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1. INTRODUCTION.

LA POLITIQUE LINGUISTIQUE DE L’ÉTAT


1790 – 1945 ET LE SORT DES LANGUES RÉGIONALES
Sur l'île de Corse, le français est la langue nationale officielle et la lingua franca. Bien que le français soit la langue de
communication, le soutien à la langue corse semble être fort.

XVI SIÈCLE

L'ordonnance de Villers-Cotterêts aussi appelée l'ordonnance Guillemine édictée par le roi de France François Ier, en
août 1539 a été l'acte fondateur de la primauté du français dans les documents relatifs à la vie publique du royaume de
France.

L'objectif de l'édit est de moderniser l'appareil d'État afin d'assurer une communication efficace sur l'ensemble du
territoire français. Cependant, pour la majorité de la population française de l'époque, cet édit n'a eu que très peu
d'effet, voire aucun. La France est encore largement non-francophone.

XVIII SIÈCLE ET LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE

Le thème d'une langue nationale a été défendu avec beaucoup de vigueur au moment de la Révolution de 1789. En
1790, l'enquête de l'abbé Grégoire (Henri Jean-Baptiste Grégoire 1750 – 1831) avait montré que seuls trois millions de
personnes, sur une population totale de quinze millions, pouvaient parler couramment le français.

Au moment de la Révolution, la question de la nation est devenue primordiale. Comme la connaissance du français dans
la plupart des régions de la nation était inégale, la politique initiale consistait à exploiter les langues minoritaires
largement utilisées en France afin de faciliter la diffusion du français.

Le Décret du 14 janvier 1790 concernant la traduction des décrets et des lois dans tous les idiomes de la France a été
adopté par l'Assemblée Nationale. Le but est de rendre partout compréhensibles les lois et les décrets de l'Assemblée
car la majorité des citoyens ne parle pas français.

Bertrand Barrère, député à L’Assemblée Nationale (1755 - 1841) impose la fin de tout usage des langues régionales
dans le cadre officiel :

" D'ailleurs, combien de dépenses n'avons-nous pas fait pour la traduction des lois des deux premières assemblées
nationales dans les divers idiomes parlés en France ! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces
idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires ! ".

Malgré la rhétorique agressive de Barère et d'individus partageant les mêmes idées pendant la Révolution, le soutien
aux langues minoritaires a toujours été considéré comme le moyen de développer le français comme langue de la
France.

Pour donner un exemple, une remarque d’un inspecteur scolaire dans les Vosges de l’époque:

" Les instituteurs parlent patois à leurs élèves, de telle sorte que ceux-ci sont incapables de comprendre les questions
les plus simples si vous les leur faites en français".

La bienveillance manifestée à l'égard des langues régionales de France a pris fin dès le début de la période jacobine. Une
législation visant à imposer l'usage du français est introduite le 5 brumaire an II (26 octobre 1793), bouleversant toutes
les législations linguistiques antérieures qui cherchaient à exploiter les langues minoritaires de France afin d'étendre
l'usage du français.

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DE LA RÉVOLUTION AU SECOND EMPIRE, 1800-1852

Les idéaux jacobins, adoptés peu après la Révolution, selon lesquels l'unité nationale devait être réalisée par le biais,
entre autres, d'une langue nationale, se sont poursuivis au XIXe siècle.

Le succès de l'établissement du français comme langue des enfants dans toute la République a été limité, notamment
parce que relativement peu d'enfants fréquentaient régulièrement l'école. Cependant, il y a eu des tentatives minimes
pour remédier à cette situation, à commencer par la fondation par Napoléon des grandes écoles et du système des
lycées.

DU SECOND EMPIRE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE, 1852 - 1914

Sous le Second Empire, Napoléon III supervise l'interdiction des langues locales dans les écoles. Le gouvernement
interdit l'utilisation du breton, de l'alsacien, du corse et des autres langues régionales comme supports d'enseignement
du français. L'expression utilisée dans un décret impérial, de l'époque :

"Le français sera seul en usage dans l'Ecole".

LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE. À partir de la Troisième République que on peut observer des tentatives réussies pour
assurer un certain niveau de domination du français.

Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique (1832 - 1893), est le ministre qui a réussi à mettre l'éducation nationale
au service des objectifs de la Troisième République. Ferry institue un système éducatif gratuit, obligatoire et laïc.

À la fin du XIXe siècle, malgré la mise à l'écart soutenue des langues minoritaires pendant la période de la Troisième
République, des langues minoritaires comme l'alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse et le flamand restent
toujours des moyens d'intercommunication.

2. APRÈS LES DEUX GUERRES MONDIALES


DU DÉBUT DU SIÈCLE À LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Les deux guerres mondiales ont éloigné le grand nombre de citoyens de leurs régions et les ont plongés dans des
situations de langue française. La Grande Guerre a démontré le besoin réel d'une langue nationale et standard.

La Grande Guerre a été suivie de la Seconde Guerre mondiale qui, à bien des égards, a aggravé les effets de la première
sur les langues minoritaires. La Seconde Guerre mondiale marque le moment où la position dominante du français sur
les langues minoritaires collectives se confirme.

La période après la Seconde Guerre mondiale n'a pas été une période de renaissance pour les langues minoritaires de
France. L'unité de la France, mise à épreuve pendant l'Occupation, a pris une grande importance à la Libération. À
l’époque face à la montée de l'estime pour le français, même les parents décident activement d'enseigner à leurs
enfants le français plutôt que la langue régionale.

La première grande retraite de la tradition jacobine, en réponse à la pression croissante des mouvements régionalistes,
est la loi Deixonne de 1951. La loi Deixonne a été proposée par le Parti communiste français et ses alliés et a été perçue
comme une mesure de démocratie. La loi a autorisé l'enseignement facultatif de certaines langues régionales : le
basque, le breton, le catalan et l'occitan. Le corse fut écarté car il était soutenu à l’époque que c'était un dialecte italien.

La loi 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux, dite loi Deixonne, est la
première loi française autorisant l'enseignement des langues régionales de France. Élaborée par Maurice

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Deixonne, un homme politique français (1904 - 1987), la loi autorisa l'enseignement facultatif de certaines langues
régionales. Le décret 74-33 du 16 janvier 1974 y ajoutera par la suite le corse.

La loi Deixonne peut être perçue comme le fondement de toute législation ultérieure favorisant et renforçant les
langues minoritaires. L'un des défauts de la loi Deixonne était les limites qu'elle imposait à l'obligation d'enseigner ou
d'apprendre la langue. Toutefois, le fait qu'une telle loi ait été proposée et adoptée est significatif en soi.

3. LE CORSE AVANT ET APRÈS L'ACQUISITION FRANÇAISE.


UTILISATION DE LA LANGUE EN CORSE
La langue corse est une langue romane du groupe italo-roman. Le corse a été reconnu comme une langue indépendante
(et non comme un simple dialecte avec toutes ses implications sociologiques et politiques) à la fin des années 1980. Il a
été inclus dans le Lexikon der Romanistischen Linguistik.

Das Lexikon der Romanistischen Linguistik est un manuel des langues romanes en 12 volumes publiés entre 1988 et
2005 par les philologues et romanistes allemands Günter Holtus, Michael Metzeltin und Christian Schmitt.

Avant l'acquisition française, au Moyen Âge, l'île de Corse était sous la domination des Pisans et des Génois. À cette
époque, l'utilisation des langues sur l'île correspondait au modèle d'une diglossie classique : l'italien toscan comme la
variété haute et le corse comme variété basse de la même langue.

À l'époque, le corse et le toscan n'étaient pas compris comme des langues distinctes, mais comme deux niveaux du
même idiome. La langue italienne (lingua dei signori) utilisée par les gens cultivés était considérée comme plus
distinguée que le langage des bergers (lingua dei pastori). La langue italienne était unanimement considérée par les
Corses comme la langue de l'enseignement, de la littérature, de l'administration, des tribunaux et des sermons. Le corse,
quant à lui, était considéré comme un dialecte, un patois, un idiome mais il n'était pas stigmatisé comme tel par les
Italiens ou les Corses. La langue corse servait adéquatement les insulaires pour la majorité de leurs actes de langage.

L'ACQUISITION FRANÇAISE DE LA CORSE

En 1769, la Corse est intégrée au royaume de France par le traité de Versailles. Mais la pratique linguistique n'est guère
affectée pendant les vingt dernières années de l'Ancien Régime.

Après la Révolution, le processus de francisation de la Corse au XIXe siècle doit être compris du point de vue de la
manière dont la diglossie toscane-corse s'est adaptée à une triglossie entre toscan, corse et français.

Malgré une certaine résistance au français, à partir de 1850, avec la domination croissante du français, les auteurs,
poètes et chanteurs de l'île commencent à se repositionner dans une plus grande sphère culturelle française.
Cependant, cet intérêt nouveau pour une autre langue d'expression ne se fait pas au détriment du corse. L'usage du
corse s'est toujours limité à la littérature populaire, à la chanson et à la poésie populaires (ex de résistance - poète Viale
1787 - 1861).

Le système éducatif corse de l'époque est ancré dans la sphère d'influence italienne. Au XIXe siècle, les fils des
gentilshommes étaient encore envoyés à Pise pour y compléter leur éducation. En 1829 le quart des étudiants de Pise
était d'origine corse.

A l'origine, l'usage et l'enseignement du français dans les écoles sont rares et peu d'enfants et de jeunes parlent cette
langue durant la première partie du XIXe siècle. Peu d'écoles ont été fondées en Corse, et la fréquentation des enfants

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du pays était minime. Pour ceux qui fréquentent une école, l'italien reste la lingua franca pour la plupart des études
académiques pendant la première partie du XIXe siècle.

Le changement de fortune du français sur la Corse lentement progressait au détriment de l'italien toscan, et non du
corse : l'éducation au sein d'une diglossie, n'était pas associée à la langue corse. Le règlement impérial de 1853 comme
celui, républicain, de 1880, reprennent significativement la même formule : "Le français sera seul en usage dans l'Ecole".

À la fin du XIXe siècle, la relation entre le français, le corse et l'italien toscan s'est transformée. Le français assume la
fonction d'administration, la fonction publique et le système judiciaire sur l'île. L'italien toscan se voit évincé des
domaines normalement réservés à une langue de la variété haute, tandis que le corse reste la variété basse.

LA LANGUE CORSE JUSQU'À LA SECONDE GUERRE MONDIALE

L'infrastructure introduite par Jules Ferry (introduction de l'école gratuite, obligatoire et laïque), se met en place dans
toute la France. Sur l’île de Corse les écoles sont fondées et atteignent les villages les plus éloignés dans les trois
premières décennies du nouveau siècle. De nombreux détails peuvent être tirés des rapports des inspecteurs scolaires.
Un inspecteur de Bastia, M. Biron, a rédigé des rapports détaillés :

"la classe en patois - on doit le reconnaître - rendrait quelquefois les leçons plus claires, plus attrayantes, plus
familières, plus vivantes, plus efficaces. [...] Aux premiers contacts nous apercevons que le dialecte est la seule langue
vivante. C'est en corse qu'on bavarde et qu'on s'interpelle. C'est en corse que le Conseil municipal délibère. C'est en
corse que le curé prêche et confesse. Naturellement, les enfants jouent en corse. Quel entrain dans leurs débats ! Et
quelle volubilité dans leurs discussions !"

Au fil du siècle, le système éducatif de l'île se renforce au fil du temps. Pendant les quarante-cinq premières années du
vingtième siècle, la triglossie qui s'était formée au cours du siècle précédent a été systématiquement démantelée.

La conversion linguistique au français est un processus qui est encouragé par la Grande Guerre et la Seconde Guerre
mondiale. Le retour triomphal des soldats parlant la langue nationale couplé à d'autres changements sociétaux, la
réimmersion de ces hommes dans une région largement non-francophone a eu un effet majeur sur le choix de la langue.

Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, la Corse est occupée par les troupes italiennes. L'occupation italienne a
causé des dommages politiques irréparables au statut de la langue sur l'île, ce qui a effectivement éliminé l'italien de
l'univers linguistique corse. Le corse à l’époque était identifié à l'Occupation et aux errements des années 1930, alors
que les liens entre l'île et l’Italie avaient été renforcés par le gouvernement de Mussolini.

LE SOUTIEN DU CORSE

Jusqu'aux années 1960, lorsque la vague d'ethno-nationalisme a eu un impact en France, on a considéré qu'il n'y avait
pas de "problème linguistique". Comme on l'a observé, la participation des Corses à la préparation de la loi Deixonne a
été minime.

Cependant l'apparition d'U Muntese en 1955 a démontré qu'il y avait des personnes concernées par la protection et
l'extension du corse. Auparavant, il n'y avait pratiquement rien d'écrit ou d'imprimé en corse. La langue corse était
considérée comme ne convenant pas aux domaines hauts d'une diglossie. Les gens utilisaient le corse entre eux et pour
des transactions informelles dans les magasins locaux.

Comme le nombre de locuteurs diminuait et que de plus en plus de parents choisissaient d'élever leurs enfants en tant
que francophones avant tout, il est devenu de plus en plus important pour les insulaires de défendre la langue corse. Un
soutien symbolique a été accordé au corse par la création du Centre d'Etudes Corses en 1957 (à Aix-en-Provence),
premier organisme universitaire à travailler, eneigner et faire des recherches sur les questions relatives à la langue de
l'île.

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LES CHANGEMENTS DES ANNÉES 60 ET 70

Sur le plan linguistique, cette période voit la création de l'association Scola Corsa (école corse) pour soutenir la langue
de l'île. L'association milite pour la réouverture de l'université de l'île et pour l'extension de la loi Deixonne au corse. La
Scola Corsa a cherché à promouvoir l'enseignement obligatoire de la langue corse, mais elle n'était pas le seul organisme
à soutenir la langue de l'île. L'ADECEC a également été créée dans les années 1970 (association culturelle qui a pour but
la promotion et la défense de la langue et de la culture Corse).

L'ADECEC a publié des lexiques corses qui rassemblaient à la fois le vocabulaire des domaines culturels traditionnels (tels
que le pastoralisme et la production de fromage) et le vocabulaire de la langue corse et produisait activement des
néologismes pour des sujets modernes (comme "la voiture"). De tels efforts en faveur du corse sontninestimables.
Cependant, sans la prochaine étape de l'enseignement actif du corse, ce travail peut être redondant.

Les années 1970 ont vu la première législation depuis la Révolution qui a soutenu la langue corse. En 1974, la loi
Deixonne a été étendue pour inclure le corse. Le corse, en tant que langue de l'île, est pour la première fois admis à
l'école.

La loi Haby, qui a suivi, a également été très importante pour les langues régionales. La loi Haby est une loi du 11 juillet
1975 qui avait été voulue personnellement par le président de la République Valéry Giscard d'Estaing. Elle prévoit
notamment la mise en place d'un « collège pour tous » en continuité de « l’école pour tous ». D'une part, la loi Haby
prévoit la gratuité des études au collège. D'autre part, elle homogénéise le contenu des disciplines, et par là-même les
connaissances des élèves.

LA DECENTRALISATION DES ANNÉES 80

C'est au niveau de l'enseignement supérieur que l'on constate une plus grande réussite de la Corse. L'université de l'île
est rouverte en 1981 à Corte, et porte le nom de Pasquale Paoli, héros de la Corse indépendante. Dans l'ordre
chronologique, les années 1980 voient l'adoption de la loi Savary en 1984 et de la loi Joxe en 1991. Ces deux lois ont
considérablement renforcé l'enseignement du corse, ainsi que la culture de l'île.

La loi Savary du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, dite loi Savary (du nom du ministre Alain Savary), procède
à une large réforme de l'enseignement supérieur et notamment des universités.

La loi Joxe du 13 mai 1991 (sur le statut de la collectivité territoriale de Corse) visait à adopter un plan de
développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses, prévoyant notamment les modalités d'insertion
de cet enseignement dans le temps scolaire.

L'arrivée de F. Mitterrand à l'Elysée a marqué un changement de politique vers la décentralisation qui a eu les effets les
plus profonds sur l'île, sur son identité et sur sa langue minoritaire.

La mise en place de l'Assemblée régionale est très important, car désormais, les Corses eux-mêmes sont responsables de
leur propre administration. L'Assemblée d'Ajaccio est chargée de décider de la politique d'enseignement de la langue
corse. L'Assemblée régionale a créé des organismes consultatifs, comme « le Conseil de la Culture, de l'Education et du
Cadre de Vie », qui proposent la co-officialité au lieu du bilinguisme.

A partir des années 1980, l'utilisation du corse dans des domaines tels que la chaîne de télévision FR3 et les stations de
radio, comme Radio Corsica Frequenza Mora (France Bleu RCFM), était nouvelle mais fortement symbolique.
L'utilisation du corse par les journalistes et les animateurs a renforcé la place de cette langue dans la mémoire collective
et l'identité de l'île.

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LA FIN DU 20eme SIÈCLE ET LE DÉBUT DU 21eme SIÈCLE.

Les médias sont potentiellement l'un des plus grands alliés d'une langue minoritaire. L'hebdomadaire Le Journal de la
Corse, examine fréquemment les questions d'identité culturelle corse, y compris la langue. Il existe quelques revues qui
utilisent le corse, mais aucun magazine ou revue n'est encore entièrement produit dans la langue de l'île. Un
supplément, A ferula, présente en corse l’actualité culturelle et une réflexion de fond.

Le seul quotidien de l’île, Corse Matin, utilise très faiblement le corse. Le mensuel Corsica, quant à lui, comporte dans
chaque numéro un éditorial en langue corse, ainsi que l’étude d’un mot du mois et un article de fond ou une interview
de spécialiste sur la langue.

En revanche, la radio s'en sort beaucoup mieux. Thiers cite notamment Voce Nustrale, qui émet entièrement en corse,
tandis que la station la plus populaire de l'île, Radio Corsica Frequenza Mora, a une production bilingue, avec des
émissions et des liens en français et en corse.

La poésie et les vers, dont les racines modernes remontent aux œuvres de Salvatore Viale (1787-1861) et aux poètes
tels que Falcucci, Santu Casanova, de Mari et Santu Leca, jouissent d'une certaine popularité.

LE CORSE COMME LANGUE D'ENSEIGNEMENT

Depuis l'ouverture de l'Université de Pasquale Paoli, l'étude du corse est obligatoire pour le D.E.U.G. Tous les étudiants
doivent suivre des cours de corse, soit au niveau ah initio, soit au niveau intermédiaire. Le corse dispose d'un centre de
recherche et d'un certain nombre de militants de la langue, dont la plupart sont rattachés d'une manière ou d'une autre
au Centre des Etudes Corses de l'Université de Pasquale Paoli à Corte.

L'enseignement obligatoire de la langue corse a débuté en septembre 1999. Actuellement, 90 % des élèves inscrits en 6e
reçoivent un enseignement en langue corse.

Le magazine Corsica a réalisé un sondage auprès des insulaires à la fin de l'année 1999, en leur demandant : "Vous
personnellement, êtes-vous favorable ou opposé à ce que l'enseignement de la langue corse soit obligatoire dans
l'ensemble des écoles de l'île ?". La Corse a publié ses résultats et a constaté que 62% des personnes interrogées étaient
favorables à l'enseignement de la langue corse obligatoire dans les écoles, tandis que 33% s'y opposaient. En regardant
de plus près les résultats, il apparaît que dans la tranche d'âge 18-24 ans, 84% des personnes interrogées sont favorables
à l'enseignement obligatoire de la langue, alors que pour les 65 ans et plus, seuls 40% approuvent la mesure.

Le témoignage de Ghjiseppu Turchini, président de l’Associu di l’Insignanti LCC et de Scola Corsa et militant de la
langue corse depuis plus de 30 ans:

Analyse la situation de langue corse en milieu scolaire. Actuellement, l’école est devenue l’espace principal du
maintien de la langue. Comment mesurez-vous l’enseignement de la langue corse depuis ses débuts dans les années
quatre-vingt-dix ?

On a mis près de 35 ans pour permettre à la langue corse de se faire une petite place dans l’enseignement. Les deux
réformes des collèges et lycées nous font faire un bond en arrière catastrophique.

Dans quelle mesure ?


Actuellement, 90 % des élèves inscrits en 6e reçoivent un enseignement en langue corse. Ils ne sont plus que 50 % en 5e,
40 % en 4e, 30 % en 3e et 15 % au lycée. Avec la réforme des collèges, incluant la LV2 en 5e, la moitié des élèves qui ont

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suivi un enseignement depuis le primaire, arrêtent le corse. Le deuxième choc est constitué par l’entrée au lycée. La
réforme Blanquer a eu des conséquences dramatiques avec le coefficient dédié au corse descendu à 0,3 de la note finale.
Même si, depuis, il est remonté, le mal est fait. Résultat, les effectifs se réduisent tout comme les postes et les heures.

L’enseignement scolaire ne peut, pour autant, pas suffire pour sauver la langue corse, qu’en dites-vous ?

C’est une évidence ! Il faut une pratique dans la société et une fonctionnalité de la langue. Elle doit, pour cela, être
présente dans l’administration, la vie économique, les médias...On peut considérer, à l’inverse, que sans l’enseignement
scolaire la langue est perdue. Actuellement, l’école est devenue l’espace principal du maintien de la langue.

4. LES DÉBATS LINGUISTIQUES CONTEMPORAINS


POLYNOMIE ET DISTANCIATION

À l'université de Corse-Pascal-Paoli (en corse : Università di Corsica Pasquale Paoli), un certain nombre d'universitaires,
de militants de la langue et quelques politiciens travaillent sur la langue, proposant un modèle polynomique du corse
pour étendre l'utilisation de la langue. D'autres consacrent du temps à différencier la langue du français, à inverser le
glissement linguistique vers le français pour tenter d'affiner un corse " pur ".

POLYNOMIE

Il existe une division de l'île en deux grandes régions dialectales (Nord et Sud), établie par les linguistes et par le bon
sens pour des raisons de commodité terminologique. Cependant, cette division a fini par masquer l'existence d'un
continuum dialectal régulier. Elle a également construit l'idée qu'il n'y avait pas d'intercompréhension entre les
locuteurs du Nord et du Sud. En réalité, il existe un certain nombre de variétés différentes de corse, mais il y a une
intercompréhension générale entre ces corses : un continuum dialectal existe à travers l'île.

Les insulaires de toute la Corse peuvent communiquer dans la langue minoritaire, signalant ainsi que les Corses sont
mutuellement intelligibles. En Corse, il existe une opinion selon laquelle, les corses parlés sur l'île peuvent être
considérés comme une seule langue. Par conséquent, les activistes ont traité le corse comme une langue polynomique,
reconnaissant la diversité des variétés régionales tout en admettant qu'il existe une compréhensibilité globale.

Certains linguistes corses (tels que Thiers Jacques / Ghjacumu) ne considèrent pas la STANDARDISATION de la langue
comme une option viable pour le corse, car la diversité de la langue a créé un fort attachement émotionnel aux variétés
locales de la langue. Une autre option est donc l'acceptation de la POLYNOMIE, par laquelle les Corses adoptent une
approche polynomique de la langue.

DISTANCIATION

La deuxième question importante émanant de l'université de de Corte est celle de la DISTANCIATION. La distanciation
est la tentative de différencier le corse du français, principalement par la rélexification, mais aussi par la promotion de la
syntaxe, des systèmes morphologiques et de la phonologie corses. La distanciation vise à retrouver le corse tel qu'il était
parlé avant l'acquisition de l'île par la France, en essayant de purger la langue de toute influence française. Cet effort de
récupération d'une « lingua di i pastori » est beaucoup plus une question idéologique que la polynomie.

Si l'on examine trois manuels scolaires différents, l'avenir du corse distancié semble incertain.

Dans U Corsu Bellu Bellu, un manuel destiné aux enfants entrant dans l'enseignement secondaire, le corse distancié est
systématiquement utilisé :
« Cassette » s'écrit « scagninu »
« souvent » s'écrit « à spessi »
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« bleu » s'écrit « turchinu »

De même, le manuel Parlons Corse de Fusina, destiné aux apprenants adultes, indique que :
« balcer » se dit « panatteru »
« lapin » se dit « cunigliulu »
« allumette » se dit « fulminente »

Cependant, la Grammaire Corse pour le Collège et l'Ecole de Romani mélange le français corsisé et le corse distancié,
offrant au lecteur un choix :
pour le mot « cinquième » - quintu / cinquessimu
pour « avion » Romani ne donne que le français corsisé « avio »
tout en utilisant le corse distancié « spessu » pour « souvent »

Apparemment, cette confusion devra être résolue si le corse distancié doit, à l'avenir, être largement utilisé par les
corsophones.

Cependant, les problèmes liés à la distanciation soulèvent des questions sur la motivation de la rélexification de la
langue. Premièrement, le corse doit-il chercher à supprimer toutes les influences françaises de son lexique ? Le fait que
la plupart des gens utilisent encore le français corsisé, suggère que les partisans de la distanciation nagent à contre-
courant. Le français corsisé est une réalité linguistique et on ne peut le nier.

Si l'on pousse les arguments des partisans de la distanciation jusqu'à la prochaine étape logique, devrait-on chercher à
supprimer les influences pisanes ou génoises du corse comme prochaines étapes de la distanciation ? (puisque le
contact du corse avec le français ne couvre que les 250 dernières années).

Les questions soulevées par les stratégies de distanciation reflètent le raisonnement selon lequel il n'existe pas de
langue pure, puisque toutes les langues absorbent des éléments d'autres langues.

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