Vous êtes sur la page 1sur 6

Lit XX/XXI 1

Biblio
Mohammed Dib – Qui se souvient de la mer (1962) (postface)
Kamel Daoud – La préface du nègre

 Synthèse des grandes théories de la préface


 La préface d’une fiction, en quoi peut-on la considérer un lieu de présentation du
créateur ?
 La préface se montre un lieu très important d’interaction et de transaction, le lieu
d’une pragmatique et d’une stratégie d’un rapport qui est calculé entre un préfacier
et son lectorat. L’auteur peut faire sa propre préface (et là il est dans un position où
la préface est toujours disponible pour des changements dans de nouvelles éditions)
ou il peut demander à un autre de la réaliser ou une préface peut être faite après sa
mort sans sa permission. Le texte préfaciel est un espace où l’on peut utiliser un
préfacier à fin d’obtenir un gain souvent symbolique ou économique. Cela promeut
aussi une interaction entre l’auteur et le préfacier.
 La préface donne à voir et à comprendre la complexité des interactions entre un
créateur/un préfacier (un acteur du monde littéraire ou extra-littéraire) et le lecteur.
L’image de la création a une teneur tout à fait particulière. Paradoxalement, la
préface peut être un lieu de négation, d’une réprobation absolue (par exemple,
avant des textes antisémites ou nazis). Un lieu qui vient s’opposer radicalement au
discours du texte, à son idéologique.
 Une autre relation qui n’est pas vraiment de négation est celle de la relation de
retard, une préface qui retarde toujours le début du roman. Elle retarde l’entrée
romanesque en l’expliquant, en justifiant sa création par une attention donnée
comme supérieur, elle entrave sa mise en place et limite sa portée. La préface est
contraire à l’entrée dans la fiction.
 Pour certains théoriciens, la préface serait un lieu d’empêchement qui brise la
relation entre l’œuvre et le lecteur. Par exemple, quand l’auteur essaie de diriger la
lecture, des auteurs qui ajoutent une préface pour défendre son texte et il est
vaniteux dans l’essai. A la place de la première ligne du texte, la préface se montre
comme le lieu d’entrée du roman de manière contre-productive et peut le conduire
à l’échec.
 La préface est un objet paradoxal qui se montre dans un lieu extrêmement ambigu
en rapport avec le texte qu’il prétend accompagner. Le discours préfaciel du XIXème
était un lieu de fiction, et pas un lieu de réalité (par exemple, les histoires de
découvertes de manuscrits). Un dispositif préfaciel qui manipule le rapport entre
l’auteur et le lecteur de manière à que ce dernier croît au besoin de la lecture. C’est
une protection pour les auteurs qui écrivent des choses choquantes, mais aussi une
séduction des lecteurs (Les liaisons dangereuses). Le lecteur peut croire à la
légitimité de son discours, mais s’il entre dans le jeu, il est déjà en pacte fictionnel
avec la préface. Il y avait une sorte de ethos préfaciel où l’auteur devenait aussi
l’éditeur dans l’imaginaire des lecteurs.
 C’est aussi une fonction de cadre qui est donnée à la préface, une zone limitrophe
qui retarde l’entrée dans la fiction, mais qui l’introduit aussi et donne début à la
suspension d’incrédulité. Un lien encore entre la réalité et la fiction. Quelques
préfaces insèrent le lecteur déjà dans la fiction à la manière de ce texte là des parcs
de Cortázar. La préface est vraiment spatiale et temporelle, un moment de transition
entre deux mondes, matériellement présentée par sa position dans le livre et par le
caractère surplombant de sa lecture. C’est l’image du seuil de Genette et liman, le
passage qui vous installe comme lecteur, un lieu dynamique, de mouvement qui
transforme le lecteur en un des éléments du texte. Son emplacement stratégique
tourné vers la parole du monde et la parole du texte, lieu de contact entre le monde
et la fiction, dans un échange.
 Préface autographes - > difficile de décider si ce texte appartient ou non à l’œuvre,
est-ce que le paratexte appartient au texte ? Doit-on le considérer dehors ou dedans
du texte.
 Nous nous fixons sur les contre discours, les voix qui viennent contredire l’image de
la préface et montrer des nouveaux liens entre la préface et la fiction.

LIT XX/XI 2

 État de la question : quelques orientations théoriques.


 Henri Mitterrand : la préface et ses lois, dans « le discours du roman ». -> Il a une
formation de linguiste, suivant les travaux de Benveniste qui distingue la préface du
discours de l’œuvre (celui-ci étant le récit). La préface se situe dans le même univers
de référence que le lecteur, dans sa position énonciative. Il étudie aussi la préface
actorial où le personnage préfacier sort de la diogèse du récit pour participer au
discours de la préface, où le lecteur rencontre le personnage dans un même univers.
La figure la plus traditionnelle est la préface auctorial, celle de l’auteur, mais même
dans ce cas l’auteur se métamorphose, parce qu’il change de situation d’énonciation,
il devient un autre en intervenant dans la préface, ce métalangage le transforme. Le
préfacier joue sur le lecteur pour lui imposer une manière de lire le texte, en se
faisant personnage de soi-même, d’une nature performative. Le discours le plus
habituel c’est un discours favorable de son roman, mais l’énonciation peut être
dépréciative (comme Laclos qui prétend que les lettres des Liaisons Dangereuses
sont mal écrites). Il n’est pas rare que le discours préfaciel devienne le paradoxe
pragmatique envers la lecture. Elle peut être une scénographie pour enlever
l’énoncé. Les valeurs performatives s’emportent sur les valeurs informatives. Il se
trouve ainsi levé le paradoxe d’une lecture qui veut faire sauter la lisibilité du récit.
S’il s’agit d’un lieu presque fictionnalisant, l’on entre avec la préface dans le domaine
de la fiction. En tant que discours inaugural la préface relève du rituel, c’est un geste
qui doit résulter dans l’acte de la lecture. La préface finalement est une zone grise
qui incite le lecteur à s’en sortir. Son côté performatif est si marquant que même son
absence marque son absence, puisque le lecteur l’attend.
 Seuils, Genette et son héritage -> il constitue un pilier en matière d’études para
textuels. Où, moment, qui, destinataire, sont ses préoccupations dans l’étude de la
préface. On y peut pourtant trouver des expressions extrêmement différentes. Il y a
une vérité universelle : quand on a une préface auctoriale originale, elle a pour but
d’assurer le texte une bonne lecture et d’obtenir une lecture. La préface est
conditionnée par une intention auctorial, voire éditorial, de contrôler la lecture. La
préface joue un rôle actif dans la réception du texte qu’il accompagne, il agit comme
un guide, mais qui use néanmoins des stratagèmes pour arriver à sa fin.
 Andréa Delungo ( ?) -> poétique de la préface. Il écrit 20 ans après Genette « incipit
romanesque », et il contredit l’approche diachronique et structuraliste de Genette. A
son avis, pour décrire quelque chose symptomatique à propos de la préface il faut
moins s’intéresser à la variété du genre et la regarder plutôt d’un côté synchronique
que diachronique. Il se pose d’autres questions qui sont légitimes et que Genette ne
s’était pas posées. Par exemple, l’état provisoire de la préface. Un auteur rarement
change le roman dans les nouvelles éditions, mais la préface est souvent changée.
Comment étudier de manière sacralisée la préface alors même qu’elle est parfois
transitoire ? Il s’est intéressé aussi à la genèse des préfaces, elle peut être
reformulée, contredite, le long des éditions.
 Le créateur change au fur et à mesure que le temps passe, bien que l’auteur reste le
même. Celui qui a écrit une œuvre il y a 20 ans n’est plus le même 20 ans après.
Celui-ci peut bien désavouer son œuvre de jeunesse.
 A travers tous ces réflexions en relation au paratexte et au texte, il propose de
repenser la forme du paratexte comme étant dépendante jusqu’à un certain point
du genre de texte. Écrire une poétique de la préface doit prendre en compte des
éléments littéraires de ce qui accompagne cette préface. Le discours préfaciel et le
genre littéraire doivent être aperçus comme conjoints.
 Beaudein Millet -> Il a travaillé sur la fiction anglaise dans un temps très étroit. Cette
vue serrée permet de mettre en évidence certain nombre de dispositifs assez
intéressantes. La préface joue un rôle déterminant dans le camouflage dans les
novels et les romances anglais où se met en place des dispositifs de justification qui
vont permettre d’expliquer la présence de la fiction dans l’œuvre, soit la justifier à
l’aide de dispositif théoriques ou de la nier à l’aide des dispositifs rhétoriques. Il vise
à attendre des objets précis, cachés au lecteur, dans les phrases qui sont dans la
préface.
 Ou l’on justifie la fiction par la ressemblance, ou vraisemblance, ou bien on la justifie
par l’allégorie et le moral. Ceci implique deux grands modes de narration : pour le
premier le mode épique et pour le second la narration parabolique. Dans les deux
cas, l’auteur cherche à désamorcer les méfiances du religieux. La fiction ne peut
accuser des futilités.
 Du côté de la négation de la fiction, on a des éléments qui provoquent une stratégie
de mystification du lecteur, la fiction est réfutée, une mise en scène de vérité
s’insère dans la préface. Dans ce dispositif, on rend possible l’effacement de la figure
de l’auteur, il se transforme en éditeur, il se crée personnage.
 Claude Duchet ( ?) « L’enseignement des préfaces » -> une sociocritique de la
préface ? La préface a pour but de justifier l’idéologie du texte littéraire, ces
déclarations métatextuelles valent comme des prescriptions, le discours existe donc
toujours dans une attente d’une question sociale. Il montre une interaction entre
l’auteur et le lecteur. Il fait apparaître l’auteur conditionné par son milieu et les
conditions de visibilité de l’œuvre. Le préfacier se situe dans une grande normativité
qui renvoie à l’époque. En voulant expliquer le texte, l’auteur le nuit, et supprime sa
richesse polyphonique. (Zola, Bonefoi)
 Ce qui caractérise la préface comme système communicationnel c’est qu’elle permet
des interactions entre ses éléments constituants – destinateur / destinataire – dans
les canaux communicationnels qui est le discours. Il met en évidence 4 grandes
fonctions : la négociation, l’expression publicitaire, la conversation, et la leçon de
maître.
 Les approches de la préface peuvent être très contradictoires. On peut la considérer
comme une trahison du texte ou, au contraire, comme un guide. On peut la
considérer comme un texte paratextuel ou comme faisant partie du texte.

LIT XX/XI 3
 La Préface du Nègre
 Recueil publié chez Barzakh en 2008 sous le titre La Préface du Nègre. Le nouveau
homonyme est intégrée dans un premier recueil qui s’appelle Le Minotaure 504 en
2011 chez Weslieser. 2015 chez Actes Sud.
 Kamel Daoud donne la parole à des hommes qui ont une volonté d’être reconnu. Ils
essayent de remonter les failles du passé, il y a une relation étroite avec le pays.
L’histoire de la postindépendance est mise en relief de manière critique. Ils sont
également marqués par une fictionalisation de l’écriture, « invention d’une langue et
d’une musique ». Les personnages se livrent à travers une logorrhée hallucinée.
 La Préface du Nègre met en scène un jeune écrivain embauché par un vieil aveugle
qui lui demande d’écrire l’histoire de sa vie. Le jeune homme en profite pour écrire
son propre livre.

LIT XX/XI 4
 Postface Qui se souvient de la mer
 Un roman écrit par Mohammed Dib publié pendant la guerre d’Algérie. La postface
n’est pas publiée lors de la première sortie de l’œuvre. Elle comporte une réflexion
sur la littérature et sur qqns de ces genres. L’explication de l’après-coup. Une
« postface pédagogique » / « postface tardive/ultérieure ».
 Qui se est un roman qui comporte une vision onirique et apocalyptique de la fin d’un
monde transposé dans un univers de créatures fantastiques. Un texte référenciel de
la guerre d’Algérie dont le roman prétend donner une nouvelle vision.
 Il y a un lieu de dialogue avec le lecteur qui montre une réaction à la réception (à la
fois du succès et la critique). La question qui se répond est une analyse de la
représentation nécessaire pour la violence du XXème siècle, un ars poetica des
nouveaux genres littéraires.
 Préface x Postface
 La postface propose, dissémine, creuse, prolonge, remplace, précède. Possibilité in
extremis d’un changement. Refus de l’œuvre à trouver une fin.
 Elles ouvrent la tentation du jeu. Des espaces d’affrontement, un lieu de négociation
solitaire et une invitation à l’échange.
 Quel est ou quels sont les créateurs dans la préface du nègre ?

LIT XX/XI 5
 Mohammed Dib – rapport entre langage et création
 Qui Souvient de la mer
 Une specularité entre le processus d’écriture de Q et l’image réfléchie dans la
postface.
 Il y a un changement esthétique après la guerre d’Algérie après une époque dite
réaliste. Il était le grand écrivain réaliste d’Algérie où l’idée de réalisme était celle
d’engagement. Un stéréotype idéologique très fort. Une approche des grands
maitres classiques réalistes comme Maupassant.
 Il n’a préfacé ni postfacé ses premières œuvres. C’est précisément là dans ses
premiers textes (entretiens, articles), il y a des réflexions sur le langage et son
pouvoir, ce qui permet au grands critiques de dire que ces matériaux permettent de
penser à une justification de l’union de toute l’œuvre de l’auteur. Chaque étape de
son œuvre sera une démarche de cette investigation du langage et du pouvoir qui
aboutit en Q.
 Après Q ses œuvres deviennent de plus en plus difficiles à lire pour un usage
expérimental du langage, qui peut être nommé surréaliste.
 Pour Dib, surréalisme est plus un mot-valise, « sur-réalisme », qui cache
l’impuissance de la critique à rendre compte du contenu de Q.
 La postface est une réaction aux réactions des lecteurs. Il s’agit d’une image de la
création, des outils qu’utilise l’auteur.
 Image de l’auteur en tant que projecteur, il s’existe métonymiquement à la postface
comme qqn qui émet des images aux lecteurs.
 Le secret est un thème important. Celui du narrateur à la première personne – ce qui
implique toujours une forme de mise-en-abîme de l’auteur – et du créateur. Les
deux sont dans la solitude de celui qui sait. Dib se place après-coup dans la position
de celui qui est revenu de l’expérience de l’écriture de l’événement.
 Il y a un rapport avec le sacré parce qu’il est au-delà de la vie ordinaire, à la position
d’une prosopopée, un savoir très important dans la parole du narrateur.
 La parole est toujours au seuil de l’inconnaissable. Dans la postface, il y a aussi cette
idée d’un seuil de l’indicible, de l’ineffable.
 Cette position du narrateur est celle de qqn qui est soumis à la puissance du mal et
qui est presqu’au-delà de ce que le savoir humain peut appliquer. C’est un
cauchemar qui le hante et c’est celui qui a qnmm le courage de ses connaissances.
 Dans Q il y a des plongés régressifs dans le lieu protégé qui est la maison de
l’enfance. Malheureusement, elle est un château en ruine, il a été démoli avant la
guerre. Ce lieu de l’idéal n’existe pas, il appartient à un passé irrécupérable. Il se
trouve toujours confronté à la perte. Il n’arrive pas à retrouver la mer. Il perd sa
femme, Nafissa, mais d’une perte résistante, parce qu’elle est entrée dans la
résistance. Il perd toujours tout. Une figure irrémédiable.
 Cette perte irréparable de son secret est aussi celle du référent. Il met le référent au
secret, en le montrant comme un objet de perte. Une perte en quelque sort du
langage qui permet de communiquer directement avec ce monde.
 Cela implique qqch dans l’écriture de Q, plusieurs paroles absences, simulacres, sans
destinataire ni émetteur.
 Il y a une absence du référent qui parle absence.
 Il y a un référent désigné mais il est rendu absent et le narrateur se trouve dans une
position de déchiffrement, tel que le lecteur. Il est en même temps l’emblée de
l’auteur que du lecteur. Pour l’aider l’auteur jette qqs projecteurs rétrospectifs dans
la postface. On est placé à l’image du narrateur dans la position d’exégèse pour
donner les atouts au lecteur pour comprendre le roman, puisqu’ils n’appartiennent
pas à ce monde-là.
 En même temps que le lecteur ne sait pas qu’il s’agit d’une histoire de la guerre
d’Algérie, il peut être déchiffré.
 Les mots vivent par eux-mêmes, indépendant.
 Il y a une ambiguïté fondamentale dans Q qui est celle de se signifier mais aussi de sa
création. L’écriture est le passage qui fait ce qu’elle nomme, qui produit du sens, qui
désigne le vide dont le sens est absent.
 Le narrateur et l’auteur dans la postface désignent les trucs.

Lit XX/XXI 6
 Le texte se penche sur la création, l’histoire et le pouvoir politique.
 Les créateurs dans la PN sont plusieurs, à part le vieux et le nègre. Il y a la question
des enfants de l’indépendance.
 Les mémoires comme des poupées rousses, fractales
 Temporalité de la création, pas définie, mythique au départ (celle de la répétition).
Mais à un moment les signes de spécularité d’histoire donnent un placement
temporel.
 Personnages : Le Nègre, Le Vieux
 Action : Ecrire. Proférer. Raconter l’histoire. L’auteur est appelé un « nègre en
miniature du Vieux » (créateur secondaire)
 Violence implicite et explicite qui parcoure le texte, la violence qui continue après la
décolonisation par la main du Vieux libérateur.

Vous aimerez peut-être aussi