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SOUS L A DIRECTION DE

Ursula Baumgardt et Françoise Ugochukwu

Approches littéraires
de l'or alité africaine

En hommage à Jean Dérive

Préface de Geneviève Calame-Griaule

Éditions KARTHALA
22-24, boulevard A r a g o
75013 Paris
10

« L'Envol du vautour » : parole, action et objet


dans les rituels funéraires des chasseurs malinké
Agnieszka Kedzierska
INALCO et L L A C A N , Paris
1

Résumé — Ce texte, consacré à l'étude des rituels funéraires des chasseurs


malinké, explore, sur le plan théorique, la relation entre la parole, l'action et
l'objet rituels.
Son approche pluridisciplinaire inclut l'herméneutique du chant récité ainsi que
la description ethnographique du cycle dans son ensemble. L'étude se complète
de réflexions abordant la religiosité malinké et de l'analyse anthropologique de
l'ensemble des données.
Cette démarche permet de démontrer la complémentarité de tous les éléments
constitutifs du rituel et d'en découvrir le sens social, symbolique et ésotérique.
En conclusion, on considérera les rites analysés comme une tentative sociale
visant à assurer, par une certaine absorption symbolique du chasseur décédé
passant par la transformation de son statut, le bien-être du groupe. On relèvera
également ici l'effort de la pensée symbolique malinké qui, par la promesse de la
transcendance, tente de rendre compréhensible et acceptable aux vivants le
mystère de la mort.

La séparation du texte et du contexte, typique dans la logique de


l'écrit, semble peu opérante dans l'analyse du monde de l'oralité où la
parole a valeur d'action et équivaut aussi à la matière. Le rituel en tant
que phénomène-clé, métaphore, pour ainsi dire, de l'oralité - nécessite
donc une approche multidimensionnelle. La parole sacrée, indissocia-
ble de l'action et de l'objet rituels, ne peut être appréhendée qu'à
travers l'étude de la performance dans son ensemble et replacée dans
un contexte cultuel donné . 2

1 Institut national des langues et civilisations orientales et UMR 8135, « Langage,


Langues et Cultures de l'Afrique Noire » CNRS, INALCO, Paris 7.
2 Cette question est discutée en particulier dans G. Cashion (1984).
202 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

Cet article a pour objet l'analyse des rituels du cycle des cérémonies
funéraires des chasseurs malinké . Mon objectif consiste à présenter
3

les aspects profonds et souvent méconnus des traditions de la confrérie


des chasseurs. Ce faisant, je serai amenée à revisiter certaines des
conceptions de l'anthropologie comme la parole sacrée, le mythe,
l'efficacité symbolique et le rituel.

1. C h a n t
Commençons par le chant, très beau, très ancien, mais comme le
lecteur le constatera, d'une poésie hermétique qui le rend incom-
préhensible au premier abord. L'Envol du vautour est chanté sur un air
mélodique intitulé Le poil de nain ou Le poil du héros de la chasse* à
l'occasion de la cérémonie funéraire sînbonnasi , que je décrirai plus
5

loin, en honneur du vieux maître-chasseur (sînbon) décédé.


DUGA WILILEN
1. Duga wililen
2. Kontronduga wililen / Janban duga wililen
3. Duga wililen
4. Saane duga wililen / Jankbankadan sun na duga wililen.
5. Majian, saba mapan
6. Saba faga man gelen
7. F'a pama dendenko
8. Saba mapan.
9. Mun fen wulen ne ye karanden kun
10. Kundansogo
II. Fen do wulen ne ye karanden kun

3 II reste à souligner que les textes des chants ainsi que la description détaillée des
cérémonies proviennent de mes propres investigations effectuées lors de mes
missions de l'UMR 8135 du CNRS, Langage, langues et cultures d'Afrique noire
(LLACAN), au Mali dans l'arrondissement de Naréna, dans la commune de Balam-
Bakama, d'octobre à décembre 2003 de mars à mai 2004 et en septembre 2004.
4 gère nogo, les nains étaient considérés comme les premiers et meilleurs chasseurs.
Cf. Y. T. Cissé (1985 et 1994) ; B. Camara (2001). Par ailleurs, le fait qu'un
chasseur soit particulièrement chanceux est souvent expliqué par sa possession
supposée d'un poil de nain qui est considéré comme un génie de brousse.
5 Cette cérémonie est organisée, habituellement, entre 2 et 7 ans après la mort du
chasseur. Étant donné que lors de mon séjour sur le terrain elle n'a pas eu lieu, le
texte dont je dispose m'a été confié par le chef des chasseurs (donsokuntigi ) du
village où j ' a i travaillé et confirmé ensuite par le chantre des chasseurs (serewa)
qui a néanmoins refusé de me le chanter. Quelques-uns parmi les couplets que j ' a i
pu récolter ont été publiés dans l'analyse de L'Envol faite par B. Camara (2001),
d'autres rappellent les strophes des chants commentées par Y. T. Cissé, mais
certaines parties du texte n'ont jamais fait l'objet de publication.
PAROLE, ACTION ET OBJET 203

12. A bolen kundansogo.

13. Fe fe, fe, fe, nedesun nafefe


14. ly'atotolonpe
15. Sulanin farita no nedesun na fe fe
16. ly'ato Ionpe.

17. Fadima lenks, Fadima lenke


18. I taa a faga, taa fagabali
19. I d'à mina yoliyoîi ke tolon
20. I taa a faga, taa fagabali.
21. Birolenyo, birobayo
22. Lonjan kono te biro gansan
23. Ni di dugaw birolen ye
24. Lonjan kono te biro gansan.

L'ENVOL DU VAUTOUR
1. Le vautour s'est envolé
2. Vautour de Kontron / Envol majestueux du vautour
6 7

3. Le vautour s'est envolé


4. Vautour de Saane/ Le vautour qui prend son envol de l'arbre
Janbakadan.
5. Grand serpent python
6. Tuer un python est chose aisée
7. Amadouer les forces déchaînées par sa mort l'est moins 8

8. Grand serpent python.


9. Qu'y a-t-il de rouge sur la tête du disciple chasseur ?
10. Un cadavre 9

6 Kontron et Saane, sont les divinités tutélaires de la chasse. Ainsi, les chasseurs
sont considérés comme les enfants de Saane et de Kontron, et l'expression
« vautour de Kontron (de Saane) » peut être interprétée comme une figure
métaphorique utilisée pour évoquer le chasseur (mort).
7 Je maintiens ici la traduction proposée par B. Camara. Néanmoins, une autre
interprétation de cette expression est étymologiquement possible : jan :
brousse ; ba : grande, profonde. Donc : « le vautour s'est envolé de la brousse
profonde». Le quatrième vers de la traduction parallèle serait: «le vautour
s'envole du début (kanda : cou + bouche) de la brousse profonde ».
8 Littéralement « supporter les forces néfastes et vengeresses (pama) qui se
dégagent de l'être vivant au moment de sa mort et qui attaquent celui qui en a été
la cause ».
9 De kun : limite + dan : dépasser + sogo : viande ; cette étymologie du mot m'a été
donnée par des chasseurs du village et est également confirmée par B. Camara
(2001 p. 189). L'expression veut dire littéralement « viande morte» ou « viande
de la mort ». Cette viande morte est donc celle du cadavre. Elle évoque de manière
immédiate l'image du gibier fraîchement tué, encore plein de sang. Du fait de sa
204 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

11. Quelque chose de rouge sur la tête du disciple chasseur.


12. Cela ressemble à un cadavre.
13. Cueille les fruits de néré . Cueille, cueille, cueille !
/fl

14. Mais laisses-en pour demain


15. Le petit singe orphelin cueille les fruits de néré.
16. Réserves-en pour demain.
17. Lenke" Fadima, lenke Fadima , 12

18. Va tuer un gibier, va, toi immortel


19. Amuse-toi en l'approchant 13

20. Va tuer un gibier, va, toi immortel.


21. Grande assemblée, petite assemblée.
22. Les oiseaux des jours sansfinne se rassemblent pas sans raison
23. Si tu vois que les vautours se réunissent
24. Sache que les oiseaux des jours sansfinne se réunissent pas pour rien.
Le monosyllabisme et le caractère syncopé de ce chant ne peuvent
malheureusement pas faire l'objet d'une traduction équivalente en
français. J'ai cependant conservé la régularité et la répétition des
strophes originales.

2. H e r m é n e u t i q u e
J'essayerai, tout d'abord, de retracer, strophe par strophe, la signi-
fication et la symbolique des images évoquées dans le texte.
Le chant est dominé par la figure du vautour. La présence de ce
charognard est récurrente dans les louanges des chasseurs célèbres et
renommés. D'ailleurs, les parties du gibier que les chasseurs doivent
apporter à leurs chefs avant les cérémonies annuelles du carrefour

taille importante, i l est transporté au village sur la tête du chasseur. Cette


pratique courante est attestée aussi bien par les usages que par de nombreux
récits de chasse. Les raisons de non-application dans ma traduction de
l'expression proposée par Camara (la viande de fin de carrière) ainsi que l'analyse
de cette partie du chant viendra ultérieurement.
10 Néré : Parkia biglobosa : arbre aux fruits comestibles.
11 Afzelia africana. Une autre interprétation de ce mot m'a été proposée par M.
Diarra, qui suggérait de le transcrire lenke, et de le traduire par « fils ». Même si
cette lecture permettrait de rendre la strophe plus cohérente et sa traduction
moins ambiguë, les explications et le commentaire du chant que j ' a i pu récolter
auprès des chasseurs sur le terrain contredisent cette hypothèse.
12 Fadima est un nom propre féminin. Les raisons de l'attribution de ce nom à l'arbre
dans ce cas concret ne sont pas claires, même si dans la tradition orale malinké, i 1
arrive souvent que les plantes ou les animaux portent un nom/prénom humain.
13 yoliyoîi est une expression décrivant la manière de marcher des chasseurs lors de
l'approche du gibier et consiste à poser les pieds très légèrement sur les plantes
et à avancer imperceptiblement.
PAROLE, ACTION ET OBJET 205

sacré (dankunson) 14sont nommées les «ailes de vautour». Selon B.


Camara (2001 p. 189) - qui tient cette explication du grand chantre
malinké, Baala Jinba Jakité - : « i l existe entre le chasseur et le vau-
tour un pacte qui remonte à l'épopée de Siriya Manbi, le dernier de
quarante-quatre gwede ou héros de chasse». Y . T. Cissé (1994 p.
122), suivant l'enseignement ésotérique du griot-généalogiste Wâ
Kamissoko, situe l'origine du culte du vautour dans l'Egypte des
Pharaons, pour ajouter que « La légende fait de lui le guide et le pro-
tecteur tout-puissant des empereurs soninké du Wagadou (empire de
Ghana) » . Quant à la symbolique du vautour chez les Mandingues, Y .
1 5

T. Cissé (1994 p. 122) affirme qu'« on lui attribue mille pouvoirs et


vertus : i l serait omniscient et présiderait, pour cette raison, à la
plupart des sociétés initiatiques ». Dans les rituels de K o m o on le 16

nomme « grand oiseau à quatre ailes du ciel, maître de la lumière » et


on le considère comme un allié de la divinité de la destruction éter-
nelle, en quelque sorte la patronne des chasseurs, Mousso Koroni . 17

Dans des textes analysés par S. Camara (2001), le vautour assume


d'ailleurs aussi la fonction du messager de la mort, ou même celle de
psychopompe, de celui qui guide les âmes au delà de la mort.
L'association entre le chasseur, par définition maître de la mort, et le
vautour, « l'animal de la mort et de l'immortalité » semble donc bien
confirmée. Dans la première strophe du chant, l'image du vautour
évoque celle du défunt qui reste, pourtant, absente de manière
immédiate du texte du chant et qui est figurée dans des actions rituelles
par des objets symboliques. Ainsi l'envol du vautour incarne et
confirme la disparition du chasseur mort, quittant le monde terrestre . 18

L'image d'un autre animal sacré, celle du « grand serpent lové »,


apparaît dans la seconde strophe. Elle renvoie, d'une part, à un des
plus grands mythes de l'ouest africain, celui du « grand serpent du
Wagadou », « génie serpent immense patron des eaux et des mines
d'or » qui, dans les temps primordiaux, entourait la terre (Y. T. Cissé

14 Cf. Y. T. Cissé (1994 p. 111) et G. Cashion (1984), par exemple.


15 Cf. également : Y. T. Cissé (1964 p. 205 ; 1994 p. 65, 78-79, 122, 307-343)
16 De nos jours identifié à un type de fétiche, le Komo était dans le passé une des
sociétés d'initiation (des masques) ayant une grande influence à la fois sur
l'organisation sociale en classes d'âge, sur la vie quotidienne et sur la vision du
monde des Malinké. Sur le plan pratique son rôle consistait à remédier aux
dérèglements sociaux et à découvrir les raisons cachées des malheurs survenant
au village. Ses enseignements ésotériques renvoient aux mythes de la Genèse et
au système des signes graphiques qui leur est associé. Je m'y réfère considérant
les leçons et les chants de Komo en tant que soubassement symbolique essentiel
et toujours vivant de tout l'imaginaire malinké.
17 G. Dieterlen et Y. T. Cissé (1972 p. 263). Cf. pour l'association des chasseurs à cet
anti-dieu du panthéon bambara Y. T. Cissé (1994 pp. 129-130).
18 Interprétation qui m'a été suggérée sur le terrain. Sauf mention contraire, toutes
les interprétations citées ont été collectées sur le terrain par moi-même.
206 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

1994 p. 49, 121 et passim). D'autre part - et les remarques de B.


Camara (2001 p. 193) semblent à ce sujet pertinentes - :
Le python, surtout lorsqu'il arrive à maturité, figure parmi les bêtes porteuses de
gros maléfices dont les tueurs ont droit à un Sînbonsi. Au premier niveau de lec-
ture, le chant met en garde du danger auquel on s'expose en tuant un python
arrivé à maturité. Mais le terme saba mapan désigne aussi de façon allégorique le
chasseur, car dans le jargon des confréries, toute bête qui chasse sa proie est
assimilée au chasseur. (...) Alors le grand python arrivé à maturité n'est qu'une
allusion au grand sînbon dont on célèbre les funérailles.

Dans la deuxième strophe du chant, comme dans la première,


l'animal évoque le chasseur, ici plus exactement i l le préfigure, consti-
tuant du fait de son activité cynégétique, un archétype premier du
chasseur. Je reviendrai plus loin sur la notion de jiama, qui renvoie à
l'idée d'une force vengeresse et maléfique se déchaînant et multipliant
les conséquences funestes.
Un troisième animal présent dans L'Envol est le singe orphelin
cueillant les fruits de néré, arbre dont la forte connotation cynégétique
comporte de multiples fondements. Selon mes interlocuteurs, l'arbre
symbolise ici la brousse pleine de gibier dont le chasseur, incarné par le
singe, ne devrait pas abuser. On lui suggère, donc, la voie de la modéra-
tion. Cela semble d'autant plus nécessaire, qu'étant orphelin , soli- 19

taire, i l doit être particulièrement responsable et sage pour parvenir à


assurer sa propre survie. Cette interprétation, bien que justifiée,
demande à être complétée. En fait, les fruits du néré mûrissent et
tombent en saison sèche attirant alors au pied de l'arbre certains ani-
maux sauvages qui s'en nourrissent. Les chasseurs, connaissant ces
habitudes, s'y tiennent volontiers pour guetter et, pendant les longues
heures d'attente, en profitent à leur tour pour les déguster. Les fruits
du néré forment donc à la fois un appât naturel que le chasseur -
maîtrisant sa gourmandise - a intérêt à préserver en quantité, une
métonymie de la brousse nourricière et, enfin, une métaphore du sacri-
fice que le chasseur fait de lui-même en acceptant d'endurer la faim, la
soif et la fatigue pour le bien-être de la communauté. Dès lors, on
comprend mieux pourquoi ces fruits doivent être utilisés avec des
précautions et pourquoi ils sont offerts par la famille du maître
chasseur mort à ses compagnons vivants pour constituer l'une des
nourritures des chasseurs au moment des funérailles. Étant donné
l'ambiguïté du texte, la grille interprétative reste incertaine. Mais on
peut retenir que le chasseur et son gibier consomment la même nourri-
ture ; la position du prédateur et de la proie, l'identité de celui qui
mange et de celui qui est mangé, semble alors assez fluctuante.

19 Le chasseur est souvent présenté comme celui qui n'a ni père ni mère, à partir du
moment où il intègre la confrérie.
PAROLE, ACTION ET OBJET 207

C'est le rôle éthique et économique du chasseur, ses obligations vis-


à-vis de la société qui sont évoqués dans la strophe suivante. Comme
dans la strophe précédente, on montre ici au chasseur l'exemple à
suivre ainsi que la conduite à éviter. La demande directe du groupe
l'interpellant à remplir son rôle nourricier (« va tuer un gibier »), est,
paradoxalement, mise en valeur, par l'évocation métaphorique (à tra-
vers l'arbre lenke) de faillite à ses devoirs. En fait, l'arbre lenke est
remarquable en ce qu'il ne projette que très peu d'ombre autour de son
tronc. I l ne protège donc pas du soleil ardent les petites plantes
poussant à son pied. De ce fait, sa fonction dans le biotope paraît
réduite aux Malinké. Par cet exemple, on rappelle au chasseur les véri-
tables enjeux de la chasse qui, naissant d'une passion individuelle, n'a
rien d'autistique, s'inscrit parfaitement dans le cadre de pratiques
sociales bien définies et utiles. I l est intéressant, tout de même, de
noter, que le lenke est souvent considéré comme l'arbre préféré des
génies qui y élisent volontiers leur siège.
L'image du vautour revient dans la dernière strophe pour évoquer,
encore une fois sans le nommer, le chasseur m o r t . Le rapport 20

symbolique existant entre le chasseur et le vautour implique une vision


aussi complexe qu'ésotérique de la confrérie et renvoie à une concep-
tion religieuse où la mort, la destruction, les ténèbres, mais aussi
l'espoir, la transcendance et la recherche de l'éveil spirituel prédomi-
nent . L'association semble tout de même inquiétante si l'on tient
21

compte du sens implicite de cette strophe. En effet, dire que « les vau-
tours ne se regroupent jamais pour rien » exprime qu'ils ne se
rejoignent jamais qu'autour de la mort, autour d'un cadavre animal ou
humain. En cela ils se rapprochent des chasseurs, se regroupant
d'ordinaire en présence du gibier mort et réunis ici autour de l'image
symbolique du cadavre d'un membre de la confrérie. Une équivalence
symbolique entre la mort du sînbon et du gibier, ou entre le chasseur et
son allié animal est-elle alors suggérée ? Pour répondre à cette question
il nous faut poursuivre l'herméneutique du chant, en l'occurrence
éclairer l'expression kundansogo dans la troisième strophe.
Au premier niveau de lecture, qui est appelé par les Malinké les
« paroles de jour », kundansogo peut être traduit par « viande de

20 Le rassemblement de ces charognards symboliserait ainsi le groupe des chasseurs


présents aux funérailles, comme me l'ont expliqué mes interlocuteurs sur place.
Leur interprétation semble confirmée sur le plan pratique par le fait que la strophe
termine la cérémonie publique : elle est chantée lorsque les chasseurs, regroupés
en cercle autour du bois figurant le défunt, exécutent les pas de danse les canons
des fusils dirigés en l'air pour « s'envoler ensuite » vers la brousse.
21 À ce propos cf. S. Camara (2001 p. 99 et passim) ; pour le processus de la
purification et de la renaissance spirituelle cf. S. Camara (1982). Y. T. Cissé (1994
pp. 129-130) explique les mythes fondateurs du donsoya, terme renvoyant à la
chasse ainsi qu'aux pratiques, traditions et croyances de la confrérie des
chasseurs ; cf. également F. Sidibé (2001 pp. 315-322).
208 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

kundan «, l'animal qui, comme le serpent dont i l était question dans


22

la strophe précédente, possède une très grande force maléfique se


déchaînant au moment de sa mort. Cette petite antilope à peau rouge,
dont les talents de géomancien sont reconnus, était en outre l'un des
animaux impliqués dans l'histoire d'un des plus grands héros-chasseurs,
Manden Mori . Par extension, kundansogo désigne aussi la viande
rouge, autrement dit, une viande fraîche, récemment tuée et encore
imprégnée de sang. En effet, avant la cérémonie funéraire, les
membres de la confrérie se rendent en brousse pour trouver de la
viande, qui, lors de la cérémonie, sera fumée. I l est tout de même très
significatif, que cette viande-là ne peut être mangée ni par les
chasseurs ni par la famille du défunt. Elle reste en fait strictement
réservée aux enfants qui doivent, selon la tradition, mettre en place un
simulacre de vol très habile pour pouvoir se l'approprier . Cela 4

semblerait indiquer que cette nourriture serait interdite aux humains


« de plein statut », qu'elle leur demeurerait définitivement inaccessible.
Quelles sont les raisons d'un tel interdit ?
L'énigme n'est compréhensible qu'à un autre niveau de lecture,
celui des « paroles de nuit ». Selon une étymologie alternative,
l'expression kundansogo ' désignerait alors une viande dépassant la
2

limite de la vie, une chose définitivement achevée et close, donc la


mort. L'Envol du vautour est chanté lors de la cérémonie qui ferme le
traitement symbolique et social de la mort d'un grand chasseur. Le
rouge étant une couleur associée à la mort, au mal, et à la chasse , une 26

chose rouge symbolise donc à la fois le gibier tué, la mort comme


phénomène dangereux et qui doit obligatoirement engendrer une
réaction sociale, et enfin, la dépouille ou les forces néfastes du défunt.
Cette interprétation paraît d'autant plus plausible que toutes les figures
animales ou végétales présentes dans les strophes du chant font allu-
sion au chasseur, seul et unique héros du rituel. Rien de surprenant
alors, si dans le troisième couplet, comme dans tous les autres, on évo-
querait le maître chasseur décédé dont on célèbre la fin définitive et
irréversible.
Tirant les conclusions de ce qui a été dit précédemment, on peut
donc admettre que la viande rouge sur la tête du disciple-chasseur pour-

22 Kundan, kundani : céphalope à flanc rouge.


23 Version de Baala Jimba Jakite, vendue comme cassette sur les marchés du Mali.
24 Explications de donsokuntigi. Selon une autre version qui m'a été révélée sur le
terrain, l'un des descendants mâles du chasseur décédé interprète le rôle du chien
simulant le vol de cette viande. Néanmoins, des noix de cotas et un repas
communautaire sont servis par la famille du défunt lors de la cérémonie, cf. J.
Hellweg (2001 pp. 188-189).
25 Cf. note 8.
26 Cf. pour les couleurs des costumes et des accessoires des chasseurs ainsi que la
symbolique des couleurs par ex. G. Cashion (1984 p. 220).
PAROLE, ACTION ET OBJET 209

rait être considérée comme une allusion au défunt . Or, on sait que le
27

chasseur transporte d'ordinaire de cette façon le produit de sa chasse,


la viande destinée à la consommation. Plus exactement, c'est souvent
le disciple-chasseur qui porte sur la tête le gros gibier, tué par son
maître, gibier qui représente pour lui la viande par excellence à laquelle
il n'a pas d'accès. « Porter sur la tête » dans le jargon des chasseurs
désigne donc la prise sur soi d'une charge lourde et contraignante afin
de remplir son devoir vis-à-vis du maître et/ou de la société. En dehors
de l'analyse des allitérations ', l'évocation répétée de la viande rouge
2

renvoyant à la fois au chasseur et à la nourriture crue qu'on transporte


sur la tête pour subvenir aux besoins de la communauté, suscite des
interrogations. L'ambiguïté sémantique de cette formulation semble
encore renforcée par la dernière strophe du chant où l'image funeste
des vautours réunis autour d'une charogne accompagne la présence
réelle des chasseurs dansant en cercle autour de la représentation
symbolique du mort. Les vautours, comme on l'a déjà souligné, ne se
réunissent qu'autour d'un cadavre qu'ils dévorent. Quels seraient donc
les points communs de ces deux morts animale et humaine? Peut-on
comparer la « digestion » symbolique et sociale du chasseur défunt à la
consommation réelle de la viande du gibier par la communauté ?
S'agirait-il finalement de discerner dans ce rituel les indices d'une
anthropophagie symbolique dans le sens attribué à ce terme par J.
29

Pouillon (1975 pp. 79-81)7 Ce dernier opposait, après C. Lévi-


Strauss, les sociétés à tendance « phagique » et les sociétés à tendance
« émique », en écrivant :

Il va de soi que cette opposition entre deux formules sociales ne prend toute
sa valeur que si l'anthropophagie est prise en un sens métaphorique. On
aurait ainsi les sociétés 'anthropémiques', allergiques aux différences et qui
tendent à les éliminer hors du corps social (...), et les sociétés 'anthropopha-
giques' qui s'efforcent au contraire de les intégrer, (p. 79).
Si on admet que les chasseurs disposent dans la société malinké d'un
statut particulier, on peut voir dans les procédures rituelles funéraires
une manière de leur re-intégration sociale. Pour pouvoir conforter ou
délaisser de telles hypothèses, pour donner la réponse aux questions

27 Cette interprétation m'a été donnée de manière explicite et ferme par le serewa
avec qui j'ai travaillé.
28 En fait, « tête » en malinké se dit kun. Ainsi on observe un jeu de mots, très
typique de la poésie des chasseurs, provenant du rapprochement de l'adverbe de
lieu karanden kun « sur la tête du disciple-chasseur» (vers 9 et 11) avec
l'expression kundansogo (vers 10 et 12).
29 Je n'ai trouvé qu'une seule formulation confirmant directement cette hypothèse
et elle n'a pas de validité scientifique puisqu'il est question du roman d'A.
Kourouma, Allah n 'est pas obligé (2002).
210 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

proposées, ta description du cycle des actions et des objets rituels


semble indispensable.

3. Objet et action
Les rituels funéraires des chasseurs malinké comportent plusieurs
séquences dont certaines ne sont accessibles qu'aux initiés. Du début au
terme des rites, une durée plus ou moins longue peut s'écouler, dépen-
dant essentiellement de l'argent dont dispose la famille du mort.
Néanmoins, dans l'ensemble des actions rituelles engagées, le premier
rôle symbolique est réservé à un petit canari de terre crue nommé
daga fune qui, n'ayant pas subi l'effet du feu, conserve sa couleur
naturelle rouge. Selon les explications que l'on m'a données, ce canari
est commandé à la femme du forgeron qui connaît la poterie par la
famille du défunt immédiatement après l'annonce de sa mort,
30

confirmée par un coup de fusil et un coup de sifflet des chasseurs . 31

Dès que le canari est confectionné, la réunion des chasseurs pour le


rituel du «remplissage du canari» (daga kono bila), suivi du
« retournement du canari » (daga bri), intervient . Tout d'abord, le
32

chef des chasseurs perce un petit trou dans le fond du canari. I l le


remplit ensuite, secrètement, d'un certain contenu, en récitant les
formules magiques appropriées. J'y reviendrai plus loin. L'action
suivante consiste à retourner ce canari sur un morceau d'un second
canari plus grand de manière à ce que les objets demeurant à l'intérieur
restent invisibles, entièrement recouverts par le canari renversé. Cette
étape accomplie, toujours en prononçant les formules, on immole un
poussin sans plume, de n'importe quelle couleur, blanc excepté. Le
sang de l'animal sacrifié pénètre à travers le trou à l'intérieur du canari
et entre en contact direct avec les objets qui y sont placés. On procède
également au sacrifice de deux coqs et d'un bélier. Après la cérémonie,
le canari sera caché dans l'enceinte du foyer de la famille du chasseur

30 Une provenance différente mais très intéressante de ce canari est mentionnée par
G. Cashion (1984 pp. 223-225) qui l'appelle d'ailleurs « sacred pot» (pama
daga), et l'identifie au récipient où le chasseur dépose ses fétiches. Avant la
cérémonie funéraire du septième jour (kalayele) les chasseurs et les descendants
mâles du maître chasseur (sînbon) lavent dans ce canari les fétiches du défunt et
se réunissent ensuite au carrefourrituel(dankun) pour s'approprier la force de ces
derniers. Il reste à noter que quelle que soit l'origine du canari, les deux
interprétations se rejoignent sur la constatation que cet objet est supposé
contenir les forces vitales du défunt.
31 Ce sifflet est nommé d'ailleurs su file « sifflet du mort » puisqu'il annonce
d'ordinaire la mort d'un animal ou d'un chasseur.
32 Descriptions assez sommaires de ces rituels : Y. T. Cissé (1994 p. 118, 152-157),
G. Cashion (1984 p. 230), J. Hellweg (2001 pp. 194-196).
PAROLE, ACTION ET OBJET 211

éécédé, dans un endroit isolé, calme et sec, inaccessible aux animaux ou


a n enfants.
H est retiré de sa cachette l'après-midi précédent la cérémonie
fnéraire (sînbonnasi). Les membres les plus éminents de la confrérie
le nansportent alors pour le déposer au carrefour rituel des chasseurs . 33

Celui qui le porte, le plus souvent le chef des chasseurs en personne,


«tance lentement dans une position courbée, imitant ainsi la marche
typique convenant à l'approche du gibier et décrite dans le vers 19 de
L'Envol du vautour. I l est entouré par d'autres chasseurs formant un
cercle étroit et le dissipant ainsi entièrement à la vue des non-initiés.
Lors de ce déplacement, les chasseurs chantent L'Envol, en
Toccurrence le couplet « Grand serpent python ». Arrivés au carrefour
riniel, ils posent le canari sur la termitière à chapeau qui joue le rôle
rfautel. Placée au milieu du triangle des chemins formant le carrefour,
die représente la tombe symbolique des divinités tutélaires de la
chasse. À chaque fois que les chasseurs approchent de leur lieu de culte,
i l apportent des feuilles et des branches d'arbres fraîchement
« i l l i e s en offrandes à ces divinités. La cérémonie funéraire ne
3 4

faisant pas exception à cette règle générale, le canari s'y trouve ainsi
enveloppé de feuilles. Dans cet état, il attend la fin de la veillée
fanéraire.
Les chasseurs reviennent alors au village où, en présence de la
teille du défunt et d'autres villageois, on célèbre durant toute la
soirée et toute la nuit le sînbonnasi. La manifestation débute par
L Envol analysé au début de l'article, repris ensuite vers minuit et
chanté pour la dernière fois juste avant l'aube. À ces trois occasions
nus les initiés doivent se lever, former un cercle et exécuter des pas
lents, majestueux. En même temps, ils visent de leurs fusils un tas de
bois sec que le chef des chasseurs allume en secret au début de la
cérémonie. Dans les intervalles séparant les répétitions de L'Envol le
diantre de chasseurs anime la cérémonie avec des chants connus et 35

des louanges des maîtres-chasseurs célèbres. L'assistance reprend les


refrains, bat le rythme. Mis à part les moments précis où l'on chante
L 'Envol et où seuls les membres de la confrérie sont autorisés à danser,
k cérémonie reste publique et donne lieu à des danses et des festivités
auxquelles tout le monde peut participer.
La dernière strophe de L'Envol, marquant la fin de la manifesta-
tion, donne aux chasseurs le signal de quitter la place publique pour se

33 Cf. note 13.


34 Sur l'origine de cette pratique et quant à la symbolique du carrefour rituel
(dankun) : Y. T. Cissé (1994 pp. 38-48), F. Sidibé (2001 passim)
35 pama tutu, bala kono nin fin, kulanjan, donso kundaturu, segelenke, dumare,
etc. Cf. Y. T. Cissé (1994), qui ajoute à cette liste kola, dànso baw ka dunun kan.
wentere, enfin janjon ; G. Cashion (1984 pp. 218-223) énumère aussi siba,
jakumaninfln, ku don n boto la, jenin non tolonke sono-ku la, dununin, maransa.
212 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

rendre en brousse à l'ouest du village . On y procède à la partie


36

suivante du rituel, qui est nommée « tir sur la peau » (golo bon). Elle
consiste, selon mes informations qui différent légèrement des descrip-
tions faites par Y. T. Cissé , en un jeu lors duquel les chasseurs, par-
37

tagés en deux groupes, avancent prudemment en imitant l'approche du


gibier. En réalité, ils recherchent la peau d'un animal sauvage
« cachée » au préalable par deux membres de la confrérie. Les deux
chasseurs connaissant l'emplacement de la peau se trouvent en tête des
deux cortèges. L'objet recherché en lui-même n'a pas de couleur ni
d'origine précises, i l s'agit tout simplement d'une peau sèche et
retournée , qui est étalée sur un des buissons relativement proches du
village. Le chantre des chasseurs accompagne la performance par sa
musique jusqu'au moment où le chef des chasseurs décide de terminer
cette « partie de chasse » par un tir sur la peau. I l est intéressant de
noter que seuls des chasseurs n'ayant plus ni père ni mère sont auto-
risés à participer à la clôture du golo bon. L'inobservance de cette
règle causerait la mort certaine des parents du chasseur qui briserait
l'interdit. 11 semble difficile d'établir le rapport direct entre les trois
présences de la mort, représentée par la peau animale retournée, la
menace portant sur les parents du tireur et le maître chasseur dont on
célèbre les funérailles. Néanmoins, i l reste évident que la symbolique de
la mort, d'annihilation, omniprésente lors du cycle entier, s'y trouve
encore amplifiée.
Après le « tir sur la peau », les chasseurs se dirigent vers le carrefour
rituel où ils retrouvent le canari rouge caché entre les feuilles. Ils
l'arrosent ensuite avec le sang des animaux sacrifiés, les deux coqs et le
bélier. Ces offrandes sont adressées au sînbon décédé afin de le
convaincre de quitter définitivement le monde terrestre et de laisser en
paix les vivants, aussi bien ceux de sa famille et que ceux de la
confrérie. De la position au sol des moitiés de colas rouges lancées en
l'air et des coqs sacrifiés, l'on déduit si le défunt accepte ou non ces
sacrifices. Le chef des chasseurs allume alors les braises apportées du
village qui se trouvaient durant la nuit de cérémonie au centre du

36 Le choix de la direction géographique n'est pas arbitraire, mais relève de


l'organisation spatiale cynégétique. Cette question fera objet d'un autre article
en cours de rédaction.
37 Y. T. Cissé (1994 pp. 154-158) y voit une pantomime masquée. J. Hellweg (2001)
ne mentionne pas de golo bon. En revanche, la description de la cérémonie de G.
Cashion (1984 p. 231) est proche de celle de Y. T. Cissé, sauf que, selon le
chercheur américain, elle prend place à la fin du cycle funéraire entier et est suivie
d'un repas communautaire au carrefourrituelet des pas de danses exécutés en
reculant.
38 Le fait que la peau doive être retournée est sûrement significatif, mais à l'étape
actuelle de mes recherches, je manque d'éléments permettant d'interpréter cette
donnée.
PAROLE, ACTION ET OBJET 213

cercle . I l réchauffe le canari et on passe à la partie suivante du rituel,


nommée « cassage du canari » (daga te), qui consiste en un tir sur le
canari afin de le briser. Pour cette tâche, le meilleur tireur et le
meilleur fusil sont choisis, le trou du canari est dirigé dans la direction
du tireur. La fumée de ce tir ne doit sous aucun prétexte partir dans la
direction du village puisqu'elle y apporterait le malheur, les maladies et
la mort. C'est la raison pour laquelle on retarde parfois le tir, en
attendant une orientation convenable du vent. Entre-temps la viande
des animaux sacrifiés est préparée et consommée par les membres de la
confrérie près du carrefour rituel. C'est ainsi, par la destruction de
Pobjet-clé et par la consommation par les membres de la confrérie de
la viande des animaux sacrifiés, que se terminent les actions rituelles
des funérailles d'un grand chasseur. On retrouve ainsi l'alternance,
récurrente dans le chant, entre la destruction et la consommation,
entre la mort et la vie, dans un monde où les places du vainqueur et du
vaincu ne sont jamais acquises.
La brève description du cycle des cérémonies funéraires a, certes,
permis de déterminer le contexte du chant présenté au début de ce
texte, ainsi que d'appréhender de manière plus approfondie la symbo-
lique de la cérémonie funéraire. Néanmoins, i l semble prématuré de
tenter de conforter ou de délaisser les hypothèses proposées supra ou
même de se prononcer de manière plus générale sur le sens de ces
rituels sans prendre soin de revenir sur quelques points essentiels. I l
paraît, en l'occurrence, impossible d'analyser davantage la symbolique
de l'objet central des funérailles, le canari rouge représentant les forces
vitales (jiama) du défunt, sans se pencher d'abord sur son contenu et
les formules prononcées pendant qu'on le remplit. Pour pouvoir entrer
dans ces détails, i l est indispensable de décrire d'abord la « théorie
énergétique fondée sur la notion de pama » - comme l'appelle J.-P.
Colleyn (2004 p. 9) - qui soutient la vision du monde malinké.

4. É n e r g i e
Au sujet de pama, J.-P. Colleyn (2004 p. 9) constate :
Signifiant flottant, comme le mana polynésien (...) il sert à la fois à
désigner une force secrète et mystérieuse et à combler le vide logique, en
permettant, en quelque sorte, d'affirmer à la fois la présence et l'absence de
Dieu et à médiatiser les relations sociales. Pour une bonne part, l'activité
rituelle consiste à canaliser le pama, à l'attirer, à le détourner, à le stocker.

La caractéristique et la nature du sacré dans la cosmogonie bamanan


et dans l'univers cynégétique méritent une fine et ample analyse qui

39 Ces braises ne peuvent faire l'objet d'aucun d'autre usage ; après la fin de la
cérémonie publique elles sont donc transportées au carrefour rituel.
214 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

dépasse le cadre de cette étude. I l n'en reste pas moins que la notion de
pama peut être définie comme centrale, et liée directement à tous les
rites, y compris donc les rites cynégétiques . Pour appréhender les
40

raisons de l'importance qui lui est conférée, i l faut au préalable revenir


sur sa définition. F. M . Sidibé (2001 p. 314), en résumant et com-
plétant les travaux de G. Dieterlen et de Y . T. Cissé (1972), décrit la
religion bambara comme constituée autour de trois entités métaphysi-
ques (Fâro, Bènba ou Fènba, Musokôrôni) dont chacune fournit à
l'homme un de ses principes vitaux. Selon cette conception, le pama
est une transformation du flux caractériel, tere, qui représente
l'élément de Fènba.
F. M . Sidibé (2001 p. 314) indique sa place dans l'imaginaire
cynégétique :
De tous ces principes, celui qui influence le plus la conception religieuse des
chasseurs est bien le tere. (...) Il est commun à tous les êtres animés et inanimés et
dés qu'intervient la mort pour le vivant et la destruction pour les êtres inanimés
ou alors un tort quelconque, le tere devient pama 'flux néfaste'. Ainsi détaché de
son support naturel, le tere devenu pama se comporte comme une force
vengeresse, maléfique et destructrice (...) qui agit au nom de l'offensé (hommes,
animaux, végétaux) sur l'offenseur en annihilant brutalement ou progressive-
ment ses capacités psychiques, intellectuelles, sa force de création et de procréa-
tion ou en le tuant

Dès lors, on comprend que les chasseurs sont exposés davantage que
d'autres groupes sociaux à affronter le pama puisque, de par leur acti-
vité professionnelle, ils le déclenchent. N'étant pas, pour autant,
supposés échapper à tout danger potentiel, contrairement aux gens de
castes, insensibles aux préjudices de pama (F. M . Sidibé, 2001 p. 314),
les chasseurs mettent alors en place leurs moyens de protection. Les
techniques et procédures rituelles comme le recours aux plantes et à
des formules magiques assument cette fonction. Malgré tout ce qui
41

est mis en œuvre, i l est fort possible que les forces vengeresses du gibier
exterminé poursuivent le chasseur durant sa vie et ne disparaissent
même pas à sa mort. C'est pourquoi - chasseurs et chercheurs étudiant
la question s'accordent tous sur ce point - un procédé complémentaire
doit exister permettant de rétablir l'équilibre énergétique. Tel est
l'objectif du cycle de sînbonnasi célébré afin d'anéantir à la fois les
forces vengeresses du gibier et celles qui pourraient être déclenchées
par une conduite sociale imparfaite de la part du défunt . 42

40 Cf. par ex. Y. T. Cissé (1994 p. 88), G. Cashion (1984 p. 227).


41 Lônko, gundo, kirtsi (malinké).
42 Ces dernières forces sont aussi nommées kada (malinké) et kara (bambara), et
elles recouvrent un champ sémantique proche de la notion bouddhiste du karma
avec cette différence, que les conséquences de tous les actes selon les Malinké ne
PAROLE, ACTION ET OBJET 215

Il est évident qu'ôter la vie, semer la mort, est un acte grave et


lourd de conséquences. Verser le sang, substance par excellence chargée
d'une forte connotation symbolique , n'est pas bénin. Par ailleurs,
43

comme le mentionnent J.-P. Colleyn (2004) et F. M . Sidibé (2001),


l'univers des relations sociales et le cosmos énergétique paraissent
étroitement liés, voire imbriqués, et, donc, un manquement aux règles
de bienséance engendre un dérèglement des forces physiques et spiri-
tuelles. On relève, selon mes données du terrain, que ces forces
néfastes peuvent aussi se libérer lors d'un acte sexuel avec une épouse
légitime . Sous peine de concevoir un tel acte comme un affronte-
ment, une lutte , dans laquelle on distingue un agresseur et l'offensé,
l'interprétation de la présence de pama dans ce contexte suggère
qu'une réinterprétation du champ sémantique de cette notion pourrait
être envisageable. La transformation du flux vital neutre en force
maléfique intervient lors de la tentative, légitime ou non, de
l'appropriation par un autre de cet être ou objet. Aussi, chaque prise de
possession paraît dangereuse et le risque augmente au fur et à mesure
que l'on progresse dans l'échelle énergétique des « proies » visées.
Ainsi, et certaines traductions du mot pama le confirment, cette
46

notion pourrait s'identifier au sacré, à une puissance, à l'énergie per-


mettant de classifier un objet comme fort ou un animal comme sacré
(J.-P. Colleyn 2004 p. 1). Tout semble alors indiquer que le chasseur
doit être considéré comme « l'être fort » dont la disparition suivie
d'une nouvelle distribution des forces nécessite un traitement symbo-
lique élaboré. Tout se passe comme si la société devait essayer de
s'approprier le mort qui disposait tout au long de sa vie d'un statut
symbolique particulier, de l'absorber afin de libérer la place pour de
nouveaux chasseurs...
Les funérailles des chasseurs malinké s'inscrivent donc dans le cadre
du rétablissement d'un ordre social et énergétique (cosmique) mis en
péril par le surgissement de la mort, ce qui rejoint la définition du rituel
de V. Turner (1990). Plus précisément, puisqu'il est question d'un
rituel appartenant au complexe symbolique et social du deuil, on peut,

retombent pas sur l'individu dans sa future existence, mais sur les membres
vivants de sa famille.
43 F. Héritier (1996), M. Douglas (1970).
44 En fait, on considère que les humains, et plus fréquemment les femmes, peuvent
posséder le pama dans certaines parties de leur corps. À la différence des forces
vengeresses des animaux qui se déclenchent toujours à leur mort, le pama des
humains agit dans des situations de conflit alors que la personne qui les dégage
est vivante.
45 Ce qui semble en partie confirmé par la nomination de l'acte de défloration (keîe)
renvoyant à la notion de « lutte » et de « guerre » ; information orale de J. Dérive.
46 Par ex. chez G. Cashion (1984 p. 275)pama daga « sacred pot » ; sur le terrain j'ai
assisté à l'interprétation : pamama mapan « serpent sacré ».
216 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

suivant ainsi les hypothèses très intéressantes de R. Rosaldo (1994),


les considérer en tant que schémas de réaction mis en place par la
société afin de maîtriser et de canaliser les émotions individuelles et
collectives suscitées par la mort. De sorte qu'on assiste - et cette
définition serait conforme aux réflexions de J. Grotowski (1995) - à
une sublimation de l'énergie et à sa purification par l'action et le chant
rituels. Autrement dit, pour reprendre la réflexion de C. Geertz (1973),
le rituel constitue un véhicule permettant de transposer les mythes, et
donc les fondements logiques du système culturel, en expérience vécue,
lui rendant ainsi une cohérence. Comme je l'ai formulé en résumant les
théories les plus importantes, le rituel peut être défini en tant que fait
social total ayant pour objectif de provoquer une manifestation d'une
réalité autre, fondamentale, afin qu'elle renouvelle les forces vitales du
sujet et du groupe, qu'elle redéfinisse les relations entre les membres de
ce groupe, et qu'elle légitime l'existence de la société par la mise en
scène (c'est-à-dire par une expérience vivante et concrète) des
constructions de sens contenues dans ces mythes. (A. Kedzierska,
2004).
Cette définition reste pourtant à un tel niveau de généralité qu'elle
ne permet pas de répondre aux problèmes posés par la présente
analyse. Tout en acceptant l'idée que le rituel exerce un rôle régulateur
sur le plan symbolique et social, i l serait intéressant de savoir comment
il le remplit. Cette interrogation concerne par ailleurs de près le thème
de l'efficacité symbolique.
Le cycle cynégétique funéraire entier consiste à jouer à plusieurs
reprises, à répéter presque à l'infini, la destruction définitive de la
puissance du chasseur décédé. Comme si l'on supposait que le mort
n'est pas irréversiblement disparu, on anéantit de nombreux objets
symboliques, comme la peau d'un animal ou le canari rouge, on évoque
son « envol » dans l'au-delà, et l'on figure par l'expression kundan-
sogo la mort irréversible. Qu'essaie-t-on au juste de détruire si
obstinément et en usant de tant de procédures multiples ? En quoi
cette destruction est-elle vitale pour la communauté ? L'analyse plus
minutieuse de l'objet et de l'action rituels s'impose pour déterminer le
sens de l'annihilation des objets symboliques ainsi que leurs connota-
tions véritables. On pourrait également se demander en quoi
l'existence et la composition de l'objet symbolique sont détermi-
nantes. La transformation et la gestion de l'énergie sociale et
psychique ne peut-elle avoir lieu sans la matérialisation, la cristallisa-
tion dans un objet ou une série d'actions, de rites, de paroles, sans
image ?
PAROLE, ACTION ET OBJET 217

5. Parole, action et objet


Le rôle fondamental de l'objet-clé des rituels funéraires des
chasseurs malinké est joué, nous l'avons vu, par un petit canari rouge
de terre crue. I l paraît donc assez surprenant que ni G. Cashion, ni B.
Camara ni Y . T. Cissé ne donnent aucune précision à propos de son
contenu, se contentant d'expliquer que dans ce récipient l'on recueille
te» forces néfastes du sînbon décédé. Seul J. Hellweg (2001 p. 194)
décrit de façon intéressante et détaillée la symbolique des matières qui
y sont placées, soulignant même l'importance de cet élément qui, à
son avis, peut être interprété comme une métonymie du cycle entier.
Sa version diffère des données que j ' a i pu récolter sur le terrain, néan-
moins elle mérite d'être évoquée pour sa valeur de témoignage de
première main et puisqu'elle éclaire la symbolique de la veillée
funéraire des chasseurs. Selon cet auteur, le sens profond des funérailles
consiste en un sacrifice. I l s'agit, en facilitant l'entrée du double v i t a l47

du chasseur dans le monde des esprits, d'attirer la fortune sur ses


proches et les membres de la confrérie. On retient donc, parmi un
ensemble rituel complexe, des sacrifices d'animaux et les épisodes
mettant en scène le canari, en l'occurrence « le remplissage du
canari », « le retournement du canari » et « le cassage du canari » qui
se déroulent comme décrits dans mon texte et dans ceux des auteurs
cités. Les chasseurs de la région d'Odienné, où J. Hellweg a mené ses
recherches, placent dans le canari à renverser une petite quantité de
nourriture composée de fonio, de fruits, d'oignons et de viande fumée.
À l'intérieur, du canari peut également se trouver une petite quantité
de riz, de millet, de maïs, d'ignames, d'arachides et d'ignames sauvages.
Toutes ces substances symbolisent la prospérité et le bien-être de la
communauté à travers les produits des principales activités assurant ses
ressources alimentaires : l'agriculture, la cueillette, la chasse et Je
commerce (J. Hellweg 2001 pp. 195-196). Dans le rituel terminant le
cycle funéraire intervient une partie nommée « soulèvement du
48

canari » (dagalawuli) lors de laquelle l'objet renversé est soulevé pour


vérifier si la nourriture qu'il cachait a pu rester en place. Sa disparition,
causée probablement par les insectes ou les animaux domestiques, est
interprétée comme le funeste présage d'un malheur ou de la famine
menaçant la communauté. En revanche, si la nourriture se trouve
préservée, on considère que la famille du décédé ainsi que les autres
chasseurs auront pour eux la fortune, la prospérité et la chance.
On constate ici que le canari à la fois matérialise les forces néga-
tives et mortifères du défunt et est rempli de substances nourricières ; i l
contient des émanations du passé et permet de prévoir, de préparer

47 Ja (malinké) ; chez Y. T. Cissé (1994) dya, dans la transcription de J. Hellwea


(2001) ya.
48 Dans la région étudiée par J. Hellweg (2001X ce rituel porte le nom de kozi.
218 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

l'avenir. L'oscillation incessante entre la fécondité, la vie, la création,


et la mort, la destruction, la consommation, entre la viande animale
en tant que nourriture, et la viande humaine, le cadavre du chasseur,
semble constituer un schéma fondamental pour les rituels funéraires
cynégétiques malinké. La description de J. Hellweg paraît donc confor-
ter nombre de propositions interprétatives avancées lors de la traduc-
tion ainsi que l'analyse des paroles de L'Envol. Elle suggère également
que la notion de sacrifice reste indispensable pour appréhender ces
rituels. I l convient alors de préciser de quel sacrifice il est question :
qui, au juste, sacrifie quoi et pour qui? Comme on s'en souvient, dans
la quatrième strophe de L'Envol, l'arbre néré symbolisait en quelque
sorte le sacrifice que le chasseur fait de lui-même en acceptant
d'endurer la faim, la soif et la fatigue. Lors des funérailles, au
contraire, ce sont la famille et la confrérie qui assument les dépenses et
la fatigue, récompensant ainsi le chasseur décédé. Pendant le cycle
entier on procède à de nombreux sacrifices d'animaux adressés au
défunt mais également aux divinités tutélaires de la chasse. Ils sont
effectués sur l'autel où est aussi déposé le canari qui, en tant que
récipient qui contient les forces maléfiques du défunt chasseur, le
représente. Multiples sont donc les êtres sacrifiés, mais au fond, ne
figurent-ils pas un seul sacrifice fondamental, se rapprochant des
grands thèmes mythiques des mystères de passion d'une part et de
l'autre de la conception de la transformation cosmique des êtres si
proches des Malinké ? Le véritable sacrifié, le chasseur lui-même,
49

acquiert-il dès lors une vertu expiatoire ou une sorte de trans-


cendance ?
Les remarques de S. Camara (1982) concernant le sens profond des
récits de chasse semblent apporter une confirmation de ces
hypothèses. S. Camara souligne que dans de nombreux récits le
chasseur meurt au même moment que son ennemi, l'animal qu'il essaie
de tuer. Cette étrange coïncidence est pour lui l'indice qu'il ne s'agit
pas en réalité de deux adversaires mais plutôt d'un être affrontant son
double, son ombre dans le sens jungien de terme. La frontière entre les
deux semble floue, incertaine, la mort de l'un entraîne la disparition de
l'autre. En acceptant ou même en recherchant son anéantissement, le
chasseur avance sur la voie de l'accomplissement personnel. La mort
étant un passage obligé sur le chemin vers la transcendance, i l doit
mourir pour revivre plus souverain. Le sacrifice de soi-même est un
élément indispensable de ce schéma. L'hypothèse se trouve aussi
confirmée par la version de l'histoire de Manden Mori rapportée par J.
Hellweg (2004) dans laquelle le sacrifice de soi permet au héros de
transcender la mort et de devenir omniprésent et tout-puissant protec-

49 II s'agit de la notion de yelema.


PAROLE, ACTION ET OBJET 219

• eur de tous les chasseurs . On retrouve, semble-t-il, des traces de


50

cette conception ésotérique dans les rituels cynégétiques ici décrits si


on s'accorde à reconnaître que Pobjet-clé de ces rituels n'est qu'une
incarnation de l'humain décédé.
Pour approfondir ces réflexions i l est nécessaire de donner la
description du « remplissage du canari » que j ' a i recueillie sur le terrain.
La connaissance détaillée de cette partie du rituel est réservée au chef
des chasseurs et reste inaccessible aux jeunes chasseurs puisque la
personne qui la détient n'est plus capable de tuer le gibier. Aussi je me
trouve dans l'obligation de déconseiller la lecture de la suite de ce texte
i d'éventuels lecteurs qui seraient membres de la confrérie et
souhaitent préserver une activité cynégétique.
Avant « le remplissage du canari », le chef des chasseurs se procure
sept tiges issues de deux arbres nommés simsun fin et sunsun j e " ,
51 52

et les attache ensuite avec une ficelle tressée selon le rite et nommée
« l'intestin du chien » (wulu nogo ). Lors de cette opération, en
}4

faisant les nœuds, i l chuchote la formule dont le texte dépend de la


55

conduite sociale du décédé. Si celui-là était un bon chasseur et un


homme digne et honnête, il dit :
Tu hisimila
So ka drya
Kungo ka goya
Kungo ka goya
So ka drya

Au nom de Dieu
Que la maison (te) soit douce
Que la brousse (te) soit désagréable
Que la brousse (te) soit désagréable
Que la maison (te) soit douce

50 « According to Odienné dozos, Manimory sacrified his first wife and his second
wife's son in the forest before vanishing later on the same spot in kind of self-
sacrifice. As a resuit, he became omniprésent and all-powerful in the forest, where,
to this day, he helps those hunters who remain faithfu! to their initiatory vows.»
J. Hellweg (2004 p. 10).
51 Lestigessont de même taille que le canari.
52 Annona glauca.
53 Diospyros mespiliformis.
54 Wulu nugu (bambara). En fait, le cordon est comme composé de petits anneaux
formant ainsi une sorte de chaîne. Le chien, fidèle compagnon et allié traditionnel
du chasseur n'échape pas à certaines trahisons de la part de son maître, se
trouvant parfois sacrifié, et représentant alors à son tour une nouvelle image du
sacrifice du chasseur. H est aussi sacrifié dans certaines sociétés secrètes comme
le Komo où, selon nombre d'auteurs, il figure le sacrifice humain. Cf. Y. T. Cissé
(1994 p. 107), S. Camara (1982 pp. 190-205).
55 Krisi (malinké), kilisi (bambara).
220 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

Dans le cas où un conflit persistait entre le défunt et la confrérie, le


chef des chasseurs désapprouvant le comportement et les valeurs
éthiques du décédé, la formule change. Dans tous les vers, seul l'adjectif
« désagréable » (goya) est utilisé, manifestant le souhait du chef des
chasseurs de rendre tous les endroits insupportables au mort, de
l'exclure définitivement de tous les espaces possibles. Le texte semble
non seulement suggérer une existence post-mortem du stnbon, mais i l
la localise. Deux espaces sont alors évoqués, qui reprennent les deux
lieux de vie réelle du décédé, le village et la brousse. Paradoxalement,
on recommande au chasseur dont on approuve la conduite l'espace
villageois comme le lieu propice du séjour après la mort La
symbolique spatiale paraît donc absolument essentielle pour appréhen-
der le sens des rituels funéraires cynégétiques. Elle exige pour être
pleinement comprise une analyse approfondie qui ne peut pas être
entreprise immédiatement et qui fera l'objet d'un autre texte en cours
de rédaction. Suggérons simplement ici que le chasseur reste de son
vivant essentiellement attaché à la brousse, d'où son statut particulier,
et que sa re-intégration ou son rejet définitif de l'espace social du
village dépend de ses qualités et de son comportement. Ici, la formule,
adresse directe au chasseur mort, est prononcée lors de la fixation des
tiges végétales à l'intérieur du canari. Après avoir placé ces tiges dans
le récipient, le chef des chasseurs les couvre par deux autres tiges
croisées plus longues provenant de n'importe quel arbre. Leur fonction
consiste à bloquer ainsi le contenu à l'intérieur du canari.
Il est peut-être nécessaire d'ajouter que dans l'univers malinké
chaque être a sa « bonne étoile » , son destin. Lorsqu'on commence à
56

le connaître, on peut alors attribuer un arbre (jiri) à l'individu. La


plupart des villageois ne possèdent pas le savoir suffisant pour
découvrir leur « bonne étoile », néanmoins, la géomancie peut leur en
faire prendre conscience, les aider à trouver l'arbre, et leur permettre
d'en tirer ensuite un bénéfice pratique en l'utilisant à des fins médicales
ou pour conjurer la malchance. Dans ce contexte, i l ne paraît pas
étonnant que lors des funérailles des chasseurs, par définition fins
connaisseurs des plantes, la personne humaine soit figurée par des tiges
végétales. Une autre question mérite pourtant l'attention. Les noms de
deux types d'arbres utilisés dans le rite contiennent une allusion
explicite aux couleurs: blanc (JE) et noir (fin). Ils sont supposés
représenter les deux teints de la peau humaine". Un rapprochement

56 Lolo (malinké), dolo (bambara).


57 Selon le chef des chasseurs avec qui je me suis entretenue, l'arbre nommé
« sunsun noir » (swaunfln) symbolise les personnes à teint sombre (mogofin)et
l'arbre nommé « sunsun blanc » (sunsun je) représente les personnes à teint clair
(mogo je). Il est vrai que c'est, en effet, le teint de la personne, qui sert souvent au
spécialiste-herboriste d'indice pour définir l'arbre de son client
PAROLE, ACTION ET OBJET 221

avec la pierre blanche et la pierre noire qui forment le lieu sacré du


sanctuaire (kamablon) de Kangaba , un des plus importants et anciens
58

dans la zone culturelle mande, s'impose. Malheureusement, on ignore


la symbolique exacte de ces pierres". I l semble tout de même
intéressant que l'on retrouve une allusion au sanctuaire dans l'un des
chants funéraires considéré comme le dernier adieu au maître
60

chasseur mort. C'est donc le végétal qui incarne l'homme, le chasseur


mort. I l est placé dans le canari et arrosée du sang du poussin sacrifié
pour être à la fin détruit.
L'humanisation d'un végétal ou la représentation de l'homme sous
forme végétale n'a rien de surprenant pour un anthropologue . I I 61

paraît aussi assez fréquent que les actions rituelles soient exercées non
sur les matières « premières », dans notre cas, sur le corps du défunt,
mais sur l'objet symbolique confectionné à cet usage, son image en
quelque sorte. M . Taussig (1993) revisitant la conception de
l'efficacité symbolique, reconnaît pleinement cette propriété
« magique » de l'image qui permet à l'homme de transformer la réalité
par la re-création et l'acte effectué sur son « double » mental, verbal,
graphique ou matériel. I I est ici question moins de foi, de conviction,
de suggestion comme l'aurait soutenu C. Lévi-Strauss (1958) que de la
perception, de la mise en relation par l'action, car, comme l'écrit M .
Taussig (1993 p. 21) : «voir ou entendre quelque chose c'est être en
contact avec cette chose ». On retrouve alors le problème de la magie,
de la définition du réel opposé à l'apparence, la production, la fabrica-
tion. Or, ces frontières fortement ancrées dans la pensée occidentale
semblent aussi peu opérantes dans l'interprétation de la culture orale
que l'était la distinction entre paroles, actes et objets dans l'analyse du
rituel.
Commentant le sens profond du rituel S. Camara (1994 p. 34)
écrit :
Le rituel dramatique est d'abord un mystère qui ramène les hommes à leur
nature spirituelle originaire invisible. Réduisant indéfiniment la distance qui
sépare l'absent du présent, le mort du vif, le monde de l'homme, la limpide
subtilité de rime de l'envasement des corps, il tente de faire les hommes
semblables aux dieux.

58 Y. T. Cissé (1994 p. 131, dans la note).


59 On peut néanmoins supposer qu'elles restent en relation avec le mythe
mandingue de Genèse résumé dans G. Dieterlcn (1951) et Y. T. Cissé (1972).
60 L'hymne des grands chasseurs : donso baw ka dunun kan.
61 Cf. par ex. B. Myerhoff (1974); donnée bien confirmée dans les systèmes
religieux amérindiens. Néanmoins, la catégorisation du monde et la
conceptualisation des règnes végétal, animal, minéral et humain chez les Malinké
diffère sûrement des conceptions mentionnées; une étude approfondie de ce
sujet serait intéressante.
222 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

Ainsi, suivant ses intuitions, on pourrait conclure que c'est plutôt le


monde terrestre qui doit être considéré comme le monde des appa-
rences,
la vaste scène des 'faire-semblant' où les hommes agissent comme s'ils ne
devaient jamais mourir. Or, les sages parmi eux affirment que la vie sur la
terre Mahamba n'est qu'un moment de villégiature sumundula 'lieu de
distraction' que traverse la grande voie du retour au 'lieu d'établissement
étemel'. (S. Camara, 1994 p. 22).
Cette vision semble confirmée par l'analyse de l'enseignement du
Komo, dont l'une des leçons nous apprend que « l'univers [la vie] est
un leurre de soi-même et un leurre de nous-mêmes [et par nous-
mêmes ; un leurre collectif) » . Même si le point de vue exprimé à
6 Î

propos des cantiques du Komo par M . Taussig et par S. Camara n'est


pas te même , tous s'accordent que la frontière entre ce qui est et ce
63

qui paraît semble plutôt relever d'un choix idéologique. La perfor-


mance rituelle des funérailles et le jeu de la vie quotidienne sont
plongés tous les deux dans la même comédie humaine. R. Schechner
(1993) analysant la conception du rituel et de l'imaginaire hindouistes,
soulignait la notion d'illusion, souveraine et globalisante. Les Malinké
seraient probablement proches de cette vision, conscients de la véri-
table signification du proverbe « Le jeu et le sérieux cela fait deux » 6 4

et où le jeu est volontiers identifié à ce qui nous est donné à voir.


II reste, néanmoins, quelques questions pertinentes dont
Pélucidation serait souhaitable. La question de l'efficacité symbolique
mise à part, on peut se demander pourquoi on tente à plusieurs reprises
et de manières diverses tout d'abord de conserver et ensuite de chasser
hors du monde villageois le double symbolique du chasseur mort. I l
paraît justifié de dire qu'apparemment, la mort en elle-même ne forme
pas une frontière ontologique irréversible séparant à jamais deux
mondes distincts. Ainsi, le rituel marque cette frontière. En même
temps, il faut revenir sur l'hypothèse selon laquelle le chasseur, même
avant sa propre mort, appartiendrait à un monde ténébreux et
souterrain. Cela semble confirmé par le fait qu'il est représenté comme

62 G. Dieterlen (1951), Y. T. Cissé (1972 p. 264).


63 Puisque, si j'interprète bien M. Taussig, il s'apparente à la philosophie
postmoderne et discute plutôt des différentes possibilités de la perception et de
la conceptualisation du monde sans accorder à l'une d'entre elles la valeur de la
réalité et sans les priver toutes, pour autant, de la capacité de l'efficacité : « With
good reason postmodernism has relentlesly instructed us that reality is artifice
yet, so it seems to me, not enough surprise have been expressed as to how we
neverthless get on with living, pretending - thanks to the mimetic faculty - that
we live facts, not fictions. » (M. Taussig 1993 p. 1), tandis que selon S. Camara
ainsi que dans l'enseignement du Komo, me semble-t-il, la réalité unique existe
mais ne se trouve pas dans le monde des apparences.
64 Cf. K. Traoré (2000).
PAROLE, ACTION ET OBJET 223

Fenfant de Saane et Kontron, à la fois ancêtres chasseurs et esprits de


• tort dont la bienveillance lui permet de tuer, de semer la destruction
«ans le monde des vivants. I l s'apparente à des animaux sacrés, comme
fe vautour ou le python, qui sont des emblèmes de la mort et de l'autre
• • onde . II se définit lui-même par son appartenance à la brousse ,
c'est pourquoi, lors du dernier rituel qui lui est consacré, on lui souhaite
• B bon retour à la maison. Le chasseur se trouvant en marge de la
société de son vivant, peut faire l'objet d'une re-incorporation dans
cette société lorsqu'il est décédé, si sa conduite sociale reste
ineprochable. Ainsi on rejoint encore une fois le clivage discerné par
Lévi-Strauss entre les sociétés à tendance « phagique », celles qui ré-
intègrent les individus détenteurs de forces redoutables et sociétés à
tendance « émique », celles qui les expulsent. Dans le cas malinké, il
s'agit en réalité d'un isolement temporaire et partiel pendant
rexistence du chasseur. A sa mort, on procède à sa re-intégration au
nwnde des humains qui n'est pourtant pas définitive, mais nécessaire
pour pouvoir ensuite procéder à la célébration de son départ ultime, de
son « envol » comme « l'oiseau des jours sans fin » dans l'au-delà
lointain. Ce mouvement à double vecteur paraît indispensable pour la
communauté qui sait que ce n'est pas la mort « d'un grand serpent »
• M ÏS les conséquences de cette mort qui sont difficiles à assumer.
D'une certaine manière cette société, tirant auparavant les bénéfices
écs activités du chasseur, est, elle-même, responsable de cette place à
part qui lui a été accordée et de ce fait de toutes les forces néfastes que
m vie et sa mort pouvaient déclencher. Mais l'annihilation du pama
«n chasseur est entreprise « moins parce qu'il est nocif pour l'homme
«ne parce qu'il revivifie et conforte la brousse. » Aussi le
• établissement de l'ordre cosmique et social consiste à restaurer
«l'équilibre entre la maison et la brousse » (Y. T. Cissé 1994 p. 158).

Conclusion
Le chasseur, de son vivant, jouit dans la société malinké d'un statut
particulier et ambivalent Tout en reconnaissant son rôle nourricier,
protecteur de la communauté et sa fonction de héros fondateur des
«liages malinké, la société lui attribue une place à part. Elle reste
iente que son pouvoir de vie et de mort sur chaque être le situe en
e de la condition humaine ordinaire. Lui seul déclenche des forces
^±stes en donnant la mort, lui seul traverse la frontière de l'inconnu,
la brousse profonde. Après sa mort, i l forme potentiellement un
er pour la communauté. D'où la réaction de la société qui doit à la
!z s'assurer de sa disparition définitive et s'approprier ses forces en

Cf. Y. T. Cissé (1994) ainsi que mon texte sur l'espace cynégétique en cours de
rédaction.
224 APPROCHES LITTÉRAIRES DE L'ORALITÉ

Je rc-intégrant à l'espace social. La confrérie des chasseurs détruit


minutieusement tous les résidus associés aux forces néfastes du mort -
le canari, la peau de l'animal, la fumée du tir. Mais en même temps, en
lui souhaitant un bon retour à la maison, elle l'absorbe
symboliquement, elle lui attribue une place élue parmi les membres
respectés de la communauté. Elle le situe ainsi aux côtés des autres
grands maîtres décédés, célébrés dans les chants et s'apparentant aux
figures allégoriques des premiers chasseurs. L'objectif du rituel pour la
société réside donc en l'appropriation des exploits cynégétiques du
défunt, effectuée par l'élaboration du récit. En outre, par les sacrifices
réels répétés tout au long des funérailles, par le retour au schéma
symbolique sacrificiel, et grâce au rapprochement avec l'image de
l'oiseau mythique, elle rend possible la transcendance de la mort
individuelle.
Il conviendra, dans les travaux ultérieurs, et en particulier par le
biais d'une étude approfondie du bestiaire, de l'organisation spatiale et
de la religiosité, de revenir avec prudence sur l'hypothèse de cette
absorption symbolique émergeant au cours des rituels funéraires, et plus
généralement, sur le statut à la fois central et marginal du chasseur
chez les Malinké.
La présente analyse a permis de se pencher sur le fonctionnement
du phénomène rituel dans la culture orale. Ainsi, le caractère à la fois
redondant et complémentaire des actions, des paroles et des objets
symboliques apparaissant dans les rituels analysés a été clairement mis
en évidence. Chaque élément, opérant sur un niveau différent, demeure
indispensable pour le bon déroulement de ces rituels. Chacun contribue
à former le contenu du rituel dont l'objectif consiste ici à effectuer la
transformation du statut du chasseur décédé et à assurer la digestion
symbolique de ce décès par sa famille comme par la confrérie des
chasseurs. Le recours au schéma sacrificiel permet aussi de renouveler
les fondements mythiques de la pratique cynégétique et de donner un
sens à la mort individuelle.

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