Vous êtes sur la page 1sur 7

Acte de langage

Un acte de langage (ou acte de parole) est un moyen mis en œuvre par un locuteur
pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, inciter, demander,
convaincre, promettre, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.
Cette théorie, liée à la philosophie du langage ordinaire, a été développée par John L.
Austin dans Quand dire c'est faire (1962), puis par John Searle. Elle insiste sur le fait
qu'outre le contenu sémantique d'une assertion (sa signification logique, indépendante
du contexte réel), un individu peut s'adresser à un autre dans l'idée de faire quelque
chose, à savoir de transformer les représentations de choses et de buts d'autrui, plutôt
que de simplement dire quelque chose : on parle alors d'un énoncé performatif, par
contraste avec un énoncé constatif. Contrairement à ce dernier, il n'est ni vrai ni faux.
On peut alors modéliser l'acte de langage comme n'importe quel autre type d'acte : il a
un but (aussi appelé intention communicative), un pré-requis, un corps (c'est-à-dire une
réalisation) et un effet1.
Il existe différents types d'actes de langage, que l'on catégorise généralement selon
leur but : citer, informer, conclure, donner un exemple, décréter, déplorer, objecter,
réfuter, concéder, conseiller, distinguer, émouvoir, exagérer, ironiser, minimiser, railler,
rassurer, rectifier… L'identification de l'acte de langage conditionne largement
l'interprétation du message délivré, au-delà de la compréhension de son contenu
sémantique. Par exemple, la motivation de l'énoncé « J'ai appris que tu as obtenu ton
diplôme » peut être de féliciter son destinataire, de s'excuser d'avoir douté de sa
réussite, d'ironiser sur un succès tardif ou simplement de l'informer du fait rapporté.
Quelques travaux antérieurs à cette théorie peuvent être trouvés chez certains Pères
de l'Église et philosophes scolastiques (dans le contexte de la théologie sacramentelle),
ainsi que chez Thomas Reid, et C. S. Peirce [réf. nécessaire]. Adolf Reinach a quant à lui
développé une théorie assez complète des « actes sociaux » en tant qu'expressions
performatives, bien que son travail n'ait eu que peu d'influence, peut-être en raison de
sa mort prématurée. Roman Jakobson avait des idées similaires dans les années 1960,
sous la forme de ce qu'il appelle la fonction conative du langage.

Sommaire

 1Pragmatique et actes de langage


o 1.1Les actes de langage : le fondement historique
o 1.2Performatif vs constatif
o 1.3Limites de la distinction performatif/constatif
o 1.4Analyse des actes illocutoires

Pragmatique et actes de langage


La pragmatique linguistique s’est largement développée sur la base de la théorie des
actes de langage, qui en a constitué historiquement le creuset. La théorie des actes de
langage a pour thèse principale l’idée que la fonction du langage, même dans les
phrases déclaratives, est moins de décrire le monde que de faciliter des actions
(« Connaître, mais connaître pour agir », selon la formule de Roger Bacon). La question
est évidemment peu discutable concernant les ordres, promesses, conseils ou actes
institutionnels (baptême, mariage, etc). Son développement par Searle, à la suite
d’Austin qui en a été le pionnier, a influencé le développement récent de la pragmatique
linguistique. La pragmatique cognitive apparue avec les travaux de Dan
Sperber et Deirdre Wilson dans les années 1990, adopte une approche différente.
Selon Sperber et Wilson, qui ont proposé une catégorisation grandement simplifiée des
actes de langage, les énoncés performatifs sont peu fréquents, ou tout du moins
l’interprétation de nombre de ces énoncés ne repose pas sur leur éventuel caractère
performatif (c'est-à-dire que ces énoncés ont un sens indépendamment de l'intention de
communiquer). En d'autres termes, il ne faut donc pas exagérer la portée des actes de
langage.
Les actes de langage : le fondement historique
On peut considérer que la pragmatique naît en 1955 à Harvard, lorsque John Austin y
donne les conférences William James et introduit la notion nouvelle d’« actes de
langage ». Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pragmatique prend
racine dans les travaux d’un philosophe qui s’élève contre la tradition dans laquelle il a
été éduqué et selon laquelle le langage sert principalement à décrire la réalité. Austin,
en opposition avec cette conception « vericonditionnaliste » de la fonction du langage,
qu’il appelle, de façon péjorative, l’illusion descriptive, défend une vision beaucoup
plus « opérationnaliste » selon laquelle le langage sert à accomplir des actes. Il fonde
sa théorie du langage et de son usage sur l’examen de certains énoncés
de forme affirmative, à la première personne du singulier de l’indicatif présent, voix
active, des énoncés qui, selon Austin, en dépit de leur forme grammaticale, ne
décriraient rien (et ne seraient donc ni vrais ni faux) mais correspondraient plutôt à
l’exécution d’une action.
La théorie des actes de langage se fonde donc sur une opposition à « l’illusion
descriptiviste » qui veut que le langage ait pour fonction première de décrire la réalité et
que les énoncés affirmatifs soient toujours vrais ou faux. Selon la théorie des actes de
langage, au contraire, la fonction du langage est tout autant d’agir sur la réalité et de
permettre à celui qui produit un énoncé d’accomplir, ce faisant, une réaction. Dans cette
optique, les énoncés ne sont ni vrai ni faux.
Performatif vs constatif
La thèse d’Austin, dans sa première version tout au moins, s’appuie sur une distinction
parmi les énoncés affirmatifs entre ceux qui décrivent le monde et ceux
qui accomplissent une action.

 (1) Le chat est sur le paillasson.


 (2) Je te promets que je t’emmènerai au cinéma demain.
Les premiers sont dits constatifs, alors que les seconds sont performatifs. Les
premiers peuvent recevoir une valeur de vérité : ainsi (1) est vrai si et seulement si le
chat est sur le paillasson. Les seconds ne peuvent pas recevoir de valeur de vérité.
Toutefois, ils peuvent être heureux ou malheureux, l’acte peut réussir ou échouer et,
de même que les valeurs de vérité attribuées aux énoncés constatifs dépendent
des conditions de vérité qui leur sont attachées, la félicité d’un énoncé
performatif dépend de ses conditions de félicité.
Les conditions de félicité dépendent de l’existence de procédures conventionnelles
(parfois institutionnelles : mariage, baptême, etc.) et de leur application correcte et
complète, des états mentaux appropriés ou inappropriés du locuteur, du fait que la
conduite ultérieure du locuteur et de l’interlocuteur soit conforme aux prescriptions liées
à l’acte de langage accompli. Plus généralement, il y a deux conditions de
succès primitives :

 le locuteur doit s’adresser à quelqu’un,


 son interlocuteur doit avoir compris ce qui lui a été dit dans l’énoncé correspondant
à l’acte de parole.
Limites de la distinction performatif/constatif
La distinction performatif/constatif, basée comme elle l’est sur la distinction entre
condition de félicité et conditions de vérité, n’a pas résisté à l’examen sévère auquel
Austin l’a soumis. Il a notamment remarqué qu’à côté de performatifs explicites (2), il
y a des performatifs implicites (3), qui peut aussi correspondre à une promesse, mais
où le verbe « promettre » n’est pas explicitement employé :

 (3) Je t’emmènerai au cinéma demain.


De plus, les constatifs correspondent à des actes de langage implicites, des actes
d’assertion sont donc soumis à des conditions de félicité, comme le sont les
performatifs. Enfin, ils peuvent être comparés à leur correspondant performatif explicite
(4), ce qui ruine définitivement la distinction performatif/constatif :

 (4) J’affirme que le chat est sur le paillasson.


L’opposition entre conditions de félicité et conditions de vérité n’est donc pas complète
(elles peuvent se combiner sur le même énoncé), et par contrecoup, l’opposition entre
performatifs et constatifs n’est pas aussi tranchée qu’il y a paraissait à un premier
examen. Austin abandonne l'opposition énoncés constatifs et énoncés
performatifs et bâtit une nouvelle classification des actes de langage en 3 catégories :

 Les actes locutoires que l’on accomplit dès lors que l’on dit quelque chose et
indépendamment du sens que l’on communique ;
 Les actes illocutoires que l’on accomplit en disant quelque chose et à cause de la
signification de ce que l’on dit ;
 Les actes perlocutoires que l’on accomplit par le fait d’avoir dit quelque chose et
qui relèvent des conséquences de ce que l’on a dit.
Si l’on en revient à l’exemple (2), le simple fait d’avoir énoncé la phrase
correspondante, même en l’absence d’un destinataire, suffit à l’accomplissement
d’un acte locutoire. En revanche, on a accompli par l’énoncé de (2) un acte illocutoire
de promesse si et seulement si l’on a prononcé (2) en s’adressant à un destinataire
susceptible de comprendre la signification de (2) et cet acte illocutoire ne sera heureux
que si les conditions de félicité qui lui sont attachées sont remplies. Enfin, on aura par
l’énonciation de (2) accompli un acte perlocutoire uniquement si la compréhension de la
signification de (2) par le destinataire a pour conséquence un changement dans ses
croyances : par exemple, il peut être persuadé, grâce à l’énonciation de (2), que le
locuteur a une certaine bienveillance à son égard.

Un acte locutoire, en linguistique et dans la Philosophie de l'esprit, est le fait de produire


un énoncé, et donc un acte de langage. Le terme fait autant référence au sens superficiel d’un
énoncé, parce que, selon l’œuvre posthume de John Langshaw Austin How To Do Things With
Words (« Quand dire c’est faire »), un acte de langage devrait être analysé comme un acte locutoire
(c'est-à-dire l’énoncé à proprement parler et son sens prétendu, comprenant d’actes phonétiques,
phatiques et rhétiques qui correspondent aux aspects verbaux, syntaxiques et sémantiques de
n’importe quel énoncé qui a du sens. L'acte locutoire ou la dimension locutoire correspond donc au
sens premier de l'énoncé), de même qu’en tant que fonction illocutoire (la sémantique de la
« fonction illocutoire » de l’énoncé, donc son sens réel recherché), et dans certains cas plutôt en
tant que fonction perlocutoire (c'est-à-dire son effet réel, qu’il soit recherché ou non).
Par exemple, lorsqu’on dit « N’allez pas dans l’eau » (acte locutoire avec des caractéristiques
phonétiques, syntaxiques et sémantiques distinctes), il s’agit de vous avertir de ne pas aller dans
l’eau (fonction illocutoire), et si l’on tient compte de ce conseil, vous ne voudrez pas aller dans l’eau
(fonction perlocutoire). Cette taxonomie des actes de langage a été léguée à John Searle, l’élève
d’Austin à Oxford qui est par la suite devenu une figure influente de la théorie de l’acte de langage.

La fonction illocutoire d'un acte de langage est, dans la théorie linguistique de John Langshaw


Austin, le message convoyé par un énoncé au-delà de son sens immédiat, celui que traduit sa
fonction locutoire. Par exemple, le fait, à table, de prononcer la phrase « Est-ce qu'il y a du sel ? »
n'a pas, du seul fait de sa formulation, seulement pour fonction de s'informer sur la présence
de sel dans la maison (ou dans le plat, contenu locutoire de l'énoncé) mais exprime plutôt que l'on
voudrait saler son plat (fonction illocutoire) et se traduit généralement par le fait que l'un des
convives réagit, par exemple en passant la salière au locuteur, ce qui est la fonction perlocutoire de
l'énoncé1.

La fonction perlocutoire du langage, ou un acte perlocutoire, est, en linguistique pragmatique,


l'effet psychologique que produit la phrase sur le récepteur, par contraste avec l'acte illocutoire. La
fonction perlocutoire se comprend ainsi dans l'ensemble formé avec l'acte locutoire et la force
illocutoire1.

Acte illocutoire, acte perlocutoire  : La distinction entre illocutoire et perlocutoire


provient de la théorie des actes de langage de John Austin (Quand dire, c'est faire)2,
selon laquelle un acte performatif de langage (une promesse, un ordre, etc.) se divise
en deux effets distincts : un effet illocutoire, qui consiste en la fonction performative de
l'acte de langage au niveau conventionnel (je ne peux promettre, ou baptiser un bateau,
que si certaines circonstances, ou normes conventionnelles sont réunies), et un effet
perlocutoire, qui désigne l'effet psychologique ressenti par le destinataire (confiance,
peur, timidité, etc.).
Acte perlocutoire et intentionnalité   :L'acte perlocutoire se distingue ainsi de
l'intentionnalité, dans la mesure où l'effet psychologique ressenti par le récepteur ne
dépend pas de mon intention signifiante (par exemple, il ne dépend pas de moi que le
récepteur ait confiance en ma promesse, ou qu'il se sente insulté quand je l'insulte;
mais si je dis : « je promets que... », alors l'acte illocutoire de la promesse a eu lieu, que
je veuille, ou non, tenir cette promesse – celle-ci tenant sa valeur non pas de mon
intentionnalité, de ma sincérité, mais de la convention selon laquelle affirmer « je
promets que... » c'est engager sa parole).

L'effet perlocutoire  :L'effet perlocutoire est ainsi l'effet produit par la production de
l'énoncé sur le co-énonciateur ou sur ses actes. Par exemple, à la suite de la phrase : «
Il fait un froid de canard », le co-énonciateur se lève et ferme la fenêtre.

Analyse des actes illocutoires


Conformément à ses doutes quant à la distinction constatif/performatif, Austin admet
que toute énonciation d’une phrase grammaticale complète dans des conditions
normales correspond de ce fait même à l’accomplissement d’un acte illocutoire. Cet
acte peut prendre des valeurs différentes selon le type d’acte accompli et Austin
distingue cinq grandes classes d’actes illocutoires :

 Les verdictifs ou actes juridiques (acquitter, condamner, décréter…) ;


 Les exercitifs (dégrader, commander, ordonner, pardonner, léguer…) ;
 Les promissifs (promettre, faire vœu de, garantir, parier, jurer de…) ;
 Les comportatifs (s’excuser, remercier, déplorer, critiquer…) ;
 Les expositifs (affirmer, nier, postuler, remarquer…).
La mort d’Austin l’a empêché de poursuivre ses travaux et le développement de la
théorie des actes de langage a été poursuivi par la suite par John Searle.
Searle commence par ajouter à la théorie des actes de langage un principe fort, le
« principe d’exprimabilité », selon lequel tout ce que l’on veut dire peut être dit : pour
toute signification X, et pour tout locuteur L, chaque fois que L veut signifier (à l’intention
de transmettre, désire communiquer…) X, alors il est possible qu’existe une expression
E, telle que E soit l’expression exacte ou la formulation exacte de X. Ce principe
implique une vision de la théorie des actes de langage selon laquelle les deux notions
centrales sont l’intention et la convention : le locuteur qui s’adresse à son interlocuteur a
l’intention de lui communiquer un certain contenu, et le lui communique grâce à la
signification conventionnellement associée aux expressions linguistiques qu’il énonce
pour ce faire. La centralité des notions d’intention et de convention ne constitue pas
réellement une rupture par rapport à la théorie austinienne des actes de langage :
plutôt, Searle se contente d’indiquer explicitement des notions qui étaient restées
davantage implicites chez Austin. L’innovation principale de Searle consiste à distinguer
deux parties dans un énoncé : le marqueur de contenu propositionnel et
le marqueur de force illocutoire. Si l’on revient à l’exemple (2), on voit qu’il est facile
d’y distinguer, comme dans la plupart des performatifs explicites, le marqueur de
contenu propositionnel : « je t’emmènerai au cinéma demain », et le marqueur de force
illocutoire : « je te promets ». Si cette distinction est plus facile à appliquer aux
performatifs explicites comme (2), le principe d’exprimabilité suppose néanmoins que
les performatifs implicites, comme (3), sont équivalents aux performatifs explicites et
que, dans cette mesure, la distinction entre marqueur de force illocutoire et marqueur
de contenu propositionnel peut s’y appliquer.
Searle a également donné sa version des règles s’appliquant aux différents types
d’actes de langage et sa propre taxinomie de ces différents types d’actes de langage.
Cette taxinomie s’appuie sur un certain nombre de critères :

 le but de l’acte illocutoire ;


 la direction d’ajustement entre les mots et le monde – soit les mots « s’ajustent » au
monde, comme dans une assertion, soit le monde « s’ajuste » aux mots, comme
dans une promesse ;
 les différences dans le contenu propositionnel qui sont déterminées par des
mécanismes liés à la force illocutoire : une promesse, p. ex., déterminera le contenu
propositionnel de l'énoncé de telle manière que ce contenu portera sur le futur, et
sur quelque chose qui est en mon pouvoir ; une excuse déterminera le contenu de
sorte qu'il porte sur un événement passé, et qui a été sous mon contrôle ;
 la force avec laquelle le but illocutoire est représenté, qui dépend du degré
d’explication de l’acte ;
 les statuts respectifs du locuteur et de l’interlocuteur et leur influence sur la force
illocutoire de l’énoncé ;
 les relations de l’énoncé avec les intérêts du locuteur et de l’interlocuteur ;
 les relations au reste du discours ;
 les différences entre les actes qui passent nécessairement par le langage (prêter
serment) et ceux qui peuvent s’accomplir avec ou sans le langage (décider) ;
 la différence entre les actes institutionnels ;
 l’existence ou non d’un verbe performatif correspondant à l’acte illocutoire ;
 le style de l’accomplissement de l’acte.
Cet ensemble un peu hétéroclite de critères permet à Searle de dégager cinq classes
majeures d’actes de langage, classification basée principalement sur les quatre
premiers critères :

 les assertifs [représentatifs] (assertion, affirmation…) ; les mots s'ajustent au


monde ;
 les directifs (ordre, demande, conseil…) ; le monde s'ajuste aux mots ;
 les promissifs (promesse, offre, invitation…) ; le monde s'ajuste aux mots ;
 les expressifs (félicitation, remerciement…) ; pas de direction d'ajustement ;
 les déclaratifs (déclaration de guerre, nomination, baptême…) ; direction
d'ajustement double (mots - monde / monde - mots).
Pour en finir avec l’impact de la théorie searlienne des actes de langage, les tentatives
actuelles de formalisation de la théorie des actes de langage s’appuient sur les travaux
de Searle.

Vous aimerez peut-être aussi