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1. Objectifs
L’objectif de ce cours est de présenter aux étudiants de licence 1 une brève histoire
économique du monde jusqu’à la fin du 20 e siècle et de faire apparaitre les racines anciennes
plus récentes du développement économique. De façon spécifique, il est question de :
(a) D’expliquer les causes profondes du phénomène de l’industrialisation réussie en
Europe et dans les autres pays développés afin de mieux analyser les obstacles actuels
au développement des pays pauvres.
(b) Présenter succinctement les différentes crises du capitalisme ;
(c) Mettre en évidence l’évolution du système monétaire international ;
(d) Elucider le phénomène de mondialisation ainsi que ses implications.
2. Contenu
CHAPITRE 0 : Pourquoi étudier l’histoire des faits économiques ? (Dr Abdoul karim)
CHAPITRE 1 : La révolution industrielle et ses conséquences économiques (Dr Abdoul
karim)
CHAPITRE 2 : L’évolution du système monétaire international (Dr Abdoul karim)
CHAPITRE 3 : La transition économique et les principales crises du capitalisme (Dr Gouenet)
CHAPITRE 4 : La mondialisation (Dr Gouenet)
3. Prérequis nécessaires :
Les étudiants doivent avoir des connaissances préalables en introduction à l’économie
4. Compétences et apprentissages
Les compétences attendues au terme de ce cours tournent autour des éléments suivants :
(a) L’analyse des différentes vagues d’industrialisation et ses implications ;
(b) La maîtrise des faits marquant l’histoire économique du monde contemporain;
(c) La maîtrise des enseignements théoriques des différentes crises et surtout les
renouvellements des paradigmes en science économique ;
(d) La maîtrise des dimensions de la mondialisation et surtout ses implications sur les
pays en voie de développement.
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5. Programmes et calendrier
7. Bibliographie :
◘ BAIROCH P. (1999), Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Ed. LA
DECOUVERTE / Poche.
◘ BEAUD M. (2000), Histoire du capitalisme de 1500 à 2000, Éditions du Seuil,
nouvelle édition.
◘ BRASSEUL J. (2016), Petite histoire des faits économiques des origines à nos jours,
Ed Armand Colin, 5e édition, 2016.
◘ MAZEROLLE F. (2006), Histoire des faits et des idées économiques, Gualino éditeur,
Paris, 2006.
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CHAPITRE 0 : POURQUOI ETUDIER L’HISTOIRE DES FAITS ECONOMIQUES
DEFINITION : On peut définir l’histoire des faits économiques comme l’analyse des
phénomènes économiques du passé grâce aux méthodes des sciences historiques (analyse
de documents, récits, archives, prix, sources diverses...) mais aussi naturellement des
sciences économiques au sens des méthodes issues de l’ensemble des théories économiques
(classique, marxiste, néoclassique, keynésienne…) et analyse quantitative (économétrie et
modélisation). Ainsi, la question que l’on se pose est celle de savoir quel est l’intérêt pour un
économiste d’étudier l’histoire de faits économiques ?
II- Utilité de l’histoire des faits économiques
L’utilité de l’histoire des faits économiques peut être recherchée dans trois directions
possibles qui, sans doute complémentaires, font l’objet de préférence des économistes.
A- Instrument de culture
La première façon de considérer l’histoire des faits économiques est d’y voir un instrument de
culture générale. A ce titre, elle donne aux économistes le sens de la perspective historique.
Son apport consiste à montrer comment une science se construit à travers une série
d’influences et dans le choix de certains axes privilégiés. Selon Schumpeter, nul ne pouvait
comprendre les phénomènes économiques s’il s’est privé d’une dose convenable de sens
historique et que la plupart des erreurs en analyse économique sont dues au manque
d’expérience historique.
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Un ensemble de modèle appartenant à une famille des penseurs.
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utiliser un langage plus simple, de prendre conscience que les économistes n’observent
l’économie du même endroit et ne poursuivent un but commun, l’évolution des concepts et
des outils analytiques de l’économie peuvent difficilement détachés de l’environnement dans
lequel ils se sont développés ou des problèmes spécifiques qui les ont inspirés.
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CHAPITRE I : LA REVOLUTION INDUSTRIELLE ET SES
CONSEQUENCES SOCIALES (Par Dr. ABDOUL KARIM)
Le terme révolution industrielle a été utilisé pour la première fois en 1837 par l’économiste
français Adolphe BLANQUI dans son ouvrage intitulé « Histoire de l’économie politique »
pour désigner le processus de changement technologiques, économiques et sociaux observés
an Angleterre vers les années 1760. Ensuite, en 1884, l’expression révolution industrielle a été
vulgarisée par le grand historien britannique Arnold TOYNBEE pour désigner le processus
historique du XIXe siècle du fait basculer de manière plus ou moins rapide selon les pays et
les régions une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et
industrielle dont l’idéologie technicienne et rationaliste. La révolution industrielle (RI) est
considérée comme le tournant le plus décisif de l’histoire de l’humanité puisqu’elle a impacté
presque tous les aspects de la vie en société (agriculture, transport, politique, démographie…).
Des nombreuses tâches quotidiennes autrefois faites à la main comme la couture, la
construction, la production d’aliments et des vêtements étaient désormais réalisées par les
machines. La révolution industrielle est à l’origine du capitalisme industriel qui règne jusqu’à
nos jours. Elle a aussi inspirée les grands économistes dont Adam Smith (le père de la théorie
économique libérale qui publia « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations » en 1776) et Karl Marx (le père du collectivisme qui publia « le capital », une
critique sociale du capitalisme libéral).
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I-1 LA NOUVELLE VISION DE L’ETAT : ETAT GENDARME
Le rôle du facteur démographique dans le processus de développement est donc une question
d’actualité dont on peut trouver les éléments de réponse dans l’histoire de la révolution
industrielle anglaise.
Les premières analyses ont attribué cette poussée démographique à la baisse de la natalité
due elle-même au progrès de la médecine. Mais compte tenu du fait que le premier vaccin n’a
été appliqué qu’en 1796 (vaccin anti variole de Jenner). Les recherches ultérieures ont
relativisé l’importance de la chute de la mortalité pour une explosion démographique, qui a
commencé dès les années 1750. La croissance démographique de la période 1750 – 1800 ne
saurait donc s’expliquer par le progrès de la médecine. Plus tard, les chercheurs ont attribué
l’explosion démographique de la période 1750 – 1800 à un double phénomène : le déclin de la
natalité associé au maintien voire à l’augmentation des taux de natalité. En Angleterre, ce
processus est très rapide le taux de mortalité chute rapidement de 37% en 1750 à 22% en
1830 et le taux de natalité augmente de 33.8% à 37% sur les mêmes périodes. Tout en
excluant l’hypothèse que ces deux phénomènes résulteraient du progrès de la médecine, les
chercheurs se sont tournés vers les facteurs économiques pour expliquer ce double
phénomène.
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Le principal facteur économique mis en exergue est l’accroissement de la production
agricole. Une alimentation abondante et diversifiée peut expliquer la chute de la mortalité et la
hausse de la natalité. Le progrès de l’agriculture est donc la cause première de l’explosion
démographique. Cependant, à elle seul, elle n’aurait pas suffi, le progrès de la médecine est
certainement venu renforcer l’effet de l’accroissement et de la diversification de la production
agricole.
La R.I n’aurait eu lieu sans les multiples inventions qui ont permis de dépasser les
méthodes artisanales. Une question importante est souvent posée pour permettre de
comprendre le phénomène de génération et de multiplication de ces inventions : pourquoi
autant d’inventions à la même période en Angleterre ? étaient – elles le fait du génie des
inventeurs ou étaient – elles le fait d’un environnement global favorable ?
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Les inventions majeures qui ont déclenché et entretenu la RI ont eu lieu dans le secteur
textile est dans l’industrie sidérurgique ; mais le plus important, celle qui a eu le plus grand
effet d’entrainement sur l’économie anglaise fût.
1. Le décollage industriel
a) La révolution Meiji
Jusqu’aux années 1850-1860, le Japon était une société féodale entretenant peu des relations
avec l’occident. L’empereur détient une forte autorité religieuse mais ne dispose pas de
pouvoir politique. Celui-ci est assumé par le Shôgun (généralissime) placé au sommet de la
hiérarchie des seigneurs (daymiô). Ce dernier s’appuie sur les samourai, chargés des fonctions
militaires. Ces catégories dominent une société composée pour l’essentiel des paysans (85%
de la population active).
Vers les années 1850-1860, le Shôgun est contraint par les occidentaux d’ouvrir plusieurs
ports aux navires étrangers et d’adopter le libre-échange. Pour une partie des classes
dirigeantes, ces évènements révèlent la faiblesse du Japon par rapport aux puissances
occidentales ; le shôgun est alors contesté et il est renversé en 1868. L’empereur Mutso Hito
assume le pouvoir politique et ouvre « une ère des lumières » (Meiji) au cours de laquelle le
Japon enclenche son processus d’industrialisation.
b) L’essor industriel
Dans le domaine des infrastructures, il prend en charge la construction et la gestion des lignes
de chemin de fer et puis incite les entreprises privées à le faire ; il construit des routes, des
ports… Au cours des années 1870, il crée des entreprises publiques (manufactures textiles,
cimenteries, chantiers navals, mines…) qu’il revend à bas prix au secteur privé, au cours des
années 1880. Ces entreprises privatisées élargissent le périmètre d’activité des Zaïbatsu,
grands groupes familiaux de nature conglomérale, dont les dirigeants collaborent étroitement
avec les représentants de l’Etat. Par ailleurs, à la fin du siècle, l’Etat met en œuvre une
politique commerciale protectionniste, à l’abri de laquelle l’industrie nationale se diversifie.
Jusqu’aux années 1890, par souci d’indépendance et du fait de la défiance des investisseurs
occidentaux, le Japon recourt faiblement à l’endettement extérieur. De même, les
investissements des firmes occidentales sont très limités. Au début du XXe siècle, la
participation des capitaux étrangers au développement industriel japonais est nettement plus
forte sans pour autant entamer l’indépendance financière du pays.
Le commerce extérieur joue un rôle important dans l’essor industriel du pays : la part des
importations dans le revenu national passe de 5% entre 1885-1889 à 16% en 1914 ; celle des
exportations de 6% à 15%.
Jusqu’aux années 1890, la soie brute représente presque la moitié des exportations :
l’industrie textile est donc dopée. A partir de la fin des années 1890, la part des produits
manufacturés s’accroît (30% en 1914) ; les produits de l’industrie cotonnière (fils et tissus) y
occupent une grande place. Jusqu’aux années 1890, les importations sont principalement
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constituées des biens d’équipement qui dynamisent le tissu industriel, la part des matières
premières (dont le coton) augmente (plus de 50% en 1914).
A la fin du XIXe siècle, le Japon dévient une puissance impérialiste. Sous l’égide de l’Etat
l’industrie d’armement se développe et une flotte puissante est constituée. Une guerre
victorieuse contre la Chine (1894-1895) permet au Japon d’annexer Formose et de recevoir
une forte indemnité de guerre en or et en livres sterling qui constitue la garantie du yen-or,
institué en 1897. Un second conflit victorieux contre la Russie (1904-1905) renforce sa
position en Asie. En 1910, la Corée est annexée. L’empire offre aux zaïbatsu de nouvelles
sources d’approvisionnement en matières premières. C’est également une zone d’accueil pour
une population japonaise devenue très dense.
La mort de Mutsu Hito parque la fin de l’ère Meiji mais pas celle de l’industrialisation :
l’économie japonaise n’atteint pas encore le niveau des puissances occidentales mais un
processus irréversible est déclenché.
En 1928, l’Union soviétique avait une population quatre fois supérieure à celle de la Grande
Bretagne, mais une production industrielle quatre fois moins importante que la production
industrielle britannique. Cette situation arriérée s’expliquait par l’histoire antérieure de la
Russie caractérisée par le maintien d’institutions et d’usages anachroniques par rapport à
ceux de l’Europe occidentale. A titre d’exemple, le servage avait disparu en Angleterre au
milieu du XVIe siècle ; alors qu’en Russie, deux siècles plus tard, 15 millions d’habitants sur
19 étaient de serfs. Le servage n’a été aboli ici qu’en 1861, un siècle après le début de la
révolution industrielle en Angleterre.
Mais on ne peut pas apprécier l’efficacité de cette planification indicative russe puisque
quelques années seulement après le début du démarrage, c’est la révolution et la première
guerre mondiale. On assiste à une refonte radicale de la vie politique, sociale et économique
russe. Une planification rigide et le règne absolu de l’Etat – acteur économique remplacèrent
la planification indicative et l’existence des entreprises privées respectivement. Par la
coercition, l’Etat communiste sacrifia la consommation des populations pour relancer les
investissements ; freina l’agriculture pour favoriser l’essor de l’industrie ; mit l’accent sur
l’enseignement des sciences et des techniques. Par ces moyens, l’Etat Communiste obtint
rapidement une production industrielle supérieure à celle de chaque pays d’Europe ; et la
Russie se classa seconde derrière les USA avant la fin de la première moitié du XX e siècle.
Bien que la réussite de l’Union Soviétique montre qu’un développement économique rapide
peut également être obtenu sous un étatisme rigide, on peut identifier et reconnaître quelques
erreurs d’approche :
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- Deuxièmement, la planification communiste a fait perdre à la Russie l’efficience
économique qui caractérise le système de marché. Cette perte a surement été
responsable du déclin économique précoce de l’Union Soviétique. En effet, dès le
début des années 1990, des économistes et même des dirigeants Russes deviennent de
plus en plus conscients de la nécessité de rechercher l’efficience économique en
ménageant le jeu des forces du marché. L’économiste LIBERMAN E. G a insisté en
1962 sur la nécessité d’entreprendre des réformes dans ce sens. En 1965, une version
du « libéralisme » est mise en œuvre dans des entreprises industrielles.
Progressivement, cette volonté de réforme a muri et a abouti à la fin des années 1980 à
la Perestroïka qui a réintroduit le système économique de marché dans plusieurs Etats
de l’ex – Union Soviétique.
Dans l’étude de l’histoire de l’expansion américaines, on relève l’importance des facteurs liés
à l’évolution démographique, des circonstances du début de l’industrialisation, et on retrace
son parcours intéressant depuis le statut de colonie anglaise jusqu’à leur position dominante à
l’époque de la première guerre mondiale
Les Etats –unis ont enregistré une forte expansion démographique. En 1790 (au lendemain du
traite de Versailles qui fit accéder a l’indépendance les 13 colonies américaines de
l’Angleterre en 1783) la population des Etats – unis d’Amérique ne dépasse pas 4 millions
d’habitants alors que la France en compte déjà 25 millions, la grande – Bretagne 15 millions.
En 1880, les USA comptent 50 millions d’habitants et sont déjà le pays le plus peuplé du
monde occidental. Les USA en comptaient 150 millions en 1950.
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densité de la population était de 310 au kilomètre carré au Pays – Bas, 282 en Belgique, 208
au Royaume – Uni et 76 en France.
Trois obstacles majeurs ont freiné l’industrialisation des USA : la domination économique de
l’ancienne métropole, la rareté de la main – d’œuvre et l’absence de voies de communication.
Après l’indépendance politique, les USA vont encore rester pendant plusieurs décennies sous
cette domination économique de l’Angleterre ; ils vont rester dans cette division coloniale du
travail. L’insuffisance de l’épargne productive et l’absence des moyens de transports
contribuaient à perpétrer cette dépendance de l’économie américaine vis-à-vis des
producteurs et des banquiers anglais. Un indice de cette domination économique anglais est
l’évolution des échanges entre l’Angleterre et les anciennes colonies. En ce qui concerne les
USA, les importations américaines en provenance de la Grande-Bretagne, en valeur annuelle
moyenne de la période 1783 – 1789, diminuèrent de 14% par rapport à la moyenne annuelle
de la période 1768 – 1774 ; tandis que les importations britanniques en provenance des USA
diminuèrent de 49% entre ces mêmes périodes. Les USA, pays neuf, ne pouvaient se passer
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des produits manufacturés offerts par la Grande-Bretagne tandis que celle-ci pouvait trouver
plus facilement d’autres sources d’approvisionnement en produits agricoles et en matière
premières.
Le démarrage industriel a commencé au Nord-Est des USA à partir des années 1830. La
production des industries de transformation atteignait 86.280.000$ dans le Massachussetts en
1837, 124.750.000$ en 1837, 124.750.000$ en 1845. L’industrie textile a, comme dans le cas
d’Angleterre joué un rôle prépondérant. Les effets d’entrainement de l’industrie textile ont été
accrus avec l’invention de la machine à coudre par l’américain ELIAS HOWE en 1846. La
construction du chemin de fer a également joué un rôle moteur en développement de
l’industrie métallurgique et en favorisant les échanges entre les régions agricoles et
industrielles. Entre 1839 et 1899, la production industrielle américaine, est passé de 1.094
millions de $ à 11.751 millions, soit un taux de croissance décimal moyen de 48,5%. Pendant
cette période, la population américaine a été multipliée par 5 et la production globale par 11 ;
la production par tête s’est donc multipliée par 2,5 en 60 ans.
Les nombreuses inventions qui ont marqué la révolution industrielle se sont traduites par la
fabrication des machines et l’augmentation rapide de l’investissement. Cette orientation des
ressources vers l’investissement (accumulation du capital) a eu des conséquences néfastes sur
le niveau de vie. Au cours de premières décennies de la révolution industrielle, on a
également assisté à une exploitation des ouvriers par les capitalistes ; l’histoire de cette
confrontation entre les forts et les faibles résume l’évolution du syndicalisme ouvrier.
Dans ces deux économies et sur les périodes indiquées, la construction des usines et des
machines, c’est-à-dire l’investissement, a été remarquable. Cet investissement n’a été réalisé
qu’au prix d’importantes restrictions de la consommation. La Russie soviétique et les pays
capitalistes de la révolution industrielle ont fait subir à l’ensemble des travailleurs, par des
mécanismes radicalement opposés, les mêmes conséquences sociales de l’industrialisation. La
restriction de la consommation parfois au seuil de la misère, a été le prix des débuts de
l’industrialisation dans les deux pays. François Perroux écrit : « chaque pays ne peut élever
l’investissement d’une période sans diminuer la consommation et … ne peut élever le niveau
de vie des générations ultérieures, sinon en imposant un sacrifice aux consommations
possibles dans le présent. Aucune économie ne peut étendre sans délai et à gré ses ressources
disponibles, c’est-à-dire ne peut échapper au principe de la répartition économique en face
des tâches croissantes, des ressources limitées, pendant une période »2.
Cette restriction de la consommation a été imposée par le marché dans le système libéral
américain (et dans tous les pays capitalistes au moment de la révolution industrielle) alors
qu’elle a été dictée par l’Etat dans le système collectiviste. Mais comment s’obtenait cette
réduction de la consommation au bénéfice de l’investissement ?
Dans les économies capitalistes, l’offre de la main d’œuvre augmentait plus rapidement que la
demande, mettant les employeurs en position de force vis-à-vis des ouvriers. Les employeurs
en ont profité pour verser des salaires de subsistance ou « salaires de famine » aux ouvriers.
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François Perroux, La coexistence pacifique, PUF, 1958, Tome 1, P.22
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Ce qui a accru l’inégalité de des revenus, qui freine la consommation et augmente la capacité
d’épargne des capitalistes. On parle de la loi d’Airain, loi de maintien des salaires au niveau
de subsistance : si les salaires vont au-delà du niveau de subsistance, les employés subitement
accroitront la natalité, ce qui accroitra la population active, gonflera le chômage et le salaire
retombera au niveau de subsistance. Le salaire de subsistance est celui qui est juste suffisant
pour permettre à l’employé de renouveler sa force de travail et de produire son remplacement
sur le marché de travail à son départ à la retraite. Il ne permet pas de faire beaucoup d’enfants,
compte tenu des coûts d’entretien et d’éducation de ceux-ci.
C’était précisément cette inégalité dans la distribution de la richesse qui a rendu possible
cette vaste accumulation du capital fixe et le progrès technique qui ont été la marque
distinctive de cette époque. C’est cela la justification essentielle du régime capitaliste »
Dans l’économie socialiste russe, ce n’est pas le marché mais l’Etat qui a réduit la
consommation des populations. La loi d’Airain a cédé la place à l’Etat, et les résultats ont été
les mêmes. L’Etat russe, entre 1917 et 1939, a réduit significativement et autoritairement la
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consommation pour favoriser les investissements. Le libéralisme économique et la
planification totalitaire peuvent donc aboutir aux mêmes conséquences en ce qui concerne le
volume de l’investissement et de la consommation.
En Angleterre, l’exploitation du travail des enfants et des femmes était d’ailleurs encouragée
par le gouvernement en place. On rapporte que « lorsque les manufacturiers anglais vinrent
dire à M. PITT que les salaires élevés de l’ouvrier les mettaient hors d’état de payer l’impôt »,
il répondit par « prenez les enfants ». C’est ainsi que dès l’âge de 4 ans, les enfants étaient
obligés de travailler par la société anglaise. Ils étaient soumis à un discipline cruelle,
travaillaient environ quatorze heures par jour.
La même misère ouvrière ne fut pas vécue aux Etats-Unis où l’insuffisance de la main
d’œuvre favorisait le paiement des salaires raisonnables. Avant 1840, le salaire réel de
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l’ouvrier qualifié était plus élevé aux Etats Unis qu’en Angleterre. Contrairement aux pays
d’Europe, le progrès technique n’a pas induit l’exode des paysans vers les villes américaines.
L’expansion vers l’ouest résorbait toujours la main d’œuvre rurale supplémentaire, les
entreprises industrielles du Nord-Ouest ne pouvaient embaucher que les immigrants. C’est
ainsi que l’introduction de la machine n’a pas créé de chômage aux Etats Unis.
Au début du développement capitaliste dans les pays développés, l’Etat et les employeurs ont
refusé aux employés une protection légale susceptible de limiter la durée du travail, de leur
permettre d’exiger une amélioration des conditions de travail et de rémunération. Mais peu à
peu, le droit de travail s’est constitué et le mouvement syndical s’est développé.
Les patrons protestèrent d’abord contre cette atteinte à leur liberté (pétition du 11février
1802), avant de trouver les moyens de contourner cette loi qui ne s’appliquait pas aux enfants
recrutés sans contrat d’apprentissage. En 1833, une loi créa des inspecteurs de travail
permanents dans l’industrie textile, tous rémunérés par l’Etat. En 1844, une nouvelle loi sur le
travail des femmes et des enfants fut adoptée. Elle ramène le travail des enfants à une mi-
temps, l’autre demi-journée devant être consacré à l’école.
En France, la première loi dans ce domaine, celle de mars 1841, était également consacrée au
travail des enfants. Cette législation, plus sévère que celle prise par l’Angleterre en 1802, eut
pourtant une moindre portée réelle, faute d’un système d’inspection. En février 1848, le
gouvernement créa la « commission du Luxembourg » où employeurs et ouvriers sont
représentés, et c’est sur proposition de cette commission que la loi du 02 mars 1848 réduisit la
journée de travail à 10h et à 11h dans les autres provinces.
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B- Les débuts du syndicalisme ouvrier
A la différence du droit de travail qui s’est constitué progressivement par le pouvoir public, le
mouvement syndical est l’émanation des ouvriers eux-mêmes ; il se constituait même de haute
lutte, conte la volonté de l’Etat et de la classe bourgeoise.
Les premières associations ouvrières vinrent le jour en Angleterre dans l’industrie textile
pendant la seconde moitié du 18 e siècle. En 1799, le parlement est saisi d’une pétition des
constructeurs des moulins demandant à être protégés d’une dangereuse coalition ouvrière
formée contre eux. Bien sûr, William Pitt réagit favorablement et fit adopter la même année
une loi interdisant toute coalition ouvrière. Le droit à la coalition ne sera plus reconnu aux
ouvriers qu’en 1823, après une campagne déclenchée par Francis Plate en 1822. Les années
1820 virent une multiplication des associations ouvrières qui furent finalement trop
nombreuses pour être efficaces. Mais en 1834, Robert Owen va regrouper toutes ces
associations dans son Great Consolidated Trade Union. Trop puissant, le Great Consolidated
Trade Union fut interdit par le gouvernement et ses premiers adhérents condamnés pour
activités illégales.
CONCLUSION
En présentant l’exemple de la révolution industrielle dans les pays développés, l’on espère
attirer l’attention des étudiants sur certains favorables ou défavorables au développement
économique des pays d’Afrique Noire contemporains. L’un de ces facteurs est le facteur
institutionnel (lois, règlements, cultures, habitudes, etc.) : l’Afrique Noire n’a pas encore subi
la révolution institutionnelle qui la rendrait capable de prendre le train du capitalisme
mondial. Un autre facteur important est d’ordre démographique : tous les gouvernements
d’Afrique Noire ont, en ce début du 21e siècle, des difficultés à contenir la jeunesse de leurs
populations ; ils ont fini par présenter cette jeunesse comme un problème. En réalité, la
jeunesse d’une population est un atout pour le développement des pays qui savent planifier et
exploiter cette main d’œuvre abondante.
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Par ailleurs, nous retenons que les inventions n’interviennent que pour résoudre un problème
auquel la société fait face. Il n’y a pas d’invention ex-nihilo. Mais ces inventions ne sauraient
avoir un impact sur les économies que si elles sont suivies d’innovations.
Les voies de communication sont aussi présentées comme un facteur qui a eu un effet positif
important sur les économies développées du 18 e siècle. Elles restent le véritable obstacle au
développement des pays d’Afrique Noire dont certaines régions demeurent enclavées et
inaccessibles. Tant que les différentes régions d’un pays ne peuvent pas être reliées par des
voies fiables (routes, chemins de fer, voie aérienne), ce pays ne doit pas aspirer à un
développement économique rapide.
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CHAPITRE II : L’EVOLUTION DU SYSTEME MONETAIRE
INTERNATIONAL (SMI) par Dr. ABDOUL KARIM
Le système monétaire international désigne le mode d’organisation des paiements
internationaux, c’est-à-dire des relations qui existent entre les différentes monnaies nationales.
Ces relations entre les monnaies doivent elles-mêmes refléter les rapports de force entre les
différentes économies nationales. Jusqu’à la 1ere guerre mondiale, les paiements
internationaux étaient organisés autour de l’or, dans un système dit étalon-or, caractérisé par
la primauté de la livre sterling et la puissance économique du Royaume Uni. Mais dès 1919,
avec la montée de l’économie américaine et du dollar, le système d’étalon-or se transforme en
système de change-or ou Gold Exchange Standard. Ce système sera en vigueur jusqu’à la fin
de la 2nde guerre mondiale. Au lendemain de cette dernière, un autre système qualifié de
Bretton woods fut adopté comme système monétaire international.
Lorsqu’on évoque le système de l’Etalon-or, on retient sur le plan théorique deux idées
principales : l’usage exclusif de l’or comme moyen de paiement international, et la garantie
d’un équilibre automatique intérieur et extérieur des économies nationales. C’est pour cela
que, devant les déséquilibres économiques cumulatifs du monde contemporain, la réflexion
sur ce système dans ses origines, dans la théorie qui le sous-entend ainsi que dans ses
mécanismes de fonctionnement revêt une importance particulière.
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I.1.1 Le monométallisme-or
On en déduit le poids argent, la valeur argent du Livre : 20 x 5,23 grammes = 104,6 grammes.
La valeur monétaire de 104,6 gramme d’argent fin est donc la même que celle de 7,988
grammes d’or fin. L’or vaut alors 14,29 fois plus que l’argent.
Les pièces d’or frappées librement et ont cours libératoire illimité tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur. Le pouvoir libératoire signifie que ces pièces sont acceptées dans tous les
paiements. Des billets (monnaie fiduciaire) gagnés sur l’or, c’est-à-dire émis suivant une
rigueur stricte et en fonction du stock d’or, ont également pouvoir libératoire à l’intérieur et à
l’extérieur.
Par contre, les pièces d’argent dont la frappe est limité et contrôlée n’ont cours légal et
pouvoir libératoire qu’à l’intérieur de l’économie anglaise. Elles servent ainsi exclusivement
comme monnaie d’appoint.
Le Bank Act de 1844 lia étroitement l’émission des billets à l’encaisse-or. Les billets émis et
en circulation doivent être entièrement couverts par l’encaisse métallique, c’est-à-dire que la
valeur de tous les billets en circulation ne devrait pas excéder celle du stock d’or disponible à
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la Banque d’Angleterre. Cette loi visait tout simplement à assurer la convertibilité illimitée
des billets en or.
Dans certains pays par contre, l’émission des billets était fondée simultanément sur l’or et
l’argent. Les pièces d’or et d’argent sont frappées librement et ont pouvoir libératoire illimité.
En France par exemple, suivant la loi du 23 mars 1803, un France Germinal était défini par
une pièce de 5 grammes d’argents fin. Cette loi précisait aussi qu’on pouvait frapper 155
pièces de 20 francs avec 1 Kg d’or fin, c’est-à-dire que 20F x 155 = 3.100F avec 1.000
grammes d’or fin, soit 3,1 Francs pour 1 gramme d’or fin. (faire tout simplement la règle de
trois).
On en déduit que la valeur monétaire de l’or fin était de 15,5 fois celle de l’argent fin. Tel fut
le rapport légal et fixe entre la valeur monétaire des deux métaux. De plus, l’émission de la
monnaie fiduciaire était fondée simultanément sur l’or et l’argent.
Dès le début de la seconde moitié du XIXe siècle, le fonctionnement du bimétallisme est mis
à mal à cause de l’écart qui s’est créé entre le rapport légal de la valeur deux métaux et le
rapport commercial. En effet, à cause de la disparition de l’étalon argent (monométallisme
argent), et de l’adoption par plusieurs pays du monométallisme-or, la valeur commerciale de
l’argent ne cessa de chuter par rapport à celle de l’or.
C’est ainsi que l’or s’installa comme le principal moyen de paiement international. Les pays à
régime bimétalliste. Utilisaient alors prioritairement l’or dans leurs paiements extérieurs, car
les pays pratiquant le monométallisme-or ne pouvaient accepter le règlement de leurs
créances en argent qu’à la valeur commerciale dépréciée de ce métal. Il était alors plus
économique pour les pays bimétallistes de régler leurs paiements en or, perdant ainsi l’or (le
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précieux métal) et gardant l’argent (moins précieux). C’est pour cela que l’économiste
Gresham dit que La mauvaise monnaie classe la bonne. Le stock d’or des pays
monométallistes s’augmentait alors que celui des pays bimétallistes baissait.
Afin d’arrêter la saignée-or des pays bimétallistes, il faut stabiliser le prix commercial de
l’argent au tour de son prix officiel. C’est ce qui expliqua les mesures de suppression de la
frappe illimitée des pièces d’argent ainsi que de leur pouvoir libératoire prises dans certains
pays : les USA en 1878, les pays de l’Union Latine (France, Italie, Suisse, et Belgique) en
1865. Ces pays ont démonétisé l’argent. L’or est resté alors le seul roi, le monométallisme-or
s’est installé presque partout ces mesures ont en effet transformé les derniers bimétallismes
officiel en un monométallisme de fait.
L’Etalon-or tel qu’il a fonctionné jusqu’à la première Guerre Mondiale avait des
caractéristiques essentielles qui se conjuguaient pour assurer l’équilibre automatique des
balances de paiement extérieurs. Pour faire jouer pleinement ces forces automatiques, les
autorités monétaires des différents pays étaient tenues d’observer certaines règles du jeu dans
la conduite de la politique monétaire.
- L’unité monétaire nationale de chaque pays était définie par un certain poids d’or (par
exemple 100F correspond à 2 grammes d’or). La Banque Centrale était tenue
d’acheter et de vendre de l’or (ou au voisinage de ce prix).
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étaient totalement convertibles en or (c’est-à-dire tout détenteur de billet pouvait
exiger l’équivalent-or auprès de la Banque Centrale).
- Le taux de change entre deux monnaies, c’est-à-dire le rapport entre les valeurs de ces
devises, était déterminé par le poids d’or contenu dans chacune d’elles.
C’est un ensemble des dispositions de politique monétaire destinées à accompagner les forces
vertueuses de stabilisation contenues dans le système de l’étalon-or. Ainsi :
- Lorsque la balance extérieure est déficitaire et que l’or es par conséquent entraine de
sortir du pays, la Banque Centrale était tenue d’augmenter le taux d’escompte, c’est-à-
dire le prix de l’argent, afin d’accélérer la déflation étant donné que la déflation
relancera les exportations en décourageant les importations, pour un retour rapide à
l’équilibre de la balance extérieure.
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de balance des paiements pendant le 19e siècle, ainsi qu’un développement
harmonieux de toutes les économies l’ayant adopté. Ces avantages ont été présentés et
soutenus par les défenseurs de l’étalon-or et les partisans du retour à ce système
monétaire international dont l’économiste Français Jacques Rueff (1963).
Keynes avait plus tôt (1923) que les règles du jeu de l’étalon-or amenaient les autorités
monétaires nationales (Banque Centrale) à sacrifier l’équilibre économique intérieur, la
stabilité des prix intérieurs, l’emploi intérieur, bref la bonne santé de l’économie nationale,
sur l’autel de la stabilité des taux de change et des relations économiques internationales.
Keynes se montrait ainsi partisan de la supériorité des objectifs internes sur les objectifs
externes, d’une économie nationale forte comme objectif prioritaire de toute politique
économique.
SECTION II SYSTEME MONETAIRE DE 1944 à 1971 OU SYSTEME DE BRETTON
WOODS
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