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Les Cahiers du Gres

Le Mouridisme au sein de l’immigration sénégalaise : agent de


développement
Le cas de l’Andalousie
Susana Moreno Maestro

Volume 6, numéro 1, printemps 2006 Résumé de l'article


Nous proposons ici un modèle ethnographique mettant en relation la culture et
URI : https://id.erudit.org/iderudit/012685ar le développement avec les processus migratoires actuels. Nous nous éloignons
DOI : https://doi.org/10.7202/012685ar ainsi de ce qui est supposé être « l’aide officielle au développement » pour nous
pencher sur un cas d’implication directe des émigrés depuis leurs pays
Aller au sommaire du numéro d’accueil. Nous analyserons l’apport de la diaspora mouride sénégalaise de la
ville de Séville à l’élaboration d’un modèle d’organisation sociale au Sénégal
centré sur la Ville sainte de Touba. Nous examinerons, par conséquent, le rôle
que joue la confrérie mouride en tant qu’agent de développement au Sénégal.
Éditeur(s)
Nous observerons l’impossibilité de parler de société d’origine et de société de
Groupe de Recherche Ethnicité et Société destination comme de deux espaces totalement différenciés dans la réalité
CEETUM quotidienne des émigrés sénégalais. C’est pourquoi nous parlerons d’une
migration transnationale définie par le transit constant entre l’ici (Séville) et le
ISSN là-bas (le Sénégal), concernant aussi bien les personnes que les biens matériels
et symboliques.
1499-0431 (imprimé)
1499-044X (numérique)

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Citer cet article


Maestro, S. M. (2006). Le Mouridisme au sein de l’immigration sénégalaise :
agent de développement : le cas de l’Andalousie. Les Cahiers du Gres, 6(1),
93–110. https://doi.org/10.7202/012685ar

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LE MOURIDISME AU SEIN DE L’IMMIGRATION SÉNÉGALAISE :
AGENT DE DÉVELOPPEMENT.
LE CAS DE L’ANDALOUSIE

Susana Moreno Maestro


RÉSUMÉ / ABSTRACT

Nous proposons ici un modèle ethnographique mettant en relation la culture et


le développement avec les processus migratoires actuels. Nous nous éloignons
ainsi de ce qui est supposé être « l’aide officielle au développement » pour nous
pencher sur un cas d’implication directe des émigrés depuis leurs pays d’accueil.
Nous analyserons l’apport de la diaspora mouride sénégalaise de la ville de Séville
à l’élaboration d’un modèle d’organisation sociale au Sénégal centré sur la Ville
sainte de Touba. Nous examinerons, par conséquent, le rôle que joue la confrérie
mouride en tant qu’agent de développement au Sénégal. Nous observerons
l’impossibilité de parler de société d’origine et de société de destination comme de
deux espaces totalement différenciés dans la réalité quotidienne des émigrés
sénégalais. C’est pourquoi nous parlerons d’une migration transnationale définie
par le transit constant entre l’ici (Séville) et le là-bas (le Sénégal), concernant aussi
bien les personnes que les biens matériels et symboliques.

I present an ethnographic model that relates culture and development to the


migration process that has brought Senegalese to Andalusia. I criticize the official
“aid for development” position, and examine the role of migrants residing in the
receiving country. I show how the Senegalese Mourides in city of Seville are involved
in the development of a social organizational model focused on the holy city of
Touba in Senegal. Then, I look at the role that the Mouride brotherhood plays in
the development of Senegal. I suggest that it is the impossible to speak of the
notions of society of origin and society of destination as two differentiated spaces
in the daily reality of the Senegalese immigrants. This is rather a transnational
migration defined by the constant transit of people as well as material and symbolic
goods between the here (Seville) and the there (Senegal).

Mots-clés : Transnationalisme, développement, mouridisme, Sénégalais,


immigration, Andalousie.
Keywords : transnationalism, development, Senegalese, mouridism, immigration,
Andalucia.

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PAR CET ARTICLE NOUS SOUHAITONS CON- pour laquelle ils doivent contribuer à la
TRIBUER à l’ensemble des recherches qui construction. Nous observerons
soulignent le rôle des immigrés en tant l’impossibilité de parler de société
qu’agents actifs du développement de d’origine et de société de destination
leurs lieux d’origine. Suite à l’analyse comme de deux espaces totalement
d’un cas concret de la confrérie musul- distincts dans la réalité quotidienne des
mane mouride, nous désirons montrer migrants sénégalais. Nous parlerons
pourquoi les politiques de coopération donc, pour cette raison, d’une migration
au développement en ce début de XXIe transnationale définie par le transit
siècle ne peuvent être prioritairement constant entre ces deux mondes, entre
orientées vers la diminution des flux l’ici (l’Andalousie) et le là-bas (le
migratoires. Sénégal), concernant tant les personnes
que les biens matériels et symboliques.
Nous réalisons actuellement un
travail de terrain, dans le cadre d’une Dans le cadre de l’analyse de la
thèse de doctorat, portant sur les relation entre culture et développement,
politiques migratoires du gouvernement nous désirons présenter un modèle
régional d’Andalousie -Junta de ethnographique qui met en relation ces
Andalucía- (discours et pratiques) et, plus deux concepts avec les processus
précisément, sur la manière dont celles- migratoires actuels, plus spécifiquement
ci influencent la communauté immigrée avec la communauté sénégalaise de la
sénégalaise1. L’objectif de cet article est ville de Séville, et principalement avec
de présenter les résultats de notre travail la confrérie mouride.
de terrain, au cours duquel nous avons
constaté parmi la population immigrée Les immigrés comme agents de
sénégalaise d’Andalousie une constante développement au Sénégal
référence au lieu d’origine. Nous
analyserons ici le rôle que joue la Nous pouvons distinguer deux
confrérie mouride en tant qu’agent de modèles de développement. Le premier,
développement au Sénégal. Loin de ce que nous nommons formes autochtones
qu’est supposée être « l’aide officielle au de développement, est pratiqué par les
développement », nous nous pencherons immigrés eux-mêmes, selon leur propre
donc sur un cas d’implication directe des logique culturelle comme, par exemple,
immigrés sénégalais depuis leur pays la collecte d’argent destiné à des oeuvres
d’accueil, soit l’Andalousie. Nous nous sociales réalisées au Sénégal par les
concentrerons sur l’apport de la confréries musulmanes. Ce premier
diaspora à l’élaboration d’un modèle modèle de développement est d’ailleurs
d’organisation sociale façonnant un l’objet de notre article. On se questionne
idéal de société. La Ville sainte de notamment sur les façons dont sont
Touba, au Sénégal, telle que désirée par utilisés les envois faits aux membres de
Cheikh Ahmadou Bamba, représente en la famille? Quelles sont les répercussions
effet pour les mourides la ville idéale sur la société d’origine des séjours

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périodiques de la diaspora sénégalaise? de n’importe quelle partie du monde,
D’autre part, le second modèle, que nous incluant l’Andalousie et, en particulier,
désignons de façon générale par projets Séville :
de développement, englobe différents « La seconde mosquée la plus grande
types d’initiatives telles que des « Projets du monde s’est édifiée sans l’argent
de retour volontaire » du programme de l’Arabie Saoudite ni d’un autre
européen Equal-Arena, des projets de Islam. Nous-mêmes, Sénégalais,
coopération instigués par des l’avons fait. » (Abdoulaye).
associations ou des organismes avec les
institutions publiques de l’État Le Mouridisme
espagnol, en passant par des
associations de coopération créées par Au Sénégal, la pratique islamique
les immigrés pour des projets dans leurs prend la forme de confréries religieuses.
pays respectifs. Les trois principales sont : la confrérie
de Xaadir (Qadriyya) fondée en
En distinguant stratégies autochto- Mauritanie, qui est la plus petite et la
nes et stratégies hégémoniques de déve- plus ancienne du Sénégal; la confrérie
loppement, nous désirons aborder la tidjane (Tijaniyya), fondée en Algérie;
confrontation de différents codes cultu- et la confrérie mouride, fondée au
rels mais aussi l’existence d’une possi- Sénégal par Ahmadou Bamba.
ble relation et interpénétration de ces
codes dans un contexte pluriethnique et Les membres de ces confréries font
multiculturel. vœu d’obéissance à leurs marabouts
(fondateurs et chefs spirituels actuels),
Tout au long de cet article, nous considérés comme administrateurs et
tenterons de souligner de quelle façon héritiers de la baraka ou tolérance
la confrérie mouride concilie la logique divine, bénédiction. Grâce à la baraka,
de la dispersion avec celle de la les marabouts possèdent l’énergie pour
concentration. Logique de la dispersion soigner les maladies et accorder le salut
qui se traduit par l’émigration des spirituel à leurs adeptes. On attend
disciples vers les villes à partir des d’eux qu’ils enseignent et conseillent.
années quarante, puis vers l’étranger
depuis environ vingt ans, et qui a L’Islam, dans la lecture de la
contribué à la formation d’une véritable confrérie, constitue la culture
diaspora liée à la ville. Cette logique d’appartenance de la majeure partie de
est reliée à la logique de la concentration la population sénégalaise. Actuellement,
qui se traduit par l’urbanisation d’une la confrérie mouride est la plus active
ville, Touba, dont le développement est au Sénégal et celle dont la croissance
financé par l’émigration. Il s’agit d’un est la plus importante. Née dans le
projet commun qui construit et réaffirme dernier quart du XIXe siècle, elle est,
l’identification à la confrérie et à un tout comme les autres confréries
Islam éminemment sénégalais à partir musulmanes du Sénégal, d’inspiration

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soufie, et représente une réponse à la Aujourd’hui, les mourides
déstructuration de la société wolof2. considèrent Ahmadou Bamba quasi à
l’égal de Mahomet et voient en Touba
En effet, comme l’affirme Cheikh une Ville sainte, au même rang que la
Guèye (2002), elle constitue une réponse Mecque, voire plus importante. Les
à la fois religieuse et politique qui se descendants de Cheikh Ahmadou Bamba
préoccupe de la restauration des équili- sont aujourd’hui les marabouts, les
bres affectifs et symboliques. L’Islam grandes autorités religieuses du
apparaît dans le contexte sénégalais Sénégal. Le père actuel des mourides est
comme une idéologie de la liberté pour d’ailleurs l’un de leurs descendants4.
l’ensemble des paysans. De fait, les com- « Pour nous, notre prophète est
munautés religieuses en choisissant la Mahomet, donc, le dernier prophète
doctrine de l’égalité furent durant la venu sur terre est le prophète des
seconde moitié du XIXe siècle des lieux musulmans. Il est celui qui a fondé
de contestation face, d’une part, aux le mouridisme pour Mahomet, il est
très ami du prophète, pour lui, l’aimer
particularismes de lignages de la hié-
revient à aimer le prophète, et
rarchie wolof et, d’autre part, à l’im- travailler pour lui c’est travailler
périalisme français. pour le prophète. Les Français ne
voulaient pas de l’Islam au Sénégal,
La première catégorie d’acteurs et comme il luttait pour l’Islam, alors
locaux à tirer parti de la commotion ils l’avaient exilé… » (Abdoulaye).
coloniale fut celle des marabouts. Sous
Le lien d’engagement maraboutique
leur influence, l’essentiel de la société
entre deux individus, entre le talibé (ou
rurale sénégalaise s’attacha à une vision
taalibe en wolof) (disciple) et le
du monde caractérisée par le culte du
marabout, est personnel : l’un est de
travail, la nécessité d’obéir au marabout
soumission et l’autre d’assistance
et le sens de l’humilité. Ces vertus,
spirituelle et matérielle. L’acte de
exaltées par l’éthique maraboutique,
soumission (jebëlu) est l’originalité du
assurèrent aux marabouts le contrôle de
mouridisme. Cet acte volontaire
la reproduction de la main-d’œuvre
d’engagement au service de l’homme-
agricole (Sarr et Diop 2004). Ils
institution, d’une cause et d’un projet
devinrent ainsi, au sein de la structure
d’unité constitue la condition pour être
coloniale3, les médiateurs entre l’État et
mouride. Il s’agit donc d’une véritable
l’organisation sociale de l’économie.
adhésion à un projet de développement
« Travaille pour ce Monde comme si tu
du groupe, de sorte que l’émigration
devais vivre éternellement, et travaille
constitue aujourd’hui une stratégie
pour l’Autre comme si tu devais mourir
déterminante.
demain » : en lançant ce mot d’ordre,
Ahmadou Bamba remit au travail une L’objectif de la fondation de la ville
population désœuvrée et une société de Touba était, pour Ahmadou Bamba,
déstructurée par la colonisation (Bava de trouver « la prospérité » dans
2002). « l’excellence d’un lieu de retour ». Les

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travaux de construction de cette ville issu un important flux migratoire, elle
devraient donc être menés, de façon est ainsi le lieu d’origine d’une grande
collective, par les talibés (disciples). De partie des Sénégalais qui résident
cette façon, Touba, en tant que projet, aujourd’hui à Séville (Moreno 2003).
a constitué un élément de mobilisation « La majorité de ceux qui sont ici
pour les cheikhs successifs, assurant la viennent d’un même endroit du
continuité de la doctrine et de Sénégal, de la même ville, de Louga,
l’engagement après la mort du de même que la majorité sont
fondateur. Ainsi, la confrérie est parents. Tous ceux qui sont ici sont
de la même famille, tous ceux qui
aujourd’hui un des principaux
sont ici - s’ils ne sont pas mes cousins
promoteurs de la dynamique urbaine au ce sont mes oncles; tu es entre
Sénégal et également l’épicentre de cousins, oncles, neveux…tous. »
l’action de la communauté sénégalaise (Cheikh).
émigrante; elle contribue à la
Les habitants de Touba sont d’une
réaffirmation identitaire de ceux qui se
mobilité exceptionnelle, ce qui explique
trouvent à l’extérieur, et ce de manière
que beaucoup de maisons soient vides.
décisive.
94,3% de la population a effectué au
« Je suis musulman. Je suis mouride. moins une migration dans sa vie (Guèye
Il y a aussi un tidjane, une autre qui 2002).
est layenne… nous sommes tous des
musulmans. » (Lamine).
Matlaboul Fawzaïni : la Dahira de
« Dans la mosquée de Touba il y a l’émigration
une lampe que nous avons offerte,
nous, les Sénégalais de Séville. » Les mourides, qui ont cultivé
(Mariéme). l’arachide au Sénégal durant les XIXe
Cinq califes se sont succédés après et XXe siècles, constituent une bonne
la mort de Cheikh Ahmadou Bamba, et part des émigrants internationaux. Nous
chacun d’entre eux a marqué Touba et allons brièvement expliquer leur
son processus d’urbanisation. L’État, parcours.
conçu comme coercitif et manquant de
légitimité dans les diverses sociétés À partir de 1970, les aléas de la vie
africaines, ne peut exister qu’à travers et le démantèlement des structures
l’interaction avec la société. Au Sénégal, agricoles prévus par les Plans
les mourides sont des éléments d’une d’ajustement structurel (PAS) font de
société civile dont l’autonomie se nombreuses victimes dans les
mesure par la dynamique urbaine de campagnes. Par la suite, la dévaluation
Touba, qui est aujourd’hui, d’un point du franc CFA en 1994 ne cessera
de vue démographique, la seconde ville d’accroître la pauvreté, notamment dans
sénégalaise après l’agglomération les zones rurales les plus défavorisées.
Dakar-Pikine-Guédiawaye. La région de Face à ce processus, l’exode des jeunes
Louga fait partie des territoires d’où est devient une stratégie familiale. En

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parallèle, on assiste à une restructuration pèlerinage annuel, etc. Ainsi, à
du marché du travail sous la forme l’association des Sénégalais à Séville,
d’une économie populaire de plus en « Immigrés pour l’Égalité », parvient
plus dynamique : de nouvelles activités, par courrier postal de la publicité de la
souvent liées au commerce, sont « Société d’aménagement et de gestion
organisées. Ce phénomène s’observe tout d’équipements fonciers », qui propose
d’abord à Dakar, autour du marché des maisons au Sénégal. La lettre est
Sandaga, puis dans d’autres villes adressée aux Sénégalais de Séville.
africaines et finit par atteindre les villes
occidentales. Ce projet de développement de la
société d’origine se convertit donc en
Aujourd’hui, les émigrés mourides engagement entre la communauté
sont présents dans le monde entier. Cer- émigrée et la société d’origine.
tains d’entre eux appartiennent à des D’ailleurs, il est intéressant de noter que
organisations commerciales transnatio- ce projet ne touche pas uniquement la
nales (Suárez 1996; Sarr et Diop 2004; communauté mouride. En existant, il
Bava 2002, 2003). Ces réseaux commer- étend en effet au reste des Sénégalais
ciaux intègrent bien entendu les échop- émigrés la nostalgie ainsi que le désir
pes du marché central de Dakar, mais de continuer à être présents au sein de
interviennent également au sein de cir- la société d’origine et de contribuer à
cuits d’achat et de vente d’une grande son développement. Dans le cas de
complexité. Ces circuits permettent aux Séville, les non-mourides s’unissent donc
vendeurs mourides des rues de Paris de au projet mouride, qui couvre ainsi une
vendre des produits asiatiques achetés grande partie des plus de 200 Sénégalais
dans le quartier chinois de New York, à de la ville.
ceux de Bruxelles de fournir aux musul- « La majorité de ceux qui sont ici à
mans de la ville des articles de maro- Séville sont mourides. Je ne suis pas
quinerie en provenance du Maroc ou à mouride, je suis tidjane, c’est autre
ceux de Séville de proposer aux jeunes chose, mais c’est presque pareil. »
des vêtements directement importés des (Cheikh).
États-Unis ou de l’artisanat kenyan. La dahira est un regroupement qui
fonctionne à l’intérieur et à l’extérieur
Cette dissémination a donné du Sénégal. Il s’agit d’un cadre de
naissance à une véritable diaspora. Les solidarité et de cohésion du groupe qui
membres de la confrérie mouride se permet de se rencontrer régulièrement
trouvent dispersés dans le monde entier pour prier, chanter ou réciter des poèmes
et servent le projet commun de la du fondateur, parler, discuter, poser des
confrérie en maintenant avec leur ville problèmes ou chercher des conseils.
des relations à distance par
l’intermédiaire des marabouts, des Au sein de l’émigration, nous
investissements immobiliers résidentiels, pouvons parler d’une grande dahira
des familles installées à Touba, du formée par l’ensemble des dahiras

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réparties dans différents pays d’Afrique, de Matlaboul Fawzaïni du pays en
d’Europe Occidentale et aux États-Unis. question. C’est seulement à la fin de
Touba et ses besoins sont l’instrument l’année que les virements se font sur le
de mobilisation de cette grande dahira compte de Touba, lieu de la cellule
qui recueille la manne provenant de tous mère.
ces pays pour l’envoyer à la Ville sainte
du Sénégal. Les membres sont disséminés au
Sénégal, en Italie, en France, en
Matlaboul Fawzaïni, qui en arabe Espagne, au Portugal, aux États-Unis,
signifie « la recherche des deux en Allemagne, en Guinée Bissau, au
bonheurs », est le nom que reçoit cette Gabon, en Afrique du Sud, etc. Les
dahira de l’émigration. Elle a été créée conditions d’adhésion et les cotisations
en 1990 autour du projet de sont établies et modulées selon le
construction d’un grand hôpital à Touba continent. Les Sénégalais résidant dans
sur l’initiative de Dame Ndiaye, leur pays achètent leur carte 1 000 francs
Sénégalais installé en Espagne après le CFA et cotisent annuellement la somme
processus de régularisation de 19855. de 2 500 francs CFA. L’adhésion pour
les Sénégalais émigrés en Europe, en
Comme le note Guèye, au sein de Amérique et en Asie est dix fois plus
l’émigration, les dahiras fonctionnent élevée et ils cotisent annuellement 40
plus ou moins sur le même mode depuis 000 francs CFA. Les droits d’adhésion
la création en 1994, au cours d’une pour les Sénégalais émigrés dans
grande réunion à Touba, d’une structure d’autres pays d’Afrique s’élèvent à 2 500
comprenant des représentants locaux et francs CFA et leurs cotisations sont
des mandataires de France, d’Italie, quatre fois en deçà de celles des autres
d’Espagne et des États-Unis. On recrute continents. En outre, les cotisations des
des membres pour la vente de cartes dans femmes représentent la moitié de celles
les bureaux implantés dans chacun de des hommes. Des cartes de soutien sont
ces pays. Chaque bureau doit ouvrir un également disponibles et permettent à
compte bancaire où seront versées toutes quelqu’un qui le désire de cotiser
les cotisations. L’argent est viré sur un davantage (Guèye 2002).
compte unique ouvert à Touba pour
l’ensemble des dahiras. La dahira dans Les structures de fonctionnement sont
les pays qui accueillent des Sénégalais constituées par une assemblée générale
se compose donc de sous-sections qui se réunit tous les ans (le premier
administratives, qui se regroupent en dimanche du mois de mars), un comité
sections, qui elles-mêmes forment des exécutif, un comité directeur et des
cellules régionales. Chaque fin de cellules décentralisées des régions du
trimestre, les sections des capitales Sénégal et de l’étranger. L’assemblée
régionales se réunissent en assemblées générale est chargée de faire le bilan
dans le local de la cellule et font le bilan. financier et de fixer les nouveaux
L’argent collecté est versé sur le compte objectifs concernant l’avancée du

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chantier de l’hôpital. parties du projet pouvant être utiles à
la population, sans que l’ensemble ne
La confrérie est essentiellement soit achevé.
alimentée par l’argent de l’émigration.
Or, les émigrés ne peuvent contribuer à L’œuvre de Ahmadou Bamba qui a
la réalisation de l’œuvre de Serigne donné son nom à Matlaboul Fawzaïni
Touba que grâce à l’argent qu’ils tirent est considérée par la confrérie comme
de leur travail. Aujourd’hui, le travail une sélection de projets urbains que la
est donc érigé en valeur centrale du dahira se charge de réaliser. Les
mouridisme. Souvent assimilé à l’argent, interventions de cette dahira doivent se
il devient ainsi la clef de voûte de la consacrer à l’éducation, la santé, l’eau,
mystique mouride, surtout chez les l’environnement, la sécurité des biens et
émigrés qui revendiquent un esprit des personnes, etc. Chaque programme
capitaliste (Bava 2002). est soumis à l’approbation du calife. La
dahira Matlaboul Fawzaïni, créée
Matlaboul Fawzaïni considère son initialement pour la construction d’un
action comme une sorte de gratitude au hôpital à Touba, va progressivement
calife pour sa volonté de partager sa plus loin, se chargeant aussi de sa gestion
ville avec eux. Il permet aux émigrés et de son fonctionnement. L’hôpital aura
d’agir à distance toute l’année en parti- un statut privé non lucratif. Son
cipant à la construction de Touba. Les fonctionnement reposera sur un système
investissements doivent être faits en fonc- de coopération avec l’État et ses
tion des besoins des habitants de Touba, organismes, afin de l’intégrer dans le
d’où le projet de l’hôpital. Ce projet dispositif sanitaire officiel. On demande
donne à celui qui émigre la possibilité ainsi à l’État de prendre à sa charge une
de prendre à sa charge la question de la partie du personnel, de l’équipement et
santé. Le paludisme et le choléra font du fonctionnement. Ce qui distingue
en effet souvent des ravages dans cette Matlaboul Fawzaïni est la
ville. Le manque de structure sanitaire reconnaissance de son statut d’ONG par
persiste, malgré des améliorations ob- l’État sénégalais. Elle entre ainsi dans
tenues grâce à la construction par la la logique de l’encadrement de l’État,
communauté d’une dizaine de dispen- contrairement aux dahiras en général.
saires. Ces dispensaires, répartis dans les Cette exception à la volonté
quartiers, ainsi que le centre médical d’autonomie des dahiras est liée au
financé par l’Union européenne, consti- besoin de coopération avec l’État.
tuent l’ensemble du dispositif sanitaire. Cependant, ce sera un conseil
d’administration composé des membres
Il y a une règle générale : les projets de Matlaboul Fawzaïni qui sera chargé
sont toujours amorcés avec l’argent de la gestion, alors que le comité de
disponible (on n’attend pas que la suivi nommé par l’État n’aura qu’une
totalité du financement soit réunie) et, voix consultative : la dahira se soustrait
surtout, on débute la réalisation de donc à la gestion nationale habituelle

100 Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006


d’une structure sanitaire de cette nécessite de réunir de l’argent, on don-
importance. En outre, la dahira n’exclut nera un plus.
pas non plus les possibilités de
coopération avec des organismes privés. Le mot dahira signifie réunion
hebdomadaire, d’où la fréquence des
D’autre part, on remarque que cette rencontres à Séville dans l’appartement
dahira ouvre progressivement son loué faisant office de local religieux. Les
champ d’action. Ainsi, ses prochains dimanches, ou les mardis - durant les
objectifs sont l’assainissement de la ville périodes où la vente est importante les
et un projet de distribution d’eau. fins de semaine6- une grande partie des
Sénégalais de Séville se réunissent ici,
approximativement de 20h30 à 23h00,
En Espagne, différentes dahiras font
pour prier, parler de leurs affaires, de
partie du réseau de Matlaboul Fawzaïni.
leurs problèmes, pour tenter de trouver
À Séville, la dahira se trouve dans le
tous ensemble des solutions. Ils se
quartier populaire de San Jerónimo et
conseillent mutuellement, s’apportent de
son objectif est celui de toute dahira dans
l’argent, et confrontent le pour et le
l’émigration : aide mutuelle, rapatrie-
contre de chacune de leurs questions...
ment des corps, soins dans la maladie
ou les accidents, accueil et financement
De cette façon, les réseaux de sou-
du séjour des marabouts pendant leurs
tien se fondent sur la réaffirmation des
visites, collecte de fonds pour le calife
valeurs religieuses et culturelles sénéga-
général de la confrérie, etc.
laises. On y affirme des choses telles que
« La dahira est une association de « la première intégration à Séville s’est
musulmans, pas de problèmes de
faite au sein de l’association religieuse »
politique ni rien de tel. Pour réunir
les gens, s’il y a des problèmes, s’il (Ousmane). La réaffirmation de l’iden-
faut obtenir quelque chose, c’est là tité religieuse devient une stratégie d’in-
que tout le monde vient. La dahira sertion de la communauté sénégalaise
est pour tous. Celui qui a des problè- dans la société sévillane. Les réseaux
mes ici ou au Sénégal le dit ici : “j’ai informels tout comme les associations
ce problème, mon père est mort”, les
religieuses formellement constituées
gens viennent pour voir ce qui se
passe, tout. Il y a des hommes et des fonctionnent sur la base de règles qui
femmes. Avec tous, avec tous. » obligent leurs membres à s’entraider et
(Lamine) à s’impliquer matériellement dans des
projets communs. Ils se dotent ainsi de
Tout cela est assuré par une cotisa- la compétence collective nécessaire à
tion payée hebdomadairement à la l’intervention dans toutes les sphères de
dahira, les mardis ou les dimanches, la vie sévillane. Les liens familiaux,
selon le jour fixé de la réunion. Même mais aussi d’autres formes de réseaux
« si ce n’est pas obligatoire, chacun communautaires, telles que Inmigrantes
donne s’il peut. » (Cheikh). Outre cette por la Igualdad, l’association sénéga-
cotisation, si un événement imprévu laise officielle, ou la dahira Agasis7 sont

Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006 101


des associations bénévoles formées projet de l’hôpital en particulier. Cette
autour de valeurs et de règles religieu- réunion est convoquée une fois par an,
ses et culturelles qui renforcent et sou- afin de réunir la cotisation de chacun
dent la communauté sénégalaise de la pour le projet de Touba. À présent, on
ville8. Celle-ci se pose alors comme un collecte principalement pour gérer
sujet social à part entière aspirant à une l’hôpital que la confrérie a installé dans
pleine participation à la vie publique de la ville. « Celui qui veut et celui qui
la capitale andalouse (Moreno 2005). peut », affirme-t-on, donne une somme
« Nous y célébrons les prières, et les d’argent annuellement. Même si c’est un
événements typiques du Sénégal, par projet géré par la confrérie mouride, tous
exemple, s’il y a des décès, si les Sénégalais qui le désirent peuvent y
quelqu’un est malade, nous nous y participer. C’est le cas de Cheikh,
réunissons; si quelqu’un a besoin Sénégalais résidant à Séville qui est
d’aide, nous l’aidons tous. »
tidjane et qui contribue à faire avancer
(Cheikh).
le projet de l’hôpital de Touba :
Ainsi, la confrérie est le vecteur
« L’hôpital est pour tous. L’hôpital
central de canalisation d’une des ne va pas dire : “tu n’es pas mouride,
principales valeurs du collectif tu n’es pas Togo, tu es musulman, tu
sénégalais : la solidarité de groupe. Les es chrétien…”. Tout le monde peut
confréries musulmanes ont la double entrer, mais ce sont eux qui le font. »
fonction de thérapie et de création de Cet argent est envoyé à Madrid, où
liens sociaux (Lacomba 2001). Selon sont réunies les sommes collectées dans
nous, les relations de réciprocité au sein toute l’Espagne avant d’être acheminées
de la collectivité sont reproduites et à Touba, lieu de confluence de toutes
renforcées par le fait de participer à un les cotisations diasporiques.
projet commun bénéfique à l’ensemble
de la communauté. De même, sentir que Les confréries et l’État. “Donnant
l’on fait tous partie d’un même projet donnant” dans le contexte de la
génère une implication plus importante mondialisation
au sein de la confrérie.
Nous croyons nécessaire de replacer
La cotisation hebdomadaire pour la cette réalité dans le cadre de la
dahira de Séville n’est pas la seule à être mondialisation En effet, le contexte
versée. Comme nous l’avons vu, il faut politique et économique mondial
également contribuer au Matlaboul détermine sans nul doute les conditions
Fawzaïni. En octobre 2002, une réunion de sortie du Sénégal (passé colonial,
de Sénégalais de toute l’Andalousie a division internationale du travail,
eu lieu au Centre civique de San programmes d’ajustement structurel,
Jerónimo. La consule du Sénégal à etc.) ainsi que les conditions d’entrée et
Madrid y a fait un discours et un expert d’intégration dans les pays d’accueil (la
en questions religieuses est venu pour citoyenneté étant un critère d’exclusion
parler de l’Islam, de la confrérie et du et de segmentation du marché du

102 Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006


travail). C’est dans ce cadre qu’il faut Leur capacité de mobilisation est bien
situer la confrérie mouride et le supérieure à celle des partis politiques
« choix » de l’émigration comme ou des syndicats. La confrérie, à travers
stratégie de continuité du groupe et du l’urbanisation de Touba, semble
développement social de ses membres. apporter une utopie crédible et
mobilisatrice pour une bonne fraction
De nombreuses variables contextuel- de la population sénégalaise que l’État
les ont déterminé la réalité du Sénégal : ne peut intégrer dans sa logique.
son système politique, ses activités éco-
nomiques, ses manières de participer à Comme l’affirme Guèye (2002),
la vie politique et sociale, le rôle des Touba possède le « titre territorial »,
réseaux formels et informels… mais non celui d’ « extraterritorialité ».
Le premier terme suppose détenir la
Dans ce cadre, il semble admis que propriété, le second posséder le contrôle
les confréries religieuses musulmanes et la souveraineté. La propriété est le
ont constitué une véritable société civile droit d’usage, de jouissance et de
dont les interactions avec l’État ont disposition d’une chose de façon
assuré à ce dernier, pendant longtemps, exclusive sous le contrôle de la loi.
sa stabilité et son pouvoir de Cependant, le statut d’extraterritorialité,
reproduction9. Iniesta (1998) soulignait même s’il n’a jamais été l’objet d’une
à cet effet : « toutes les données invitent, déclaration officielle et publique, semble
donc, à se reposer le problème du être reconnu par l’État. En effet, bien
phénomène religieux en Afrique, trop que le droit de souveraineté soit
profond pour être purement désavoué théoriquement exercé par un État, il
comme opium des masses ou même semble qu’à Touba ce soit le calife
refuge d’individus abandonnés, même général qui le détienne. C’est lui qui
s’il y a une part de ces deux éléments. contrôle, par exemple, l’interdiction du
Dans les religions traditionnelles, plus tabac, de l’alcool et d’autres produits.
connues ou animistes, mais aussi dans
les chrétiennes et les musulmanes, la Malgré l’affirmation des
veine animiste ancestrale bat toujours représentants du collectif sénégalais de
avec force, n’ayant jamais coupé avec Séville « nous demandons aux
la terre. » (p. 249). marabouts qu’ils ne se mêlent pas de
politique », une concession majeure a
Les confréries islamiques, en été faite par l’État avec la création de
particulier les mourides, se distinguent la Communauté de Touba (1976) : la
par leur ancrage social et, comme nous nouvelle institution est mise sous
le voyons dans le cas de l’émigration l’autorité du calife général et les élections
des Sénégalais et Sénégalaises vivant à du président du Conseil et de ses
Séville, par une plus grande force conseillers par suffrage universel ne sont
mobilisatrice que celle de l’appartenance rien d’autre qu’un fard qui dissimule
à l’ethnie ou même à l’État sénégalais. mal l’absence relative de l’État.

Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006 103


Les voyages des successeurs de de Touba est une tradition datant de
Cheikh Ahmadou Bamba dans les pays l’époque coloniale française (Piga 2002).
où sont implantées les communautés D’un autre côté, il faut considérer les
mourides sont fréquents. L’accueil qu’ils effets de facteurs plus idéologiques,
reçoivent et le dispositif déployé pour mondialisés, qui influent la réalité de
leur sécurité donnent un caractère officiel Touba. Même si nous ne nous
à leurs visites et renforcent chez les attarderons pas sur ce point, nous
mourides le sentiment d’appartenance à souhaitons faire remarquer l’influence,
la confrérie, considérée comme dans le contexte de Touba, de l’idéologie
extérieure à l’État. D’ailleurs, individualiste qui marque l’évolution de
actuellement, les Sénégalais d’Espagne la ville.
collectent également de l’argent pour
construire une résidence à Madrid où Dans un autre ordre d’idée, il
logera le marabout pendant ses visites. convient de noter que la dévaluation du
« Maintenant, nous, les Sénégalais franc CFA a augmenté l’importance du
d’Espagne, collectons de l’argent rôle des émigrants dans les sociétés
pour faire une maison au Marabout d’origine. Ayant une capacité de
à Madrid pour quand il viendra » mobilisation financière plus importante,
(Cheikh). les migrants internationaux ont ainsi pu
D’un côté, Touba constitue un accéder à des espaces inaccessibles pour
instrument de régulation sociale et d’autres. Ils possèdent davantage de
économique qui sert les intérêts de l’État. ressources financières et proposent donc
L’exode rural qui alimente la pauvreté les prix les plus intéressants. La
dans les grands centres urbains, surtout généralisation de la spéculation
dans l’agglomération de Dakar, territoriale et immobilière a pour effet
commence en effet à connaître une de renforcer la distribution clientéliste
inflexion qui s’expliquerait par un des habitants de Touba dans l’espace.
certain repli des migrations vers Touba. La concentration autour des marabouts
De plus, l’État achète l’appui politique et des lignages auxquels s’identifie
de la confrérie avec des investissements chaque personne était le principe
à Touba. Au cours du dernier grand directeur dans le choix d’un quartier
magal, le calife s’est adressé à ses fidèles jusqu’aux années 70. Actuellement, c’est
en faisant un discours considéré comme plutôt la spéculation qui marque le
une manifestation publique du dessin urbain. Les stratégies migratoires
programme sociopolitique de la sont très souvent des stratégies
confrérie10. Le cheikh profite en effet de résidentielles, l’accès au sol étant le
cette occasion pour orienter ses disciples premier moyen d’insertion : résidences
relativement aux élections et pour secondaires, logement familial,
appuyer ou critiquer publiquement la investissements immobiliers. Construire
politique du gouvernement. La une maison à Touba est un moyen de
participation des dirigeants politiques et s’affirmer au sein de la confrérie.
des hautes autorités de l’État aux fêtes L’ostentation prédomine sur la nécessité.

104 Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006


De cette manière, comme le de la baraka et tentent de la conserver12.
reconnaît Guèye (2002), la Ces formes de religiosité peuvent
hiérarchisation socioreligieuse s’étendre à tous les Sénégalais
s’accompagne d’une hiérarchisation musulmans. Lorsqu’un marabout se
économique qui place une bourgeoisie rend dans une ville d’immigration
de marabouts, de commerçants et de sénégalaise, certains de ceux qui y
migrants internationaux qui ne cessent habitent, même s’ils ne sont pas
de croître et d’afficher ses richesses, face membres de la même confrérie, vont le
à un autre groupe d’habitants de Touba voir car ils croient à la baraka. De
frappés par la pauvreté. Tout cela se même, une personne ayant fait le voyage
traduit dans l’espace urbain par à Touba rapporte la baraka avec lui et
l’existence d’habitats et de façons de en fait profiter ceux qui sont restés dans
vivre très diverses11. le pays d’accueil. Ainsi, la baraka
voyage par l’intermédiaire des hommes
L’organisation Mouride constitue- et se répand pour assurer la présence de
t-elle une voie valable de dévelop- la confrérie au-delà des frontières du
pement? territoire de Touba. Tout ce que Bava
(2002) affirme pour la ville de Marseille,
Les migrations vers le reste de l’Afri- nous l’observons également à Séville, où
que, l’Europe et l’Amérique du Nord le président – tidjane- de l’association
ainsi que les modes d’insertion qu’elles sénégalaise Inmigrantes por la Igualdad
développent, donnent une dimension (Immigrants pour l’égalité), reçoit chez
universelle à la confrérie dont les struc- lui le marabout mouride lorsqu’il
tures d’organisation ne peuvent plus se séjourne dans la capitale de l’Andalousie
passer des migrants internationaux. Les et l’accompagne dans ses déplacements
dahiras se convertissent en « mouve- auprès des Sénégalais de la cité afin de
ments mondiaux » et se chargent de leur faire profiter de la baraka.
questions qui dépassent le cadre de la
confrérie. Les marabouts ont des passe- Différents marabouts passent régu-
ports diplomatiques accordés par l’État lièrement par Séville, dont des petits-fils
et sillonnent le monde toute l’année. Ils de Ahmadou Bamba. Pendant le mois
constituent en quelque sorte des ambas- de septembre 2004, l’un d’eux a été hé-
sadeurs itinérants de la confrérie et sont bergé dans la maison du président de
même accueillis comme des représen- l’association des Sénégalais de la ville,
tants officiels dans certains pays. Touba qui est tel que mentionné, tidjane. Ce
et sa mosquée deviennent, à l’image de sont des occasions pour les membres de
Cheikh Ahmadou Bamba, un emblème la communauté de Séville de donner de
porté à travers le monde. l’argent au marabout afin de restaurer
la mosquée au Sénégal ou pour y réali-
Dans les cercles de la lointaine ser une oeuvre sociale, comme la cons-
émigration, les visites des cheikhs sont truction ou le financement de collèges.
les moments où les talibés s’imprègnent

Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006 105


Les Sénégalais de Séville, de tous appartiennent ainsi que, plus largement,
âges, possèdent chez eux des photos du entre l’ensemble des émigrants
fondateur du mouridisme. Le portrait du sénégalais et les projets développés dans
cheikh ou de quelques-uns de ses leur pays par la confrérie mouride. La
descendants apparaît également parmi réaffirmation des solidarités et des
leurs objets personnels (colliers, album appartenances de base (familiales,
photos…). Les photographies de la religieuses ou ethniques) apparaît
mosquée et des marabouts figurent en comme une réponse à la crise
bonne place dans les voitures, les foyers multiforme de l’État sénégalais. À ce
ou sur les vêtements. Ces manifestations propos, la croissance de l’urbanisation
collectives permettent de renforcer le de Touba, qui fait de la ville un refuge
sentiment de solidarité, de soumission politique et économique, reflète le
et de réciprocité qui lient les marabouts dynamisme du contre-pouvoir religieux
aux talibés de la diaspora et ainsi, de la confrérie mouride.
Touba à la périphérie de l’espace social
transnational (Suárez 1996). Ils En se convertissant en un
affirment que travailler pour ce mouvement socioreligieux migrant, la
« combattant de l’Islam » revient à confrérie mouride a pris une envergure
travailler pour le prophète (Mahomet). transnationale : elle s’intègre dans les
interstices de l’économie mondiale. Les
En outre, on assiste chez les émigrés mourides s’inscrivent dorénavant dans
à une « mouridisation » des espaces une logique de participation active au
commerciaux où s’étalent les symboles sein de la mondialisation. La confrérie
du mouridisme. Par exemple, au Little s’adapte à un contexte transnational en
Senegal de Harlem à New York, les sites négociant sa place avec des règles et des
centraux deviennent des lieux où arborer pratiques commerciales et de nouvelles
les symboles mourides (Sarr et Diop opérations et formules d’accumulation.
2004); New York est d’ailleurs devenue
un centre particulièrement important « Pour les commerçants restés à
pour les mourides (Ebin 1992). Aussi, à Dakar, qui comptent sur les marchés de
Séville, les commerces portent des noms New York et d’Europe pour
liés à la confrérie, en particulier celui approvisionner leurs boutiques, de telles
de « Touba », et, sur les murs des communautés émigrées établies à
boutiques de services téléphoniques, les l’étranger représentent une tête de pont
affiches indiquant le prix des appels à avantageuse. Les relations établies par
l’étranger côtoient les effigies des les émigrés aident les commerçants
marabouts et les photographies de la sénégalais à accroître leur activité
mosquée de la Ville sainte du Sénégal. commerciale à l’étranger et à pénétrer
Tout ce que nous observons nous plus profondément dans le commerce
amène à constater des liens local. » (Ebin 1992). Par ailleurs, la ville
d’identification très importants des de Touba est intégrée dans les circuits
Sénégalais à la confrérie à laquelle ils touristiques des agences de voyage. Ses

106 Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006


espaces sont marqués par des empreintes l’argent pour les projets à Touba : une
d’architectures italiennes, espagnoles, grande partie des Sénégalais émigrés le
grecques, etc., et les effets de mimétisme font. Ainsi, l’importance de ce modèle
sont nombreux à l’intérieur des maisons. de développement n’est pas uniquement
Progresser à Touba représente, de plus liée à ces projets; la dynamisation des
en plus, s’installer à l’extérieur; avoir sociétés elles-mêmes est importante,
une relation distante avec la ville signifie puisqu’il s’agit d’initiatives qui poussent
lui fournir des ressources. les gens à s’associer et à s’impliquer dans
la vie publique en qualité d’acteurs du
Touba ne se limite pas uniquement développement.
aux musulmans mourides et à l’ethnie
wolof. Aujourd’hui, tant la ville que le L’émigration comme stratégie de
projet de société sont partagés par des développement, projets de retour?
membres d’autres confréries voire même
d’autres religions, comme le christia- Si nous concevons le concept de
nisme. Les projets réalisés ne se canton- développement comme la possibilité
nent pas à rendre service à sa commu- pour chaque pays de choisir, définir et
nauté de croyants, mais aussi à accueillir construire son propre développement, la
le reste des Sénégalais, couvrant ainsi confrérie mouride et, plus largement son
les carences dont est victime une grande projet de société, constituerait une voie
partie de la société. valable de développement.

L’aide au retour, qui conçoit que De même, si nous comprenons le co-


l’immigré qui veut participer au développement comme une gestion
développement de son pays d’origine conjointe des migrations entre pays
doit y retourner avec un projet récepteurs et pays sources ainsi que
économique et social ainsi qu’avec une comme une reconnaissance de
activité qui lui permette de gagner sa l’immigration en tant que protagoniste
vie, n’a pas de place dans le modèle que dans le développement des pays
nous venons de décrire. Dans le cas de d’origine et de destination (Diao 2004),
la confrérie mouride, le retour n’est pas alors le travail mené par les émigrants
compatible avec le maintien de la mourides et par tous ceux qui participent
fonction d’agent de développement13. à leur projet (avec la sanctification du
Aujourd’hui le co-développement est travail et sa répercussion tant au Sénégal
coupé des objectifs de retour. que dans les sociétés qui font partie de
la diaspora mouride), devrait être pris
Nous pouvons également mettre en en compte dans la définition des
lumière la manière dont ce projet unifie politiques d’immigration, tant à l’entrée
les différentes communautés de croyants qu’au niveau de l’intégration. Ceci
dans les sociétés d’accueil des émigrés. évidemment, si le but véritable est le
Comme nous l’avons vu, les mourides développement, tant médiatisé, des
ne sont pas les seuls à apporter de sociétés d’origine. Étant donné que la

Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006 107


confrérie et le marabout sont reconnus D’autre part, nous pensons que l’analyse
comme légitimes par une grande partie présentée ici nous permet d’affirmerqu’à
de la société, qui traite l’heure actuelle, du moins pour une
harmonieusement avec ce haut pouvoir grande partie de la société sénégalaise,
de représentation, leurs « projets de la totalité des projets de développement
développement » doivent être analysés ne doit pas aller dans le sens d’un retour
en tenant compte de cette « officialité », et d’une fixation des populations
réelle et non symbolique. émigrées dans leurs pays d’origine.

Ces modes de fonctionnement autour Ainsi, certaines politiques du


de différentes légitimités et fidélités, gouvernement régional d’Andalousie
ainsi que la question de la devraient être repensées. Entre autres,
transnationalité de la confrérie mouride certaines affirmations devraient être
(qui lui permet de mobiliser les ressour- reformulées, comme celle qui apparaît
ces provenant de sa diaspora), ne font dans l’introduction à la mission de
que remettre en question la souveraineté coopération au développement du
de l’État sénégalais. Ceci nous amène à Premier plan intégral pour
une question intéressante : si, comme on l’immigration en Andalousie 2001-2004,
le dit, on veut faire participer la popu- qui énonce que : « Les difficultés dont
lation au choix et à la conception des souffre la population des pays en voie
programmes et des actions, la confrérie de développement génèrent d’importants
mouride ne serait-elle pas un interlocu- mouvements migratoires. La
teur valable pour les investissements coopération internationale pour le
officiels et/ou civils des pays récepteurs développement constitue la voie que le
d’immigration sénégalaise? Ses projets gouvernement régional d’Andalousie
ne servent-ils pas au développement so- privilégie pour contribuer à la stabilité
cial de la population? économique, sociale, culturelle et
politique de ces pays et à la
Malgré le fait que nous nous soyons consolidation de la population sur son
centrés sur l’analyse interne de la struc- lieu d’origine. » (Consejería de
ture de la confrérie et que nous ayons Gobernación 2002).
donc laissé pour une autre occasion une
analyse détaillée des relations quoti- Notes
diennes avec la population andalouse,
1
Je réalise ma thèse doctorale grâce à une bourse
nous aimerions néanmoins souligner pour la Formation du personnel enseignant et de
l’importance de ces relations dans l’or- recherche du Secrétariat de l’Éducation et des
Sciences du gouvernement régional d’Andalousie,
ganisation interne de la confrérie.
à l’Université de Séville. L’objectif de la recherche
est d’analyser de quelle façon les politiques en
matière d’immigration en Andalousie influencent
de manière distincte les différents groupes
d’immigrés selon les caractéristiques de chaque
communauté. Puis, à travers l’analyse des discours
et des pratiques du Gouvernement andalou, nous
voulons mettre en lumière quels sont les

108 Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006


indicateurs d’intégration qui sont avancés depuis entretien (DIEM) du ministère sénégalais de la
l’Assemblée d’Andalousie et, de ce fait, quel est Santé. Le coût total estimé est de 6 millions de
le modèle de société andalouse qui sert de francs CFA. Néanmoins, l’enthousiasme diminue
référence. À quelle Andalousie prétend-on l’année suivante, avec la collecte de moins
intégrer les différents collectifs immigrés? d’argent. L’association décide alors de
2
La confrérie mouride accueille les membres des convoquer une grande réunion à Touba dans un
vieilles familles aristocratiques qui viennent se lieu hautement symbolique, le palais dédié au
réfugier et former des alliances matrimoniales fondateur. Cette réunion avait pour objectif
avec les familles des marabouts. Ceci a permis à d’expliquer le projet. Près d’un millier de mourides
Ahmadou Bamba ainsi qu’à sa famille de conso- participèrent, parmi eux beaucoup de migrants
lider sa nouvelle emprise sur la société wolof internationaux. Ceci est le cadre de la véritable
permettant, en retour, que les anciennes aristo- naissance de dahíra Matlaboul Fawzaïni (Guèye
craties puissent maintenir leur pouvoir. Le terri- 2002).
6
toire mouride est ainsi le territoire wolof, où la Un nombre important de Sénégalais et Sénéga-
religion constitue une force politique. Avec la laises de la ville de Séville se consacre à la vente
colonisation, les gens du village trouvaient refuge ambulante. Pour en savoir plus sur les Sénéga-
dans la nouvelle structure fondée sur la coutume lais et la vente ambulante de la ville de Granada,
de la soumission et la volonté de travailler pour cf. Dietz et Peña (1999).
7
un chef et de lui donner les fruits de son travail Agasis : Agrupación para la Acción Social de
(Guèye 2002). los Inmigrantes Senegaleses. Regroupement pour
3
La culture de l’arachide s’est insérée dans les l’action sociale des immigrés sénégalais. Le
projets de l’administration coloniale française, principal objectif de cette association est de
avec le défrichement des terres. constituer un fonds mis à la disposition de tout
4
Ahmadou Bamba apparaît au Sénégal dans la Sénégalais devant voyager au Sénégal suite au
seconde moitié du XIXe siècle, à une époque décès de son père, de sa mère ou de ses enfants
caractérisée par la fin de la traite des noirs par majeurs.
8
les puissances européennes et par la culmination Pour en savoir plus sur les relations entre des
de la répartition de l’ensemble du territoire afri- associations d’immigrants et des ONG en An-
cain. Il s’était produit une négation totale des dalousie, cf. Dietz et al. (2002).
9
cultures autochtones, y compris de l’Islam. La Les marabouts ont joué un rôle de légitimation
France avait établi sa suprématie militaire, après de l’autorité coloniale pour sa reconnaissance et
avoir vaincu la résistance qu’elle avait combat- son acceptation. À son tour, le marabout voit
tue jusqu’en 1889. La volonté était d’assimiler son autorité reconnue par l’administration et
la colonie aux valeurs culturelles occidentales. consolidée par de nombreux avantages perçus
Les adeptes du mouridisme affirment que c’est par ses disciples comme un signe de son charisme
dans ce contexte que Ahamadou Bamba mena à (terrains de culte, passeports diplomatiques). Ces
bien une « lutte non violente pour réveiller les échanges de services se traduisent en politique
consciences en léthargie, pour sauver l’Islam, pour par un système qui positionne le clientélisme
sauver la culture de son peuple » (www.Touba- maraboutique au service des ambitions des hom-
Internet.com ; www.Touba.org ). mes et des mouvements politiques.
5 10
En 1990, profitant de la venue en Espagne Magal terme wolof qui signifie rendre hom-
d’une des plus grandes personnalités de la mage, célébrer. Dans la communauté mouride,
confrérie et de la visite de dahiras d’autres villes il existe différents magals, mais le plus impor-
espagnoles pour l’occasion, Dame Ndiaye lance tant est le grand magal de Touba, qui dure trois
l’idée de la réalisation d’un projet commun à jours et constitue chaque année un pèlerinage
Touba. Devant l’enthousiasme des mourides des adeptes du mouridisme à la Ville sainte du
d’Espagne, il prend l’initiative d’associer les Sénégal. On calcule que, chaque année, autour
dahiras organisées en France. Mais ce n’est de trois millions de fidèles se réunissent à Touba.
qu’une idée, qui ne deviendra projet qu’au C’est un jour de gratitude à Allah qui marque le
moment de l’approbation du calife général, départ en exil de Cheikh Ahamadou Bamba.
11
donnée lorsque Dame Ndiaye ira à Touba. De La diaspora commerçante mouride contrôle
retour en Espagne en 1991, il informe toutes les plus de la moitié des transactions commerciales
dahiras impliquées et demande à chacune de qui se développent à Dakar. Depuis 1966 et jus-
créer une association d’émigrés sénégalais au qu’à aujourd’hui, le commerce mouride s’appuie
service de Cheikh Ahmadou Bamba, qui se met sur un réseau international tissé entre Dakar,
immédiatement à travailler et recueille au nom Paris, Rome et New York (Piga 2002).
12
du projet de l’hôpital la somme de 5 300 000 Exemple d’objets imprégnés de la baraka : du
francs CFA. Le calife leur attribue un terrain et sable, de l’encens, des étoffes, des amulettes, des
Dame Ndiaye charge un architecte des plans et bouteilles d’eau, etc.
13
procède aux estimations, en association avec la Nous incluons dans cette affirmation le sujet
Direction des équipements en infrastructures et des envois d’argent. C’est de l’argent efficace

Diversité urbaine, vol. 6, no 1, printemps 2006 109


qui voyage de personne à personne à travers de Andalucía. Sevilla Junta de Andalucía,
simples virements, presque sans intermédiaire, et p.115-131.
sur lequel les États ou les organismes multilaté-
raux ont peu à dire. « Les gens connaissent mieux
Ebin, V., 1992. « À la recherche de nouveaux
leurs besoins que n’importe quelle institution ». ‘poissons’. Stratégies commerciales
Par exemple, concrètement, selon les données de mourides par temps de crise », Politique
la Banque d’Espagne, les immigrés qui résident Africaine, no 45, p. 86-99.
en Espagne ont envoyé à leur pays d’origine un El País, Economía. 13 de febrero de 2005.
total de 2 771 millions d’euros entre janvier et
octobre 2004, ce qui suppose une augmentation Guèye, C. H., 2002. Touba. La capitale des
de 17,5% par rapport à la même période en 2003. mourides. Paris, Kharthala, 532 pages.
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