeil, l'inobservance thérapeutique sont
des facteurs favorisants.
1 - Définition — physiopathologie Les éléments de gravité immédiate avec défaillance des
fonctions vitales engageant le pronostic sont représentés
La crise convulsive généralisée traduit un dysfonction-
par :
nement cérébral résultant de l'hyperexcitabilité et de la
- l'état de mal convulsif défini par la répétition d'au moins
décharge excessive de neurones.
3 crises sans retour intercritique à une conscience nor-
male ou par un état convulsif prolongé au-delà de 5 à
Elle peut être occasionnelle et isolée ou accompagnée,
10 minutes;
souvent symptomatique d'une affection organique sous
- le coma post-critique prolongé au-delà de 30 minutes.
jacente ou entrer dans le cadre d'une maladie épileptique.
Elle peut parfois se compliquer d'état de mal convulsif qui
engage alors rapidement le pronostic vital.
3 - Conduite à tenir

2 - Tableau clinique - Pendant la phase tonicoclonique, ne pas chercher à


contenir le patient ni à lui ouvrir la bouche ; mais éviter
La crise convulsive généralisée typique suit un déroule-
qu'il ne se blesse en écartant tous les objets dangereux.
ment stéréotypé :
- Ensuite, à la phase de coma post-critique, l'allonger en
- perte de connaissance brutale, sans prodromes, avec position latérale de sécurité ; assurer la liberté des
chute lourde occasionnant des blessures ; parfois cri voies aériennes, puis lorsqu'il se réveille confus, le cal-
initial; mer et le rassurer.
- quasi simultanément phase tonique (30 secondes environ), -Contrôler éventuellement la glycémie capillaire si on
marquée par une contraction intense des muscles des possède un appareil.
membres et du tronc, avec cyanose marquée et apnée; -Appeler le CRRA qui en fonction des éléments que
-puis phase clonique de 1 à 2 minutes, avec secousses vous aurez pu recueillir sur les antécédents, facteurs
musculaires généralisées, synchrones ; de risque, traitements habituels et du tableau clinique
enverra les secours adaptés : médecin traitant ou de
-enfin, phase résolutive caractérisée par un coma post-
proximité e t / o u UMH et moyen de transport si signes
critique avec respiration stertoreuse, hypersialorrhée et
de gravité.
hypotonie généralisée.
L'ensemble des trois phases dure de 5 à 10 minutes, suivi
d'une phase de confusion et amnésie post-critique évo-
luant moins de 30 minutes, avant le retour à une cons-
4 - Attitude médicale définitive
cience normale. Un épileptique connu dont les facteurs déclenchants de la
On constate fréquemment une morsure latérale de la lan- crise sont évidents, et dont l'examen clinique est rassurant,
gue et une miction involontaire. ne sera pas forcément hospitalisé mais pris en charge par
Les causes neurologiques en sont multiples : vasculaires, le médecin traitant.
traumatiques, infectieuses, toxiques (dont l'éthylisme aigu Toute crise non expliquée chez l'épileptique connu ; inau-
ou le sevrage), métaboliques (hypoglycémie...), néoplasi- gurale; compliquée nécessitera une hospitalisation pour
ques, dégénératives... prise en charge thérapeutique et bilan étiologique.

265
Urgences médicales
Crise convulsive — épilepsie

II - Accident cérébro-vasculaire - Nausées et vomissement.


- Froideur et sueurs.
-Vertiges.
1 - Définition
- Perte de conscience.
L'accident cérébro-vasculaire est un désordre neurologi- - Signes et des symptômes neurologiques. (*)
que focal causé par la destruction de la substance céré-
brale qui peut faire suite à une hémorragie, thrombose,
embolisme ou insuffisance vasculaire intra-cérébrale. 3 - Conduite à tenir
Dans la plupart des cas d'ACV et d'ischémie cérébrale
L'accident cérébro-vasculaire (ACV) est habituellement
transitoire, le patient reste conscient. En effet, la diffé-
classé selon l'étiologie. Les deux grandes familles de l'ACV
renciation entre l'ischémie cérébrale transitoire (1CT) et
sont : l'ACV d'origine hémorragique et l'ACV d'origine l'ACV peut initialement être difficile. Dans certains cas, la
occlusive (aussi appelé ACV ischémique ou infarctus céré- durée de la crise devient très importante : la plupart des
bral) qui est consécutif soit à une athérosclérose ou ICT durent approximativement 2 à 10 minutes, alors que
thrombose, soit à un embolisme cérébral. les signes et les symptômes de l'ACV ne régressent pas.
En addition à ces formes de l'ACV, il existe un syndrome À cause de l'incertitude du diagnostic, la prise en charge
qui varie de l'ACV appelé « ischémie cérébrale transi- initiale des patients présentant des signes et des symp-
toire», isolé (sans céphalée) et régressant complètement tômes d'atteinte cérébro-vasculaire est identique sans
en moins de 24 heures n'entraînant pas de dommages neu- tenir compte de la cause (ischémie, hémorragie) :
rologiques permanents, alors que les patients victimes - arrêt des soins dentaires ;
d'un ACV souffrent presque toujours de certains degrés de - placer le patient confortablement, en position assise
dommages neurologiques permanents. ou semi-assise ;
- évaluer la liberté des voies aériennes, de la respiration
et de la circulation ;
2 - Diagnostic positif - surveiller les signes vitaux.

2.1 - Infarctus cérébral


La pression artérielle est habituellement élevée pendant la
- Apparition progressive des signes et des symptômes (après
crise, tandis que la fréquence cardiaque peut être normale
quelques minutes, quelques heures ou quelques jours).
ou élevée. La pression artérielle et la fréquence cardiaque
- Fréquemment précédé par une ischémie cérébrale tran- doivent être réévaluées toutes les 5 minutes durant la crise.
sitoire. - Traitement définitif :
- Léger mal de tête.
-faire appel à une assistance médicale spécialisée ;
- Cécité monoculaire transitoire.
-traitement des signes et symptômes :
- Signes et symptômes neurologiques : (*)
- position semi-assise du patient qui permet de diminuer
- hémiplégie ;
légèrement la pression sanguine intra-cérébrale, tandis
- respiration et déglutition difficiles ;
que la position allongée augmente la pression sanguine
- incapacité de parler ;
intra-cérébrale qui peut être potentiellement dangereuse
- incontinence urinaire et anale ;
durant cette période où la pression artérielle est élevée ;
-taille inégale des pupilles.
- oxygénothérapie ;
2.2 - Embolisme cérébral -éviter l'utilisation des dépresseurs du système nerveux
-Apparition brusque des signes et des symptômes (en central (analgésiques, agents anxiolytiques, opioïdes,
quelques secondes). inhalation de sédatifs) qui peuvent masquer les signes
- Léger mal de tête pendant quelques heures par des signes neurologiques présents et rendre le diagnostic définitif
et des symptômes neurologiques. (*) difficile à poser.

2.3 - Hémorragie cérébrale 3.1 - Ischémie cérébrale transitoire


-Apparition brusque des signes et des symptômes (en Lorsque les signes cliniques régressent rapidement avant
quelques secondes). l'arrivée de l'assistance médicale, le diagnostic le plus pro-
- Mal de tête violent et d'apparition soudaine. bable est l'ischémie cérébrale transitoire.

266
Si le patient ne présente pas d'antécédents de pathologies -Placer le patient en décubitus dorsal. Une modification
cérébro-vasculaires, il sera transporté à l'hôpital pour la de cette position peut être indiquée ultérieurement.
réalisation d'examens neurologiques. - Évaluer la liberté des voies aériennes, la respiration et la
circulation. La réanimation cardio-pulmonaire doit être
Remarque : en revanche, en cas de présence d'antécédents
réalisée si nécessaire.
d'ischémie cérébrale transitoire, l'hospitalisation du - Surveiller les signes vitaux (pression artérielle, fréquence
patient devient nécessaire et une prise en charge spécifique cardiaque et fréquence respiratoire).
s'impose. - Repositionner le patient si nécessaire. En effet, si la pres-
sion artérielle est élevée, la position du patient va être
changée en élevant légèrement la tête et le buste.
3.2 - Accident cérébro-vasculaire
- Traitement définitif :
Lorsque les symptômes neurologiques persistent après - injection en IV d'une solution de Dextrose à 5 % ou de
l'arrivée de l'équipe d'urgence médicale, le patient va solution saline peut être réalisée avant l'arrivée de
être stabilisé et transporté à l'hôpital. l'équipe d'urgence ;
-après sa stabilisation par l'équipe d'urgence, le patient
La perte de conscience est associée à un mauvais pronos- est évacué à l'hôpital pour traiter immédiatement l'ACV
tic clinique en cas d'ACV (taux de mortalité est de 70 % à et prévenir une augmentation de la pression intracrâ-
100 %). L'ACV hémorragique présente une incidence plus nienne. Ceci nécessite l'arrêt du saignement intracrâ-
élevée de perte de conscience. Dans le même sens, un mal nien, l'évacuation chirurgicale du sang cumulé dans le
de tête intense précède dans la plupart du temps la perte crâne et la prévention ou la minimisation de l'oedème
de conscience et constitue ainsi un indice diagnostique cérébral.
supplémentaire de la pathologie.

267
Urgences hémorragiques
Isabelle FRAYSSIGNES, Nicolas DAVIDO, Géraldine LESCAILLE, Rafael TOLEDO-ARENAS

I - Définition 2 - Si le patient ne présente pas


de désordre identifié
Une hémorragie est un saignement anormal externe ou
interne, extériorisé ou non par les orifices naturels. - Rechercher par l'interrogatoire un éventuel trouble de
l'hémostase non identifié (bilan d'hémostase).
- Allonger le patient en décubitus dorsal, membres inférieurs
surélevés ; en position latérale de sécurité si inconscient.
Il -Tableau clinique
- Prendre les précautions d'usage pour éviter toute expo-
Quel que soit le saignement, en rapport avec une patholo- sition intempestive à du sang éventuellement contaminé.
gie odonto-stomatologie ou secondaire à une pathologie - Effectuer un geste local d'hémostase si le site est
médicochirurgicale plus générale, digestive, respiratoire, accessible selon le protocole indiqué en figure (voir
urinaire, traumatique, etc. les signes cliniques de retentisse- encadré ci-dessous) : compression, suture, etc.
ment et l'attitude thérapeutique initiale sont les mêmes. - Réaliser une compression vasculaire artérielle à distance
du point de saignement si la compression directe est inef-
Les facteurs de gravité sont :
ficace. On comprimera l'artère qui alimente le saignement.
- l'abondance du saignement ;
- l'étiologie ; - Mise en place d'une oxygénothérapie au masque si signes
- le contexte de survenue :traumatique, médicochirurgical; de gravité.
- le terrain : comorbidités, troubles de la coagulation ;
- accessibilité ou non à un geste hémostatique simple. Gestes locaux d'hémostase :
Les critères de gravité s'apprécient en fonction du - aspirer le caillot formé à l'aide d'une canule chirurgicale;
retentissement sur les fonctions vitales : - réévaluer l'importance, la localisation et la nature du
- cardiocirculatoire : pâleur, sueurs, marbrures, sensa- saignement ;
tion de soif, pouls filant accéléré, chute de la pres- - tamponner à l'aide d'une compresse stérile afin de loca-
sion sanguine artérielle plus ou moins intense avec liser de façon précise l'origine du saignement (d'une
parfois pression imprenable ; façon générale, un site est responsable de l'hémorragie);
- respiratoires : tachypnée, pauses ou arrêt respira- - réaliser une anesthésie locale avec vasoconstricteur
toire. La cyanose est rare, masquée par l'anémie ; 1/100 000 afin de diminuer l'hémorragie ;
- neurologiques : agitation, malaise lipothymique avec - effectuer une ou plusieurs des interventions suivantes:
ou sans perte de connaissance brève, coma. -compression ;
-sutures ;
- application d'un hémostatique local :
• collagène (Pangen®) ;
III - Conduite à tenir • gélatine (Curapson®) ;
En présence d'un patient consultant en urgence à la suite • cellulose oxydée régénérée (Surgicel®).
d'une hémorragie buccale post-chirurgicale. - mesures complémentaires :
• utilisation d'acide tranexamique (Exacyl®) ;
• utilisation de colles biologiques (Beriplast®, Tissucol®).
1 - Si le patient présente un désordre - si l'hémorragie cesse : ordonnance, conseils post-
identifié opératoire;
- si l'hémorragie persiste : adresser à un service de
L'adresser directement à une structure hospitalière en
médecine d'urgence
relation avec l'hématologue.

269
Urgences médicales
Urgences hémorragiques

- Alerter le centre de réception et de régulation des appels Le traitement spécialisé associe :


(CRRA) qui dépêchera sur place les secours spécialisés - le traitement symptomatique visant à la restauration
adaptés. d'un état hémodynamique correct (remplissage vas-
culaire, catécholamines, transfusion, oxygénation...) ;
- le traitement étiologique avec le plus souvent geste
IV - Attitude thérapeutique définitive hémostatique chirurgical, parfois thérapeutique médi-
cale spécifique.

Essentiel : une hémorragie grave met en jeu le pronostic


vital en induisant un état de choc hémorragique avec
défaillance multiviscérale.

Bibliographie de la IIIe partie


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270
Annexes

Perte de conscience

Position allongée

Libération des VAS

Évaluation de la respiration

Évaluation du pouls

Rétablissement Conscience altérée Persistance de la perte


(Pouls 40 - 60/min) de conscience

Mal de tête Étourdissement Réponse avec trouble Maintien de la liberté


Faiblesse en position de comportement des VAS
Irritabilité debout
Confusion légère Maintien
de la respiration
Syncope Malaise vasovagal

Présence de pouls Absence de pouls


Mal de tête Confusion
Faiblesse Odeur
Étourdissement d'alcool lors Réanimation
Nausée de la respiration cardio-pulmonaire
Équipe médicale
d'urgence
Accident cérébro- Overdose
vasculaire d'alcool
Histoire médicale

Insuffisance Diabète Négative


adrénalienne
Equipe médicale
Cortisone IM ou IV d'urgence

Équipe médicale 50 % de glucose


d'urgence ou glucagon en IM

Rétablissement Absence
de rétablissement

Malaise Hyperglycémie
hypoglycémique ou malaise
non diabétique

Équipe médicale
d'urgence

Annexe 1 Algorithme décisionnel à suivre en cas de perte de conscience.

271
Urgences médicales
Urgences hémorragiques

Douleur thoracique

Douleur aiguë, rétro-sternale


Patient conscient

Arrêt des soins

Position assise

Liberté des voies aériennes,


respiration, circulation

Histoire médicale

Négative
Oppression rétro-sternale
Douleur irradiante
Anxiété
Respiration rapide
Étourdissement
Angine de poitrine

Hyperventilation
Oxygénothérapie

Calmer Corriger Administration


le patient l'alcalose de trinitrine
respiratoire
Disparition Persistance de la douleur
Respirer l'air de la douleur (après 3 administrations
enrichi en C02 ou exacerbation de la douleur)

Réévaluation
Disparition Persistance
Infarctus du myocarde
des symptômes des symptômes

Équipe médicale d'urgence


Diazépam
IM ou IV
Aspirine
Rétablissement
Gestion de la douleur

Évaluation des signes vitaux

Si perte de conscience

Réanimation cardio-pulmonaire

Annexe 2 Algorithme décisionnel à suivre en cas de douleur thoracique.

272
Détresse respiratoire

Arrêt respiratoire Position assise Accident d'inhalation


Évaluation des signes vitaux d'un corps étranger
Oxygénothérapie
Histoire médicale
Réanimation Manoeuvre
cardio-pulmonaire de Heimlich

Équipe médicale d'urgence Équipe médicale d'urgence

Réaction allergique Hyperventilation Asthme Insuffisance cardiaque

Bronchospasme Anxiété Toux Dyspnée


Œudème de Quincke Respiration sifflante Cyanose
Choc anaphylactique Efforts respiratoires Suffocation
Anxiété

Antihistaminiques Rassurer le patient Oxygénothérapie Oxygénothérapie


Epinephrine Rétablir l'alcalose
Corticostéroïdes respiratoire
Diazépam IM ou IV
Équipe médicale d'urgence Bronchodilatateurs Réanimation cardio-pulmonaire

Si persistance des symptômes Équipe médicale d'urgence

Aminophylline IV

Équipe médicale d'urgence

Annexe 3 Algorithme décisionnel à suivre en cas de détresse respiratoire.

273
Prévention des urgences :
situations à risques
Urgence hémorragique
au cabinet dentaire
Nicolas DAVIDO, Géraldine LESCAILLE, Rafael TOLEDO-ARENAS

qui se lie à une protéine de la membrane plaquettaire, la gly-


L'hémostase comprend l'ensemble des processus phy-
coprotéine Ib (GP1b). L'adhésion déclenche des mécanismes
siologiques permettant de faire cesser une hémorragie.
intra-cellulaires qui entraînent l'activation de la glycopro-
téine llbllla (GPlIbllla). Cette protéine devient alors capable
Une effraction vasculaire, provoquée par un acte chirurgi-
de lier le fibrinogène, et les plaquettes s'agrègent entre elles.
cal par exemple, active simultanément les plaquettes et
Dans le même temps, les plaquettes sécrètent de l'ADP et le
des protéines de coagulation présentes dans le sang circu-
Thromboxane A2 (TxA2), puissants activateurs de plaquettes,
lant, aboutissant à la formation du caillot hémostatique.
qui permettent le recrutement de nouvelles plaquettes. Il se
De ce fait, le risque hémorragique est essentiellement lié
forme alors le thrombus plaquettaire (fig.31.1).
à l'état de santé du patient. En effet, lors de pathologies
ou de traitements affectant l'hémostase, la pratique de la
1.2 - La coagulation
chirurgie buccale est de ce fait associée à un risque hémor-
La coagulation correspond au temps plasmatique. Elle
ragique important et nécessite une approche multidisci-
repose sur l'activation de différents facteurs qui ont pour
plinaire et précise.
la plupart une synthèse hépatique.
Ce chapitre traitera des différents stades de l'hémostase,
de la gestion de l'hémorragie ainsi que de la prévention du
1.2.1 Les facteurs de la coagulation
risque hémorragique au cabinet dentaire.
Les facteurs de coagulation (tab. 31.1) sont présents dans le
sang circulant sous forme de précurseurs inactifs, d'enzy-
mes protéolytiques ou de cofacteurs également inactifs.
I - Le risque hémorragique Lorsque le sang est exposé au contact du facteur tissulaire
(FT : glycoprotéine de la membrane des fibroblastes pré-
sents dans la tunique externe des vaisseaux), une cascade
1 - Physiologie de l'hémostase
de réaction se déclenche. L'activation est la conséquence
L'hémostase comprend classiquement un temps vas- d'une protéolyse qui démasque le site actif des enzymes
culaire, un temps plaquettaire et un temps plasmatique, ou les sites de reconnaissance des cofacteurs et libère des
ces phénomènes étant simultanés et interdépendants. Les peptides d'activation. Les facteurs de coagulation activés
deux premiers temps constituent l'hémostase primaire, le sont désignés par leur nom suivi du suffixe « a » (par
temps plasmatique constituant la coagulation propre- exemple : facteur VIla).
ment dite (Besse et Lacotte, 2004).
La coagulation comprend (fig. 31.2) :
1.1 - L'hémostase primaire - un tronc commun ;
-Temps vasculaire: brève période de vasoconstriction - une voie intrinsèque basée sur le contact des facteurs
réflexe. plasmatiques avec les membranes plaquettaires ou le
-Temps plaquettaire : formation du clou plaquettaire (ou collagène ;
thrombus blanc). - une voie extrinsèque, plus courte, voie d'urgence de la
coagulation qui survient lors d'une lésion tissulaire et
L'adhésion des plaquettes au sous-endothélium se fait par
qui fait intervenir le FT.
l'interaction d'une protéine, le facteur de Willebrand (FW),

277
Prévention des urgences : situations à risques
Urgence hémorragique au cabinet dentaire

Plaquette
circulante
Activation

Sécrétion

Fibrinogène

FW ADP

Recrutement
plaquettaire
TxA2

GPIb
FW
GPIIbllla

FW FW Endothélium vasculaire
Collagène
Fibroblastes

Figure 31.1 Mécanisme d'adhésion, activation et agrégation plaquettaire lors d'une brèche vasculaire.

Tableau 31.1 Facteurs de coagulation du sang circulant

Vitamine k
Facteurs Nom Synthèse Demi-vie
Dépendant
_
I Fibrinogène Hépatique 4-6 j
II Prothrombine Hépatique + 3-4 j
_
V Proaccélérine Hépatique 15-24 h
VII Proconvertine Hépatique + 4-6 h
_ _ _ _ _ _ ___ _
VIII Facteur anti-hémophilique A ? . 10-14 h
IX Facteur anti-hémophilique B Hépatique + 20-28 h
X Stuart-Prower Hépatique + 48-60 h
XI Rosenthal ? _
48 h
XII Hageman ? _
50-70 h
XIII Facteur de stabilisation de la fibrine ? _
3-7 j

1.3 - La fibrinolyse Néanmoins, le rétablissement du flux sanguin doit permet-


tre à la paroi endothéliale de se régénérer pour ne pas
La fibrinolyse (fig. 31.3) est le processus qui permet la relancer le processus hémorragique. La fibrinolyse est ainsi
redissolution progressive de la fibrine formée au niveau
régulée par l'intermédiaire de protéines synthétisées par
de la brèche vasculaire, limitant l'extension du thrombus
les cellules endothéliales vasculaires.
dans la lumière vasculaire.

278
Ces cellules synthétisent l'activateur tissulaire du plasmi- que le tPA se fixent à celle-ci, et le Pg est transformé en
nogène (tPA : tissue plasminogen activator) et son inhibi- plasmine par le tPA, fixé à proximité. Il en résulte la lyse du
teur, le PAI-1 {plasminogen activator inhibitor de type 1). En caillot de fibrine en produits dérivés.
présence de fibrine, le plasminogène (Pg) circulant ainsi

VOIE ENDOGÈNE VOIE EXOGÈNE


KHPM
FT
PK K Vlla VII

XII Xlla

XI Xla

Ca++
IX IXa
VIII Villa Ca ++

X Xa
++ Va V
Ca

+ IIa II

THROMBINE
+

Fibrine Fibrinogène
XIII Xllla
KHPM : Kininogène
de Haut Poids
Moléculaire
PK : Prékallikréine
K : Kallikréine
FT: Facteur Tissulaire
Fibrine stabilisé
insoluble

Figure 31.2 Voies de l'hémostase.

Produits dérivés
de la fibrine
PAI-I
tPA

Plasmine
PAI-I tPA 3
2
4

Pg

Fibrine

Figure 31.3 Mécanisme de la fibrinolyse.

279
Prévention des urgences : situations à risques
Urgence hémorragique au cabinet dentaire

2 - Troubles de l'hémostase Sur le plan clinique, le risque hémorragique varie selon la


sévérité de la thrombopénie. Tout cas de thrombopénie
Les patients atteints de désordres hématologiques ou doit inciter le chirurgien-dentiste à prendre contact avec
sous traitement antithrombotique ont un risque le praticien traitant afin de mettre en place le traitement
hémorragique important lors des actes de chirurgie du patient. Dans une situation d'urgence, les traitements
buccale. doivent être limités au minimum et faire appel à l'endo-
dontie, l'antibiothérapie et à la rigueur, au drainage d'un
Ces interventions nécessitent une approche multidiscipli- abcès collecté. Les actes chirurgicaux seront différés et
naire et la mise en place d'un protocole précis de prise en réalisés soit au cabinet avec des mesures d'hémostase
charge. Nous aborderons les différents troubles à risque locale appropriées pour des thrombopénies légères, soit
hémorragique (Besse et Lacotte, 2004). en milieu hospitalier dès lors que le risque devient plus
important et nécessite une approche spécifique compre-
nant notamment les transfusions plaquettaires.
2.1 - Désordres plaquettaires :
thrombopénies, thrombopathies
Il existe deux types de désordres plaquettaires pouvant Au-dessus de 100 0 0 0 / m m 3 , on considère que le risque
altérer l'hémostase : les thrombopénies et les thrombo- est négligeable. La chirurgie buccale est possible avec de
pathies (fig. 31.4). Les plaquettes ont un rôle fondamen- simples mesures d'hémostase locale pour des numéra-
tal dans l'hémostase et présente plusieurs rôles princi- tions comprises entre 50 et 100 0 0 0 / m m 3 . En dessous de
paux dont la maintenance de l'intégrité capillaire, la 50 0 0 0 / m m 3 des mesures de substitution doivent être
formation du thrombus initial et l'élaboration de subs- envisagées et le geste nécessairement réalisé en milieu
tances métaboliques actives (sérotonine, ADP...). Ce sont hospitalier (Fuse et al., 2003).
des structures issues de la fragmentation des megaca- Les thrombocytopathies représentent des anomalies qua-
ryocytes, dont la durée de vie est de l'ordre de 7 à litatives plaquettaires rares se traduisant par un déficit
10 jours. fonctionnel de l'activité plaquettaire. La prise en charge
La thrombopénie (tab. 31.2) correspond à une quantité de sera le plus souvent hospitalière en relation avec l'héma-
plaquette inférieure à 150 0 0 0 / m m 3 , la normalité étant tologue.
comprise entre 150 000 et 400 0 0 0 / m m 3 . Une thrombo- Ces patients atteints de désordres plaquettaires nécessi-
pénie peut survenir dès lors qu'un mécanisme interfère teront parfois un traitement substitutif par transfusion. La
avec leur production ou leur survie. Les thrombopénies desmopressine (DDVAP : dérivé de vasopressine) est éga-
peuvent être primaires ou secondaires et leurs causes sont lement parfois utilisée pour les patients atteints de throm-
multiples. bopathies afin de diminuer le temps de saignement. Du fait

Anomalies plaquettaires
Syndrome de Bernard Soulier
Leucémie, anémie aplastique,
Maladie de Glanzmann
lymphomes, chimiothérapie
Syndrome de Chediak-Higashi

Anomalies quantitatives Anomalies qualitatives


Thrombocytopénies Thrombocytopathies

Atteinte médullaire Destruction excessive Séquestration


Syndromes
Immune : désordres Hypersplénisme
lympho-réticulaires,
collagénoses,
médicaments,
infections

Non immune :
vasculites,
prothèses valvulaires,

Figure 31.4 Anomalies plaquettaires.

280
Tableau 31.2 Manifestations cliniques des thrombopénies

Numération plaquettaire (10 9 /L) Thrombopénie Manifestations cliniques


100-150 légère Rares

50-100 modérée Peu fréquentes, hémorragie légère non spontanée,

20-50 sévère Pétéchies, ecchymoses, hémorragies importante


possible non spontanée,

<20 critique Risque mortel, hémorragies spontanées sévères,


complications chirurgicales

de sa sécurité et de son faible coût, la desmopressine est


un patient atteint de Willebrand. Une hémorragie post-
une alternative de choix chez tous les bons répondeurs
extractionnelle peut être révélatrice de la maladie, jus-
(Saulnier et al., 1994). En outre, les transfusions répétées que-là asymptomatique.
peuvent d'une part être à l'origine de phénomène d'allo-
immunisation, entraînant un état réfractaire aux transfu-
Dans la mesure où le diagnostic biologique est difficile,
sions, d'autre part un risque non négligeable de transmis-
l'interrogatoire du sujet et de sa famille apparaît fonda-
sion d'infection.
mental dans la suspicion d'un Willebrand. En effet, le dia-
gnostic biologique est difficile en raison des variations du
2.2 - Coagulopathies innées : hémophilies A et B, maladie
vWF en fonction : du groupe sanguin, de l'inflammation, de
de Willebrand
la contraception orale, ou encore de l'effort physique. De
La maladie de Willebrand est une pathologie constitu- plus, le TS et le TCA sont souvent normaux (fig. 31.5).
tionnelle, la plus fréquente de l'hémostase primaire (1 % La maladie de Willebrand peut être classée en type 1, 2
de la population), caractérisée par une anomalie quanti- ou 3 :
tative ou qualitative du facteur Willebrand (vWF). Les - le type 1 est un déficit purement quantitatif, correspon-
manifestations habituelles sont les hémorragies cuta- dant à une diminution de synthèse d'un vWF dont la
néo-muqueuses, les épistaxis, les gingivorragies, les structure est normale ;
ménorragies, les ecchymoses faciales et les saignements
- le type 2 est divisé en 4 variantes : 2A, 2B, 2M, 2N : en
prolongés aux coupures. Le risque hémorragique est
fonction des multimères ;
variable dans le temps et difficilement prédictible chez
- le type 3 correspond à l'absence totale de vWF.

Anesthésie Anesthésie
locale loco-régionale

Hémophilies A et B Hémophilies A Traitement substitutif Hémophilies A


thrombopathies-pénies légères, VWD 1, Hémophilie B Hémophilies A légères, VWD 1 et 2,
modérées et sévères, thrombopathies-pénies légère, patients à formes modérées et sévères, thrombopathies-pénies
VWD type 3 légères légères non répondeurs hémophilie B VWD légères, patients
type 3 et 2, répondeurs
thrombopathies-pénies
Traitement sévères
Desmopressine Rien
substitutif
Desmopressine
Traitement
substitutif

Figure 31.5 Prise en charge des patients atteints de pathologies de l'hémostase.

281
Prévention des urgences : situations à risques
Urgence hémorragique au cabinet dentaire

Il existe également une forme de maladie de Willebrand 2.3 - Coagulopathies acquises médicamenteuses :
acquise, caractérisée par les mêmes symptômes sans anté- anticoagulants, antiagrégants plaquettaires
cédents personnel ni familial. Parmi les antithrombotiques, on distingue les AVK, les
Il existe deux moyens thérapeutiques (fig. 31.5) : la des- héparines et les antiagrégants plaquettaires (Hirsh et al.,
mopressine DDAVP (Minirin®) (Castaman et al., 1996 ; 2001). Ils sont utilisés dans les cas suivants : valves mécani-
Castaman et al., 1997) et les traitements substitutifs par ques cardiaques, fibrillation auriculaire, cardiomyopathie
administration de concentré de vWF purifié ou de facteur obstructive (CMO), insuffisance cardiaque congestive
VIII (Mannucci et al., 2002). (ICC), artériopathie oblitérante des membres inférieurs
(AOMI), certains types d'accidents vasculaires (AVC) et
d'insuffisance coronaire, phlébite et embolie pulmonaire...
Essentiel : ces patients seront pris en charge à l'hôpital pour
les actes de chirurgie buccale. Il est donc nécessaire de faire
2.3.1 Les héparines
un interrogatoire rigoureux de chaque patient à la recher-
che de t o u t e information pouvant faire suspecter un risque a - Généralités sur les héparines
hémorragique, qui nécessitera une exploration de l'hémos-
tase (bilan hématologique). L'héparine est un anticoagulant d'urgence, en pratique
institué en début de traitement pour une durée très
brève, quelques heures, voire quelques jours.
L'hémophilie (tab. 31.3) comprend les anomalies du facteur
VIII (hémophilie A =80%) et IX (hémophilie B =20%).
Ceci est particulièrement exact avec les héparines non frac-
L'hémophilie est une pathologie exclusivement masculine
tionnées (HNF), parfois avec les héparines de bas poids
(gène des facteurs VIII et IX sur chromosome X), dont la
moléculaire (HBPM). Un traitement plus long est prescrit
prévalence est comprise entre 1/10 000 et 1/5 000. Le
chez des patients ne pouvant bénéficier d'un relais rapide
diagnostic biologique met en évidence un allongement
per os par les AVK. L'arrêt ou la diminution d'une HNF a un
important du TCA. Les manifestations cliniques apparais-
effet immédiat sur la coagulation. Les HBPM ont une action
sent habituellement précocement se traduisant par des
anticoagulante de 12 à 24 heures en fonction des produits.
hémarthroses caractéristiques (hémorragies des articula-
tions des chevilles, genoux, coudes...) ou des hématomes. b - Mesure de l'activité anticoagulante
Chez les patients sous HNF, l'activité anticoagulante est éva-
Tableau 31.3 Classification des hémophilies luée par le calcul du temps de céphaline activée (TCA), nor-
Diminution du facteur VIII malement compris entre 1,5 fois et 2,5 fois celui du témoin
Types d'hémophilies ou par le dosage de l'héparinémie dont les zones d'efficacité
ou IX
thérapeutiques sont comprises entre 0,3 et 0,6 U I / m L
Hémophilies mineures 5 à 25 %
Pour un traitement par HBPM à dose curative, les contrôles
Hémophilies modérées 1à 5% ne sont pas systématiques. Lorsqu'il est nécessaire de vérifier
Hémophilies sévères l'effet anticoagulant du traitement, on dose l'activité AntiXa,
<1%
ou majeures dont la zone d'efficacité est entre 0,5 et 1,0 Ul AntiXa/mL

2.3.2 Les antivitamines K (AVK)


Le traitement repose essentiellement sur le traitement a - Généralités sur les AVK
substitutif du patient (produits plasmatiques obtenus par
Les AVK sont généralement administrés rapidement en
purification ou par génie génétique) et parfois par l'utilisa-
relais des héparines. Les patients peuvent être traités
tion de la desmopressine quand le patient est répondeur
durant plusieurs mois ou années en fonction de leur
(hémophilies A légères).
pathologie. Leur durée d'action, en général de plusieurs
jours, varie en fonction des molécules (tab. 31.4).
Note : t o u t patient porteur d'une hémophilie devra être
pris en charge en milieu hospitalier, les formes mineures En pratique libérale, un chirurgien-dentiste sera relative-
pouvant toutefois nécessiter uniquement des mesures ment rarement amené à voir des patients sous héparines.
d'hémostase locale en vue d'une intervention sous anesthé- Les patients seront le plus souvent sous AVK ou sous
sie locale (Piot et al., 2002). antiagrégants plaquettaires.

282
Tableau 31.4 Classification des AVK

Dénomination 1
DCI /2 vie (h) Durée d'action (j) Nb de prise/j
Commerciale
Coumadine Warfarine 40 3-5 1
Sintrom Acénocoumarol 8 2- 3 2
Tromexane Biscoumacétate d'éthyl 2 1- 2 2
Préviscan Fluindione 30 2- 3 1

Face aux patients sous antithrombotiques (à posologie introduit. En effet, ce système intègre un facteur de cor-
correcte) nécessitant une intervention en chirurgie rection appelé International sensivity index (ISI) qui per-
buccale (avulsions simples ou multiples, biopsies, implants met de corriger les différences dues aux variations entre
dentaires), le praticien a deux possibilités : les thromboplastines utilisées, les réactifs et les auto-
- stopper l'antithrombotique ; mates. L'INR correspond à un rapport de TP (TP patient/
-continuer l'antithrombotique. TP normal moyen) ISl .
Il a longtemps été recommandé de stopper les antithrom- -INR normal = 1,0;
botiques, de les diminuer ou de changer de classe théra- - INR moyen des patients sous anticoagulants : entre 2,0
peutique afin de limiter le risque hémorragique. Or, le rap- et 4,0.
port bénéfice/risque est le plus souvent en faveur du L'INR thérapeutique est le plus souvent compris entre 2,0
maintien du traitement antithrombotique (Alexander et 3,0, pouvant atteindre 4,0 dans certains cas (valve méca-
et al., 2002; Beirne, 2005). En effet, l'arrêt de l'anticoagu- nique cardiaque notamment).
lant entraîne un risque thrombotique important pouvant
conduire à un « effet rebond » avec un risque vital pour le 2.3.3 Les antiagrégants plaquettaires
patient. De plus, la modification du traitement antithrom-
botique implique une rééquilibration d'un traitement déjà a - Généralités
difficile à mettre en place. Les antiagrégants sont essentiellement de deux types : les
Par ailleurs, la littérature rapporte qu'il n'y a pas d'hémorragie dérivés salicylés et le clopidogrel (Plavix®). Ces deux thé-
significative chez ces patients après chirurgie orale mineure rapeutiques ont une durée d'action de plusieurs jours
(avulsions simples, complexes, biopsies et poses d'implants (environ 5 jours).
dentaires) (Souto et al., 1996 ; Devani et al., 1998 ; Campbell
b - Mesure de l'activité antiagrégante
et al., 2000 ; Blinder et al., 2001 ; Evans et al., 2002 ; Scully et
Wolff, 2002 ; Vicente Barrero et al., 2002 ; Della Valle et al., Le TS est augmenté chez les patients sous antiagrégants
2003 ; Zanon et al., 2003 ; Ansell, 2004). Ainsi, plusieurs étu- plaquettaires. La prescription de cet examen en bilan pré-
des montrent qu'avec un INR dans la fenêtre thérapeutique opératoire apporte donc peu d'intérêt en pratique cou-
(entre 2 et 3 le plus souvent), il n'y a pas de risque hémorra- rante.
gique accru (Blinder et al., 2001 ; Evans et al., 2002 ; Gaudy
et al., 2005). Concernant les antiagrégants plaquettaires, leur 2.4 - Coagulopathies des pathologies systémiques
maintien est recommandé par la Société francophone de Le risque hémorragique concerne non seulement les
médecine buccale et chirurgie buccale (2005). pathologies de l'hémostase mais aussi des affections systé-
miques dont le potentiel hémorragique apparaît moins évi-
En revanche, les études sont unanimes sur la nécessité dent. Le chirurgien-dentiste devra donc être vigilant et ne
d'un contrôle approprié de l'hémostase locale (Carter et pas hésiter à demander un avis médical au moindre doute.
Goss, 2003 ; Zanon et al., 2003 ; Allard et al., 2004). Un avis médical est indispensable dans les cas suivants :
- présence de coagulopathies multiples ;
b - Mesure de l'activité anticoagulante - urémie importante sans dialyse ;
Pour les AVK, l'activité anticoagulante est évaluée par la - avant greffe hépatique ;
mesure du taux de prothrombine (TP). Afin de standardiser -alcoolisme ;
cette mesure, l'International normalized ratio (INR) a été - chimiothérapie et anémie aplasique.

283
Prévention des urgences : situations à risques
Urgence hémorragique au cabinet dentaire

Tableau 31.5 Principales étiologies des coagulopathies systémiques

Affection Causes Conséquences sur l'hémostase

Atteinte rénale Diabète, glomérulonéphrite, Inhibition de l'adhésion et de l'agrégation


pyélonéphrite, hypertension plaquettaire

Atteinte hépatique Alcool, hépatites B et C, cancer Déficience en facteurs II, VII, IX et X

Atteinte médullaire Alcool, leucémie, médicaments Anémie, réduction du nombre


myélosuppresseurs, urémie élevée de plaquettes

Les principales affections, leurs causes et leurs consé-


-tamponner à l'aide d'une compresse stérile afin de
quences sur l'hémostase sont récapitulées dans le tableau localiser de façon précise l'origine du saignement
ci-dessus (tab. 31.5). (d'une façon générale, un site est responsable de
l'hémorragie) ;
- réaliser une anesthésie locale avec vasoconstricteur 1/
100 000 afin de diminuer l'hémorragie ;
II - Que faire - protocole d'hémostase locale (voir encadré 30.1) ;
- si l'hémorragie cesse : ordonnance, conseils postopéra-
face à une hémorragie buccale ? toires;
Plusieurs situations sont à envisager : - si l'hémorragie persiste : adresser à un service de méde-
cine d'urgence ;
- le patient consulte en urgence pour une hémorragie
- recherche d'un éventuel trouble de l'hémostase avec
buccale postchirurgicale : tenter d'arrêter l'hémorragie,
prescription d'un bilan si aucune pathologie n'est
rechercher un éventuel trouble de l'hémostase (bilan encore diagnostiquée.
d'hémostase) et adresser à un hématologue ;
- le patient présente un désordre identifié : adresser direc-
tement à une structure hospitalière en relation avec 2 - Prévenir le risque hémorragique
l'hématologue ;
La chirurgie buccale chez des patients atteints de désordres
- le patient présente des symptômes de risque hémorra-
hématologiques ou sous traitement antithrombotique est
gique e t / o u rapporte des antécédents d'hémorragies :
associée à un risque hémorragique important. Ces interven-
chirurgie buccale à différer, exploration de l'hémostase
tions nécessitent une approche multidisciplinaire et la mise
(NFS, TS et TCA dans un premier temps) et consultation
en place d'un protocole précis exposé ci-après.
en hématologie. Selon le diagnostic et la sévérité du
trouble, l'intervention sera réalisée sous anesthésie
locale ou générale, en milieu hospitalier, avec un traite- 2.1 - Observation clinique
ment adapté et avec un protocole précis. Si le patient est
2.1.1 Interrogatoire (ANDEM, 1992)
sous traitement antithrombique, le patient devra être
et dépistage des patients à risque
contrôlé par son cardiologue et présenter un INR du jour
dans l'index thérapeutique.
Le questionnaire médical est un élément indispensable
dans l'observation clinique du patient permettant entre
autres de dépister des troubles de l'hémostase :
1 - Prise en charge - antécédents médicaux ;
d'une hémorragie au cabinet dentaire - antécédents chirurgicaux (hémorragies après interven-
tion chirurgicale d'ordre général ou dentaire) ;
La conduite à tenir a été détaillée au chapitre 30. Elle -allergies médicamenteuses ;
consiste à : -traitements en cours : anticoagulants (héparine et anti-
-aspirer le caillot formé à l'aide d'une canule chirurgi- vitamine K), antiagrégants plaquettaires ;
cale; -épisodes hémorragiques antérieurs (fréquence, nature,
- réévaluer l'importance, la localisation et la nature du durée, localisation), métrorragies abondantes, épis-
saignement ; taxis.

284
2.1.2 Examen clinique exobuccal et endobuccal lipides plaquettaires (céphaline), de calcium et d'un activa-
L'examen clinique recherchera la présence de lésions à teur standardisant l'activation des facteurs contacts.
caractère hémorragique : Le TCA explore la voie intrinsèque de la coagulation : le
- ecchymoses ; fibrinogène, les facteurs II, V, VIII, IX, X et XI, la prékalli-
- pétéchies ; créine, le kininogène de haut poids moléculaire (tous les
- hématomes ; facteurs, sauf le VII).
- hémorragies spontanées (surtout au niveau sulculaire). Le plasma étudié est testé en même temps qu'un plasma
il recherchera également la présence d'adénopathies mul- témoin normal : le temps du plasma étudié ne doit pas
tiples cervico-faciales qui peuvent être un des indicateurs dépasser de plus de 8 à 10 secondes le plasma normal. Ce
d'un désordre hématologique (leucémie par exemple). qui correspond à une norme d'environ 25 à 35 secondes.
Si l'interrogatoire ou l'examen clinique met en évidence un
élément de suspicion de trouble de l'hémostase, un bilan b - L'International normalized ratio (INR) et TP
sera prescrit et le patient orienté vers un hématologue L'INR explore la voie extrinsèque de la coagulation : les
avant d'entreprendre une intervention chirurgicale. facteurs II, V, VII, X et le fibrinogène.
Ce test mesure le temps de coagulation à 37 °C du mélange
2.2 - Examens complémentaires
plasma citraté pauvre en plaquettes associé à du calcium
Important ! Ces examens seront destinés à mettre en évi- et de thromboplastine.
dence un trouble de la coagulation e t / o u de l'hémostase Exprimé en secondes, on parle de temps de Quick (TQ), il
primaire (Besse et Lacotte, 2004). Ils devront être obligatoi- est normalement de 12 secondes environ.
rement réalisés chez tous les patients en vue d'une inter- Le même résultat exprimé (taux de prothrombine, TP) en
vention chirurgicale, lorsqu'il y a suspicion de troubles de
pourcentage par rapport au TQ d'un plasma témoin nor-
l'hémostase primaire e t / o u de la coagulation évoqués par
l'interrogatoire médical e t / o u par l'examen clinique. mal est de 100 %. On le considère pathologique en
L'ensemble de ces examens s'appelle un hémogramme. On dessous de 70 %.
distingue les examens de laboratoire suivants. Afin de standardiser cette mesure, l'International norma-
lized ratio (INR) a été introduit. En effet, ce système intè-
2.2.1 Exploration de l'hémostase primaire gre un facteur de correction appelé International sensivity
index (ISI) qui permet de corriger les différences dues aux
a - Le temps de saignement (TS)
variations entre les thromboplastines utilisées, les réactifs
Le TS correspond au délai écoulé entre l'établissement et les automates.
d'une petite coupure cutanée et l'arrêt du saignement. On - L'INR représente un rapport de TP : (TP patient/TP nor-
le réalise à l'aide d'un dispositif standardisé par incision à mal moyen) lSl ;
la face antérieure de l'avant-bras, sous une pression de -INR normal = 1,0.
4 cmHg au tensiomètre, avec mise en route immédiate du
chronomètre. Le sang est recueilli à l'aide de buvards.
Le TS est reconnu pathologique quand l'hémorragie se
prolonge au-delà de 10 minutes.
III - Prise en charge d'un patient
b - La numération plaquettaire
avec risque hémorragique mineur
Le taux de plaquettes est compris normalement entre au cabinet dentaire
150 et 450 x 1 0 9 / L
On parle de thrombocytose ou thrombocytémie au-
delà de 450 x 10 9 /L et de thrombopénie en deçà de 1 - Limite de la prise en charge des patients
150 x 1 0 9 / L à risque au cabinet dentaire
2.2.2 Exploration de la coagulation Important ! La plupart des patients atteints de pathologies
de l'hémostase seront orientés vers un service hospitalier
a - Le temps de céphaline activé (TCA) pour la prise en charge des actes de chirurgie buccale
notamment sous anesthésie locorégionale, nécessitant une
C'est le temps de coagulation d'un plasma pauvre en plaquet-
approche spécifique et rigoureuse.
tes et décalcifié, après apport d'un équivalent des phospho-

285
Prévention des urgences : situations à risques
Urgence hémorragique au cabinet dentaire

Seuls les patients à risque hémorragique mineur pourront


chez les patients sous anticoagulants. Au-delà, il peut
être pris en charge au cabinet dentaire. Les patients pré- potentialiser l'effet des AVK par inhibition de leur
sentant une anomalie de l'hémostase liée à un traitement métabolisme. L'aspirine et les AINS peuvent interférer
médicamenteux pourront être pris en charge au cabinet avec la fonction plaquettaire et augmenter le risque
dentaire. d'ulcère gastroduodénal. Leur utilisation doit donc être
Pour les patients présentant un trouble de l'hémostase, la évitée ;
chirurgie buccale nécessitera une approche rigoureuse et -antifibrinolytique : Exacyl® 1 g/10 mL en ampoules sur
des protocoles parfois difficiles à appliquer au cabinet compresses, à comprimer 2 minutes toutes les heures
dentaire. La stratégie à mettre en œuvre pour ces patients le premier jour, toutes les 2 heures le deuxième jour et
toutes les 3 heures le troisième jour (Carter et Goss.
porte essentiellement (Société francophone de médecine
2003;Franchon et a/., 2005);
buccale et de chirurgie buccale) sur :
-bains de bouche: chlorhexidine 0.12% à utiliser
- le contrôle local de l'hémostase ; 24 heures après l'intervention chirurgicale, 3 fois par
- l'antifibrinolyse du caillot. jour après le brossage pendant 8 jours.
Surveillance et suivi des patients : surveillance d'une
2 - Approche per-chirurgicale demi-heure à quelques heures en fonction de l'acte opé-
ratoire et de l'hémorragie postopératoire. Il sera, en
- Bains de bouche à la chlorhexidine. outre, remis au patient les coordonnées du praticien ou
- Anesthésie avec vasoconstricteur (épinéphrine 1/100 000), du service afin de gérer le plus rapidement le saignement
éviter les blocs à l'épine de Spix (risque d'hématome excessif ou prolongé. Si le patient ne peut pas consulter
asphyxiant). rapidement son praticien, il devra être orienté vers un
-Syndesmotomie rigoureuse, avulsion soigneuse. service d'urgence.
- Mesures locales d'hémostase :
- rinçage de l'alvéole à l'acide tranexamique ;
- application de gélatine ou de collagène dans l'alvéole ;
- sutures points serrés si possible avec fil de suture résor-
IV - Produits pharmaceutiques
bable 3-0 rapide ; utilisés
- compression avec compresse imbibée d'acide tranexa-
mique 1 g/10 mL pendant 10 minutes (en ampoules).
1 - Mesures locales non spécifiques
Produits à utiliser en association à la compression et à la
3 - Approche postchirurgicale
réalisation de sutures (Halfpenny et al., 2001) :
Conseils postopératoires classiques : ne pas fumer, ali- -collagène (Pangen 2®) : collagène d'origine bovine
mentation tiède ou froide, manger de préférence du hémostatique, se présente sous forme de compresse sté-
côté controlatéral au site opéré pendant au moins rile et résorbable. Il permet la formation du clou plaquet-
48 heures. taire puis active la coagulation par l'intermédiaire du fac-
Prescription générale : teur XII, entraînant la libération de thromboplastine. De
-antibiotique (si nécessaire) : selon certaines études, un plus, il accélère la cicatrisation en permettant la prolifé-
traitement de 5 à 10 jours par amoxicilline ou Clinda- ration de fibroblastes sur la trame formée et la protec-
mycine suivant la chirurgie peut altérer la flore bacté-
tion du caillot. Toutefois, il est peu actif en cas de throm-
rienne intestinale et augmenter l'INR par diminution de
bocytopénie sévère ;
la concentration en vitamine K. Cependant, une dose
flash prescrite en prophylaxie de l'endocardite infec- - gélatine (Curapson®) : produit de dégradation du collagène
tieuse n'a pas montré cliniquement d'interaction avec ayant une action mécanique (pas d'activité pharmacologi-
les anticoagulants. La métronidazole interfère avec la que sur l'hémostase) par contact sanguin réalisant un bou-
Warfarine et potentialise son effet. Il doit être évité chon gélatineux en une minute environ. Elle favorise égale-
dès que possible ; ment la cicatrisation. La gélatine peut être laissée in situ,
-antalgique pour traiter les douleurs postopératoires : elle se résorbe intégralement en quelques semaines ;
le paracétamol (± dextropropoxyphène ou ± codéine)
- cellulose oxydée régénérée (Surgicel®) : se présente sous
est l'antalgique de choix. Il devra être utilisé à la poso-
forme de gaze permettant la formation d'hématine qui
logie de 1 g x 3/jour sur une courte durée (< 7 jours)
arrête le saignement par action mécanique. Le pH acide

286
entraîne une coagulation des protéines et inhibe la pro- ment de choix de la maladie de Willebrand et des
lifération bactérienne mais augmente aussi le risque de hémophilies A modérées. Elle permet le relargage de
nécrose osseuse. Il convient donc d'éviter son utilisation facteur VIII et de facteur de Willebrand, déficients dans
directe dans l'alvéole ; ces pathologies. Son utilisation dans les désordres pla-
- acide tranexamique (Exacyl®) : antifibrinolytique par fixa- quettaires est intéressante toutefois certains syndro-
tion réversible sur le résidu lysine du plasminogène. Son mes, comme les maladies de Glanzmann, de Bernard et
action ne permet pas d'arrêter le saignement mais de Soulier ne répondent pas au traitement. La desmopres-
protéger le caillot des agents fibrinolytiques de la salive. sine ne pourra s'utiliser qu'après avoir vérifié que le
Par conséquent, son utilisation sera complémentaire à un patient est répondeur (2 semaines avant la chirurgie). La
composé permettant l'hémostase. Il existe sous plusieurs desmopressine présente trois avantages : son coût
formes : ampoules (compresses à imprégner ou bains de (30 fois moins cher que les facteurs de la coagulation),
bouche) et comprimés ; pas de risque de transmission virale ou de nouveaux
- colles biologiques (Beriplast®, Tissucol®) : sealant de fibrine pathogènes, et elle évite d'entraîner des immunisations
imprégné de procoagulants dérivés de plasma humain (pro- contre les concentrés de facteurs de coagulation ou
blèmes de transmission possible), associés à de l'aprotinine plaquettaires.
bovine. Elles permettent de reproduire la dernière phase de - Concentrés de facteurs de la coagulation ou de vWF :
la coagulation et inhibent la fibrinolyse. Se présentent sous administré dans tous les cas où le patient n'est pas répon-
forme de seringue à conserver à +2 °C/+8 °C, pendant 2 ans deur à la desmopressine, dans les maladies de Willebrand
maximum. La polymérisation est totale en 2 heures mais à de type 3 et les hémophilies A et B sévères. Les concen-
70 % en 10 minutes environ. Le contact avec l'iode, l'alcool, trés permettent d'augmenter les taux de facteurs de 30 à
ou les métaux lourds est à éviter. 75 % pour quelques heures (demi-vie variant de 12 à
24 heures) en les injectant 30 minutes à 1 heure avant
l'intervention. Pour les formes d'hémophilies résistantes
2 - Thérapeutiques spécifiques
aux concentrés de facteurs de la coagulation : concen-
de remplacement : trés de complexe de prothrombine, ou concentré de fac-
nécessité de prise en charge hospitalière teur VII recombinant.
- Desmopressine (Minirin ® DDAVP) : hormone synthéti- -Transfusion de plaquettes: en cas de thrombopathies
que analogue de la vasopressine, antidiurétique, traite- sévères (agranulocytose, thrombopénies sévères...).

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288
Urgences odontologiques et risque
d'endocardite infectieuse
Babacar TOURÉ, Tajedine KABBAJ

I - Introduction Tableau 32.1 Cardiopathies à risque d'endocardite infectieuse

Groupe A : Cardiopathies à haut risque


Certains patients qui consultent en urgence en odonto-
logie peuvent être porteurs de cardiopathies à risque • Prothèses valvulaires (mécaniques, homogreffes ou bioprothèses)
infectieux. L'endocardite infectieuse est une maladie • Cardicpathies congénitales cyanogènes non opérées
relativement rare (1 500 cas/an en France) d'après les • et dérivations chirurgicales (pulmonaire-systémique)
dernières études transversales, mais grave dont la mor- • Antécédents d'endocardite infectieuse
talité dans la phase aiguë se situe entre 15 à 25 % malgré
Groupe B : Cardiopathies à risque moins élevé
les progrès thérapeutiques.
• Valvulopathies : IA, IM, RA*,
• PVM* avec IM e t / o u épaississement valvulaire
Les streptocoques sont les agents infectieux le plus sou- • Bicuspidie aortique
vent responsables, à la suite d'une bactériémie. La prise en • Cardiopathies congénitales non-cyanogènes sauf CIA*
charge est onéreuse en raison de la durée des hospitalisa- • Cardiomyopathie hypertrophique obstructive (avec souffle à
tions et du recours fréquent à la chirurgie cardiovasculaire. l'auscultation)
* IA : insuffisance aortique ; IM : insuffisance mitrale ; RA : rétrécissement aortique ; PVM :
prolapsus de la valve mitrale : CIA : communication interauriculaire (cardiopathie non à risque).
Essentiel : l'odontologie a un rôle fondamental à jouer dans
la prévention de cette maladie, eu égard à la fréquence des
infections buccales. La prise en charge des patients, y compris
dans le cadre des urgences, doit se faire selon un protocole En dehors de ces deux groupes existent des situations car-
rigoureux, en suivant les recommandations de la dernière diaques dites groupes à risque faible, car elles ne présentent
conférence de consensus de la prophylaxie de l'endocardite pas d'augmentation d'incidence par rapport à la population
infectieuse (2002). Aux États-Unis, de nouvelles recomman-
générale.
dations corrigeant celles de 1997 ont eu lieu en 2007 ; elles
reprennent à quelques différences près les recommandations Ces situations sont entre autres :
de la conférence de consensus française (AHA, 2007). - les communications interauriculaires type ostium secun-
dum ou sinus venosus ;
- les antécédents de plus de 6 mois de réparation chirurgi-
cale des communications interventriculaires et des com-
Il - Cardiopathies à risque infectieux
munications interauriculaires sans shunt résiduel ;
- les antécédents de plus de 6 mois de fermeture percuta-
Deux groupes de patients à risque sont clairement
définis : née des communications interauriculaires ou des fora-
- le groupe A, qui comprend les patients à haut risque mens ovales sans shunt résiduel ;
(incidences de mortalité et morbidité élevées) ; - les antécédents de plus de 6 mois de fermeture chirurgi-
- le groupe B qui comprend les patients à risque moins cale ou percutanée de canal artériel sans shunt résiduel ;
élevé d'endocardite infectieuse. -les antécédents de plus de 6 mois de plastie valvulaire
mitrale chirurgicale en l'absence de fuite résiduelle (y
Le tableau 1 indique les différentes pathologies regrou- compris avec anneau prothétique) ;
pées dans ces deux groupes (tab. 32.1). - les antécédents de pontages coronariens ;

289
Prévention des urgences : situations à risques
Urgences odontologiques et risque d'endocardite infectieuse

- les angioplasties coronaires avec ou sans mise en place


- mise en place des bagues.
d'endoprothèse ; - soins prothétiques sanglants.
-les cardiomyopathies dilatées sans insuffisance mitrale
significative ;
- le rétrécissement mitral pur ; 1 - Actes bucco-dentaires à risque,
- la régurgitation valvulaire minime détectée uniquement contre-indiqués (cardiopathies groupe A et B)
en échographie doppler ;
- le prolapsus valvulaire mitral sans régurgitation et sans Parmi les actes à risque sus-cités certains sont formelle-
épaississement valvulaire anormal ; ment contre-indiqués chez les patients du groupe A et
- les souffles valvulaires fonctionnels ; B, il s'agit de :
- les antécédents de maladie de Kawasaki sans dysfonction -anesthésie locale intraligamentaire ;
valvulaire ; - traitements endodontiques de dents à pulpe non vitale ;
- reprise de traitement endodontique ;
- les antécédents de rhumatisme articulaire aigu sans dys-
- amputation radiculaire ;
fonction valvulaire ;
-transplantation : réimplantation ;
- les antécédents de transplantation cardiaque (en l'absence
- chirurgie périapicale ;
d'anomalie valvulaire). - chirurgie parodontale ;
-chirurgie implantaire ;
III - Actes bucco-dentaires à risque - mise en place de matériaux de comblement ;
- chirurgie préorthodontique.
Selon la conférence de consensus de la prophylaxie de
l'endocardite infectieuse (2002), un acte bucco-dentaire à
risque est un geste avec un risque de saignement important. 2 - Actes bucco-dentaires non à risque
Les actes suivants sont identifiés comme étant des Ce sont les actes sans risque de saignement important. Ils
actes à risque : regroupent :
- anesthésie locale intraligamentaire ; - les actes de prévention :
- soins endodontiques : -application de fluor ;
- mise en place de la digue ; -scellement de sillons.
- dent à pulpe vitale ;
- les soins conservateurs (restauration coronaire) ;
- dent à pulpe non vitale ;
- les soins prothétiques non sanglants :
- reprise de traitement endodontique ;
- chirurgie endodontique. - prise d'empreinte ;
- actes chirurgicaux : - pose d'appareils amovibles.
- avulsions dentaires (dent saine, alvéolectomie, sépa- - l'ablation postopératoire de fils de suture ;
ration des racines, dent incluse ou enclavée, germec- - la pose ou l'ajustement d'appareils orthodontiques ;
tomie); - la prise de radiographie dentaire ;
-freinectomie ; - l'anesthésie locale non intraligamentaire.
-biopsie;
-chirurgie osseuse ;
-amputation radiculaire ;
IV - Conduite à tenir
- transplantation/réimplantation ;
- chirurgie endodontique périapicale ; chez les patients à risque
- chirurgie implantaire ;
- mise en place de matériaux de comblement.
- actes parodontaux :
1 - Mesures d'hygiène
- détartrage avec et sans surfaçage ;
- sondage parodontal ; Important ! Pour les patients à risque infectieux, les mesu-
- chirurgie parodontale. res d'hygiène sont prioritaires et visent à réduire le risque
- orthopédie dento-faciale : de survenue de bactériémie impliquant des bactéries à t r o -
-chirurgie préorthodontique des dents incluses ou pisme cardiaque. Elles comportent la prévention et la lutte
enclavées; contre tous les foyers infectieux.

290
Chez les patients du groupe A et du groupe B, l'utilisation - geste technique difficile (durée prolongée de l'acte).
d'antiseptiques locaux à base de chlorhexidine sous forme - souhait du patient après information.
de bain de bouche 30 secondes avant l'acte est recom- Pour les autres cardiopathies, l'antibioprophylaxie n'est
mandée. pas recommandée.
Si les soins nécessitent plusieurs séances, ils doivent être
si possible espacés d'au moins 10 jours si le praticien a
Essentiel : quel que soit le choix retenu il d o i t s'accompa-
recours à une antibioprophylaxie. gner d'une information préalable du patient et de son
adhésion à la stratégie proposée. Tout ceci d o i t figurer
sur un carnet de suivi propre à chaque patient et en sa
2 - Indications de l'antibioprophylaxie possession.
- Chez les patients du groupe A : l'utilisation de l'antibio-
prophylaxie est recommandée pour tous les actes indi-
qués et à risque. Pour les gestes non à risque l'antibiopro-
phylaxie n'est pas recommandée.
3 - Modalités de l'antibioprophylaxie
-Chez les patients du groupe B : l'antibioprophylaxie est
optionnelle, le choix de sa réalisation est laissé à l'appré- Essentiel : l'antibioprophylaxie, lorsqu'elle est indiquée,
ciation du praticien en tenant compte de l'acte et de doit être débutée dans l'heure précédant le geste selon les
l'état général du patient. modalités définies ci-après (tab. 32.2 et 32.3).

Les facteurs suivants peuvent orienter le choix :


-terrain : Cependant, dans la situation d'un geste n'ayant pas justifié
- âge > 65 ans ; une antibioprophylaxie, si des difficultés font craindre la
- insuffisance cardiaque, rénale, respiratoire, hépatique ; survenue d'un risque infectieux, il peut être indiqué de
-diabète ; débuter une antibioprophylaxie dès que possible dans
- immunodépression acquise, constitutionnelle ou théra- l'heure qui suit le geste.
peutique. Chez les adultes sans allergie aux lactamines, la dose de 3 g
- état bucco-dentaire : hygiène bucco-dentaire défectueuse; 1 heure avant l'intervention est recommandée, elle peut
- gestes : être modulée à 2 g dans certaines situations : intolérance
- saignement important (intensité, durée) ; préalable à la dose à 3 g ou poids < 60 kg.

Tableau 32.2 Antibioprophylaxie de l'endocardite infectieuse lors de soins dentaires : soins ambulatoires

Posologie et voie d'administration


Produit
Prise Unique dans l'heure précédant le geste
Pas d'allergie aux β-lactamines Amoxicilline 3 g per os*

Allergie aux β-lactamines Pristinamycine 1 g per os


ou
Clindamycine 600 mg per os
* 2 g per os si poids du sujet < 60 kg ou intolérance préalable.
Posologies pédiatriques per os : amoxicilline 75 mg/kg ; clindamycine 15 mg/kg ; pristinamycine : 25 mg/kg.

Tableau 32.3 Antibioprophylaxie de l'endocardite infectieuse lors de soins dentaires sous anesthésie générale

Posologie et voie d'administration Après


Produit
Avant (dans l'heure précédant le geste) (6 h plus tard)
Pas d'allergie aux β-lactamines Amoxicilline 2 g IV (perfusion 30 mn) 1 g per os

Allergie aux β-lactamines Vancomycine ou teicoplanine 1 g IV (perfusion ℗ 60 min) pas de 2e dose


400 mg IV (directe)
Posologies pédiatriques : amoxicilline 50 mg/kg IV avant, 25 mg/kg per os 6 h plus tard ; vancomycine 20 mg/kg (maximum 1 g) ; teicoplanine ; pas d'AMM chez l'enfant en antibioprophylaxie,
IV : intraveineux.
Administration des antibiotiques dans le respect des contre-indications et des conditions habituelles d'utilisation et de surveillance.

291
Prévention des urgences : situations à risques
Urgences odontologiques et risque d'endocardite infectieuse

V - Actes bucco-dentaires d'urgence Exceptionnellement chez les patients du groupe B, les trai-
tements endodontiques peuvent être entrepris à trois
conditions:
1 - Urgence inflammatoire ou traumatique - s'ils sont réalisés sous champ opératoire étanche (digue) ;
- si la totalité de l'endodonte est aisément accessible ;
Les dents atteintes de pulpopathies, de parodontopa- - s'ils sont réalisés en une seule séance.
thies ou de traumatismes doivent être extraites chez les Si ces trois conditions ne sont pas remplies, l'extraction
patients à risque du groupe A et B. est recommandée.
Selon la conférence de consensus, chez les patients du
groupe A, les traitements endodontiques sont excep-
tionnels et ne sont envisageables qu'au niveau des dents 2 - Urgence infectieuse
monoradiculées à pulpe vitale (pulpite), y compris la Une antibiothérapie curative est indiquée, l'antibiopro-
première prémolaire si les deux canaux sont accessibles. phylaxie n'est pas adaptée.
Ils ne peuvent être réalisés qu'après vérification de la
vitalité de la dent par les tests adéquats, sous digue, en
une seule séance, en étant sûr que la totalité de la
lumière canalaire est accessible.

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292
Diabète
Fani ANAGNOSTOU

I - Introduction I l - D i a b è t e sucré: aspects systémiques

Le diabète sucré désigne un groupe de troubles méta- 1 - Classification/physiopathologie


boliques complexes caractérisés par un état d'hypergly-
cémie chronique, à l'origine de complications graves, en
Le diabète sucré désigne un groupe de maladies méta-
particulier microvasculaires spécifiques e t / o u macro-
boliques hétérogènes dont la caractéristique commune
vasculaires.
est une hyperglycémie résultant de défauts de la sécré-
tion e t / o u de l'action de l'insuline (ADA, Expert comity,
Au niveau de la cavité buccale, infections sévères e t / o u 2003).
récurrentes et troubles salivaires ou neurosensoriels sont
des manifestations du diabète, en particulier non équilibré La physiopathologie du diabète détermine la classifica-
(Manfredi et al., 2004). tion, actuellement reconnue, en quatre types (type 1, 2,
diabète gestationnel et autres types), (ADA, 2006).

Essentiel : le rôle de l'odontologiste dans le diagnostic et le


1.1 - Diabète de type 1
traitement de ces complications est crucial. Il contribue
d'une part au dépistage et d'autre part à l'amélioration de
la prise en charge globale du patient diabétique. Le diabète de type 1 résulte de la destruction auto-
immune des cellules bêta de Langerhans qui entraîne
une insuffisance en insuline.
D'après des données récentes, un meilleur contrôle glycé-
mique est obtenu après le traitement des infections paro-
Il est d'origine immunitaire ou idiopathique. Il s'agit d'une
dontales (Taylor, 2001 ; Faria-Almeida et al., 2006).
maladie auto-immune qui apparaît sous l'influence de fac-
Le diabète est un problème majeur de santé publique.
teurs environnementaux non définis sur un terrain doté
Actuellement, la prévalence du diabète, estimée à 3 %
d'une prédisposition génétique polygénique et hétérogène
tous âges confondus, s'élève à 8 % dans la tranche d'âge
(Gillespie, 2006). Cette affection a des caractéristiques bien
des sujets de 65 ans et va probablement augmenter sous
précises. Elle présente des signes cliniques souvent intenses
l'effet combiné de l'allongement de l'espérance de vie et (polyurie, polydipsie, amaigrissement) et elle survient de
de l'adoption généralisée du mode de vie occidental préférence dans l'enfance, l'adolescence ou chez le jeune
(Ricordeau et al., 2000 ; ANAES, 2003). La prise en charge adulte. D'après différentes études réalisées en France, on
de ces patients en soins odontologiques étant accrue, le estime que le nombre de diabétiques de type 1 est de l'ordre
praticien sera impliqué dans la prévention e t / o u la réduc- de 150 000 en 2003 (Passa, 2005).
tion du risque infectieux ainsi que dans la gestion des ris-
ques liés aux complications chroniques de cette maladie
1.2 - Diabète type 2
(Rees, 1994 ; 2000).

C'est une maladie chronique et évolutive. Il s'agit d'une


Il peut être en particulier confronté lors les soins aux affection multifactorielle à plusieurs tableaux cliniques
complications métaboliques aiguës du diabète, l'hypo- et étiopathologiques qui peut toucher à la fois la sécré-
glycémie étant la plus fréquente. tion et l'action de l'insuline.

293
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

C'est une affection polygénique dont les deux facteurs étio- Ces symptômes indicateurs sont les plus caractéristi-
pathogéniques principaux sont une insulino-résistance et ques du diabète de type 1 mais ils se trouvent aussi à dif-
une diminution de la sécrétion de l'insuline, associées à des férents degrés dans le cas de diabète de type 2. Nausées
degrés divers (Foster, 1998). C'est le type de diabète de loin et vomissements peuvent survenir lors de diabète de
le plus fréquent (90 % de cas), (Ricordeau et al., 2000). type 1 non contrôlé et ils sont associés avec une cétoa-
Le nombre des diabétiques connus et traités en 2003, en cidose croissante. Nervosité, irritabilité, et apathie sont
France, était de l'ordre de 2 400 000 (Passa, 2005). Asymp- possibles. Ces signes et symptômes peuvent être réver-
tomatique, il est souvent diagnostiqué après une évolu- sibles quand le diagnostic est précoce et la thérapie effi-
tion estimée en moyenne à 7 ans. Cette maladie survient cace.
en général après la cinquantaine. L'hérédité, l'avancement
en âge, la prise de poids et la sédentarité font partie des 2.1 - Diagnostic
facteurs de risque qui prédisposent à ce type de diabète. Les critères de diagnostic du diabète sucré sont fondés sur
Même si la susceptibilité génétique dans l'étiopathogénie des examens de laboratoire faits à partir du sang veineux.
est indéniable, l'apparition de cette maladie nécessite la Le diagnostic du diabète repose sur :
combinaison des différents facteurs environnementaux -une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g / L
dont certains enclenchent le processus auto-immun et (7 mmol/L) vérifiée à deux reprises ;
d'autres activent son expression clinique. ou
- une glycémie aléatoire (à n'importe quel moment dans la
1.3 - Le diabète gestationnel journée) supérieure ou égale à 2 g / L (11,1 mmol/L) avec la
Il est caractérisé par une intolérance au glucose, et il se présence des symptômes cliniques classiques du diabète
manifeste pour la première fois au cours de la grossesse. (polyurie, polydipsie, polydipsie, amaigrissement inexpli-
qué et asthénie) ;
1.4 - Les autres types particuliers du diabète ou
Ils concernent plusieurs affections peu courantes. Certai- - une glycémie supérieure ou égale à 2 g / L (11,1 mmol./L)
nes impliquent des défauts génétiques de la fonction des 2 heures après ingestion de 75 g de glucose (test d'hyper-
cellules bêta ou de l'action de l'insuline, d'autres sont glycémie provoquée par voie orale ou test de l'intolé-
associées à d'autres maladies (des affections du pancréas rance de glucose), (ANAES, 2006) (tab. 33.1).
et des endocrinopathies) ou à la prise de médicaments Avant d'atteindre le seuil défini pour le diagnostic de dia-
(ADA, Expert comity, 2006). bète des valeurs de la glycémie à jeun de 1,10 à 1,25 g / L et
celles d'hyperglycémie provoquée par voie orale de 1,40 à
1,99 qui sont supérieures à celles considérées comme nor-
2 - Manifestations cliniques males représentent des étapes intermédiaires entre
l'homéostasie de glucose et le diabète sucré. Ces anoma-
Les symptômes cliniques du diabète sucré sont : le lies de la glycorégulation ont été identifiées comme des
«syndrome cardinal» (polyurie, polydipsie, polypha- facteurs de risque de diabète et des facteurs associés aux
gie), un prurit (peau, vagin, rectum), un amaigrissement maladies cardiovasculaires.
inexpliqué et l'asthénie.

Tableau 33.1 Critères de diagnostic du diabète sucré

Diagnostic
Test Normal Altération du métabolisme de glucose Diabète sucré

Glycémie à jeun < 1,10 g / L 1,10-1,25 g / L > 126 g / L

Glycémie aléatoire 1
< 1,10 g / L 1,10-1,25 g / L > 2,00 g / L 2

Test de l'intolérance de glucose 3 < 1,40 g / L 1,40-1,99 g / L > 2,00 g / L


1, Glycémie à n'importe quel moment de la journée.
2. Associé à la présence des symptômes cliniques classiques du diabète.
3.2 h après l'ingestion de 75 g de glucose.

294
60 % des patients, ont une rétinopathie dont 10 à 20 %
3 - Complications chroniques du diabète
sous une forme proliférante (Raccah, 2004). Les personnes
L'hyperglycémie chronique liée au diabète est associée à diabétiques sont aussi davantage susceptibles de dévelop-
d'importantes séquelles à long terme. La macro et la per des cataractes.
microangiopathie sont les deux complications chroniques
du diabète, aussi bien du type 1, que du type 2. Les anoma- 3.2 - Néphropathie diabétique
lies prolongées de la glycorégulation engendrent des
lésions et des anomalies de divers organes, en particulier La néphropathie diabétique est la principale cause
le coeur et les vaisseaux sanguins, les reins, les yeux et les d'insuffisance rénale dans les pays développés.
nerfs. Les complications sont liées à la fois à la durée du
diabète, au contrôle glycémique et à la présence d'autres La prévalence de la néphropathie est de l'ordre de 30 %
facteurs de risque cardiovasculaire qui apparaissent en dans le cas de diabète de type 1 alors qu'elle est évaluée à
moyenne 15 à 20 ans après la survenue du diabète. 15-20 % dans le cas du diabète de type 2, et ceci 35 ans
L'étiologie des complications n'est pas élucidée. Elle est après l'apparition de la maladie.
probablement multifactorielle. Si le diabète n'est qu'un fac- L'incidence dépend de l'âge du sujet au moment de la sur-
teur de risque de la macroangiopathie, au même titre que venue du diabète. La néphropathie diabétique évolue de
l'hypertension artérielle, l'hyperlipidémie ou le tabagisme, la maladie subclinique, au premier stade cliniquement
la microangiopathie semble spécifique de l'hyperglycémie, décelable (caractérisée par une microalbuminurie entre 30
et elle est responsable des complications dites «dégénéra- et 300 mg/jour), à une néphropathie patente (caractérisée
tives» du diabète (Raccah, 2004). Les microangiopathies par une macroalbuminurie supérieure à 300 mg/jour),
correspondent à l'atteinte des artérioles et des capillaires et (Mathiesen et al., 1995 ; Warram et al., 1996). Le dysfonc-
se caractérisent par un épaississement de la membrane tionnement rénal est typiquement dépisté au stade de la
basale. L'hyperglycémie chronique est à l'origine des ano- macroalbuminurie et peut évoluer vers l'insuffisance
malies métaboliques et vasculaires qui engendrent des rénale terminale (De Fronzo, 1995).
microangiopathies. Plusieurs mécanismes étiopathogéni-
ques sont évoqués pour expliquer la toxicité de glucose 3.3 - Neuropathie diabétique
incluant une accélération de la voie des polyols, une aug-
mentation de la glycation des protéines, une augmentation Les neuropathies sont hétérogènes et présentent des
de la voie oxydative, une activation de la protéine kinase C, manifestations cliniques diverses. Les plus fréquentes
des anomalies du métabolisme des acides gras essentiels et sont la polynévrite sensitivomotrice et neuropathie
une inflammation (Soro-Paavonen et Forbes, 2006). autonome (Boulton et al., 2004).
Ces processus via leurs effets sur le métabolisme cellu-
laire, transduction du message et production des facteurs La prévalence d'une polynévrite sensitivomotrice, 20 ans
de croissance, sont impliqués dans le développement des après l'apparition du diabète de type 1 ou de type 2 a été
microangiopathies. Les facteurs génétiques impliqués évaluée à 50 %. La neuropathie est rare, au cours des 5 pre-
(polymorphisme du gène de l'enzyme de conversion de mières années, chez les personnes atteintes de diabète de
l'angiotensine, polymorphisme du gène de la Na/K type 1, mais les personnes atteintes de diabète de type 2
ATPase) pourraient expliquer la prédisposition ou la pro- peuvent en présenter les signes précocement (Partanen
tection de certains patients vis-à-vis de ces complications et al., 2002). La mononévrite, surtout le syndrome du canal
(Raccah, 2004). carpien, est courante chez les personnes diabétiques (Per-
kins et al., 2002). Dans la physiopathologie interviennent
d'autres facteurs que l'hyperglycémie, notamment des
3.1 - Rétinopathie diabétique
facteurs nutritionnels et génétiques.
La rétinopathie est, dans les pays développés, la cause
principale de cécité chez l'adulte (Fong et al., 2004). 3.4 - Angiopathies

L'ensemble des manifestations vasculaires est regroupé


L'incidence est plus élevée dans le cas de diabète de type
sous le terme d'angiopathie diabétique. Chez les diabé-
1. Quinze ans après l'apparition de la maladie, presque
tiques, une macroangiopathie non spécifique est pré-
100 % de patients ont une rétinopathie, dont 60 % sous
sente en relation avec l'athérosclérose.
une forme proliférante. Dans le cas de diabète de type 2,

295
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

Les principales atteintes cardiovasculaires observées chez ailleurs, l'odontologiste doit contribuer à optimiser l'état nutri-
le diabétique sont : une coronaropathie, une hypertension tionnel, les mesures diététiques faisant partie du traitement du
artérielle, une altération de la fonction ventriculaire et des diabète. Des infections, la xérostomie, des prothèses iatrogè-
manifestations liées à l'atteinte de l'innervation autonome nes et des parodontites sévères interfèrent avec l'apport et
du coeur. Souvent silencieuses, elles doivent faire l'objet donc l'équilibre nutritionnel. Des soins dentaires et une bonne
d'une recherche systématique. Les taux de glycémie sont hygiène buccale permettent un état nutritionnel suffisant et
corrélés avec le risque cardiovasculaire. optimisent le contrôle de la glycémie (Stanley, 1998).
Des études contrôlées démontrent qu'un contrôle rigou-
reux de la glycémie peut réduire la fréquence des compli- 4.1 - Surveillance et contrôle de la glycémie
cations à long terme du diabète sucré. L'autosurveillance de la glycémie est un élément impor-
tant dans la prise en charge quotidienne de diabète et
pour tous les diabétiques traités par l'insuline ou par des
4 - Traitement du diabète antihyperglycémiants oraux. L'autosurveillance permet le
contrôle de la glycémie, et à long terme des complications
Le diabète est une maladie incurable. L'objectif théra-
peutique consiste à contrôler la glycémie, éliminer les du diabète (Jones et al., 2000). La fréquence de test varie
manifestations cliniques, et prévenir les complications en fonction du type de diabète, du traitement prescrit et
aiguës et chroniques du diabète. du besoin des renseignements dans certains cas.
-Pour les diabétiques de type 1, la mise sous l'insuline Le suivi médical du contrôle glycémique est assuré par le
est d'emblée nécessaire. dosage d'hémoglobine glyquée (HbA1c). Il reflète la glycémie
- Pour les diabétiques de type 2, le premier traitement pendant la demi-vie des érythrocytes et il est une mesure de
consiste en une amélioration de l'équilibre nutritionnel la régulation du métabolisme du glucose à long terme (6 à
associé à un exercice physique. Lorsque les mesures ne 12 semaines), mais il ne permet pas de poser le diagnostic du
sont pas suffisantes, une thérapie avec des agents hypo-
diabète (ADA, Expert comity, 2006). Les distributions des
glycémiants se met en place ; en premier une monothé-
concentrations d'hémoglobine ont des caractéristiques simi-
rapie (metformine, sulfamide) est indiquée, et si le
contrôle de la glycémie n'est pas atteint, une bithérapie, laires à celles obtenues à partir de la glycémie à jeun et de la
puis une trithérapie sont indiquées (ANAES, 2006). Dans glycémie après une ingestion d'une charge à glucose (Rohlfing
le temps, le patient devient souvent insulino-requerrant et al., 2002). Le dosage de HbA1c s'effectue tous les 3-4 mois.
du fait d'une insulinopénie et une insulinorésistance Les valeurs normales sont inférieures à 6,0 % (tab. 33.2). Les
importante. Ainsi, l'insulinothérapie est instaurée. taux d'HbA1c supérieurs à 7,0 % sont associés à une hausse
significative du risque de complications tant microvasculaires
Les agents anti hyperglycémiants incluent les sécrétagogues que macrovasculaires (Stratton et al., 2000). Le taux d'hémo-
de l'insuline (sulfonylurées, natéglinide) les biguanines dimi- globine supérieur à 9,0 % reflète un diabète peu contrôlé et
nuant la production hépatique du glucose, les inhibiteurs de indique le besoin d'un suivi rigoureux du patient (Ship, 2003).
l'alpha-glucosidase (interférant avec l'absorption du glu-
cose) et les insulinosensibilisants (thiazolidinediones). Les Les dentistes doivent prendre en considération et enregis-
préparations de l'insuline varient en fonction de leur durée trer les résultats des tests de glucose effectués par le patient
d'action, du délai d'action et de l'activité maximale. Des lui-même et ceux effectués en laboratoire y compris le
(HbA1c) avant les soins dentaires chez le patient diabétique.
analogues à action rapide (10 minutes à 1 heure), semi-lente
(quatre à six heures), à action prolongée (douze heures) et à
très longue durée d'action (vingt-quatre à trente-six heures) Tableau 33.2 HBA1c : interprétation et recommandations
sont disponibles. La perfusion sous-cutanée (pompe) libé-
HBA1c % Interprétation
rant de l'insuline en continu est une autre forme d'insulino-
thérapie efficace chez certains patients. <6 Valeur normale

<7 Objectif du traitement : régime, exercice


Important ! La familiarisation des odontologistes avec les physique e t / o u médication pour contrôler la
médications utilisées et nécessaire. glycémie et maintenir

>8 L'intervention du médecin est recommandée


Pour obtenir des listes réactualisées et des schémas thérapeu- pour améliorer le contrôle de la glycémie
tiques plus détaillés, voir le document de l'ANAES (2006). Par D'après Mealey et Oates, 2006.

296
III - Prise en charge du patient Tableau 33.3 Complications et manifestations buccales du diabète

diabétique en odontologie • Troubles salivaires


-hypertrophie des parotides
La prise en charge du patient diabétique en soins odon- - xérostomie
tologiques vise à : • Incidence élevée des caries
- diagnostiquer et traiter les complications buccales du
• Parodontopathies
diabète;
- incidence des formes sévères de la maladie parodontale
-prévenir et réduire les risques liés aux complications
métaboliques aiguës lors des soins dentaires ; • Affections de la muqueuse buccale
-prévenir et réduire le risque infectieux du patient - lichen plan, stomatite aphteuse
atteint du diabète lors des soins dentaires. - Infections opportunistes fongiques

• Affections neurosensorielles

1 - Complications et manifestations
buccales du diabète ment le risque carieux. Dans le cas d'une glycémie contrôlée,
l'incidence des caries diminue, probablement à la suite de la
La xérostomie, l'hypertrophie des parotides, la candidose,
réduction des sucres de l'alimentation, du métabolisme effi-
les caries, les parodontopathies, (tab. 33.3), sont parmi les
cace, de la compliance du patient aux instructions à l'hygiène
complications buccales du diabète les plus fréquentes
buccale et à l'application d'un contrôle professionnel.
(Manfredi et al., 2004). L'âge, la durée de la maladie et le
degré du contrôle de la glycémie influent plus que le type
1.3 - Parodontopathies
de diabète. En général, ces manifestations sont plus sévè-
L'incidence des gingivites et des parodontites est élevée
res et surviennent précocement, dans le cas de diabète
chez les patients atteints d'un diabète non ou peu
non ou peu contrôlé.
contrôlé (Taylor 1998 ; Grossi, 2001). Chez les patients dia-
bétiques de type 1, les gingivites et les formes sévères de
1.1 - Troubles salivaires
la maladie parodontale sont plus fréquentes et les édentés
La xérostomie peut être considérée comme le second sont significativement plus nombreux (Tsai et al., 2002).
facteur étiologique des complications buccales du dia- L'incidence des parodontites augmente avec l'âge chez les
bète (Moore et al., 2001). diabétiques après la puberté. Les patients diabétiques de
type 2 ont significativement plus de gingivites, de tartre,
En cas de diabète non contrôlé, le flux salivaire diminue, de poches parodontales et des pertes d'attache que les
et l'examen par scintigraphie révèle une sécrétion non diabétiques (AAP, Position paper, 2000). Plusieurs
défaillante (Kao et al., 2001). L'étiologie n'est pas connue. mécanismes ont été proposés pour expliquer la suscepti-
L'hypertrophie des parotides observée est probablement bilité élevée à la maladie parodontale : altération de la
due à des altérations de la membrane basale des pores de réponse de l'hôte (avec une dysfonction des neutrophiles)
ces glandes (Murrah et al., 1985). De plus, des patients dia- (McMullen et al., 1981 ; Salvi et al., 1997), du métabolisme
bétiques peuvent être traités par des médicaments qui du collagène, de la vascularisation. Le diabète non
provoquent une sécheresse buccale. La xérostomie pré- contrôlé est considéré comme un facteur de risque de la
dispose à une accumulation de la plaque dentaire et maladie parodontale (Mealey et Oates, 2006).
contribue ainsi à une incidence élevée des caries et des La relation diabète/maladie parodontale, en particulier
parodontopathies. dans le cas du diabète non contrôlé, est bidirectionnelle
bien que les mécanismes impliqués ne soient pas élucidés
1.2 - Caries (Mealey et Oates, 2006). La bactériémie induite par les paro-
Chez les patients atteints d'un diabète peu ou pas contrôlé, dontites augmente l'hyperlipidémie et les cytokines séri-
une incidence élevée des caries est rapportée, mais cette ques pro-inflammatoires. Elle peut aussi engendrer une
association n'est pas clairement établie (Harisson et Bowen, insulinorésistance. Chez des patients diabétiques, le traite-
1987; Twetman et al., 2002). Néanmoins, ces patients sont ment des parodontites sévères apporte un effet bénéfique
susceptibles de développer des troubles neurosensoriels, sur le contrôle de la glycémie avec une réduction impor-
salivaires et parodontaux qui peuvent augmenter secondaire- tante des valeurs HbA1c (Taylor et al., 2001).

297
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

2.1.1 Étiologie
Bien que d'autres études soient nécessaires pour établir
L'hypoglycémie chez les patients diabétiques traités peut
ce lien, le traitement des infections parodontales sem-
ble être primordial pour une prise en charge globale du survenir en cas d'un repas glucidique omis e t / o u insuffi-
patient diabétique. sant, après un effort physique sans baisse de la dose de
l'insuline au préalable, à cause d'un stress, d'une overdose
1.4 - Affections de la muqueuse buccale d'insuline ou d'agents hypoglycémiants ou d'autres médi-
Le diabète est associé à une susceptibilité élevée au cations (Cryer et al., 2003).
développement de certaines affections de la muqueuse
buccale comme le lichen plan, la stomatite aphteuse 2.1.2 Facteurs de risque
(Guggenheimer et al., 2000a). L'étiologie n'est pas encore Les principaux facteurs de risque pour une hypoglycémie
établie. L'immuno suppression secondaire à la maladie a qui doivent attirer l'attention, sont : un épisode antérieur
été évoquée pour les patients atteints de diabète type 1 d'hypoglycémie grave, un taux faible d'HbA1c (< 6,0 %), une
et les altérations à la réponse immunitaire secondaires à non-perception de l'hypoglycémie, un diabète de longue
l'hyperglycémie pour les patients atteints de diabète de date ou une présence de neuropathie autonome (Begg
type 2 (Ship, 2003). et al., 2003).
Une autre manifestation de l'immuno suppression chez le Les patients adolescents ainsi que les enfants en âge
diabétique non contrôlé est la présence d'infections oppor- préscolaire, qui sont incapables de déceler e t / o u de
tunistes fongiques, Candida albicans. (Guggenheimer et al., traiter seuls une hypoglycémie légère, requièrent aussi
2000b ; Hill et al., 1989). Ces infections d'origine fongiques une attention particulière. Néanmoins, dans le cas où le
peuvent être favorisées par la xérostomie, mais elles doi- risque d'hypoglycémie grave est très élevé, il faut en
vent être considérées comme un signe d'alerte du diabète informer le patient et le conseiller de prévenir son den-
non contrôlé (Levin, 2003). tiste.

1.5 - Affections neurosensorielles 2.1.3 Sémiologie


Les patients diabétiques se plaignent souvent de brûlures au
niveau de la bouche, de la langue e t / o u des altérations du L'hypoglycémie se caractérise par l'apparition :
goût. Il a été rapporté que chez 30 % des patients diabéti- - d e symptômes neurogènes comme une sensation de
ques la perception du goût est diminuée ce qui peut entraî- faim, une pâleur, des nausées, des sueurs, une tachy-
ner d'ailleurs une hyperphagie et une obésité (Stolbova et al., cardie, une anxiété, des tremblements, des picote-
1999). La xérostomie contribue à la manifestation de ces ments;
symptômes qui peuvent être dus aussi à une neuropathie et
périphérique. Ces complications peuvent interférer avec - de symptômes neuroglycopéniques comme la fatigue,
l'utilisation efficace du matériel d'hygiène (Vernillo, 2003). la somnolence, la faiblesse, les trouble de concentra-
tion et d'élocution, les étourdissements, l'état confu-
sionnel;
2 - Complications métaboliques aiguës et et/ou
urgences chez le patient diabétique - des symptômes comme la faim, les picotements ou
altérations de la vue (tab. 33.4).
2.1 - Hypoglycémie et choc insulinique
En fonction des manifestations cliniques, l'hypoglycé-
Ce sont les urgences les plus fréquentes en cabinet den- mie peut être légère, modérée ou grave. Quand elle est
taire. légère (présence de symptômes neurogènes) ou modé-
rée (présence de symptômes neurogènes et neurogly-
L'hypoglycémie est définie par une baisse de la glycémie copéniques), la personne est en mesure de se traiter
en dessous de 0,6 g / L (3,6 mmol/L) et le « choc elle-même (ACD en ligne). En l'absence de traitement,
insulinique » par une baisse de la glycémie pour une cer- une hypoglycémie grave (choc insulinique) survient,
taine durée au-dessous de 0,2 g/L. C'est l'urgence la plus avec hypothermie, hypotension, perte de conscience,
fréquente chez le diabétique qu'il soit insulino-traité ou le coma sera plus tardif, d'apparition brutale, agité ou
traité par des agents hypoglycémiants. calme et profond.

298
Tableau 33.4 Symptômes d'hypoglycémie

Symptômes
Neurogènes (autonomes) Neuroglycopéniques Autres

Tremblements Troubles de la concentration Faim


Palpitations Confusion Picotements
Transpiration Somnolence Faiblesse
Anxiété Troubles de l'élocution Altérations de la vue
Nausées Maux de tête
Étourdissements
Fatigue

2.1.4 Traitement préventif 2.1.5 Traitement curatif

La stratégie globale de prise en charge de l'hypoglycémie


Pour réduire le risque d'hypoglycémie, les patients
est schématisée par l'arbre décisionnel de la (fig. 33.1).
traités par insuline ou un antihyperglycemiant oral
La mesure de la glycémie est nécessaire pour la pose de
doivent mesurer leur glycémie avec leur glycomètre,
diagnostic. Elle doit être systématique devant t o u t trouble
avant les soins dentaires. L'ingestion d'une petite
quantité de glucides avant le traitement est suggérée de la conscience.

aux personnes d o n t la glycémie est de l'ordre de 0,70


à0,80g/L. Essentiel : l'hypoglycémie légère n'est souvent pas ressentie,
elle évolue rapidement et exige une intervention immédiate.

Diagnostic d'hypoglycémie (glycémie < 0,65 g/L)

Hypoglycémie légère Hypoglycémie grave


ou modérée

Patient conscient Patient inconscient

Ingestion
> 15 g de glucides Ingestion
> 15 g de glucides Service d'urgence
Établir accès veineux (IV)

Mesurer la glycémie
après 15 min Accès veineux possible : Accès veineux
Administrer 50 ml impossible :
d'une solution Administration
Glycémie Glycémie 0,65 g/L de dextrose 50 % 1 mg glucagon IM
normale Ingestion > 15 g
de glucides
Mesurer la glycémie Mesurer la glycémie
après 15 min après 15 min
Mesurer la glycémie
après 15 min
Glycémie < 0,65 g/L : Glycémie < 0,65 g / L :
Re-administration Réessayer d'établir
Glycémie Glycémie < 65 g/L
dextrose IV accès veineux pour
normale Établir accès IV
administration
Service urgence
glucose IV
Administration
1 mg glucagon IM

Figure 33.1 Traitement d'hypoglycémie : arbre de décision.

299
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

Chez un patient conscient, l'hypoglycémie est traitée par tées présentent des signes de déshydratation intracellulaire,
l'ingestion de 15 g de glucides : préparations de 15 g de glu- une dyspnée, et une alcalose respiratoire avec une halitose
cose sous forme de solution hypertonique à 30 % ou de caractéristique due à l'élimination d'acétone et des troubles
saccharose (3 sachets de sucre dissous dans l'eau). La quan- de conscience. Il s'ensuit une hypotension et une perte de
tité de glucose nécessaire pour produire une hausse de la conscience. Le coma est associé à une glycémie de 3 à 6 g/L.
glycémie d'environ 0,35 g / L 2 peut être aussi obtenue par Sur l'ensemble des acidocétoses, 10 % des patients sont dans
15 mL de miel ou 175 mL de jus d'orange. Le patient doit le coma et 20 % ont une conscience strictement normale,
d'attendre 15 minutes, avant de mesurer sa glycémie de avec tous les degrés intermédiaires.
nouveau et il devra reprendre 15 g de glucides si sa glycé-
mie reste inférieure à 0,65 g/L. 2.2.2 Étiologie/pathogenèse
La pathogenèse de ces complications implique une carence
Une hypoglycémie grave chez un patient inconscient de l'insuline circulante totale couplée à l'élévation des hor-
est traitée par l'administration de dextrose intraveineux mones de la contre régulation (glucagon, catécholamines,
(10-20 mL d'une solution de dextrose à 50 %) ou d'1 mg cortisone, l'hormone de croissance). Ces altérations hormo-
de glucagon par voie intramusculaire ou sous-cutanée nales entraînent l'augmentation de la production de la gly-
en cas d'accès veineux impossible et le système cose hépatique et rénale et la non-utilisation par les tissus
d'urgence est activé.
périphériques du glucose circulant. Ceci résulte à une hyper-
glycémie, à des changements d'osmolarité dans l'espace
Après 15 minutes, la glycémie sera mesurée de nouveau, et extracellulaire, à la libération des acides gras libres dont l'oxy-
si elle reste inférieure à 0,65 g/L, une réadministration de dation hépatique abouti à la formation de corps cétoniques
dextrose est nécessaire. Le glucagon stimule la glycogéno- (Kitabchi et al., 2001). L'infection est le facteur déclenchant le
lyse et la gluconéogenèse, mais son effet est transitoire et plus courant des acidocétoses ; mais n'importe quel stress
la réponse dépend du glycogène hépatique. Au retour de physique (intervention chirurgicale, affection médicale aiguë
la conscience, obtenue après un traitement immédiat, il en particulier accident cardio ou cérébrovasculaire) ou psy-
faut préciser la cause de l'hypoglycémie. Dès le diagnostic, chique (deuil, échec scolaire, perte d'emploi) peut déclencher
le médecin référent est averti et la conduite à tenir dépen- ces situations (Verny, 1997 ; Kitabchi et al., 2001).
dra du contexte. En cas de réponse défavorable au traite-
ment, il faut activer le système des urgences et transférer 2.2.3 Traitement préventif
le patient en milieu hospitalier spécialisé.
Dans l'optique de la prévention des récidives d'acidocé-
tose, c'est l'éducation des diabétiques et de leur entou-
2.2 - Acidocétose diabétique et hyperglycémie rage qui s'impose.
hyperosmolaire
2.2.1 Sémiologie En cas de situations à risque, en particulier une infection
L'acidocétose et l'hyperglycémie hyperosmolaire sont des (grippe, angine...), une extraction dentaire ou autre stress
complications aiguës sévères du diabète. L'hyperglycémie physique, il faut apprendre au patient à multiplier ses
pouvant évoluer à un coma hyperosmolaire est une situa- contrôles en insistant sur le fait que contrairement à ce
tion d'urgence peu fréquente en cabinet dentaire. Il s'agit qu'il pense, ce n'est pas l'hypoglycémie qu'il faut craindre,
de circonstances révélatrices fréquentes du diabète de mais une insuffisance d'insuline (Verny, 1997).
type 1 et dans certains cas de type 2. La cétose est le stade Un contrôle de glycémie s'impose. S'il existe une glycosu-
initial de cette complication aiguë du diabète, et évolue le rie et une cétonurie importantes (plus de deux croix), une
plus souvent vers l'acidocétose d'abord modérée puis injection sous-cutanée d'insuline rapide (de 5 à 10 unités
sévère (Grimaldi, 1993). en fonction de l'importance de la cétonurie) est indispen-
Les signes de déséquilibre glycémique peuvent exister depuis sable. Si malgré trois ou quatre injections d'insuline rapide,
plusieurs jours ou semaines mais il n'y a pas de signes cliniques la cétonurie ne disparaît pas, il faut contacter le médecin
spécifiques de cétose. L'acidocétose au contraire a des signes référent ou hospitaliser le patient. L'événement déclen-
cliniques évidents. À la phase initiale, les manifestations qui chant pouvant être iatrogène, la première règle élémen-
doivent attirer l'attention sont: la soif, la polyurie, les dou- taire est de ne jamais interrompre l'insulinothérapie chez
leurs abdominales, l'asthénie, les vomissements et une hyper- un patient dont on ne sait s'il est insulino-dépendant ou
pnée débutante. À un stade plus avancé, les personnes affec- simplement insulino-traité.

300
2.2.4 Traitement curatif
tions aiguës du diabète et ainsi que la fréquence et le type
des infections (tab. 33.5). D'autres renseignements au sujet
Si le patient est inconscient, il faut assurer la ventilation, du contrôle de la glycémie (autosurveillance, type de trai-
le mettre sous perfusion, faire un contrôle de glycémie, tement, date et résultats de la dernière visite chez le
activer le système des urgences et l'hospitaliser. Le trai- médecin, taux d'HbA1c) sont également nécessaires à la
tement comporte quatre grands axes : prise de décisions thérapeutiques.
- la réanimation hydro électrolytique ;
- l'insulinothérapie ;
- le traitement de la cause déclenchante ; L'attitude à adopter sera différente en fonction de la sévé-
- les soins non spécifiques du coma s'il y en a un. L'insu- rité et le degré du contrôle de la glycémie et les patients
linothérapie aura lieu après son transfert à l'hôpital. peuvent être classés ainsi en :
- patients atteints d'un diabète contrôlé ;
- patients atteints d'un diabète non contrôlé.
2.2.5 Diagnostic différentiel
Le médecin référent doit être consulté en cas d'incerti-
Lorsque le diabète est connu, le diagnostic différentiel de
tude et de diabète non contrôlé. Pour certains patients
l'hyperglycémie doit se faire avec une hypoglycémie grave
atteints de diabète de type 1, qui ont été traités longtemps
qui est la circonstance la plus fréquente en cabinet den-
taire. La mesure de la glycémie est systématique devant avec de l'insuline et qui présentent des crises d'hypergly-
tout trouble de la conscience et devrait l'être dans toute cémie et d'hypoglycémie, malgré un suivi médical (brittle
situation clinique anormale. En cabinet dentaire le diabetes), la consultation préalable du médecin référent
contrôle de la glycémie qui peut s'effectuer à l'aide d'un avant tous soins dentaires est impérative (Little et al.,
glucomètre, permet le diagnostic. Si le matériel n'est pas 2002). Un interrogatoire médical approfondi associé à un
disponible, l'urgence et la priorité diagnostique sont à examen clinique permet d'évaluer l'état des patients dia-
l'hypoglycémie : une ingestion de glucides ou une injec- bétiques diagnostiqués mais aussi de dépister des patients
tion de sérum glucosé hypertonique doivent être systé- diabétiques non diagnostiqués en présence des marqueurs
matiques au moindre doute. Si c'est une hypoglycémie, de risque du diabète.
l'effet bénéfique est immédiat, sinon l'hyperglycémie ne
3.1 - Patient diabétique diagnostiqué
sera pas aggravée de façon dramatique par cette adminis-
tration de glucose (Rees, 1994). 3.1.1 Soins dentaires d'urgence

Essentiel: chez le patient diabétique, les soins dentaires


3 - Conduite à tenir lors de soins dentaires d'urgence visent à contrôler t o u t e infection dentaire ou
chez le patient diabétique buccale aiguë.

La conduite à tenir lors de soins dentaires dépend plu- Une telle infection présente un problème de gestion qui
t ô t du contrôle de la glycémie que du type de diabète. devient plus difficile pour les patients atteints de diabète
Il y a des patients atteints d'un diabète de type 1 ou de non contrôlé ou traité avec une forte dose d'insuline. Ces
type 2 dont la glycémie est contrôlée et des patients
patients sont des patients à risque infectieux local ou
atteints de diabète de type 1 ou de type 2 dont la gly-
général à partir du foyer infectieux initial. De plus, chez les
cémie n'est pas contrôlée. L'âge, la durée de la maladie
et le degré du contrôle de la glycémie sont des paramè- diabétiques, l'infection provoque souvent un dérèglement
tres à prendre en considération dans la conduite à tenir de la glycémie et le risque d'hyperglycémie augmente
lors de soins dentaires chez le diabétique. (Verny, 1997 ; Kitabchi et al., 2001 ; Position paper).
L'évaluation globale du statut médical du patient diabéti-
que avant les soins dentaires est requise. Il est d'une En cas d'urgence, chez ces patients l'approche théra-
importance primordiale d'évaluer le plus précisément peutique repose sur le traitement dentaire ou parodon-
possible l'état du patient, en recherchant aussi les patho- tal associé à une antibiothérapie adaptée. La nécessité
logies associées dues aux complications du diabète... Chez du traitement antibiotique est variable et dépend du
le patient diabétique l'interrogatoire médical vise à éva- contrôle de la glycémie mais le choix d'antibiotique, du
luer le type, la durée, la sévérité du diabète, la présence dosage et de la voie d'administration est similaire à celui
des complications chroniques, la survenue des complica- administré aux patients non diabétiques.

301
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

Tableau 33.5 Éléments clés de questionnaire médical chez le diabétique

• Apparition et évolution de l'hyperglycémie


• Évaluation du contrôle métabolique et des facteurs de risque (glycémie à jeun ; HbA1c)
• Évaluation de ce que le patient comprend au sujet du diabète et de sa prise en charge
• Type, dose, fidélité au traitement et ajustements selon les donnés de la surveillance
• Traitement à l'insuline : type, dose, ce que le patient comprend au sujet des ajustements selon l'alimentation et l'activité physique,
mode d'administration (stylo injecteur ou dispositif du genre, seringue, pompe), sites d'injection
• Hypoglycémie : perception, symptômes, fréquence, moment d'apparition, gravité, facteurs déclenchants, traitement et prévention
• Symptômes de complications chroniques du diabète (p. ex. troubles ophtalmologiques, rénaux, cardio-vasculaires, neurologiques ou
cutanés)

3.1.2 Une antibiothérapie curative associée


L'attitude vis-à-vis de ces patients diffère seulement en cas
aux soins d'urgence
d'une infection dentaire ou buccale aiguë (Rhodus et al.,
Elle est recommandée dans les cas suivants : abcès 2005). Pour des patients qui présentent des complications
périapical aigu, nécrose pulpaire, traumatisme alvéolo- médicales sévères e t / o u sont insulino-traités, des modifi-
dentaire compliqué d'effraction muqueuse ou osseuse, cations du plan de traitement peuvent s'avérer nécessaires.
abcès parodontal ou gingivite e t / o u parodontite ulcé- Dans ce cas, les soins se limitent aux soins d'urgence avant
ronécrotique, péricoronarites, cellulites (circonscrite la communication avec le médecin traitant.
ou diffuse, aiguë ou chronique), dans les différents
types des ostéites ou alvéolites, stomatites bacté- 3.2.1 Les soins dentaires conservateurs
riennes e t / o u infections des glandes salivaires (ANAES, En cas d'un diabète contrôlé, les soins dentaires conserva-
2001), teurs (dentisterie restauratrice, endodontie prothèse) se
Pour les patients atteints d'un diabète « brittle », un anti- déroulent de façon similaire. De même, le traitement paro-
biogramme est recommandé. On peut administrer de dontal complet y compris chirurgical n'est pas contre-
l'ampicilline, qui en cas d'une faible réponse clinique, peut indiqué. Toutefois, les séances doivent être courtes, les
être remplacée par l'antibiotique de choix d'après l'anti- soins atraumatiques et non stressants (tab. 33.6). Le rendez-
biogramme (Rhodus et al., 2005). vous du matin est préférable (Rothstein, 2001). Le taux des
La communication avec le médecin référant doit être corticoïdes endogènes étant élevé, les interventions stres-
établie pour optimiser le contrôle de la glycémie. Par santes sont mieux tolérées. La réalisation d'une anesthésie
ailleurs, dans les cas d'infections sévères telles que des avec une vasoconstriction appropriée est conseillée pour
parodontites chroniques ou agressives susceptibles assurer une anesthésie profonde. Des quantités d'épi-
d'augmenter la résistance à l'insuline, il est important de néphrine excessives doivent être évitées afin de prévenir
se mettre en rapport avec le médecin référent, car ces l'augmentation de la glycémie. Néanmoins ceci peut être
infections contribuent à l'aggravation du contrôle de la obtenu en n'utilisant pas plus de 1/100 000 d'épinéphrine
glycémie (Mealey et Oates, 2006). L'hospitalisation peut ou son équivalent. On doit prodiguer des conseils à tous les
être indiquée en cas d'infection en particulier pour les patients qui prennent déjà de l'insuline ou des médicaments
patients qui présentent un diabète difficile à contrôler antihyperglycémiants, de continuer à auto-évaluer la glycé-
mie durant les soins dentaires et prévenir le dentiste des
e t / o u traité avec des doses fortes d'insuline (Rhodus
symptômes d'une hypo ou d'une hyperglycémie.
et al., 2005).
Le repas doit être normal avant le RDV pour diminuer le ris-
que d'hypoglycémie. Il faut vérifier que le patient a eu son
3.2 - Patients atteints d'un diabète contrôlé : attitude à traitement habituel. Ceci n'est pas facile, il faut savoir insis-
adopter suivant le type de soins ter et répéter les explications, s'assurer de la bonne applica-
tion et la mise en pratique de ces conseils par les patients.
Les patients atteints de diabète contrôlé, pris en charge,
L'administration d'antibiotiques chez les diabétiques dont
reçoivent un traitement médical, ils sont sans complica-
la glycémie est contrôlée n'est pas nécessaire pour des
tions chroniques (rénales, rétinopathies, cardiovasculaires)
soins dentaires de routine.
et peuvent recevoir tout traitement dentaire.

302
Tableau 33.6 Prise en charge du patient diabétique en odontologie.

Soins en o d o n t o l o g i e Diabète

Soins conservateurs Contrôlé Non contrôlé


Restauratrice Séances courtes
Prothèse Réduction du stress, anesthésie profonde, rendez-vous le matin
Traitement canalaire
Repas normal Antibiothérapie prophylactique, lors certains gestes
Traitement parodontal Traitement habituel Des modifications du régime alimentaire e t / o u du
Non chirurgical Questionner sur le taux de la glycémie traitement peuvent s'avérer nécessaires

Chirurgie mineure Rendez-vous le matin


Extractions Gestes atraumatiques
Chirurgie parodontale Réduction du stress, anesthésie profonde, paramédication
Chirurgie implantaire
Antibiothérapie prophylactique Antibiothérapie prophylactique
Chirurgie endodontique
Évaluation de la glycémie Contrôle de la glycémie
Si chirurgie extensive : contrôle de la glycémie ; Selon médecin réfèrent : régime alimentaire e t / o u
régime alimentaire e t / o u traitement modifié selon traitement modifié(s)
médecin référent

3.2.2 Chirurgie mineure ou de gravité moyenne glycémie/saignement/infection peuvent être pris en


charge dans de meilleures conditions. Des glucocorticoï-
Remarque : dans la majorité des cas, l'intervention chirurgi- des habituellement prescrits pour réduire l'œdème post-
cale (extractions multiples, chirurgie parodontale, chirurgie chirurgical sont à éviter afin de prévenir une élévation de
implantaire) peut être réalisée en ambulatoire au cabinet la glycémie (Rees, 1994) L'antibioprophylaxie lors de la chi-
dentaire. rurgie est à considérer au cas par cas car il n'y a pas de don-
nées sur la nécessité de leur administration (Rees, 2000).
Le praticien doit connaître le degré du contrôle de la gly- En cas de besoin d'anesthésie générale, si nécessaire,
cémie et s'assurer que le patient a eu son traitement habi- orienter le patient dans une structure de soins spécialisés.
tuel. Au moment d'une chirurgie même mineure, le stress
aboutit généralement à une hyperglycémie aiguë qui a un Concernant la chirurgie implantaire chez les patients
effet défavorable sur la fonction immunitaire et la cicatri- diabétiques, l'indication reste controversée. La conduite
sation de la plaie. Il est conseillé, de maintenir d'une gly- à tenir et les critères à prendre en considération (type de
cémie péri-opératoire de 0,9 g / L à 2 g / L En cas d'inter- diabète, âge du patient, indices du contrôle de la glycé-
mie) ne sont pas définis. Néanmoins, un bon contrôle de
vention parodontale ou buccale complexe, une évaluation
la glycémie est recommandé pour obtenir l'ostéo-inté-
de la glycémie aléatoire (glycomètre) juste avant la chirur-
gration (Smith et al., 1992).
gie est indiquée (Rees, 1994).
Néanmoins, dans certains cas d'interventions chirurgicales
extensives et stressantes, en accord avec le médecin trai- Chez les patients atteints d'un diabète contrôlé, le taux de
tant, le régime et le traitement du patient doivent être survie des implants est comparable à celui observé dans la
modifiés (tab. 33.6). Après avoir consulté le médecin réfé- population générale (World Workshop in Periodontics,
rant pour prévenir le risque d'une hypoglycémie, les 1996). La chirurgie implantaire est indiquée seulement chez
patients traités par des hypoglycémiants diminuent la les patients avec un taux d'hémoglobine glyquée inférieur
dose et les patients insulinotraités modifient le dosage et à 7 m g / m L (Blancheart, 1998). Un contrôle de la glycémie
le temps d'injection d'insuline. avant la chirurgie (glucomètre), une antibiothérapie pro-
Si les patients ne peuvent pas assurer l'alimentation nor- phylactique par voie orale et des bains de bouche à la
male après l'intervention, ces modifications peuvent être chloréxidine per et postopératoire sont recommandés
prolongées. De plus, le médecin traitant recommande (tab. 33.7). Le suivi doit être strict et les séances de
l'intervention dans un milieu hospitalier où les risques de contrôle rapprochées (Beikler and Flemming, 2003).

303
Prévention des urgences : situations à risques
Diabète

Tableau 33.7 Implants chez les patients atteints de diabète. pératoire. En effet, le risque infectieux chez les diabétiques
après la chirurgie est corrélé aux valeurs de la glycémie pos-
• Contrôle métabolique et évaluation (glycémie à jeun ; HbAc1)
topératoire. Si la glycémie à jeun est de 2,06 g / L le risque
• Optimisation du contrôle métabolique avant implantation
(HbA1c < 7 mg %) est minime, de 2,06 m g / d L à 2,29 g / L le risque augmente à
• Antibioprophylaxie 20 % et pour des valeurs supérieures à 2,30 g / L le risque est
• Bains de bouche à la chlorhexidine de 80 % (Golden et al., 1999).
• Maintenance régulière

Le patient diabétique dont la glycémie n'est pas contrô-


3.3 - Patients atteints d'un diabète non contrôlé : attitude lée présente un risque de diffusion bactérienne à partir
à adopter suivant le type de soins du foyer infectieux initial (ANAES, 2001).

3.3.1 Les soins dentaires conservateurs Avant tout acte chirurgical (extractions dentaires simples
Chez un patient atteint d'un diabète non contrôlé, les ou chirurgicales, chirurgie péri-apicale, chirurgie parodon-
soins dentaires conservateurs sont réalisés en prenant en tale, et pré orthodontique), une antibiothérapie prophy-
considération les paramètres décrits pour les patients lactique par voie orale est recommandée (tab. 33.6). En cas
avec une glycémie contrôlée. De plus, chez ces patients de régénération tissulaire guidée (utilisation de mem-
qui présentent un risque infectieux (patient à risque A), une brane, greffe osseuse e t / o u biomatériau de comblement),
antibiothérapie prophylactique lors de certains gestes une antibiothérapie curative s'impose (ANAES, 2001). La
thérapeutiques est préconisée (ANAES, 2001) (tab. 33.6). chirurgie implantaire n'est pas recommandée chez les
Ces gestes thérapeutiques concernent les traitements de patients atteints d'un diabète non contrôlé (Beikler et
dents à pulpe vitale ou non y compris la reprise du traite- Flemming, 2003).
ment, le traitement prothétique avec risque de saigne-
ment et les soins parodontaux (détartrage/surfaçage). 3.4 - Patient diabétique non diagnostiqué : dépistage

Chez les diabétiques non contrôlés, les soins parodon- Il est à noter que 1 % des cas de diabète sont méconnus,
taux autres que le traitement de l'urgence sont contre- et en dehors du bénéfice clinique de la prise en charge
indiqués avant le contrôle de la glycémie (Rees, 2000). précoce de la maladie, la prévention de risque glycémi-
que et infectieux lors de soins dentaires est cruciale.
Ils nécessitent la consultation de médecin traitant et dans
certains cas de prescriptions à court ou à long terme de Ainsi, un interrogatoire médical et un examen buccal
l'insuline et des hypoglycémiants. Dans le traitement cura- complet sont nécessaires pour identifier des symptômes
tif des parodontites, l'antibiothérapie peut être associée ou des complications de diabète e t / o u des facteurs de
au traitement mécanique. Le choix de l'antibiotique est risque et indiquer si le besoin est une consultation médi-
également guidé par la forme clinique, la sévérité de cale (tab. 33.8). Chaque patient qui présente des symptô-
l'infection ou éventuellement, il est adapté au résultat de mes de diabète (polyurie, polydipsie, polyphagie) ou des
l'antibiogramme. Une antibiothérapie curative est recom- facteurs de risques (sujets de plus de 45 ans, diabète
mandée aussi en cas d'infections buccales dues à une dimi- familial, diabète gestationnel, enfants de poids de nais-
nution de la résistance de l'hôte (ANAES, 2001). Dans le cas sance de plus de 4 kg, obésité, hypertension artérielle,
des parodontopathies, la combinaison du traitement dyslipidémie) est orienté pour une consultation en dia-
mécanique (détartrage/surfaçage) et antibiotique (tétra- bétologie (Little et al., 2002). Des patients présentant des
cycline) semble améliorer le contrôle de la glycémie par infections de la peau répétées, une irritabilité marquée et
rapport au traitement mécanique seul (AAP, 2000). ou des manifestations buccales qui peuvent être attri-
buées au diabète (une xérostomie inexpliquée, une can-
3.3.2 Chirurgie buccale mineure ou de gravité moyenne didose sévère e t / o u chronique, des brûlures de la lan-
Chez un patient atteint d'un diabète non contrôlé, la chi- gue, une parodontite agressive et des abcès parodontaux
rurgie est réalisée en prenant en considération les paramè- (fig. 33.2) en répétition ainsi qu'un retard de la cicatrisa-
tres décrits pour les patients avec une glycémie contrôlée. tion après une chirurgie parodontale ou buccale), doi-
En outre, une hyperglycémie survenant pendant la période vent aussi être avertis et orientés pour une évaluation
péri-opératoire peut accroître le risque d'infection posto- médicale (Rhodus et al., 2005; Rees, 2000). Pour ces

304
patients, une glycémie à jeun ou une glycémie après
ingestion de 75 g de glucose (test de l'intolérance de gly-
cose) sont préconisées (Rees, 2000).

Tableau 33.8 Dépistage du patient diabétique non-diagnostiqué.

1 Évaluation des symptômes de diabète sucré et des .


manifestations buccales qui peuvent être attribuées au diabète
2Évaluation des complications chroniques du diabète
(hypertension artérielle, dyslipidémie)
3 Évaluation des facteurs de risque :
- sujets de plus de 45 ans ;
- diabète familial ;
- diabète gestationnel ;
- enfants de poids de naissance de plus de 4 kg ;
- obésité, hypertension artérielle, dyslipidémie.
Figure 33.2 Abcès parodontal au niveau d'une incisive centrale
4Contrôle de la glycémie et évaluation médicale
chez un patient atteint de diabète de type 1.

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307
VIH
Hervé MOIZAN, Bernard CHRISTIAN

I - Introduction Il - Généralités sur le VIH


La prise en charge médicale de l'infection par le VIH s'ins- Le syndrome d'immunodéficience acquise (sida) a été
crit dorénavant dans les pays développés autour de la ges- décrit pour la première fois en 1981, chez les jeunes homo-
tion d'une maladie chronique depuis l'instauration des sexuels américains. Les deux virus responsable de l'infec-
traitements antiviraux. En l'absence de molécules antivira- tion VIH sont le VIH-1 et le VIH-2 isolés respectivement
les révolutionnaires, l'éradication virale n'est plus l'objec- en 1983 et 1986. Les VIHs appartiennent à la famille des
tif à moyen terme mais l'obtention d'un état d'équilibre Retroviridae, c'est-à-dire des virus pourvus d'une enzyme
immuno-virologique est privilégiée. spécifique (reverse transcriptase) capable de synthétiser
de l'ADN double brin à partir de l'ARN monobrin ; ces virus
font partie de la sous-famille des Lentivirinae, agents
Les chirurgiens-dentistes seront amenés inévitable-
viraux retrouvés chez les ongulés (moutons, chèvres, che-
ment au cours de leur exercice professionnel à soigner
vaux) et responsables de maladies inflammatoires d'évolu-
ces patients porteurs d'une infection virale chronique
délétère sur le plan immunitaire. La prévention de la tion lente.
propagation de cette infection virale incombe égale-
ment à l'odontologiste, acteur de santé publique à
Transmissibles par voie sexuelle, sanguine (transfusion
part entière.
et toxicomanie) et materno-foetale (accouchement et
allaitement maternel), ces virus sont responsables d'une
infection chronique avec des caractéristiques parti-
Cette prévention s'exerce en minimisant le risque d'expo- culières, évoluant progressivement vers le sida.
sition accidentelle du praticien, de son personnel ainsi que
des patients traités, en réduisant à zéro le risque de trans-
mission (contamination croisée) par strict respect des Le virus de taille comprise entre 80 et 120 nanomètres
règles universelles d'hygiène et d'asepsie. La prise en de diamètre, est constitué d'une partie centrale (core)
charge odontologique du patient contaminé par le VIH ou nucléoïde composée de deux molécules d'ARN
sera conditionnée par le stade de la pathologie. Les soins associées à des protéines virales (Protéine p7) et d'une
prodigués seront effectués après concertation et collabo- enveloppe contenant des glycoprotéines d'enveloppe
ration avec l'équipe médicale, auprès de laquelle les infor- gp 120 et gp 41. Responsable d'une pandémie en expan-
mations indispensables seront obtenues sur le stade clini- sion continue depuis le début des années 1980, le nom-
que et biologique de l'infection, les traitements en cours bre de personnes infectées par le VIH était estimé à
et le cas échéant après discussion sur le recours possible 42 millions dans le monde fin 2005. À ce jour, le nombre
au milieu hospitalier afin de corriger des anomalies biolo- de personnes infectées par le VIH est évalué en France
giques et de prévenir les complications infectieuses e t / o u à 134 000.
hémorragiques.

Caractéristiques de l'infection VIH


- chronicité
- latence et persistance
- variabilité et complexité virale
- prédilection pour le système immunitaire

309
Prévention des urgences : situations à risques
VIH

1 - Histoire de la maladie 2 - Biologie de l'infection VIH


L'infection évolue en trois temps : une phase de primo-
Elle repose sur la détection des anticorps anti-VIH (tech-
infection suivie d'une phase de latence clinique puis une nique Élisa) suite à deux prélèvements sanguins consécu-
phase de sida. La phase de primo-infection est souvent tifs réalisés après obtention du consentement du patient,
peu symptomatique et se traduit en général par un syn- confirmés obligatoirement par un test de Western-Blot.
drome pseudo-grippal ou mononucléosique. L'évolution
se fait ensuite vers la phase de latence clinique au cours Au cours de la primo-infection il existe une fenêtre
de laquelle la réplication virale est contrôlée par le sys- « virologique » de 10 à 12 jours dans laquelle aucun antigène
tème immunitaire. La baisse de l'immunité lente et pro- viral n'est décelable et une fenêtre « sérologique » (anticorps)
gressive conduit finalement au stade sida. de 3 semaines (fig. 34.1). Le suivi biologique de l'infection
La classification la plus utilisée pour les différents stades repose ensuite sur le comptage des lymphocytes T CD4 et sur
cliniques et biologiques est celle des Centers for diseases
la quantification de l'ARN viral plasmatique appelée charge
control (CDC) de 1993. Elle comporte trois stades de sévé-
virale ou virémie (fig. 34.2). Ces paramètres associés à la clini-
rité croissante en fonction de la numération du taux de
que conditionneront l'indication et les modalités du traite-
lymphocytes CD4 (tab. 34.1). Cette classification concerne
ment antirétroviral.
les adultes et les adolescents. Une classification spécifi-
que existe pour l'enfant.
3 - Manifestations au niveau de la sphère
À cette classification, il y a des correspondances clini-
ques (tab. 34.2). Le stade sida, évolution ultime de la
orale
pathologie se caractérise par la présence d'infections
opportunistes e t / o u de tumeurs. La définition du stade Essentiel : les odontologistes occupent une place privilé-
sida est différente aux États-Unis puisqu'elle intègre les giée dans la détection des premières manifestations orales
catégories A3 et B3 exclues en Europe. La lecture atten- d'une séropositivité VIH jusque-là insoupçonnée.

tive des différentes catégories cliniques montre que la


candidose orale appartient à la catégorie symptomati- Il est rappelé qu'il n'existe pas de lésions pathognomoni-
que B et ne constitue donc pas un critère de sida à la dif- ques de l'infection VIH mais des lésions souvent fortement
férence de la candidose oesophagienne classée comme évocatrices (exemple : leucoplasie orale chevelue). Ces
critère de sida. lésions buccales peuvent être précoces, exister à tous les

Tableau 34.1 Classification infection VIH (CDC Atlanta 1993)

Cla ssification de l'infection à VIH pour les adultes et les adolesce nts
Catégorie s cliniques

Nombre de CD4 A : asymptomatique B : symptomatique C : sida


Primo-infection

> 5 0 0 / m m 3 ou > 29 % Al Bl C1
3
200 à 4 9 9 / m m > ou 14à 28 % A2 B2 C2
3
<200/mm ou<4% A3 B3 C3

310
Tableau 34.2 Catégories cliniques de l'infection VIH (CDC Atlanta
Taux des marqueurs
1993) plasmatiques

Catégorie A
ARN viral Anticorps
Infection asymptomatique anti-protéines
Adénopathies persistantes généralisées virales

Primo-infection symptomatique
Ag p24
Catégorie B

Angiomatose bacillaire Temps


0 11-12 14-15 20-21 28-29 Jours
Candidose oro-pharyngée
Fenêtre virologique
Candidoses vaginales persistantes et fréquentes
Dysplasies du col, carcinome in situ Fenêtre sérologique

Syndrome constitutionnel (fièvre à 38,5, diarrhée...)


Leucoplasie du bord de la langue Figure 34.1 Variations marqueurs au cours de la primo-infection
Zona récurent VIH.
Purpura thrombocytaire idiopathique
Salpingite
Nb de copies d'ARN viral Nb de LT4
Neuropathies périphériques
par mL de plasma par µL de sang
Catégorie C
Candidose bronchique, trachéale et/ou pulmonaire
Candidose oesophagienne Charge Anti-corps anti-HIV
virale (unités arbitraires)
Cancer invasif du col 1.107
Coccidioidomycose disséminée ou extra-pulmonaire 1.10 6
Cryptococcose extra-pulmonaire Lymphocytes CD4
Charge
1.105
Cryptosporidiose intestinale supérieure à 1 mois virale
Rétinopathie à CMV avec altération de la vision 1.104
Encéphalopathie 1.103
Infection herpétique chronique (bronchique ou œsophagienne)
1.102
Histoplasmose disséminée ou extra-pulmonaire Temps
1 2 3 Mois 2 4 6 8 10 12 Années
Isosporiodose intestinale chronique
Lymphome de Burkitt Primo infection Latence clinique SIDA
Lymphome immunoblastique
Lymphome primaire cérébral
figure 34.2 Évolution des paramètres sanguins au cours de
Infections à mycobacterium (avium, tuberculosis)
l'infection VIH.
Pneumonie à Pneumocystis carinii
Pneumopathie bactérienne récurrente
Leuco-encephalopathie focale progressive
Tableau 34.3 Principales manifestations de l'infection VIH au
Septicémie à Salmonella non typhi non récurrente
niveau de la sphère orale
Toxoplasmose cérébrale
Syndrome cachectique Adénopathies cervicales

Érosions et ulcérations buccales


stades de l'infection VIH et même la révéler (tab. 34.3). Une Infections mycosiques (candidoses, aspergillose, histoplasmose,
quarantaine de manifestations buccales peuvent survenir blastornycose, cryptococcose)
chez le sujet infecté par le VIH. Leur apparition est un bon
Infections bactériennes à germes banaux ou
indicateur de l'état d'immunodépression du sujet. spécifiques responsables d'atteintes parodontales (GUN, PUN),
de stomatites et de cellulites circonscrites, diffuses et
3.1 - Les adénopathies cervicales gangréneuses
Survenant au cours de l'infection VIH, elles peuvent apparaî- Infections parasitaires
tre dès la phase d'incubation de la maladie. Lors de la primo-
Infections virales (HSV, VZV, EBV, CMV,..)
infection, l'adénopathie peut être retardée par rapport aux
autres symptômes (fièvre, asthénie...). Après séroconversion, Pathologies tumorales : maladie de Kaposi, lymphomes,
carcinomes, mélanomes... . .
les adénopathies peuvent révéler l'infection VIH et être pré-

311
Prévention des urgences : situations à risques
VIH

sentes aux différents stades de la maladie. Elles sont généra- Dans cette dernière situation, la biopsie est utile pour
lement en relation avec une hyperplasie folliculaire, patho- trancher en cas de doute avec une lésion carcinomateuse.
logie directement liée à l'infection VIH, mais peuvent être Les thérapeutiques topiques sont privilégiées initialement
également le témoin d'une infection opportuniste ou tumo- miconazole (Daktarin®), nystatine (Mycostatine ® ) alors que
rale. Toutes les localisations peuvent être observées, les les traitements systémiques font appel aux antifongiques
principales étant les adénopathies sous mandibulaires, sous suivants : kétoconazole (Nizoral®), amphotéricine B
mentales, parotidiennes, mastoïdiennes et occipitales. Le (Fungizone®) et fluconazole (Triflucan®), itraconazole
traitement est fonction de l'étiologie de l'adénopathie. (Sporanox®). De nombreuses interactions médicamenteu-
ses sont à déplorer pour les azolés oraux, et les récidives
3.2 - Les érosions et ulcérations buccales sont fréquentes à l'arrêt des traitements au fur et à mesure
de la progression du déficit immunitaire.
Ce sont des complications courantes chez les patients Les autres agents mycologiques rencontrés (Histoplasma
séropositifs au VIH ; en effet, elles sont rencontrées capsulatum, Cryptococcus neoformans, Aspergillus spe-
chez 10 à 15 % des malades tout au long de l'évolution cies, Blastomyces dermatidiis) sont responsables d'ulcéra-
de l'infection. tions buccales non spécifiques, douloureuses. Le diagnos-
tic est basé sur l'identification de l'agent pathogène par
Les étiologies sont diverses et se divisent en quatre grou- écouvillonnage, mise en culture (milieu de Sabouraud).
pes distincts : les ulcérations d'origine infectieuse (bacté- Dans les cas de mycoses profondes des biopsies avec
rienne, parasitaire ou virale), tumorale, celles d'origine colorations spécifiques (Grocott, PAS, Mucicarmine) et
indéterminée regroupées sous le terme d'ulcération non immunofluorescence sont nécessaires pour établir le dia-
spécifiques ou NOS pour les Anglo-Saxons (not otherwise gnostic positif.
specified) et les autres (traumatique, neutropénique, médi-
camenteuse). 3.4 - Les infections bactériennes à germes banals
La démarche diagnostique dont la finalité est le traitement ou spécifiques
est décrite sous forme d'arbre décisionnel (fig. 34.3). Le déséquilibre entre la virulence du germe causal et les
mécanismes de défense de l'hôte explique l'incidence
3.3 - Les infections mycosiques importante des complications infectieuses chez les sujets
immunodéprimés. Les agents microbiens retrouvés sont
Elles sont surtout représentées par les candidoses fonction de l'étiologie du processus infectieux (endodon-
(Candida Albicans). Il s'agit de l'une des manifestations tique et périapicale ou parodontale). Très souvent, il s'agit
les plus fréquentes de l'infection par le VIH. d'une infection polymorphe recrutant des germes aérobies
et anaérobies facultatifs (Staphylococcus, Streptococcus...).
Présente à tous les stades, la candidose buccale peut cons- des anaérobies facultatifs (Actinomyces, Corynébacterium.
tituer une manifestation révélatrice d'une infection VIH. Lactobacillus, Haemophilus...), et des anaérobies stricts
Lorsqu'elle apparaît isolée, sans cause déclenchante évi- (Veillonellae, Bacteroides, Bifidobacterium, Eubacterium,
dente qui plus est chez un sujet jeune, elle doit faire suspec- Fusobacterium, Prevotella, Fusobacterium...). Des germes
ter l'infection VIH et conduire à une sérologie. L'incidence spécifiques peuvent être impliqués dans ces processus
augmente parallèlement à l'ancienneté de l'infection VIH, à infectieux (mycobactéries : Mycobacterium tuberculosis.
l'aggravation du déficit immunitaire et à la diminution du Mycobacterium avium intracellulare). Les cellulites diffu-
taux de lymphocytes CD4. ses et gangréneuses relèvent d'une prise en charge hospi-
talière du fait de leur mauvais pronostic lié à l'immunité des
Les formes cliniques sont multiples : aiguës ou chroniques. malades. Le traitement fait appel au drainage chirurgical et
La forme habituelle aiguë est le muguet ou candidose
à une antibiothérapie ciblée.
pseudomembraneuse. Les formes chroniques sont consti-
tuées par la glossite losangique médiane en avant du V lin-
3.5 - Les atteintes parodontales
gual, l'ouranite médiane en décalque de la forme précé-
dente, la perlèche ou chéilite angulaire au niveau
commissural. La forme hyperplasique ou granulome moni- Important ! Elles sont plus fréquentes et d'intensité plus
liasique donne un aspect pseudo-tumoral à la mycose. importante chez le sujet VIH + que dans la population générale.

312
Ulcération
de la muqueuse
bucco-pharyngée

Traumatisme
Ablation de la cause

Atteinte parodontale
Investigation et traitement comme une
localisée ou diffuse
parodontite ou une gingivostomatite
(recherche de cause locale, ATB à large spectre)

Compatible avec une


aphtose commune,
Antécédents d'aphtose Traitement topique
sporadique, d'évolution et de
récurrente approprié
durées normales

Non Non Inefficace

ATB à large spectre


NFS Neutrophiles < 800 ou corticothérapie

Toxidermie Médicament réputé, mis en cause Arrêt

Non Inefficace

Tumeur
C. épidermoïde Traitement approprié
LMNH , autres

Biopsie
IF
Étiologie spécifique
Cytologie virale ou bactérienne Traitement approprié
Virologie ou mycosique
Bactériologie

Dermatose bulleuse, autres Traitement approprié

Aphtes d'évolution Colchicine 2 mg/j


prolongée, aphtes géants, Corticothérapie 40-60 mg/j
étendus Thalidomide 100 mg/j
Ulcération non spécifique

Figure 34.3 Ulcérations muqueuses : démarche diagnostique.

Les espèces bactériennes retrouvées ne sont pas nouvel- constitue un signe caractéristique. Cette gingivite érythé-
les. Il existe une altération de la susceptibilité de l'hôte mateuse évolue classiquement en association avec des
(diminution de la résistance) qui accélère la vitesse de pro- récessions gingivales, des sensibilités dentaires au chaud
gression de la maladie parodontale conduisant à une des- et froid, et aux mets sucrés en l'absence de lésions carieu-
truction importante des tissus. La gingivite se limite à une ses. La gingivite ulcéro-nécrotique se définit par une
atteinte inflammatoire du parodonte marginal superficiel, nécrose des tissus parodontaux superficiels. Les papilles
non régressive malgré un bon contrôle de plaque ce qui dentaires sont décapitées et recouvertes par un enduit

313
Prévention des urgences : situations à risques
VIH

fibrineux. Des gingivorragies apparaissent, majorées par la 3.7 - La leucoplasie orale chevelue
thrombopénie associée. Le traitement repose sur l'anti-
C'est une manifestation de l'infection par l'EBV. Elle cor-
biothérapie, les antiseptiques locaux, le détartrage et l'éli-
respond à une kératose située sur les bords latéraux de
mination des tissus nécrotiques dès que possible. La paro-
la langue dessinant de fines stries verticales.
dontite nécrotique aiguë se différencie de la forme
précédente par l'atteinte des tissus parodontaux pro-
Il n'y a aucun signe fonctionnel au début, les lésions ne s'éli-
fonds. La rapidité de progression de la maladie et la for-
minent pas au grattage et peuvent spontanément disparaî-
mation de cratères osseux sans formation de poches paro-
tre. Une surinfection mycosique (candida) n'est pas rare.
dontales sont les principales caractéristiques.
Lorsque la lésion devient symptomatique (brûlures, irrita-
L'extension au-delà des structures parodontales consti- tion ou gène fonctionnelle) un traitement par aciclovir
tue la stomatite nécrotique aiguë. Le traitement est (800 mg, 3 à 4 fois/jour) est instauré associé à une applica-
basé sur l'antibiothérapie adaptée au germe isolé asso- tion locale de vitamine A (0,1 %) pendant 3 semaines.
cié impérativement à un parage chirurgical.
3.8 - La maladie de Kaposi
3.6 - Les infections virales diagnostiquées chez le patient VIH C'est une tumeur maligne associée au HHV 8 (human
herpes virus type 8). Classiquement, elle se présente
Elles peuvent s'exprimer sous la forme d'ulcérations
sous la forme d'une masse tumorale violacée, ulcérée
buccales. Les agents viraux appartiennent pour la majo-
ou non le plus souvent située au niveau palatin, gingival
rité, à la famille des Herpès viridés.
ou lingual (face dorsale).

Il est identifié sur huit espèces humaines d'herpès virus


L'atteinte gingivale est rencontrée dans un quart des cas et
quatre susceptibles de provoquer des ulcérations
intéresse les faces vestibulaires, la gencive attachée et margi-
buccales :
nale. Dans les stades très avancés, la lésion peut prendre un
-les virus de l'Herpès Simplex virus (HSV) ou Human
aspect très angiomateux ou celui d'un granulome pyogéni-
Herpes Virus (HHV) représentent les principales causes
que. D'autres diagnostics peuvent être évoqués : angioma-
d'ulcérations buccales chez le sujet VIH + . HSV1 ainsi que
tose bacillaire, tumeur vasculaire, ou lymphome. Le diagnos-
HSV 2 sont très largement impliqués dans les lésions buc-
tic positif repose sur l'examen anatomo-pathologique. Les
cales. Quant à HHV 8, dont le rôle étiologique dans le sar-
modalités du traitement ont longtemps été palliatives
come de Kaposi est démontré, il est également respon-
comportant une chimiothérapie intralésionnelle (vinblastine
sable d'érosions et ulcérations buccales en dehors de la
sulfatée), une chimiothérapie systémique (si autres lésions
maladie de Kaposi ;
associées cutanées e t / o u viscérales), une radiothérapie
- le Cytomégalovirus (CMV) est un agent causal opportu-
externe, et exceptionnellement de la chirurgie. La restaura-
niste très commun chez les sidéens. Il dispose d'une
tion immunitaire sous l'effet du traitement antiviral efficace
pathogénicité accrue chez ces patients pouvant
peut à elle seule conduire à la disparition des lésions.
conduire au décès des sujets atteints d'infections oppor-
tunistes; 3.9 - Les lymphomes malins non hodgkiniens
- le virus Varicella Zoster (VZV) est responsable de compli-
cations sévères lorsque la numération des CD 4 est infé- Ils sont plus fréquemment recensés chez les patients
rieure à 2 0 0 / m m 3 . Les ulcérations apparaissent lors du VIH + (environ 10 % des sujets sidéens).
zona ou plus rarement lors d'une varicelle ;
- le virus Epstein-Barr (EBV) dont l'association avec la leu- Généralement, de type B, ou non B non T (indifférenciés), de
coplasie orale chevelue n'est plus à démontrer est aussi haut grade et extra-ganglionnaires (système nerveux central,
responsable d'ulcérations sur le tractus digestif en parti- moelle osseuse, myocarde, tissus sous-cutanés). La localisa-
culier au niveau de l'oesophage et dans la bouche. tion buccale n'est pas rare, pouvant constituer le site primaire
Bien que chaque agent viral puisse être à lui seul respon- de la pathologie. La tuméfaction survient n'importe où. La
sable d'ulcérations buccales chez le sujet VIH + , de nom- lésion peut causer des ulcérations de la muqueuse buccale.
breuses études ont montré que la présence simultanée de Ces ulcérations sont douloureuses et reposent sur une zone
plusieurs agents viraux au sein des ulcérations existe. très inflammatoire, dont l'induration dépasse largement les

314
limites de la lésion clinique. Les localisations maxillaires sont souvent multifactorielles en relation avec l'atteinte spécifi-
les plus fréquentes. Le virus EBV est très souvent retrouvé par que virale, la survenue de pathologies opportunistes, l'utili-
technique d'hybridation in situ et semble jouer un rôle pro- sation de chimiothérapies cytotoxiques, l'infiltration tumo-
moteur de ce type de lésions de pronostic sévère. Le traite- rale de la moelle, l'état nutritionnel...
ment fait appel le plus souvent à une polychimiothérapie
agressive seule en mesure d'obtenir une rémission prolongée L'existence de désordres hématologiques justifie une
ou parfois à une éventuelle radiothérapie dans les formes prise en charge odontologique hospitalière exclusive-
localisées. ment.

3.10 - Les lésions carcinomateuses La suppression des foyers infectieux dentaires et parodon-
taux chez ces patients doit rester la priorité. La vulnérabi-
Elles siègent préférentiellement au niveau de la langue
lité aux infections nosocomiales et postopératoires doit
et du plancher buccal et sont retrouvées chez des sujets
être prise en compte chez le patient au stade sida dès lors
jeunes et en l'absence des facteurs étiologiques habi-
que les premières défenses sont altérées (neutropénies).
tuels (tabac et alcool).
Les thérapeutiques anti-infectieuses adéquates doivent
être instaurées en fonction de la numération des polynu-
L'examen histologique reste indispensable au diagnostic. Le
cléaires neutrophiles et de la numération des lymphocytes
traitement est identique à celui des cancers buccaux habi-
CD4+ (tab. 34.4). Ces derniers représentent 30 à 60 % des
tuels et dépend de la classification TNM.
lymphocytes circulants. La lymphopénie est progressive
et permanente. Le nombre de lymphocytes CD4+ reste la
référence de la plupart des protocoles thérapeutiques
III - Déroulement de la prise antirétroviraux et des protocoles prophylactiques vis-à-
en charge odontologique du sujet VIH vis des infections opportunistes qui, exceptées les pneu-
mopathies bactériennes, sont des infections à tropisme
Les soins prodigués se feront toujours après évaluation du
intracellulaire. Les lymphocytes CD8+ représentent 20 à
statut médical du patient. La concertation et la collabora-
40 % des lymphocytes circulants. Leur nombre est ampli-
tion de l'odontologiste avec l'équipe médicale conduiront
fié à toutes les phases de la maladie sauf au stade sida où
au recueil des informations indispensables sur le stade cli-
il se normalise. Le rapport entre CD4+/CD8+ n'est pas un
nique et biologique, les traitements en cours et, le cas
élément prédictif de la progression de l'infection vers le
échéant, sur l'éventualité de corrections d'anomalies bio-
logiques afin de prévenir la survenue de complications stade sida, il reflète simplement l'équilibre entre ces deux
hémorragiques e t / o u infectieuses. populations. La numération des lymphocytes CD4+ reste
le principal paramètre indispensable pour l'aide aux déci-
Un bilan clinique exhaustif: muqueux, dentaire, sali- sions thérapeutiques.
vaire, ganglionnaire est réalisé systématiquement et En raison des risques de thrombopénie e t / o u de throm-
renouvelé à chaque consultation. bopathie ainsi que de troubles hépatiques associés, une
numération plaquettaire, un temps de saignement (TS), un
Une évaluation du statut biologique par lecture des bilans temps de Quick (TQ) ou taux de prothrombine (TP) et un
biologiques récents accompagne toute procédure invasive. temps de céphaline activée (TCA) seront réalisés avant
La modification des paramètres hématologiques peut être tout geste chirurgical. La prévalence des co-infections par
observée à tous stades de l'infection. Ainsi lors de la primo- le virus de l'hépatite C multiplie par trois le risque de cyto-
infection, une hyperlymphocytose et une thrombopénie lyse hépatique sous traitement antirétroviral contre le
transitoire sont observables. À un stade plus évolué de VIH. Cette constatation rend indispensable la réalisation
l'infection (stade sida), des cytopénies sont plus fréquentes du bilan de coagulation en pré-opératoire chez ces
(anémie, leucopénie et thrombopénie). Leurs causes sont patients.

315
Prévention des urgences : situations à risques
VIH

Tableau 34.4 Diagramme décisionnel.

Numération de CD4+ Examens complémentaires CAT


- Patient considéré comme normal sur le plan
infectieux si absence de neutropénie contrôlée Antibioprophylaxie en fonction de la nature de
par NFS l'acte chirurgical

> 500/mm3
- Numération plaquettaire systématique (risque Intervention si num. plaquettaire > 50 0 0 0 / m m 3
hémorragique chez 10 à 20 % des patients)

- Bilan de coagulation

- Risque infectieux d'autant plus grand que la


neutropénie associée est importante :
NFS : évaluation de la neutropénie Antibioprophylaxie
- Si PNN > 1 5 0 0 / m m 3 flash systématique
200 < C D 4+ ≤ 499 / m m 3
- Si PNN < 1 5 0 0 / m m 3 Antibioprophylaxie classique
systématique
- Numération plaquettaire systématique + bilan de
coagulation

- Risque infectieux majeur


- Évaluation de la neutropénie par NFS Antibioprophylaxie classique systématique
- Numération plaquettaire + bilan de coagulation

≤ 200/mm3
- Si num. CD4+ < 100/mm 3 Intervention chirurgicale exclusivement en milieu
= immunodéficience sévère hospitalier
- Si num. plaquettes < 50 0 0 0 / m m 3
- Si num. PNN < 5 0 0 / m m 3 = neutropénie sévère

IV - Prise en charge d'un accident gatoire. La conduite à tenir en cas d'AES est exposée sous
forme d'arbre décisionnel (tab. 34.5).
d'exposition au VIH lors de la pratique Toute la démarche consiste à faire la différence entre la
professionnelle odontologique contamination prouvée de la contamination présumée.
Une séroconversion survenant dans l'intervalle chez l'acci-
Important ! Le risque de contamination après un accident denté alors que le patient source est séropositif conduit à
d'exposition au sang (AES) reste extrêmement faible lors de une infection prouvée. Dans le cas contraire, il est fait état
l'exercice odontologique. d'une infection présumée. Le doute doit toujours être en
faveur du soignant blessé en classant son dossier en acci-
Ce risque de transmission du VIH après exposition percuta- dent du travail. Il est mis à la disposition de tout profes-
née est estimé à 0,32 % et après contact muqueux ou peau sionnel de santé dans les services hospitaliers d'urgence
lésée à 0,03 %. Ce risque est d'autant plus grand que le une « trousse d'urgence » composée d'un traitement anti-
patient source a une charge virale élevée (patient au stade rétroviral prophylactique standardisé pour une durée de 3
sida) et que l'AES est très vulnérant (piqûre profonde avec à 4 jours, en dehors de toute situation nécessitant un trai-
aiguille de gros calibre). En France les données épidémiolo- tement post-exposition adapté au traitement de la per-
giques ne recensent aucune contamination prouvée en sonne source. La base de ce traitement standardisé com-
odontologie. Ces mêmes données rapportent jusqu'au porte une trithérapie (2 inhibiteurs nucléosidiques de la
31 décembre 2004, 32 infections présumées chez le person- transcriptase inverse et 1 antiprotéase). Le traitement pro-
nel de santé dont un chirurgien-dentiste et une assistante phylactique post-exposition peut différer du traitement
dentaire. Néanmoins, en théorie cela est envisageable et ren- standardisé sur avis du médecin référent. Ce traitement
tre dans le cadre d'un accident du travail à déclaration obli- doit être instauré le plus rapidement possible, de façon

316
Tableau 34.5 CAT en cas d'AES

IMMEDIATEMENT Nettoyage et antisepsie


Peau - Nettoyage à l'eau et au savon
- Rinçage soigneux
- Désinfection par trempage 10 minutes dans un dérivé chloré stabilisé (Dakin®)

Muqueuses oculaires - Rinçage avec sérum physiologique


- Désinfection par rinçage abondant avec hypochlorite de sodium à 0,06 % (Amukin ® )

DANS LES 4 HEURES


- Contact avec le médecin référent du Centre Hospitalier le plus proche pour évaluation de la nécessité
de mise en route d'une thérapie préventive anti-VIH
- Obtention des sérologies du patient source après consentement écrit de celui-ci
- Sérologies de l'accidenté

DANS LES 24 HEURES

Praticien salarié : déclaration d'accident auprès du médecin du travail

SUIVI ET PRISE EN CHAR GE MÉDICALE

Suivi sérologique de l'accidenté à 1 mois, à 3 mois et à 5 mois après l'arrêt du traitement préventif, soit
6 mois après l'accident initial.

optimale dans les 4 premières heures et au plus tard dans


important ! Il n'y a pas dans la littérature de données scien-
les 48 heures suivant l'exposition et devra être maintenu tifiques quant à l'efficacité réelle du traitement post-expo-
pendant 4 semaines. Il est proposé un suivi sérologique du sition.
sujet exposé sur une période de 4 mois.

Bibliographie
Campo-Trapero J, Cano-Sanchez J, del Romero-Guerrero, undergoing invasive dental procedures. J Am Dent Assoc
Moreno-Lopez LA, Cerrero-Lapiedra R, Bascones-Martinez 2002; 133:195-203.
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Lauren L, Patton DDS, Shuggars DA, Bonito AJ. A systematic Paris : Elsevier, 2005 ; 73-105.
review of complication risks for HIV-positive patients

317
Herpès oral
Edouard COHEN

I - Données générales des traitements locaux intempestifs comme les dermo-


corticoïdes.
La maladie peut s'arrêter au stade prodromique mais le
L'herpès est une maladie infectieuse due au virus
virus reste toujours présent dans la salive.
Herpes Simplex (HSV). Il en existe deux souches : HSV1,
responsable surtout de l'herpès oral (ou « bouton de
fièvre ») et HSV2, responsable de l'herpès génital. En
France dix millions de personnes sont atteints par l'her- II - Facteurs déclenchant et facteurs
pès oral : 2/3 de femmes pour 1/3 d'hommes. Environ
95 % de la population mondiale serait séropositive pour de récurrence de l'herpès
le HSV1, cependant tout le monde ne contracte pas for- - Facteurs infectieux :
cément de crises d'herpès après y avoir été exposé.
- méningite cérébrospinale ;
- pneumonie à pneumocoque ;
Selon son agressivité, le virus peut provoquer des signes -érysipèle ;
visibles de première infection (primo infection) ou bien -grippe;
passer inaperçu. Il infecte les voies nerveuses et reste à - autres viroses.
l'état latent dans les ganglions sensitifs (ganglion trigémi- - Facteurs physiques :
nal pour le HSV1, ganglions spinaux dorsaux pour le HSV2). - ultraviolets : herpès solaire.
Le temps de survie du virus de l'herpès à l'extérieur du - Facteurs hormonaux :
corps est faible. - menstruations : herpès cataménial.
La transmission interhumaine se fait par contact direct - Facteurs chirurgicaux :
avec des lésions herpétiques et plus fréquemment par la -avulsion dentaire ;
salive de porteurs sains.
- neurochirurgie : névralgie du trijumeau.
- Facteurs psychosomatiques :
Une fois installé, le virus reste définitivement dans
- stress ;
l'organisme. Durant les phases de latence, il reste inactif.
- causes psychologiques ;
Dans certaines occasions, il regagne en virulence et pro-
voque une crise. - fatigue ;
Ces crises se caractérisent par l'apparition de vésicules -décalage horaire.
en « bouquet » qui forment une croûte en quelques - Relations sexuelles.
jours. Ces lésions sont précédées par des signes annon-
ciateurs ou prodromes :
- brûlures ;
- picotements ;
III - Traitement de l'herpès
- prurit. Une macule érythémateuse précède de quel-
ques heures l'apparition de vésicules qui confluent en Remarque : malgré les campagnes menées régulièrement
une bulle, se rompent laissant place à une érosion sui- dans le monde, l'herpès reste une maladie t r o p peu dia-
vie d'une croûte qui s'élimine enfin. gnostiquée, et donc insuffisamment traitée et prévenue.

L'évolution de ce qui est communément appelé « bouton Les traitements de l'herpès bloquent la réplication du virus
de fièvre » est de 7 à 10 jours si elle n'est pas prolongée par dans les cellules de l'organisme. Les médicaments sont

319
Prévention des urgences : situations à risques
Herpès oral

d'autant plus efficaces qu'ils sont pris au début de la pous- - Éviter le partage de serviettes, brosses à dents, rasoirs
sée, dès les premiers signes annonciateurs : picotements, ou produits de maquillage, de verres ou de couverts.
brûlures ou démangeaisons dans la zone de la future érup- - Éviter le contact avec une femme enceinte et les per-
tion. C'est pourquoi, les experts réunis pour la conférence sonnes aux défenses immunitaires affaiblies.
de consensus sur l'herpès, qui a eu lieu en 2001, ont recom- - Éviter les embrassades et les rapports sexuels.
mandé « que les patients puissent disposer de médica- - Commencer le traitement dès les premières manifes-
ments avec une boîte d'avance sur prescription médicale tations d'une poussée.
pour débuter le traitement dès les premiers symptômes ».
Le Zovirax disponible par voie intraveineuse, orale ou topi-
que cutanée et ophtalmique est le traitement médicamen-
teux de référence. Dans toutes les formes cliniques et pour V - Au cabinet dentaire
tout antiviral, seul un traitement instauré précocement Le patient arrivant pour un soin prévu et porteur d'un her-
peut influer sur les signes cliniques. pès ne doit pas être soigné. Le rendez-vous devra être
Le problème de la récurrence n'est pas résolu par l'emploi reporté à un minimum de 10 jours.
des antiviraux. Si le patient arrive en urgence, une fois le dossier médical
rempli et commenté, évaluer le type d'urgence :
douloureuse ; infectieuse ; esthétique. Dans la mesure du
possible, privilégier l'ordonnance d'antalgique o u / e t
IV - Que faire lors des poussées ? d'antibiotique à tous soins.
Si un soin tel qu'une pulpectomie est indispensable, mettre
- Bien se laver les mains quand elles ont été en contact la digue et utiliser du matériel à usage unique. Dans le cas
avec les lésions.
d'une extraction, bien se protéger du sang et de la salive.
- Laver les lésions à l'eau et au savon.
- Ne pas se frotter les yeux.
- Ne pas gratter les lésions. Essentiel : quel que soit le type d'urgence amenant le
- Ne pas mettre de pansements, l'air sec aide la cicatri- patient herpétique, il devra être soulagé en quittant le cabi-
net dentaire. Ne pas lui serrer la main.
sation.

320
Pathologie respiratoire
Hervé MOIZAN, Gérard PEIFFER

I - Introduction En France, il est dénombré plus de 3,5 millions d'asthmati-


ques. En 15 ans, la prévalence de l'asthme est passée de 3 à
Chez les êtres pluricellulaires dont l'homme fait partie, les 10 % chez l'adulte, et à près de 15 % chez l'enfant.
échanges gazeux s'effectuent selon des modalités plus
complexes que les êtres unicellulaires pour lesquels le Important ! Cet état des lieux fait que l'odontologiste sera
processus de diffusion étant suffisant à assurer les échan- confronté plus encore demain qu'aujourd'hui à la patholo-
ges gazeux. La physiologie respiratoire assure avant tout gie respiratoire de ses patients.
l'hématose (échanges gazeux au travers de la membrane
alvéolo-capillaire), le maintien du pH sanguin, mais joue La grande diversité des maladies bronchopulmonaires nous
également des fonctions de protection (défense et épura- contraint d'aborder exclusivement celles pouvant interférer
tion) et métabolique en synthétisant de nombreuses subs- principalement avec nos actes e t / o u nos prescriptions médi-
tances impliquées en pathologie (surfactant, alpha 1 anti- camenteuses et de considérer uniquement les urgences res-
trypsine). La particularité terminologique et les sigles piratoires susceptibles de survenir au cabinet dentaire.
couramment usités en physiopathologie respiratoire sont Tableau 36.1a Lexique des sigles utilisés en pneumologie
explicités dans les tableaux (tab. 36.1).
Lexique des sigles en pneumologie :
La prise en charge des pathologies respiratoires repré- BC : bronchite chronique
sente l'un des enjeux principaux au niveau mondial de BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive
l'actuelle décennie. Le cancer du poumon et la CV : capacité vitale
DDB : dilatation des bronches
broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO)
EFR : épreuve fonctionnelle respiratoire
progressent dans tous les pays qui n'ont pas mis en
FR : fréquence respiratoire
place des mesures préventives (lutte antitabac, combat IVG, IVD : insuffisance ventriculaire gauche/droite
contre la pollution atmosphérique, condamnation de DEP : débit expiratoire de pointe
l'amiante.,.). VEMS : volume expiratoire maximal par seconde

Tableau 36.1b Glossaire des termes médicaux utiles en pneumologie

Glossaire des termes médicaux utiles en pneumologie


Toux, expiration brusque et bruyante, conséquence d'un arc réflexe neurogène, représentant généralement un mécanisme de défense
physiologique face à une agression des voies respiratoires ou de certains organes avoisinants.
Expectoration, rejet lors d'un effort de toux de secrétions anormales présentes dans l'arbre trachéobronchique. Elle est toujours
pathologique et due à des modifications qualitatives e t / o u quantitatives du mucus bronchique. Les mouchages postérieurs, les
sécrétions salivaires et rhino-pharyngées sont différentes car ne sont pas le résultat d'un réel effort de toux et ne traduisent pas une
hypersécrétion bronchique.
Hémoptysie, rejet par la bouche de sang provenant des voies aériennes sous-glottiques.
Douleurs thoraciques, plainte fréquente, dont il faut souligner d'emblée trois particularités :
- symptôme difficile à analyser, tant par le patient que le praticien (simple gène, douleur vive, angoissante, avec souvent une note
dyspnéisante);
- pas de parallélisme entre l'importance de la douleur et la gravité de la maladie responsable ,
- symptôme révélateur d'urgences médicales impliquant un diagnostic précis afin de proposer une thérapeutique adaptée.
Dyspnée, perception pénible d'un désaccord entre la demande ventilatoire et les possibilités mécaniques du système
thoracopulmonaire. Ce terme réservé à la pathologie exclut l'essoufflement apparaissant chez le sujet sain à l'occasion d'un effort.
D'après Aubier et al., 1996.

321
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologie respiratoire

Il - Asthme diagnostic positif: sensation de malaise général, picote-


ment laryngé, crise d'éternuements, toux sèche. La phase
L'asthme est une maladie complexe à étiologie multi- d'état se subdivise en deux périodes :
factorielle chronique caractérisée par des épisodes - la phase sèche caractérisée par une dyspnée à type de bra-
récurrents de sifflements, de sensation de gêne respira- dypnée expiratoire, des sifflements importants (râles sibi-
toire, d'oppression et de toux. lants), une anxiété, un pouls accéléré, un thorax globuleux;
-la phase sécrétoire survient 30 à 60 minutes après la
La pathologie est caractérisée par une inflammation chro- phase sèche, dure parfois plusieurs heures. La dyspnée
nique des bronches évoluant sur un terrain d'hyperréacti- s'apaise, une toux continue apparaît avec expectoration
vité bronchique. La bronchoconstriction peut survenir de mucus dense (crachats « perlés » de Laennec). Cette
lorsque les voies aériennes se trouvent exposées à diffé- crise peut céder en quelques minutes après inhalation de
rents facteurs déclenchants. La définition proposée rend
β2 mimétique (Salbutamol, Ventoline ® ).
compte des différents phénotypes d'asthme, du rôle de
Cette crise peut présenter malgré le traitement instauré une
l'environnement dans la survenue de la crise. L'asthme est
forme de gravité inhabituelle pouvant mettre en jeu le pro-
une affection très fréquente puisqu'elle touche jusqu'à
nostic vital. Les critères de gravité de cette crise sont codifiés
30 % des enfants et 13 % des adultes. L'asthme grave t o u -
et comportent les symptômes consignés dans le tableau 36.2.
cherait 1 à 3 % de la population générale chez les enfants
et les adultes. Il semblerait qu'il y ait actuellement dans les Tableau 36.2 Critères de gravité d'une crise d'asthme (d'après Roue
pays développés une stabilisation de la fréquence. et al., 1996)
En France, il est recensé environ 2 000 décès annuels par • Difficultés à parler - orthopnée
crise d'asthme. L'asthme comme toute pathologie chroni- • Agitation et sueurs
que nécessite une prise en charge au long cours et implique • Troubles de la conscience
un partenariat patient-praticien indispensable pour une • Cyanose
bonne observance thérapeutique. Malgré les campagnes de • Contraction des muscles sterno-cléido-mastoïdiens
• Bradycardie, collapsus
prévention, les efforts déployés par les professionnels de
• Pauses respiratoires
santé en matière d'éducation thérapeutique : un malade sur • Fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles.min-1
deux n'achète pas les médicaments prescrits et le recours • Fréquence cardiaque supérieure à 130 cycles.min-1
des patients aux soins est souvent tardif ou inapproprié. • Normo- ou hypercapnie
Dans notre spécialité, les conditions d'apparition d'une
crise d'asthme sont multiples. Le stress, la douleur, l'utili- Le diagnostic d'asthme chez l'adulte repose sur un faisceau
sation d'anesthésiques locaux, l'infection, la prescription d'arguments obtenus en collectant les données issues de
médicamenteuse et l'exposition à certains pneumallergè- l'interrogatoire et des examens complémentaires. Le dia-
nes comme le latex et les poussières de fraisage peuvent gnostic est plus difficile chez les personnes âgées du fait
favoriser celle-ci. Le déni de l'affection, la non-observance de l'intrication de plusieurs pathologies, de la perception
des thérapeutiques, l'absence de réévaluation sur le plan plus difficile de la dyspnée et de la pratique délicate de
médical doivent attirer l'attention de l'odontologiste qui l'EFR. Chez les enfants, il existe également une sous-éva-
prend en charge le patient asthmatique. La survenue d'une luation de l'asthme du fait de diagnostics erronés à type
crise d'asthme au cours des soins reste peu fréquente si les de rhinobronchites et rhinopharyngites, ou d'équivalents
mesures préventives sont respectées. asthmatiques (toux chronique, laryngite à répétition).

Néanmoins, tout praticien peut être confronté à une crise Le diagnostic positif repose sur la mise en évidence d'un
d'asthme, urgence médicale dont la gravité doit être évaluée trouble ventilatoire obstructif, à un moment ou à un
objectivement et rapidement à partir de critères simples autre puisque la pathologie est caractérisée par des
pour instaurer le traitement d'urgence en raison de l'évolu- symptômes intermittents et imprévisibles.
tion potentielle vers une détresse respiratoire aiguë sévère.
Plusieurs méthodes sont utilisées pour mettre en évidence ce
La description clinique de la crise d'asthme est caractéri- trouble obstructif, telle que la spirométrie avec notamment la
sée cliniquement par la survenue d'un épisode de dyspnée mesure du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) ou
expiratoire, sifflante, d'oppression thoracique et de toux. celle du débit expiratoire de pointe (DEP). Les différents con-
Des prodromes peuvent orienter l'odontologiste vers le sensus internationaux apprécient la sévérité de l'asthme en

322
Tableau 36.3 Paliers thérapeutiques de l'asthme d'après le National Heart, Lung and Blood Institut

STADE 1 2 3 4

ASTHME Intermittent Persistant léger Persistant modéré Persistant sévère

Symptômes < 2 fois/semaine Symptômes > 2 fois/semaine Symptômes quotidiens Symptômes permanents
Symptômes nocturnes et < 1 fois/jour Crises retentissant/activité Exacerbations fréquentes
< 2 fois/mois Symptômes nocturnes et sommeil Asthme nocturne fréquent
SYMPTÔMES DEP normal entre les crises > 2 fois/mois Asthme nocturne > 1 fois/ Activité physique limitée/
VEMS-DEP : > 80 % de la VEMS-DEP : 80 % de la valeur semaine symptômes
AVANT
valeur théorique théorique Usage fréquent de 2 VEMS-DEP < 60 % de la valeur
TRAITEMENT Variabilité VEMS-DEP < 20% Variabilité VEMS-DEP: 20 à immédiats théorique
30% VEMS-DEP: 60 à 80% de la Variabilité VEMS-DEP > 30 %
valeur théorique
Variabilité VEMS-DEP > 30 %
Pas de traitement continu, β2 Corticoïde inhalé faible dose Corticoïde inhalé forte dose Corticoïde inhalé + broncho-
immédiat à la demande mais - β2 agonistes quotidiens + bronchodilatateur β2 à dilatateur β2 à action
TRAITEMENT
< 1 fois/semaine sans dépasser 3 à 4 fois/jour action prolongée immédiat à prolongée + corticoïde oral
la demande + β2 immédiat à la demande

tenant compte de la fréquence des symptômes, de la 2 - Prévention des urgences chez le patient
consommation médicamenteuse (β2 agonistes) et de la fonc­
asthmatique
tion pulmonaire de base ainsi que de sa variabilité dans le
temps (VEMS, DEP). Le tableau 36.3. reprend la classification À la phase pré-opératoire, étape capitale de la prise en
des différents stades de la maladie et des protocoles théra- charge du patient asthmatique en odontologie, on éva-
peutiques associés chez l'adulte et les enfants au-delà de 5 ans. lue la sévérité de l'affection et on détermine les moda-
lités de prise en charge du patient en fonction du type
1 - Crise d'asthme de soins à réaliser.
La découverte d'un asthme instable doit conduire à dif-
Tableau 36.4 CAT en cas de crise d'asthme
férer l'acte et à adopter avec le médecin pneumologue
une stratégie commune.
Diagnostic + : crise d'asthme

Arrêt des soins + vacuité de la cavité buccale


Hormis le cas d'asthme instable, la prise en charge du
Installation du patient en position demi assise patient asthmatique ne pose aucun problème majeur si, en
plus de cette évaluation pré-opératoire, les mesures pré-
Administrer 2 bouffées de β-mimétique (Ventoline®) ventives per et postopératoires sont respectées. La consul-
Surveillance des constantes (FR, TA, FC) tation initiale doit permettre de repérer les patients anxieux
Évaluation état de cyanose et conscience
et recourir ainsi à une prémédication médicamenteuse
Réévaluation à 15 minutes
sédative privilégiant l'hydroxyzine aux autres molécules du
fait de ses propriétés antihistaminiques et anticholinergi-
Pas d'amélioration de la symptomatologie :
- réadministrer 2 bouffées de β-mimétique ques. Le contexte émotionnel, l'hyperventilation liée à
Amélioration de la
symptomatologie
toutes les 10 minutes, maxi 8 bouffées l'angoisse et la douleur peuvent favoriser la crise d'asthme
- oxygénothérapie au masque 6 à 9 L.min-1
aiguë. L'anesthésie générale ne constitue pas une solution
ou une réponse à la prise en charge en odontologie
Retour à domicile Si aggravation : chirurgicale : le risque de bronchospasme est supérieur et
Réévaluation médicale - appel SAMU (15) les complications bronchopulmonaires (encombrement
- injection de 0,5 mg de terbutaline
(Bricanyl® en SC) bronchique, surinfection, atélectasie) plus fréquentes qu'au
- oxygénation au masque 6 à 9 L.min -1 décours d'une anesthésie locorégionale.
- corticothérapie (Prednisolone 60 mg
per os) ou adrénaline selon instructions
du médecin régulateur Systématiquement, et à titre préventif, il est demandé
- si arrêt respiratoire ou cardio-respiratoire : au patient de venir avec son spray de β2 agoniste au
ventilation au masque et MCE rendez-vous opératoire.

323
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologie respiratoire

Certains praticiens ordonnent à titre préventif deux inhala-


tions de broncho-dilatateurs avant les soins ainsi qu'une cor-
ticothérapie flash à faible dose 24 heures avant l'acte (20 mg
de prednisolone) pour prévenir la crise ; si elle survient néan-
moins, les secrétions bronchiques sont moins importantes.
L'anesthésie locale peut induire un bronchospasme, le plus
souvent lié aux excipients (sulfites, méthylparabens), mais
de survenue exceptionnelle. L'utilisation de solutions
anesthésiques adrénalinées représente le produit de choix
pour l'asthmatique non cortico-dépendant car elle agit à
la fois sur les récepteurs α et β ces derniers entraînant
une bronchodilatation favorable à l'asthmatique.
La contre-indication des anesthésiques avec vasoconstric-
teurs concerne uniquement les rares asthmatiques cortico-
Figure 36.1 Lésion buccale métastase d'un adénocarcinome pul-
dépendants en relation directe avec l'intolérance aux sulfi- monaire (Photothèque : Dr Curien. R).
tes retrouvée principalement parmi cette population.
Pendant la séance de soins, l'odontologiste doit veiller à
réduire les poussières de fraisage qui constituent des fac- persistante, inhabituelle, une possibilité d'épisodes infec-
teurs déclenchants de la crise d'asthme par irritation méca- tieux à répétition, une hémoptysie et une dyspnée avec
nique. L'éviction d'autres allergènes (latex) violents pour « wheezing » c'est-à-dire des sifflements inspiratoires tradui-
l'asthmatique sensibilisé à « hévéa brasilensis », impose une sant une obstruction complète de la trachée ou des bron-
excellente aération de la salle opératoire et l'usage des pro- ches souches. La pathologie tumorale peut également
duits de substitution comme les gants stériles en nitrile. s'exprimer du fait de l'extension intra-thoracique de la
tumeur : dysphonie suite à l'atteinte récurentielle, une para-
lysie phrénique, un syndrome cave supérieur (cyanose et
œdème du visage par compression de la veine cave supé-
III - Pathologie néoplasique rieure avec circulation collatérale thoracique anormale et
pulmonaire dilatation des veines ranines sub-linguales), un syndrome de
Pancoast-tobias (tumeur localisée à l'apex pulmonaire enva-
La pathologie tumorale pulmonaire représentée par les hissant le centre névralgique C8-D1 et lyse de la première
cancers bronchopulmonaires primitifs, les syndromes cote). Sur le plan général une altération de l'état général est
paranéoplasiques, et les tumeurs de la plèvre (mésothélio- observée, un syndrome paranéoplasique non lié à la tumeur
mes) bénéficient d'une image déplorable en raison de leur elle-même mais à une sécrétion tumorale qui agit à distance
pronostic extrêmement sombre. Ces cancers font partie (hypersécrétion ADH ou d'insuline) ou encore des métasta-
des tumeurs thoraciques incluant également les plus rares ses révélatrices au niveau hépatique, osseux et cérébral.
hématosarcomes thoraciques, les tumeurs médiastinales Les examens complémentaires objectivent la tumeur
et les localisations secondaires tumorales. (radiographies pulmonaires, tomodensitométries, IRM)
mais seul l'examen anatomo-pathologique apportera la
Il n'y a pas de spécificités buccales de ces pathologies
preuve histologique du diagnostic. Le bilan d'extension
tumorales à l'exception d'une métastase possible au
niveau de la muqueuse buccale. Ces métastases sont à aboutira au classement de la pathologie cancéreuse en
l'origine d'une tuméfaction de la muqueuse semblable à stade d'évolutivité (TNM) et conditionnera la prise en
un épulis comme le montre la photographie d'une charge thérapeutique.
lésion carcinomateuse découverte lors d'une consulta-
tion odontologique systématique avant un traitement
Conduite à tenir en odontologie
oncologique pour une néoplasie pulmonaire (fig. 36.1).
Contact avec le praticien référent généraliste ou spécialiste.
Stade de la pathologie cancéreuse (classification TNM),
Sur le plan clinique, la symptomatologie est sensiblement la traitement curatif ou palliatif conditionnant alors un projet
de soins odontologique raisonnable, non ambitieux ou de
même quelles que soient leurs formes. Au niveau thoracique
confort.
des signes bronchopulmonaires sont présents avec une toux

324
Traitement en cours (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie). irréprochable, les dents présentant des atteintes parodonta-
Les soins invasifs seront effectués après accord du prati- les avec des profondeurs de poche supérieures à 3 mm seront
cien référent et sous couvert d'un bilan biologique récent extraites. Le patient candidat à la transplantation doit se sou-
(NFS, Bilan hémostase...). L'hospitalisation du patient sera mettre à des contrôles odontologiques réguliers afin d'être
requise dans certaines conditions et contextes (patient dans des conditions optimales lorsqu'un donneur compatible
immunodéprimé, transfusions plaquettaires, préparations se présentera. Après la greffe, les patients sont classés à risque
médicales spécifiques), en choisissant les périodes privilé- sur le plan infectieux (risque A selon l'AFSSAPS), une antibio-
giées pour leurs réalisations (intercures de chimiothérapie). prophylaxie sera alors recommandée pour tous les gestes
La fonction respiratoire du patient peut imposer également invasifs. Les hyperplasies gingivales secondaires médicamen-
une hospitalisation pour une prise en charge globale et sur- teuses f o n t l'objet d'une prise en charge spécifique ( tab. 36.5).
veillance postopératoire de quelques jours.

Tableau 36.5 Préparation odontologique du futur transplanté


pulmonaire
IV - Transplantation pulmonaire
Bilan odontologique (clinique et radiographique)
Les indications des transplantations pulmonaires sont repré-
sentées par la mucoviscidose (20 %), la fibrose pulmonaire
idiopathique (30 %) et les autres pathologies pulmonaires Suppression des foyers infectieux dentaires patents et latents
obstructives à un stade terminal (BPCO, emphysème). Réali-
sée pour la première fois en 1982, la transplantation pulmo-
Attente de greffe
naire ou cardio-pulmonaire est aujourd'hui un traitement
validé dans le cadre de l'insuffisance respiratoire. Deux pro- Greffe pulmonaire Contrôles périodiques de l'état bucco-dentaire
blèmes majeurs limitent les taux de succès de la technique :
le manque de greffons responsable d'une forte mortalité des Surveillance et maintenance bucco-dentaire
patients inscrits sur les listes d'attente et le risque de bron-
chiolite oblitérante imprévisible engageant le pronostic vital
à moyen ou long terme. L'instauration d'un traitement
immunosuppresseur ou préventif du rejet de la greffe rend V - Pathologie pulmonaire infectieuse :
le patient vulnérable aux infections bactériennes, parasitai- la tuberculose pulmonaire
res, virales, parasitaires et fongiques. Les modalités de
l'immunosuppression s'affinent de mieux en mieux avec Historiquement, les connaissances médicales de la tubercu-
l'arrivée de nouveaux médicaments puissants immunosup- lose se sont développées dans la moitié du XIXe siècle après
presseurs (Tacrolimus FK 506, Rapamycine, Mizaribine, trois découvertes médicales importantes : les études autop-
Mycophénolate Mofétil) permettant une meilleure adéqua- siques de Laennec confirmant que les formes pulmonaires et
tion et adaptation du traitement au profil de chaque patient extrapulmonaires de la maladie étaient des expressions dif-
(rejeteur ou peu rejeteur) mais augmentent de ce fait les ris- férentes de la même pathologie, la mise en évidence par Vil-
ques infectieux et carcinogènes. lemin de la possibilité de transmission de la tuberculose au
cochon d'Inde par injection de tissu malade et surtout l'iden-
tification en 1882 par Koch de l'agent causal : le bacille tuber-
Conduite à tenir en odontologie culeux et la démonstration de sa pathogénicité.
La préparation odontologique des patients à la transplanta-
tion pulmonaire se calque strictement sur celle de toutes les En France, la maladie revient sur le devant de la scène au
transplantations d'organe (reins, foie...). Elle impose un bilan
début des années 1990 alors que son incidence baissait régu-
odontologique initial strict dans le but de dépister les foyers
lière depuis les années 1950. L'explication tient à trois faits :
infectieux dentaires patents et latents (apicaux et parodon-
taux) en raison du traitement immunosuppresseur associé à la
- l'augmentation du nombre de cas liée directement à l'aug-
greffe d'organes. La suppression des foyers infectieux est mentation d'incidence des sujets co-infectés par le VIH;
impérative avant la transplantation. La multiplicité des actes - l'augmentation de tuberculose multirésistante expli-
odontologiques à réaliser peut nécessiter le recours à une quée par la fréquence importante de traitements
prise en charge hospitalière chez des malades fragiles pour incomplets et inappropriés ;
lesquels la remise en état de la cavité buccale doit être rapide - la survenue d'épidémies nosocomiales, dans les hôpi-
et impérative. Chez ces patients, l'hygiène buccale doit être taux, les prisons et les maisons de retraite.

325
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologie respiratoire

Le mode de transmission se fait essentiellement par inhala- - Dans les autres cas, la maladie se développe et s'exprime
tion de gouttelettes de Flügge infectées. Cette transmission ensuite sous deux formes cliniques :
respiratoire du bacille tuberculeux entre un malade conta- - la tuberculose pulmonaire commune (localisation la
gieux est facilitée par la promiscuité et la toux. Le chirur- plus fréquente, 80 % des cas) caractérisée par une toux,
gien-dentiste et son personnel sont à ce titre extrêmement une hémoptysie, un fébricule prolongé et une perte de
concernés par la maladie. En effet, certaines procédures ou poids. Les signes généraux associés sont presque t o u -
techniques médicales favorisent le risque de transmission et jours constants comme l'asthénie, l'anorexie et les
notamment dans notre spécialité la création d'aérosols via sueurs nocturnes. La dyspnée est rencontrée dans les
l'utilisation de matériel rotatif (turbines et contre-angle) formes très étendues ;
peut diffuser des microgouttelettes infectées et favoriser la -La tuberculose extrapulmonaire peut atteindre divers
transmission par voie aérienne des bacilles tuberculeux. organes (os, rein, enveloppe cutanéo muqueuse, ménin-
Le praticien doit être extrêmement vigilant aux risques de ges) et se disséminer le plus souvent par voie hémato-
transmission directe (personnel soignant) ou croisée gène (tuberculose miliaire).
(autres patients) et doit se conformer aux règles universel-
les d'hygiène et d'asepsie. Plusieurs facteurs identifiés sont 2 - Les manifestations maxillo-faciales
à l'origine de la propagation d'une épidémie : le diagnostic de la tuberculose
tardif de l'infection, l'instauration retardée du traitement, Elles restent rares.
le délai tardif de l'isolement « air », la durée de l'isolement - La prévalence des lésions buccales serait de 0,5 à 3,5 %
insuffisant, la ventilation inadéquate et le défaut d'aména- des patients tuberculeux. L'ulcération tuberculeuse peut
gement des locaux, les manoeuvres médicales à risque et se rencontrer lors de la primo-infection tuberculeuse et
le non-respect des mesures préventives (décontamina- comporte un certain nombre de caractéristiques sémio-
tion, masques de protection inadéquats...). logiques évocatrices : ulcération unique, indolore, à
contour festonné, avec des bords minces, décollés, une
Compte tenu des facteurs de risque identifiés, les mesu- base souple et un aspect classique fond rouge framboisé.
res pratiques essentielles pour la prévention de la
- Les adénopathies primaires tuberculeuses résultent de la
tuberculose en milieu odontologique sont : le diagnos-
diffusion hématogène de la tuberculose. La région cervico
tic initial précoce, l'isolement présomptif si nécessaire,
le traitement de la pathologie, la surveillance du céphalique est fréquemment atteinte. Les localisations
malade, et du personnel et l'application stricte des préférentielles sont par ordre décroissant : les ganglions
mesures universelles d'hygiène et d'asepsie. submandibulaires, parotidiens, jugulaires, sus-claviculaires
et rétro mastoïdiens puis occipitaux. Cliniquement, il faut
distinguer deux formes d'adénopathies primaires : l'adéno-
1 - Le diagnostic précoce pathie unique et les adénopathies multiples, uni ou bilaté-
II conduit à un isolement du malade et un traitement rales. La palpation ganglionnaire retrouve un ganglion uni-
rapide. Le diagnostic est fondé sur la connaissance des que indolore, régulier, ferme et bien limité. Il peut atteindre
symptômes et anomalies radiologiques et biologiques. la taille d'une amende et être isolé des plans superficiel et
- La primo-infection tuberculeuse a une présentation cli- profond. Les ganglions multiples sont fermes, indolores
nique très variable jusqu'à même parfois passer totale- recouverts par une peau de couleur rouge violacée. L'évo-
ment inaperçue. Classiquement elle s'accompagne de lution de cette adénopathie se fait communément vers la
symptômes respiratoires (chancre gangliopulmonaire, fistulisation. La palpation montre une fluctuation, témoin
toux, fébricule), digestifs, cutanés (érythème noueux) ou de leur ramollissement (nécrose caséeuse centrale).
ophtalmiques (kérato-conjonctivite). La primo-infection - La tuberculose osseuse maxillaire est rare. Le site de pré-
se confirme par le virage récent des tests tuberculiniques. dilection étant les os spongieux des os jeunes. Les loca-
La radiographie pulmonaire peut révéler d'emblée un lisations possibles sont en premier la mandibule puis le
nodule du sommet ou une adénopathie. Seulement 5 % maxillaire secondement. Les caractéristiques radiogra-
des cas de primo-infection se compliquent d'une tuber- phiques sont la présence d'une lacune centrale radio
culose dans les mois qui suivent. Lorsque le système de claire à contours plus ou moins nets ou également une
défense de l'hôte est intact, la multiplication des bacilles image polygéodique irrégulière.
est contrôlée par l'immunité cellulaire et l'infection - Les glandes salivaires peuvent être exceptionnellement
n'évolue pas vers la tuberculose-maladie. touchées par la pathologie infectieuse. Très majoritaire-

326
ment, la glande parotide est atteinte réalisant une tumé-
distribuer de l'air contaminé aux professionnels et autres
faction parotidienne, dont le diagnostic est donné par la
malades qui transitent par le cabinet. Il est recommandé
ponction biopsie. d'aérer le local professionnel après la séance de soins afin
de diminuer la concentration de particules infectieuses.
Les systèmes de filtration d'air doivent être efficaces et
3 - L'isolement du patient contagieux régulièrement changés et nettoyés.
- Protection de toutes les surfaces exposées, gainage des
C'est une prescription médicale. Lorsqu'une pathologie cordons des instruments rotatifs.
tuberculeuse est suspectée à localisation pulmonaire ou - Décontamination des instruments dans un bac à part, net-
ORL, l'isolement présomptif de type « air » est recom- toyage ultrasonique impératif, séchage, conditionnement
mandé. Pour les autres localisations, cet isolement n'est sous sachets et autoclavage impératif.
- Lavage des mains après les soins.
pas une indication systématique, mais peut être discuté.
- Contre-indication à l'emploi du mélange équimolaire de
L'examen microscopique des prélèvements respiratoires
protoxyde d'azote et d'oxygène (sédatif et anxiolytique)
positif confirmera ensuite l'isolement. chez le patient bacillifère en raison du risque de transmis-
La durée de l'isolement recommandée est de 15 jours en sion.
cas de bacilles sensibles. Une prolongation peut être pré- Le risque de contagion du personnel reste prégnant lors des
conisée si l'inoculum de départ est élevé, en l'absence séances de soins. Il est en corrélation directe avec le nom-
bre de patients en tuberculose active soignés et de l'inci-
d'amélioration de la toux, et chez les sujets immuno-
dence de leur pathologie. La vaccination du personnel soi-
déprimés. gnant par le BCG est une des mesures préventives comme
la surveillance médicale du personnel toutes aussi impor-
tantes que les recommandations détaillées par le Conseil
Conduite à tenir en odontologie
supérieur de l'hygiène publique de France, récemment
Évaluation médicale du patient et détermination du niveau
publiées en France.
de risque en fonction du stade et de la sévérité de l'infection
tuberculeuse
Trois niveaux de risque ont été hiérarchisés (élevé, moyen,
faible). Un patient classé à risque élevé sera traité exclusi-
vement en milieu hospitalier pour tous soins odontologi-
ques. Les soins urgents seront dispensés, les autres théra-
peutiques seront différées à une période où les risques de
VI - La broncho-pneumopathie
contagion seront réduits. L'application stricte des protoco- chronique obstructive (BPCO)
les destinés aux patients infectés sera respectée. Les
patients classés à risque modéré et faible peuvent être pris À l'horizon 2020, la BPCO va représenter la 3e cause de
en charge au cabinet de ville.
mortalité dans le monde. Cette maladie est source d'une
L'odontologiste doit s'informer des traitements en cours
importante morbi-motalité. Le terme de BPCO se réfère
(antituberculeux) afin d'éviter t o u t e interaction médica-
menteuse lors d'une éventuelle prescription ou d'un geste à un état pathologique caractérisé par une limitation
invasif. chronique des débits aériens et le plus souvent une accé-
Respect strict de la chaîne d'asepsie lération du déclin du VEMS. D'autres pathologies bron-
- Port de gants, casaque, masque et lunettes de protection chiques ou pulmonaires qu'il convient d'exclure du
pour le personnel, travail à 4 mains. domaine des BPCO (mucoviscidose, dilatation des bron-
Utilisation de matériel jetable et instrumentation à usage
ches, sténoses trachéales) sont susceptibles au cours de
unique (aspiration chirurgicale, pompe à salive, embouts
seringue air eau...). Rappelons ici que des masques spécifi- leur évolution de comporter une limitation chronique
ques seront portés par t o u t e personne en contact avec le des débits aériens. Le domaine des BPCO inclut donc en
malade. Ces masques répondent à des exigences techni- première approche :
ques et à des normes spécifiques. La norme européenne
-les formes obstructives de bronchopathies chroniques,
définit trois niveaux de protection tenant compte de deux
le syndrome ventilatoire obstructif étant défini par un
paramètres : le niveau de filtration et de son étanchéité au
visage. Seule la norme FFP2 est recommandée en cas de VEMS inférieur à 80 % de la valeur théorique avec dimi-
contamination massive ou de tuberculose à bactéries mul- nution du rapport VEMS/CV ;
tirésistantes. - les emphysèmes ;
Ventilation du cabinet : le vecteur principal de la maladie - certaines formes chroniques intriquées d'asthme compor-
est l'air contaminé, une climatisation mal réglée (recir-
tant une symptomatologie proche de la bronchite chroni-
cutation et dissémination, pas de filtres spécifiques) peut
que (formes frontières).

327
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologie respiratoire

1 - La bronchite chronique d'une infection asymptomatique ou de la colonisation bac-


térienne dans l'évolution des BPCO est possible.
Elle se définit par l'existence d'une toux chronique, pro- Dans notre discipline, les maladies parodontales consti-
ductive, 3 mois par an, au moins 2 années consécutives, tuent à ce titre des réservoirs importants de micro-orga-
sans individualisation d'autres causes de toux chronique. nismes. Les patients recevant des soins médicaux intensifs
et les personnes âgées institutionnalisées constituent des
2 - L'emphysème populations à risque car la mauvaise hygiène buccale, la
Il se définit par un élargissement anormal et permanent perte d'autonomie et une santé bucco-dentaire déficiente
des espaces aériens au-delà des bronchioles terminales, constituent des facteurs supplémentaires de vulnérabilité
associé à une destruction des parois alvéolaires sans médicale vis-à-vis des infections respiratoires. La présence
fibrose pulmonaire. Le rare déficit en alpha α 1-antitryp- de nombreux pathogènes pulmonaires abrités au sein de
sine (α1-AT) constitue le seul facteur de risque génétique la plaque dentaire peut atteindre les voies aériennes tho-
identifié de BPCO, mais n'est responsable que d'une très raciques (pénétration broncho-pulmonaire) et entretenir
faible proportion des emphysèmes. ou exacerber une BPCO.
Le tabagisme est la principale cause, responsable de 80 à
90 % de la BPCO. L'arrêt de l'intoxication permet de réduire Dans notre spécialité, de nombreux aérosols contami-
la morbidité et la mortalité. La pollution atmosphérique, de nants (spray turbine, fraisage des prothèses en résine
méthacrylate de méthyle, poussières métalliques de
nature chimique et particulaire, pourrait avoir un effet favo-
cobalt, chrome, et nickel) peuvent constituer par
risant le déclenchement des exacerbations de BPCO. Le rôle
ailleurs des catalyseurs aggravant un état ventilatoire
de l'infection dans la genèse d'une exacerbation n'est pas
précaire.
démontré le plus souvent. Néanmoins, le rôle possible

Conduite à tenir en odontologie


La prise en charge en odontologie d'un tel patient impose un bilan initial par le pneumologue (diagnostic des anomalies fonc-
tionnelles avec mesure du souffle : spirométrie, pléthysmographie, gaz du sang, degré de sévérité et pronostic). L'interrogatoire
et l'examen clinique (mesure du DEP) constituent un préalable indispensable. L'odontologiste doit également s'assurer que son
patient bénéficie d'une surveillance régulière par le spécialiste pneumologue (adaptation des traitements, aggravation de la
pathologie). Les patients sont classés en différents stades de sévérité de BPCO selon leur VEMS ; cette classification simple et
facile à utiliser a le mérite de constituer un excellent indicateur de prise en charge du patient soit au cabinet de ville ou à défaut
en milieu hospitalier (tab. 36.6).
Les malades atteints de BPCO souffrent fréquemment de troubles de sommeil, d'anxiété et de dépression. Les soins odonto-
logiques doivent viser à l'élimination des foyers infectieux dentaires et parodontaux potentiels pouvant être à l'origine d'exa-
cerbations de BPCO. Les séances de soins conservateurs seront courtes de préférence, menées sur un sujet installé en position
demi-assise, ce qui améliore le confort du patient sur le plan ventilatoire. En endodontie, la mise en place de la digue est contre-
indiquée. La chirurgie buccale sera programmée sous couvert d'un bilan biologique récent (NFS et hémostase) et sous prémé-
dication sédative en favorisant les agents antihistaminiques non dépresseurs respiratoires (hydroxyzine). Ainsi les benzodiazé-
pines et les barbituriques seront proscrits. La surveillance peropératoire du patient s'effectue cliniquement (dépistage de la
cyanose des téguments et mesure permanente de la saturation de l'hémoglobine en oxygène grâce à un oxymètre de pouls).
La multiplicité des actes chirurgicaux à réaliser privilégiera une prise en charge hospitalière sous monitorage cardio-pulmonaire
et hospitalisation de très courte durée. Dans tous les cas, le matériel d'oxygénation est à portée de main. L'administration d'O 2
par les lunettes nasales à 3 litres/minute est systématique chez ces patients.
Les prescriptions médicamenteuses antalgiques doivent préconiser des agents médicamenteux les moins dépresseurs respira-
toires. Les médications contenant des morphiniques seront également à manier avec beaucoup de prudence en raison de leurs
effets dépresseurs respiratoires.

Tableau 36.6 Modalités de prise en charge du patient ayant une BPCO selon le VEMS

Classification de degré d'obstruction bronchique selon le VEMS Modalités de prise en charge


Obstruction bronchique modérée : VEMS > 50 % et < 80 % de la valeur théorique . cabinet de ville

Obstruction bronchique modérément sévère : VEMS < 50 % et > 35 % de la valeur théorique hospitalière

Obstruction bronchique sévère : VEMS < 35 % de la valeur théorique hospitalière

328
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329
Pathologies rénales
Roseline DUCLOS

née dans le tube proximal, tout comme les molécules liées


Les situations d'urgence médicales en odontologie sont
aux protéines non filtrables.
essentiellement dominées par les problèmes infectieux
La situation anatomique des tubes rénaux explique la fra-
et la douleur. La prescription d'antibiotiques et d'antal-
giques est de règle. Le statut médical du patient peut gilité de ces structures, fragilité liée à la diminution du gra-
obliger à des précautions en raison de la toxicité rénale dient cortico-papillaire. Si le cortex rénal est bien vascula-
de certaines molécules qui sont responsables de 20 à risé et riche en oxygène, la médullaire l'est beaucoup
40 % des insuffisances rénales aiguës hospitalisées. moins, et la moindre « agression » ischémique dans ce sec-
teur est responsable de lésions tubulaires.
L'agression ischémique délétère de certaines molécules :
I - Mécanismes de l'insuffisance aminosides, AINS peuvent être responsables d'une IRA
prérénale ou fonctionnelle caractérisée par sa survenue
rénale aiguë rapide chez un sujet à fonction rénale normale avant la
Ils sont liés à la situation fonctionnelle du rein et à l'agres- prise médicamenteuse.
sion ischémique des traitements. Les IRA se caractérisent dans ce cas par des modifications
Lors d'une insuffisance rénale aiguë, tous les éléments du anatomiques et physiologiques du rein, consécutives à
néphron peuvent être touchés : les glomérules, responsa- l'ischémie, qui portent sur tous les éléments du
bles de la filtration et de la diffusion des molécules dont parenchyme : vasoconstriction artérielle, desquamation
le PM est inférieur à 70 000, le tubule, qui intervient dans des cellules tubulaires et obstruction des tubules. Il est
la réabsorption et la sécrétion, et, enfin, l'interstitium et probable que l'atteinte hémodynamique vasculaire
les vaisseaux. n'explique pas à elle seule les modifications anatomo-phy-
La situation fonctionnelle du rein, qui reçoit 20 % du débit siologiques, mais qu'un phénomène plus complexe asso-
cardiaque par minute, permet d'importants échanges ciant des anomalies biochimiques cellulaires et immuno-
entre le sang et le tissu rénal du fait de la grande surface logiques est en jeu.
de l'endothélium. 20 % des substances circulantes sont La diminution du FSR (flux sanguin rénal) et sa conséquence,
liées aux protéines filtrées par le glomérule, et arrivent la diminution de la FG (filtration glomérulaire), et la perte de
ainsi au contact du tubule. Une partie des constituants de son autorégulation dépendent des résistances vasculaires
l'urine primitive peut être réabsorbée, et s'accumule alors intra-rénales, aggravées dans un second temps par l'aug-
dans l'interstitium et dans les cellules tubulaires de la mentation de la pression intra-tubulaire liée à l'obstruction
médullaire. Une autre fraction des médicaments est élimi- des tubules par les cellules nécrosées (fig. 37.1).

331
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologies rénales

Néphropathie d'origine
médicamenteuse

Néphropathie Néphropathie
tubulo-interstitielle glomérulaire

Toxicité aiguë Réaction Toxicité chronique


Réaction immunitaire
(dose -dépendance) d'hypersensibilité (dose -dépendance)
(indépendante de
(indépendante de
la dose absorbée)
la dose absorbée)
Phénacétine -
Aminoglucosides Antibiotiques association médica- Or
céphalosporine allopurinol menteuse contenant D-Pénicilline
sulfamides diurétiques AINS de la phénacétine IEC-AINS

Insuffisance rénale Néphropathie Néphropathie Glomérulopathie


aiguë interstitielle aiguë interstitielle chronique avec un syndrome
néphrotique et
protéinurie (glomé-
rulonéphrite extra-
membraneuse)

Figure 37.1 Népghropathies médicamenteuses : (Kuhlmann et al. 1998).

Il - Tableaux cliniques Outre ces éléments, il convient de prendre en compte


l'environnement médicamenteux instauré pour d'autres
des néphropathies aiguës iatrogènes pathologies e t / o u situations médicales associées (insuffi-
Ils ont peu de spécificité et présentent schématiquement sance cardiaque, hypertension artérielle...).
les mêmes caractéristiques de l'IRA en général.
L'IRA a le plus souvent pour traduction clinique une oligurie,
une rétention hydrosodée avec œdèmes et une hypertension III - Précautions à prendre
artérielle. Biologiquement, elle s'exprime par une élévation de
la créatinémie, mais la valeur de ce paramètre est restrictive
lors de la prescription
car l'âge et la masse musculaire ne sont pas pris en compte. Le de médications néphrotoxiques
meilleur reflet de la fonction rénale est la clairance à la créa-
Elles sont fonction du statut médical du patient.
tinine, qui est donnée par la formule de Cockroft :
- Le patient jeune ou adulte sans antécédent notable, ne
(140 - âge) x poids (kg) nécessite pas de surveillance particulière de la FR tant
Hommes = pour les antibiotiques que pour les antalgiques. Cepen-
Créatinémie micromol/L
dant, un état de déshydratation relative induit par la fiè-
(140 - âge) x poids (kg) x 1,25 vre, l'absence d'alimentation, peut être responsable
Femmes = d'une insuffisance rénale fonctionnelle et justifie alors, a
Créatinémie micromol/L
minima, un dosage de la créatinémie préalable ou en
Si la néphrotoxicité de certains médicaments, les anti- cours de prescription.
biotiques, les aminosides en particulier, les antimitoti- - Une attention particulière sera portée aux cas suivants :
ques, les AINS, est bien documentée, il faut néanmoins, - le sujet adulte porteur de pathologies associées : dia-
pour imputer licitement la responsabilité d'une insuffi- bète, HTA, atteinte vasculaire diffuse, cirrhose décom-
sance rénale à un médicament, tenir compte : pensée, insuffisance rénale modérée, e t / o u traité par
- de la fonction rénale antérieure (si elle est connue) ; IEC, diurétiques, immunosuppresseurs, AINS... Préférer
- de la chronicité des événements ; les AINS à demi-vie courte (tab. 37.1).
- de la dose toxique du médicament ; - le sujet âgé physiologiquement « insuffisant métaboli-
- de la durée de l'exposition.
que», en particulier au plan rénal du fait de la réduction

332
néphronique liée à l'âge, la diminution de la capacité Tableau 37.3 Stades d'insuffisance rénale en fonction de la clai-
d'excrétion, la baisse du taux de liaison des médica- rance à la créatinine
ments aux protéines plasmatiques par diminution de
Clairance Créatinine
l'albumine. créatinine plasmatique
Ces deux dernières catégories de patients justifient un en m L / m n en m i c r o m o l e / L
bilan rénal préalable et une surveillance de la FR en cours
IR débutante 60-100 100-150
de traitement (tab. 37.2).
Cas particulier de l'insuffisant rénal chronique sévère e t / o u IR modérée 30-60 150-300
hémodialysé. Ce patient doit faire l'objet d'une évaluation IR sévère 15-30 300-600
de la situation clinique et biologique. Car les précautions
IR évoluée 10-15 600-800
d'emploi d'une médication néphrotoxique qui nous sont
IR terminale < 10 >800
données par la littérature sont fondées sur le niveau de clai-
rance < 30 mL/min. Ce seuil est trop général en raison des
variations inter et intra-individuelles, entre les posologies
utilisées et les taux plasmatiques des produits. Ces varia- 1 - Précautions lors de la prescription
tions sont fonction de la technique et du rythme des épu- des antibiotiques
rations extra-rénales (jours sans dialyse et jours de dialyse),
de l'association aux autres traitements, des pathologies En dehors des béta lactamines qui restent les molécules de
associées telle l'hépatite B responsable d'une insuffisance choix et des macrolides, tous les antibiotiques peuvent
hépatique qui modifie la synthèse du médicament, sans altérer la FR lorsqu'ils sont prescrits dans des situations
omettre le cas du patient transplanté sous Ciclosporine. défavorables précédemment décrites.
Face à un problème infectieux, si les données de l'antibio-
gramme exigent l'utilisation d'antibiotiques autres que les
Essentiel : chez ces patients un contact préalable avec
Bêta lactamines, la préconisation d'une dose unique quo-
l'équipe de néphrologie ayant en charge le malade est indis-
pensable. tidienne en début de traitement est actuellement la règle.
La posologie sera calculée avec précision en fonction de
la formule de Cockroft.
Certaines molécules en dehors de leur néphrotoxicité ont Les posologies de suivi seront alors définies en fonction
d'autres effets indésirables en particulier ototoxiques et du dosage de la créatinémie et de la concentration plas-
vestibulaires (Aminosides) qui contribuent chez ces matique de l'antibiotique prescrit, ainsi que l'intervalle des
patients à une altération majeure de la qualité de vie. prises ultérieures.

Tableau 37.1 Demi-vie de quelques AINS


2 - Les antalgiques
Demi-vie courte 2à Ibuprofène, Kétoprofène,
6h diclofénac...
La douleur est quasi constante dans les situations
Demi-vie intermédiaire 12 à Naproxène... d'urgence en pathologie dentaire. Il s'agit le plus souvent
18 h d'une douleur par excès de nociception, mais l'existence
d'une douleur neuropathique antérieure (névralgie du V,
Demi-vie longue Phénylbutazone, piroxicam...
douleur post-extraction, post d'un traitement d'un can-
cer ORL...) peut être aggravée par la situation aiguë.

Tableau 37.2 Substances aggravant l'insuffisance rénale aux AINS


Préalablement à l'application d'un traitement antalgique,
- IEC - diurétiques une évaluation qualitative rigoureuse de la douleur par les
- Antibiotiques : céphalosporines - aminosides - sulfamides outils QDSA et DN4, une évaluation quantitative à l'aide
- Anti-viraux : aciclovir - foscarnet -...
d'une EVA (échelle visuelle analogique) ou EN (échelle
- Antimitotiques : CDDP - carboplatine - mitomycine (CCNU) -
ifosfamide - Spretozotocine - Métrotexate à forte dose - numérique), un interrogatoire et un examen clinique
5 FU si associé à acide folinique détermineront le type de la douleur.
- Produits de contraste iodés - -Le traitement de la douleur par excès de nociception
- Anticalceurines : ciclosporine obéit à la stratégie et aux règles de prescription des

333
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologies rénales

paliers de l'OMS. L'évaluation quantitative régulière per- 1000


met d'adapter les posologies ou de changer de palier en
MORPHINE-6-GLU CURONIDE
utilisant si besoin les opioïdes forts.
-Le traitement de la douleur neuropathique, celle-ci
caractérisée par un profil évolutif particulier pouvant 100
être majorée par les événements locaux agressifs. Elle
associe classiquement une composante de fond à type
de brûlure, élancements, et une composante paroxysti-
que: décharges électriques, coups d'aiguille. Le traite- 10
ment de référence reste l'utilisation des tricycliques à
petites doses e t / o u d'anti-épileptiques. L'utilisation de
l'Amitryptylline en gouttes permet une délivrance de la
posologie efficace de 5 à 10 gouttes par jour en début de
traitement. Récemment, un anti-épileptique de 2 e géné- 0 4 8 12 16 20 24

ration la Prégabaline possède l'AMM pour toutes les dou- Temps (heures)

leurs neuropathiques. Les posologies initiales peuvent Volontaires sains M6/M Non IR IR
(1107 pts) (56 pts)
débuter à 25 mg 2 x/jour. Les posologies de cette der- Transplantés rénaux V orale 4,9 23,9
nière molécule qui peuvent atteindre 600 mg/jour Patients dialysés IV 0,9 7,6
seront réduites en cas d'IR.
La néphrotoxicité des antalgiques n'a été observée Figure 37.2 D'après Osborne et al. 1993.
qu'avec la Phénatine au long cours (IRC) qui est depuis reti-
rée du marché, et aujourd'hui avec les AINS Anticox 1 et
Anticox 2, largement utilisés dans les situations d'urgence
en chirurgie dentaire ou autre.
La survenue d'une IRA liée aux AINS peut apparaître dans - La Buprénorphine dont le métabolisme et l'élimination
les conditions décrites précédemment avec les antibioti- se font au niveau hépatique, mais dont l'utilisation est
ques et nécessite les mêmes précautions d'emploi. freinée par un double effet, un effet plafond, qui limite
Il n'y a pas de toxicité rénale des opioïdes, cependant l'augmentation des doses, et un effet agoniste partiel
chez le patient porteur d'une IRC ou développant une mu- antagoniste k, qui perturbe son remplacement par un
IRA en cours de traitement, la prescription d'opioïdes autre opioïde. Par ailleurs, lors d'une dépression respira-
peut induire une accumulation des métabolites actifs toire, l'antagonisme par naloxone est difficile à obtenir ;
(ex de la M6G avec la morphine) ; avec signes de surdo- - Le Fentanyl, d'action immédiate : Actiq mais l'AMM dans
sage qui débute toujours par une somnolence non sti- cette médication n'est pas obtenue et est contre-
mulable. indiquée en présence de lésion buccale.
Dans ce cas, les modalités de traitement sont :
-titration de la posologie d'opioïdes forts ;
3 - Exemples de traitement
-privilégier les formes orales à libération immédiate de
sulfate de morphine ou d'oxycodone ; Après échec des paliers I et II ou d'emblée devant une dou-
- débuter à petites doses qui peuvent être de 2 à 3 mg pour leur intense, les propositions d'une titration initiale peu-
une IRC/HD ; vent être les suivantes :
- l'intervalle de prise sera fonction des résultats de l'éva- - prescription de sulfate de morphine à libération immé-
luation de la douleur ; diate;
-se méfier de l'accumulation retardée de M6G pouvant - durée d'action 4 heures chez sujet normal ;
apparaître 5 à 6 jours après le début du traitement chez - exemple : Oxynorm ;
ces patients IR. - solution buvable gouttes ;
Classiquement en France, deux opioïdes forts sont les - flacon 20 m / m L ou récipient unidose de 10 mg ;
mieux adaptés, en théorie, au statut d'IR : -1 goutte = 1,25 mg de morphine.

334
1. Sujet à fonction rénale normale 2. Cas cliniques
a. • Sujet métaboliquement « fragile »

EVA = 6 TO
TO 5 mg (4 gouttes) Oxynorm

Évaluation régulière de la douleur T6 T4


pour définir les intervalles de prise
EVA = 0

14 Idem EVA = 5
mais si douleur absente et effets indésirables : Même posologie que TO
T8 Baisse posologique de 50 %

Douleur = 0
Somnolence
Attendre réappparition douleur - réduire posologie de 50 %
qui déterminera l'intervalle de prises

b. • Sujet IRC sévère e t / o u HD

EVA = 6 TO
TO Oxynorm = 5 mg = 4 gouttes

2 gouttes Oxynorm = 2,5 mg

Attendre la réapparition de la douleur pour définir l'intervalle de prise


Récidive douloureuse à moins de 4 h
EVA = 5
Une posologie stable peut être rapidement obtenue,
T3 Posologie initiale trop faible
50 % prochaine prise mais certains événements ponctuels douloureux, peu-
Oxynorm = 7,5 mg
Donner la dose secours = 1/10 dose des 24 h vent justifier des doses de secours dont la posologie
= 5 gouttes
= 3 mg soit 2 à 3 gouttes
T4 sera du 1/10 e de la dose de base des 24 h

Figure 37.3 Exemples de traitement.

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335
Pathologies hépatiques
Yves BOUCHER

La prévention repose sur la vaccination et sur l'administra-


Le foie est un organe essentiel dont les pathologies
tion de sérum anti HAV dans un délai de deux semaines
peuvent affecter les soins médicaux et dentaires. La plu-
après l'exposition.
part des dysfonctionnements hépatiques sont dus au
mode de vie et à des maladies dont les principales sont Les personnes considérées comme à risque (voyageurs
les hépatites, l'hémochromatose, la cirrhose et le carci- internationaux, consommateurs de drogue, sujets à affec-
nome hépatocellulaire. La porphyrie hépatique, autre tion hépatique chronique, et sujets à risque professionnel)
affection gravissime susceptible d'interférer avec nos devraient être vaccinées.
traitements sera traitée dans ce chapitre.
1.2 - L'hépatite B

I - Principales affections hépatiques Important ! Elle est causée par un virus à ADN (HVB) trans-
mis le plus souvent lors des contacts sexuels, prise de dro-
gue par voie intraveineuse et transfusion de sang ou pro-
1 - Les hépatites duits sanguins.
II en existe plusieurs formes selon l'agent causal qui peut
être infectieux ou non. Les causes non-infectieuses les
L'antigène HbSAg du virus est détectable dans la salive de
plus fréquentes sont l'alcool, certains médicaments et
sujets infectés.
drogues. Les virus et les bactéries sont des facteurs étio-
logiques fréquents. On distingue des : Les professionnels de santé, et en particulier les chirur-
- hépatites primaires telles que l'hépatite virale ou toxique giens-dentistes, ont un taux d'infection de HBV trois à
(médicamenteuses, drogue, etc.) ; cinq fois plus élevé que la population générale.
-hépatites secondaires qui sont des séquelles d'autres
maladies telles que la mononucléose, la syphilis ou la Le virus de l'hépatite B est 50 à 100 fois plus infectieux que
tuberculose. celui du SIDA. Le diagnostic de l'hépatite B est réalisé par
analyse génétique de l'ADN de HBV et la sérologie.
1.1 - L'hépatite A Les symptômes de l'hépatite B sont semblables à ceux de
Elle est provoquée par un entérovirus (HAV) dont la trans- l'hépatite A. Les jeunes infectés par HBV ont un risque plus
mission se fait principalement par voie orofécale. La élevé de développer une hépatite B chronique et un car-
contamination se fait par contact avec une personne infec- cinome hépatocellulaire. Environ 90 % des adultes infec-
tée, un voyage dans une région endémique, l'ingestion d'eau tés par HBV se rétablissent sans séquelles ; 5-10 % des
ou de nourriture souillée. L'hépatite A n'entraîne en général patients développeront une hépatite chronique avec des
que des effets limités et non spécifiques. La maladie est en complications comme la cirrhose et le carcinome hépato-
général asymptomatique jusqu'à six ans. Chez les adultes, cellulaire.
l'infection peut se présenter sous forme de fièvre, fatigue, La prévention repose sur la vaccination qui induit une réponse
malaise abdominal, diarrhée, nausée, e t / o u ictère. Le dia- immunitaire efficace dans la majorité des cas. En cas d'expo-
gnostic est posé d'après les signes cliniques les tests sition à HBV chez le sujet non immunisé, l'administration de
sérologiques : la présence d'IgM anti-HAV signe une infec- globuline immunisée de l'hépatite B (hepatitis B immune glo-
tion récente tandis que la présence d'IgG anti-HAV reflète bulin) peut apporter une protection après l'exposition. La vac-
une infection ancienne ou une immunité à long terme. Le cination systématique lors de l'enfance est toujours discutée
risque de contamination nosocomiale est faible. par rapport à une vaccination sélective des sujets à risque.

337
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologies hépatiques

HBV qui peuvent alors développer une infection fulmi-


Le traitement repose sur l'utilisation d'antiviraux tels
nante grave. La transmission du virus HVD peut se produire
que tels que l'interféron, la lamivudine, le famciclovir et
l'adefovir. par l'intermédiaire de sang infecté ou de produits du sang.
Elle est principalement observée chez les utilisateurs de
drogue intraveineuse et chez les hémophiles. Le virus HDV
1.3 - L'hépatite C
peut également être transmis par voie sexuelle. Le dia-
Le virus de l'hépatite C (HCV) est un flavivirus sanguin à gnostic est sérologique. La prévention contre HBV protège
ARN. Les sujets à risque accru sont les hémophiles, les contre l'infection par HDV. Il n'existe pas à l'heure actuelle
dialysés, et les consommateurs de drogues par voie IV. de traitement contre l'infection HDV.

La transmission par le sang a été réduite ces dernières 1.5 - Hépatite E


années grâce à la sélection des donneurs et le dépistage Le virus de l'hépatite E (HVE) est un virus à ARN très insta-
du virus dans les échantillons sanguins. Outre la voie san- ble à transmission orofécale comme le HVA. La principale
guine directe, le virus peut être également transmis par source de contamination est l'eau de boisson souillée dans
voie sexuelle et périnatale. Le HVC a été également les pays à conditions sanitaires insatisfaisantes. Les symp-
détecté dans la salive. 85 % des patients porteurs du virus tômes habituels de la maladie sont : malaise, nausée, dou-
HCV développeront une hépatite chronique qui est la leur abdominale, e t / o u fièvre. L'infection est habituelle-
cause principale de cirrhose et de carcinome hépatocellu- ment autolimitante bien qu'il y ait des cas d'hépatite
laire. fulminante et des formes chroniques. Chez les femmes
L'infection aiguë par HCV se traduit habituellement par des enceintes infectées par HVE, le risque d'hépatite fulmi-
signes ressemblant à ceux d'une grippe modérée, alors que nante est plus élevé. Il n'existe pas de vaccin ; le traitement
les manifestations de la maladie chronique sont variables. est uniquement palliatif.
Les patients peuvent présenter des symptômes non spécifi-
ques tels que fatigue, nausée, e t / o u douleur abdominale. 1.6 - Hépatite G
L'infection chronique par HCV est normalement une maladie Le virus de l'hépatite G (HVG) est un virus à ARN dont il
lente et progressive qui peut ne produire que peu ou même existe deux formes très semblables qui ressemblent au
aucun symptôme longtemps après l'infection. Certains virus HCV. HVG est transmis par le sang et les produits de
patients développent une infection chronique sans domma- sang, ainsi que par voie sexuelle et contact périnatal. En
ges hépatiques significatifs alors que d'autres sont atteints raison du mode de transmission, HVG peut être trouvé en
rapidement de cirrhose du foie et peuvent développer un association avec d'autres virus d'hépatite, particulière-
carcinome hépatocellulaire. Les facteurs qui peuvent affec- ment HVC. Les individus à risque sont les sujets greffés et
ter la progression de la maladie sont l'âge, le genre, l'abus transfusés, les utilisateurs de drogue IV, les dialysés, et les
chronique d'alcool, et la charge virale lors de l'exposition. La personnes exposés au sang et aux sujets infectés par HVC
maladie semble être plus agressive chez les patients infectés dans le cadre de leur travail. Le diagnostic est basé sur la
par le VHC après 40 ans et peut être plus progressive chez détection de l'ARN de HVG dans le sérum 1 à 4 semaines
les hommes que les femmes. Les patients VHC alcooliques après l'infection. La présence d'anticorps anti HVG indique
ont plus de risque de développer une cirrhose que les autres. une infection. Bien que le taux de rémission soit faible, les
risques de dommages significatifs du foie semblent faibles,
Le traitement repose sur une combinaison d'interféron même avec une virémie persistante.
et de ribavirine dont les effets indésirables habituels
sont nausée, fatigue, et malaises. Les effets indésirables 1.7 - Hépatite auto-immune
graves du traitement sont anémie hémolytique, leuco- C'est une maladie inflammatoire chronique affectant des
cytopénie, et thrombocytopénie. Les patients en stade sujets génétiquement susceptibles. L'hépatite auto-
terminal de la maladie peuvent être traités par greffe de
immune se caractérise par une hypergamma-globulinémie
foie.
IgG, qui peut être due à des infections chroniques ou à des
altérations de la réponse immunitaire. L'hépatite auto-
1.4 - L'hépatite D immune peut entraîner une cirrhose du foie. Les traite-
Le virus de l'hépatite D (HVD) est un virus à ARN pouvant ments reposent sur l'utilisation de corticostéroïdes éven-
coïnfecter ou surinfecter les sujets atteints par le virus tuellement associés à l'azathioprine en cas d'échec.

338
1.8 - Hépatite fulminante mentation du collagène hépatique total, d'autres protéines
C'est un dysfonctionnement hépatique soudain et grave matricielles qui endommagent la structure et la fonction.
qui peut mener à une nécrose hépatocellulaire et une Le traitement habituel des patients cirrhotiques repose
encéphalopathie. Les signes cliniques de l'hépatite fulmi- sur la suppression de la cause et l'utilisation d'antiviraux.
nante sont : ictère, hépatomégalie, une sensibilité hépati- En cas de cirrhose terminale, la transplantation hépati-
que lors de l'étape inflammatoire. Au fur et à mesure de la que peut est le traitement de choix pour les patients
nécrose, le foie devient atrophique et moins palpable. Les compatibles dans la limite d'organes disponibles.
enzymes hépatiques, la bilirubine, le temps de prothrom-
bine, et le temps partiel de thromboplastine sont élevés,
alors que l'hémoglobine et l'hématocrite diminuent. Le 4 - Carcinome hépatocellulaire
pronostic de l'hépatite fulminante est mauvais, et le trai- Le carcinome hépatocellulaire est le cancer hépatique pri-
tement de choix est la transplantation. maire le plus fréquent, le sixième en termes de prévalence
cancéreuse chez l'homme, et le onzième chez la femme.
C'est une affection dévastatrice avec des taux de survie à
2 - Hémochromatose cinq ans situés aux environs de 2 %. Les facteurs étiologi-
L'hémochromatose est une maladie héréditaire due à un ques les plus fréquents sont les infections par HBV et HCV.
défaut du métabolisme du fer entraînant une malabsorption Le traitement est chirurgical si la tumeur est resécable, ce
du fer et des dépôts dans le foie, le pancréas, le coeur, les qui n'est pas souvent le cas en raison de la proximité de
reins, et d'autres organes. Cette accumulation ferrique peut structures anatomiques vitales, de métastases, ou d'autres
entraîner diabète, cardiomyopathie, et cirrhose diabétique. co-morbidités. Même après résection, un foie cirrhotique
Les sujets peuvent également présenter une hépatomégalie peut mal se régénérer, ce qui constitue un risque d'insuffi-
et hyperpigmentation, particulièrement dans le visage, le sance hépatique et de récurrence tumorale.
cou, les avant-bras, et les jambes. La sévérité de l'affection
dépend de facteurs génétiques et environnementaux, tels
que la prise de fer, le don de sang et la perte de sang phy- Il - Manifestations orales
siologique. Des femmes sont affectées à un âge supérieur
aux hommes. Il existe une association entre hémochroma- des affections hépatiques
tose et carcinome hépatocellulaire, plus forte chez les
Les principaux signes buccaux de troubles hépatiques
patients présentant hémochromatose et cirrhose du foie.
sont des changements hémorragiques, pétéchies, héma-
L'exploration des membres de la famille est indiquée en cas tomes, discolorations muqueuses, saignement gingival,
de diagnostic de carcinome hépatocellulaire. glossite...
Le traitement de l'hémochromatose repose sur la diminu-
tion du fer sérique et le monitorage régulier des paramè- L'apparition d'ecchymose et une cicatrisation retardée
tres sanguins (hémoglobine, hématocrite, ferritine). après chirurgie s'observent également ainsi que dans cer-
tains cas, une augmentation du volume parotidien.
Ces changements oraux apparaissent le plus souvent en
3 - Fibrose hépatique
combinaison avec des signes et symptômes généraux de
La fibrose hépatique et son stade terminal, la cirrhose, l'affection hépatique tels que : fatigue, malaise, confusion,
sont un problème de santé publique majeur. perte de poids, nausée, vomissement, hépatomégalie, chan-
gements hémorragiques, angiomes arachnéens, œdème,
Le remplacement de la structure hépatique normale par du ascite, urine foncée, et selles claires.
tissu fibreux perturbe l'hémodynamique et la fonction de
filtration hépatique des hépatocytes. Les facteurs étiologi- 1 - Implications en odontologie
ques les plus fréquents de la cirrhose sont l'hépatite B,
l'hépatite C, et la consommation excessive d'alcool. Les troubles hépatiques ont de nombreuses implications
pour les patients nécessitant des traitements dentaires
D'autres facteurs sont incriminés : désordres auto-immuns,
(tab. 38.1). Les principales sont les troubles de l'hémostase
anomalies génétiques et stéatohépatite non alcoolique. La
et la modification de la toxicité des médicaments.
fibrose et la cirrhose du foie sont caractérisées par une aug-

339
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologies hépatiques

Tableau 38.1 Facteurs principaux pour une gestion adaptée des d'encéphalopathies provoquées par des sédatifs et des
patients à la maladie hépatique opioïdes ont été rapportés.
Les médicaments à métabolisme hépatique doivent être
• Anamnèse médicale et orale : antécédents et état actuel
• Entretien ou adressage du patient au médecin traitant avant prescrits avec prudence et notamment le paracétamol,
tout traitement dentaire les AINS, la phénytoïne, l'acide valproïque et certains sul-
• Examens de laboratoire : famides.
- NFS, hématocrite, numération plaquettaire
- TCA
- INR, TP Important ! Les anesthésiques locaux doivent être adminis-
-TS trés avec précaution chez les patients à fonction hépatique
- Tests hépatiques fonctionnels (transaminases, gamma GT...) affaiblie.
- Autres si nécessaires
• Utilisation judicieuse ou évitement des médicaments
prophylactiques ou curatifs métabolisés dans le foie e t / o u qui La plupart des amides sont principalement métabolisés
altèrent l'hémostase : dans le foie et peuvent donc atteindre les niveaux toxi-
- Antalgiques (paracétamol, AINS, opioïdes) ques avec les doses inférieures à la normale. L'articaïne et
- Anesthésiques : la prilocaïne ont cependant d'autres sites de transforma-
- Locaux (amides)
tion, respectivement le sang et les poumons.
- Généraux (halothane)
Les doses et les interactions possibles devraient être dis-
- Antibiotiques (ampicilline, tétracyclines)
- Anti-aggrégants plaquettaires (aspirine) cutées avec le médecin traitant.
- Sédatifs (benzodiazépines d'action longue, barbituriques) Dans certains cas, des dosages plus faibles de médicaments
• Réduction des traumatismes infligés aux tissus mous lors des sont nécessaires tandis que pour d'autres (érythromycine,
traitements dentaires
métronidazole, tétracyclines), ils devraient être proscrits.
• Prise en charge hospitalière des patients nécessitant des chirurgies
Les AINS doivent être employés avec précaution en raison
importantes ou présentant des coagulopathies sévères
de la majoration du risque de saignement, d'interférences
gastro-intestinales et de l'équilibre hydrique.
La prophylaxie avec un antagoniste des récepteurs à hista-
mine ou un antiacide peut être administrée pour prévenir
Il est particulièrement important de recueillir les histoires
la gastrite et le saignement gastro-intestinal.
médicale et dentaire complètes, y compris des questions
concernant l'hépatite, l'ictère, le cancer, les troubles auto-
immuns, HIV/SIDA, les antécédents chirurgicaux, fami-
liaux, les médicaments pris, la consommation d'alcool, de
drogue, l'histoire sexuelle et la tendance au saignement 27. III - Porphyrie
Il est fortement recommandé de prendre contact avec le
médecin traitant ou l'hépatologue pour discuter les
1 - Définition
détails de l'affection hépatique et les instructions relatives
au traitement dentaires. Les porphyries héréditaires sont des maladies généti-
Assez souvent, les affections hépatiques entraînent une ques caractérisées par l'accumulation et l'excrétion
diminution des facteurs de coagulation plasmatique qui accrue de porphyrines et de leurs précurseurs toxiques.
imposent une évaluation soigneuse de l'hémostase avant
tout traitement (voir chapitre 31). En cas de constantes bio- Elles sont la conséquence d'un déficit d'une des enzymes
logiques anormales, il est suggéré de prendre contact avec intervenants dans la biosynthèse de l'hème. La quasi-tota-
un hématologue ou un hépatologue avant de commencer lité des porphyrines de l'organisme se trouve dans l'hémo-
le traitement dentaire. Les interventions à risque seront globine. Ces déficits enzymatiques résultent tous de muta-
conduites en milieu hospitalier. tions souvent hétérogènes des gènes codants
Certains sédatifs (diazépam, barbituriques) et anesthési- correspondants. Moins de 10 % des sujets porteurs du
ques généraux (halothane) altèrent la détoxification dans gène muté présentent les signes cliniques de la maladie.
la maladie hépatique et devraient être employés avec pré- Les porphyries sont classées en deux groupes, hépatique
caution. Le métabolisme cérébral peut être modifié, et la et érythropoïétique, selon le tissu dans lequel prédomine
sensibilité aux médicaments peut augmenter. Des cas le trouble métabolique.

340
2 - Porphyries hépatiques aiguës dromique (asthénie, anorexie, insomnie), la symptomatolo-
gie clinique de la crise aiguë associe trois grands syndromes :
La crise aiguë de porphyrie est dans plus de 50 % des cas, douleurs abdominales, troubles neurologiques, e t / o u trou-
précipitée par des facteurs déclenchant environnemen- bles psychiques. Chacun peut exister isolément ou précéder
taux. Les plus fréquents sont : l'administration de médica- ou suivre les deux autres. Ils se traduisent par :
ments nécessitant pour être métabolisés une induction - douleurs abdominales (symptôme le plus fréquent) : elles
hépatique de certains cytochromes P450 (barbituriques, sont parfois si intenses qu'elles passent pour un pro-
sulfamides, œstro-progestatifs...), les régimes hypocalori- blème chirurgical ;
ques, les épisodes infectieux, toutes les situations de -tachycardie (élévation du rythme cardiaque) ;
« stress » et chez la femme, le cycle menstruel et les trai- - hypertension artérielle ;
tements hormonaux. - augmentation de l'élimination de la sueur ;
De nombreux médicaments aggravent la porphyrie en aug- - insomnies ;
mentant la synthèse de Thème ou de ses précurseurs dans -crises d'épilepsie pouvant être aggravées par la prise de
le foie. Quand le foie d'un patient porphyrique fabrique plus médicaments anti-épileptiques
d'hème, le bocage génétique de la voie enzymatique de syn- - nausées, vomissements ;
thèse conduit à l'accumulation d'hème et de ses précur- - constipation, diarrhée ;
seurs. L'hème produite au niveau du foie est principalement -signes «psychiatriques» à type d'agitation, de convul-
utilisée pour synthétiser des enzymes du cytochrome P450. sions ou d'hallucinations ;
Ainsi, quand une substance pharmacologique (médicament - atteinte de la vessie s'accompagnant d'une dysurie (diffi-
par exemple) induit la synthèse d'enzymes du CP450, il culté à uriner), d'une pollakiurie (fréquence excessive des
conduit le foie à fabriquer plus de précurseurs de l'hème, mictions) ;
d'où l'exacerbation de la porphyrie génétique. - faiblesse musculaire : en cas de prolongation de la crise, on
La plupart des substances dangereuses en cas de porphyrie peut voit surgir une faiblesse musculaire qui débute habi-
aiguë augmentent la synthèse de Thème et d'enzymes du tuellement aux épaules et aux bras. Quelquefois, on assiste
CP450 hépatique. Des tests de laboratoire permettent de à la survenue de paralysie ou d'insuffisance respiratoire.
connaître ces substances, qui peuvent différer selon le Ces symptômes s'expliquent par une atteinte système ner-
type de porphyrie. veux autonome (fonctionnement automatique) qui sem-
La prise de médicaments non autorisés peut cependant ne ble perturber les sécrétions de catécholamines (neuromé-
pas induire de crise aiguë car les crises sont souvent dues à diateurs permettant le passage de l'influx nerveux et donc
des combinaisons de facteurs (hormonaux, stress, nutrition...). des ordres).
Les individus avec une porphyrie « latente » sont moins à Dans ce contexte, la constatation d'une coloration fran-
risque que ceux qui font des crises fréquentes. Par consé- chement anormale des urines, rouge ou brun rouge doit
quent, le fait qu'un patient ait toléré tel médicament ne faire évoquer le diagnostic. Mais cet élément majeur peut
signifie pas qu'un autre va faire de même. manquer car la coloration anormale apparaît générale-
D'un autre côté, une crise qui se développe chez un ment 30 à 60 minutes après l'émission.
patient ayant pris un médicament ne signifie pas nécessai-
rement que la crise ait été causée par la substance, en rai- 3.2 - Évolution
son de l'origine multifactorielle de ces crises. À ce stade, si aucune erreur thérapeutique n'est commise,
Les porphyries sont souvent mal diagnostiquées. Le dia- l'évolution spontanée de la crise est le plus souvent favo-
gnostic se fait par des examens de laboratoire. rable, a fortiori si un traitement adapté est appliqué et les
éventuelles causes déclenchantes supprimées.
Les risques de précipiter la survenue de complications neu-
3 - Signes cliniques de la crise aiguë rologiques redoutables sont alors de trois ordres : une inter-
vention chirurgicale exploratrice intempestive, une prise en
3.1 - Début de crise charge psychiatrique abusive et plus banalement un traite-
Ils se présentent typiquement chez une femme jeune (bien ment médicamenteux inadapté de la douleur (paracétamol,
que ces maladies soient autosomiques, 80 % des malades noramidopyrine...), toutes situations qui peuvent s'accompa-
sont des femmes âgées de 15 à 45 ans) et souvent en période gner de l'utilisation de drogues inductrices dites «porphyri-
prémenstruelle. Habituellement précédée d'une phase pro- nogéniques» (médicaments interdits).

341
Prévention des urgences : situations à risques
Pathologies hépatiques

3.3 - Diagnostic biologique 5 - Dépistage des porteurs


Le diagnostic de porphyrie est très souvent évoqué dans le asymptomatiques et prévention des crises
contexte clinique décrit associé à la constatation d'urines
aiguës
foncées ou rouges. Mais le diagnostic de crise aiguë de por-
phyrie hépatique ne peut reposer que sur le dosage en Ce dépistage est évidemment primordial car il permet
urgence des précurseurs de Thème. Le profil d'excrétion des d'assurer une prévention efficace des crises aiguës en met-
porphyrines dans les selles peut permettre dans la plupart tant en garde les sujets présymptomatiques contre les fac-
des cas de différencier la PAI des autres porphyries aiguës teurs déclenchant : jeûne, alcool, infections, stress, mauvaise
(porphyrie variegata et coproporphyrie héréditaire). hygiène de vie et surtout médicaments porphyrinogéniques.
Le diagnostic devra être confirmé par la diminution de
50 % de l'activité de l'enzyme en cause en fonction de la Pour le chirurgien-dentiste, il faudra impérativement
porphyrie. Ce dosage sera effectué dans un centre de réfé- vérifier toute substance médicamenteuse avec le
rence comme le Centre français des porphyries. médecin traitant...
La liste complète des médicaments interdits est dispo-
nible sur le site Internet du Centre français des porphy-
4 - Traitement ries (tab. 38.2).
Par ailleurs, il faudra minimiser le stress au maximum
La crise aiguë de porphyrie est une urgence médicale à chez ces patients en raison de l'importance des facteurs
traiter en milieu hospitalier. Le diagnostic étant affirmé environnementaux dans le déclenchement des crises
par les taux très augmentés des précurseurs urinaires aiguës.
ALA et PBG, il faut rapidement débuter un traitement
spécifique.
Tableau 38.2 Exemples de médicaments interdits/autorisés chez
les patients porphyriques
Le but de ce traitement est avant tout de restaurer le pool
d'hème intracellulaire. Cette restauration permet de Médicaments interdits Médicaments utilisables
ramener rapidement l'activité de l'ALA synthétase à la nor- - Barbituriques - Propofol en dehors des crises
male et de baisser de façon concomitante les précurseurs - Hydroxyzine - Morphiniques,nalbuphine et
accumulés. L'administration d'hème-arginate pendant - Etomidate, kétamine naloxone
4 jours en perfusions intraveineuses permet d'obtenir une - Anesthésiques locaux - Neuroleptiques
amides (lidocaïne, - Midazolam
amélioration spectaculaire en 48 à 72 heures, tant sur un
bupivacaïne...) - Curares
plan clinique que biologique. L'efficacité de l'hème-argi-
- Paracétamol, tramadol, - Atropine
nate est d'autant plus importante qu'il est utilisé précoce- dextropropoxyphène - Adrénaline
ment. En revanche, si des complications neurologiques - Diazépam ?? - Trinitrine
sont apparues, l'hème-arginate est inefficace. - Furosémide

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343
Grossesse
Edouard COHEN

L
a santé dentaire de la femme enceinte détermine celle - risques d'avortement ;
de son enfant à venir. Pendant la grossesse, les modifi- -crampes ;
cations physiologiques ont une incidence sur sa - toutes autres complications.
« santé parodontale». En dépit des programmes de préven- En cas de doute, le praticien prendra contact avec le gyné-
tion qui insistent sur la nécessité de consultation de pré- cologue de la patiente.
vention et de conseils d'hygiène bucco-dentaire, les ris-
ques d'urgence restent fréquents. Ces urgences peuvent
être infectieuses ou inflammatoires : gingivites liées à la I - Risques au cours du t r a i t e m e n t
grossesse et qui peuvent entraîner la naissance d'enfant
prématuré ou à faible poids. Certains germes pathogènes -Vomissements : surtout les trois premiers mois. Après
localisés au niveau de la gencive peuvent traverser la bar- le jeûne de la nuit, les réserves en hydrates de carbone
rière placentaire et infecter les membranes foetales. Plu- sont réduites. Avant tout traitement dentaire, il faudra
sieurs études ont montré que le traitement parodontal que la patiente ait absorbé une dose suffisante
d'hydrate de carbones.
chez la femme souffrant de gingivite associée à la grossesse
-Syndrome d'hypotension : au cours des trois derniers
diminue le risque de naissance prématurée d'environ 70 %.
mois, la position sur le fauteuil est importante. En cas
d'hypotension, la position allongée devra être modi-
Essentiel : arrivant en urgence, une patiente enceinte doit-elle fiée. En effet, cette position provoque une compres-
être traitée comme une patiente normale sachant que les ris- sion des vaisseaux sanguins par l'utérus, réduisant ainsi
ques d'avortement ou d'accouchement prématuré sont réels ? le retour veineux au coeur.

Une grossesse chez une patiente en bonne santé n'est pas 1 - Utilisation de médicaments
une contre-indication de traitement dentaire. Ce traite- pendant la grossesse
ment ne devra créer ni stress physique ni émotionnel.
L'innocuité d'un médicament pendant la grossesse ne peut
jamais être garantie de manière absolue, mais un effet
Toute modification de l'équilibre hormonal entraînera :
nocif sur le nouveau-né n'a été démontré de façon cer-
- un accroissement du rythme cardiaque ;
taine que pour un petit nombre de médicaments.
- un accroissement du volume sanguin ;
Pour de nombreux médicaments, des cas isolés de malfor-
- un accroissement de la consommation de CO2 ; mations ont été rapportées, en effet 2 à 4 % des nouveau-
- une réduction de l'activité hépatique et rénale. nés dont la mère n'a pas pris de médicaments pendant la
La résistance à l'infection est réduite. grossesse présentent des malformations. Le manque de
L'hypertension est aussi souvent présente en raison de la données ne peut toutefois pas être une raison valable de
baisse de l'activité rénale et de la rétention de sodium et d'eau. prescription chez la femme enceinte.
D'autre part, il faut noter que les conséquences du stress
occasionné par une douleur ou une infection sont plus gra- 1.1 - Pendant le premier trimestre de la grossesse
ves que celles d'un traitement chez une autre patiente. Avant II existe, pour un certain nombre de médicaments, un risque
tout traitement, urgent ou pas, chez la femme enceinte, le de malformations (tératogénicité). Il s'agit des anticoagu-
questionnaire classique devra être complété par les rensei- lants coumaridiques, des anti-épileptiques, des hormones
gnements spécifiques à la grossesse et explicité ensuite au sexuelles, de la vitamine A. Peu de ces médicaments sont
cours d'un entretien avec le dentiste traitant : prescrits dans notre spécialité.

345
Prévention des urgences : situations à risques
Grossesse

1.2 - Pendant le 2e et 3e trimestre de la grossesse thyroïde et les glandes parathyroïdes. Les caries appa-
raissent aussi en raison du régime alimentaire et de
Certains médicaments peuvent être responsables d'un l'hygiène de vie pendant la grossesse, la flore micro-
retard de croissance, de troubles fonctionnels e t / o u bienne buccale se trouvant ainsi modifiée. Les vomisse-
d'une toxicité organique. Il s'agit des anticoagulants, des ments fréquents et l'acidité des sucs gastriques jouent
anti-inflammatoires non stéroïdiens, des salicylés et des un rôle très important.
tétracyclines.
Il est démontré que le passage transplacentaire des
tétracyclines provoquait une décoloration de l'émail si
la prescription est faite pendant la calcification. 2 - Troubles parodontaux
Concernant le fluor, le placenta servant de barrière, le
fœtus est protégé de l'overdose. Les interventions sous Les gingivites sont fréquentes pendant la grossesse. La
anesthésie générale devront être reportées après gencive est gonflée et saigne au moindre contact. La gin-
l'accouchement. givite est due à la modification du système endocrinien et
En règle générale, toute prescription chez la femme au déséquilibre du régime alimentaire.
enceinte au cours d'une urgence devra être vérifiée Localement : les troubles occlusaux, les dépôts de plaque
attentivement. Il faudra s'assurer des indications, des dentaire liés à un brossage insuffisants, les dents cariées et
contre-indications et des incompatibilités avec les trai- fracturées, les obturations iatrogènes sont les facteurs
tements déjà en cours. principaux des troubles parodontaux.

1.3 - À partir du 6e mois de la grossesse


Essentiel : trois séances de détartrage sont impérativement
nécessaires pendant la grossesse : au cours des 3e, 6e et
Essentiel : la prescription d'AINS présente une dangerosité entre les 8e et 9e mois.
majeure liée au risque de mort foetale in utero, de mort
néonatale et d'insuffisance cardio-pulmonaire ou rénale
chez le nouveau-né. La prescription des AINS chez les f e m -
mes enceintes est donc proscrite à partir du 6 e mois.

III - Risques de la radiographie


2 - Après l'accouchement
Concernant la période qui suit l'accouchement, la pres- Important ! La responsabilité du dentiste est grande. Il
cription de médicaments pendant l'allaitement peut devra utiliser:
intervenir mais les doses doivent être adaptées et une - des films rapides ;
surveillance attentive du nouveau-né doit être observée. - des filtres ;
- un tablier de protection ;
La prescription ne sera faite que pour une indication bien
- une technique qui minimisera l'exposition de la patiente
établie. Certains médicaments favorisent la lactation, aux rayons (RVG par exemple).
d'autres l'inhibent. En cas de doute, le pédiatre devra être Sachant que l'effet des radiations est cumulatif, il faudra
consulté. éviter t o u t e exposition non indispensable, même à doses
faibles.

Il - Effet de la grossesse sur les dents


et les tissus de soutien
IV - Risques de l'anesthésie
1 - Caries Une consultation avec l'obstétricien traitant est indispen-
sable quant à l'utilisation d'anesthésique avec vasocons-
La grossesse peut entraîner une décalcification de l'os tricteur. Leur utilisation est souhaitable, injectée avec pru-
alvéolaire pour répondre aux besoins du foetus, dence. L'anesthésie locale ne doit pas provoquer de
à l'accroissement du système endocrinien, incluant la
troubles systémiques.

346
Conclusion - Le stress devra être réduit.
- Le second semestre de la grossesse présentant moins
-Historiques et renseignements médicaux sont indis- de risque, tenter de reporter durant cette période les
pensables. interventions non urgentes.
- Un contact avec l'obstétricien est indispensable. - Certaines prescriptions devront être évitées : tétracy-
- L'aide de la radiographie pour le diagnostic doit être clines par exemple.
réduit au minimum, et toujours avec la protection d'un -Trois séances de détartrage sont souhaitées pendant
tablier de plomb. la grossesse.

347
Gériatrie
Edouard COHEN

L
e vieillissement de la population française, observé Une bonne communication entre le patient et le praticien
depuis le début du siècle et qui devrait se poursuivre conditionnera la réussite du traitement de l'urgence. La prise
dans les années à venir, nécessite d'amplifier la en charge de ce patient doit prendre en compte l'altération
demande de prévention des causes d'incapacité et de han- possible des fonctions comme l'audition, la vision, la mémoire
dicap des sujets âgés. et une compréhension peut-être plus lente. L'évaluation de
l'état de santé général et des aptitudes mentales et physiques
Pour ce faire, le soignant, médecin ou dentiste devra : doivent être faites à partir d'un dossier de renseignements
-différencier les concepts de vieillissement normal et médicaux rempli par le patient ou un accompagnant.
de vieillissement pathologique ;
-énoncer les mesures permettant d'agir sur certains - L'anamnèse médicale permettra de réduire les risques
déterminants pour tendre vers un vieillissement d'accidents au cours du traitement de l'urgence ou de la
réussi : prise de médicaments prescrits. L'évaluation des risques
- recommandations nutritionnelles ; allergiques, infectieux ou hémorragiques, ainsi que les
- hygiène bucco-dentaire ; risques d'interaction médicamenteuse devront être pré-
- activité physique ; cisés lors de la revue, avec le patient, du dossier rempli.
- stimulation intellectuelle ; - L'anamnèse odontologique se précisera lors de l'exa-
- maintien des contacts sociaux ; men clinique approfondi. Chez le sujet âgé, le traite-
- contrôle des facteurs de risque : tabac, alcool, soleil... ment de l'infection est prioritaire, vient ensuite le
-différencier les effets du vieillissement intrinsèque et rétablissement de la fonction masticatoire et l'amélio-
les effets des pathologies dont l'incidence augmente ration du confort.
avec l'âge.

L'urgence peut nécessiter une ou plusieurs extractions, et


Le dépistage et la prise en charge précoce de ces patholo-
si cela n'a pas déjà été fait, de mettre en oeuvre un pro-
gies: hypertension artérielle ; diabète ; dénutrition; ostéo-
gramme de prévention pour éviter la progression des
porose; dépression ; insuffisance cardiaque ; cancers, etc.
caries, des maladies parodontales entraînant la dissémina-
améliorent l'espérance de vie sans incapacité des sujets
tion d'infection et les risques de dénutrition.
âgés.
L'ensemble des données statistiques concorde pour affir-
mer une augmentation prévisible du nombre de personnes important ! L'urgence chez le patient âgé pourra être o d o n -
tologique (fracture), endodontique, parodontale ou pro-
âgées dans les années à venir :
thétique, toutes susceptibles d'infections graves. Ces
-1982:3,5 millions; urgences engendreront de la douleur (difficile à évaluer) et
-1990:4,0 millions; risqueront de provoquer la déshydratation et la dénutrition
-1999:4,5 millions. du patient toujours préoccupantes chez le patient âgé.
- Les plus de 60 ans représentent 22,8 % de la population ;
- Les plus de 75 ans représentent 8,9 % de la population ;
- Les plus de 85 ans représentent 2,5 % de la population.
Ceci est la rançon de l'augmentation de l'espérance de
vie : 1 trimestre/an depuis 10 ans.
I - Urgences odontologiques
Toutes ces données statistiques nous obligent à envisager La perte de substance dentaire par érosion, abrasion, attri-
dès à présent l'augmentation des urgences dans nos cabi- tion provoque des fêlures ou des fractures qui nécessite-
nets dentaires des patients des 3e et 4e âges. ront l'extraction de la ou les dents causales.

349
Prévention des urgences : situations à risques
Gériatrie

La multiplicité des caries résulte d'une alimentation riche Le diagnostic et l'urgence étant traités, il faudra décider si
en hydrate de carbone, de la diminution du flux salivaire une prescription médicale est indispensable.
et de l'absence d'hygiène bucco-dentaire. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, la personne
Les caries supragingivales ou infragingivales peuvent âgée souffre souvent de plusieurs affections réelles mais
entraîner la fracture de la dent et son extraction lors de certaines plaintes somatiques sont le reflet d'un mal de
l'urgence si l'état médical le permet. vivre.
La prise de trop nombreux médicaments augmente le risque
d'interaction. Seules les affections mettant en jeu le pro-
nostic vital ou fonctionnel, la douleur doivent être traitées.
Il - Urgences endodontiques L'évaluation bénéfice/risque est une priorité.
Chez le sujet âgé le rétrécissement caméral et le diamètre Si la prescription médicale est indispensable, il faudra :
des canaux radiculaires diminuant, le traitement radicu- -s'assurer de l'absence d'automédication ou de traite-
laire devient très difficile en raison des risques de perfora- ments déjà prescrits par d'autres intervenants ;
tion ou de fausse route. -savoir adopter la posologie en raison d'une insuffisance
L'existence de foyers infectieux représente un risque rénale ou de la dénutrition ;
d'infection à distance surtout dans les cas de cardiopa- -évaluer la meilleure voie d'administration en fonction
thies valvulaires. La suppression des foyers infectieux des capacités de la personne :
devient impérative dans la prophylaxie de l'endocardite - gouttes buvables chez le malvoyant ;
bactérienne. -troubles mnésiques pouvant conduire à des erreurs
(double prise) ;
L'âge du patient ne contre-indique pas le traitement - difficulté de préhension pour certains conditionnements.
radiculaire mais les risques sont à évaluer dans les cas Ces principes étant acquis, l'interaction médicamenteuse
de pathologies cardiovasculaires, diabétiques ou des prendra une forme particulière suivant la ou les patholo-
troubles de la coagulation. gies existantes et leur traitement.

III - L'urgence parodontale


V - Problèmes associés à la présence
Les modifications morphologiques et physiologiques en
d'autres thérapies
rapport avec la sénescence et celles du flux salivaire pro-
voquent l'apparition de la maladie parodontale. Hyposia-
lie, asialie et plaque dentaire favorisent la prolifération de 1 - Médicaments hypotenseurs
micro-organismes pathogènes. Inflammation, poches Ces patients seront plus sensibles à l'action des sédatifs,
parodontales et alvéolyses sont observées à l'examen des tranquillisants, des anesthésiques.
clinique. Les bêtabloquants produiront une hypotension orthosta-
tique après 30 minutes ou plus de position allongée si l'on
Le traitement est celui de l'infection et la mise en relève rapidement le patient du fauteuil. Les bêtablo-
œuvre d'un programme d'hygiène. quants ont la propriété de prolonger l'action des analgési-
ques, sédatifs et tranquillisants.
L'effet sera identique si le patient a pris un sédatif.

IV - L'urgence prothétique Toute injection d'anesthésique devra être faite très len-
tement (1 à 2 minutes par carpules) et précédée par une
Le descellement des prothèses fixées, les fractures des technique attentive d'aspiration. Étant donné la diver-
prothèses partielles ou totales doivent être considérés sité des nombreux hypotenseurs et la réaction provo-
comme des urgences importantes du fait des états quée par l'association à d'autres molécules, l'adminis-
dépressifs, de dénutrition et de déshydratation qu'elles tration des vasoconstricteurs devra être faite avec une
peuvent entraîner chez le patient âgé. extrême prudence.

350
2 - Les anticoagulants 4 - Les tétracyclines
Prescrits aux patients cardiaques ayant fait un infarctus ou Provoquent des effets secondaires : nausées, vomisse-
risquant d'en faire un, ils ne permettront pas un acte ments, diarrhées, langue noirâtre.
chirurgical au cours de l'urgence. Il faudra reporter le ren-
dez-vous et se mettre en rapport avec le cardiologue pour
faire arrêter cette médication au moins 48 heures avant 5 - Les sédatifs, hypnotiques
toute chirurgie. et tranquillisants

3 - Médication anti-anxiété Ces drogues agissent sur le système nerveux central. Les
barbituriques peuvent provoquer un delirium ou un état
La dépression est un état fréquent chez les personnes confusionnel. Avant toute prescription, surtout dans le
âgées. Bien enregistrer l'historique et l'ensemble des anti- cadre d'une urgence, un historique est indispensable
dépresseurs pris. Limiter les anesthésies. pour déterminer les réactions provoquées par de précé-
dentes prises.
- Il est fortement recommandé que la première prise
4 - Les tranquillisants soit plus faible que le minimum prévu.
Ils peuvent être classés en trois groupes : - Les chutes et accidents sont des effets possibles, le
patient devra toujours être accompagné.
-faibles : type Atarax ;
-Chez les patients qui souffrent, les sédatifs peuvent
- moyens : type Librium, Équanil ;
entraîner un état confusionnel avec une attitude
- puissants : type Phénergan, Thorazine.
bruyante et parfois violente.
- Les patients âgés souffrant d'une bronchite chronique
Important ! La prescription de sédation doit être faite avec ou d'emphysème sont très sensibles aux sédatifs.
précaution en raison de la potentialisation avec d'autres Même ingérés à dose faible, ils peuvent entraîner des
groupes de molécules. problèmes respiratoires allant jusqu'au coma.

6 - Les narcotiques
VI - Problèmes liés à l'utilisation
Les personnes âgées sont très sensibles aux effets de la
des médicaments prescrits morphine. En cas de prescription, réduire les doses.
en dentisterie Ces prescriptions ne sont pas recommandées en gériatrie
en raison d'un métabolisme lent et de la modification de
la circulation sanguine cérébrale.
1 - Les sulfamides
Probablement les moins prescrits. La lente élimination par
les reins peut provoquer un blocage. 7 - Les analgésiques
En gériatrie, la prescription d'analgésiques après le traite-
2 - La pénicilline ment d'urgence ne semble pas indispensable, mais certains
patients peuvent réagir à la douleur qui est difficile à éva-
Très utilisée dans le traitement des infections dentaires.
luer.
Chez les personnes âgées, le risque d'allergie est plus
grand, mais toutefois réduit si elle est prescrite par voie
orale. L'élimination est lente en raison des effets de l'âge
sur la fonction rénale.
8 - Les salicylates
25 % des patients âgés présentent une tolérance réduite à
l'acétyl salicylique. Il provoque alors nausées, vomisse-
3 - L'érythromycine ments ou saignements gastro-intestinaux. Prescrit à forte
Efficaces contre les infections à Gram+. En cas de traitements dose, il peut faire chuter le taux de prothrombine ainsi que
prolongés, des problèmes hépatiques peuvent apparaître. celui de l'acide ascorbique.

351
Prévention des urgences : situations à risques
Gériatrie

9 - Les solutions anesthésiques Conclusion


Elles semblent bien tolérées. L'injection doit être réduite en
La prise en charge de l'urgence du patient âgé doit être
volume et fractionnée. Se limiter à une seule injection avec
rapide et efficace. Plusieurs études ont montré le lien
adrénaline, les patients hypertendus y étant très sensibles.
existant entre état dentaire et certaines pathologies
Elle provoque : pâleur, frissons transpiration et syncope.
chroniques.
Il faut aussi profiter de l'urgence pour mettre en œuvre
un programme d'hygiène bucco-dentaire soit directe-
10 - L'atropine ment avec le patient, soit avec les personnes en charge
de ses soins pour retarder les effets néfastes et dévas-
À éviter en raison des risques d'activation du glaucome, de tateurs des modifications tissulaires.
rétention urinaire ou d'excitation cérébrale.

352
Cancérologie
Didier MAURICE

I - Introduction II - Conduite à tenir


Le rôle de l'odonto-stomatologiste sera différent suivant Elle est définie après étude du dossier médical par un exa-
la localisation et la nature de la tumeur initiale et suivant men clinique et des examens complémentaires : radiologi-
la thérapeutique carcinologique envisagée (chirurgie, ques, biologiques.
chimiothérapie, radiothérapie). L'examen clinique est classiquement exo et endobuccal ; il
Essentiellement deux types de situations peuvent se doit aussi permettre d'évaluer la compliance du malade à
rencontrer : sa participation au traitement et à son suivi.
- le patient doit être ou a été traité pour une tumeur dont Les examens radiologiques reposent essentiellement sur la
les thérapeutiques n'interfèrent que passagèrement sur radio panoramique pouvant être complétée par un bilan
la sphère cervico-faciale avec seulement des effets rétro-alvéolaire long cône.
secondaires ; ce sont les patients traités ou ayant été trai- Les examens biologiques comportent : NFS, TP, INR.
tés par une chirurgie e t / o u une radiothérapie n'intéres- À partir de ces données, deux situations peuvent être à gérer.
sant pas la sphère cervico-faciale, seule la chimiothéra-
pie pourra avoir une incidence sur cette sphère ; 1 - Durant la phase curative
- le patient doit être ou a été traité pour une tumeur dont
les thérapeutiques intéresseront ou ont intéressé la sphère 1.1 - Traitement pour des tumeurs n'affectant
que temporairement la sphère orale
cervico-faciale avec existence d'effets secondaires donc
réversibles et de séquelles irréversibles (tumeurs des VADS, II s'agit des chimiothérapies utilisées dans le traitement
lymphomes) : chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie. des cancers hors champs des VADS. Notre attitude sera
Ainsi, pour une tumeur hors champ des VADS dont les théra- semblable à celle que nous adopterons pour les patients
peutiques n'intéressent pas la sphère cervico-faciale, notre suivant un traitement de chimiothérapie pour un cancer
intervention sera plus aisée que le patient soit ou ait été traité des VADS, par une mise en état buccal éradiquant les
par chirurgie, par chimiothérapie ou par radiothérapie. foyers infectieux dentaires et parodontaux. Toutefois, les
drogues utilisées peuvent être plus cytotoxiques que cel-
Pour une tumeur interférant avec la région cervico- les utilisées dans les cancers des VADS entraînant des
faciale, notre intervention de mise en état buccal, manifestations plus importantes sur les muqueuses orales
conduite durant la phase de thérapeutique initiale sera (mucite de grade plus élevé pouvant nécessiter un arrêt de
souvent à réaliser dans l'urgence en inadéquation avec l'alimentation par voie orale). De même, cette cytotoxicité
notre idéal thérapeutique, essayant de cibler nos inter- plus élevée nécessite d'être plus rigoureux dans l'éradica-
ventions entre les périodes d'aplasie de la chimiothérapie tion des foyers infectieux pour éviter une évolution aiguë
et de façon à ne pas retarder le début de la radiothérapie. de ceux-ci et une extension générale de cette infection.
Il est souhaitable de voir le malade dès le diagnostic de la
Après la phase curative de la maladie, l'urgence odonto- maladie car la mise en route du traitement de chimiothé-
stomatologie sera identique à l'urgence du patient non rapie d'induction va suivre rapidement. La difficulté à ce
cancéreux. Elle ne devra que tenir compte de la spécificité stade est de s'inscrire dans le calendrier des cures de
liée aux séquelles des traitements curatifs particulière- chimiothérapie car les extractions doivent être faites dans
ment de la radiothérapie (asialie, risque d'ostéoradioné- les périodes d'intercure avant l'apparition de l'aplasie. Or,
crose) et de la chirurgie (brides cicatricielles, limitation de suivant les drogues utilisées, la durée des intercures peut
l'ouverture buccale). aller d'une à trois semaines.

353
Prévention des urgences : situations à risques
Cancérologie

1.2 - Tumeurs dont les traitements affectent - la chimiothérapie concomitante à la radiothérapie ne


définitivement la sphère orale pose pas de problème particulier, de même que la
chimiothérapie palliative qui intervient logiquement
C'est durant cette période qu'il faut déterminer les après la mise en état buccal.
objectifs de la mise en état buccal tout en tenant Les traitements de chimiothérapie sont faits de cures suc-
compte des impératifs de chacune des autres discipli-
cessives espacées de 1 à 3 semaines. L'aplasie débute 5 à
nes. Il est important d'avoir les informations du dossier
7 jours après le début d'un cycle et peut durer jusqu'à
médical, en particulier le type de chirurgie, les traite-
15 jours. Elle apparaît d'autant plus vite que les cures
ments de chimiothérapie envisagés (nature des drogues
et chronologie des cures) et pour l'éventualité d'une s'accumulent, et la récupération est aussi plus longue.
radiothérapie intéressant la sphère cervico-faciale, les L'antibioprophylaxie à spectre large est de mise. Le détar-
techniques et champs envisagés ou les associations de trage est un préalable minimum indispensable. Il devra,
radio-chimiothérapie. ainsi que les extractions dentaires, être impérativement
fait pendant la période « fin de l'aplasie — début du cycle
1.2.1 Chirurgie suivant ».
La connaissance de la localisation tumorale donne une Avant d'intervenir, la formule sanguine devra être vérifiée,
première indication sur le type de chirurgie envisagée, les il faudra :
limites de résection et par conséquent, les répercussions - Leucocytes : minimum 1 500 à 2 0 0 0 / m m 3 ;
sur la sphère buccale : les risques de perte d'étanchéité au - Plaquettes : minimum 75 à 100 0 0 0 / m m 3 .
niveau du palais dur, du voile du palais, d'une latéro-dévia- En dessous de ces chiffres, les interventions devront être
tion mandibulaire, de l'installation d'une limitation de faites en milieu hospitalier.
l'ouverture buccale.
À ce stade, il est important de réaliser des empreintes car 1.3 - Pendant l'aplasie
les conditions de la prise d'empreinte sont optimales et le
patient n'est pas encore trop accaparé par ces rendez-
vous et hospitalisations liés à son traitement. À partir de (Polynucléaires < ou = à 5 0 0 / m m 3 ; Plaquettes < ou = à
celles-ci, un appareillage éventuel pourra être élaboré 20 0 0 0 / m m 3 ) les prothèses amovibles ne sont pas por-
(prothèse obturatrice, prothèse guide, mobilisateur, etc.) tées. Les risques sont :
- hémorragiques : ces risques sont très importants. La
1.2.2 Chimiothérapie (CT) thrombopénie se manifeste par des gingivorragies
spontanées, des épistaxis, du purpura et une héma-
Deux types de chimiothérapie sont envisagés :
turie. Avec 20 0 0 0 / m m 3 de plaquettes, des hémorra-
- la chimiothérapie d'induction ou néo-adjuvante qui repré-
gies spontanées peuvent se produire. Une compres-
sente le plus souvent le 1 e r temps du traitement curatif du sion avec une compresse imbibée d'eau oxygénée
cancer. C'est souvent à ce stade qu'il faut essayer de tra- permet de traiter cette gingivorragie. Les soins dentai-
vailler de façon à ne pas retarder les autres étapes théra- res ne peuvent être entrepris qu'avec une remontée
peutiques (chirurgie mais surtout radiothérapie) du traite- des plaquettes à 50 0 0 0 / m m 3 L'hygiène devra être
ment curatif. scrupuleuse;
- infectieux par surinfection de lésions buccales pré-
La notion d'urgence s'entend alors comme l'organisation existantes :
de l'éradication des foyers infectieux en activité ou poten- - les ulcérations buccales peuvent être extrêmement
tiels. Ils seront exclusivement traités par des extractions ; il douloureuses, le moindre examen pouvant être diffi-
est en effet illusoire d'envisager des traitements conserva- cile voire impossible. Des applications de Xylocaïne
teurs ou endodontiques longs en fonction des structures visqueuse peuvent permettre une alimentation
de notre système de santé (absence de structures odonto- liquide ou semi-liquide, toutefois une alimentation
logiques adaptées dans les hôpitaux, difficulté de prise en par sonde gastrique ou gastrotomie peut être
charge par le secteur libéral dans l'urgence). indiquée ;
- les mucites pouvant aller jusqu'au stade 4 peuvent
Comme pour les tumeurs n'intéressant pas la sphère des nécessiter une pause dans le traitement ;
- une prévention et une hygiène active doivent per-
VADS, il est important de réaliser au plus t ô t les extrac-
mettre de réduire ces risques.
tions dès la première ou deuxième intercure ;

354
1.4 - Radiothérapie (RT)
En tout état de cause, les extractions devront être réa-
Les répercussions du traitement seront différentes suivant la lisées au minimum 15 jours avant le début de la radio-
technique utilisée : curiethérapie ou radiothérapie externe. thérapie, idéalement 3 semaines ; l'objectif étant d'avoir
une cicatrisation muqueuse avant les rayons. Suivant le
1.4.1 La curiethérapie nombre des extractions, celles-ci peuvent être réalisées
L'utilisation de cette technique est réduite dans la prise en sous anesthésie locale au cabinet ou sous anesthésie
charge des cancers des VADS. Seules quelques indications de générale en milieu hospitalier. C'est aussi à ce stade que
lésions de la cavité buccale relèvent de la curiethérapie doivent être prises les empreintes pour la confection
des gouttières porte-gel fluorée (GPGF) même si leur
(petite lésion de langue mobile, cavum, lèvres) dont les effets
utilisation ne débute qu'après la radiothérapie.
secondaires sont limités en relation avec la diminution
importante de l'irradiation par rapport à la source (diminution
de la dose en fonction du carré de la distance source/tissus). 1.5 - Durant l'irradiation
Aucune extraction n'est réalisée car rapidement, dès la fin
1.4.2 La radiothérapie externe (RTE) de la seconde semaine, la radio-mucite s'installe rendant
L'évolution de cette discipline (fractionnement classique, tous les soins douloureux pouvant même imposer la mise
hypo ou hyperfractionnée, IMRT, association radio-chimio- en place d'une alimentation par gastrostomie, voire un
thérapie) rend de plus en plus difficile notre attitude et nos arrêt momentané de l'irradiation.
choix thérapeutiques. C'est elle qui nous pose le plus de
problème dans l'organisation de notre thérapeutique. La
règle est là aussi de ne pas retarder le début de la radiothé-
2 - Durant la phase de suivi
rapie, c'est pourquoi les soins conservateurs et endodonti- Elle débute dès après le dernier traitement curatif. À ce
ques ne sont pas de rigueurs à ce stade. Seul le détartrage stade, les effets réversibles de la chimiothérapie se sont
et les extractions sont envisagés. En effet, le risque majeur à estompés, les séquelles de la chirurgie ne nous posent que
éviter est la réalisation d'une porte d'entrée infectieuse vers des difficultés techniques par la présence de brides cica-
l'os sous-jacent, en particulier au niveau mandibulaire dont tricielles intéressant :
la vascularisation est moins riche (vascularisation termi- - la région labiale limitant l'accessibilité de la cavité orale ;
nale), avec constitution d'une ostéite post-radique dont le - le plancher buccal bridant la langue ;
contrôle est toujours difficile et aléatoire. - la commissure intermaxillaire ou la région jugale entraî-
En fonction des champs d'irradiation, nous réaliserons : nant une limitation de l'ouverture buccale.
- hors des champs d'irradiation et dans des champs dont la Par ailleurs :
dose est inférieure à 45-50 Gy : suivant l'hygiène du - la bucco-pharyngectomie est à l'origine d'une instabilité
malade, nous pourrons être plus conservateurs en expli- et d'une fatigabilité mandibulaire ou au contraire d'une
quant les risques du maintien de certaines dents. Notre fixation limitant la durée et l'aisance des soins ;
attitude sera donc modulée par l'âge et la participation - la maxillectomie, quant à elle, entraîne la disparition de
du malade sachant que des soins conservateurs et endo- l'étanchéité bucco-sinuso-nasale. La déglutition des
dontiques seront possibles par la suite. Si toutefois nous sprays et liquides lors des soins, en particulier au maxil-
estimons que le malade n'est pas susceptible de mainte- laire, nécessite alors une aspiration efficace, des interrup-
nir son hygiène dans le temps, il ne faut pas hésiter à tions fréquentes et une position spécifique de la tête du
poser l'indication d'extraction ; patient en latéroversion.
-dans les champs d'irradiation à partir de 45-50 Gy : C'est donc la radiothérapie ayant intéressé la région des
extraction de toutes les dents présentant une lésion api- VADS avec ses séquelles (myosite, asialie, altération osseuse)
cale, parodontale ou une atteinte carieuse profonde. qui va interférer le plus sur nos traitements ultérieurs.
Chez les malades n'ayant pas d'hygiène buccale une carie Une quinzaine de jours après la fin de la radiothérapie, les
peu profonde sera aussi l'indication d'une extraction. GPGF sont remises au malade avec les consignes d'utilisa-
L'objectif est d'éviter l'apparition ultérieure de lésions tion s'il ne les a eues au cours de la phase curative. Dans
dentaire ou parodontale consécutives à l'asialie post- cette dernière hypothèse, le malade est revu pour
radique, qui représenteraient une porte d'entrée à des contrôle postradiothérapique et réactualisation de ces
germes de la cavité buccale vers l'os sous-jacent et par consignes (brossage dentaire avec un dentifrice fluoré
conséquent d'un risque d'ostéite. après chaque repas, utilisation d'une brossette interden-

355
Prévention des urgences : situations à risques
Cancérologie

taire et de fil dentaire suivi une fois par jour d'une applica- immédiatement interrompu et un traitement antibiotique
tion fluorée à l'aide des gouttières GPGF contenant un gel de type Amoxicilline est institué jusqu'à cicatrisation.
fluoré, Fluogel® à vie). La pose d'implant reste toujours discutée ; le taux de suc-
Le malade sera revu à 2 mois, à 4 mois puis tous les 6 mois. cès est dans tous les cas inférieur à la pose d'implant en
Ceci afin de contrôler, d'une remotivation à l'hygiène et dehors de toute irradiation descendant jusqu'à 65 % à la
d'une réhabilitation prothétique. La restauration par une mandibule et le rapport bénéfice/risque entre qualité de
prothèse amovible ne sera entreprise que 6 mois au plus la réhabilitation et risque d'ostéite doit être évalué.
t ô t après la fin de la radiothérapie de façon à permettre Dans tous ces soins, l'anesthésie doit éviter les techniques
une régénération complète de la muqueuse buccale. trop agressives de type intraligamentaire, intra-osseuse et
À ce stade, deux situations peuvent se rencontrer suivant préférer la para-apicale et l'anesthésie tronculaire à la
que nous ayons à intervenir dans les champs d'irradiation mandibule. Si les vasoconstricteurs ont longtemps été
au-delà de 50 Gy ou dans des champs en deçà de 50 Gy ou déconseillés, la meilleure qualité de l'anesthésie avec
à côté des champs. vasoconstricteurs permettant un acte moins traumatisant,
plus rapide et donc une moindre exposition à la contami-
2.1 - Dans les champs d'irradiation au-delà de 50 Gy nation bactérienne nous amène à reconsidérer cette posi-
Le détartrage, les soins conservateurs sont possibles sous tion. Pour notre part, nous utilisons les vasoconstricteurs.
antibioprophylaxie de type Amoxicilline 3 g/jour débutée
la veille des soins, prolongée 4 à 5 jours après la fin des 2.2 - Dans les champs d'irradiation en deçà de 50 Gy
soins. L'endodontie, si l'abord est aisé, permettant la pose Nos interventions seront identiques aux interventions à côté
de la digue dans de bonnes conditions est possible et est des champs d'irradiation sans omettre l'antibioprophylaxie.
la solution de choix en cas d'atteinte pulpaire. La chirurgie Les détartrages, soins conservateurs, l'endodontie et la pro-
parodontale est contre-indiquée et les extractions sont thèse fixée sont réalisables en fonction de l'accessibilité et
proscrites à vie sans précautions spécifiques : celles-ci de l'état salivaire. La salive épaisse ou son absence pouvant
doivent être réalisées en milieu hospitalier sous antibio- rendre ces soins extrêmement délicats. La prothèse amovible
prophylaxie et utilisation d'une colle biologique de type sera souvent préférée. Les chirurgies invasives dans ces sec-
Tissucol® ou Quickseal®.En cas d'extractions multiples, il teurs sont à éviter, en revanche la pose implantaire n'est pas
est préférable de les réaliser sous anesthésie générale en contre-indiquée, les risques infectieux n'étant pas majorés.
une seule fois. L'antibioprophylaxie est maintenue jusqu'à
cicatrisation muqueuse. La réalisation d'une prothèse 2.3 - Hors des champs d'irradiation
amovible est souvent de mise pour compenser les éden- L'ensemble des soins, chirurgie et de la prothèse sont réali-
tations postérieures pré-existantes avant la thérapeutique sables avec la précaution de l'antibioprophylaxie. Là aussi,
carcinologique ou conséquence de la mise en état buccal. seule l'accessibilité, la fatigabilité et la compliance du
En cas de lésion muqueuse, le port de la prothèse doit être malade nous orienterons dans nos choix thérapeutiques.

Bibliogrophie
Brogniez V, Lejuste P, Pecheur A, Reychler H. Réhabilitation Laccourreye O, Bassot V, Chène J, Crevier-Buchman L, Deli-
prothétique dentaire sur implants ostéo-intégrés dans l'os gne JB. Surveillance des cancers épidermoïdes ORL. Paris :
mandibulaire irradié. À propos de 50 implants chez Doin, 1996.
17 patients traités sur une période de 5 ans. Rev Stomatol
Mazeron JJ, Locoche T, Maugis A. Techniques d'irradiation
Chir Maxillofac 1996 ; 97 : 288-94.
des cancers. Paris : Vigot, 1992.
Chauvergne J, Hoerni B. Chimiothérapie anticancéreuse.
Visch LL, van Waas MA, Schmitz PI, Levendag PC. A clinical
Paris : Masson, 1992
evaluation of implants in irradiated oral cancer patients. J
Dent Res 2002; 81:856-9.

356
Les médicaments de l'urgence
Règles générales de prescription
des médicaments
Vianney DESCROIX

Pour être correctement traitée par le pharmacien et la nances dites sécurisées est obligatoire pour toute pres-
caisse d'assurance maladie du patient, une prescription de cription ou commande à usage professionnel de
médicaments doit contenir un certain nombre d'éléments médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la
obligatoires. réglementation des stupéfiants, en application de l'article
R.5132-5 du code de la santé publique. L'utilisation des
Elle doit indiquer lisiblement : ordonnances sécurisées n'est pas limitée aux médica-
- l'identification complète du prescripteur (nom, quali- ments stupéfiants : les prescripteurs qui le souhaitent peu-
fication, numéro d'identification, etc.) ; vent utiliser des ordonnances sécurisées pour les autres
- le nom et le prénom du patient, éventuellement son prescriptions et commandes à usage professionnel de
âge, son sexe, son poids et sa taille ;
médicaments (médicaments inscrits sur les listes I ou II de
- la date de rédaction de l'ordonnance ;
substances vénéneuses, ou médicaments non soumis à
- le nom de la spécialité (princeps ou générique) ou la
prescription médicale obligatoire).
dénomination commune d'un principe actif (DC)
assortie ou non d'une marque ou du nom du fabricant ; Les ordonnances sécurisées répondent à des spécifica-
- le dosage et la forme pharmaceutique ; tions techniques précises fixées par arrêté :
- la posologie et le mode d'emploi ; -elles sont réalisées sur du papier filigrané blanc naturel
- la durée du traitement (exemple : traitement pour sans azurant optique, à un format dont le choix est laissé
trois jours) ; au praticien ;
- l e nombre de renouvellements de la prescription si - l'identification du prescripteur (en bleu, d'une teinte et
nécessaire; d'une intensité donnée) est pré-imprimée ;
- la signature du prescripteur.
-une numérotation d'identification du lot est inscrite
dessus ;
En règle générale, la prescription est renouvelable par - un carré en microlettres où doit être indiqué le nombre
période maximale d'un mois, ou de trois mois (si le condi- de médicaments prescrits est pré-imprimé.
tionnement est supérieur à un mois) dans la limite de
(Seuls des éditeurs agréés par l'AFNOR, Association fran-
douze mois de traitement (Art. R.5123-2 du code de la
çaise de normalisation, peuvent fabriquer des ordonnan-
santé publique).
ces sécurisées.)
La prescription des stupéfiants et des spécialités apparen-
L'ordonnance doit également comporter un duplicata pour
tées doit se faire sur une ordonnance sécurisée. Outre les
les médicaments pris en charge par l'assurance maladie.
mentions devant figurer sur les ordonnances de tout
Le prescripteur peut rédiger l'ordonnance manuellement
médicament, il faut indiquer en toutes lettres : la quantité
ou par micro-ordinateur.
prescrite, les unités thérapeutiques par prise, les doses ou
les concentrations de substances, etc (Art. R5132-5 et 29
du code de la santé publique). Essentiel : en cas de perte ou de vol de leurs ordonnances,
les prescripteurs doivent en faire la déclaration sans délai
Les ordonnances sécurisées ont remplacé le carnet à sou-
aux autorités de police.
ches depuis le 1 e r octobre 2000. L'utilisation des ordon-

359
Les médicaments de l'urgence
Règles générales de prescription des médicaments

Bibliographie
Assurance maladie. Code de la santé publique. Forges JM. Code de la santé publique. Paris : Dalloz-Sirey,
2006.
Direction générale de la santé (mars 2006).

360
Constitution et entretien de la trousse
et du matériel d'urgence
Vianney DESCROIX

I - Entretien de la trousse d'urgence rangement doivent toujours être le même et doivent être
connus de toutes les personnes pouvant potentiellement
intervenir lors d'une urgence (assistante, secrétaire...).
Essentiel : la trousse d'urgence doit être régulièrement véri-
Il peut s'avérer utile de posséder quelques médicaments
fiée. Une vérification au minimum annuelle, au mieux deux
fois par an est impérative. per os (antibiotiques, antalgiques...) qui évitent au patient
de recourir à la pharmacie de garde à 3 heures du matin.
On privilégie les administrations de produits bien connus
Il est particulièrement important de posséder une « check-
et utiles. Chaque fois que cela est possible, en cas de
list». Tous les médicaments se trouvant dans la mallette
nécessité de faire une injection, la voie intramusculaire
devraient figurer sur cette liste avec leur date de péremption.
(IM) est toujours préférable à la voie intraveineuse (IV),
Le choix des médicaments reste relativement difficile (il
voire à la pose d'une perfusion.
n'existe pas de trousse d'urgence « idéale »). Il convient de
ne posséder qu'une seule spécialité par classe (un seul AINS
par exemple). Les médicaments choisis seront ceux que le
praticien connaît bien. Le mode de rangement et le lieu de Il - La pharmacie indispensable
I. Durée I.Précautions particulières de
I. DCI I. Spécialités
de conservation conservation
I. Choc anaphylactiqu e

Adrénaline Adrénaline Aguettant ® (0,1 %) 1 mg/1 mL 18 mois. À conserver à une température ne


Solution injectable Boîte de 10 Ampoules dépassant pas + 30 °C Conserver les
de 1 mL ampoules dans l'emballage extérieur, à l'abri
de la lumière.

Kit d'adrénaline auto Anahelp® 1 mg/1 mL Solution injectable (SC 2 ans. Conserver au réfrigérateur (+ 2 °C à + 8 °C) et à
injectable IM) Trousse d'urgence de 1 seringue préremplie l'abri de la lumière Le contenu non utilisé de la
de 1mL. seringue doit être jeté, même si la date
d'expiration n'est pas atteinte.

Méthylprednisolone Solumédrol ® 120 m g / 2 mL Lyophilisat et 3 ans. Après reconstitution : la solution doit être
solution pour usage parentéral Boîte de 1 utilisée extemporanément.
Flacon de lyophilisat + ampoule de
solvant de 2 mL.

Prednisolone Solupred orodispersible® 20 mg Comprimé 2 ans.


orodispersible
Boîte de 20.

I. Syndrome coronarien aigu

Acide Aspégic®, Catalgine®. 2 ans. À conserver à l'abri de l'humidité et à une


acétylsalicylique température inférieure à 25 °C

361
Les médicaments de l'urgence
Constitution et entretien de la trousse et du matériel d'urgence

I. Durée I. Précautions particulières de


I. DCI I. Spécialités
de conservation conservation
I. Hypoglycémie

Glucose 30 % Glucose Proamp® 30 % Solution pour 2 ans. À conserver à une température ne


perfusion Boîte de 50 Ampoules dépassant pas 25 °C.
(polypropylène) de 10 mL.

Glucagon GlucagenKit® 1 mg/mL Poudre et solvant 3 ans. Après reconstitution, GLUCAGEN KIT
pour solution injectable Boîte de 1 Flacon de 1 m g / m L doit être utilisé immédiatement.
poudre + seringue de solvant de 1 mL. Le conditionnement primaire scellé doit
être protégé de la lumière. À conserver
entre + 2 °C et + 8 °C
La congélation doit être évitée.
GLUCAGEN KIT 1 mg/mL peut-être conservé
à température ambiante (jusqu'à + 25 °C)
pendant 18 mois si la date limite de
conservation n'est pas dépassée.

I. Anxiolytique

Diazépam Valium Roche® et génériques 2, 5 ou 10 mg 5 ans.


Comprimé sécable Boîte de 40.

I. Antalgiques

Paracétamol Doliprane® et Génériques 500 et 1 000 mg. 3 ans.


®
Ibuprofène Advil et génériques 400 mg Boîte de 20. 3 ans.

Paracétamol Efferalgan codéine ® et générique. 3 ans.


+ Codéine

Morphine Morphine Lavoisier® 20 m g / m L Solution 3 ans. À conserver à l'abri de la lumière.


chlorhydrate injectable.
Morphine Lavoisier® 10 mg/mL Solution
injectable Boîte de 10 Ampoules de 1 mL.

Sulfate de morphine Sévédrol® 20 mg Comprimé pelliculé 3 ans.


sécable Boîte de 14.
Actiskenan® 20 mg Gélule Boîte de 14.

III - Le matériel de réanimation -1 insufflateur en vinyle non autoclavable (ballon


insufflateur, valve de surpression, réservoir O2, tube
2 mètres et masque de réanimation adulte n° 5 et
1 - Assistance respiratoire enfant n° 3) ;
-1 bouteille en acier de 2 L (médicament) soit 400 litres
1.1 - Mallette ou valise d'assistance respiratoire
d'oxygène médical détendu ;
-1 ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle
Elle est vendue dans le commerce : centrale de produits
avec : réserve, 3 masques faciaux de tailles différentes
dentaires ou société d'appareils médicaux profession-
(enfant, femme, homme), tuyau de raccordement à la
nels.
bouteille.
Il existe différents modèles. Nous en citons un pour
exemple (Mallette premiers secours 400 L 0
Spengler®) : 1.2 - Masque à oxygène à réserve
-1 manodétendeur — débilitre à 9 débits préréglés (0-
Il libère l'opérateur.
15 L/min), raccord 12/125 ;
-1 masque à oxygène ;
1.3 - Masque à oxygène avec système de nébulisation

362
2 - Tensiomètre automatique, à brassard - Seringues de 2, 5 et 10 mL.
- Aiguilles de différents calibres.
huméral
- Dosettes de 10 mL de sérum physiologique.
- Éventuellement :
- cathéters intraveineux avec site d'injection (20 ou 22
3 - Matériel nécessaire à l'administration de
gauges : rose ou bleu) : aussi faciles à mettre en place
médicaments par voies parentérales (IV, SC) qu'une aiguille intraveineuse ;
- Compresses 40*40. - garrot ;
- Désinfectant cutané (dérivés iodés, chlorhexidine...). - fixateur de cathéter.

363
Les médicaments de l'urgence
Charles-Daniel ARRETO

I - Anesthésiques locaux et aptocaïne (Pradicaïne®). En cas de porphyrie


hépatique, l'aptocaïne est l'unique amino-amide qui
puisse être utilisée pour l'analgésie par infiltration, et
1 - Notions générales en cas d'allergie aux amino-esters.

Un analgésique est un médicament destiné à lutter 1.2 - Le vasoconstricteur


contre la douleur que son origine soit périphérique ou
Sa présence n'est pas systématique. L'adjonction d'un
centrale. Du fait de la non-sélectivité des molécules
actuelles sur les fibres nerveuses douloureuses, l'analgé- vasoconstricteur permet de réduire la toxicité de la molé-
sie locale s'accompagne d'une perte de sensibilité ther- cule analgésique, en diminuant sa diffusion au niveau local
mique chimique et mécanique. il est donc plus juste de ainsi que son pic plasmatique. Elle permet également
parier d'anesthésie locale. d'augmenter l'efficacité de l'analgésie locale tout en
réduisant le saignement durant la phase opératoire.
Cette anesthésie permet une diminution, ou une abolition,
1.3 - Les agents conservateurs
de la transmission de l'influx douloureux en provenance du
système nerveux périphérique. La solution analgésique est Les agents conservateurs permettent la conservation de la
conditionnée sous la forme de cartouches à usage unique. molécule d'analgésie locale et le vasoconstricteur dans les
C'est une préparation galénique qui comprend une molécule meilleures conditions physico-chimiques, d'asepsie et de
d'analgésie locale, un éventuel vasoconstricteur, d'agents de pérennité possibles. Les agents conservateurs tels que les
conservation et une solution de remplissage. parahydroxybenzoates et les sulfites présentent néanmoins
comme inconvénient d'être potentiellement allergisants.
1.1 - La molécule d'analgésie locale
1.4 - La solution de remplissage
C'est une molécule amphiphile (c'est-à-dire possédant à la
C'est une solution saline isotonique, injectable, stérile et
fois un pôle hydrophile et un pôle hydrophobe) de sels
apyrogène.
d'acides faibles. Elle agit sur les canaux sodium des fibres
nerveuses qu'elle bloque. Son site d'action se situe au
niveau de la face interne de la membrane plasmique. Les 2 - Critères de choix chez le sujet sain
propriétés physico-chimiques de ces molécules, c'est-à-
C'est le type d'intervention qui guidera le choix de la
dire leur liposolubilité, leur liaison aux protéines et leur pKa
molécule avec comme facteur limitant principal le patient.
déterminent notamment le degré de franchissement de la
membrane, l'activité, l'efficacité, la durée d'action et le 2.1 - Résorption de la molécule
devenir dans l'organisme de la molécule d'analgésie locale. C'est un phénomène plus ou moins rapide dépendant des
propriétés physico-chimiques du produit. Elle a lieu rapi-
On distingue les : dement pour la mépivacaïne, la lidocaïne et l'aptocaïne et
- amino-éthers : ils n'ont pas d'AMM en odonto-stoma- lentement pour l'articaïne.
tologie;
-amino-esters: procaïne (à utiliser en cas de porphyrie 2.2 - Biotransformation
hépatique, à préparer de façon extemporanée) ; - Amino-esters : hydrolysés dans le plasma, leur métabo-
- amino-amides : lidocaïne (Xylocaïne®), mépivacaïne lite commun est l'acide para-aminobenzoïque responsa-
(Scandicaïne®), carticaïne ou articaïne (Alphacaïne ® ),
ble de réactions allergiques.

365
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

- Amino-amides : essentiellement métabolisés dans le foie de la barrière placentaire : l'articaïne (Alphacaïne®), l'éti-
et partiellement dans les poumons. docaïne (Duranest®), la bupivacaïne (Marcaïne®) et la lido-
caïne (Xylocaïne®).
2.3 - Critères d'efficacité/tolérance
Il faudra éviter (ou utiliser en faible concentration) les
2.3.1 En application topique vasoconstricteurs dans certaines affections : séquelles
- Les amino-amides, sous forme d'un gel ou d'une solution d'infarctus du myocarde, angine de poitrine, insuffi-
imprégnant une boulette de coton, sont les molécules de sance cardiaque, artérite, séquelles d'accidents vasculo-
cérébraux, hyperthyroïdie, drépanocytose et les sujets
choix, exemple : lidocaïne (Xylonor®).
diabétiques non équilibrés (risque de mauvaise cicatri-
- Les amino-esters se présentent sous les mêmes formes,
sation par micro-angiopathie et propriété hyperglycé-
mais présentent l'avantage d'être plus concentrés, plus miante de l'adrénaline).
efficace, sans pour autant craindre un risque de surdo-
sage dû au métabolisme de ces molécules, exemple : pro-
caïne (Pulpéryl®), benzocaïne (Topex®). Il faudra tenir
compte des risques allergiques, du terrain, et des interac- Il - Antibiotiques
tions médicamenteuses.
1 - Notions générales
2.3.2 En analgésie d'infiltration
La procaïne est de moins en moins utilisée du fait notam- 1.1 - Définition
ment des propriétés peu satisfaisantes et des risques de
sensibilisations. Néanmoins, la procaïne a encore une indi- Les antibiotiques sont des substances, d'origine biologi-
cation justifiée dans le cas de porphyrie hépatique que ou synthétique, dont l'activité thérapeutique se
(Septicaïne®, Procaïne Lavoisier®, Procaïne Biostabilex®). manifeste à très faible dose et qui a le pouvoir d'inhiber
la croissance des bactéries ou de les détruire, en agis-
La famille de choix reste les amino-amides avec princi-
sant sur une étape essentielle de leur métabolisme. On
palement: la lidocaïne (Xylocaïne®), la mépivacaïne
distingue les antibiotiques bactériostatiques des anti-
(Scandicaïne®), la carticaïne ou l'articaïne (Alphacaïne®) et biotiques bactéricides. Les premiers ne provoquent que
l'aptocaïne (Pradicaïne®). le ralentissement ou l'arrêt de la croissance bactérienne,
En cas de porphyrie hépatique, l'aptocaïne est l'unique c'est-à-dire la bactériostase; les seconds entraînent eux
amino-amide qui puisse être utilisée pour l'analgésie par la mort des bactéries, c'est la bactéricidie.
infiltration, et en cas d'allergie aux amino-esters (procaïne).
1.2 - Classification des antibiotiques
De multiples classifications concernant les antibiotiques
3 - Précautions d'emploi
existent. Elles sont fondées sur différents critères comme,
En dehors des risques d'allergie, il faudra éviter les amino- entre autres, la nature chimique (familles d'antibiotiques),
esters chez les patients présentant un déficit congénital en le mode d'action ou le spectre de ces molécules (tab. 44.1).
cholinestérase plasmatique, ainsi que les patients intoxi-
qués par les insecticides organophosphorés utilisés en 1.2.1 Selon les familles
milieu agricole (inactivent les cholinestérases). Les molécules ayant une structure de base identique sont
Il faudra diminuer les doses d'amino-amides, en cas de regroupées dans une même famille. Une même structure
diminution du débit sanguin hépatique notamment : cir- chimique confère aux molécules un même mécanisme
rhose, sujets âgés, débit cardiaque bas. d'action sur les bactéries : par exemple, les pénicillines et
Il faudra être prudent pour les femmes enceintes, les les céphalosporines possèdent en commun un cycle (ou
patients épileptiques, les patients traités par des médica- noyau) bêta-lactame qui est responsable de leur activité
ments abaissant le seuil convulsif (théophylline, isonia- anti-bactérienne.
zide), les insuffisants respiratoires ainsi que les patients On distingue ainsi : les bêta-lactamines, les glycopeptides, la
présentant des troubles du rythme. fosfomycine, les aminoglycosides ou aminosides, les phéni-
Pour les femmes enceintes, il faudra éviter la prilocaïne colés, les tétracyclines, les macrolides, les lincosamides, les
(Citanest®) et la spartéine avec lidocaïne (Spartocaïne®. Il streptogramines ou synergistines, les quinolones, les rifamy-
faudra utiliser, par ordre de préférence selon leur passage cines, les nitro-imidazoles, les nitrofuranes, les polymyxines.

366
Tableau 44.1 Antibiotiques de prescription courante en odonto-stomatologie

Famille DCI Spécialité 1re intention Posologie adulte Posologie pédiatrique


®
Pénicillines A Amoxicilline Agram Oui 1 à 2 g / j en 2 à 3 prises < 30 mois : 25 à 50 m g /
Amodex ® kg/j, en 2 ou 3 prises,
Bristamox® sans dépasser 3 g / j
Clamoxyl ®
Hiconcil ® > 30 mois: 50 à 100 m g /
kg/j, en 3 prises, sans
dépasser 3 g/j, en 3 prises
espacées de 8 heures
Bacampicilline Bacampicine® Oui 800 à 1200 m g / j , en > 5 ans : 25 à 50 m g /
Penglobe® 2 prises kg/j
Pivampicilline Pondocil® Oui 1 g / j , en 2 prises, de > 5 ans : 25 à 35 m g / k g /
ProAmpi® préférence au cours 24 h, en 2 à 4 prises
des repas
En association Amoxicilline Augmentin ® Non 2 à 3 g / j d'arnoxicilline > 30 mois : 80 m g / k g / j
+ Acide clavulanique Ciblor® + 250 à 375 m g / j en 3 prises, sans
ou Co-amoxiclav d'acide clavulanique, dépasser 3 g / j , au
au début des repas début des repas
Macrolides Azithromycine Zithromax® Oui 500 mg/j (2 comprimés)
en 1 prise à prendre
durant ou en dehors des
repas pendant 3 jours

Clarithromycine Naxy® Oui 500 mg/j, en 2 prises 15 m g / k g / j , en


Zéclar® Au cours des repas 2 prises : jusqu'à 1 g / j
Érythromycine Abboticine ® Oui 1 à 3 g/j E n f / N o u r / N N : 30 à
Éry® Avant lés repas, en 50 m g / k g / j
Erythrocine® plusieurs prises/j Avant les repas, en
Propiocine® plusieurs prises/j
Josamycine Oui 1 à 2 g / j , en 2 prises, à Enf/Nour : 50 mg/kg/j,
® répartir en 2 prises/j en 2 prises (Enf > 40 kg :
Josacine
(matin et soir) ne pas dépasser 2 g/j)
Midécamycine Oui 1600 m g / j en 2 prises
(diacétate) ® (matin et soir)
Mosil
A prendre de
préférence au cours des
repas ou dans les 30 min
qui les précèdent
Durée de traitement :
de 7 à 10 jours

Roxithromycine Rulid® Oui 300 m g / j en 2 prises, Enf/Nour > 6 kg : 5 à


avant les repas en 8 m g / k g / j , avant les
2 prises/j repas en 2 prises/j,
pendant 10 jours max.
Spiramycine Rovamycine® Oui 6 à 9 M UI par jour,en2 Enf/Nour : 150 000 à
à 3 prises 300 000 U l / k g / j
Lincosamides Clindamycine Dalacine® Possible 600 à 2400 m g / j Enf/Nour > 30 j : 8 à
ou Lincosanides En moyenne : 600 à 25 m g / k g / j
1200 m g / j , en 3 ou 4
prises

367
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

Tableau 44.1 Antibiotiques de prescription courante en odonto-stomatologie

Famille DCI Spécialité 1 r e intention Posologie adulte Posologie pédiatrique


®
Streptogramines Lincomycine Lincocine Possible 1,5 à 2 g / j à prendre à 30 à 60 m g / k g / j à
ou Synergistines distance des repas (1 à prendre à distance des
2 h avant ou après) repas (1 à 2 h avant ou
après)

5-Nitroimidazolés Pristinamycine Pyostacine® Oui 2 à 3 g / j en 2 ou 3 prises 50 m g / k g / j , en 2 ou


au moment des repas 3 prises au moment des
jusqu'à 4 g / j en cas repas jusqu'à 100 m g /
d'infection sévère kg/j en cas d'infection
sévère
Métronidazole Flagyl® Oui 1 à 1,5 g / j 20 à 30 m g / k g / j
en association
En association Spiramycine Birodogyl ® Oui Au cours dés repas Au cours des repas
+ Métronidazole (1,5 UI + 250) 3 à 4,5 M UI de 6 à 10 ans : 1,5 M UI de
spiramycine et 500 à spiramycine et 250 mg
Rodogyl ® 750 mg de . de métronidazole
(750 000 U! +125) métronidazole/j en 2 (2 comprimés de
ou 3 prises Rodogyl® par jour)
Jusqu'à 6 M UI de 10 à l5 ans:2,25MUIde
spiramycine et spiramycine et 375 mg
1000 mg de de métronidazole
métronidazole par jour (3. comprimés de
dans les cas sévères Rodogyl® par jour)

1.2.2 Selon les cibles 2.1 - Critère bactériologique


Les antibiotiques agissent sur des cibles bactériennes pré-
Le choix d'un antibiotique dépend avant tout de la bac-
cises, en suivant des grands mécanismes d'action connus.
térie reconnue ou présumée responsable. En pratique
Certains altèrent la structure des bactéries en désorgani-
courante, il arrive souvent que l'identification bactério-
sant leur membrane ou en inhibant la formation de leur logique ne soit pas encore faite au moment où le prati-
paroi, comme les bêta-lactamines ; d'autres, comme les cien est amené à instaurer l'antibiothérapie, particuliè-
tétracyclines, les macrolides, les lincosamides et les syner- rement dans les situations d'urgence. On est donc
gistines, se fixent sur le ribosome bactérien et inhibent dif- amené à réaliser un «pari bactériologique», qui
férentes étapes de la synthèse protéique ; enfin, certains consiste, à partir des données cliniques (interrogatoire,
peuvent perturber la synthèse des acides nucléiques (ADN examens cliniques et para-cliniques), à présumer avec
et ARN) comme les quinolones et les nitro-imidazolés. une forte probabilité, la (ou les) bactérie(s) en cause.
Cependant, le prélèvement bactériologique s'avère
superflu lorsque le diagnostic clinique est suffisant
1.2.3 Selon le spectre (bonne concordance clinico-microbiologique), hormis
Le spectre d'un antibiotique est défini comme l'ensemble les cas d'infections sévères ou récidivantes (échec du
des espèces bactériennes sur lesquelles il est actif. Il est traitement initial) et des risques d'extension de l'infec-
d'autant plus large que le nombre d'espèces bactériennes tion (septicémie). Après identification du germe et
sensibles à cet antibiotique est important. Le spectre n'est obtention de l'antibiogramme, il convient de recourir à
pas immuable car les résistances acquises des bactéries une antibiothérapie adaptée.
font varier ce paramètre.
2.2 - Critères pharmacologiques
2 - Comment choisir un antibiotique ?
Important ! Pour que l'antibiotique agisse, il faut qu'il soit
Le choix de l'antibiotique est raisonné et différents critè- efficace au niveau du site de l'infection.
res doivent être pris en compte :

368
Il convient de connaître les différents paramètres pharmaco- Chaque fois que cela est possible, il faudra donner la priorité à
cinétiques de la molécule (résorption, diffusions tissulaire et l'utilisation des antibiotiques à spectre étroit et limiter les anti-
cellulaire, biotransformation, demi-vie sérique, élimination biotiques à spectre large fortement inducteurs de résistances
et concentration sérique) ainsi que leurs éventuelles varia- ou pouvant sélectionner des populations bactériennes résis-
tions dues notamment aux critères individuels. tantes ou moins sensibles. Certains antibiotiques à large spec-
De plus, si la population bactérienne est très importante tre peuvent également rompre l'équilibre de l'écosystème
et dense comme c'est le cas lors d'un abcès, on peut obte- bactérien en détruisant la flore de barrière, principalement aux
nir un effet « inoculum » qui peut altérer l'efficacité de niveaux cutané et digestif (diarrhée post-antibiotique, colite
l'antibiotique. Dans ce cas, il est préférable de réaliser au pseudo-membraneuse, candidose...). Ces antibiotiques sont
préalable un acte chirurgical comme un drainage ou un inducteurs de résistance plasmidique, entraînant par pression
débridement. de sélection, la prolifération de bactéries multirésistantes,
hautement pathogènes et épidémiques.
2.3 - Critères individuels
La prescription d'un antibiotique, c'est-à-dire le choix de 2.6 - Critère économique
la molécule et la posologie, doit se faire judicieusement en À activité et tolérance égales, il faut donner la préférence
tenant compte du terrain particulier au patient. au médicament le moins onéreux, et privilégier notam-
- Une insuffisance rénale ou hépatique doit être prise en ment la prescription de spécialités génériques.
considération, de façon à éviter certains antibiotiques ou
à adapter correctement leur posologie. 3 - Modalités pratiques d'administration
-Chez le patient granulopénique ou immunodéprimé,
l'antibiothérapie doit obligatoirement être bactéricide. 3.1 - Monothérapie ou bithérapie ?
- Une allergie avérée à un antibiotique contre-indique for-
mellement sa réutilisation. Si la monothérapie doit rester de règle, l'association
d'antibiotiques a plusieurs objectifs : obtenir un effet
- Chez la femme enceinte, seuls les bêta-lactamines et les
synergique, accélérer la bactéricidie, et diminuer le ris-
macrolides peuvent être utilisés en toute sécurité à tous
que d'émergence de souches résistantes.
les stades de la grossesse.
-Chez le sujet âgé, il faut tenir compte de la diminution
Toutefois, l'association d'antibiotiques risque d'augmenter
physiologique de la fonction rénale, même lorsque la
les effets indésirables et le risque écologique, et peut
créatinémie est normale.
engendrer un antagonisme d'action.
- Bien que cela sorte quelque peu du domaine de l'odon-
tologie, il convient de noter que, chez le nouveau-né et
3.2 - Voie d'administration
le nourrisson, il faudra utiliser préférentiellement les
La voie orale est indiquée si les bactéries en cause sont
bêta-lactamines et les macrolides et éviter les phénico-
régulièrement sensibles, si l'infection n'est pas sévère et si
lés, les cyclines, les sulfamides et les fluoroquinolones.
la biodisponibilité est bonne.
Il existe d'autres voies d'administration, notamment les
2.4 - Critère toxicologique
voies parentérales : intramusculaire et intraveineuse. La
À efficacité identique, il faut toujours choisir l'antibio- voie parentérale permet l'administration des médica-
tique le moins toxique. En effet, il peut être responsable ments non résorbés par la voie digestive ou détruites par
d'accidents cutanés, allergiques, hématologiques, hépa- les sucs digestifs et l'obtention d'un effet immédiat (intra-
tiques, rénaux ou neurologiques. Il faudra également veineuse) idéale pour les situations d'urgence où le pro-
prendre en compte les éventuelles interactions médica- nostic vital du patient est enjeu (septicémie).
menteuses et évaluer le rapport bénéfice/risque pour
le patient. 3.3 - Durée du traitement
La durée de l'antibiothérapie repose sur des bases empiri-
2.5 - Critère écologique ques. La tendance raisonnée actuelle est au raccourcissement
À efficacité égale, il faut choisir, la molécule la plus des durées de traitement afin d'éviter d'une part, la sélection
ancienne dans la pharmacopée afin de préserver le plus de bactéries multirésistantes et d'autre part, l'accroissement
longtemps possible l'efficacité des médicaments nouveaux. du risque thérapeutique (rapport tolérance/efficacité). Habi-

369
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

tuellement, la durée de l'antibiothérapie pour le traitement intention, c'est-à-dire l'association amoxicilline-acide


d'une infection connue est de 5 à 10 jours. clavulanique ou un lincosamide.
Généralement, le choix d'un antibiotique en odonto-
stomatologie est relativement simple : soit une amino-
4 - Principes d'utilisation des antibiotiques pénicilline, soit un macrolide. Le premier groupe
en odonto-stomatologie comprend trois molécules ayant une résorption rapide et
régulière per os : l'amoxicilline, la bacampicilline et la
Les infections en odonto-stomatologie sont dues à des
pivampicilline. Les deux dernières molécules étant des
germes qui composent la flore commensale. Parmi cet
ensemble, on distingue les germes non pathogènes des esters d'ampicilline, elles sont inactives sous cette forme
germes pathogènes. Certaines espèces commensales et doivent obligatoirement être résorbées afin d'être
non pathogènes se comportent comme des «opportu- activées ; elles sont dites « bio-précurseurs ».
nistes». Les proportions varient selon le site de prélève- Le second groupe comprend l'azithromycine, la clarithro-
ment, l'hygiène bucco-dentaire du patient et la nature mycine, la pérythromycine, la josamycine, la roxithromy-
de l'infection. De ce fait, le choix de l'antibiotique en cine et la spiramycine.
odontologie relève d'un raisonnement probabiliste à L'association d'une pénicilline (bactéricide) avec un
partir des données cliniques.
macrolide (bactériostatique) n'est pas recommandée puis-
que ce dernier peut antagoniser l'action des bêta-lactami-
Un prélèvement bactériologique ne sera indiqué qu'en cas nes. En revanche, un effet synergique peut être obtenu en
d'infection sévère ou récidivante. Par ailleurs, en cas associant un 5-nitro-imidazolé (métronidazole) à une
d'ostéite ou d'actinomycose, il est indispensable de amino-pénicilline (amoxicilline) ou à un macrolide (spira-
compléter le prélèvement bactériologique d'un prélève- mycine). L'association amoxicilline/acide clavulanique
ment histologique avant d'instaurer une antibiothérapie. (inhibiteur de bêta-lactamase) ne sera utilisée qu'en
Le choix de l'antibiothérapie probabiliste tient compte de deuxième intention.
la connaissance des spectres d'activité antibactérienne Dans les situations cliniques les plus courantes, les antibio-
des divers antibiotiques, établis sur des souches de réfé-
tiques sont prescrits pour deux types d'objectifs : en anti-
rence, ainsi que de la connaissance des germes le plus sou-
biothérapie curative et en antibiothérapie prophylactique
vent responsables du tableau clinique et de leurs sensibi-
(ou antibioprophylaxie). Les groupes de travail de
lités usuelles aux différents agents antibactériens. Parmi
l'AFSSAPS et de l'ANAES ont essayé d'établir des recom-
ceux-là, il faudra choisir celui qui possède une bonne
mandations précises pour l'indication des antibiothérapies
concentration salivaire, tissulaire et sulculaire. S'il y a indi-
curative ou prophylactique concernant chaque acte sus-
cation de prescription, il faudra administrer rapidement, à
ceptible d'être réalisé dans le cadre de notre exercice quo-
la bonne posologie, par la voie adéquate, pendant une
tidien, en odonto-stomatologie.
durée suffisante, en tenant compte des critères vus précé-
Il ne faut pas oublier que la prescription d'antibiotiques ne
demment et des éventuelles interactions médicamenteu-
remplace ni l'asepsie, ni l'antisepsie. Au cours des soins
ses. Il faudra arrêter la prescription brutalement afin d'évi-
dentaires, les agents infectieux peuvent être transmis par
ter d'obtenir des concentrations sériques inférieures à la
contact direct avec les liquides biologiques, ou par
concentration efficace.
contact indirect à partir de matériel contaminé ou par
Les groupes de travail de l'Agence nationale pour le déve- aérobactério-contamination. L'émergence de nouvelles
loppement de l'évaluation médicale (ANDEM) en 1996 et maladies infectieuses appelle les praticiens à plus de vigi-
de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de lance. L'application des principes de précaution univer-
santé (AFSSAPS), en 2001, ont recommandé l'utilisation en selle permettra au praticien de maîtriser au mieux le risque
première intention, soit des pénicillines, soit des macroli- d'infection nosocomiale.
des, soit des synergistines, soit des nitro-imidazolés, ces
derniers étant prescrits en association avec d'autres molé- En outre, la motivation et l'enseignement des techni-
cules. En cas d'échec du premier traitement antibiotique ques simples d'hygiène bucco-dentaire ainsi que la pres-
constaté par l'absence de diminution des signes cliniques, cription raisonnée et justifiée d'antiseptiques locaux
il est recommandé de changer l'antibiotique après comme la chlorhexidine, permettent de contrôler le
48 heures et de prescrire un antibiotique d'une autre microbiote et d'éviter ainsi les abus de prescription
d'antibiotiques.
classe thérapeutique ou un antibiotique de deuxième

370
5 - Antibiothérapie curative nes, péricoronarites aiguës et en cas de signes généraux
associés, l'antibiothérapie curative est indiquée. Quant
L'antibiothérapie curative n'est justifiée qu'en cas d'infec- aux infections graves de la face, elles sortent du cadre de
tion bactérienne prouvée cliniquement ou bactériologi- notre pratique quotidienne.
quement. Elle n'est donc pas adaptée au traitement des
viroses, des mycoses et des aphtoses. Il est important de 5.2 - Chez les sujets à risque infectieux
distinguer une atteinte infectieuse d'une atteinte inflam- Un risque infectieux élevé est rencontré chez les patients
matoire. Même si l'antibiothérapie est très importante, qui présentent une immunodépression, un diabète non ou
elle n'a le plus souvent qu'un rôle adjuvant en odonto- mal équilibré, une dénutrition, une néphropathie, une irra-
stomatologie. La thérapeutique curative est liée à un acte diation cervico-faciale, un rhumatisme articulaire aigu, une
chirurgical. C'est l'exemple de l'abcès collecté qui est inac- hémopathie maligne, une cardiopathie à risque ou qui por-
cessible à la diffusion d'un antibiotique, et dont le traite- tent une prothèse comme une prothèse de hanche. Pour
ment consiste d'abord à inciser et à drainer. ces patients, il est nécessaire de se mettre en rapport avec
le praticien traitant afin de connaître de façon précise le
5.1 - Chez le sujet présumé sain degré du risque infectieux. La conduite thérapeutique
En odontologie conservatrice, elle ne trouve pas son indica- devra être modulée selon le degré de ce risque.
tion dans le traitement des caries amélaires ou dentinaires.
En endodontie, elle n'est pas indiquée dans le traitement
d'une pulpite aiguë ou d'une pulpite chronique. L'indication 6 - Antibiothérapie prophylactique
est plus discutée dans le cas des infections endodontiques L'antibiothérapie prophylactique ou antibioprophylaxie a
(nécrose pulpaire), l'objectif du traitement étant de réaliser pour objectif de prévenir une dissémination bactérienne,
un acte chirurgical qui consiste à pratiquer un débridement, notamment par voie hématogène e t / o u de réduire les ris-
à retirer l'origine de l'infection et à établir un drainage. ques de complications infectieuses postopératoires. Avant
toute dissémination bactérienne, l'antibiotique doit être
Cependant, pour résumer, on peut dire que l'antibiothéra-
présent à concentration efficace dans les tissus concernés
pie n'est indiquée que lorsque l'on retrouve des signes
et dans le sang et maintenu aussi longtemps qu'une conta-
généraux associés ou une extension diffuse de l'infection
mination persiste au site opératoire (tab. 44.2).
(cellulite). Dans ce cas, l'antibiotique est un adjuvant théra-
peutique, et ne constitue en aucun cas une alternative à
l'acte chirurgical d'exérèse, de débridement et de drainage. 6.1 - Chez le sujet présumé sain

L'antibioprophylaxie chez le sujet présumé sain a pour


but de diminuer le risque infectieux lors de certaines thé-
Important ! En parodontologie, elle n'est pas indiquée dans
rapeutiques invasives comme par exemple, l'extraction
le traitement d'une maladie gingivale induite par la plaque
dentaire ou d'un abcès parodontal.
d'une dent de sagesse incluse nécessitant un dégagement
osseux. Elle a peu d'indications chez le sujet sain.

De même que dans le cadre de l'endodontie, l'antibiothéra- Elle intervient en pré, per ou en postopératoire dans les
pie curative ne constitue qu'un adjuvant thérapeutique. Elle interventions longues et difficiles nécessitant des résec-
n'est indiquée qu'en cas de signes généraux associés, de tions osseuses (avulsions multiples avec résection
maladies parodontales nécrotiques, dans les cas de paro- osseuse, dents incluses, exérèse de kystes...).
dontites agressives associées à des destructions rapides des Elle peut trouver son indication lors de la pose d'un
tissus parodontaux et dans les cas de parodontites répon- implant, d'une réimplantation, d'un traumatisme alvéole-
dant mal au traitement initial (parodontites réfractaires dentaire, d'une greffe osseuse et dans les thérapeutiques
chroniques ou agressives). régénératives.
D'autre part, l'antibiothérapie n'est pas indiquée dans les
cas d'accidents d'éruption de dents temporaires ou d'une Généralement, l'antibioprophylaxie débutera la veille
alvéolite sèche. ou le matin de l'intervention, sera poursuivie durant
Face aux complications infectieuses des différentes 5 jours (plaie alvéolaire) et sera accompagnée des
conseils d'usage et de la prescription d'antiseptiques
pathologies dentaires : cellulites, ostéomyélites, adénites
locaux (gel ou bain de bouche).
infectieuses, stomatites, sinusites maxillaires odontogè-

371
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

Tableau 44.2 Traitements prophylactiques concernant certaines interventions en odonto-stomatologie

Antibiotique Posologie
Prophylaxie standard Amoxicilline Par voie orale, 1 h avant l'intervention :
« Adulte : 2 g (dernière recommandation)
• Enfant : 50 mg.kg"1

Impossibilité d'administrer Amoxicilline • Adulte : 2 g IV (perfusion de 0,5 h) dans l'heure précédant le


des médicaments par voie geste, puis 1 g per os 6 h plus tard
orale • Enfant : 50 mg.kg-1 IV (perfusion de 0,5 h) dans l'heure récédant
le geste, puis 25 mg.kg -1 per os 6 h plus tard

Allergie aux -lactamines Clindamycine Par voie orale, 1 h avant l'intervention :


• Adulte : 600 mg
• Enfant : 20 mg.kg-1

Pristinamycine Par voie orale, 1 h avant l'intervention :


• Adulte : 600 mg
• Enfant : 20 mg.kg-1

Azithromycine ou clarithromycine Par voie orale, 1 h avant l'intervention :


• Adulte : 500 mg
• Enfant : 15 mg.kg-1

Allergie aux -lactamines et Vancomycine • Adulte : 1 g IV (perfusion 1 h) dans l'heure précédant le geste
impossibilité d'administrer • Enfant : 20 mg.kg-1 (perfusion 1 h) dans l'heure précédant le geste
des médicaments par voie
Teicoplanine • Adulte : 400 mg IV (directe) dans l'heure précédant le geste
orale
• Enfant : AMM absente pour cette indication

6.2 - Chez les sujets à risque infectieux 7 - La résistance aux antibiotiques


L'antibioprophylaxie chez les patients présentant un risque
infectieux élevé (immunodépression, diabète non ou mal L'évolution des bactéries en termes de résistance aux anti-
équilibré, dénutrition, néphropathies, irradiation cervico- biotiques est un processus que l'on ne peut malheureuse-
faciale, rhumatisme articulaire aigu, hémopathies malignes, ment pas éviter car il existe naturellement dans la nature.
port de prothèse, cardiopathies à risque...) a pour but de Cependant, l'émergence de ces résistances au sein d'une
diminuer le risque infectieux pour tout acte sanglant ou population bactérienne et la dissémination des bactéries
pouvant entraîner une bactériémie transitoire importante résistantes ou des gènes impliqués dans ces processus
et qui exposerait par voie hématogène au risque de métas- peuvent être retardées par une utilisation raisonnée des
tase bactériémique, notamment d'endocardite ou d'infec- antibiotiques.
tion sur prothèse. Dans ces cas, il est nécessaire de se mettre Notre rôle n'est pas clairement étudié dans l'apparition, la
en rapport avec le praticien traitant afin de connaître de sélection et la dissémination des germes résistants, voire
façon précise le degré du risque infectieux et la nécessité multirésistants. Les biofilms bactériens présents dans la
d'instaurer ou non une l'antibiothérapie prophylactique. En cavité buccale constituent des écosystèmes à part entière,
ce qui concerne, la prophylaxie de l'endocardite infectieuse propices à des transferts de gènes et pouvant développer
au cours des soins bucco-dentaires, une conférence de des propriétés de résistance aux antibiotiques. Il importe,
consensus en thérapeutique anti-infectieuse a établi des tout de même, de respecter les bonnes indications en anti-
règles simples (voir chapitre 32). biothérapie ainsi qu'en antibioprophylaxie.
L'apparition rapide des résistances et le coût de plus en
Chez les patients ayant une très grande susceptibilité plus élevé des traitements nous rappellent que le manie-
aux infections bactériennes avec risque de métastase ment des antibiotiques n'est pas si aisé. Même si elle est
bactérienne, il est préférable de pratiquer sous antibio- d'une aide précieuse, la prescription antibiotique n'a le
prophylaxie l'acte chirurgical et durant l'antibiothérapie plus souvent qu'un rôle adjuvant en odonto-stomatologie,
qui suit, l'avulsion de la ou des dents causales. la thérapeutique curative étant souvent liée à un acte

372
chirurgical. L'observance des règles d'asepsie et d'antisep- rer dans de bonnes conditions une antibiothérapie ou une
sie permet de contrôler de manière satisfaisante un éven- antibioprophylaxie.
tuel risque infectieux. À l'éventuel bénéfice, il faudra
opposer les risques liés à l'utilisation de ces molécules Aussi, l'odonto-stomatologiste devra participer aux
notamment en termes d'effets adverses, de résistance et contrôles de l'émergence de nouvelles souches bacté-
riennes résistantes, des dépenses de santé et donc des
de coût. Une meilleure connaissance de la physiopatholo-
abus de prescription, en s'appuyant sur la « dentisterie
gie des infections en odonto-stomatologie et de la phar-
fondée sur la preuve » (tab. 44.3).
macologie permettra de fournir les éléments afin d'instau-

Tableau 44.3a Organigramme récapitulatif (patient en bonne Tableau 443b Organigramme récapitulatif (patient atteint d'une
santé) pathologie médicale)

Diagnostic Prophylaxie

Infection d'origine dentaire

Diagnostic Prophylaxie
Infection localisée Infection généralisée
Atteintes diffuses
et septicémie Infection d'origine dentaire
Débridement, incision et drainage

Consulter/aviser un médecin/praticien spécialiste (traitant)


Résolution Suivi
Signes vitaux
Débridement, incision
et drainage
Amélioration inadéquate Antibiothérapie
Hémoculture/tests
de susceptibilité
Consulter/aviser un médecin/praticien spécialiste Instruction pour soins
ambulatoires
Signes vitaux
Débridement, incision et drainage Résolution Suivi
Antibiothérapie Hémoculture/
tests de susceptibilité
Instruction pour soins ambulatoire
Amélioration inadéquate
Résolution Suivi
Changement
Augmentation de l'antibiotique
de la dose basé sur des résultat
Amélioration inadéquate
bactériologique
Résultats de laboratoire disponible

Suivi
Augmentation Changement
de la dose de l'antibiotique

Suivi

373
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

III - Anti-inflammatoires -troubles cutanés (retard de cicatrisation, purpura, ecchy-


moses, acné, hypertrichose) ;
-troubles neuropsychiques (excitation avec euphorie et
1-AIS insomnie, états confusionnels, convulsions, état dépres-
sif à l'arrêt du traitement) ;
1.1 - Notions générales -troubles oculaires (cataracte et glaucome).
Les anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS) possèdent de On peut avoir un phénomène de rebond et une hyperten-
nombreuses propriétés pharmacologiques et effets indé- sion intracrânienne à l'arrêt d'un traitement long.
sirables. Ils sont anti-inflammatoires, anti-pyrétiques, anal-
gésiques, anti-allergisants et immunosuppresseurs. Les chefs 1.2.4 Principales contre-indications
de file des AIS sont les glucocorticoïdes naturels : hydro-
cortisone et le cortisol (hormones stéroïdes synthétisées Il s'agit de l'ulcère gastroduodénal, des états psychoti-
par la corticosurrénale). ques non contrôlés, de la vaccination par vaccin vivant,
de l'allergie aux corticoïdes, des hépatites en évolution,
En odonto-stomatologie, on utilisera préférentielle- des infections bactérienne ou fongique et des viroses en
ment les glucocorticoïdes de synthèse (prednisone, évolution (varicelle, herpès et zona).
prednisolone...) qui possèdent une meilleure activité
anti-inflammatoire pour un effet amoindri sur la réten- 1.2.5 Interactions médicamenteuses
tion de sodium.
Elles se produisent avec les anticoagulants oraux, l'hépa-
rine, l'insuline et les sulfamides hypoglycémiants, les vac-
1.2 - Données pharmacologiques cins vivants atténués, les inducteurs enzymatiques (phéno-
barbital, rifampicine), les médicaments hypokaliémiants,
1.2.1 Propriétés pharmacodynamiques
les médicaments favorisant les torsades de pointes et les
Ils possèdent tous des effets anti-inflammatoires, immunosu- anti-arythmiques.
presseurs, sur le métabolisme des glucides, des protides et des
lipides, sur le métabolisme des électrolytes et de l'eau. Ils ont 1.3 - Principes d'utilisation des AIS
une action sur le système nerveux central, le système cardio- en odonto-stomatologie
vasculaire, l'axe hypothalamo-hypophysaire, l'estomac, les Les glucocorticoïdes ne sont utilisés que dans certains cas
muscles, les cellules sanguines et une action immunologique. particuliers en raison de leurs effets indésirables : traite-
ment des accidents allergiques graves, chirurgie buccale
1.2.2 Mode d'administration
ou dermatologie buccale.
Leur résorption per os est bonne. Certains sont injectables
en IV ou en IM. 1.3.1 Les accidents allergiques
Pour les réactions allergiques à manifestations cutanées
1.2.3 Effets indésirables
(urticaire, rash), cutanéo-muqueuse (oedème de Quincke) ou
Ils surviennent surtout lors des traitements longs et ils
respiratoire (bronchospasme), les crises d'asthme sévères et
sont en rapport avec les propriétés pharmacodynamiques : les chocs anaphylactiques (en association avec l'adrénaline
- désordres hydro-électriques (hypokaliémie, alcalose méta- et le remplissage vasculaire), il faudra utiliser un corticoïde
bolique, rétention hydrosodée, hypertension artérielle); d'action rapide tel que la bétaméthasone (Célestène®) ou la
-troubles endocriniens et métaboliques (syndrome de dexaméthasone (Soludécadron®) par voie parentérale (IV ou
Cushing iatrogène, inertie de la sécrétion d'ACTH, atro- IM). Ces produits doivent faire partie de la trousse d'urgence
phie cortico-surrénalienne, diminution de la tolérance au au cabinet dentaire.
glucose, aggravation du diabète, trouble de la croissance
chez l'enfant, irrégularités menstruelles) ; 1.3.2 La chirurgie buccale
-troubles musculo-squelettiques (atrophie musculaire, Certains phénomènes inflammatoires aigus peuvent justi-
ostéoporose, fractures pathologiques, ostéonécrose fier la prescription d'un AIS. Une durée de traitement infé-
aseptique des têtes fémorales) ; rieure à 10 jours, la voie orale, la prise quotidienne le matin
- troubles digestifs (ulcères gastroduodénaux, hémorragies et l'association avec une antibiothérapie sont préférables.
digestives, perforations, ulcérations de grêle, pancréati- Ce cas de figure se rencontre avec l'avulsion de la troisième
tes aiguës) ; molaire mandibulaire incluse où la prescription (associée à

374
une antibiothérapie) se fera sur 3 jours en commençant le 2.2.3 Tolérance et effets indésirables
matin de l'intervention et les deux matins suivants dans le
but de réduire les réactions inflammatoires et surtout C'est le seul élément objectif actuel de choix. Les AINS
l'oedème post-chirurgical. inhibent plus ou moins la synthèse de prostaglandines
et ont des propriétés anti-inflammatoires, antalgiques
1.3.3 La dermatologie buccale et antipyrétiques.
Pour certaines stomatites bulleuses, le lichen plan, certai- Ils présentent, à des degrés divers, les mêmes risques
nes aphtoses invalidantes ou le pemphigus, on prescrira de d'effets indésirables, quelle que soit la voie d'adminis-
tration :
la bêtaméthasone sous forme de 17-valérate. Cette molé-
- lésion des muqueuses gastroduodénale et intestinale,
cule a une mauvaise résorption et donc peu d'effets sys-
les accidents majeurs étant représentés par l'ulcère gas-
témiques. Elle est prescrite sous forme de tablettes à sucer
troduodénal et l'hémorragie digestive ;
(jusqu'à délitement complet).
- induction possible d'un spasme bronchique chez cer-
Il est important de noter qu'il existe des pâtes d'obturation tains sujets prédisposés ;
canalaire contenant des corticoïdes. En cas de dépassement - accidents cutanés dont les plus graves sont les derma-
intra-sinusien, ces produits peuvent favoriser les sinusites toses bulleuses (syndromes de Stevens Johnson et de
chroniques et l'aspergillose (sinusite fongique). Ils peuvent Lyell);
également être responsables d'un retard de cicatrisation des - aggravation possible d'une insuffisance hépato-cellu-
lésions apicales. laire ou rénale ;
- hépatites médicamenteuses ;
- réduction des moyens de défense contre l'infection ;
2-AINS -troubles de l'hémostase (augmentation du temps de
saignement).
2.1 - Notions générales
Les salicylés et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ces effets indésirables sont communs à toutes les familles
possèdent des propriétés thérapeutiques, des interactions
d'AINS. Cependant, d'autres effets peuvent être observés
médicamenteuses et des effets indésirables communs.
plus spécifiquement avec certaines familles qui ne sont pas
Aux doses pharmacologiques, les effets antalgique, anti-
inflammatoire, antipyrétique et antiagrégant plaquettaire des habituellement prescrites en odonto-stomatologie.
AINS couramment prescrits en odonto-stomatologie, sont
2.3 - Principes d'utilisation des AINS
liés à l'inhibition de la cyclo-oxygénase (Cox-1 et Cox-2). Les
en odonto-stomatologie
AINS présentent, à des degrés divers, les mêmes risques
d'effets indésirables, quelle que soit la voie d'administration. 2.3.1 Contre-indications et précautions d'emploi
Ils sont regroupés en plusieurs familles dont les plus pres-
crites sont les salicylés (acide acétylsalicylique, difluni- - En cas d'allaitement.
sal...), les arylcarboxyliques (ibuprofène, kétoprofène...) et - Chez la femme enceinte pendant les 3 premiers mois
les anthraniliques ou fénamates (acide niflumique, acide (risque tératogène) et en fin de grossesse (risque de
méfénamique). La classification chimique des AINS ne pré- retard de l'accouchement, risque hémorragique foetal,
juge ni de leur efficacité ni de leur tolérance (tab. 44.4). risque de fermeture du canal artériel).
En odonto-stomatologie, on retiendra plutôt les arylcar- - Au cours de l'ulcère digestif en évolution.
boxyliques, les fénamates et éventuellement les salicylés. - Chez les patients présentant un trouble congénital ou
acquis de l'hémostase (hypocoagulation).
- À éviter chez les asthmatiques.
2.2 - Comment choisir un AINS ?

2.2.1 Indications 2.3.2 Interactions médicamenteuses


Aucun travail scientifique ne permet de réserver ou de pri- En odonto-stomatologie, ces médicaments sont prescrits
vilégier un AINS pour une indication précise. pour leurs propriétés anti-inflammatoires, anti-oedémateu-
ses et antalgiques. Un effet antalgique seul peut être obtenu
2.2.2 Efficacité avec une posologie plus faible que celle requise pour obtenir
Une hiérarchie est actuellement, dans ce domaine, impos- un effet anti-inflammatoire Ces médicaments sont sympto-
sible à établir. matiques et ne dispensent pas du traitement étiologique.

375
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

Tableau 44.4 AINS de prescription courante en odonto-stomatologie

Famille DCI Spécialités Posologie A d u l t e Posologie Pédiatrique


®
Arylcarboxyliques Acide tiaprofénique Acide tiaprofénique Bayer Traitement d'attaque : Enfant > 15 ans, 10 m g / k g / j ,
Acide tiaprofénique EG® 200 mg, 3 fois par jour en 2 à 3 prises, soit :
Acide tiaprofénique MSD® Traitement d'entretien (à > 30 kg : 100 mg, 3 fois/j
Flamirex Gé® partir du 4 e jour) : 300 m g / 20 à 30 kg : 100 mg,2 à
Flanid® j, en 2 à 3 prises 3 fois/j
Surgam® A avaler ou à dissoudre 15 à 20 kg : 50 mg, 3 fois/j à
dans l'eau, de préférence au 100 mg, 2 fois/j
cours des repas

Alminoprofène Minalfène ® 2 à 3 c p / j à avaler au cours


des repas

Diclofénac Diclofénac GNR® 100 à 200 m g / j Enfant > 16 kg : 2 à 3 m g / k g / j


Dicoflénac Merck® > 6 ans : utiliser uniquement
Dicoflénac RPG® le dosage 25 mg oral
VoldaI Gé® > 4 ans : utiliser uniquement
Voltarène ® dosage 25 mg rectal

Fénoprofène Nalgésic® Réservé adulte, 1 cp. 3 à


4 fois/j

Ibuprofène Advil ® Espacer les prises de 4 à Espacer les prises d'au


Brufen® 6 heures moins 6 heures
Ibuprofène GNR® A prendre de préférence au 30 à 40 m g / k g / j en 4 prises
Nureflex ® cours des repas Antareme®100 mg(Enfde 6
Upfen ® jusqu'à 1200 m g / j à 15 ans)
Nureflex® enf/nour (> 6 mois)

Kétoprofène Actroneffix ® Ad : 25 à 50 mg 1 à 3 fois/j, Enf : 0,5 mg/kg/prise, 3 à


Toprec ® jusqu'à 150 m g / j max. 4 fois/j, jusqu'à 2 m g / k g / j

Naproxène Apranax® 500 mg de naproxène Enfant > 25 kg : 10 m g / k g / j ,


Naprosyne® correspondant à 550 mg de exprimés en naproxène, en
naproxène sodique 2 prises si possible
Traitement d'attaque : Toujours utiliser une forme
1 000 m g / j exprimés en dosée à 250 mg ou à 275 mg
naproxène, répartis en 1 ou (exprimé en naproxène)
2 prises, par voie orale
seule (à prendre au cours
des repas) ou associée à la
voie rectale
Traitement d'entretien :
500 mg à 750 m g / j ,
exprimés en naproxène, en
1 prise le matin ou le soir
Insuffisant rénal et sujet
âgé : réduire la posologie

376
Tableau 44.4 AINS de prescription courante en odonto-stomatologie (suite)

Famille DCI Spécialités Posologie Adulte Posologie Pédiatrique


®
Anthraniliques Acide niflumique Nifluril Dans les indications ORL et Dans les indications ORL et
et apparentés stomatologiques, la durée stomatologiques, la durée
du traitement ne doit pas du traitement ne doit pas
dépasser 5 j dépasser 5 j
Voie orale : à prendre au Voie orale : à prendre au
cours des repas, en cours des repas, en
plusieurs prises/j plusieurs prises/j
3 à 4 g é l / j :jusqu'à 6 gél/j si Enf > 12 ans : 2 à 3 gél/j
nécessaire Voie rectale :
Voie rectale : 6 à 30 mois : 1/2 suppos
Ad/Enf > 21 ans : 1 suppos 400 mg, 2 fois/j
700 mg matin et soir 30 mois à 12 ans : 1 suppos
400 mg/10 kg/j : jusqu'à
3 suppos 400 m g / j

Acide méfénamique Ponstyl® Ad/Enf > 12 ans


Voie orale : à prendre de
préférence au cours des repas
0,75 à 1,5 g/j, soit 3 à 6 g/j, soit
1 à 3 suppos/j en 1 à 3 prises

Avant de prescrire un AINS aux doses anti-inflammatoires et - L'association au méthotrexate à dose anticancéreuse est
compte tenu des effets secondaires, il convient d'apprécier contre-indiquée.
le rapport bénéfices/risques du traitement. En cas de pro- - Pas d'association avec un autre AINS par voie générale y
cessus infectieux, la prescription d'AINS doit être accom- compris l'aspirine (sauf si la prescription d'aspirine est à visée
pagnée d'une prescription d'antibiotiques. Il est donc antiagrégante à des doses < 500 mg). Cette recommanda-
recommandé de ne pas prescrire d'AINS seul (même à tion concerne toute la classe des AINS qu'ils soient prescrits
dose antalgique) au cours d'une infection aiguë (cellulite comme antalgiques, antipyrétiques ou anti-inflammatoires.
odontogène) à cause du risque d'une possible extension du - Pas d'association avec une corticothérapie, sauf dans cer-
processus infectieux. taines maladies inflammatoires systémiques évolutives.
Les AINS peuvent être prescrits dans le cadre d'un acte chi- - Mauvaise résorption digestive possible avec les antiaci-
rurgical en prévention de la douleur postopératoire, ainsi que des et les pansements gastriques.
pour leur effet anti-oedémateux. Cependant, pour ce dernier
effet, ils sont moins efficaces que les glucocorticoïdes.
Étant donné leur action plus ou moins importante sur
3 - Autres produits
l'hémostase, il faudra préférer un AINS à demi-vie courte Les enzymes (Extranase®, Maxilase®) et le lysozyme
comme les dérivés aryl-carboxyliques. (Lyso 6®, Lysopaïne ORL®) n'ont qu'une activité anti-
- Insuffisance rénale en début de traitement notamment inflammatoire réduite. Ils sont plutôt utilisés comme
chez les patients âgés ou déshydratés et en coprescrip- anti-œdémateux.
tion avec les diurétiques, les inhibiteurs de l'enzyme de
conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de Ils possèdent peu ou pas de contre-indications à leur pres-
l'angiotensine II. cription hormis un risque allergique. Ils ne nécessitent pas
- Diminution possible de l'effet des traitements antihyper- une co-prescription avec un antibiotique.
tenseurs tels que les diurétiques, les bêtabloquants et les On peut également utiliser l'application topique de glace
IEC. après une chirurgie. On pourra prescrire un coussin ther-
- Pas de prescription d'un AINS chez un patient sous anti- mique (à réfrigérer préalablement). Il faudra donner les
vitamine K, sous héparine ou sous ticlopidine en raison conseils d'utilisation nécessaires afin d'éviter des brûlures
du risque hémorragique. dues au froid (gerçures).

377
Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

IV - Antalgiques 2 - Opioïdes/morphiniques
2.1 - Classification des opiacés
1 - Antalgiques non-opioïdes Ils peuvent être classés en plusieurs groupes selon leur
famille chimique, leur pouvoir analgésique ou leur effet
Ces molécules sont classées selon leur effet physiologi-
pharmacologique.
que: antalgiques antipyrétiques/antalgiques antipyréti-
Un certain nombre de substances ont été synthétisées en
ques anti-inflammatoires/antalgiques purs.
vue de remplacer la morphine et se comportent comme
des agonistes qui peuvent mimer les effets de la morphine.
1.1 - Antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires
cette classe de médicaments est représentée par l'aspi- Les agonistes majeurs ont un effet comparable ou supé-
rine et par les AINS Son principal mécanisme d'action rieur à la morphine.
repose sur l'inhibition de la synthèse des prostaglandines
(PGs) produites par les cyclooxygénases (COX) à partir de Les agonistes mineurs comme la codéine, le dextropropoxy-
phène ou le tramadol (qui a également un effet monoaminer-
l'acide arachidonique. De ce mécanisme découlent les
gique) provoquent des effets plus faibles que la morphine.
quatre propriétés pharmacologiques de ces substances :
D'autres ont des propriétés analgésiques de type morphine
antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire et anti-
mais peuvent s'opposer aux effets de celle-ci lorsqu'elles
aggrégant plaquettaire. Leur activité antalgique s'expli-
sont administrées après elle (effet agoniste-antagoniste).
que d'une part par la diminution de la sensibilisation des
Les opioïdes sont classés en trois catégories en fonction
nocicepteurs périphériques et par un blocage de la trans-
de leur action sur les récepteurs : agonistes purs, agonistes
mission nociceptive au niveau central (l'effet antalgique
partiels-antagonistes ; agonistes-antagonistes.
du diclofénac par exemple est dû à 40 % à son effet cen-
tral). 2.2 - Codéine - dextropropoxyfène
Les bénéfices thérapeutiques des inhibiteurs des COX2, Codéine et dextropropoxyphène sont le plus souvent utilisés
supposés prévenir certains des effets secondaires des inhi- en association avec des antalgiques de palier I (essentielle-
biteurs des COX1, sont en cours d'évaluation après surve- ment aspirine et paracétamol) qui semblent potentialiser leur
nue de nombreux accidents, essentiellement cardiovascu- action antalgique. Il ne semble pas cependant que le dextro-
laires. Par ailleurs ces molécules n'ont pas d'AMM propoxyphène potentialise l'effet antalgique du paracétamol.
correspondant à des douleurs orofaciales. Seule la dihydrocodéine (Dicodin®) permet d'administrer
de la codéine seule.
Les AINS inhibent les réactions de défense de l'orga-
nisme et ne doivent pas être utilisés seuls dans le cas Malgré sa popularité, l'association paracétamol-dextro-
d'infections avérées. Ils doivent être associés aux anti- propoxyphène n'a pas montré d'efficacité supérieure au
biotiques. paracétamol seul. Par ailleurs, son utilisation expose à des
risques de toxicité cardiaque et d'accumulation dans les
1.2 - Antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires tissus en raison du différentiel de cinétique d'action
entre le paracétamol (demi-vie de 2 heures) et le dextro-
Cette classe est principalement représentée par le para- propoxyphène (demi-vie supérieure à 7 heures). Elle n'est
cétamol. Bien que celui-ci soit utilisé depuis plus d'un par conséquent pas recommandée.
siècle, son mécanisme d'action est encore peu connu.
2.3 - Tramadol
Comme les salicylés et les AINS, le paracétamol possède Il présente des analogies de structure avec la codéine et
une activité antalgique et antipyrétique, mais il ne possède agit sur le métabolisme de la noradrénaline et de la séro-
aucune action anti-inflammatoire et antiagrégante plaquet- tonine. Il présente également moins d'effets secondaires
taire. Ils se lient peu aux protéines plasmatiques mais pénè- que la morphine et semble bien indiqué pour les douleurs
trent en revanche facilement dans le SNC où ils réduisent la postopératoires. Son efficacité antalgique en chirurgie
synthèse des PGs. Par ailleurs, il favoriserait l'activation de buccale est proche de celle des AINS.
neurones sérotoninergiques descendants exerçant au
On peut l'utiliser en association avec un antalgique de
niveau spinal un contrôle inhibiteur sur les voies de la dou-
palier I en cas d'échec de ce dernier.
leur.

378
2.4 - Morphine 3.1 - Les anti-épileptiques
La morphine a un pouvoir antalgique fort. Elle augmente Les cibles pharmacologiques des agents anti-épileptiques
les seuils de perception de la douleur mais modifie égale- sont multiples.
ment la qualité de ces perceptions, entraînant un détache- - La carbamazépine et la phénytoïne agissent principale-
ment vis-à-vis d'elle. Elle agit donc sur les composantes ment sur les canaux Na+ des neurones nociceptifs, rédui-
sensori-discriminative, mais également affective émotion- sant leur aptitude à créer des trains de potentiels d'action
nelle. C'est un agoniste pur produisant une analgésie puis- de fréquence élevée (comme dans les décharges ectopi-
sante, dose-dépendante, sans effet plafond. ques observées au cours des douleurs neuropathiques)
sans affecter les potentiels d'action isolés. L'efficacité de
C'est l'analgésique de référence pour les douleurs inten- la carbamazépine est meilleure dans les cas de douleurs
ses en situation d'urgence. Son efficacité en toute sécu-
neuropathiques avec épisodes paroxystiques. Du fait de
rité a été largement démontrée, à condition que son
ses propriétés d'induction enzymatique, la carbamazépine
administration se réalise selon des règles précises qui
sont la titration et la surveillance. interagit avec de nombreux médicaments et entraîne des
risques de surdosage et de toxicité hépatique.
- La gabapentine (Neurontin ® ) est un analogue cyclique du
Il faut obtenir un niveau d'analgésie suffisant tout en limi-
GABA utilisé dans le traitement des douleurs neuropathi-
tant la survenue des effets indésirables qui sont
ques.
principalement : une dépression respiratoire, des nausées-
vomissements, une rétention urinaire, un prurit, et un
3.2 - Antidépresseurs
ralentissement du transit intestinal. L'utilisation de la mor-
phine titrée en situation d'urgence impose une sur- Leur effet est double. Ils améliorent d'une part les plain-
veillance rapprochée du patient, à la fois clinique et para- tes associées à la douleur telles que la dépression et les
clinique, comprenant une surveillance régulière de l'état perturbations du sommeil qui accompagnent souvent les
de conscience, du niveau de douleur (mesures répétées douleurs chroniques. Ils possèdent également une action
par les échelles d'auto-évaluation), de la fréquence respi- spécifique sur la douleur, indépendante de l'humeur.
ratoire, de l'hémodynamique et de la saturation en oxy-
gène. L'effet sur les douleurs neuropathiques apparaît à des
doses inférieures et avec une cinétique plus rapide que les
Les effets indésirables les plus fréquents aux doses habi- effets antidépresseurs. Leur utilisation à long terme
tuelles sont la somnolence, une confusion, des nausées entraîne peu d'effets toxiques mais doit toujours être
et vomissements, une constipation. Du fait de cette contrôlé en raison d'effets secondaires possibles ou de
somnolence, il faut veiller à ce que le patient ne
synergies médicamenteuses indésirables. Les principaux
conduise pas de véhicule ou ne se mette pas dans une
AD utilisés dans le traitement de la douleur sont les anti-
situation dangereuse après. On peut également noter :
sédation, excitation, cauchemars, plus spécialement dépresseurs tricycliques (Imipramine, Amitriptyline, Dési-
chez le sujet âgé, avec éventuellement hallucinations ; mipramine...) et les inhibiteurs de recapture de la séroto-
dépression respiratoire ; augmentation de la pression nine (IRS), (Fluvoxamine, Fluoxétine).
intracrânienne, rétention urinaire en cas d'adénome
prostatique ou de sténose urétrale. 3.3 - Anxiolytiques
Ces médicaments ne sont pas des antalgiques mais peu-
vent aider à lutter contre les troubles de l'humeur asso-
3 - Médicaments utilisés ciée, notamment dans les cas de douleurs chroniques. Les
dans le cas de douleurs neuropathiques benzodiazépines sont les plus utilisées. Elles agissent sur
les récepteurs GABA (comme l'alcool) en augmentant la
Les molécules les plus efficaces pour traiter les douleurs fréquence d'ouverture du canal chlore associé, entraînant
neuropathiques sont les antidépresseurs et les anti-épi- une hyperpolarisation neuronale et donc un effet inhibi-
leptiques, mais leur effet n'est pas immédiat. Il est donc teur. Elles présentent toutes à des degrés divers des pro-
difficile d'utiliser ces médicaments dans le cadre de priétés anxiolytiques, anticonvulsivantes, hypnotiques et
l'urgence car ils agissent lentement, en plusieurs jours et myorelaxantes Leur prescription doit être prudente et
nécessitent souvent des paliers thérapeutiques.
limitée, notamment chez les insuffisants respiratoires

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Les médicaments de l'urgence
Les médicaments de l'urgence

chroniques et chez les sujets âgés. Elle doit être limitée 5HT1D) et le zolmitriptan (agoniste 5 HT1B/1D). Ils rédui-
dans le temps et surveillée en raison du risque important sent l'inflammation neurogène périphérique et l'activité
de dépendance. Par ailleurs, le risque de suicide par levée des neurones trigéminaux observés dans les crises migrai-
d'inhibition est important chez les patients à risque. Il faut neuses. Ils provoquent également un effet vasoconstric-
dans ce cas prescrire un anxiolytique (Paroxétine par teur indispensable à leur effet thérapeutique.
exemple) deux semaines avant la prescription de benzo-
diazépine. 4.2 - Tartrate d'ergotamine et dihydroergotamine (DHE)
Ces molécules sont spécifiques de la crise migraineuse.
4 - Médicaments utilisés Elles ont deux modes d'action possible, la vasoconstric-
tion ou une action sur le métabolisme des amines biogè-
dans le cas de douleurs neurovasculaires
nes (sérotonine, catécholamines).
4.1 - Triptans
Les triptans sont des molécules rapidement efficaces dans 4.3 - Indométacine
le traitement de la migraine et de l'algie vasculaire de la Cet AINS est spécifiquement efficace dans les crises d'hémi-
face. Ce sont des agonistes des récepteurs sérotoninergi- crânie paroxystique, forme féminine d'algie vasculaire de la
ques dont les chefs de file sont le sumatriptan (agonistes face pour laquelle il constitue un critère diagnostique.

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antimicrobial agents. Trends Microbiol 2001; 9: 34-9. Dent 2002 ; 8 p.

Achevé d'imprimer en novembre 2007


par l'imprimerie Euradius
Dépôt légal : novembre 2007
Imprimé aux Pays-Bas
Collection

Urgences dentaires et médicales


Conduites à tenir
Prévention chez le patient à risque
Yves BOUCHER, Edouard C O H E N

La prise en charge des urgences au cabinet dentaire est un impératif éthique et légal. C'est également un
challenge thérapeutique et ergonomique au cours duquel le praticien doit, en un minimum de temps, lutter
contre le stress et la douleur de son patient, stopper l'évolution d'un processus pathologique, prévenir les
complications potentielles du processus en cours, mettre en oeuvre un retour à la normalité, le tout sans
compromettre l'avenir.

En pratique quotidienne, le praticien peut être confronté à deux types de situations d'urgence : celles où le
patient appelle le cabinet pour une prise en charge, qu'il fasse partie de la patientèle habituelle ou non, et celles
où un accident survient au cours d'une séance de soins. Ces dernières sont évidemment les plus graves
puisqu'elles peuvent engager le pronostic vital. Le praticien doit donc y être préparé.

Le but de cet ouvrage réunissant des odontologistes et des médecins est de :


- préciser le cadre déontologique et légal qui entoure la prise en charge des urgences ;
- recenser les situations d'urgence rencontrées en pratique odontologique quotidienne ;
- proposer un cadre méthodologique de traitement ;
- détailler les procédures et les moyens thérapeutiques permettant de faire face efficacement aux urgences ;
- faire connaître certaines possibilités thérapeutiques utilisées dans d'autres pays (sédation, analgésie) ;
- examiner les conditions de réalisation des actes d'urgence chez les principaux patients à risque et leur
prévention.

Ce livre est accompagné d'un questionnaire de lecture.

Yves BOUCHER est Professeur des Universités, Praticien hospitalier à l'UFR d'odontologie de l'Université
Paris 7 - Denis Diderot.

Edouard COHEN, chirurgien-dentiste, Paris. Docteur en chirurgie dentaire et certifié en prothèse fixée
de l'Université de Californie du Sud à Los Angeles. Fellow American College of Dentists (FACD), Fellow
International College of Dentists (FICD). Active Staff, American Hospital of Paris (1970-2005). Exercice
libéral à Paris depuis 1969.

ISSN 1294-0585 ISBN 978-2-84361-114-8

9 782843 611148

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