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N°11

« Et vous ? Comment faites-vous ? » Su n Tz u


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macroéconomie

éDITORIAL

Diplomate Le sens de la mesure


Par Philippe Rosé

U n ouvrage qui aurait pour titre «  Traité de


diplomatie à l’usage des DSI » n’existe pas. Il
L es statistiques sur la croissance économique, mesurée par
l’évolution du PIB, ont toujours mal pris en compte les
investissements immatériels, souvent considérés comme des
pourrait pourtant trouver sa place dans la bibliothèque dépenses et non des investissements. En juillet dernier, le BEA (Bureau
de tout manager de système d’information. Car si l’on of Economic Analysis (1)) américain a modifié la méthode de calcul de
reprend les quatre grandes missions des diplomates, l’évolution du PIB des États-Unis en considérant que les dépenses
la similitude avec le métier de DSI est frappante. Un de recherche et développement constituent des investissements et
diplomate doit en effet présenter des compétences non des dépenses et en créant une catégorie « produits de propriété
dans quatre domaines : la négociation, la persuasion, la intellectuelle », eux aussi considérés comme des investissements.
gestion des conflits et la formation des alliances. Chaque Un changement justifié par la nécessité de « prendre en compte
conflit international est l’occasion de mettre en œuvre les effets de l’innovation et des actifs immatériels dans l’économie ».
ces talents et ceux qui savent appuyer sur ces leviers
font évoluer la situation à leur avantage. Et pour les Les économistes ont depuis longtemps supposé une relation
DSI ? La capacité de négociation ? Elle est évidente avec positive entre les investissements en technologies de l’information
les directions métiers et la DG, c’est même la qualité et l’élévation de la productivité, même si les technologies peuvent
première d’un DSI, comme celle d’un diplomate. La avoir quelques effets contraires... Un article publié en 2010 dans
capacité de persuasion ? Elle s’applique au quotidien l’American Economic Review (2) explique : « L’innovation n’est
dès lors qu’il s’agit de justifier des investissements, des pas un phénomène exogène qui tombe du ciel, de même qu’elle ne
décisions ou des politiques de sécurité. La capacité résulte pas des seuls investissements en technologies de l’information.
de gestion des conflits ? Étant donné le climat tendu C’est la conjonction d’idées, de processus, de design, de marketing
avec certains fournisseurs, cette qualité va se révéler et de capacités organisationnelles. » Les ressources immatérielles
précieuse. Quant à la capacité à nouer des alliances, compteraient pour un tiers dans l’augmentation de la productivité
elle trouve sa justification, dans le monde des systèmes du travail aux États-Unis entre 1995 et 2007.
d’information comme sur la scène internationale, par
le fait qu’une entité (pas plus qu’un pays) ne peut agir Une analyse de McKinsey (3), publiée en juillet 2013, confirme
seule et se trouve contrainte de trouver des partenaires. Il cette proportion d’un tiers, applicable également à la croissance
reste quand même une différence entre les diplomates et du PIB. Pour les consultants, le «  capital innovation  » est
les DSI : ces derniers n’ont pas besoin d’avoir fait l’ENA formé de trois éléments : le capital physique (équipements et
ni Sciences Po pour accéder à la fonction. Heureusement télécoms) et le capital humain en représentent 24 % chacun,
d’ailleurs… • tandis que quasiment la moitié en est constituée par le capital
de connaissances (marques, propriété intellectuelle). Au total,
ce capital d’innovation représenterait, selon McKinsey, 40 % du
SOMMAIRE PIB des seize plus grands pays. Dont la France, qui se situe dans
cette moyenne, derrière les États-Unis, plus proches de 50 % ... •
•  Retour d'expérience -
(1) www.bea.gov
  Systèmes d’information hospitaliers :
  les quatre modèles de transformation (2) Measuring intangible asset : How do you measure a technological
•  Verbatim revolution ?, par C. Corrado et C. Hulten, American Economic
Review, mai 2010.
•  Biblio - Une bonne couche de sécurité
•  La chronique d’Olivier Séhiaud - (3) Measuring the full impact of digital capital, par Jacques Bughin
  Le reporting reporté à une date ultérieure et James Manyika, McKinsey&Company, juillet 2013.

L’essentiel pour les directions de systèmes d’information - www.bestpractices-si.fr - N° 114 - 23 septembre 2013
best practices - retour d'expérience

•  Systèmes d’information hospitaliers :


  les quatre modèles de transformation
Par Aurélie Chandèze
Les systèmes d’information hospitaliers se transforment sous l’effet de contraintes réglementaires, budgétaires
et métiers. Quatre modèles sont mis en œuvre et se combinent autour de la rationalisation, l’optimisation,
la modernisation et l’innovation. Témoignages aux Hôpitaux civils de Colmar et à l’Hôpital européen
Georges-Pompidou.

«L e développement et la modernisation des systèmes d’infor­


mation de santé sont devenus un enjeu majeur de la politique
d’amélioration de l’organisation des soins. » : c’est l’un des messages
que leur protection. Les établissements de soins voient également
les exigences se renforcer sur la traçabilité des médicaments et
des soins, ainsi que sur la sécurité. À cela s’ajoutent d’autres
clés du Programme Hôpital Numérique, lancé en 2010 et dont problématiques liées à l’évolution des usages. Les outils de mobilité
un nouveau document de synthèse a été publié en avril 2013 (*). ouvrent ainsi de nouvelles possibilités, tant pour le personnel
Le système d’information joue déjà un rôle important dans le soignant que pour les patients, notamment dans le domaine de
système de santé, et il est amené à se développer alors que les la télémédecine, même si les patients restent néanmoins attachés
hôpitaux cherchent à améliorer la gestion et le suivi des soins, à la relation directe avec le personnel soignant.
la protection et la fiabilité des données médicales, à faciliter
le travail du personnel soignant ou à proposer des services Les pratiques de partage et d’accès facilité à l’information
innovants aux patients. introduites avec les réseaux sociaux et autres outils du Web
2.0 incitent également les patients à s’impliquer de manière plus
Comme les entreprises, les hôpitaux doivent dans le même active dans leur santé. Dans la lignée du « Quantified Self », de
temps assurer les opérations de gestion courante, le suivi nouveaux outils font par exemple leur apparition, permettant
des achats, la planification des projets ou la maintenance aux individus de suivre eux-mêmes différents paramètres liés à
des équipements, tout en optimisant leurs coûts. Les DSI et leur santé sur une base quotidienne. Ces applications laissent
responsables informatiques du secteur doivent mener de front entrevoir de nouvelles possibilités pour le suivi des maladies
l’informatisation des métiers de la santé et les missions classiques chroniques et des affections de longue durée, domaines dans
liées aux systèmes d’information, dans un secteur très encadré lesquels les hôpitaux peuvent, voire doivent être force de
au niveau légal et financier. proposition.

Best Practices a souhaité se pencher sur leurs projets à travers En examinant les différents cas recensés, les projets peuvent se
une enquête effectuée sur 2010-2013. Pour celle-ci, nous avons répartir en quatre grandes catégories :
examiné 61 projets réalisés par des établissements de santé
français, publics et privés, au cours de cette période. Les projets •  Les projets d’infrastructure : stockage de données, réseau,
ont été identifiés en se basant sur des informations rendues sécurité, gestion des équipements informatiques…
publiques. Cet exercice a évidemment des limites : ainsi, par •  Les projets portant sur la gestion de l’hôpital : achats, gestion
exemple, les projets open source ou très axés sur un métier sont de documents, gestion de la maintenance, gestion de projets,
difficiles à identifier avec cette approche, de même que les projets décisionnel…
menés avec des fournisseurs qui ne communiquent pas sur le •  Les projets portant sur les métiers de l’hôpital, notamment la
sujet. Néanmoins, cette vision, même partielle, peut fournir production de soins, le dossier médical personnel électronique,
des éléments de réponse pertinents sur l’évolution des systèmes l’organisation des interventions du personnel soignant…
d’information hospitaliers. •  La mise en place de services innovants destinés aux patients
ou au personnel soignant, notamment autour des technologies
Depuis dix ans, l’informatisation du domaine de la santé est mobiles.
présentée comme un levier majeur, tant pour l’amélioration
des soins que pour la réduction des coûts. Pour cette raison, de Quelques-uns des projets ont une double composante, en
multiples lois du secteur abordent les enjeux numériques. particulier ceux de la dernière catégorie qui nécessitent parfois
de moderniser l’infrastructure ou les applications. On peut en
Gestion des données, sécurité, mobilité au cœur des enjeux déduire quatre stratégies possibles d’évolution des systèmes
d’information hospitaliers, selon qu’elles privilégient la
Les enjeux liés à ces obligations réglementaires concernent rationalisation, l’optimisation, la modernisation ou l’innovation
principalement la collecte et la conservation des données, ainsi (voir schéma page 3).

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best practices - retour d'expérience
d’expériences, hors-série Best Practices, septembre 2013.
Source : SI hospitaliers, modèles d’évolution et retours

Les quatre stratégies


d’évolution des systèmes
d’information hospitaliers

Infrastructures  : sécurisation des accès et stockage des SI de gestion  : des projets qui traduisent une volonté
données prédominent d’optimisation des coûts

En matière d’infrastructures, plusieurs des projets identifiés Parmi les projets analysés, la part des projets consacrés au
répondent à des enjeux d’accessibilité et de sécurité du système système d’information de gestion est relativement faible. Sans
d’information : il s’agit notamment de répondre aux besoins d’un surprise, plusieurs de ces projets tournent autour de la gestion
personnel très mobile, qui souhaite accéder de manière aisée et des achats et des fournisseurs, témoignant d’une volonté de
sécurisée aux applications médicales, tout en garantissant la suivre de près les dépenses et d’accroître la maîtrise des coûts.
protection des informations sensibles. Les réponses apportées C’est le cas par exemple du CHU d’Amiens, qui a entrepris de
passent par la modernisation des réseaux et la mise en place de moderniser son processus achat. « Dans cette démarche, il est
réseaux sans fil, ainsi que le recours aux systèmes d’authentification devenu nécessaire de disposer dans un outil informatisé unique et
unique (type Single Sign On) et/ou à l’authentification forte, en fiable de toutes les ressources contribuant à la réalisation d’un achat
particulier pour le personnel soignant. performant », explique Thierry Plantard, directeur des achats de
l’établissement.
Les autres projets d’infrastructure portent sur l’hébergement
des applications et le stockage des données, deux domaines Les projets décisionnels, fréquents dans d’autres secteurs,
dans lesquels les établissements de santé doivent faire face à de semblent proportionnellement peu présents, même si le secteur
nombreuses contraintes : durée de conservation des données est conscient des enjeux et des bénéfices d’un pilotage précis des
pouvant aller jusqu’à 50 ans, documents volumineux et/ou activités : est-ce car ce pilotage est géré directement dans des
utilisés de manière intensive, notamment dans le cas de l’imagerie solutions de type « progiciels de gestion intégrés médicaux »,
médicale, ou là encore sécurité et protection des données stockées. spécifiquement conçues pour les métiers des soins, ou faut-
Plusieurs établissements ont choisi d’externaliser leur production, il y voir le signe d’une maturité encore insuffisante sur ces
l’hébergement étant confié à des groupements d’intérêt public aspects ?
possédant leurs propres centres de données comme Midi Picardie
informatique hospitalière (MiPih) ou à des prestataires agréés SI métier : « work in progress »
proposant un hébergement sur le modèle du cloud computing.
D’autres gèrent eux-mêmes le stockage, en particulier quand il L’informatisation des établissements est encore en cours, comme
s’agit d’applications exigeantes, optant alors pour des systèmes en témoigne la part importante des projets portants sur les métiers
hautement transactionnels. Enfin, quelques projets concernent du soin dans l’échantillon étudié. Plusieurs hôpitaux ont mis en
la gestion du parc informatique et sa modernisation. place des « ERP médicaux », développés soit par un éditeur soit par

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les établissements de santé eux-mêmes. Dans la première catégorie un paradoxe en France, où les outils connectés sont très présents mais
figure par exemple l’Hôpital européen Georges-Pompidou et dans où le monde de la santé y demeure réticent. Pendant longtemps, les
la seconde, le CHU de Grenoble, qui développe la solution Cristal- services offerts aux patients comme la télévision ou la presse étaient
Net avec l’aide d’une société de services. sortis du budget de l’hôpital car considérés comme de l’hôtellerie.
Depuis quelques années, on s’aperçoit cependant que les écrans mis à
Bien souvent, l’informatisation se fait pas à pas, les projets visant la disposition des patients peuvent être utilisés de manière interactive
alors à informatiser des activités précises, comme le transport pour aller chercher de l’information médicale. L’évolution vers ce
de patients ou la réanimation. Certains établissements font "terminal patient" a connu un ralentissement il y a quelques années,
appel à des sociétés de services pour développer ou intégrer les car les solutions existantes n’étaient ni interopérables ni adaptées à la
différentes briques dont ils ont besoin : gestion des lits, dossier consultation de données médicales, et la lisibilité n’était pas au rendez-
patient, circuit du médicament… vous. Aujourd’hui, des fonctions intégrées aux tablettes, comme le
zoom, permettent d’envisager à nouveau ces projets. »
Enfin, le déploiement de dossiers patients partagés informatisés,
un préalable au DMP à l’échelle nationale, se poursuit dans les Dans la même lignée, Claude Caselles, consultant santé chez
établissements. Le CHU de Rouen est ainsi « dans une phase de Capgemini et DSI de l’AP-HP entre 1991 et 2000, a évoqué
migration et de renouvellement du dossier patient », selon son DSI, quant à lui la gestion des soins aux détenus : « L’administration
Pierre-Jean Candat, tandis que le CHR d’Orléans est en train de pénitentiaire dépense plusieurs centaines d’euros à chaque fois
déployer lui aussi la solution Cristal-Net. Oliver Boyer, directeur qu’elle doit faire sortir un détenu pour le soigner, et les enjeux de la
général de l’établissement, précise : « Le Dossier patient partagé télémédecine dans ce domaine sont importants ».
informatisé (DPPI) est un projet majeur pour les établissements
de santé : il améliore la maîtrise du parcours de soin et optimise Des bénéfices concrets sur certains projets…
les ressources. Il tient compte des enjeux de santé actuels tels que
la sécurité des soins, la prise en charge globale des patients et la Certains des gains liés à l’informatisation des hôpitaux
coopération avec la médecine de ville, mais aussi des contraintes sont aisément identifiables et mesurables. Le partage de
financières. » connaissances s’en trouve souvent facilité, permettant d’aider
les médecins dans la prise de décisions cliniques ou d’accélérer
Services innovants : des démarches encore rares les diagnostics par un accès plus rapide aux résultats d’examens.
La sécurité des soins peut également bénéficier de certains outils
Quelques centres hospitaliers expérimentent de nouvelles informatiques, par exemple pour faciliter l’identification de
approches, souvent dans l’optique de proposer des services conflits médicamenteux.
innovants à leurs patients. Néanmoins, ce type de projets apparaît
encore comme minoritaire. Ceux que nous avons identifiés ont
souvent une composante mobilité. Panne et dépendance
Plusieurs projets cherchent ainsi à exploiter les capacités des Un système d’information crée de la dépendance : ce principe
terminaux de type tablettes ou smartphones. La gestion des valable dans n’importe quelle entreprise a des conséquences
hospitalisations à domicile apparaît comme un terrain privilégié plus sérieuses dans les établissements hospitaliers, où la vie
pour expérimenter ces nouveaux modes d’accès aux applications humaine est en jeu. Le quotidien Sud-Ouest a rapporté, dans
et aux données médicales, comme en témoigne le projet mené son édition du 18 juillet 2013, les difficultés de l’hôpital
par la structure Hospitalisation à domicile de l’AP-HP, qui a mis Robert-Boulin de Libourne (Gironde), victime d’une panne
des tablettes équipées d’applications adaptées à la disposition de plusieurs jours. En cause : la défaillance d’un système
de son personnel soignant. « Nous avons un besoin : la mobilité, de stockage de données qui a affecté plusieurs applications
indispensable à la mission de coordination de l’HAD, explique utilisées par des unités de soins, en particulier l’application
Marie-Laure Loffredo, directrice de l’HAD AP-HP. Le plan de qui gère les dossiers patients. D’où un retour au papier,
soins doit pouvoir être dématérialisé et accessible aux professionnels ce qui n’a guère enthousiasmé les utilisateurs, habitués
du domicile qui vont l’alimenter, consulter les protocoles, transmettre à l’informatique. La complexité des infrastructures (avec
les informations aux différents acteurs, en temps réel. Traçabilité, des matériels et des serveurs fournis par six prestataires
transmission et coordination sont les maîtres mots en HAD. Ayant différents) a retardé l’identification de l’origine de la panne,
une organisation singulière, nous sommes un excellent terreau pour a expliqué le directeur de l’hôpital, qui a dû recruter du
l’expérimentation. » personnel supplémentaire. •

Lors d’une table ronde « Santé et Informatique » organisée par Lien vers l’article :
le Club de la presse informatique B2B, Cyrille Roy, directeur www.sudouest.fr/2013/07/18/panne-informatique-a-l-
stratégique santé chez Econocom, a également témoigné sur ces hopital-robert-boulin-1118085-2966.php
sujets, analysant notamment le cas du terminal patient : « Il y a

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Un système d’information bien conçu peut également aider le D’autres types de bénéfices peuvent être plus complexes à
travail des personnels soignants, amenés à se déplacer sans cesse mesurer, du moins sur le court terme. L’informatisation de
dans la structure, en leur permettant par exemple d’accéder à tout certains domaines métiers stratégiques s’avère en effet souvent
moment aux informations des patients, en facilitant la gestion coûteuse au départ, le temps que les briques essentielles
des lits ou l’organisation des plannings d’interventions. soient mises en place, et il faut un certain temps ensuite pour
que le système d’information parvienne à maturité et que
Le fait de disposer de données précises et chiffrées sur l’ensemble les pratiques s’adaptent. Dans ce domaine, le Groupement
des activités de l’hôpital peut quant à lui aider les établissements hospitalier de l’Institut catholique de Lille (GHICL) a pu
à suivre leurs performances et à optimiser l’utilisation de leurs constater l’intérêt d’atteindre une certaine « masse critique »,
ressources. Ainsi, au centre hospitalier de la Réunion, « les afin de susciter l’attente et l’envie des professionnels : une
secrétariats médicaux utilisent une application qui leur permet de fois le circuit du médicament installé sur un tiers des lits et
contrôler toutes les consultations et ainsi retrouver les patients pour le dossier médical disponible sur les 700 lits du groupe, les
lesquels il n’y a pas eu de règlement par la sécurité sociale ». Pour professionnels de santé étaient tout de suite confrontés à un
Fabien Rouanet, chef de service du département d’information patient connu de la solution ou à un utilisateur de celle-ci, ce
médicales et responsable du pôle santé publique et thérapeutique, qui les incitait à devenir eux-mêmes utilisateurs du dossier
le bénéfice financier est considérable. médical informatisé.

Témoignage : Thierry Rivat, CIO des Hôpitaux civils de Colmar

«  Le principal enjeu reste l’informatisation du cœur de


métier, c’est-à-dire la production des soins. Globalement,
beaucoup d’hôpitaux n’en sont pas encore là. Pour nous, il
s’agit notamment du circuit du médicament, de la commande
jusqu’à son administration au patient, en passant par l’acte de
prescription médicale. Le Dossier patient informatisé (DPI)
en fait également partie, c’est un premier maillon à mettre en
place avant d’envisager le Dossier médical personnel partagé « Tant que l’information
(DMP). Derrière ces termes génériques se cachent par ailleurs n’est pas dématérialisée,
une multitude de projets : c’est une autre difficulté. On peut y elle n’est pas partagée. »
inclure, par exemple, la gestion des rendez-vous tant internes
qu’externes, la «  bureautique médicale  » qui consiste à Une autre difficulté réside dans l’éclatement du marché des
centraliser tous les documents relatifs à un patient (comptes logiciels médicaux. Il existe beaucoup de petits éditeurs de
rendus d’opérations, lettres de sortie) ou encore la prescription niche, positionnés de manière verticale sur une spécialité, et près
de médicaments… Ces projets ne sont pas simplement des d’une dizaine d’éditeurs sur le créneau des « ERP médicaux ».
projets informatiques, ils ont une dimension de conduite du Pour ces raisons les hôpitaux rencontrent beaucoup d’écueils :
changement importante : dans les faits, par exemple, beaucoup jeunesse des produits, stabilité insuffisante, régression d’une
de prescriptions sont encore effectuées par oral et ne respectent version à l’autre, roadmaps incertaines… Le choix n’est pas
pas les bonnes pratiques (une durée, une posologie, une évident, et se résume souvent à deux possibilités : soit un ERP
fréquence, un médicament et une signature). Notre secteur avec quelques développements spécifiques, soit une stratégie
connaît dans le même temps beaucoup de changements de « best of breed ».
réglementaires (facturation, tarifs des activités…). Ce sont
autant de projets structurants qu’il faut mener. Il y a également un problème de moyens et de ressources
pour conduire les projets : tant côté DSI que côté métiers, il
Le Programme Hôpital Numérique impose de bonnes choses y a beaucoup plus de projets que de bras disponibles. Sur les
en matière de continuité d’activité, de sécurité… mais projets transversaux comme la structuration de la prescription,
beaucoup d’hôpitaux en sont encore loin, le papier déborde il faut en outre intégrer de multiples acteurs : pharmaciens,
de partout. Tant que l’information n’est pas dématérialisée, médecins, soignants… Il faut enfin gérer les évolutions
elle n’est pas partagée. Le domaine des systèmes d’information technologiques, qui ne sont pas spécifiques au secteur de la
reste par ailleurs peu connu : dans beaucoup d’hôpitaux, la santé, ainsi que d’autres processus métiers comme la logistique
DSI désigne la direction des soins infirmiers. Et il subsiste par exemple, encore peu informatisée. » •
l’illusion que l’informatique va résoudre tous les problèmes
d’organisation. Propos recueillis par Aurélie Chandèze

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Mais une informatisation encore lente les solutions existantes peinent parfois à remplir les différentes
attentes. Régulièrement, les médias généralistes se font d’ailleurs
Si les bénéfices espérés sont prometteurs, l’informatisation du l’écho des difficultés rencontrées par certains hôpitaux dans
secteur de la santé et plus particulièrement des hôpitaux français cette démarche  : fin 2012, le quotidien Le Parisien a ainsi
demeure globalement en retard par rapport à ce qui se passe dans évoqué les bugs rencontrés par l’AH-HP lors du déploiement
d’autres pays. Pour Claude Caselles, plusieurs facteurs peuvent d’Orbis, tandis que plus récemment, un interne du CHU de
expliquer ce retard : « Cela fait quinze ans que l’on se demande Montpellier a témoigné sur le site Rue89 de différents problèmes
pourquoi il est si difficile d’introduire l’informatique dans la production attribués au système d’information en cours de mise en place.
de soins par rapport à d’autres secteurs. Contrairement aux banques Ces difficultés résultent souvent d’une conjonction de plusieurs
et industries qui n’ont pas eu le choix, les médecins sont totalement facteurs : projets menés trop rapidement, manque de ressources,
autonomes dans l’exercice de leur activité : c’est une particularité avec solutions à la maturité encore insuffisante, et peut-être aussi
laquelle il faut composer. Les activités médicales ne sont pas pilotées difficultés liées à l’expression des besoins, souvent complexes.
comme peuvent l’être d’autres secteurs, il n’y a pas eu de démarche On peut aussi rappeler la sévère critique de la Cour des comptes
d’ordre systémique. Par ailleurs, le secteur de la santé traite des données sur l’informatisation de l’AP-HM (Hôpitaux de Marseille). Les
confidentielles, qui ne doivent jamais se retrouver sur la place publique. magistrats ont ainsi mis en exergue des projets « mal maîtrisés »,
Le sujet des dossiers patients informatisés est un peu une boîte de un « pilotage national insuffisant », une « mauvaise définition des
Pandore, avec autant de partisans que d’opposants. Pour mener ces besoins », un prestataire peu fiable, une « exécution chaotique »,
projets à bien, il faut identifier de manière sûre et certaine les médecins, une « incompréhension réciproque »… •
ce qui passe notamment par les cartes de professionnels, ainsi que les
patients : c’est l’objectif de l’INS, l’Identifiant national de santé, un
projet qui évolue très lentement. » (*) Programme Hôpital Numérique. La politique nationale relative
aux systèmes d’information hospitaliers 2012- 2017, ministère de
À cela il faut ajouter une industrie logicielle encore assez la Santé, direction générale de l’offre de soins, 16 pages.
morcelée, comme en témoignent les DSI interrogés. De ce fait, www.sante.gouv.fr

Quelques exemples de projets SI hospitaliers


Établissement Projet(s) Fournisseur(s)

AP-HM •  Solution SaaS de gestion de la vigilance et des risques - QHSE BlueKango, Axigate, APX
•  Suivi des dossiers patients
•  Assistance aux utilisateurs
AP-HP •  Solution SaaS de gestion de la vigilance et des risques - QHSE BlueKango, Avanade
•  Hospitalisation à domicile : gestion sécurisée depuis le domicile
  du patient du dossier personnel depuis tablette Windows 8
CH Argenteuil Gestion des identités et des accès Ilex
CH Auxerre Système d’appel du personnel soignant et de supervision des interventions Ascom
CH Beauvais Dossier patient informatisé en mode hébergé Capsule Technologie
CH Béziers Gestion de la maintenance du parc d’équipements médicaux Carl Software
CH Calais Connectivité des appareils médicaux Capsule Technologie
CH de la Réunion Décisionnel : exploitation opérationnelle des données métiers QlikTech
CH du Gers Migration vers Active Directory et mise en place d’une messagerie Blue Mind, Microsoft,
collaborative Citrix
CH E. Garcin Virtualisation des postes de travail VMware
Aubagne
CH Gonesse Connectivité des appareils médicaux Capsule Technologie
CH Lagny Marne-la- Connectivité des  appareils biomédicaux en soins critiques Capsule Technologie
Vallée
CH Limoges Installation de clients légers Impact Technologies

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Quelques exemples de projets SI hospitaliers


Établissement Projet(s) Fournisseur(s)

CH Loos, CH Mise en place du Wi-Fi Ruckus Wireless


Meaux, CH Neuilly
Courbevoie

CH Montperrin Solution d’authentification forte et SSO dans le cadre de mise en place des Ilex
cartes de professionnel de santé

CH Périgueux Analyse des données RH et des activités de soin, prise de décision, vigilance QlikTech
et aide à la fiabilisation des comptes

CH Sens Surveillance du système d’information - Exosec, Evolucare


Logiciel de réanimation

CH sud francilien Refonte et déploiement d’infrastructures APX

CHR Metz-Thionville Mise en place du réseau et des équipements téléphoniques et fourniture de Orange/Cisco
services innovants (bornes interactives patients, confirmation des RDV par
SMS, suivi énergétique...)

CHR Orléans Dossier patient partagé Atos

CHU Amiens Mise en place d’un nouveau SI Achats Ivalua

CHU Bordeaux Vidéoconférence LifeSize, Genedis

CHU Clermont- Solution antivol d’ordinateurs Absolute Software


Ferrand

CHU Dijon Solution d’optimisation du transport des patients Ascom

CHU Grenoble Maintenance corrective, évolutive et réglementaire de Cristal-Net, logiciel de Atos


production de soins au service des patients et développement de Cristal Link

CHU Martinique Connectivité des appareils médicaux Capsule Technologie

CHU Montpellier Pilotage de l’activité avec des tablettes Micropole

CHU Nancy Virtualisation des applications Systancia

CHU Nantes Gestion de la logistique et des stocks Symphony EYC

CHU Nice Déploiement MS System Center 2012 Osiatis, Microsoft,


Traçabilité d’échantillons stockés dans une biobanque à l’aide du RFID Psion, Frequentiel,
consortium Mistrals

CHU Rennes Mise en place d’une solution centralisée d’adressage IP et d’allocation Interdata, EfficientIP
dynamique DHCP

CHU Rouen •  Plate-forme sécurisée d’échange et de partage de documents DoubleTrade,


•  Virtualisation des applications de production de soin Systancia, McKesson
•  Plate-forme collaborative d’échange de fichiers pour le bureau d’études

CHU Toulouse Mise en place d’un réseau sécurisé et du sans-fil Aruba Networks

Établissement Public Modernisation de l’infrastructure HP


de Santé Ville-Evrard

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Quelques exemples de projets SI hospitaliers


Établissement Projet(s) Fournisseur(s)

GHICL •  Mise en place du dossier patient informatisé (circuit du médicament) Intersystems,


•  Mise en place d’un système de stockage hautement transactionnel Oracle, Datacore,
Brocade, FalconStor

GIP MiPih Création de deux data-centers APL

Groupe hospitalier Est Gestion des identités et SSO Ilex


Réunion

Groupe Médi- Hébergement dans le cloud de la gestion administrative et production Cheops Technology
Partenaires de 25 cliniques

Hôpital américain de Modernisation du SI Qualiac, Sopra


Paris

Hôpital de Envoi de SMS aux patients à partir de Cristal-Net Enovacom


Villefranche-sur-
Saône

Hôpital européen Intégration du dossier patient, prescription connectée multidomaines et Medasys


Georges Pompidou - par protocoles, aide à la décision clinique et sécurisation du circuit du
AP-HP médicament

Hospices civils de Développement et intégration de nouveaux outils (gestion des lits, secrétariat Open Santé
Lyon médical, saisie des constantes dans le dossier patient…)

Institut Gestion électronique de documents Novaxel, Ricoh


psychothérapique

Polyclinique de Wi-Fi centralisé D-Link, Wififirst


l’Europe Rouen

Samu de la Réunion Modernisation des infrastructures Nextiraone

Service de santé des Système de communication et d’archivage des images de radiologie Siemens Healthcare
armées

SIIH Nord-Pas-de- Plate-forme de gestion de projets et d’activités récurrentes Sciforma


Calais

Syndicat Reconnaissance vocale dans l’ERP Nuance


interhospitalier de
Bretagne

Ugecam Paca-Corse Gestion de la maintenance et des achats de 20 établissements sanitaires Carl Software
et médico-sociaux

Uni.H.A (Groupement •  E-procurement Hubwoo


de coopération •  Gestion du stockage de données APX/EMC
sanitaire)

Source : SI hospitaliers, modèles d’évolution et retours d’expériences, hors-série Best Practices, septembre 2013.

8  •  Best Practices - Systèmes d’Information  -  N° 114  -  23 septembre 2013


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Témoignage : professeur Patrice Degoulet, directeur informatique


de l’Hôpital européen Georges-Pompidou

«L ’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP)


vient de recevoir la certification HIMSS de niveau 6
récompensant ses performances dans le cadre de l’intégration
du dossier patient, de la prescription connectée multidomaines
et par protocoles, de l’aide à la décision clinique et de la « Le niveau
sécurisation du circuit du médicament. Dans ces différents d’informatisation actuel
domaines, l’établissement s’appuie notamment sur les solutions dans les hôpitaux serait
de Medasys. HIMSS (Healthcare Information Management and en dessous du seuil de
Systems Society) est une organisation à but non lucratif qui rentabilité. »
tient des congrès annuels sur l’informatisation des hôpitaux.
Née aux États-Unis, l’organisation est aujourd’hui mondiale l’étape la plus difficile étant la prescription médicamenteuse,
avec des branches importantes en Europe et en Asie. Sa chronophage pour les médecins et risquée en l’absence de
filiale HIMSS Analytics a développé un modèle de maturité dossier médical partagé.
qui permet aux établissements de se situer par rapport aux
hôpitaux de ces différents continents. La réussite du plan américain montre qu’une démarche
volontariste est possible en France pour l’informatisation
Aux États-Unis, le président Obama, à travers le Recovery Act du dossier patient. Informatiser, ce n’est pas comme
de 2009, a réservé plusieurs dizaines de milliards de dollars aux acheter un scanner. Il s’agit de mettre en place dans la
hôpitaux afin qu’ils se modernisent. Cette démarche a créé un durée une gouvernance informatique, des équipes mixtes
vaste mouvement d’informatisation parmi les hôpitaux, avec un faites d’informaticiens et de personnels soignants, une
cercle vertueux, car le remboursement des frais engagés était conduite de changement. Cela passe également en France
basé sur des critères d’utilisation et de qualité. Les hôpitaux par des investissements plus significatifs lorsque le système
américains devaient montrer qu’ils investissaient à bon escient. d’information ne représente en moyenne que 1,5 % des
Sur les cinq dernières années, ce plan a permis une amélioration charges d’exploitation totales des établissements de santé. On
significative du niveau d’informatisation des hôpitaux. considère aux États-Unis que le Recovery Act a généré plus de
40 000 emplois supplémentaires, dans les hôpitaux comme
Actuellement, plus de 600 hôpitaux américains ont atteint ou chez les industriels. C’est tout un secteur qui se constitue et
dépassé les niveaux 6 ou 7 sur l’échelle de maturité d’HIMSS dont la France ne peut rester absente.
Analytics, mais, en France, sur une centaine d’établissements
qui se sont évalués, seuls trois sont aujourd’hui à ce stade : le Un autre effort concerne l’amélioration des produits disponibles
CH de Valenciennes, celui de Belfort-Montbéliard et l’Hôpital sur le marché, ce dernier s’étant mondialisé. La taille moyenne
européen Georges-Pompidou. La majorité des établissements de nos éditeurs locaux est d’environ dix-sept emplois, tandis
français évalués sont actuellement au niveau 2 (sur 7). Or, le que les principaux éditeurs américains dépassent largement
retour sur investissement du dossier électronique survient à les 2 000 employés. Des regroupements à l’échelon français et
partir du niveau 5. Cela sous-entend qu’en France le niveau surtout européen sont essentiels pour promouvoir une offre
d’informatisation actuel dans les hôpitaux serait en dessous du significative.
seuil de rentabilité. Le cycle d’informatisation y est par ailleurs
très long, compte tenu des budgets alloués et du manque de Il est important pour les hôpitaux français d’atteindre au
personnels spécialisés. plus vite le seuil de rentabilité de leur système d’information,
les gains obtenus sur une première vague d’hôpitaux ayant
L’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), ouvert en dépassé ce seuil pouvant être réutilisés pour des vagues
2000, a eu la chance de disposer d’un budget spécifique successives. La comparaison avec des modèles internationaux
pour son informatisation. Nous avons globalement respecté nous parait à cet effet indispensable pour éviter l’émiettement
les étapes du modèle EMRAM à la suite d’un démarrage en des investissements non productifs et qui ne pourraient jamais
mode « Big Bang » correspondant approximativement au le devenir dans un contexte économique difficile. » •
niveau 3. Le respect de ces phases nous parait important pour
éviter le rejet de l’informatique par les professionnels de soin, Propos recueillis par Aurélie Chandèze

23 septembre 2013  -  N° 114  -  Best Practices - Systèmes d’Information  •  9


best practices - verbatim

« Beaucoup de managers IT pensent stratégie mais agissent de


façon tactique, et ils sont mal à l’aise avec les situations ambiguës,
incertaines et complexes. »
« En matière de Business Intelligence, il y a un abîme Joe Peppard, directeur de recherches sur les systèmes
entre le potentiel d’utilisation et l’utilisation réelle des d’information, Université de Cranfield (CIO City, juin 2013).
solutions logicielles. »
Laurence Dubrovin, analyste senior, Le CXP
(Forum du CXP, juin 2013).
« Un utilisateur bien formé peut valoir tous les outils de
détection d’intrusion du monde, on peut ainsi transformer
« La Google Car contribue à réduire un maillon faible en maillon fort. »
les accidents de la route : elle conduit en observant Eric Wiatrowski, RSSI, Orange Business Services
l’environnement à 360 ° et ne se met pas en (conférence du Clusif sur le rôle de l’organisation
colère. » humaine dans la SSI, juin 2013).
Vinton Cerf, vice-président de Google,
Université du système d’information, Octo
Technology (juin 2013).
«  Les technologies ne
« Dans le domaine de sont que des moyens, pas
« Si vous utilisez une nouvelle technologie, assurez-vous de la sécurité, il reste un des objectifs. Personne
rester désirable, retrouvable, utile, accessible, crédible problème sémantique : ne tombe amoureux d’un
et pertinent. » le D de DSI signifie protocole réseau ou du big
Cynthia Savard Saucier, ergonome (Université du « directeur », mais pour la data ! »
système d’information, Octo Technology, juin 2013). sécurité, le RSSI n’est que Marc Giget, Institut
« responsable ». » européen de stratégies
Lionel Mourer, créatives (Université du
administrateur du Clusif système d’information,
(conférence sur le rôle de Octo Technology,
« Les travaux du Cigref et de l’USF sur les accès indirects l’organisation humaine juin 2013).
aux logiciels SAP font émerger plusieurs problèmes : dans la SSI, juin 2013).
extraction des données vers des applications nonSAP
requerrant l’acquisition d’une licence, obligation de payer
pour interfacer des applications tierces ou pour permettre à
des applications internes clients d’accéder aux données dans
SAP. De telles pratiques ne peuvent-elles pas être qualifiées « En matière de visualisation de données, il ne faut
d’anticoncurrentielles, de restrictives de concurrence, sur le pas confondre simple et simpliste. Il ne faut jamais
marché européen comme sur le marché français, ou d’abus de oublier que tous les basiques de l’analyse de données
prérogative contractuelle ? » restent vrais, notamment l’importance de la qualité
Patrick Geai, vice-président de l’USF (Conférence de des données. »
presse, 26 juin 2013). Fabrice Benaut, CIO, IFR (Dataviz, 30 cas
concrets pour comprendre la data vizualisation,
EBG, SAS, juin 2013).

« Peut-on tout virtualiser ? En théorie, oui, les limites ne


sont pas techniques. » « Probablement la moitié des applications n’ont pas été
David Bizien, Directeur du SI Finance, Coliposte mises à jour depuis cinq ans ou plus, pour des raisons
(VMware Forum, juin 2013). budgétaires. En reportant ce fardeau sur son successeur,
on crée une dette qui peut représenter jusqu’à deux ans de
budget de fonctionnement, avec un effet boule de neige. Les
« En matière de transformation du SI, il faut surtout savoir être leçons de l’An 2000 n’ont pas été retenues. »
patient et les erreurs sont inévitables. » Daniel Lebeau, CIO Groupe, GlaxoSmithKline
Christophe Leray, directeur des opérations et du SI, PMU (CIO City, Bruxelles, juin 2013, voir page 5 dans ce numéro).
(conférence Tibco Transform, juin 2013).

10  •  Best Practices - Systèmes d’Information  -  N° 114  -  23 septembre 2013


best practices - biblio

•  Une bonne couche de sécurité


Par Dominique Herbert

Pour cela, assurent les auteurs, il doit avoir cumuler deux


qualités, d’une part, une compétence technique dans son
Sécurité et mobilité domaine « suffisamment large et profonde pour embrasser réseaux
Windows 8, et systèmes », et d’’autre part, le pouvoir d’édicter des règles… et
par Arnaud Jumelet, Stanislas de les faire respecter, par exemple pour « interdire des protocoles
Quastana et Pascal Saulière, dangereux, imposer la mise à jour automatique des antivirus ou
Eyrolles 2013, 246 pages. encore mettre son veto aux passe-droit dans un pare-feu ». Les
auteurs penchent pour la sécurité positive (par opposition
à une approche bureaucratique qui colmate les brèches dès
qu’elles sont découvertes) : une approche de ce type repose sur
le principe suivant, qui ne s’applique pas qu’aux systèmes et
applications sensibles : « N’est permis que ce qui est explicitement
Sécurité informatique, autorisé, tout le reste est interdit. » Cela n’empêche pas de laisser
principes et méthodes à aux utilisateurs quelque latitude mais seulement pour les zones
l’usage des DSI, RSSI et les moins sensibles du système d’information.
administrateurs,
par Laurent Bloch et L’ouvrage de Laurent Bloch et Christophe Wolfhugel aborde
Christophe Wolfhugel, les grandes thématiques qu’il est indispensable de maîtriser,
Eyrolles, 4e édtion, pas seulement lorsque l’on est RSSI (on ne peut que conseiller
2013, 349 pages. aux DSI de le lire…) : les notions de base de la sécurité, les
principes de protection (sécurité physique, authentification…),

À chaque problème de sécurité, une solution logicielle ou


matérielle. Le principe paraît simple, mais il ne sert à rien
d’empiler les solutions : « La sécurité est envahie de « solutions » que
la malveillance informatique, le chiffrement la sécurité des
systèmes d’exploitation, des programmes et des réseaux, la
gestion des identités, les chartes et la politique de sécurité.
des entreprises s’efforcent de vendre à des clients qui pourraient être
tentés de les acheter avant d’avoir identifié les problèmes qu’elles sont Les aspects particuliers de la mobilité (sous Windows 8) sont
censées résoudre », assurent les auteurs de la quatrième édition de abordés dans l’ouvrage d’Arnaud Jumelet, Stanislas Quastana et
cet ouvrage de référence sur la sécurité des systèmes d’information. Pascal Saulière, trois ingénieurs chez Microsoft. D’un apport plus
Laurent Bloch, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique technique que le précédent, il détaille les contraintes du poste de
et Christophe Wolfhugel (ingénieur chez Sendmail) insistent : travail mobile, la protection des applications, des données, des
« Prévenir est un impératif, parce que guérir est impossible et ne sert réseaux privés virtuels, comment démarrer de façon sécurisée,
à rien. » quels sont les mécanismes d’ouverture de session et comment
on se protège contre les codes malveillants… •
De fait, le responsable sécurité doit avoir au moins deux attitudes :
il doit être agnostique et pessimiste. « Il sait que son pare-feu
sera franchi, que son antivirus ne sera pas à jour, que son système Les idées les plus stupides en sécurité
de détection d’intrusion ne le préviendra pas de l’attaque, que les
copies de sauvegarde seront corrompues, que son site de secours sera 1.  Par défaut, tout est autorisé.
inondé ou détruit par un incendie, que son système redondant ne se 2.  Prétendre dresser la liste des menaces.
déclenchera pas. » Faut-il pour autant continuer à exercer ce métier 3.  Tester par intrusion puis corriger.
qui concentre les responsabilités de toutes les catastrophes ? Oui 4.  Les pirates sont sympas.
car, comme le rappellent les auteurs, le RSSI, « éduqué dans la 5.  Compter sur l’éducation des utilisateurs.
religion probabiliste, il sait que toutes ces catastrophes ne surviendront 6.  L’action vaut mieux que l’inaction.
pas simultanément. » On peut certes s’en remettre aux statistiques, 7.  Nous ne sommes pas une cible intéressante.
mais il est préférable d’adopter une défense en profondeur du 8.  En déployant la solution X, nous serons protégés.
système d’information, de manière à réduire l’ampleur des attaques 9.  Démarrons la production tout de suite,
ou des sinistres. Et de ne pas succomber au « syndrome de la ligne   nous sécuriserons plus tard.
Maginot » en concentrant ses mécanismes de défense sur un seul 10.  Pas besoin de pare-feu, notre système est sûr.
point (par exemple un pare-feu ou un réseau privé virtuel). « Le
responsable sécurité ne choisit pas le terrain sur lequel il va manœuvrer, (Source : Sécurité informatique, principes et méthodes).
il va lui falloir faire preuve d’adaptabilité et de pragmatisme. »

23 septembre 2013  -  N° 114  -  Best Practices - Systèmes d’Information  •  11


la chronique d’olivier séhiaud

•  Le reporting reporté à une date ultérieure

U n conseil  : il ne faut jamais appeler vos fournisseurs


préférés en début de trimestre. Surtout si ledit trimestre
débute un semestre. Et encore moins si le trimestre en question
juniors qui sont un peu perdus dans nos approches
méthodologiques.
- Ne vous inquiétez pas, tout le monde connaît ces
débute une année fiscale. L’autre jour, je voulais m’enquérir techniques…
auprès de Meyeur-Sainou-Lémeyeur, notre cabinet de conseil
« partenaire » (ben oui, il y en a) de la possibilité de lancer Je lui ai souhaité bon courage dans ses lectures estivales
fin 2013 une nouvelle mission pour notre usine de Vatexibé- et studieuses de livrables presque livrés. Non sans lui avoir
sur-Seine, qui a besoin d’un petit ravalement de ses processus demandé son nom. « Juste pour savoir » ai-je précisé, histoire de
métiers. Comme il nous reste un peu de budget, je voulais le la rassurer sur le fait que je n’allais pas la dénoncer à ses managers
dépenser intelligemment. En tout cas plus intelligemment que pour mauvais esprit pendant que ceux-ci ont le dos tourné et
si je l’avais affecté à payer la maintenance de notre ERP qui, lui, sont concentrés sur leurs reportings stratégico-quarterlistes.
n’est pas notre préféré. Évidemment, lorsque nos chers consultants de Meyeur Sainou
Lémeyeur en ont eu fini avec leurs reportings à rallonge, ils
- Je voudrais parler à Lucas Hiédécharge. m’ont recontacté. L’operational associate vice-senior manager
- Ah ! Vous tombez mal, il est en réunion de reporting. Et ça en personne.
risque de durer longtemps… - Votre projet est toujours d’actualité ? Nous avons embauché
- Et Gaétan Veuencore de l’Avenan de Trau ? (il avait choisi quelques consultants juniors ambitieux et néanmoins compétents
d’être consultant parce qu’on lui avait assuré qu’il s’agissait d’un qui pourraient faire l’affaire chez vous. Vous verrez, ils sortent
« noble métier »… Pauvre garçon…) tous des meilleures écoles de rang A. Je vous en mets trois,
- Lui aussi… pas de chance, hein ! comme d’habitude ?
- Bon, passez-moi le senior manager. - Non, un seul suffira pour commencer. En fait, une seule,
- Heu… C’est-à-dire que… madame Agathe Zeblues.
- Vous plaisantez j’espère. Une simple standardiste pour vous
Visiblement gênée, mon interlocutrice n’ose pas m’annoncer ce accompagner sur la refonte de vos processus métiers ? Vous
qui est prévisible : il est lui aussi en réunion de reporting. Après n’y pensez pas !
avoir fait le tour de tous les consultants possibles, force m’est - Si. Je veux un regard neuf sur nos processus, pas celui de vos
de constater que tous étaient en réunion de reporting. Même « écoles de rang A ». Et je la veux la semaine prochaine !
l’operational associate vice-senior manager (le top du top dans
la hiérarchie de cabinets de conseil, celui qui a droit à toutes les Il a bien fallu qu’il se plie à mon exigence. J’imagine déjà
options dans sa voiture de fonction) ! Celui-là, il doit avoir la la tête de son boss quand l’operational associate etc. devra
lourde charge d’établir le reporting des reportings pour son boss, expliquer dans son prochain reporting pourquoi il a facturé
un américain à qui on a greffé un tableau Excel à la place du la standardiste auprès d’un client et pourquoi il a fallu tripler
cerveau, paraît-il.Vous ne pourrez joindre personne, il faudrait son salaire… •
rappeler la semaine prochaine. Tous les trimestres, c’est la même
chose : pendant une semaine, tous nos consultants passent leur
temps en réunion de reporting. Et c’est moi qui dois me coltiner L’auteur
les appels des clients. Je ne dis pas ça pour vous bien sûr…
Heureusement, je parcours les livrables de nos consultants pour •  Olivier Séhiaud est le
me tenir au courant des projets. Il m’arrive même de préparer des pseudonyme du DSI d’un
livrables à partir des comptes rendus de nos consultants. C’est grand groupe industriel.
toujours intéressant de se cultiver sur le métier de l’entreprise Il nous livre en exclusivité
qui vous emploie, vous ne trouvez pas ? ses réflexions sur son
métier et les technologies
- Si, bien sûr… lui répondis-je. de l’information.
- Vous devez être incollable sur les méthodologies employées
par votre cabinet ? ajoutai-je. www.sehiaud.com
- Bien sûr, même que des fois je dépanne quelques consultants

Best Practices-Systèmes d’Information est publié par Best Practices International - SARL au capital de 21 000 euros,
Pavillon Sisley, rue de la Croix-Rouge, 78430 Louveciennes - Tél. 06 75 64 63 97 - 503 117 988 RCS Versailles
Rédaction : 24, rue des Beaunes, 78400 Chatou - redaction@bestpractices.fr
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Rédacteur en chef : Philippe Rosé - Rédactrice en chef adjointe : Aurélie Chandèze - Abonnement sur le site : www.bestpractices-si.fr
Directeur de la publication : Philippe Rosé (philippe.rose@bestpractices-si.fr), Contrôle qualité : Alain Condrieu, Directeur du développement : Marc Guillaumot (marc.guillaumot@bestpractices-si.fr)
ISSN : 1967-5097 - Gérant : Marc Guillaumot - Dépôt légal : à parution. Toute reproduction même partielle est strictement interdite. Impression : Best Practices International

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