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Iwiyè KALA-LOBE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 197
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198 PRÉSENCE AFRICAINE
(1) Il nous plaît de citer les lignes suivantes, tirées d'une recette haï
tienne de cuisine : « ... Les émigrants africains ont apporté en Amérique
les arachides, le maïs, le gombo, le sésame, les pots aux yeux noirs,
l'igname, la patate, l'avocat. Ces légumes, cultivés par les nouveaux arri
vants sur leurs lopins de terre près des plantations de coton du sud des
Etats-Unis, étaient consommés exclusivement par les esclaves. Peu à peu,
ces produits, pour la plupart très appétissants, ont été adoptés partout. »
(In Recettes ha:itiennes et exotiques, par Marysol des Iles, aux Editions
Leméac, Ottawa, 1973).
(2) Basil Davidson, Les Africains — Introduction à l'Histoire d'une
Culture, Coll. Esprit - « Frontière ouverte », Editions du Seuil, Paris, 1971,
traduit de l'anglais.
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 199
(3) Cette histoire ne s'arrêta pas là. Les Ewondo rétorquèrent qu'il
valait peut-être mieux manger de la chair humaine bien cuite que de
croquer des « mille-pattes » comme le font les Duala. Allusion faite aux
Mbea-Towè ou Mitokè-mi-Kamba, ces fameux crustacés que les Portugais
trouvèrent par bancs entiers, en 1512, vers Noël, à l'estuaire de l'actuel
fleuve Wouri, et qu'ils prirent pour des crabes : c'est la raison pour
laquelle ils baptisèrent ce fleuve, Rios des Camerones (Rivière des Crabes),
nom donné par la suite au pays, avec des déformations phonétiques
(Cameroons, Kamerun, Cameroun...). Qu'on n'aille pas dire par là que
« les Camerounais sont des crabes ». — Les Duala raffolent de ce cmstacé
dont la pêche est rituelle, saisonnière et très pittoresque. Ils le préparent
de mille façons et son odeur est particulière. Rappelons que le « nom
scientifique» du Mbea-Towè est Caliarnassa Turterana. Un ae plus.
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200 PRÉSENCE AFRICAINB
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VIOLATION DE L*« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 201
était rare que l'Africain achète des fruits, chaque famille ayant
ses propres arbres fruitiers. Dans les plantations et les champs
de culture vivrière, il était bon de cueillir — ou de ramasser le
fruit mûr et de le déguster à l'état pur. Les animaux et les oiseaux
avaient leur part du festin, car même « sauvages » ils apparte
naient à la communauté. (Il va sans dire que les fruits entraient
dans la composition de certains médicaments et de philtres
d'amour et de mort.)
Puis la conquête coloniale vint troubler ce paisible et com
munautaire festin fruitier. Des hordes d'insatiables « conqué
rants » s'emparèrent de tous les fruits de l'univers négro-africain.
Armés de fusils à répétition — oui ! à répétition, vous vous ren
dez compte ? — ils massacrèrent nos animaux, et nos oiseaux
qui avaient l'habitude de venir manger paisiblement leur part
de nos fruits communs. Et ils chassèrent à coups de pied et de
crosse les Négro-Africains, eux-mêmes, de leurs magnifiques plan
tations fruitières. Ce n'est pas tout ! Les Négro-Africains qui
louaient leurs « cases-en-dur » à des Blancs, n'avaient pas le droit
d'entrer dans la concession pour recueillir ou ramasser les fruits
des arbres qu'ils avaient plantés et entretenus avec tant de soin
et de peine ! Il fallait voir avec quelle gargantuesque glouton
nerie les locataires-maîtres-blancs ingurgitaient les fruits nègres
usurpés... Par absurde, le Négro-Africain, atteint du complexe
de sujétion, commença à avoir honte de ses inégalables fruits
razziés et se mit à convoiter les chétifs fruits morts et importés
qui venaient de France ou de l'U-K (United-Kingdom). « Cela
fait bien », comme on dit... A ce sujet, je vais vous raconter une
petite histoire. Un brave homme duala, dont je tairai le nom,
eut un jour la réflexion désabusée suivante devant des amis :
— « Na lom Munj'am o Don, nà andeye mba « dezert », tide
andedi nde mba Makubé. »
Ce qui veut dire : « J'ai envoyé ma femme au marché pour
m'acheter du dessert, mais elle m'a acheté des bananes. »
Dans l'esprit de ce brave Dualaman : a) la banane n'est pas
un dessert ; b) seuls les fruits des Blancs sont des desserts ; signa
lons d'autre part, c) que s'il a prononcé « dézert » pour dessert,
c'est qu'il ne parlait guère français ; il est donc excusable à nos
yeux. D'autres Africains le sont moins ou pas du tout, qui affi
chent à l'heure actuelle un snobisme fat et sot en prétendant ne
consommer que des « fruits de France »... (ou de l'U-K).
Des fruits, défendus ou pas, passons sans coup férir aux
boissons. L'eau est la principale boisson que les Négro-Africains
buvaient après leurs repas. Du moins en était-il ainsi autrefois.
Les plus communément connues des autres boissons négro-afri
caines sont : l'eau de noix de coco (Madiba ma Mbanga mwa
Pongo), le miel (Bômbô-bwa-Ndômbi) — boissons rafraîchis
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202 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE h'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 203
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204 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 205
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206 PRÉSENCE AFRICAINE
• « Savoir-vivre »
« On ne bâille pas chez moi comme on bâille chez eux
avec la main sur la bouche
je veux bâiller sans tralalas
le corps recroquevillé
dans les parfums qui tourmentent la vie
que je me suis faite
de leur museau de chien d'hiver
de leur soleil qui ne pourrait pas même tiédir
l'eau de coco qui faisait glouglou dans mon ventre au réveil
Laissez-moi bâiller la main
là
sur le cœur
à l'obsession de tout ce à quoi j'ai en un jour
donné le dos »
(Pigments)
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 207
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208 PRÉSENCE AFRICAINE
*
• *
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 209
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210 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE» NÉGRO-AFRICAINE 211
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212 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 213
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214 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 215
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216 PRÉSENCE AFRICAINB
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 217
saires pâles ont trompé la vigilance des chefs nègres et ont usurpé
leurs terres. La Résistance avait pourtant été bien organisée, mais
les flèches et les sagaies empoisonnées ne résistèrent pas à la
tentation. Une fois l'alcool bu, grands et petits rois nègres accep
tèrent inconsciemment toutes les humiliantes conditions que leur
imposèrent les conquistadores. On sait que la même mésaventure
arriva au « Indiens Peaux-Rouges » auxquels les yankees immi
grés blancs achetèrent l'île de Manhattan pour la modique somme
de vingt-cinq dollars. Vingt-cinq dollars, pour New York, vous
vous rendez compte !... Et personne ne dit combien de barils de
rhum et autres alcools les pirates yankees ont dû faire ingurgiter
aux « Apaches » pour arriver à leurs sinistres fins. En Afrique,
les « pionniers-de-la-colonisation » ne lésinèrent jamais sur les
moyens pour saouler jusqu'à l'abrutissement leurs victimes nè
gres. Le trafic des boissons alcooliques a toujours accompagné le
sabre, le goupillon et le mousquet dans toutes les expéditions
coloniales.
Pendant la période de 1'« Indigénat », il était officiellement
interdit de vendre des boissons alcooliques aux indigènes. Mais
l'importation de ces boissons en Afrique coulait à flots. Quand on
sait combien infime était le nombre d'Européens qui « faisaient
la colonie » en ce temps-là, on se demande qui pouvait bien boire
les imposantes quantités d'alcools que les cargos et les paquebots
débarquaient dans nos ports. En effet, la prohibition n'était qu'un
leurre. L'opération de la démolition de la personnalité du Négro
Africain par l'alcool poursuivait inexorablement son diabolique
chemin. Dans les factoreries, quand on vendait une bouteille de
rhum « Mangoustan » ou de « Gordon's Gin », par exemple, à
un Africain, on inscrivait sur le cahier des recettes une autre
marchandise d'égale valeur. Le stock des boissons alcooliques se
renouvelait sans cesse. Leur consommation se faisait dans une
bruyante clandestinité par les indigènes qui pouvaient en acheter.
Il y avait également des « dames bien », courtisanes noires qui en
vendaient clandestinement dans leur case. Elles n'avaient ni pa
tente ni licence de commerce, mais payaient de leurs charmes
pour se procurer ces boissons par l'intermédiaire d'agents de
commerce Mbènguè-men (ressortissants gold-coastians, nigérians,
etc.) et autres Africains naturalisés français autorisés à acheter
librement des boissons alcooliques.
La consommation de l'alcool progressait rapidement dans la
population. L'« alcoolisation » de l'Afrique prenait des propor
tions alarmantes. Volant au secours des pauvres Nègres frappés
de « neurasthénie sociale », les bienfaiteurs européens amenèrent
leurs ligues antialcooliques en même temps qu'ils continuaient
de débarquer des cargaisons de boissons alcooliques sur nos
berges. Ligue de la « Croix Bleue », Ligue de la « Croix Verte »,
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218 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINB 219
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220 FRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE l\< IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 221
(7) Ndolè : Chez les Duala (Cameroun), nom d'une feuille comestible
amère. Par extension, plat fait d'un mélange de ces feuilles
préalablement écrasées (on les cueille en assez grande quantité),
cuites avec du poisson séché ou de la viande, des écrevisses
séchées, des langoustines, dans une sauce d'huile de palme et
du pâté de courges, etc. Se mange avec des bâtons de manioc,
des plantains ou du riz. Les feuilles de Ndolè peuvent être sé
chées et se conservent très longtemps. Pour l'usage, on les
trempe dans de l'eau et elles recouvrent tous leurs attributs
culinaires. — L'un des plus fameux plats duala!...
Miôndô (singulier = Môôndô) : Bâtons de manioc faits avec de la pâte
de manioc fermentée, enveloppée dans des feuilles et cuits à
l'étouffée. Compagnon fidèle du Ndolè ou du Mukon-mwa
Ngôndô.
Mukon-mwa-Ngôndô = « gâteau » de courges cuites dans des feuilles de
bananier. La pâte de courges est mélangée à divers ingrédients ;
on y ajoute soit du poisson séché, soit de la viande, avec des
écrevisses séchées, etc. Extra!
Ekôki (pluriel : Békôki) : « Gâteau » de pois (relativement léger) fait
avec de la pâte de pois (Matôbô, Wondi-a-Mbalè) ou de mais
frais, mélangée avec de l'huile de palme et d'autres ingrédients.
Se suffit à lui-même.
Suw'a-Dibomba : Poisson cuit à l'étouffée dans des feuilles de bananier.
Suw'a-Dibumba : Poisson braisé.
Evilo : Chez les Batanga (Cameroun), poisson mariné dans du citron et
d'autres ingrédients, puis cuit à l'étouffée dans des feuilles de
bananier. Exquis !...
Ndomba : Chez les Ewondo (Cameroun), gibier enveloppé dans des
feuilles de bananier et mijoté à l'étouffée pendant des nuits
entières dans de grandes marmites, dans une sauce rare, extraor
dinairement riche en plantes aromatiques les plus réputées.
Souverain !
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222 PRÉSENCE AFRICAINE
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VIOLATION DE L'« IDENTITÉ CULINAIRE » NÉGRO-AFRICAINE 223
Iwiyè KALA-LOBE
Journaliste.
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