Vous êtes sur la page 1sur 9

Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

DE L’ESTHÉTIQUE DANS LA CRÉATION LITTÉRAIRE

Par :

Jean Florent Romaric GNAYORO


Université Peleforo Gon Coulibaly

Résumé : L’Esthétique intervient dans la création littéraire et contribue à l’élaboration d’une


écriture qui met en évidence la spécificité de l’auteur à transcrire son innovation et son style.
En cela, il y aurait que l’Esthétique offre une possibilité artistique qu’elle procure à l’écrivain
qui par son biais, en arrive à exposer ses idées ainsi que ses perception et vision du monde.
Ainsi, précisément pour atteindre cet objectif, l’auteur convoque et allie bien souvent dans ses
œuvres l’apport de l’Exemplarité, de la Multidimensionalité et du Mystère.

Mots-clés : exemplarité ; multidimensionalité ; extrémité ; mystère.

Abstract : Aesthetics intervenes in the creation of literature and contributes to the elaboration
of a writing that highlights the specificity of the author to transcribe his innovation and style. In
this, there would be that Aesthetics offers an artistic possibility that it gives to the writer who
through it, comes to expose his ideas as well as his perception and vision of the world. Thus,
precisely in order to achieve this objective, the author often summons and combines in his
works the contribution of Exemplarity, Multidimensionality and Mystery.

Keywords : exemplarity; multidimensionality; end; mystery.

1
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

INTRODUCTION

Aborder l’Esthétique se rapporte à rendre compte de la dimension de l’écriture qui s’adosse


sur la particularité de l’écrivain. La qualité émanant de l’Esthétique relève, dans le jeu de sa
création, de la possibilité d’expérience qu’elle procure à l’écrivain qui par son biais, en arrive à
exposer ses idées ainsi que ses hypothétiques perception et vision du monde. À en croire
Maurice Nédoncelle, « L’esthétique aspire dès lors à devenir elle-même une sorte d’expérience
artistique. Elle n’est que la maturité des autres expériences artistiques, qui cessent de se heurter
et finissent par se comprendre. Sa réflexion extrait des émotions successives ce qu’elles ont de
durable et de total ». (Nédoncelle, 1967 : 4). Selon ce principe, l’Esthétique concourt à
envisager la notion d’un savoir-faire à l’image d’une structure orientée vers le domaine
artistique. Elle se présente dès lors, comme la particularité de l’art ayant atteint un certain degré
de perfection.

Qu’à cela ne tienne, il arrive qu’à ce niveau, elle rassemble de plus, l’assentiment des uns et
des autres, sur la qualité qu’elle exprime. Se dégage en outre, une effective intemporalité de
l’Esthétique qui persiste dans sa valeur, au fil du temps. Tout devrait donc s’accomplir comme
de juste, selon ce cheminement esthétique de l’expression littéraire, car fort bien, « On dit que
l’art est un langage et c’est vrai, c’est même le seul langage artificiel qui puisse d’emblée être
compris par tout le monde ». (Nédoncelle, 1967 : 34). Ne s’agit-il pas aussi là d’un processus
qui implique que l’art littéraire est un intermédiaire d’expression qui se laisse également saisir
par le lecteur appréciatif ? Tenu par cette logique qui reste tout à fait envisageable, l’art n’est-il
pas sous-tendu par l’Esthétique est sans surprises, un moyen de communication entre l’auteur et
le récepteur du message ?

À la limite justement d’une approche conceptualisante, il sera question de la représentation


esthétique, en exposant que sur la place littéraire, l’écrivain concourt à la confection, pour le
moins enchevêtrée, d’une Exemplarité dans son œuvre. Même lorsqu’il cherche à éclairer le
monde au prisme de sa subjectivité, l’écrivain fait appel, le plus fréquemment, à une
prédilection pour diverses possibilités d’appréhension sous-tendues par l’opportunité de voir
apparaître la potentialité d’une faculté d’expression qui laisse deviner ne serait-ce qu’à
l’occasion de la réflexion, ce qui s’apparente également à la Multidimensionnalité. Il n’en
demeure pas moins, qu’en s’appuyant sur un ensemble d’opérations complexes, d’autant plus
de mise, qu’il est tout aussi susceptible qu’autour de la question de l’Esthétique, s’ensuive a
fortiori un enchaînement de l’extrémité et du Mystère qui s’offrent davantage à leur tour,
comme des cadres moteurs de la création.

1. L’Exemplarité

Dans ce contexte, l’Exemplarité se présente à la croisée des exigences théorique et pratique.


En effet, elle peut être théorisée de sorte qu’on en arrive à l’élaboration de règles d’usage à
adopter. Cependant, la théorie à elle-seule ne suffit pas, car il faut lui associer sa pratique, afin
de juger de sa pertinence. Tout se passe ici, dans une limite, où il y a lieu d’unir la parole à
l’action. Une telle perspective s’oriente vers une attitude de sincérité qui conforme les principes
aux actes. De plus, il se dégage de l’Exemplarité, une connotation méliorative de la théorie et
de sa pratique. Cela étant, on en arrive au cas où le héros littéraire pourrait prétendre à

2
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

l’Exemplarité. Mais si tant est que la figure du héros est un exemple exclusif à suivre, la
pratique des théories qu’il véhicule s’expérimente difficilement pour le commun des mortels.
En effet, le héros se présente comme un être à part, qui assume un rôle déterminant dans le sort
d’un monde.

À ce titre, sa charge d’action se révèle monumentale, au point de susciter l’admiration du


public. Il va sans dire, selon ce principe, qu’à part le héros, personne d’autre ne peut accomplir
sa tâche, à moins de s’ériger derechef à son tour, en héros. Ce cas particulier expose donc une
pratique exclusive réservée à la classe privilégiée des héros. Cependant, un cadre
d’Exemplarité, plus accessible au grand nombre, s’érige avec Roland Barthes, lorsqu’il évoque
le fait qu’« Au début du 1er siècle avant J.-C., une nouvelle forme d’exemplum apparaît : le
personnage exemplaire (eikôn, imago) [qui] désigne l’incarnation d’une vertu dans une figure
». (Barthes, 1985 : 129).

Pour cette raison, il ne reste plus qu’au personnage de se montrer et de se présenter digne de
foi et sympathique aux yeux du lecteur, pour revêtir conséquemment, le qualificatif
d’exemplaire. Même si ces figurations ressortissent au principe de modèles exemplaires, il reste
pourtant que les personnages se différencient des humains. Dès lors, la relation et la frontière
avec la réalité sont suffisamment explicites, « Mais les êtres fictifs que le génie artistique a
créés semblent connaître toutes choses et se mouvoir dans une harmonie préétablie. Ils nous
interrogent, ils nous jugent, ils ne se confondent pas avec nous ». (Nédoncelle, 1967 : 32). Face
à cette situation, la question de l’exemplum illustre bien cet état d’esprit qui a tendance à
présenter les choses axiologiquement, sous leur aspect le plus attractif.

Toutefois, encore aujourd’hui, c’est-à-dire à l’époque actuelle comme le souligne Roland


Barthes, le souci de sincérité n’est pas fondamental. Quoiqu’il en soit, sous l’angle de la
psychanalyse, il se présente conformément, le fait que l’individu dans ses relations avec ses
semblables se crée bien de masques qui absolument souvent camouflent sa nature intrinsèque.
C’est la raison pour laquelle avec l’exemplum, il peut être également donné à voir le simulacre
d’une image qui n’est que l’apparence de la réalité, tout en se voulant exemplaire. Au-delà de
ce cadre, étant parvenu jusqu’à ce stade, qu’en est-il de l’aspect théorique en rapport avec ce
qui pourrait s’appuyer sur la Multidimensionnalité qui dans le sillage des possibilités offertes,
participe de même, à l’assise de l’Esthétique littéraire ?

2. La Multidimensionnalité

À ce propos, le recours à l’éventualité d’appréhender les choses sous plusieurs facettes,


contribue à éveiller les ressources les plus fécondes, les plus efficaces de l’auteur et du lecteur
qui prendra à son tour, le relais de l’œuvre littéraire. Justement, l’activité intellectuelle qui est
exprimée dans l’ouvrage de l’auteur, ne se manifeste pas sans l’usage de la parole et peut
pareillement, s’appréhender à travers des représentations qui pourront être recomposées par les
hypothétiques lecteurs. Par l’inattendu qui reste tout à fait envisageable et du même coup
réunissant les opposés du fini et de l’infini, la Multidimensionnalité, de par son étendue, touche
également à la question de l’Esthétique littéraire.

Cette marque trouve un effort d’animation chez Maurice Nédoncelle pour qui « En revanche
les individus que sont les œuvres d’art déclarent à tout venant l’immanence de l’infini dans le
fini ». (Nédoncelle, 1967 : 34). Très rapidement, il se dégage que la perfection de l’œuvre

3
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

artistique découle du lien qu’elle entretient avec la Multidimensionalité, notamment en rapport


avec la multiplicité de ses facettes. Cette évidence est soulignée par Nédoncelle, où la précision
s’installe avec des nuances :

Mais l’œuvre d’art semble avoir déjà parcouru les intermédiaires qui nous séparent
de notre réalisation. Elle se présente comme une victoire sur les travaux et les jours.
L’infini de ses profondeurs a rejoint celui des horizons : tous deux se rencontrent
pour ainsi dire à sa surface, dans sa détermination sensible. (Nédoncelle, 1967 : 35).

Il n’est donc plus à démontrer cette qualité multidimensionnelle qui se rapporte à l’œuvre
littéraire. Désormais, il va de soi que

Ce ne serait qu’une analogie de perspectives et de termes ; du moins l’art nous


apprend-il qu’une qualité physique est compatible avec son infini non seulement
parce qu’elle nous oriente vers lui comme un écho mais parce qu’elle est contenue
en lui et le laisse apparaître aussitôt. C’est même lui qui donne à cette qualité son
achèvement. (Nédoncelle, 1967 : 35).

C’est ainsi que se construit une seule nature qui est l’œuvre en question, cependant pouvant
être multiforme selon la représentation qui en est faite, telle que peut laisser également
entrevoir la variabilité de facettes. Dans le domaine artistique existe notamment, cette liberté
d’expression qui tout en animant l’écrivain, entretient la possibilité de constitution d’un
particularisme. Selon que l’on considère l’entendement de Maurice Nédoncelle, « Toute
expression artistique se suffit ainsi parce qu’elle est un organisme privilégié, une autonomie
vivante dans un royaume possible d’autres organismes autonomes ». (Nédoncelle, 1967 : 26).
Comme il se doit, les écrivains parviennent encore, à dépasser la condition habituelle de
l’homme qui se combine au manque d’attention à l’égard de ses propres présence et existence.
Pour ce faire, l’écrivain en vient à séparer les limites pour les identifier, à les confondre afin de
créer une magie par l’usage des mots.

Il ressort de là, que la Multidimensionnalité, en rapport avec l’exemple tiré du monde


extérieur dont il fait appel par ricochet, touche de surcroît à l’exemplum. Il se trouve alors mis
en évidence l’expérimentation de degrés bien définis, au point où l’état de la diversité des faits
peut s’apparenter aux choses qui peuvent avoir des aspects différents. À ce titre, dans un cas
comme dans l’autre, elles peuvent se présenter moins appréciables, ou dans une différente
situation, se juger pourtant de meilleures qualités. Tout cela dans un rapport de circonstances
qui pourrait leur être, en toute immédiateté, déterminant. Les modifications inhérentes à la
Multidimensionnalité, en s’appuyant particulièrement sur l’exemplification et les propos de
Gaston Bachelard, renvoient par ricochet, au fait que « La clarté d’une intuition est obtenue
d’une manière discursive, par un éclairement progressif, en faisant fonctionner les notions, en
variant les exemples ». (Bachelard, 2015 : 148).

Mais, sur les assises d’une compréhension à élaborer, Bachelard dans le sillage d’une
réflexion à poursuivre indique dans la dynamique de la variation des possibilités, par ailleurs
qu’« On ne peut montrer plus nettement le caractère discursif de la clarté, la synonymie de
l’évidence et de l’application variée ». (Bachelard, 2015 : 149). Paradoxalement, ce qui est
supposé à tout venant dans une clarté parfaite, n’est pas pour autant établi pour tous, du fait de
la fluctuation des alternatives. Mention est alors faite pour qu’« En effet, on nous conseille de
toujours relire le simple sous le multiple, de toujours dénombrer les éléments de la

4
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

composition. Jamais une idée composée ne sera saisie dans sa valeur de synthèse. On n’aura
jamais égard au réalisme de la composition, à la force de l’émergence ». (Bachelard, 2015 :
147). Cela dit, avec Roland Barthes, en retour, il se trouve que le domaine d’application de la
Multidimensionnalité de l’exemplum s’établit particulièrement et fort bien, par le biais de la
variabilité de son champ d’action. C’est ce qu’il entend effectivement, quand il avance
notamment, l’idée selon laquelle

L’exemplum peut avoir n’importe quelle dimension, ce peut être un mot, un fait, un
ensemble de faits et le récit de ces faits. C’est une similitude persuasive, un
argument par analogie : on trouve de bons exempla, si l’on a le don de voir les
analogies – et aussi, bien entendu, les contraires ; comme son nom grec l’indique, il
est du côté du paradigmatique, du métaphorique. Dès Aristote, l’exemplum se
subdivise en réel et fictif. (Barthes, 1985 : 128).

À cet effet, en mettant en activité cette facette multidimensionnelle de l’exemplum, l’écrivain


concentre effectivement, autant sa pensée sur l’évidence que sur l’Extrémité à percevoir.

3. L’Extrémité

À y regarder d’un peu près, l’Extrémité comporte l’idée d’arrêt, d’aboutissement d’une
chose, d'une orientation ou d'une apparence. Pour dire plus amplement, Marie-Line Piccione
qui se penche sur l’éclairage de la notion, développe que :

L'extrême est indissociable du débordement. Spatial, il obéit à un élan centrifuge : il


se fait alors frontière, limite, se donnant parfois des airs de « bout du monde ».
Temporel, il dit l'émergence et la chute, l'instant ultime du basculement dans un
autre jour, dans un autre monde. (Piccione, 2003 : Quatrième de couverture).

S’il fallait une illustration, le procédé tel que réalisé en l’occurrence, concourt en ce lieu, à
afficher que l’Extrémité s’explique comme un prolongement de la Superficialité vers la
Profondeur. Il va sans dire, qu’en ce qui concerne le domaine littéraire, l’Extrémité se perçoit
précisément, à partir des liens qu’elle entretient avec la Superficialité et la Profondeur. Entre
ces dernières, existe notamment l’écart qui est comblé par l’extrémité. En même temps, en
littérature, il est bien connu que l’écart d’avec la norme conduit à des agrammaticalités
syntaxique et sémantique qui traduisent des effets de style à décortiquer. Pour ce faire, il
devient primordial de considérer la question de l’Extrémité qui en s’écartant de la Superficialité
débouche vers la Profondeur où elle s’achève.

Justement, le texte littéraire recèle d’une Profondeur qui va au-delà de ce qui est exprimé.
Mais pour l’atteindre, il n’est pas toujours aisé, de ne se laisser entraîner que par la seule
constance du sens lexical. Afin de faciliter l’accès au sens idéalisé et sublimé du texte, nous
proposons la conception de l’Extrémité dans une mise en rapport médiatique, comme un moyen
permettant d’établir une relation directe entre la Superficialité et la Profondeur, susceptible de
rendre à la compréhension du texte, tout son enjeu et sa quintessence. Dans tous les cas, jusqu’à
ses moyens d’expression, à la mesure d’un dépassement de l’ignorance, l’intelligence se
rapprochant de l’Extrémité, a cette possibilité de montrer dans les moindres détails, les limites

5
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

d’un entendement, lorsque survient spécifiquement, l’hypothétique écart entre le lexique et son
sens usuel. C’est pourquoi, dans cet aperçu de l’Extrémité qui se dessine, il se trouve qu’il est
question avec lui, d’une effervescence de déferlement et de dérivement vers une possibilité.
Son mouvement s’oriente donc au-delà de la Superficialité pour tendre vers un extérieur, un
éloignement de la source, afin d’atteindre une Profondeur.

C’est ainsi que l’Extrémité atteint une barrière qui se présente à son tour, comme un terme.
Elle se montre de surcroît, par le jaillissement et le glissement en destination finale vers une
réalité nouvelle. En commençant par la Superficialité, on cherchera donc à établir le
prolongement qui permet en fin de compte, de parvenir à un stade d’intellection de la réalité
exprimée autrement que dans un langage simplement utilitaire. À ce titre, rechercher des pans
de l’Extrémité, revient à déceler les effets de style produits et induits, puis à les expliciter, au
point de rendre compte de la Profondeur du sens caché. Tout part, bien entendu, de l’analyse
des moyens mis en œuvre par l’artiste pour susciter l’effet souhaité. Il revient alors, à la pointe
de l’Extrémité, de chercher le bout à résoudre ou à élucider, en tant que point saillant,
nécessaire à l’intelligibilité. Nous retrouvons ici, par le biais de l’analyse, qu’en déchirant à
l’occasion, les voiles de l’invisible et de l’opacité, comme inéluctable, l’atteinte vers
l’Extrémité tend pour ainsi dire, à faire craquer tous les cadres d’une forme contenue et
équilibrée.

Toujours est-il, qu’en s’ouvrant dans un processus de continuité ainsi, à l’infini et à la libre
pensée, on atteint de la sorte, selon les niveaux de degrés relatifs, des modifications de
perceptions. Il s’ensuit, par ailleurs et en particulier, une justification qu’avec l’exemple que
donne la catachrèse. En effet, la catachrèse en tant que figure de style, détourne le mot ou
l’expression, de son sens propre, à travers l’étendu de sa signification. Cependant, avec l’usage
répété qui en est fait, elle est adoptée du fait de l’époque, comme faisant partie du sens
commun. C’est ainsi qu’en guise d’illustration, de telles expressions comme : « le pied d'une
table », « être à cheval sur une chaise », constituent des exemples probant de catachrèses. Tout
compte fait, on s’oriente vers ce qui s’expérimente extrême en un temps donné et, qui peut
également devenir superficiel en un autre, selon l’évolution de l’intelligibilité. Partant de là,
qu’elles qu’en soient les circonstances, si l’Extrémité englobe le prolongement de la
Superficialité vers la Profondeur, il n’en demeure pas moins, que l’indétermination de cette
première, s’érige avant tout, lorsque le Mystère vient naturellement l’entourer.

4. Le Mystère

On pourrait avec le Mystère, déduire qu’il excite l’homme à reconnaître ce qui est méconnu
par l’entendement, c’est-à-dire l’essence des choses qui ne se donnent qu’à travers leur
apparence. En l’occurrence, s’il ne permet pas l’expérience vivante du regard et de la
conscience de l’objet, il s’achemine préférentiellement, vers ce qui relève du prodigieux, du
nébuleux, du dissimulé, de l’incertain ou de l’énigmatique. De l’avis d’Élodie Meunier et de
Pierre-Albert Jourdan,

Il s’agit alors moins, visiblement, d’approcher le monde en son mystère, que d’en
révéler une structure saisissable par l’esprit : l’écriture unit des éléments à travers la
distance, note des alternances, des contrastes parmi les phénomènes, et plus encore,

6
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

comme pour résoudre le déchirement intérieur entre deux aspirations contraires,


elle relève des images de leur conjonction… (Meunier, Jourdan, 2013 : 17).

À ce titre, la représentation de l’auteur peut tenir lieu d’entretenir des points obscurs ou des
imprécisions. Tout devrait donc s’accomplir de cet effet de brouillage pour appeler
nécessairement l’attention, car les hommes sont en majorité attirés par le Mystère.
Parallèlement, ce dernier laisse le loisir de pouvoir l’explorer afin d’en percer les contours.
C’est ainsi que pourra s’éclaircir les zones d’ombre, du fait de s’être approché du Mystère pour
en déceler le champ d’action. Selon ce principe, nous tentons de distinguer le Mystère par ce
qui pourrait s’apparenter justement, à des zones d’ombre. Le Mystère met ainsi en question une
sélection d’indications fragmentaires, qui par-là même, constituent des parties incomplètes ; ce
qui n’est pas sans produire ces zones d’ombre. En effet, l’écrivain qui construit son texte, selon
le style désiré, a le loisir de faire planer le Mystère en dissimulant des informations au lecteur.
Ce qui a pour corollaire de susciter la curiosité de ce dernier. Mais plus profondément, pour
l’écrivain dans ce cas, ce ne sera pas tant ce qui peut se montrer ou être appréhendé par
l’intellect, qui importera, mais l’aspect caché derrière la chose. Dans cet élan, l’auteur a la
possibilité de relier entre eux, des éléments par le biais de la littérature, en mettant l’accent sur
des suggestions ou des suppositions, à propos de sujets apparemment camouflés au niveau des
informations portées au lecteur.

L’écrivain arrive de la sorte, à exposer des événements dont il n’en parle pratiquement pas, à
partir de l’imagination laissée au soin des lecteurs. Quelles qu’en soient la singularité et
l’inspiration de l’auteur, il existe ce fond de Mystère qui obscurci quelquefois, le contour des
actions. Ainsi, le Mystère entretenu de la sorte, concourt à laisser une place nette aux multiples
interprétations. À ce titre, l’auteur montre par-là les limites intrinsèques à sa nature qui ne
parvient pas dans un sens, à viser la compréhension totale et parfaite du monde, dans son
ensemble. Un tel épanchement sous-tendu par le Mystère, va également dans la direction que
lui accorde Nédoncelle, selon laquelle,

Si original soit-il, l’artiste dépose donc sur son œuvre une opacité qui trahit son
impuissance : il ne lui imprime jamais tout à fait l’élan autonome qu’il souhaite.
Ainsi son œuvre le laisse-t-elle à sa faiblesse et à sa demi-solitude, c’est-à-dire à la
condition humaine qu’il a failli dépasser. (Nédoncelle, 1967 : 38).

De l’efficacité de ce dispositif, il appelle nécessairement que l’auteur dispose derechef, de la


possibilité de convoquer le Mystère pour évoquer des faits empreints de fantastique, où la
raison seule ne suffit plus également, à expliciter les choses. C’est ainsi qu’on pourra tendre
vers une dimension de l’imaginaire qui favorise par exemple, la magie des mots, à travers leur
association ou la complexité des actions évoquées, de même que par l’intermède de
phénomènes déferlant la chronique ou n’ayant aucune explication logique, sinon qu’à travers
une certaine sensibilité.

CONCLUSION

7
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

À partir de l’étude de l’Esthétique, il s’est agi d’un processus qui implique que l’art littéraire
est un intermédiaire d’expression qui se laisse notamment saisir par le lecteur appréciatif. Tenu
par cette logique qui reste tout à fait envisageable, la littérature est sous-tendue par l’Esthétique
et est sans surprises, un moyen de communication entre l’auteur et le récepteur du message.
C’est selon ce principe qu’il s’en est suivi l’Exemplarité qui s’est présentée à la croisée des
exigences théorique et pratique. En effet, elle peut être théorisée de sorte qu’on en arrive à
l’élaboration de règles d’usage à adopter. Cependant, la théorie à elle-seule ne suffit pas, car il
faut lui associer sa pratique, afin de juger de sa pertinence. Tout se passe ici, dans une limite,
où il y a lieu d’unir la parole à l’action. Une telle perspective s’oriente vers une attitude de
sincérité qui conforme les principes aux actes. Par ailleurs, en ce qui concerne la
Multidimensionalité, elle a fait cas justement, du point en rapport avec l’activité intellectuelle
qui est exprimée dans l’ouvrage de l’auteur. Partant de là, elle ne se manifeste pas sans l’usage
de la parole et peut pareillement, s’appréhender à travers des représentations qui pourront être
recomposées par les hypothétiques lecteurs, de multiples façons. Par l’inattendu qui reste tout à
fait envisageable et du même coup réunissant les opposés du fini et de l’infini, la
Multidimensionnalité, de par son étendue, touche ainsi, à la question de l’Esthétique littéraire.
En outre, avec l’implication de l’Extrémité, le procédé tel qu’acheminé, a permis de réaliser
qu’en l’occurrence, le concourt en ce lieu laisse afficher un prolongement de la Superficialité
vers la Profondeur. Il va sans dire, qu’en ce qui concerne le domaine littéraire, l’Extrémité se
perçoit précisément, à partir des liens qu’elle entretient avec ces données que sont la
Superficialité et la Profondeur. Il s’est dégagé par ailleurs, du fonctionnement de l’Esthétique
littéraire, un canevas où s’est inscrit le Mystère. Il s’est déduit à travers sa faculté d’exciter
l’homme à reconnaître ce qui est méconnu par l’entendement, c’est-à-dire l’essence des choses
qui ne se donnent qu’à travers leur apparence. En l’instance, s’il ne permet pas l’expérience
vivante du regard et de la conscience de l’objet, il se dirige préférentiellement, vers ce qui
relève du prodigieux, du nébuleux, du dissimulé, de l’incertain ou de l’énigmatique des
situations et des mots mis en présence.

Conséquemment, dans un rapprochement d’avec le matériel lexical, il n’en demeure pas


moins que « l’aptitude productrice d’un mot joue certes au plan du signifié comme du
signifiant. Dans le premier cas, il suffit d’admettre les diverses occurrences de sa polysémie
comme base de la fiction ». (Ricardou, 1971 : 123). Le mot conduit donc à la question du sens
qui participe en grande partie à l’appréhension du lecteur qui est avant tout celui qui prend le
relais de l’œuvre littéraire. Tout comme l’expose Lacan, « le sujet, c’est tout le système, et
peut-être quelque chose qui s’achève dans ce système. L’Autre est pareil, il est construit de la
même façon, et c’est bien pour cela qu’il peut prendre le relais de mon discours ». (Lacan,
1998 : 122). Le sujet laisse alors voir ou entrevoir la place qu'occupe l'autre ou l'Autre au sens
lacanien du terme pour en venir à Sartre qui projette, pour ainsi dire, la liberté d’appréciation
du lecteur devenu sujet second et de son intériorité à qui est destinée l’œuvre, l’objet médiat.
Voilà sans doute pourquoi Julia Kristeva estime que « la psychanalyse a tendance à considérer
l’espace psychique comme une intériorité dans laquelle, par un mouvement involutif se
recueillent les expériences du sujet. (Kristeva, 1993 : 214). Avec Sartre, « par conséquent, vous
le voyez, un livre conçu sur le plan esthétique, c’est vraiment un appel d’une liberté à une
liberté, et le plaisir esthétique c’est la prise de conscience de la liberté devant l’objet ». (Sartre,
1998 : 27). Qui plus est, l’œuvre littéraire se présente comme une « sorte particulière de
performance, elle ne tient son être que de l’événement qui permet sa manifestation ». (Morizot,
2012 : 44). Dans la même veine, n’est-il pas prégnant que l’œuvre littéraire « est à comprendre
comme une action et pas simplement comme le résultat d’une action » (Morizot, 2012 : 44), ce
qui ne serait que prosaïque ?

8
Revue Sciences, Langage et Communication Vol 1, N° 2 (2018)

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BACHELARD, G., (2015), Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, Quadrige, 1934, 8ème
édition, 2ème tirage.
BARTHES, R., (1985), L’aventure sémiologique, Paris, Éditions du Seuil, 1985, p. 129.
KRISTEVA, J., (1993), Les Nouvelles Maladies de l’âme, Paris, Fayard.
LACAN, J., (1998), Le séminaire, Livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Editions du
Seuil, Champ freudien.
MEUNIER É., JOURDAN P.-A., (2013), L’écriture poétique comme voie spirituelle, Paris,
Éditions du Cygne.
MORIZOT, J., Proteus, (2012), « L’esthétique, entre métaphysique et ontologie », Cahiers des
théories de l’art, La place de l’Esthétique en Philosophie de l’Art, n°4, octobre, www.revue-
proteus.com, p. 39-48.
NÉDONCELLE, M., (1967), Introduction à l’esthétique, Paris, Presses Universitaires de
France, 1967.
PICCIONE, M.-L., (2003), Voies vers l’extrême, voix de l’extrême, Pessac, MSHA Maison des
Sciences de l’Homme d’Aquitaine.
RICARDOU, J., (1971), Pour une théorie du nouveau roman, Paris, Editions du Seuil,
Collection « Tel Quel ».
SARTRE, J.-P., (1998), La responsabilité de l’écrivain, Paris, Editions Verdier, Philosophie.

Vous aimerez peut-être aussi