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Université Cadi Ayyad

Faculté Polydisciplinaire de Safi


DLLCF – EF – Théories et pratiques de la lecture

1-Didier Coste – Trois conceptions du lecteur et leur contribution à une


théorie du texte littéraire – 1980 : « Il n'est rien dans la recherche théorique et critique
récente qui soit plus à l'ordre du jour que les études qui prennent la littérature par le
côté du lecteur, de la lecture ou de la réception.» (p.354) / «le lecteur et la lecture ou
les lectures (actes, procédés, techniques, etc.) ne sont pas des concepts
interchangeables.» (p.355) / «Le lecteur considéré sur le plan du souhait (appelé de ses
vœux par un tiers), indépendamment de sa possibilité, est le lecteur idéal. [...] On
appellera lecteur virtuel celui dont le plan d'existence est sa potentialité et dont les
traits, les caractères et les aspects peuvent s'incarner, ensemble ou séparément, dans
une pratique humaine, sans que cette incarnation ait nécessairement eu lieu ou doive
nécessairement avoir lieu historiquement. [...] Le lecteur considéré sur le plan de la
réalité et dont l'existence est posée indépendamment de la possibilité, pour la
métalittérature, d'en rendre compte, est le lecteur empirique.» (p.356) / «Le lecteur
empirique n'appartient pas a priori à un modèle; au contraire, il déborde des modèles,
menace constamment leur intégrité, par exemple en trouvant un plaisir esthétique à la
lecture de l'annuaire de téléphone. Ses seuls contours possibles sont d'ordre statistique,
mais devenu chiffrable, doté d'un profil par l'école de Bordeaux, il cesse aussitôt d'être
lecteur pour devenir simplement effigie de la lecture sociale.» (p.356) / «Le lecteur
idéal et le lecteur virtuel n'étant pas des catégories du vécu, s'analysent comme
productions de l'esprit et phénomènes de langage. Leur existence repose sur le support
d'une voix qui n'est pas la leur: il faut les attribuer - nous dirions mieux: les autoriser,
si nous ne craignions pas la confusion terminologique. Le lecteur idéal peut être
attribué à ou autorisé par un auteur ou un interprète. Nous appelerons le premier
lecteur idéal auctoral et le second, lecteur idéal critique.» (p.357) / «Le lecteur virtuel
est dans le texte, appartient au texte, est un effet de texte ou une fonction du texte.
Indissociable du texte, il est soit l'appellation erronée d'un modèle de lecture, soit, ce
qui est plus intéressant, la projection, par le langage de la métalittérature, d'un rapport
en un personnage: amant organique du texte, incarnation du narcissisme textuel.»
(p.358) / «Quand le lecteur virtuel n'est pas simplement le nom d'une préstructuration
potentielle de la lecture (présente dans tout texte) mais qu'il se borne cependant à une
existence interne au texte, nous avons affaire au lecteur inscrit, que Jean Rousset
appelle narrataire, suggérant à tort qu'il ne peut exister hors d'un récit.» (p.360) / «le
lecteur inscrit devra être lu par un lecteur empirique qui jouera le ou les rôles suggérés
par le lecteur virtuel.» (p.360) / «Quand on tire le lecteur virtuel soit du côté de
l'interprète idéal, soit du côté du lecteur empirique, il se présente soit comme lecteur
compétent (chez Culler), comme fonction-destinataire (chez Orlando), soit encore, à la
frontière de l'empirisme, comme archilecteur (Riffaterre).» (p.361) / «L'archilecteur
est une somme de lectures et non une moyenne» (Coste citant Riffaterre, p.363) /
«Riffaterre utilise un modèle de communication à cinq termes (encodeur, message,
décodeur, code, contexte)» (p.364) / «Dans la Production du texte le lecteur est devenu
protéiforme, tour à tour virtuel, actuel et idéal, ce qui traduit sans doute une vive
conscience de l'insuffisance et du porte-à-faux du lecteur empirique et peut-être la
prescience qu'un modèle satisfaisant de la communication littéraire devrait faire
intervenir les trois plans d'existence du lecteur.» (p.364) / Avec Culler, Didier Coste
s'intéresse au concept de "compétence littéraire" du lecteur idéal, qu'il appelle aussi
l'analyste. Mais Coste semble se montrer critique: «la compétence cullérienne refuse la
concurrence ou la compétition et son lecteur compétent finit par se détruire lui-même
puisqu'il ne peut s'incarner qu'en son propre inventeur» (p.368)

2-Umberto Eco – Lector in fabula – 1979 / 1985 : « L'activité coopérative qui


amène le destinataire à tirer du texte ce que le texte ne dit pas mais qu'il présuppose,
promet, implique ou implicite, à remplir les espaces vides, à relier ce qu'il y a dans ce
texte au reste de l'intertextualité d'où il naît et où il ira se fondre.» (p.7) / «Un texte se
distingue d'autres types d'expressions par sa plus grande complexité. Et la raison
essentielle de cette complexité, c'est qu'il est un tissu de non-dit. "Non-dit" signifie non
manifesté en surface, au niveau de l'expression: mais c'est précisément ce non-dit qui
doit être actualisé au niveau de l'actualisation du contenu. Ainsi un texte, d'une façon
plus manifeste que tout autre message, requiert des mouvements coopératifs actifs et
conscients de la part du lecteur.» (p.65) / « Le texte est donc un tissu d'espaces blancs,
d'interstices à remplir, et celui qui l'a émis prévoyait qu'ils seraient remplis et les a
laissés en blanc pour deux raisons. D'abord parce qu'un texte est un mécanisme
paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le
destinataire; et ce n'est qu'en des cas d'extrêmes pinaillerie, d'extrême préoccupation
didactique ou d'extrême répression que le texte se complique de redondances. Ensuite
parce que, au fur et à mesure qu'il passe de la fonction didactique à la fonction
esthétique, un texte veut laisser au lecteur l'initiative interprétative, même si en général
il désire être interprété avec une marge suffisante d'univocité. Un texte veut que
quelqu'un l'aide à fonctionner.» (p.66-67) / Une loi: «la compétence du destinataire
n'est pas nécessairement celle de l'émetteur.» (p.67) / «Nous avons dit que le texte
postule la coopération du lecteur comme condition d'actualisation. Nous pouvons dire
cela d'une façon plus précise: un texte est un produit dont le sort interprétatif doi t faire
partie de son propre mécanisme génératif; générer un texte signifie mettre en oeuvre
une stratégie dont font partie les prévisions des mouvements de l'autre - comme dans
toute stratégie. Dans la stratégie militaire (ou dans celle des échecs, disons dans toute
stratégie de jeu), le stratège se dessine un modèle d'adversaire.» (p.69 -70) / «En
général, dans un texte l'auteur veut faire gagner, et non pas perdre, l'adversaire.» (p.70)
/ «C'est pourquoi il prévoira un Lecteur Modèle capable de coopérer à l'actualisation
texteulle de la façon dont lui, l'auteur, le pensait et capable aussi d'agir
interprétativement comme lui a agi générativement.» (p.71) / «Le mot de Valéry - "Il
n'y a pas de vrai sens d'un texte" - autorise deux lectures: on peut faire l'usage que l'on
veut d'un texte, c'est cette lecture-là qui ne nous intéresse pas ici; on peut donner
d'innombrables interprétations d'un texte, c'est la lecture que nous allons prendre en
considération maintenant.» (p.74) Dans la même veine, Eco fait la distinction suivante:
«Nous devons donc faire une distinction entre l'utilisation libre d'un texte conçu
comme stimulus de l'imagination et l'interprétation d'un texte ouvert.» (p.76) / «la
notion d'interprétation entraîne toujours une dialectique entre la stratégie de l'auteur et
la réponse du Lecteur Modèle.» (p.76) / «Le Lecteur Modèle est un ensemble de
conditions de succès ou de bonheur (felicity conditions), établies textuellement, qui
doivent être satisfaites pour qu'un texte soit pleinement actualisé dans son contenu
potentiel.» (p.80)

3-Cervantès – Don Quichotte : « Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante


moulins à vent, et, dès que don Quichotte les vit, il dit à son écuyer : « La fortune
conduit nos affaires mieux que nous n'eussions su désirer, car voilà, ami Sancho
Pança, où se découvrent trente ou quelque peu plus de démesurés géants, avec lesquels
je pense avoir combat et leur ôter la vie à tous. - Quels géants ? dit Sancho. - Ceux que
tu vois là, répondit son maître, aux longs bras, et d'aucuns les ont quelquefois de deux
lieues. - Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas
des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles,
tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin. - Il paraît bien, répondit don
Quichotte, que tu n'es pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et,
si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux en
une furieuse et inégale bataille. » Et, disant cela, il donna des éperons à son cheval
Rossinante. »

4-Michel FOUCAULT, Les Mots et les choses, Sur DON QUICHOTTE :


« Avec leurs tours et leurs détours, les aventures de Don Quichotte tracent la limite :
en elles finissent les jeux anciens de la ressemblance et des signes; la se nouent déjà de
nouveaux rapports. Don Quichotte n'est pas l'homme de l'extravagance, mais plutôt le
pèlerin méticuleux qui fait étape devant toutes les marques de la similitude. II est le
héros du Même. Pas plus que de son étroite province, il ne parvient à s'éloigner de la
plaine familière qui s'étale autour de l'Analogue. Indéfiniment il la parcourt, sans
franchir jamais les frontières nettes de la différence, ni rejoindre le cœur de l'identité.
Or, il est lui-même à la ressemblance des signes. Long graphisme maigre comme une
lettre, il vient d'échapper tout droit du bâillement des livres. Tout son être n’est que
langage, texte, feuillets imprimes, histoire déjà transcrite. II est fait de mots
entrecroises; c'est de l'écriture errant dans le monde parmi la ressemblance des choses.
Pas tout à fait cependant : car en sa réalité de pauvre hidalgo, il ne peut devenir le
chevalier qu'en écoutant de loin l'épopée séculaire qui formule la Loi. Le livre est
moins son existence que son devoir. Sans cesse il doit le consulter afin de savoir que
faire et que dire, et quels signes donner à lui-même et aux autres pour montrer qu'il est
bien de même nature que le texte dont il est issu. Les romans de chevalerie ont écrit
une fois pour toutes la prescription de son aventure. Et chaque épisode, chaque
décision, chaque exploit seront signes que Don Quichotte est en effet semblable à tous
ces signes qu'il a de calques. / Mais s'il veut leur être semblable, c'est qu'il doit les
prouver, c'est que déjà les signes (lisibles) ne sont plus a la ressemblance des êtres
(visibles). Tous ces textes écrits, tous ces romans extravagants sont justement sans
pareils : nul dans le monde ne leur a jamais ressemble; leur langage infini reste en
suspens, sans qu'aucune similitude vienne jamais le remplir; ils peuvent brûler tout et
tout entiers, la figure du monde n'en sera pas changée. En ressemblant aux textes dont
il est le témoin, le représentant, le réel analogue, Don Quichotte doit fournir la
démonstration et apporter la marque indubitable qu'ils disent vrai, qu'ils sont bien le
langage du monde. II lui incombe de remplir la promesse des livres. A lui de refaire
l'épopée, mais en sens inverse: celle-ci racontait (prétendait raconter) des exploits
réels, promis a la mémoire; Don Quichotte, lui, doit combler de réalité les signes sans
contenu du récit. Son aventure sera un déchiffrement du monde : un parcours
minutieux pour relever sur toute la surface de la terre les figures qui montrent que les
livres disent vrai. L'exploit doit être preuve: il consiste non pas à triompher réellement
- c'est pourquoi la victoire n'importe pas au fond -, mais a transformer la réalité en
signe. En signe que les signes du langage sont bien conformes aux choses elles -
mêmes. Don Quichotte lit le monde pour démontrer les livres. Et il ne se donne
d'autres preuves que le miroitement des ressemblances. / Tout son chemin est une
quête aux similitudes: les moindres analogies sont sollicitées comme des signes
assoupis qu'on doit réveiller pour qu'ils se mettent de nouveau à parler. Les troupeaux,
les servantes, les auberges redeviennent le langage des livres dans la mesure
imperceptible où ils ressemblent aux châteaux, aux dames et aux armées.
Ressemblance toujours déçue qui transforme la preuve cherchée en dérision et laisse
indéfiniment creuse la parole des livres. Mais la non-similitude elle-même a son
modèle qu'elle imite servilement : elle le trouve dans la métamorphose des
enchanteurs. Si bien que tous les indices de la non-ressemblance, tous les signes qui
montrent que les textes écrits ne disent pas vrai, ressemblent a ce jeu de
l'ensorcellement qui introduit par ruse la différence dans l'indubitable de la similitude.
Et puisque cette magie a été preuve et décrite dans les livres, la différence illusoire
qu'elle introduit ne sera jamais qu'une similitude enchantée. Donc un signe
supplémentaire que les signes ressemblent bien à la vérité. / Don Quichotte dessine le
négatif du monde de la Renaissance; l'écriture a cesse d'être la prose du monde; les
ressemblances et les signes ont dénoue leur vieille entente; les similitudes déçoivent,
tournent a la vision et au délire; les choses demeurent obstinément dans leur identité
ironique : elles ne sont plus que ce qu'elles sont; les mots errent a l'aventure, sans
contenu, sans ressemblance pour les remplir; ils ne marquent plus les choses; ils
dorment entre les feuillets des livres au milieu de la poussière. La magie, qui
permettait le déchiffrement du monde en découvrant les ressemblances secrètes sous
les signes ne sert plus qu'à expliquer sur le mode délirant pourquoi les analogies sont
toujours déçues. L'érudition qui lisait comme un texte unique la nature et les livres est
renvoyée à ses chimères: déposés sur les pages jaunies des volumes, les signes du
langage n’ont plus pour valeur que la mince fiction de ce qu'ils représentent. L'écriture
et les choses ne se ressemblent plus. Entre elles, Don Quichotte erre à l'aventure. / Le
langage pourtant n'est pas devenu tout à fait impuissant. Il détient désormais de
nouveaux pouvoirs, et qui lui sont propres. Dans la seconde partie du roman, Don
Quichotte rencontre des personnages qui ont lu la première partie du texte et qui le
reconnaissent, lui, homme réel, pour le héros du livre. Le texte de Cervantes se replie
sur lui-même, s'enfonce dans sa propre épaisseur, et devient pour soi objet de son
propre récit. La première partie des aventures joue dans la seconde le rôle
qu'assumaient au début les romans de chevalerie. Don Quichotte doit être fidèle à ce
livre qu'il est réellement devenu; il a à le protéger des erreurs, des contrefaçons, des
suites apocryphes; il doit ajouter les détails omis; il doit maintenir sa vérité. Mais le
livre! Don Quichotte lui-même ne l'a pas lu, et n’a pas à le lire, puisqu’il l’est en chair
et en os. Lui qui à force de lire des livres, était devenu un signe errant dans un monde
qui ne le reconnaissait pas, le voila devenu, malgré lui et sans le savoir, un livre qui
détient sa vérité, relève exactement tout ce qu'il a fait et dit et vu et pensé, et qui
permet enfin qu’on le reconnaisse tant il ressemble à tous ces signes dont il a laissé
derrière lui le sillage ineffaçable. Entre la première et la seconde partie du roman, dans
l'interstice de ces deux volumes, et par leur seul pouvoir, Don Quichotte a pris sa
réalité. Réalité qu'il ne doit qu'au langage, et qui reste entièrement intérieure aux mots.
La vérité de Don Quichotte, elle n'est pas dans le rapport des mots au monde, mais
dans cette mince et constante relation que les marques verbales tissent d'elles-mêmes à
elles-mêmes. La fiction déçue des épopées est devenue le pouvoir représentatif du
langage. Les mots viennent de se refermer sur leur nature de signes. / Don Quichotte
est la première des œuvres modernes puisqu'on y voit la raison cruelle des identités et
des différences se jouer à l’ infini des signes et des similitudes; puis que le langage y
rompt sa vieille parente avec les choses, pour entrer dans cette souveraineté solitaire
d'ou il ne réapparaitra, en son être abrupt, que devenu littérature; puisque la
ressemblance entre la dans un âge qui est pour elle celui de la déraison et de
l'imagination. La similitude et les signes une fois dénoués, deux expériences peuvent
se constituer et deux personnages apparaitre faces face. Le fou, entendu non pas
comme malade, mais comme déviance constituée et entretenue, comme fonction
culturelle mdispen8able est devenu, dans l'expérience occidentale, l'homme des
ressemblances sauvages. Ce personnage, tel qu'il est dessine dans les romans ou le
théâtre de l’époque baroque, et tel qu'il s'est institutionnalise peu à peu jusqu'a la
psychiatrie du XIXe siècle, c'est celui qui s'est aliéné dans l'analogie. II est le joueur
déréglé du Même et de l'Autre. II prend les choses pour ce qu'elles ne sont pas, et les
gens les uns pour les autres; il ignore ses amis, reconnait les étrangers ; i1 croit
démasquer et il impose un masque. II inverse toutes les valeurs et toutes les
proportions, parce qu'il croit a chaque instant déchiffrer des signes : pour lui les
oripeaux font un roi. Dans la perception culturelle qu'on a eu du fou jusqu'à la fin du
XVIIIe siècle, il n'est le Différent que dans la me sure ou II ne connait pas la
Différence; il ne voit partout que ressemblances et signes de la ressemblance; tous les
signes pour lui se ressemblent et toutes les ressemblances valent comme des signes. A
l'autre extrémité de l'espace culturel, mais tout proche par sa symétrie, le poète est
celui qui, au-dessous des différences nommées et quotidiennement prévues, retrouve
les parentés enfouies des choses, leurs similitudes dispersées sous les signes établis, et
malgré eux, il entend un autre discours, plus profond, qui rappelle le temps ou les mots
scintillaient dans la ressemblance universelle des choses : la Souveraineté du Même, si
difficile a énoncer, efface dans son langage la distinction des signes. / De là sans
doute, dans la culture occidentale moderne, le face à face de la poésie et de la folie.
Mais ce n'est plus le vieux thème platonicien du délire inspire. C'est la marque d'une
nouvelle expérience du langage et des choses. Dans ses marges d'un savoir qui sépare
les êtres, les signes et les similitudes et comme pour limiter son pouvoir le fou assure
la fonction de l'homosémantisme : il rassemble tous les signes, et les comble d'une
ressemblance qui ne cesse de proliférer. Le poète assure la fonction inverse; il tient le
rôle allégorique; sous le langage des signes et sous le jeu de leurs distinctions bien
découpées, il se met a l'écoute de 1'« autre langage », celui, sans mots ni discours, de
la ressemblance. Le poète fait venir la similitude jusqu'aux signes qui la disent, le fou
charge tous les signes d'une ressemblance qui finit par les effacer. Ainsi ont-ils tous les
deux au bord extérieur de notre culture et au plus proche de ses 'partages essentiels,
cette situation « à la limite » - posture marginale et silhouette profondément archaïque
- ou leurs paroles trouvent sans cesse leur pouvoir d'étrangeté et la ressource de leur
contestation. Entre eux s'est ouvert l'espace d'un savoir ou, par une rupture essentielle
dans le monde occidental, il ne sera plus question des similitudes, mais des identités et
des différences. »

5-Jorge Luis BORGES, Fictions, "La Bibliothèque de Babel " : « L’univers


(que d’autres appellent la Bibliothèque) se compose d’un nombre indéfini, et peut-être
infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d’aération bordés par des
balustrades très basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et
supérieurs, interminablement. La distribution des galeries est invariable. Vingt longues
étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur,
qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d’un bibliothécaire
normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel
débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes. À droite et à gauche
du couloir, il y a deux cabinets minuscules. L’un permet de dormir debout ; l’autre de
satisfaire les besoins fécaux. À proximité passe l’escalier en colimaçon, qui s’abîme et
s’élève à perte de vue. Dans le couloir il y a une glace, qui double fidèlement les
apparences. Les hommes en tirent conclusion que la Bibliothèque n’est pas infinie ; si
elle l’était réellement, à quoi bon cette duplication illusoire ? Pour ma part, je préfère
rêver que ces surfaces polies sont là pour figurer l’infini et pour le promettre… Des
sortes de fruits sphériques appelés lampes assurent l’éclairage. Au nombre de deux par
hexagone et placés transversalement, ces globes émettent une lumière insuffisante,
incessante. / Comme tous les hommes de la Bibliothèque, j’ai voyagé dans ma
jeunesse ; j’ai effectué des pèlerinages à la recherche d’un livre et peut-être du
catalogue des catalogues ; maintenant que mes yeux sont à peine capables de
déchiffrer ce que j’écris, je me prépare à mourir à quelques courtes lieues de
l’hexagone où je naquis. Mort, il ne manquera pas de mains pieuses pour me jeter par-
dessus la balustrade : mon tombeau sera l’air insondable ; mon corps s’enfoncera
longuement, se corrompra, se dissoudra dans le vent engendré par la chute, qui est
infinie. Car j’affirme que la Bibliothèque est interminable. Pour les idéalistes, les
salles hexagonales sont une forme nécessaire de l’espace absolu, ou du moins de notre
intuition de l’espace ; ils estiment qu’une salle triangulaire ou pentagonale serait
inconcevable. Quant aux mystiques, ils prétendent que l’extase leur révèle une
chambre circulaire avec un grand livre également circulaire à dos continu, qui fait le
tour complet des murs ; mais leur témoignage est suspect, leurs paroles obscures : ce
livre cyclique, c’est Dieu… Qu’il me suffise, pour le moment, de redire la sentence
classique : la Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone
quelconque, et dont la circonférence est inaccessible. »
6-Gérard Genette – Figure 1 – Sur Borges :
7-Abdelfattah KILITO, Le Cheval de Nietzsche, "MOÏRA" : « Quand
j'aborderai M. tout à l'heure, elle abaissera immédiatement son regard sur mes souliers,
et, en une fraction de seconde, mon infamie lui apparaitra au grand jour; elle me
classera dans la catégorie immonde des hommes qui négligent cette partie de leur
tenue. Pour sauver la situation, je dois préparer une réplique intelligente, un bon mot,
lui dire par exemple que, dans un temps passé, mes chaussures étaient irréprochables,
que j'en prenais grand soin et avais, comme Georges Duroy, « la coquetterie du pied ».
C'était l'époque de la linguistique structurale, et mes camarades de licence, jaloux de
ma profonde connaissance de Ferdinand de Saussure et de la netteté de mes souliers,
affectaient de s'intéresser à Noam Chomsky, à la grammaire générative, et, pour
m'agacer, m'appelaient de Chaussure. Ce jeu de mots plaira à M. ; elle appréciera mon
humour, mon sens de dérision, et je ferai ainsi d'une pierre deux coups : détourner son
attention de mes souliers et lui montrer que j'ai des lettres. / A condition, toutefois
qu’elle connaisse Ferdinand de Saussure, ce qui n'est pas sûr. Surtout ne pas lui
demander si elle l'a lu ; personne n'a lu Saussure, même si tout le monde croit l'avoir
fait ; il est l’un de ces rares auteurs dont on connait sans l'avoir lue. Il vaut mieux ne
pas évoquer ce vieux linguiste, autrement elle me prendra pour un énergumène. Passer
encore pour les souliers non cirés, mais y ajouter une plaisanterie de cuistre, c’est
impardonnable. Ne pas évoquer non plus Georges Duroy, personnage peu
recommandable, à supposer du reste qu'elle sache de qui il s'agit. Tout bien considéré,
laisser de côte mes lectures, rarement partagées. / Résister également (mais c'est la
même chose) à l’envie de parler de moi. Etre seulement à l'écoute ; la faire parler, elle,
le plus longtemps possible, afin qu'elle se livre et que je sache le maximum de choses
sur elle. S'il faut à tout prix mettre des livres sur le tapis, que ce soit au moins ceux
qu'elle a dû lire quand elle était petite, Heidi, Maria Chapdeleine, Les Malheurs de
Sophie, que sais-je encore! Cela me permettra de mieux la connaître, s'il est vrai que
l'on révèle quelque chose de soi quand on parle de ses premières lectures. Mais ne
verra-t-elle pas dans l'évocation de ces œuvres, qu'au demeurant je n'ai pas lues, une
attitude de mépris de ma part? Tout cela ne mènera à rien. Peut-être qu’elle ne lit pas,
n'aime pas lire et honnit ceux qui lisent. Comment rattraper alors ma bévue ? La
littérature me perdra, elle m'a déjà perdu, au dire de mes camarades de classe qui me
considéraient comme un pauvre rêveur fourvoyé dans les romans et sans prise sur la
réalité. Ne pas raconter cela à M., ce n'est ni le lieu ni le moment de disputer sur des
subtilités. Je dois lui déclarer mon amour simplement, sans passer par les livr es ; au
fond de moi, du reste, il y a le souhait que mes sentiments soient spontanés, naturels,
uniques. Mais de grâce, cessons ce jeu: J’ai promis de ne plus me mêler de
littérature. »

8-Roland Barthes – Sur l’infini de la lecture : « Lire (…) est un travail de


langage. Lire, c'est trouver des sens, et trouver des sens, c'est les nommer ; mais ces
sens nommés sont emportés vers d'autres noms ; les noms s'appellent, se rassemblent
et leur groupement veut de nouveau se faire nommer : je nomme, je dénomme, je
renomme : ainsi passe le texte ; c'est une nomination en devenir, une approximation
inlassable, un travail métonymique. / En regard du texte pluriel, l'oubli d'un sens ne
peut donc être reçu comme une faute. Oublier par rapport à quoi? Quelle est la somme
du texte? Des sens peuvent bien être oubliés, mais seulement si l'on a choisi de porter
sur le texte un regard singulier. La lecture cependant ne consiste pas à arrêter la chaîne
des systèmes, à fonder une vérité, une légalité du texte et par conséquent à provoquer
les "fautes" de son lecteur ; elle consiste à embrayer ces systèmes, non selon leur
quantité finie, mais selon leur pluralité (qui est un être, non un décompte) : je passe, je
traverse, j'articule, je déclenche, je ne compte pas. L'oubli des sens n'est pas matière à
excuses, défaut malheureux de performance; c'est une valeur affirmative, une façon
d'affirmer l'irresponsabilité du texte, le pluralisme des systèmes (si j'en fermais la liste,
je reconstituerais fatalement un sens singulier, théologique) : c'est précisément parce
que j'oublie que je lis. »

9-Amin MAALOUF, Samarcande, "Le paradis des assassins" : « La


première vague, conduite par Gengis Khan, fut sans aucun doute, le fléau le plus
dévastateur qui ait jamais frappé l'Orient. Des villes prestigieuses furent rasées, et leur
population exterminée, telles Pékin Boukhara ou Samarcande, dont les habitants furent
traites comme du bétail, les jeunes femmes distribuées aux officiers de la horde
victorieuse, les artisans réduits en esclavage, les autres massacres, à la seule exception
d'une minorité qui, regroupée autour du grand cadi du moment, proclama très tôt son
allégeance à Gengis Khan. / En dépit de cette, apocalypse, Samarcande apparaît
presque comme une privilégiée, puisqu'elle allait un jour renaitre de ses décombres
pour devenir la, capitale d'un empire mondial, celui de Tamerlan. Au contraire de tant
d'autres villes qui ne se relèveront plus; et notamment les trois grandes métropoles du
Khorassan, ou fut longtemps concentrée toute l'activité intellectuelle de cette partie du
monde : Merv, Balkh et Nichapour. Auxquelles il faut ajouter Rayy, berceau de
médecine orientale, dont on oubliera jusqu'au nom; il faudra attendre plusieurs siècles
pour voir renaitre, sur site voisin, la ville de Téhéran. / C'est la deuxième vague qui
emportera Alamout. Elle sera un peu moins sanguinaire, mais plus étendue. Comment
ne pas compatir avec la terreur des contemporains quand on sait que les troupes
mongoles purent alors, à quelques mois d'intervalle, dévaster Baghdad, Damas,
Cracovie en Pologne et la province chinoise de Szetchuan ! / La forteresse des
Assassins choisit donc de se rendre, elle qui avait tenu tête a. tant d'envahisseurs
pendant cent soixante-six ans! Le prince Houlagou, petit-fils de Gengis Khan, vint lui-
même admirer ce prodige de construction militaire; la légende dit qu'il y trouva des
provisions conservées intactes depuis l'époque de Hassan Sabbah. / Apres avoir
inspecté les lieux avec ses lieutenants, il ordonna aux soldats de tout détruire, de ne
plus laisser pierre sur pierre. Sans excepter la bibliothèque. Cependant, avant d'y
mettre le feu, il autorisa un historien de trente ans, un certain Djouvayni, à s’y rendre.
Celui-ci était en train de rédiger, à 1a demande de Houlagou, une Histoire du
Conquérant du monde, qui demeure, aujourd’hui encore, notre plus précieuse source
pour connaître les invasions mongoles. Il put donc entrer dans ce lieu mystérieux ou
des dizaines de milliers de manuscrits étaient rangés, empiles ou enroulés; au-dehors
l'attendaient un officier mongol et un soldat muni d'une brouette. Ce qu'elle pourrait
contenir serait sauvé, le reste serait la proie des flammes. Il n'était pas question de lire
les textes, ni même de répertorier les titres. / Sunnite fervent Djouvayni se dit que son
premier devoir et de sauver du feu la Parole de Dieu. II se mit donc à ramasser à la
hâte les exemplaires du Coran, reconnaissables à leur reliure épaisse et regroupés en
un même endroit. II y en avait bien une vingtaine; il les transporta en trois voyages
jusqu'a la brouette, qui s' trouva déjà quasiment pleine. Et maintenant, que choisir? Se
dirigeant vers l'un des murs, contre lequel les volumes semblaient mieux rangés
qu'ailleurs, il découvrit les innombrables ouvrages écrits par Hassan Sabbah durant ses
trente années de réclusion solitaire. Il choisit d’en sauver un seul, une autobiographie
dont il devait citer quelques fragments dans son propre ouvrage. II retrouva également
une chronique d’Alamout, récente et apparemment bien documentée, qui relatait dans
le détail l'histoire du Rédempteur. Cela, se dépêcha de l’emporter, car cet épisode était
totalement inconnu en dehors des communautés ismaéliennes. / L'historien
connaissait-il l'existence du Manuscrit de Samarcande? II ne semble pas. L'aurait-il
cherché s'il en avait entendu parler, et, l'ayant feuilleté, l'aurait-il sauvé? On l'ignore.
Ce que l'on raconte, c'est qu’il s'arrêta devant un ensemble d'ouvrages consacrés aux
sciences occultes et qu'il s'y plongea, oubliant l'heure. L'officier mongol qui vint la lui
rappeler en quelques syllabes avait le corps recouvert d'une épaisse armure à bordures
rouges, la tête protégée par un casque s'élargissant vers la nuque comme une chevelure
étalée. A la main il portait une torche. Pour bien montrer qu'il était, pressé, il approcha
le feu d'un tas de rouleaux poussiéreux. L'historien n'insista pas, il prit dans les mains
et sous les aisselles tout ce qu'il pouvait emporter, sans chercher à faire le moindre tri,
et quand le manuscrit intitulé Secrets éternels des astres et des nombres lui échappa, il
ne se baissa pas pour le ramasser. / C'est ainsi que la bibliothèque des Assassins brûla
sept jours et sept nuits, que d'innombrables ouvrages furent perdus dont il ne reste pas
copie. On prétend qu'ils contenaient les secrets les mieux gardés de l’univers. /
Longtemps on pensa que le Manuscrit de Samarcande s'était, lui aussi, consumé dans
le brasier d'Alamout. »

10-Jean-Paul SARTRE, Les Mots : « J'ai commencé ma vie comme je la


finirai sans doute: au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait
partout; défense était faite de les épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée
d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées;
droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou
noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille
en dépendait. Elles se ressemblaient toutes, je m'ébattais dans un minuscule sanctuaire,
entouré de monuments trapus, antiques qui m'avaient vu naître, qui me verraient
mourir et dont la permanence me garantissait un avenir aussi calme que le passé. Je les
touchais en cachette pour honorer mes mains de leur poussière mais je ne savais trop
qu'en faire et j'assistais chaque jour à des cérémonies dont le sens m'échappait: mon
grand-père — si maladroit, d'habitude, que ma mère lui boutonnait ses gants —
maniait ces objets culturels avec une dextérité d'officiant. Je l'ai vu mille fois se lever
d'un air absent, faire le tour de sa table, traverser la pièce en deux enjambées, prendre
un volume sans hésiter, sans se donner le temps de choisir, le feuilleter en regagnant
son fauteuil, par un mouvement combiné du pouce et de l'index puis, à peine assis,
l'ouvrir d'un coup sec « à la bonne page » en le faisant craquer comme un soulier.
Quelquefois je m'approchais pour observer ces boîtes qui se fendaient comme des
huîtres et je découvrais la nudité de leurs organes intérieurs, des feuilles blêmes et
moisies, légèrement boursouflées, couvertes de veinules noires, qui buvaient l'encre et
sentaient le champignon. / Dans la chambre de ma grand-mère les livres étaient
couchés; elle les empruntait à un cabinet de lecture et je n'en ai jamais vu plus de deux
à la fois. Ces colifichets me faisaient penser à des confiseries de Nouvel An parce que
leurs feuillets souples et miroitants semblaient découpés dans du papier glacé. Vifs,
blancs, presque neufs, ils servaient de prétexte à des mystères légers. Chaque vendredi,
ma grand-mère s'habillait pour sortir et disait: « Je vais les rendre »; au retour, après
avoir ôté son chapeau noir et sa voilette, elle les tirait de son manchon et je me
demandais, mystifié: « Sont-ce les mêmes? » Elle les « couvrait » soigneusement puis,
après avoir choisi l'un d'eux, s'installait près de la fenêtre, dans sa bergère à oreillettes,
chaussait ses besicles, soupirait de bonheur et de lassitude, baissait les paupières avec
un fin sourire voluptueux que j'ai retrouvé depuis sur les lèvres de la Joconde; ma mère
se taisait, m'invitait à me taire, je pensais à la messe, à la mort, au sommeil: je
m'emplissais d'un silence sacré. De temps en temps, Louise avait un petit rire; elle
appelait sa fille, pointait du doigt sur une ligne et les deux femmes échangeaient un
regard complice. Pourtant, je n'aimais pas ces brochures trop distinguées; c'étaient des
intruses et mon grand-père ne cachait pas qu'elles faisaient l'objet d'un culte mineur,
exclusivement féminin. Le dimanche, il entrait par désœuvrement dans la chambre de
sa femme et se plantait devant elle sans rien trouver à lui dire; tout le monde le
regardait, il tambourinait contre la vitre puis, à bout d'invention, se retournait vers
Louise et lui ôtait des mains son roman: « Charles! s'écriait-elle furieuse, tu vas me
perdre ma page! » Déjà, les sourcils hauts, il lisait; brusquement son index frappait la
brochure: « Comprends pas! — Mais comment veux-tu comprendre? disait ma grand-
mère: tu lis par-dedans! » Il finissait par jeter le livre sur la table et s'en allait en
haussant les épaules. »

A l’ensemble des étudiants inscrits dans ce module : Veuillez svp m’envoyer par
mail (aze_sidiomar@yahoo.fr) l’analyse des textes suivants :
— Texte 7 de Kilito. Délai d’envoi : 02 avril 2020
— Texte 9 de Maalouf. Délai d’envoi : 09 avril 2020
— Texte 5 de Borges. Délai d’envoi : 16 avril 2020

-La lecture et l’analyse doivent suivre la trajectoire des grandes lignes de la


problématique de la lecture déjà étudiée en classe.
-Les textes à ne pas analyser (destinés surtout à la lecture et à la réflexion) contribuent
à mettre au point et à approfondir les idées contenues dans la les théories et pratiques
de la lecture.
-Veuillez respecter les délais précisés ci-dessus.
-Vos analyses doivent respecter les consignes suivantes :
Times New Roman. 12. Simple. 2,5 (toutes les marges). Deux pages.
-L’analyse du texte 5 (de Borges) est un devoir.

Bon courage

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