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Carlos RANALLETTI

L1 Géographie et aménagement, Université d’Angers

Cours 4 - La division sociale de l’espace : les dynamiques ségrégatives


analysées par la géographie sociale

● Pinçon Michel, Pinçon-Charlot Monique. Pratiques d'enquête dans


l'aristocratie et la grande bourgeoisie : distance sociale et conditions
spécifiques de l'entretien semi-directif. In: Genèses, 3, 1991. La construction
du syndicalisme. pp. 120-133.
● David Frantz. La ségrégation : la division sociale de l’espace dans la
reproduction des rapports sociaux. Métropole, ségrégation, fragmentation,
Oct 2011, Lille, France. halshs-00642719
● APUR. Mixité sociale et ségrégation dans la métropole du Grand Paris : états
des lieux et tendances sur 15 ans. (Février 2023) Consulté le 18 avril 2023.

Ces trois articles traitent la ségrégation sociale comme produit de l’organisation


du territoire et de la société. D’un point de vue sociologique, les articles présentent le
concept de “ségrégation sociale”, les comportements d’individus ségrégués dans les
quartiers parisiens aisés et la répartition des phénomènes de ségrégation et mixité
sociale dans l’agglomération de Paris.

Mots clés:
- ségrégation - endo-régulée

- mixité - coexistence

- symbolisme - fracture

- exo-rugulée

L’aménagement du bâti des grandes villes dans le système moderne (mis en


place par la mondialisation capitaliste) s’organise en zones, recueillant des types
d’infrastructures similaires et des individus qui interagissent entre eux
quotidiennement. Le pouvoir qui organise ces espaces, c’est-à-dire le
gouvernement, applique son pouvoir et établit la structure du territoire. Ces
aménagements de bâti sont généralement mis en place pour regrouper des individus
autour de services et institutions dont ils ont besoin quotidiennement, afin de réduire
les inégalités sociales entre ces derniers. Cependant, certains gouvernements ont
aménagé leur territoire pour marquer les différences culturelles et séparer une partie
de la société d’une autre. Dans ces deux cas, l’apparition de la ségrégation sociale
est inévitable, même si une mixité sociale est présente dans ce même territoire.
Cette ségrégation est un phénomène visible dans les deux classes sociales
principales: la classe bourgeoise et la classe modeste. On peut alors se demander
comment la ségrégation est appliquée et affecte les espaces urbains.
Afin de répondre à cette problématique, on verra tout d’abord ce que signifie
le phénomène de ségrégation sociale et le phénomène opposé qu’il provoque, la
mixité. Ensuite, on expliquera les différentes manières desquelles cette ségrégation
sociale s’inscrit dans l’espace.

I) L’explication de concept de ségrégation

1. Origine du phénomène

La ségrégation sociale est un phénomène qui affecte les grandes villes du


monde, et selon les pays elle est plus ou moins marquée. Ce phénomène
représente la séparation ou l’exclusion (dans les cas les plus marqués) d’un groupe
ethnique ou une classe sociale. Cette division se fait en fonction de l’organisation
sociale et économique de la société, selon le pouvoir de la classe dominante et la
quantité d’individus de la classe sociale plus modeste. David Frantz affirmait que «
c’est le critère du pouvoir qui produit cette séparation, suivant l’ordre social qui
organise les liens entre les agents et entre les rapports sociaux » (p. 2). Ces
politiques produisent des choix pour les individus, qu’ils devront choisir selon leur
budget et leur choix de pratique culturelle. La note de l’APUR énonce les domaines
qui provoquent la ségrégation sociale: « choix individuels ou de contraintes
structurelles, notamment liés au parc et au prix des logements, mais aussi à la
desserte en transports, aux aménités urbaines, à l’offre scolaire ou à la proximité
des lieux d’emploi. » (p. 2). Donc, l’origine de ce phénomène de ségrégation renvoie
à la création des sociétés, et l’organisation des espaces en fonction des nécessités
des différentes classes. La construction d’une société, selon David Frantz, se fait
dans trois dimensions. Tout d’abord, la production des classes sociales, étant le
résultat de l’utilisation des modes de production par exploitation, qui à son tour
établit des rapports de domination entre les créateurs de cette production et les
individus travailleurs. Ensuite, l’institutionnalisation des rapports des individus,
organisés par les Etats, les communautés et les familles, qui forment les catégories
socio-professionnelles. Enfin, les rapports entre les individus de mêmes classes et
catégories établissent des rapports entre eux, et la hiérarchie sociale de la
population devient visible.
2. Un phénomène social typique des grandes villes

Dans l’ensemble des cas de ségrégation dans une société, il existe un cas
général: il s’agit de la situation où le groupe minoritaire est écarté ou exclu de la
société, dans les aspects sociaux et spatiaux, qui est un phénomène produit par les
enjeux de pouvoir. Ce type de ségrégation est la ségrégation exo-régulée. L’autre
possible cas de ségrégation est la ségrégation endo-régulée. La classe sociale en
question a suffisamment le pouvoir pour s’écarter de la société par ses propres
moyens, en créant des quartiers privés et privilégiés dans le cas de classes les plus
aisés et des bidonvilles pour le cas des classes les plus modestes, mais ce dernier
cas est très rare en France. Le travail de Pinçon et Pinçon-Charlot témoigne d’un
cas de ségrégation endo-régulée, dans les quartiers les plus chers de Paris: « les
catégories sociales les plus favorisées, domiciliées dans les quartiers parisiens
présentant la composition sociale, et les prix immobiliers, les plus élevés » (p. 122).
D’un autre côté, il existe aussi le cas inverse de cette séparation spatiale entre les
individus d’une société. Il s’agit de la mixité, phénomène où les individus de
différentes ethnies, de différentes classes sociales et de différentes catégories socio-
professionnelles sont regroupés dans un même espace, généralement sous une
organisation aléatoire. La ségrégation est mesurée à partir de plusieurs indices,
mais le plus utilisé est l’écart de revenus entre les habitants d’une surface donnée:
plus l’écart est étroit, plus la ségrégation est importante. En forme physique (mur,
barrière, limite) ou culturelle, la ségrégation sépare ou exclut une partie d'une
société et crée un fracture milieu urbain.

II) Production d’une fracture dans l’espace

1. La ségrégation exo-régulée

Actuellement, la ségrégation en France prend la forme de ségrégation exo-


régulée. Pour l’exemple de l’agglomération de Paris, la note de l’APUR analyse la
composition de la ségrégation dans les différents territoires. L’étude montre qu’il y a
une ségrégation importante des classes plus modestes dans les quartiers de la
banlieue Nord de Paris:
« Dans les territoires de Plaine Commune et de Paris Terres d’Envol, la ségrégation
se caractérise par une concentration de ménages à faibles revenus [...] Le parc
locatif social est prédominant » (p. 8). Cette ségrégation est le résultat d'une
politique visant à accueillir des grandes populations dans des habitations collectives.
Le pouvoir local met en place une construction rapide d’infrastructures d’habitation
collective ou des lotissements de parc locatif social. Dans ce cas, ces résidences
attirent les populations les plus modestes, qui regroupent des catégories socio-
professionnelles similaires, et créent une ségrégation exo-régulée. Cependant,
tandis que dans la commune de Paris la mixité recule ou se maintient, le territoire
Paris Terre d’Envol gagne en mixité depuis 2004 selon la note de l’APUR.

2. La ségrégation endo-régulée

D’une autre part, la ségrégation endo-régulée est un phénomène plus ancien,


concernant les classes les plus riches des sociétés. Comme a été expliqué
précédemment, ce phénomène consiste à l’exclusion d’une partie de la société par
ses propres moyens, ce qui est un phénomène réservé aux classes sociales ayant
les moyens d’organiser leur territoire. Le travail de Pinçon et Pinçon-Charlot, montre
que l’endo-ségrégation apporte une identité culturelle très forte aux individus
ségrégués: « Les grandes familles et leurs membres ont de nombreuses occasions
de figurer sur les documents les plus divers, annuaires d'anciens élèves de grandes
écoles, listes des membres de cercles et clubs, liste du Bottin mondain » (p. 125).
Des codes vestimentaires et linguistiques sont respectés afin de marquer davantage
la distinction de ce groupe par rapport à la société: la ségrégation endo-régulée
marque fortement une distance sociale, dans ce cas montrant l’écart intellectuel de
cette population par rapport aux autres individus de la société, comme le sociologue.
« Le grand salon bourgeois exige une maîtrise [...] virtuosité corporelle qui ne trouve
guère à s'exercer dans les espaces réduits de l'habitat populaire, ni même dans les
espaces à peine plus vastes dévolus aux couches moyennes intellectuelles » (p.
129). De son côté, la note de l’APUR montre la distance spatiale générée par la
ségrégation endo-régulée: « Paris Ouest La Défense, le plus fort niveau de
ségrégation reflète une concentration spatiale des catégories sociales les plus
privilégiées ». Les classes plus aisées se regroupent dans des quartiers de bâti
luxueux, attribuant à ces quartiers une valeur symbolique.

Finalement, on peut dire que la ségrégation se produit dans l’espace de deux


manières différentes. Premièrement, la ségrégation exo-régulée correspond au
phénomène d’écartement d’une minorité par une classe sociale dominante au sein
d’une société, étant visible dans l’espace. Deuxièmement, la ségrégation endo-
régulée est produite par la volonté d’une minorité dominante de s’écarter de la
société et, par ses propres moyens dont elle dispose, organiser son territoire à sa
volonté.
Pour prolonger la réflexion, on peut se demander si la ségrégation endo-
régulée des plus riches, étant un phénomène ancien et étant composé d’aspects
sociaux très traditionnels, verra sa fin dans les années à suivre, sachant que la
modernité avance rapidement depuis le XXIe siècle.

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