Vous êtes sur la page 1sur 24

Fragmentation

urbaine

Cet article est une ébauche concernant


la géographie, la sociologie et
l’architecture ou l’urbanisme.

Vous pouvez partager vos


connaissances en l’améliorant
(comment ?) selon les
recommandations des projets
correspondants.
Consultez la liste des tâches à
accomplir en page de discussion.

La notion de fragmentation urbaine fait


son apparition dans les années 1980 et
vient se substituer à celle de ségrégation
dans les études de la ville, sans pour
autant avoir exactement le même sens[1].
Cette notion propose une analyse à une
échelle plus individuelle que celle de
ségrégation[2]. La fragmentation urbaine
se traduit par la création de barrières
physiques (par exemple, les gated
communities) et de discontinuités
territoriales, morphologiques[3].
La fragmentation spatiale est un
processus qui conduit à la création de
discontinuités, de perte de cohérence
entre les différentes parties de la ville, qui
peut notamment passer par un manque de
liens de communication entre elles.

Fragmentation urbaine et
processus liés à la
mondialisation
L'identité sociale portée par la ville, objet
spatial, éclaterait pour laisser place à des
petits fragments urbains sans cohérence
d'ensemble. Cette perte d'un sens global,
du « tout organique » de la ville, apparaît
liée à l'accroissement de la précarité et
des écarts sociaux causés par le passage
à une économie post-fordiste[4] et à la
métropolisation[5]. Pour la sociologue et
économiste néerlando-américaine Saskia
Sassen, la fragmentation de l'espace
urbain dans les métropoles traduit en effet
l'accentuation des disparités entre les
populations intégrées aux processus
mondiaux et les populations plus
précaires, qui ne peuvent pas être
pleinement intégrées à la ville du fait de la
faiblesse de leurs ressources[6].

La question de la fragmentation spatiale


soulève donc un paradoxe de la
mondialisation : alors que les villes sont
de plus en plus mondialisées (circulation
de travailleurs, d'informations, de
capitaux…), les espaces urbains se
morcellent, se spécialisent, et les
différents groupes sociaux qui y vivent se
replient sur eux-mêmes[7].

Selon Françoise Navez-Bouchanine, la


fragmentation — et l'absence de référence
à la société globale qu'elle induit de la part
de groupes éclatés — s'exprime à
différents niveaux : social, économique,
culturel, politique et administratif.

Fragmentation sociale
Définition

On observe aujourd'hui dans les


métropoles un processus de
différenciation socio-spatiale, qui entraîne,
d'après les sociologues français Michel
Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, la
formation d'un « patchwork de groupes
sociaux »[8] (les groupes sociaux sont
juxtaposés, sans interagir et sans qu'il
existe entre eux une réelle cohérence dans
l'espace urbain). Les différents groupes
sociaux vont se répartir les espaces de la
ville, en mettant en place des stratégies
d'évitement qui participent au
renforcement du phénomène d'« entre
soi ». Les individus choisissent de se
regrouper en fonction de leur mode de vie,
de leurs revenus, de leur culture, sans se
mélanger. La ville apparaît alors comme
un ensemble discontinu, polycentrique et
fragmenté.

La fragmentation urbaine est


particulièrement observée aux États-Unis,
où les stratégies d'autoenfermement (F.
Madoré, 2004) se multiplient. En effet,
dans ce pays, la division sociale de la ville
se matérialise par la création de quartiers
fermés, les « Gated communities ». Il s'agit
d'un genre d'« enclave résidentielle » aux
interactions restreintes avec le reste de la
ville, et au sein desquelles l'homogénéité
sociale est forte[9].

Ségrégation et fragmentation : deux


phénomènes différents ?

L'existence d'une réelle différence de


définition entre les notions de ségrégation
et de fragmentation urbaine ne fait pas
consensus au sein de la communauté
scientifique.

Pour certains auteurs, il n'existerait pas de


réelle différence entre les deux termes : la
« fragmentation urbaine » ne serait qu'un
euphémisme[6] pour désigner la
ségrégation spatiale. Les deux termes
recouvreraient donc la même idée.

Pour d'autres, la notion de fragmentation


spatiale permettrait une analyse plus
adaptée aux processus contemporains de
différenciation socio-spatiale que celle de
ségrégation, popularisée par les
chercheurs de l'École de Chicago. L'étude
de la fragmentation urbaine permettrait
notamment une meilleure prise en compte
des liens sociaux[7]. Elle permettrait de
mieux décrire les nouvelles formes de
division sociale, ainsi que la diffusion de
ce que F. Madoré appelle les "stratégies
d'autoenfermement".
L'exemple de Paris
La gentrification, qui désigne un processus
d'embourgeoisement des quartiers
populaires qui passe notamment par une
mutation de l'habitat, de l'espace public et
aussi des commerces[10], est
particulièrement observable dans les
quartiers traditionnellement populaires de
Paris, la capitale française. Par exemple,
l'installation en 2014 du bistrot « branché »
La REcyclerie dans le quartier de
Clignancourt, considéré comme populaire,
témoigne bien de l'avancée du « front de
gentrification[10] » dans la capitale, avec la
constitution de nouvelles enclaves dans
les quartiers populaires, fréquentées par
des étudiants, artistes et habitants des
quartiers plus aisés, qui interagissent peu
avec les habitants du quartier[11].

Fragmentation urbaine aux


États-Unis

Los Angeles : archétype de la ville


fragmentée

Distribution des groupes ethniques en 2010 à Los Angeles, chaque point représentant 25 personnes : Blancs non
hispaniques (en rouge), Noirs (en bleu), Asiatiques (en vert) et Latinos (en jaune).
Los Angeles, deuxième ville la plus
peuplée des États Unis, est considérée par
beaucoup de géographes et autres
chercheurs (Soja, Tannier) comme le
modèle-type de la ville fragmentée. Dès
1850, la ville est déjà surnommée la
« fragmented metropolis »[12]. En effet, elle
ne possède pas de réel centre-ville :
l'étalement urbain y est particulièrement
important et dense, ce qui ne permet pas
de faire la différence entre l'espace urbain
et suburbain[13], et la ville est
polycentrique, composée de plusieurs
centres situés dans des parties différentes
de la ville et reliés entre eux par des axes
routiers.

Les gated communities, comme celle de


Leisure World  , y sont nombreuses : ces
(en)

enclaves résidentielles témoignent de la


fragmentation socio-spatiale de la ville et
du refus des populations les plus aisées
d'entrer en interaction avec d'autres
classes sociales. En effet, selon Mike
Davis, ethnologue et sociologue de
l'urbain, Los Angeles est une ville post-
moderne, où prévalent les logiques
sécuritaires[1]. Par ailleurs, le taux de
ségrégation raciale de la ville est
particulièrement élevé : les ethnies
semblent se partager entre elles les
différents quartiers de la ville. Selon Cecile
Tannier, la métropole de Los Angeles
constituerait une « ville fractale »[14], pleine
de discontinuités.

Cette fragmentation de l'espace urbain se


traduit également dans le mode de
gouvernance de la ville : la municipalité
partage son pouvoir avec 15 conseils de
districts et 70 conseils de quartiers[14] qui
forment des groupes de pression forts,
rendant difficile la mise en place de
politiques urbaines à l'échelle de la
métropole. Cette fragmentation génère
des mouvements d'opposition de type
Nimby.

La fragmentation en
architecture et en urbanisme
Utilisée par les acteurs producteurs de la
ville, la notion de fragmentation peut avoir
un sens plus spécifique : elle désigne dans
ce cas un phénomène physique visible
dans l'espace. La fragmentation
correspond alors à une coupure du tissu
urbain par des voies de communication
(autoroutes, réseau hydrographique, voies
ferrées) qui segmentent l'espace urbain et
isolent des quartiers, ce qui peut conduire
à l'émergence d'une fragmentation sociale
de la ville[7].

Voir aussi
Métropolisation
Ségrégation (sciences humaines)
Gentrification
Gated communities
Mixité sociale
Ghetto
Multiculturalisme
Exclusion sociale

Notes et références
1. François Madoré, « Fragmentation
urbaine et développement de l'auto-
enfermement résidentiel dans le
monde », L'information géographique,
2004 (lire en ligne (http://www.persee.
fr/doc/ingeo_0020-0093_2004_num_6
8_2_2940)  [archive]).
2. Marion Carrel, Paul Cary et Jean-
Michel Wachsberger, Ségrégation et
fragmentation dans les métropoles :
Perspectives internationales,
Septentrion, 2013, 354 p.
(ISBN 978-2-7574-0582-6 et
2-7574-0582-9, lire en ligne (https://bo
oks.google.com/books?id=rUyrAQAAQ
BAJ&printsec=frontcover)  [archive]),
pages 11 à 20
3. Anne-Marie Séguin, « Les quartiers :
des lieux de fragmentation ? »,
Cahiers de Géographie du Québec,
avril 2011 (lire en ligne (https://www.er
udit.org/fr/revues/cgq/2011-v55-n154-
cgq5004070/1006324ar/)  [archive]).
4. E. Dorier-Apprill, P. Gervais-Lambony,
2007, Vies Citadines, Paris, Belin.
5. Pascal Beaud, Serge Bourgeat et
Catherine Bras, Dictionnaire de
géographie, Hatier,
18 septembre 2013, 608 p.
(ISBN 978-2-218-97141-9 et
2-218-97141-0).
6. Denise Pumain, Thierry Paquot et
Richard Kleinschmager, Dictionnaire
La ville et l'urbain, Paris, Economica,
23 janvier 2006, 320 p.
(ISBN 2-7178-5224-7).
7. Catherine Rhein, Bernard Elissalde,
« La fragmentation sociale et urbaine
en débats », L'information
géographique, 2004 (lire en ligne (htt
p://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-00
93_2004_num_68_2_2939)  [archive]).
8. Michel Pinçon, Monique Pinçon-
Charlot, « Paris : une mosaïque
sociale menacée », Mouvements,
2001 (lire en ligne (https://www.cairn.i
nfo/revue-mouvements-2001-3-page-2
15.htm)  [archive]).
9. Renaud Le Goix, « Communautés
fermées (gated communities) » (htt
p://www.hypergeo.eu/spip.php?articl
e299)  [archive], sur Hypergéo
(consulté le 17 octobre 2017).
10. Anne Clerval, « Les dynamiques
spatiales de la gentrification à Paris »
(https://cybergeo.revues.org/23231)  [
archive], sur cybergeo.revues.org,
2010 (consulté le 7 novembre 2017).
11. Séverine de Smet, « Le 18e, le
nouveau Paris » (http://o.nouvelobs.c
om/pop-life/20141014.OBS2032/le-18
e-le-nouveau-paris.html)  [archive], sur
o.nouvelobs.com, 14 octobre 2014
(consulté le 7 novembre 2017).
12. (en) Robert M. Fogelson, The
Fragmented Metropolis : Los Angeles,
1850-1930 (Classics in Urban History),
Berkeley, University of California Press,
1993, 362 p. (ISBN 978-0-520-08230-4,
lire en ligne (https://books.google.co
m/books?id=T64wDwAAQBAJ&printse
c=frontcover)  [archive]).
13. (en) Edward W. Soja, Postmetropolis :
Critical Studies of Cities and Regions,
Wiley-Blackwell, 2000, 462 p.
(ISBN 978-1-57718-001-2).
14. Pauline Malet, « Villes du futur, futur
des villes : quel avenir pour les villes
du monde ? (Analyses) » (http://www.
senat.fr/rap/r10-594-2/r10-594-220.ht
ml#fnref198)  [archive], sur senat.fr
(consulté le 21 novembre 2017).

Portail de la géographie
Portail de la sociologie

Ce document provient de
« https://fr.wikipedia.org/w/index.php?
title=Fragmentation_urbaine&oldid=197375873 ».
La dernière modification de cette page a été faite
le 30 septembre 2022 à 17:53. •
Le contenu est disponible sous licence CC BY-SA
3.0 sauf mention contraire.

Vous aimerez peut-être aussi