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Linguistique cognitive

● La linguistique cognitive est une approche du langage naturel.


● Elle est issue des travaux de George Lakoff, Ronald Langacker et
Leonard Talmy à partir de la fin des années soixante dix.

● Elle considère le langage comme un instrument d’organisation, de


traitement et de transmission de l’information. Elle se penche
essentiellement sur l’analyse des bases conceptuelles et
expérientielles des structures linguistiques.

 Les structures linguistiques n’y sont pas abordées du point de


vue de leur autonomie (comme dans le cadre de la
grammaire générative, par exemple), mais du point de vue de
leur intégration dans la cognition globale, c’est-à-dire les
différentes capacités cognitives humaines.

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Linguistique cognitive

Les recherches dans le cadre de la linguistique cognitive


s’intéressent, entre autres, aux thèmes suivants :

 les caractéristiques structurales de l’organisation du


langage (prototypicalité, polysémie, modèles cognitifs
idéalisés, imagerie mentale, métaphore, etc.).

 l’interface conceptuelle entre syntaxe et sémantique (le cas de


la Grammaire Cognitive et de la Grammaire de Construction),
le contexte expérientiel et pragmatique à la base du langage en
usage (language-in-use), la relation entre langage et pensée
(relativisme linguistique et universaux conceptuels).

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Linguistique cognitive

Remarques

● La linguistique cognitive ne forme pas un cadre théorique


homogène bien défini et bien établi. C’est une théorie flexible,
toujours en cours de développement.

● Elle ne consiste pas en une théorie unique mais en un ensemble


de théories.

● Elle n’est pas pour autant hétérogène. En effet, les différentes


théories constitutives s’articulent sur bon nombre de principes
communs.

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Linguistique cognitive

La linguistique cognitive est axée sur trois postulats de base


interdépendants .

 La primauté de la sémantique dans l’analyse linguistique.

 La nature encyclopédique du sens linguistique.

 La nature expérientielle du sens linguistique.

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Linguistique cognitive

● La primauté de la sémantique est en effet un corollaire du rôle


fondamental du langage, à savoir la catégorisation. En effet, dans
la mesure où le langage sert essentiellement à catégoriser, le sens
est prioritairement linguistique.

● La nature encyclopédique du sens découle à son tour du rôle de


catégorisation du langage. Vu ce rôle, il est inutile de distinguer le
sens structural ou épistémique (sens interne au système et fermé
aux articulations extérieures) du sens encyclopédique, associé aux
formes linguistiques en termes des connaissances
extralinguistiques.

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Linguistique cognitive

● La nature expérientielle du sens linguistique implique que le


monde extérieur n’est pas objectivement reflété dans le langage.

 Le langage découpe la réalité objective en même temps qu’il


la catégorise selon les intérêts, les besoins et les expériences
de la communauté linguistique .

 La fonction expérientielle du langage conduit à considérer la


raison humaine comme déterminée par notre nature physique
et par nos expériences culturelles, individuelles et collectives.

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Linguistique cognitive

● La linguistique cognitive appartient au paradigme cognitif global,


qui rassemble toutes les approches centrées sur l’étude de l’aspect
mental du langage. Malgré tout, elle se distingue largement des
approches cognitives du type de la grammaire générative et des
linguistiques computationnelles.

 La linguistique cognitive aborde le langage selon sa fonction


cognitive, c’est-à-dire selon le rôle qu’il assure entre nos
structures cérébrales et le monde extérieur (Geeraerts, 2007).

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Linguistique cognitive

 Elle considère le langage comme un dépôt de connaissances


générales qui nous aident à comprendre les nouvelles
expériences et à enrichir les anciennes d’informations nouvelles.

 Le rôle épistémologique du langage dans la connaissance est


important.

• Pour la grammaire générative, c’est la connaissance du


langage elle-même qui est l’objet de connaissance du sujet

• Pour la Linguistique Cognitive, c’est plutôt la connaissance


du monde qui est l’objet de connaissance du sujet.

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Linguistique cognitive

● La linguistique cognitive prend le contrepied des tendances


linguistiques formelles qui prônent la dé-contextualisation de la
grammaire.

 La dé-contextualisation de la grammaire est le corollaire de deux


dichotomies : langue / parole (Saussure) et compétence /
performance (Chomsky). La première a débouché sur un fossé
entre la société et l’individu. La seconde, de par sa nature
génétique, découpe la grammaire de toute phénoménologie
sociale.

 La linguistique cognitive fait partie des tendances qui insistent


sur l’importance de re-contextualiser la grammaire, c’est-à-dire
de la réinsérer dans le cadre de l’ensemble des activités sociales
de la communauté linguistique.

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Linguistique cognitive

● La linguistique cognitive se divise en deux grands domaines de


recherche, celui de la sémantique cognitive et celui des grammaires
cognitives. La primauté de la sémantique dans l’analyse des faits
linguistiques constitue en effet leur principe de base.

 La sémantique cognitive s’intéresse à l’étude de la relation


interactionnelle entre l’expérience, le système conceptuel et la
structure sémantique encodée dans le langage.

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Linguistique cognitive

 Les grammaires cognitives se focalisent sur l’étude des


principes généraux qui relient l’organisation linguistique aux
différents aspects de la cognition générale. C’est le cas de la
Grammaire Cognitive (Langacker) et d’un ensemble de
grammaires cognitives communément appelées Grammaire
de construction (Fillmore ; Goldberg; Croft).

 Ces grammaires sont axées sur l’étude des unités basiques du


langage, à savoir les unités symboliques, définies comme
l’assemblage symbolique d’une forme et d’un sens et
communément appelées constructions.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

● La sémantique cognitive est apparue dans les années 70 en


réaction à la sémantique vériconditionnelle, issue de la
philosophie objectiviste anglo-américaine.

 La sémantique vériconditionnelle considère le sens comme


une relation objective entre les mots du système
linguistique et le monde extérieur.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 Cette façon de faire a pour défaut de ne pas reconnaitre de rôle


au langage dans l’organisation cognitive.

 La sémantique cognitive, par contre, place le langage au centre


de la cognition et du coup le considère comme une
manifestation de la structure conceptuelle dans toute sa richesse
et sa complexité. Talmy (2000 : 4) définit la sémantique
cognitive comme une recherche « sur le contenu conceptuel et
[sur] son organisation au sein du langage ».

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Sémantique cognitive : principes et fondements

● La sémantique cognitive ne forme pas une théorie unifiée ; elle réunit


plusieurs théories qui se rencontrent sur bon nombre de principes de
base. En général, toutes les sémantiques cognitives tendent à utiliser
le langage comme outil méthodologique dans l’étude de l’esprit et de
ses rapports à l’expérience et à la culture. Les principes suivants
forment le dénominateur commun de l’ensemble des sémantiques
cognitives.

 La structure conceptuelle (la représentation conceptuelle) est


de nature physique (Thèse de la cognition corporalisée).
 La structure sémantique est une sous-partie de la structure
conceptuelle.
 La représentation du sens est encyclopédique.
 La construction du sens est une conceptualisation.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 La thèse de la cognition corporalisée

L’un des objets d’étude des sémanticiens cognitivistes est


d’expliquer la nature de la relation entre la structure conceptuelle
et le monde extérieur. L’objectif est de fonder une théorie qui rend
compte de la manière dont nous appréhendons le monde extérieur.
La thèse émise dans ce cadre est la thèse de la cognition
corporalisée.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 Selon cette thèse, notre organisation conceptuelle est intimement


liée à nos expériences corporelles, c’est-à-dire aux expériences qui
impliquent le corps dans le processus de la compréhension du
monde. Par exemple, la représentation conceptuelle que nous
avons des contenants vient en effet de l’expérience que nous
avons, en vertu des propriétés du corps, des endroits fermés. Marc
Johnson (1987) appelle ce type de concepts schèmes-images.

 Les schèmes-images, d’origine physique et immédiatement liés à


nos expériences quotidiennes, ont pour utilité de structurer et de
rendre accessible des concepts trop abstraits pour être directement
saisis.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

Soit les exemples suivants :

• Il est en plein désespoir


• Il est hors d’état de nuire
• Il est entré dans un état d’euphorie
• Il a plongé dans la dépression

Selon Lakoff & Johnson (1980), on assiste dans ces exemples à une
projection métaphorique du schème-image du CONTENANT sur
le domaine conceptuel abstrait des états (désespoir, euphorie,
dépression). En d’autres termes, les domaines conceptuels abstraits
en question sont structurés en termes de la métaphore conceptuelle
LES ÉTATS SONT DES CONTENANTS.

 La structure conceptuelle est corporalisée dans la mesure où


nos expériences avec le monde extérieur passent
nécessairement par le corps.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 La structure sémantique est une sous-partie de la structure


conceptuelle

Ce principe dit que le langage ne réfère pas aux objets du monde


extérieur, mais aux concepts que le locuteur a en tête.

 La sémantique cognitive distingue entre la structure


sémantique des unités lexicales ou les concepts lexicaux (le
sens conventionnel) et la structure conceptuelle, c’est-à-dire
les concepts de notre système conceptuel.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

Cette distinction implique que les concepts linguistiques ne forment


qu’un sous-ensemble des concepts du système conceptuel, dans la
mesure où ils n’encodent pas la totalité des pensées, des idées, des
sentiments, etc.

 Par exemple, comme le note Langacker (1987), il n’existe


pas en anglais de concept lexical qui dénomme le mince
espace où poussent les moustaches.

 Certaines expressions conventionnelles du type de manquer


de mots pour…, c’est indescriptible, ineffable, etc., sont la
preuve que le langage n’encode pas la totalité des concepts
du système conceptuel.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 La représentation sémantique est encyclopédique

Ce principe prend le contrepied de la démarche dictionnairique.

 La démarche dictionnairique prévoit pour le mot un faisceau


de sens bien établis et bien finis.

 En sémantique cognitive, au contraire, le mot est considéré


comme un point d’accès au vaste savoir disponible sur un
concept ou un domaine conceptuel. On dispose, à titre
d’exemple, d’un savoir encyclopédique sur le concept
CÉLIBATAIRE. C’est grâce à ce savoir que nous savons que
certains adultes males non mariés ne sont pas des célibataires
(le cas du pape, par exemple) et que les célibataires ont des
comportements culturels stéréotypiques.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

Le rôle du savoir encyclopédique est central ; il permet par exemple


de comprendre le sens d’un énoncé en apparence contradictoire tel
que :

- Prenez garde Marie, votre mari est un vrai célibataire !

En principe, il y a contradiction dans cette phrase : le mari de Marie


est présenté à la fois comme marié en vertu de l’expression « votre
mari » et comme non marié en termes de l’expression « vrai
célibataire ». Mais cette contradiction ne nuit pas à l’interprétabilité
de la phrase. Notre savoir culturel du comportement stéréotypique
des célibataires nous conduit à comprendre « célibataire » dans le
sens de « infidèle », ce qui rend la phrase tout à fait normale.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

► On notera que le sens encyclopédique des mots n’exclut pas


leur sens conventionnel (le sens de heureux est différent de
celui de triste). Mais pour les cognitivistes, le sens
conventionnel ne sert qu’à déclencher le processus de la
construction du sens, c’est-à-dire, la sélection de
l’interprétation appropriée sur la base du contexte spécifié.

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Sémantique cognitive : principes et fondements

 La construction du sens, c’est la conceptualisation

Ce principe stipule que le langage n’encode pas le sens : le sens


est de nature conceptuelle et non linguistique. Il s’ensuit que la
construction du sens est la conceptualisation

 La conceptualisation se définit comme un processus


dynamique dans lequel les unités linguistiques servent à
déclencher un ensemble d’opérations conceptuelles sur la
base du savoir encyclopédique d’arrière-plan. Sous cet
angle, le sens est un processus et non une entité discrète
qui est définitivement encodée dans le langage. La
construction du sens se fonde principalement sur le savoir
encyclopédique et sur les stratégies inférentielles liées à
l’organisation conceptuelle.

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Théorie des schèmes-images

● La théorie des schèmes-images est développée par Mark Johnson


(1987).

● Elle est essentiellement axée sur la thèse de la corporéité de la


cognition, c’est-à-dire le fait que la structure conceptuelle dérive
de nos expériences corporalisées.

● Les schèmes-images sont des représentations conceptuelles


abstraites qui procèdent de notre interaction au quotidien avec le
monde extérieur. Par exemple, la verticalité de nos corps est
cruciale dans le type d’expérience interactionnelle que nous
avons avec le monde. Son asymétrie a donné lieu ainsi au
schème-image HAUT-BAS, qui sous-tend un grand nombre
d’expressions linguistiques.

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Théorie des schèmes-images

● Les schèmes-images sont des schémas récurrents et stables, des


représentations mentales des expériences sensorimotrices.

● Ils opèrent à la fois physiquement et mentalement.

● Ce sont des schémas neuronaux dont l’activation permet de relier


les expériences sensorimotrices à la conceptualisation et au
langage.

● Ils ont des structures internes spécifiques, qui imposent des


contraintes sur le type des inférences possibles.

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Théorie des schèmes-images

 Propriétés des schèmes-images


■ Les schèmes-images sont pré-conceptuels à l’origine

● Pour Johnson, les schèmes-images, du type du CONTENANT


et du HAUT-BAS, sont pré-conceptuels à l’origine, en ce
sens qu’ils dérivent de nos expériences sensorielles durant
les premières étapes de notre développement, avant même
la formation des concepts.

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Théorie des schèmes-images

● Ils sont des concepts d’un type particulier. Ce sont les premiers
concepts qui se forment dans l’esprit humain ; partant, ils sont
à la base du système conceptuel.

● Ils sont très schématiques et partant, difficiles à saisir en


comparaison des concepts lexicaux: l’idée associée au concept
CHIEN, par exemple, est plus accessible que celle associée au
schème-image CONTENANT. La raison en est qu’on a
conscience des concepts spécifiques mais non des schèmes-
images qui sont à l’origine de notre façon de penser.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images sont élaborables par des concepts


spécifiques

● Différents concepts lexicaux peuvent élaborer le même


schème-image. Par exemple, les concepts lexicaux
associés aux expressions dans, dedans, dehors,
intérieur, extérieur, etc., élaborent le schème-image du
CONTENANT.

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Théorie des schèmes-images

● Les schèmes-images peuvent être instanciés à différents


niveaux de schématicité. Tous les exemples
suivants élaborent le schème-image du CONTENANT, mais à
des degrés variés de schématicité, allant du plus schématique
au plus spécifique :

▪ Paul est sorti


▪ Paul est sorti de la maison
▪ Paul est sorti de la maison par la fenêtre
▪ Paul est sorti de la maison par la fenêtre et non par la
porte

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images sont de nature interactionnelle

● Les schèmes-images dérivent de nos expériences corporalisées,


donc de la façon dont nous interagissons avec le monde
extérieur. Par exemple, le schème-image FORCE procède de nos
expériences sensorimotrices de l’énergie qui entraine la
mouvement. Johnson (ibid. 43) dit à ce sujet « qu’il n’y a pas
de schéma pour la force qui n’implique pas une interaction
[effective] ou potentielle ».

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Théorie des schèmes-images

● Johnson soutient de plus que le sens basique des verbes modaux


devoir et pouvoir, par exemple, est structuré par certains sous-
types du schémas de la FORCE.

▪ Vous devez retirer votre pied avant que la voiture ne vous


l’écrase (nécessité physique).
▪ Maintenant qu’il a cessé de pleuvoir, vous pouvez sortir
(permission).
▪ Vous pouvez passer au dessus du mûr (capacité physique de
le faire).

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Théorie des schèmes-images

 Le sens basique de devoir est sous-tendu par le schéma


CONVULSION.

 Le sens basique de pouvoir est sous-tendu par le schéma LEVÉE


DE CONTRAINTE.

 Le sens de pouvoir dans le dernier exemple est structuré par le


schéma APTITUDE.

► Tous ces schémas élaborent le schéma FORCE.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images sont intrinsèquement significatifs

Les schèmes-images sont significatifs parce que les expériences


corporelles qui sont à leur base sont significatives aussi et leurs
conséquences, prévisibles.

 L’expérience du CONTENANT est significative, car elle nous


permet de nous comporter dans le monde en connaissance des
forces dynamiques propres aux objets. C’est parce nous
savons que les propriétés des liquides nécessitent des
contenants avec des bords spécifiques que nous pouvons nous
déplacer avec des tasses à la main.

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Théorie des schèmes-images

 Sur le plan du sens linguistique, le schème-image du


CONTENANT permet d’utiliser pertinemment la préposition
dans. Un énoncé comme

• Mettez un peu d’eau dans ce verre,

par opposition à

• ?? Mettez un peu d’eau sur ce verre,

montre que le locuteur maitrise les propriétés expérientielles


de la force dynamique du CONTENANT.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images sont des représentations analogiques

Les schèmes-images sont des représentations analogiques


qui dérivent de nos expériences sensorimotrices.

 Dans la mesure où les schèmes-images émanent de


nos expériences sensorimotrices, ils sont déposés dans
notre système conceptuel sous forme de résumés des
états perceptifs.

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Théorie des schèmes-images

 Le terme analogique signifie que les schèmes-images prennent


une forme dans le système conceptuel qui reflète les
expériences sensorielles représentées. En d’autres termes, les
schèmes-images sont représentés dans nos esprits comme le
souvenir d’une expérience physique. Par exemple, on n’apprend
pas à conduire une voiture en lisant des manuels sur le sujet
mais en maitrisant, de par l’expérience, un ensemble
d’habitudes sensorimotrices.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images peuvent être complexes

Les schèmes-images sont souvent complexes, formées de


plusieurs sous-structures , pouvant être examinées séparément.

 le schème du CONTENANT consiste en trois sous-structures :


un intérieur, un extérieur et des limites.

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Théorie des schèmes-images

 Le schème du CHEMIN est formé de trois sous-structures :


une source, un trajet et une destination. Le déplacement
dans l’espace d’un endroit à l’autre implique un point de
départ, un trajet, une destination et d’autres endroits
intermédiaires. Tout comme les autres schèmes, le schème
du CHEMIN constitue une gestalt expérientielle, c’est-à-dire
un tout cohérent .

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Théorie des schèmes-images

 Différents énoncés peuvent mettre en profil différentes


structures des schèmes-images.

• Jean a quitté l’Espagne (Source).


• Jean est parti pour le Brésil (Destination).
• Jean a voyagé de la France au Maroc (Source-
Destination) .
• Jean a pris l’autoroute pour se rendre à Paris
(Chemin- Destination).
• Jean a nagé de Tanger à Tarifa (Source-Chemin-
Destination).

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images ne sont pas du même type que les images


mentales

● Les images mentales résultent d’un processus cognitif conscient


qui met en jeu notre mémoire visuelle ; ils implique donc notre
capacité à nous rappeler avec certains détails les images
visuelles enregistrées.

● Les schèmes-images, en revanche, sont d’une autre nature; ce


sont des concepts très abstraits qui résultent de nos expériences
corporelles.

 En fermant les yeux par exemple, on peut sans problème


invoquer l’image mentale d’une personne, mais il n’en est
pas de même du schème-mage du CONTENANT, par
exemple.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images sont transformables

● Un schème-image peut se transformer en un autre schème-


image. Lakoff (1987 : 428) fait remarquer à cet égard que notre
expérience perceptive d’un état de chose peut changer selon
qu’on est proche ou loin de la scène visualisée. Si on se trouve
au milieu d’un troupeau de moutons, on peut distinguer les
caractéristiques individuelles des moutons; mais si on s’en
éloigne assez, on ne verra qu’une masse indistincte.

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Théorie des schèmes-images

● Pour Lakoff, cette propriété des expériences perceptives sous-tend


la conversion du schéma MASSIF en schéma COMPTABLE, et
inversement.

● La distinction massif / comptable repose sur l’existence dans notre


système conceptuel de deux schémas distincts : le schéma
COMPTABLE et le schéma MASSIF.

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Théorie des schèmes-images

● Cette distinction se manifeste dans le comportement syntaxico-


sémantique des noms comptables et massifs : les comptables
apparaissent avec les numératifs un, deux, etc. et les massifs, avec
les partitifs de la/du, des:

• Acheter un/deux/trois livres/ ??acheter du livre


• Acheter du beurre / ?? acheter deux/trois beurres

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Théorie des schèmes-images

● Le langage abonde néanmoins en exemples où le comptable est


utilisé comme massif et le massif comme comptable :

• Il y a de la pomme partout (comptable → massif)


• J’ai acheté deux beurres (massif → comptable)

Il existe donc un schéma conceptuel de la transformation MASSIF


→ COMPTABLE et COMPTABLE → MASSIF. Ce schéma conceptuel, à
la base des concepts lexicaux, dérive de nos expériences
perceptives qui sont sensibles à plusieurs paramètres tels que la
perspective, etc.

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Théorie des schèmes-images

■ Les schèmes-images peuvent former un réseau de schémas


apparentés

● C’est le cas, par exemple, du schème-image FORCE qui


comprend une série de schèmes apparentés, c’est-à-dire des
schèmes qui partagent quelques propriétés communes.

● Ces différents schèmes sont en effet le résultat de nos


différentes expériences de la force. Ils structurent, entre
autres, des expressions telles que :

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Théorie des schèmes-images

• Etre emporté par une force = être charrié par le


torrent,
• Heurter un arbre, un mur, etc.
• Télescoper, entrer en collision, etc.
• Etre dévié par une autre force (le cas d’un
nageur qui est dévié par le courant)
• Céder sous le poids d’une force (le barrage a
fini par céder sous la force de l’eau)
• Etre attiré par une force (attraction, gravité,
etc.)

► Ces différents exemples sont des gloses de ce que Johnson


(1987) appelle respectivement « The compulsion image
schema, the blockage image-schema, the counterforce image
schema, the diversion image schema et the attraction image
schema ».

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