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Stabilité des terrains en pente

Chapter · October 2019

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1 author:

Ali BOUAFIA
Saad Dahlab University
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Experimental study of the liquefaction susceptibility of Chlef and Algiers sands areas View project

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CONCEPTION ET CALCUL DES


OUVRAGES GÉOTECHNIQUES

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Conforme aux programmes de :


- Master en Génie Civil, options : Géotechnique, Travaux publics, et Structures
- Ingéniorat en Génie Civil (Grandes écoles)
- Ingéniorat en Travaux Publics (Grandes écoles)
Photo de couverture:

Haut à gauche:Réalisation d’un mur de soutènement-poids, renforcé par


des ancrages vissés. La technique adoptée SSS (Soil Screw System)
consiste à renforcer le talus par des ancrages hélicoïdaux vissés par une
machine rotative, à placer le maillage des armatures (treillis soudés) et
le fixer aux ancrages, et enfin construire le parement du mur par béton
projeté.Ce système de soutènement est caractérisé par un mode
opératoire rapide et facile, ce qui explique son large champ d’utilisation.
Haut à droite: Installation d’un pieu métallique foré instrumenté dans
un massif de sable humide au site expérimental du Rheu (Rennes,
France).
Haut au centre : Station d’essais du LCPC (Laboratoire Central des
Ponts & Chaussées) à Nantes pour le chargement d’un mur de
soutènement cantilever. Vue du mur au cours du remblaiement par
couches de sable.
Bas à droite : Réalisation d’une fondation en radier dans le chantier de
l’hotel Four Seasons en 1999 à San Francisco(états unis).Le radier a une
épaisseur variant de 1.2 à 2.4 m et se trouve à 21 m en sous-sol, ce qui a
nécessité un système de blindages sur les trois faces de l’excavation, afin
de renforcer les murs en parois moulés réalisées au préalable pour le
soutènement de la fouille.La photo illustre la phase finale de dépôt des
armatures du radier avant le coulage du béton.

I
SOMMAIRE

AVANT-PROPOS IV

1. INTRODUCTION AU CALCUL DES FONDATIONS


ET DES SOUTENEMENTS 1

2. CAPACITÉ PORTANTE DES FONDATIONS


A PARTIR DES ESSAIS DE LABORATOIRE 25

3. CAPACITÉ PORTANTE DES FONDATIONS


A PARTIR DES ESSAIS SUR PLACE 57

4. TASSEMENT DES FONDATIONS A PARTIR


DES ESSAIS DE LABORATOIRE 75

5. TASSEMENT DES FONDATIONS A PARTIR


DES ESSAIS SUR PLACE 103

6. CAPACITE PORTANTE DES PIEUX ISOLES 121

7. TASSEMENT DES PIEUX ISOLES 143

8. COMPORTEMENT D’UN PIEU ISOLE SOUS


FORCES LATERALES 163

9. EFFET DU GROUPE SUR LES PIEUX 183

10. STABILITÉ DES MURS DE SOUTENEMENT 195

11. STABILITÉ DES RIDEAUX DE PALPLANCHES 229

II
AVANT-PROPOS

En moins d’un siècle, la mécanique des sols a connu un développement


révolutionnaire en matière de caractérisation expérimentale du sol ainsi
que des méthodes de calcul des ouvrages géotechniques. Faisant partie du
génie géotechnique, cette jeune discipline enseignée aux élèves
ingénieurs impliqués dans leur future carrière à des projets de
construction, est une science appliquée qui a pour objectifs d’étudier le
comportement du sol et ses propriétés, et l’analyse des ouvrages en
interaction avec le sol.
Le sol supporte les fondations d’ouvrages, sert comme matériau de
construction tel que dans les barrages à noyau de terre et les remblais
routiers, contient des ouvrages souterrains tels que les tunnels, reçoit des
matériaux à stocker tels que les déchets industriels, et enfin sert à extraire
des minéraux et d’autres ressources de production de l’énergie et des
matériaux.
A l’heure actuelle, en dépit de l’épanouissement de cette discipline en
matière de développements théoriques et expérimentaux, certains
phénomènes souvent rencontrés en pratique sont encore mal connus et ne
peuvent être aisément analysés. En outre, certains aspects particuliers de
l’interaction sol/ouvrage et dont la théorie n’en tient pas compte par souci
de simplicité ne sont connus que vaguement.
En fait, le calcul des ouvrages géotechniques n’est pas une opération
automatique et nécessite souvent l’expérience ainsi que le sens du
jugement.
La formation d’ingénieurs en géotechnique doit viser à développer le
sens du jugement et l’art de décider, et ce parallèlement à un
enseignement des méthodes modernes de la mécanique des sols.
Un autre aspect marquant de la pratique géotechnique est la diversité
des méthodes et théories, et la large gamme d’approches expérimentales
pour caractériser le comportement du matériau sol, ce qui rend perplexe
un jeune ingénieur confronté à l’analyse des ouvrages.
La mécanique des sols est basée sur l’analyse expérimentale des
propriétés du sol et du comportement des ouvrages. Il va sans dire que
l’enseignement de la mécanique des sols aux futurs ingénieurs requiert le
recours à l’étude des cas rencontrés dans la pratique des projets. Le choix
des exercices et applications doit justement répondre à cette nécessité.
III
Cet livre s’inscrit dans ce cadre et se propose de présenter, à travers
des exercices résolus, l’étude du comportement des fondations
superficielles et profondes, et des murs de soutènement.
Fruit de plusieurs années d’enseignement de la mécanique des sols et
des fondations au département de génie civil de l’université de Blida, ce
recueil d’exercices organisé en onze chapitres, traite de l’application des
méthodes modernes de l’analyse de la capacité portante, des déformations
des fondations et de la stabilité des murs de soutènement.
Chaque chapitre commence par un bref rappel des notions et des
méthodes de calcul, expose l’énoncé des exercices et renvoie aux
solutions détaillées en fin du chapitre. Le rappel du cours résume en fait
des notions exposées en détails dans les références 1 à 4. Il va de soi que
l’acquisition de ces références permet d’avoir un ensemble didactique
complet traitant de l’analyse du comportement des fondations et des
soutènements. En outre, des références bibliographiques issues de la
littérature géotechnique mondiale y ont été incluses en fin de chaque
chapitre, invitant à approfondir les connaissances dans un thème donné.
Le premier chapitre expose les principes généraux de calcul des
fondations et des soutènements, en définissant la terminologie et les
concepts utilisés.
Les chapitres 2 et 3 se proposent d’étudier la capacité portante des
fondations superficielles à l’aide des paramètres de résistance de
cisaillement déterminés aux essais de laboratoire, ou à l’aide des
méthodes empiriques et semi-empiriques basées sur les essais in-situ.
On analyse aux chapitres 4 et 5 le tassement des fondations
superficielles à travers les essais de laboratoire ou in-situ. Ces derniers
permettent l’utilisation des méthodes modernes de nature semi-
empirique.
Le calcul de la capacité portante des pieux est présenté au chapitre 6, à
la base des essais in-situ, conformément à la tendance actuelle des
méthodes de calcul.
L’analyse du tassement des pieux sous charges axiales est souvent
exigée dans les projets importants ou dans des conditions particulières de
comportement des fondations sur pieux (sol de résistance médiocre,…)
où il est nécessaire d’étudier l’ensemble de la courbe de chargement du
pieu, c’est à dire la relation charge-tassement par le biais de méthodes
numériques. Une telle analyse sera abordée au chapitre 7.
Dans certaines configurations sol/pieu telles qu’en cas de poussées
latérales d’un sol mou sous le remblai d’accès à un pont, des pressions du
IV
vent sur un ouvrage élancé fondé sur pieux, ou des chocs latéraux dus aux
manœuvres d’accostage des bateaux sur les quais sur pieux, il importe
d’analyser la résistance latérale du sol et d’estimer les déplacements
latéraux sous charges latérales, ce qui est présenté au chapitre 8.
Le comportement d’un pieu au sein d’un groupe est différent de celui
du même pieu isolé. Cet effet de groupe se traduit en général par une
amplification des déplacements et une réduction de la capacité portante
du pieu au sein du groupe par rapport au pieu isolé. Il s’agit d’un
phénomène assez complexe encore en stade de recherche, et les méthodes
d’analyse sont assez rares. Le chapitre 9 se propose de présenter l’étude
du comportement d’un pieu au sein d’un groupe, à travers les méthodes
pratiques disponibles.
La détermination des pressions limites de poussée et de butée, ainsi
que l’analyse de la stabilité des murs rigides de soutènement sont
présentées au chapitre 10. En outre, le dimensionnement des rideaux de
palplanches, à travers les méthodes analytiques simplifiées, est présenté
au chapitre 11.
La majorité des exercices traités dans cet ouvrage sont issus de projets
réels de fondations, ce qui permet de concrétiser une diversité de
concepts et méthodes exposés dans un cours de mécanique des sols.
Dans certains passages de ce livre, des méthodes de calcul des
fondations sur pieux, ou de l’analyse de stabilité des murs de
soutènement nécessitent le recours à des programmes sur ordinateur. Une
copie de certains programmes mentionnés peut être obtenue sur simple
demande, en contactant l’auteur à l’adresse ci-après.
L’auteur estime qu’un tel ouvrage contribue modestement à
l’introduction aux ingénieurs d’une discipline clé dans la conception et
l’analyse des ouvrages de construction.

Alger, le 14 Janvier 2005

Ali BOUAFIA
Université de Blida\Département de Génie Civil
B.P : 270 R.P. Blida 09000 Blida, Algérie.
e-mail : geoblida@gmail.com

V
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 335

Chapitre
Stabilité au glissement
des terrains en pente

Objectif du chapitre :

Dans ce chapitre, on passe en revue l’analyse du phénomène d’instabilité


d’un terrain en pente, en mettant l’accent sur les facteurs géotechniques
déclenchant le glissement. Sont présentées ensuite les méthodes d’analyse par
tranches, couramment utilisées en pratique.

Dans ce chapitre :

1. Introduction
2. Différentes formes d’instabilité d’un terrain
3. Principales causes d’instabilité d’un terrain
4. Rôle du géotechnicien dans l’étude de la stabilité
5. Reconnaissance du site
6. Méthodes de calcul de stabilité
7. Applications
336 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

Figure 12.1. La photo illustre un glissement de terrain typique dans la région montagneuse
traversée par l’autoroute A32 sur le tronçon Turin-Bardonechia, et s’étendant vers le
tunnel Frejus (direction France). La région manifeste un glissement potentiel pouvant se
déclencher soudainement et mettre les usagers de la route en péril. Six sites, identifiés
comme instables, sont sujet d’un suivi continu à travers un système d’alarme installé. Le
schéma montre les différents équipements utilisés. Dans chaque site fut installée une
station d’acquisition quotidienne et automatique des mesures géotechniques.
(Source : SIS-Geo Company)
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 337

1. INTRODUCTION
Les glissements de terrains en pente revêtent des fois des formes spectaculaires
et laissent à penser que toute perturbation de l’équilibre initial des terres, par
réalisation d’un projet quelconque sans précautions préalables, peut conduire à des
conséquences catastrophiques. Il va sans dire qu’il est impératif de prévoir les
risques de mouvement du sol à chaque modification de cet état d’équilibre initial.
L’analyse de la stabilité d’un terrain au glissement est une opération complexe,
dans la mesure où une multitude d’aspects s’interfèrent, notamment l’incertitude
sur les paramètres géotechniques. Le mécanisme de glissement est en outre
complexe et n’est décrit par les méthodes de calcul de stabilité des talus que d’une
manière simpliste.
Cette analyse requiert, outre les méthodes de calcul adaptées aux particularités
du projet étudié et les données représentatives du problème, un sens de jugement et
une expérience de la part de l’ingénieur.
Dans un souci d’illustration du phénomène de glissement, le ressources
électroniques, jointes au livre via Google Drive, contiennent deux séquences de
vidéo* montrant des évènements spectaculaires de rupture des massifs de sol par
glissement ou par coulée boueuse. En outre, une présentation en diapositives,
intitulée Stabilité au glissement de terrains**, y est incluse en vue de préciser les
différents types d’instabilité d’un terrain et les principaux facteurs déclenchant un
glissement.
Le problème de glissement des terrains est couramment rencontré en Algérie et
ce depuis fort longtemps, et il n’existe jusqu’à maintenant pas de cartes de zonage
permettant de classer le territoire en zones vis-à-vis du potentiel de glissement.
On rappelle ci-dessous succinctement quelques dates relatives à ce phénomène :
- Février 1952. Glissement d’une masse estimée à 10 millions de mètres cubes à
Azazga (Tizi-Ouzou), suivi d’un mouvement important en février 1985, causant de
sérieux désordres au niveau des édifices publics et une centaine d’habitations,
- En 1972. Glissement au chantier du projet de la mosquée de l’Emir-Abdelkader à
Constantine, avec des dégâts importants,
- 10 Mars 1992. Glissement d’un talus de Ain-EL-Hamra (Guelma) sur une
étendue de 1000x700 m,
- En 1993. Un glissement franc s’est manifesté dans le corps du remblai routier à
Grarem (Mila) sur la route nationale 27, menaçant potentiellement de couper cette
voie de communication importante,
La figure 12.2 illustre deux exemples instructifs de glissement, manifestés récemment
à Béjaia, et illustre l’importance de l’analyse préalable du potentiel de glissement.
______________________________________________________________________
* Lien de téléchargement :
https://drive.google.com/drive/folders/1isn8vFQflEZSkV3QagdQOiaN5Lp52_mG?usp=sharing
**Lien de téléchargement :
https://drive.google.com/drive/folders/1nxHx-kg62htVnRSNl6bYF8KlNXX_046k?usp=sharing
On peut alternativement accéder à ce fichier sur simple demande adressée à l’auteur via
l’adresse électronique suivante : geoblida@gmail.com
338 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

Figure 12.2. Photo en haut : Basculement d’une habitation au quartier Tizi (djebel Sidi
Boudraham) à Béjaia, suite au glissement d’un sol ayant une pente supérieure à 20%,
composé d’éboulis de faibles caractéristiques mécaniques surmontant un substratum. Les
circulations d’eaux d’origines diverses ont été observées in-situ.
En bas, un plan schématique du glissement de terrain à Smina, situé sur le flanc sud de
Gouraya (Béjaia). Le sol est composé des marnes très altérées et situé dans un talweg
(exutoire naturel des eaux). Il s’agit d’un glissement du type rotationnel, s’étalant sur une
surface de 100x60 m [2].

Dans ce chapitre sont exposées les différentes causes déclenchant un glissement


de terrain, les mécanismes courants de glissement, la démarche générale d’étude de
stabilité, ainsi qu’un aperçu sur les méthodes couramment utilisées pour évaluer le
potentiel de glissement. L’accent est mis sur la catégorie des méthodes d’équilibre
limite, et plus particulièrement celles de l’analyse des tranches verticales, sur
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 339

lesquelles sont basés les différents logiciels d’analyse de la stabilité au glissement,


utilisés en pratique.

2. DIFFÉRENTES FORMES D’INSTABILITÉ D’UN


TERRAIN

Lors d’une étude de stabilité au glissement, on distingue souvent les terrains


naturels en pente, de ceux artificiellement réalisés par l’homme, appelés talus.
Le glissement d’un terrain en pente n’est qu’un aspect particulier de l’instabilité
générale d’un terrain.
L’instabilité d’une pente naturelle se manifeste sous plusieurs aspects,
notamment [1]:
 L’écroulement (ou avalanche). Il s’agit de la chute soudaine des masses rocheuses
importantes. Ce phénomène relève de la mécanique des roches,
 Le fluage. Il s’agit du mouvement lent du sol sans modification des efforts
appliqués.
 La coulée boueuse. Ce phénomène se manifeste en montagne lors de l’infiltration
de l’eau transportant avec elle du sol, avec des fois un débit important.
 Le glissement. Il s’agit du déplacement relatif d’un volume du sol par rapport au
reste du massif selon une surface de glissement quelconque (voir figure 12.3) dont
la morphologie est décrite par le schéma de la figure 12.4.
Sur le plan géométrique, on distingue en général les formes suivantes du
glissement :
- Le glissement plan où la surface de glissement est plane (voir figure 12.5). Il
s’agit souvent du toit d’une couche de mauvaise résistance.
- Le glissement rotationnel simple, où la surface de glissement est de forme
approximativement cylindrique (voir figure 12.6).
- Le glissement rotationnel complexe, qui se manifeste en général sous forme de
surfaces multiples dues à des glissements en chaîne.
Quant aux terrains en talus, l’expérience montre qu’ils sont surtout affectés par
le glissement selon une surface généralement circulaire, ou par le fluage. Il a été
constaté que dans les talus en déblai et les talus en remblai sur sols résistants, le
cercle de rupture comme le montre la figure 12.7-a, se manifeste couramment en
pied du talus (cercle de pied), mais il peut devenir profond si une couche mauvaise
se trouve sous le pied du talus [1].
Un talus en remblai sur sol compressible, tel que l’argile molle ou organique,
risque de glisser selon un cercle profond tangent à la base de la couche
compressible, si cette dernière est relativement homogène (voir figure 12.7-b).
Pour les murs de soutènement, le glissement général peut se manifester selon un
cercle profond [1].
340 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

(a) (b)

(c)
Figure 12.3. Exemples de glissement de terrain :
(a) Glissement d’un talus de remblai routier sur versant
(b) Glissement à la ville de Rissa (Norvège) en 1978
(c) Glissement d’un talus rocheux suite au séisme de Kobé (Japon) en 1995.

Figure 12.4. Morphologie générale d’un glissement de terrain [1]


Conception et calcul des ouvrages géotechniques 341

Figure 12.5. Exemple de glissement plan sur une "couche de savon" [1]

Figure 12.6. Mécanisme de glissement rotationnel [1]

3. PRINCIPALES CAUSES D’INSTABILITÉ D’UN


TERRAIN
Un glissement de terrain peut se déclencher suite à une ou plusieurs causes
concomitantes. Ces causes sont soit naturelles telles qu’une forte pluie, l’érosion
d’une berge, ou un séisme, soit artificielles issues d’une activité humaine telles que
les travaux de terrassement, ou la déforestation [3].
Les causes déclenchant un glissement peuvent aussi être classées en trois
grandes catégories : causes mécaniques, géométriques ou hydrauliques.
La première catégorie comporte les facteurs causant une augmentation des
contraintes dans le sol, tels qu’une surcharge provenant d’un nouveau ouvrage, de
la neige ou de l’eau, ou l’augmentation du poids volumique due à l’augmentation
de la teneur en eau, ou les facteurs réduisant la résistance au cisaillement du sol,
tels que la diminution de la cohésion de l’argile, l’augmentation des pressions
interstitielles ou le gonflement des argiles par absorption de l’eau [4].
342 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

(a) (b)

Figure 12.7. Différents cercles de rupture dans un talus en déblai [1]


(a) Cercle de pied dans un talus en déblai
(b) Cercle profond d’un remblai sur sol compressible

La deuxième catégorie comporte les facteurs modifiant la géométrie du terrain,


décrite principalement par la hauteur H du talus et son angle β d’inclinaison par
rapport à un plan horizontal, notamment les travaux de terrassement (déblaiement,
remblaiement).
La catégorie des facteurs hydrauliques est très importante puisqu’on estime
qu’environ 55% des glissements sont causés par un facteur hydraulique [3]. Lors
d’une pluie torrentielle par exemple, le mouvement de nappe modifie l’équilibre
initial des efforts internes dans un volume infinitésimal du sol, ce qui se répercute
sur la résistance au cisaillement τl, sachant que cette dernière comme le montre
l’équation suivante, est directement proportionnelle à la contrainte normale
effective σ’ :

τl=C+σ’tgφ = C+ (σ-u)tgφ (12.1)

En outre, toute modification dans la pression interstitielle, suite à une opération


de pompage par exemple, implique une variation de la résistance au cisaillement,
ce qui risque de déstabiliser le massif vis-à-vis des forces motrices du glissement.

4. ROLE DU GÉOTECHNICIEN DANS L’ÉTUDE DE


STABILITÉ

L’étude de stabilité d’un terrain peut prendre plusieurs formes en fonction du


problème posé.
En effet, en cas d’un terrain en mouvement, l’intervention consiste à étudier
l’évolution du phénomène (vitesse de mouvement du massif), à la stabilisation ou
confortement du terrain, à titre provisoire ou définitif, ou enfin à mettre en place
une station de surveillance (voir figure 12.1).
En cas d’un glissement finalisé, il est peut être demandé une expertise ou
d’étudier la réparation de l’ouvrage endommagé.
En cas d’un projet de réalisation d’un déblai ou d’un remblai, il sera demandé
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 343

d’effectuer un dimensionnement, à la base d’une étude stabilité au glissement, en


définissant éventuellement une méthode de construction (barrages, remblai sur sol
mou, etc).
Enfin, en cas d’un nouveau projet, il sera éventuellement demandé en phase de
terrassement, de définir les mesures préventives afin de prévenir tout risque
d’instabilité à court ou à long terme [3].
Dans tous les cas de figure, il faut disposer d’un ensemble de données
nécessaires sur le projet, issues de la reconnaissance géologique, géotechnique, et
hydrogéologique.

5. RECONNAISSANCE DU SITE

L’étude de la stabilité d’un terrain ne peut être sérieusement menée qu’en


possession des données d’une reconnaissance détaillée du terrain. L’expérience des
glissements antérieurs enseigne que de lourdes pertes matérielles et en vies
humaines auraient pu être évitées par une reconnaissance préalable du site.
Les éléments de la reconnaissance d’un site dans le cadre d’une étude de stabilité
comportent l’étude géologique, la reconnaissance géotechnique, analyse de
l’hydrogéologie, éventuellement des mesures de la cinématique du mouvement de
terrain, et un calcul de stabilité au glissement.
L’étude géologique consiste à analyser la structure géologique du sol en vue
d’identifier la formation, l’épaisseur des couches, leur pendage, la présence de
failles, etc.
La reconnaissance géotechnique a pour objectif de déterminer expérimentalement,
par les biais des essais in-situ ou au laboratoire, les caractéristiques mécaniques des
différents matériaux formant le sol, et plus précisément celles de la résistance au
cisaillement, à savoir l’angle de frottement et la cohésion. En fonction de la nature du
matériau et des conditions de chargement, on mesure les caractéristiques drainées ou
non drainées, comme le précise le chapitre 1. Cependant, pour une étude en
déformations, en vue du suivi de la cinématique du mouvement de terrain, par la
méthode des éléments finis, les caractéristiques de déformabilité, en l’occurrence le
module de déformation seront requises.
A l’heure actuelle, les essais de laboratoire sont les plus adaptés à la
caractérisation du sol dans le cadre de cette étude, du fait que les méthodes
d’équilibre limite qu’on utilise couramment dans le calcul du facteur de sécurité au
glissement requièrent des paramètres mécaniques et physiques directement
mesurables au laboratoire (en l’occurrence C, φ, γ, υ et E), ce que les essais in-situ
ne le fournissent pas, à moins qu’on procède par corrélations. En l’état actuel des
choses, il n’existe pas aussi des méthodes empiriques ou semi-empiriques pour le
calcul à la stabilité au glissement à partir des essais in-situ.
L’analyse de l’hydrogéologie du terrain a pour objectifs d’étudier entre autres les
pressions interstitielles de l’eau, la présence des nappes et leur alimentation. On
utilise couramment pour cela les données météorologiques, les mesures du niveau
344 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

d’eau dans les puits, les mesures de débits, et enfin la piézométrie [3].
L’étude cinématique consiste en un suivi expérimental du mouvement de terrain
par le biais des inclinomètres et des nivelles, afin d’évaluer l’amplitude du
mouvement, son évolution dans le temps, et enfin le volume du sol concerné par ce
mouvement. En cas d’une stabilisation du terrain, l’étude cinématique permet de
contrôler l’efficacité d’une telle solution par suivi de la vitesse de déplacements.

6. MÉTHODES D’ANALYSE DE STABILITÉ

L’Eurocode-7 stipule de prendre en considération tous les états limites relatifs à


la stabilité générale du terrain et la limitation des déformations du sol ainsi que
celles des ouvrages sus-jacents, notamment les états limites suivants :"
 Perte d’équilibre global du terrain et des ouvrages,
 Mouvement excessif du terrain,
 Dommages ou mise hors service de structures, de routes ou de réseaux voisins, à
cause des mouvements de terrain" [5].
Ce règlement recommande d’analyser des surfaces de rupture circulaires dans
des terrains relativement homogènes et isotropes, et non circulaires en cas des
terrains non homogènes.
Le calcul aux états limites de service doit assurer que le mouvement du terrain
n’induit pas un dépassement de l’état limite de service d’un ouvrage sus-jacent où à
proximité.
On peut subdiviser les méthodes d’analyse de la stabilité d’un terrain vis-à-vis
du glissement en trois grandes catégories :
- Méthodes d’équilibre limite,
- Méthode d’éléments finis,
- Méthodes des caractéristiques de contraintes (ou des lignes de glissement),
On focalise l’étude ci-après sur la première catégorie qui comporte d’ailleurs les
méthodes de calcul les plus utilisées en pratique.

6.1. Méthodes d’équilibre limite

Ces méthodes supposent que la rupture se manifeste le long d’une courbe plane
au sein du massif, le reste du sol est en équilibre surabondant. Le principe est de
déterminer la surface de rupture probable y(x). Le matériau sol est caractérisé par
l’angle de frottement , la cohésion C et le poids volumique . Selon la figure 12.8,
la largeur B du talus est supposée très grande par rapport à la hauteur H et la
longueur L du talus, ce qui revient à traiter un problème de glissement
bidimensionnel.
On s’intéresse dans cette catégorie aux méthodes des tranches qui forment la
base des logiciels courants de calcul automatique. Comme le schématise la figure
12.9, le bloc glissant ABCDA est divisé en tranches, la surface de rupture étant
décrite par la courbe y(x), appelée équation de la ligne de rupture.
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 345

Chaque tranche est soumise à son poids, aux surcharges éventuelles en surface
ainsi qu’aux forces de contact inter-tranches. e(x) est l’équation des points
d’application (ou ligne d’action) des forces inter-tranches.
Etudions une tranche isolée épaisse de h, E et T étant respectivement les
composantes horizontale et verticale des forces inter-tranches agissant sur la
tranche, comme le schématise la figure 12.10. La base de cette tranche appartient à
la ligne de rupture y(x) et est soumise à une contrainte normale  et une contrainte
tangentielle . L’angle  est la pente de la tangente à la courbe y(x).

Figure 12.8. Hypothèse de glissement bidimensionnel

Figure 12.9. Schéma de bloc plan discrédité Figure 12.10. Etude d’une tranche
en des tranches infinitésimale isolée

L’équilibre des forces horizontales, verticales et des moments (par rapport à la


base de la tranche) donne respectivement :

E- (E+dE)- cosds +sinds = 0 (12.2)

-T+ (T+dT)- hcosds + sinds + cosds = 0 (12.3)


346 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

T - Ede/dx +dE/dx(e-y) =0 (12.4)

avec dx =ds.cos

La combinaison des équations (12.2) et (12.3) permet d’écrire les contraintes


normale et tangentielle comme suit :

 = cos2[tgdE/dx +dT/dx + h] (12.5)

 = cos2[-dE/dx + tgdT/dx + htg] (12.6)

Ces contraintes vérifient le critère de rupture de Mohr-Coulomb :

 = C + tg (12.7)

Ainsi, on dispose de 4 équations (12.2 et 12.5 à 12.7) à 5 inconnues, à savoir :


T(x), E(x), (x), (x) et e(x). Le problème est indéterminé et il est nécessaire
d’ajouter une équation sous forme d’hypothèse supplémentaire. C’est d’ailleurs le
point de divergence des différentes méthodes des tranches. Les méthodes des
tranches les plus connues sont :
- Fellenius (1927),
- Taylor (1948),
- Caquot (1954),
- Janbu (1954),
- Biarez (1955),
- Bishop (1955),
- Morgenstern et Price (1965),
- Méthode des perturbations de Raulin et Toubol (1974).
On se limite ci-après à l’étude des méthodes de Fellenius, de Bishop et des
perturbations.

 Méthode de Fellenius :

Fellenius (1927) a proposé une méthode limitée aux ruptures circulaires, basée
sur l’hypothèse supplémentaire suivante : les forces E(x) et T(x) sont invariables
d’une tranche à l’autre, autrement dit :
dT dE
 0 (12.8)
dx dx

Ainsi, les équations (12.5) et (12.6) se réduisent en :

= hcos2 (12.9)
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 347

= cos hsin (12.10)

Soit Fs le coefficient de sécurité locale d’une tranche donnée, tel que :

 ult
Fs  (12.11)

En combinant les trois dernières équations, on aboutit à :

 ult C  h cos2 tg


Fs   (12.12)
 h cos sin

En cas d’un talus non surchargé, la contrainte normale  est due seulement au
poids W de la tranche, comme le montre la figure 12.11 :

cos
 W (12.13)
ds

ds =dx/cos étant la longueur de l’arc formant la base de la tranche.


Le facteur de sécurité locale devient alors :

Cdx
 W costg
 ult cos
Fs   (12.14)
 W sin 

Définissons un facteur de sécurité globale de la zone concernée par le


glissement. Le moment moteur du glissement par rapport au centre O du cercle, est
dû au poids de la tranche et éventuellement des surcharges, et le moment résistant
au glissement est dû à la résistance au cisaillement.
Le facteur global de sécurité peut être défini pour les N tranches
étudiées formant le bloc ABCD (k=1, N):

 Moment résistant  
R(Ck dsk   dsk tg k )
Fs  k
(12.15)
 Moment moteur  RW k
k sin  k

Dans le cas particulier d’un talus non surchargé, la contrainte normale σ est
donnée par l’équation (12.13) et le facteur de sécurité devient, en prenant une
largeur b pour toutes les tranches :
348 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

Figure 12.11. Calcul du facteur de sécurité d’une tranche

 b 
  C  Wk cos  k tg k 
Fs 
 Moment résistant  k 
k
cos  k  (12.16)
 Moment moteur Wk sin  k
k

Les caractéristiques mécaniques Ck et k sont celles de la couche traversée par la


tranche k. On doit tester le plus grand nombre possible de cercles probables de
glissement, calculer le coefficient de sécurité globale Fs pour chaque cercle, et
retenir le cercle ayant le facteur minimal. La stabilité au glissement est assurée si la
valeur minimale est supérieure à 1.50.
Le tableau 12.1 illustre la méthodologie de calcul du facteur de sécurité pour un
cercle de rayon et de centre donnés. Le calcul, étant fastidieux, il est courant
d’avoir recours à un programme sur ordinateur pour effectuer une telle tâche.
La figure 12.12 illustre un exemple de calcul automatique de plusieurs cercles de
glissement d’un talus argileux homogène. Le coefficient de sécurité minimum est
trouvé 1.43.

Tableau 12.1. Tableau récapitulatif du calcul du facteur de sécurité selon Fellenius

Tranche  Cb/cos W Wcostg Wsin (2)+(4)


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
1


k


N
Fs= (6)/(5)
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 349

 Méthodes de Bishop (1954)

Il s’agit d’une méthode de calcul des glissements circulaires. Bishop a supposé


que le facteur de sécurité est constant le long de la surface de glissement.
D’après la figure 12.11 le moment moteur par rapport à O est Wx, et le moment
résistant est égal à (C +tg)dsR.
A partir de l’équation 12.3, la contrainte normale  peut s’écrire de la manière
suivante, en écrivant que  = ult/Fs = (C+tg)/Fs :

Figure 12.12. Exemple de détermination du facteur F s minimum

Cds
dT  hdx  sin 
Fs
 (12.17)
(ds) sin tg
(ds) cos 
Fs
Ainsi, le coefficient de sécurité devient :

Moment résistant 
(C k ds k  ds k tg k )
Fs 
  k
(12.18)
 Moment moteur W k
k sin  k

C k ds k cos k  (dT  hdx)tg k


 sin  k tg k
cos k 
Fs
Fs  (12.19)
k
 Wk sin  k
350 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

On peut remplacer le terme ds.cos par la largeur b des tranches et hdx par le
poids W de la tranche. L’expression ci-dessous est une équation implicite en Fs à
résoudre itérativement. En général, on considère comme valeur initiale de Fs celle
donnée par Fellenius.
Cette formulation est relativement compliquée, et Bishop a présenté d’ailleurs
une méthode simplifiée, basée sur l’hypothèse que les composantes horizontales
sont constantes dans une tranche (dT/dx=0). L’equation (2.19) se simplifie en :

C k b  Wk tg k
 sin  k tg k
cos k 
Fs
Fs  (12.20)
 Wk sin  k
k

 Méthode des perturbations (1974)

Cette méthode a l’avantage de traiter des surfaces de glissement aussi bien


circulaires que non circulaires. En outre, elle vérifie toutes les équations de la
statique [7].
L’hypothèse supplémentaire de cette méthode concerne la distribution de la
contrainte normale le long de la surface de rupture. Celle-ci s’écrit :

 = 0(x)( + v) (12.21)

0 est une valeur initiale approchée, prise généralement égale à hcos2, soit celle
de la méthode de Fellenius (équation 12.9). Les paramètres  et  sont deux
inconnues à déterminer, et v est appelé paramètre de la perturbation, pris
couramment égal à tg.
Le principe de cette méthode est d’analyser l’équilibre global du terrain qui se
traduit par les équations suivantes (voir figure 12.13) :

  tg   dx  0
x1
Fx= 0 donne (12.22)
x0

x0    tg dx  x0 hdx =0


x1 x1
Fy=0 implique (12.23)

   x  y tg dx     y  xtg dx   hdx  0


x1 x1 x1
M/0=0 aboutit à (12.24)
x0 x0 x0

Le facteur de sécurité s’écrit alors :


 l C   tg
Fs   (12.25)
 
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 351

Ce système de 4 équations peut se simplifier et se réduire en un ensemble de 3


équations à 3 inconnues, à savoir ,  et Fs.
Il s’agit d’un système non linéaire d’équations dont la résolution se fait par une
méthode itérative [7].
En pratique, le calcul à partir des méthodes de tranches est mené à la base des
programmes sur ordinateur. Certains d’eux offrent une bibliothèque riche des
méthodes de calcul, avec introduction des données du problème d’une manière
conviviale et interactive.
On cite à ce titre le logiciel GEO-SLOPE, qui offre à l’utilisateur un
environnement très convivial ainsi qu’une bibliothèque de 8 méthodes de calcul à
la rupture (Fellenuis, Morgenstern-Price, Spencer, Bishop, etc), ainsi que la
possibilité d’étudier le problème par la méthode des éléments finis.

Figure 12.13. Schéma d’équilibre du talus dans la méthode des perturbations

TALREN est un logiciel qui offre diverses méthodes de calcul interactif


(méthodes de Fellenius, Bishop et Perturbations) avec possibilité d’étudier le
renforcement du sol avec par tirants d’ancrages ou par clouage. La figure 12.14
montre un exemple de résultats de calcul d’un talus hétérogène, avec détermination
des faibles coefficients de sécurité.
Dans des configurations simples du terrain en pente, telles que le cas d’un sol
mécaniquement homogène ou ayant un nombre limité de couches, il est possible de
déterminer le coefficient de sécurité par calcul analytique ou à partir des abaques.
En cas d’un sol pulvérulent homogène incliné de β par rapport au plan
horizontal, caractérisé par un angle de frottement interne φ, et non soumis à un
écoulement d’eau, le coefficient de sécurité est alors donné simplement par
l’équation suivante :

tg
Fs  (12.26)
tg
352 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

Figure 12.14. Exemple de calcul automatique de la stabilité au glissement

Une interprétation de cette équation est que l’angle β ne peut être plus grand que
l’angle φ. En fait, un empilement de sol pulvérulent lâche se met en équilibre
limite, en formant un talus symétrique, comme le schématise la figure 12.15.
L'angle de frottement de ce sol lâche est minimum, et correspond à ce qu'on
appelle angle de talus naturel. Il suffit pour le mesurer de verser une quantité de
ce matériau à partir d'une faible hauteur de chute (afin d'obtenir une faible
densité), pour voir se former un talus faisant avec l'horizontale un angle égal au
minimum de l'angle de frottement (voir figure 12.15).
Mécaniquement parlant, une masse de sol pulvérulent lâche sec tend vers un
équilibre limite tel que l'effort minimum de glissement le long du talus correspond
à la contrainte tangentielle du poids d'une bande infinitésimale du matériau. Ainsi,
suivant le critère de rupture de Mohr-Coulomb, la force de glissement est T=Ntg.
Ainsi, la pente  du talus est donc égale à , et correspond à min puisque le
matériau a une densité minimum.
Le tableau 12.2 récapitule quelques valeurs suggérées par Terzaghi et Peck pour
l’angle de talus naturel [8]

Tableau 12.2. Valeurs de l’angle de talus naturel selon Terzaghi [8]


Grains ronds et Grains anguleux et bien
uniformes gradué
Sable sec lâche 28.5° 34°
Sable sec dense 33° 46°
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 353

Figure 12.15. Formation d’un talus symétrique en équilibre limite dans un sol lâche

En cas d’écoulement d’eau, une poussée d’écoulement sollicite les grains du sol
pulvérulent, outre les forces de poids. Selon la direction des lignes d’écoulement,
on peut définir l’angle limite βlim que peut avoir le terrain (Fs=1), comme suit (voir
figure 12.16) [1] :
tg
 Ecoulement parallèle à la pente (a) : tg lim  (12.27)
2

 Ecoulement horizontal (b) :  lim  (12.28)
2
 Ecoulement vertical descendant (c) :  lim   (12.29)

Figure 12.16. Différents modes d’écoulement dans un sol pulvérulent en pente [1]

Le cas d’un sol purement cohérent (φ=0), homogène, et surmontant un


substratum à une distance ndH de la surface du talus, a été schématisé à la figure
12.17. On peut exploiter un abaque présenté par Taylor (1948), donnant un
paramètre Ns, appelé nombre de stabilité :
354 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

H
Ns  (12.30)
Cu

en fonction de l’angle β du talus et du coefficient nd, afin d’étudier les


caractéristiques géométriques ou mécaniques de ce talus, en état d’équilibre limite,
c'est-à-dire que Fs=1. En effet, à partir de l’abaque de la figure 12.18, on peut
déterminer le nombre Ns et déterminer par exemple la hauteur Hc correspondant à
l’équilibre limite du talus, ou la cohésion minimale Cumin assurant la stabilité au
glissement. On peut ainsi définir un coefficient de sécurité global par rapport à la
hauteur H du talus :

Hc
Fs  (12.31)
H

ou par rapport à sa cohésion non drainée :

Cu
Fs  (12.32)
Cmin
u

Notons que l’abaque précise aussi le type de cercle de glissement. Pour un angle
β supérieur à 53°, il s’agit toujours d’un glissement par un cercle en pied. Pour un
angle plus petit, le type de cercle de glissement dépend de Ns et nd.
Considérons à titre d’exemple un talus en déblai, haut de 4 m et incliné de 50°
par rapport à l’horizontal, et réalisé dans un massif d’argile saturée, caractérisée
par une cohésion non drainée de 50 kPa et un poids volumique saturé de 20 kN/m3.
Cette couche surmonte un horizon de grès considéré comme un substratum, à 8 m
par rapport à la surface. A partir de la figure 12.18, pour nd=8/4=2 et β=50°, Ns
correspondant à l’état limite (Fs=1) est de 5.70. La hauteur critique Hc est telle
que :

Figure 12.17. Notations des paramètres de la méthode de Taylor [1]


Conception et calcul des ouvrages géotechniques 355

Figure 12.18. Abaque de Taylor pour un sol purement cohérent (Fs=1) [1]

N s Cu
Hc   14.30 m (12.33)

Le coefficient de sécurité est Fs=14.3/4=3.60. Cherchons la cohésion minimale


assurant la stabilité, On a en fait :
H
Cumin   14 kPa (12.34)
Ns
On retrouve évidemment le même coefficient de sécurité, puisque :
Fs=C/Cumin=50/14=3.60.
En cas d’un sol cohérent homogène, l’abaque de Taylor-Biarez permet une
analyse très pratique de la stabilité du talus, en déterminant directement le
coefficient de sécurité. En effet, on calcule le nombre de stabilité Ns et on place
dans l’abaque le point A (1/Ns, φ) .En traçant la droite joignant le point A à
l’origine des axes, cette droite coupe une courbe définie pour l’angle β donné, ce
qui permet de définir un point d’intersection B(β). Le coefficient de sécurité est
simplement le rapport des segments OA et OB :
356 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

OA
Fs  (12.35)
OB

Reprenons l’exemple précédent et supposons qu’on réalise avec les mêmes


données géométriques un talus en déblai dans un sable légèrement argileux,
caractérisé par un angle de frottement de 34° et une cohésion de 7 kPa.
Le nombre de stabilité étant égal à 11.43, 1/Ns est égal à 0.087, ce qui permet de
fixer le point sur la figure 12.19, ainsi que le point B d’intersection de la droite OA
avec la courbe définie pour β égal à 50°. Le coefficient de sécurité est alors égal à
66/45=1.47< 1.50, ce qui est insuffisant en termes de stabilité au glissement.

Figure 12.19. Abaque de Taylor-Biarez pour un sol cohérent [1]

Dans certaines conditions stratigraphiques, le glissement peut se manifester


selon une surface plane, telle que schématisé à la figure 12.20.
En cas d’un sol cohérent homogène, soumis à un écoulement de nappe parallèle
à la pente du talus, en découpant le sol en des tranches verticales larges de b, la
contrainte verticale totale à la profondeur z est donnée par :

1
 v   sat zb   sat z cos  (12.36)
b
cos 
Conception et calcul des ouvrages géotechniques 357

La pression interstitielle à cette profondeur est :

u   w h w cos2  (12.37)

Décomposons la contrainte totale verticale en une contrainte normale et


tangentielle :

   v cos    sat z cos2  (12.38)

Figure 12.20. Schéma de glissement plan dans un sol cohérent [1]

   v sin    satz sin  cos  (12.39)

La contrainte effective étant la différence des contraintes totale et interstitielles,


elle est donc égale à :

 '    u   sat z cos2    w h w cos2    sat z   w h w cos2  (12.40)

Le coefficient de sécurité global vis-à-vis au glissement plan est :

 l C' ' tg '


Fs   (12.41)
 

En combinant les deux équations précédentes, on aboutit finalement à :

C'  sat z   w h w cos2  tg '


Fs  (12.42)
 sat z cos  sin 
358 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

On remarque que le coefficient de sécurité décroît lorsque la hauteur h w de la


nappe phréatique augmente, ce qui explique les glissements de terrain en période
pluvieuse. Selon Philiponnat (1998), cette conclusion est générale, indépend-
amment de la forme de la ligne de glissement [1]
En absence d’écoulement (hw=0), l’expression précédente s’écrit de la manière
suivante :

C' tg '


Fs   (12.43)
 z cos  sin  tg

Le terme rapport des tangentes de φ et β n’est autre, comparé à l’équation


(12.26), que le coefficient de sécurité du sol pulvérulent (C=0), il s’agit bien de la
contribution du frottement interne du matériau, alors que l’autre terme représente
l’apport de la cohésion. Toutes choses étant par ailleurs égales, la cohésion fait
augmenter la sécurité au glissement, mais pour les faibles profondeurs. Pour les
grandes profondeurs, comme le montre l’équation précédente, le matériau sol
mobilise seulement le frottement interne entre ses particules. Cette conclusion est
valable seulement pour cette configuration particulière de glissement.

6.2. Méthodes des caractéristiques de contraintes

Dans ce type de méthodes, l’état limite est atteint en tout point du bloc glissant,
le sol ailleurs étant en équilibre surabondant. On y traite en général des surfaces
planes, et le problème consiste à calculer la surcharge ou la géométrie du talus
causant un équilibre limite généralisé dans la surface fixée à priori.
Ce concept ignore d’ailleurs la notion de facteur de sécurité et nécessite le
recours à l’ordinateur pour la résolution des équations de l’équilibre limite. Bien
que cette méthode, due à Sokolovski (1960) n’est pas bien développée, l’avenir est
plutôt prometteur pour elle.

6.3. Méthode des éléments finis

La méthode des éléments finis permet de discrétiser le plan vertical du talus en


des éléments caractérisés par un comportement élasto-plastique, et à propriétés
physiques variables dans l’espace. Cette méthode ne tient pas compte de la notion
du facteur de sécurité et se propose d’évaluer les contraintes et déformations aux
nœuds des éléments. Le calcul peut être mené avec tout programme général
d’éléments finis, ou avec les logiciels spécialisés dans la modélisation
géotechnique, tels que Plaxis, Oasys, Cesar et Crisp.

7. APPLICATIONS

1. Expliquer le principe de la méthode des tranches de l’analyse de la stabilité d’un


Conception et calcul des ouvrages géotechniques 359

terrain en pente.

2. Quels sont les différents types de glissement d’un terrain en pente ?

3. Interpréter l’effet déstabilisateur de l’eau sur un terrain en pente, sous forme


d’un mouvement de nappe lors d’une pluie ou lors d’un pompage.

4. On se propose d’effectuer une étude manuelle simplifiée de la stabilité au


glissement circulaire d’un terrain bicouches formé d’argile molle saturée de grande
épaisseur, sur lequel repose un talus limoneux haut de 7 m et ayant une pente de
35° par rapport à l’horizontale. La nappe phréatique Comme le montre la figure
21.21, a été détectée en surface de l’argile. Le cercle d’étude a un rayon de 13 m et
son centre coïncide avec l’axe vertical passant par le pied du talus, à 10 m de haut
de ce dernier.
On demande de découper la zone étudiée en trois tranches, comme c’est indiqué
à la figure 12.21, et d’appliquer la méthode de Fellenius pour le calcul du
coefficient de sécurité associé à ce cercle probable de glissement.

Figure 12.21. Schéma de calcul de stabilité de glissement circulaire

5. Soit un sol pulvérulent homogène incliné de β par rapport au plan horizontal,


caractérisé par un angle de frottement interne φ, et non soumis à un écoulement
d’eau.
a) Calculer le coefficient de sécurité au glissement de ce talus, en considérant
φ=30° et β=25°.
b) Expliquer à quoi correspond le cas où Fs=1, et définir alors l’angle au talus
naturel.

6. Soit un sol pulvérulent homogène incliné de β par rapport au plan horizontal,


caractérisé par un angle de frottement interne φ=30°, et soumis à un écoulement
d’eau selon les directions suivantes:
a) parallèle à la pente,
b) horizontal,
c) vertical descendant en présence d’un drain à la base du talus.
Calculer dans chaque cas l’angle maximum de la pente du talus, correspondant à
360 Conception et calcul des ouvrages géotechnique s

la stabilité au glissement.

7. Considérons un talus en déblai, haut de 4 m et incliné de 50° par rapport à


l’horizontal, et réalisé dans un massif d’argile saturée, caractérisée par une
cohésion non drainée de 50 kPa et un poids volumique saturé de 20 kN/m3. Cette
couche surmonte un horizon de grès considéré comme un substratum, à 8 m par
rapport à la surface. A partir de l’abaque de Taylor, on demande de :
a) Calculer la hauteur critique correspondant à l’état d’équilibre limite (Fs=1).
b) Calculer le coefficient de sécurité pour la hauteur du talus de 4.0.
c) Calculer la cohésion minimale assurant la stabilité.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. Philiponnat G et Hubert B (1998) Fondations et ouvrages en terre, éditions


Eyrolles, Paris, ISBN : 2-212-07218-X, 546 p.

2. Bendaddouche H et Lazizi S (2005) Pathologie des glissements de terrain- Région


de Béjaia, Comptes rendus du séminaire national du LNHC sur l’apport de la
géotechnique face aux risques naturels, 8-9 Novembre 2005, Batna.

3. Durville, J-L et SEVE, G (1996) Glissements en terrain meuble, éditions


Techniques de l’Ingénieur, Traité Construction, réf. C-254, 16 p.

4. Chelghoum N (2006) Les ouvrages de soutènement en mécanique des sols,


Publications de l’université d’Annaba, pp : 73-132.

5. Eurocode-7- Calcul géotechnique- Partie 1 : Règles générales, prEN 1997-1, Nov


2004, CEn/TC 250, Comité Européen de Normalisation, 175 p.

6. Cassan M (1978) Les essais in-situ en Mécanique Des Sols, Tome II : Applications
et méthodes de calcul, éditions Eyrolles, Paris, 331 p.

7. Raulin, P et Toubol (1974) Calcul de la stabilité des pentes en rupture non


circulaire, Rapport de recherche du LCPC N° 36, éditions LCPC, 101 pages.

8. Tomlinson MJ (2001) Foundations design and construction, Prentice Hall,7th


edition, ISBN: 0-13-031180-4, 569 p.

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