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nt EST, 1989 - Christian BOLTANSKI

vendredi 2 septembre 2005


par Isabelle BRONGNIART

Christian Boltanski est né à Paris en 1944. D’abord peintre, il se tourne vers l’installation à partir de
1976. Il développe, comme Annette Messager et Jean Le Gac, une œuvre où se mêlent réalité et
fiction. La mémoire, l’existence et la disparition sont les thèmes récurrents de sa démarche. Dans un
premier ensemble d’œuvres, il constitue une mythologie personnelle autour de son enfance
reconstituée et mise en scène. Il s’intéresse ensuite à un passé plus collectif, expose des
photographies, des vêtements ayant appartenu à des personnes anonymes et fait référence aux
évènements tragiques de l’histoire.

« Monument Odessa » est une installation de 17 photographies noir et blanc encadrées de noir et de
petites ampoules électriques. 
Les portraits de différents formats sont disposés de manière symétrique de part et d’autre d’une
grande image sur le plan du mur. À l’exception de cette image centrale, elles sont cadrées de très
près pour ne donner à voir que les visages. 
Tous ces clichés agrandis sont flous. Les regards sont presque toujours noyés d’ombre. Ils ne disent
rien des individus et leur identité nous restera inconnue.

Prise séparément, chaque photographie est l’image banale d’une personne parfois souriante, et cette
photographie ordinaire n’a pas en soi de dimension tragique. Le cliché fait davantage penser à une
photographie d’amateur qu’à un travail artistique, ce qui lui donne une charge affective, voire
sentimentale. Ces photographies sont autant de témoins d’existences singulières et bien réelles.

La manière dont la lumière et les photographies sont arrangées dans l’installation donne par contre
une dimension différente. Chaque image est encadrée par des ampoules et l’ensemble de ces
encadrements compose une forme. Se dessinant sur le mur, elle évoque un autel, un objet de
recueillement et de silence.

La lumière n’a pas pour fonction d’éclairer le contenu des images. Comme des bougies devant un
autel ou une image, la lumière a ici une fonction symbolique : elle peut être perçue comme la
manifestation de la vie ou de l’esprit. Elle peut matérialiser et célébrer le souvenir, symboliser
l’attachement aux personnes disparues, faire ressentir leur absence.

La fragilité du dispositif peut surprendre par rapport à nos représentations du monument


commémoratif. Rien de monumental, pas de marbre ni d’emphase. Les moyens employés sont
dérisoires : les fils électriques reliant les ampoules sont visibles, les matériaux sont modestes. La
nature même des clichés ramène le spectateur vers l’intime. Ce monument n’invite pas à la
commémoration de hauts faits. Dans cette oeuvre, Boltanski met en forme l’absence. Il interroge la
photographie et l’installation en tant que moyens de rendre compte de la vie et de la mort et de mettre
en jeu notre mémoire collective.
Il ne situe pas son œuvre par rapport à un évènement précis. Ces 17 personnes sont-elles aujourd’hui
mortes ? sont-elles des victimes de l’Holocauste ? Boltanski ne veut rien démontrer, il laisse le
spectateur ressentir et comprendre en fonction de sa propre histoire et de sa culture. Boltanski entend
créer une œuvre où il assume ce qui est pour lui sa responsabilité d’artiste : « Le problème n’est pas
de créer une œuvre d’art mais de savoir comment elle fonctionne. Ce n’est pas de faire des œuvres
belles, mais des œuvres qui, dans un certain moment, font comprendre des choses aux
gens. » Christian Boltanski.

Voici en une courte biographie de Boltanski récupéré sur Wikipédia:

“Christian Boltanski est né à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une famille juive et il est
resté marqué par le souvenir de l’Holocauste. Il commence à peindre en 1958, à l’âge de 14 ans,
alors qu’il n’a jamais connu de véritable scolarité ni suivi de formation artistique au sens
traditionnel du terme. La plupart des tableaux qu’il réalise alors sont en majeure partie de grands
formats représentant des personnages dans des circonstances macabres ou bien encore des
scènes d’histoire.

Boltanski s’éloigne de la peinture à partir de 1967 et expérimente l’écriture, par des lettres ou des
dossiers qu’il envoie à des personnalités artistiques. Il intègre à son œuvre des éléments issus
de son univers personnel, et sa propre biographie, réelle ou imaginaire, devient le thème
principal de son œuvre.

En couple avec l’artiste Annette Messager, Christian Boltanski est aujourd’hui reconnu comme


l’un des principaux artistes contemporains français. Il enseigne à l’école nationale supérieure des
beaux-arts de paris et vit à Malakoff.”

Posted in Art Contemporain, christian boltanski, Installations Tagged: camps de la mort,


chambre à gaz, christian boltanski, enfants, mémoire, nazi

Dans cette thématique, l'image devient un matériau, une matière première qui va permettre de construire,
d'élaborer une oeuvre.

C'est le cas dans certaines installations de Christian Boltanski comme "Monument à Odessa" de 1991, dans
laquelle l'image devient un élément de l'ensemble au même titre que les autres composants de l'oeuvre (lampes,
fils). Chez Boltanski l'image est utilisée en tant que telle (ce sont des portraits d'enfants) et ces images changent
de statut lorsqu'elles sont incorporées dans ses installations, il ne fabrique pas d'autres images.
Dans les deux cas les images proviennent d'une imagerie banale (photos d'identité et portraits chez Boltanski,
imagerie d'ouvrages de vulgarisation sur la biologie et autres chez Ernst. Chez Boltanski les image sont prises
parce qu'elles vont lui servir à renforcer le signification de l'oeuvre (nostalgie, mémoire, enfance,...)et à produire
de l'émotion en jouant sur nos souvenirs.

Christian Boltanski
analyse de l'oeuvre sans titre , 1989, boites à biscuit, lampes, photographies N&B et trois couleurs.
dénoté
C'est un dispositif mural dans lequel sont rassemblées des photos encadrées sobrement d'une bordure noire.
Elles comportent des têtes d'enfants en gros ou trés gros plans en noir et blanc. Trois photos couleur se
distinguent qui comportent un motif différent (ma qualité de reproductuion ne me permet pas de les identifier
formellement).
Séparant certaines photos entre elles et alignées horizontalement, des boites en fer grises, sont elles aussi fixées
au mur.
Encadrant l'ensemble et le quadrillant tout à la fois, une multitude d'ampoules nues alimentées par un grand
nombres de fils volontairement visibles (certains passent par dessus les images) éclairent l'ensemble d'une
lumière blanche et jaunâtre.
connoté
Boites métal:
Métal, froid, tristesse, oxydé...le temps qui a passé.
Boites, enfermé, montré et caché, protéger, classer, Boites à trésors des enfants dans de vieilles boites à
gateaux...
Fils noirs: lignes, liens (rapports entre les choses), cordons (la vie, la dépendance), irrigation veineuses, coulures
(peinture, sang..)
Ampoules: veilleuses, espoir, souvenir, vérité, connaisance...révèle, pénombre...ambiance de mystère, cf crypte,
mysticisme, religieux.
Images:Photos d'identitées, anciennes (n&b et jaunies)agrandies, enfants d'autrefois style vieillots, le flou de
l'agrandissement renvoie à l'imperfection technique mais aussi et sourtout à l'inprecision, à la confusion du
souvenir, à une disparition ramenée à la mémoire...
Cadrage des photos: gros plans, intimiste, proximité physique et psychologique.
La disposition de l'ensemble: la silhouette dessinée par l'encadrement des lampes distingue trois parties dont une
centrale comme en plein cintre et deux latérales symétriques et pointues à leur sommet. L'allusion au retable
(tableau d'autel) de la tradition chrétienne est prégnante.

Chez Boltanski les images sont matériaux dans le sens où elles sont souvent "construites" de toute pièce
(facsimilés?)accumulées, présentées, mises en scène,en association avec d'autres "matériaux objets" qui
connotent ensemble. Les images ont ici valeur d'archétypes (cf F. de Méredieu) qui ne prennent tout leur sens
qu'une fois confrontées aux autres matériaux de l'œuvre (métal, et lumières, fils....).
La qualité picturale de l'image, floue, N&B, plutôt sombre, les visages ronds, coiffés, enfantins renvoient au
passé, à l'après guerre...évoque de vieilles photos d'identités agrandies.
La disposition des cadres froidement bordés de noir, accrochés sur un mur nu à la façon d'un polyptyque ou
d'une iconostase (cloison ornée d'images sacrées dans les églises orientales).
Les boites en fer ternes et grises renvoient à la froideur du corps mort, à l'enfermement au classement aux urnes
funéraires...
Les lumières, aux veilleuses, aux exvotos, à la veillée funèbre, ....
Tout cela nous conduit à travers ce mixage de matériaux et de codes symboliques et religieux à penser à la
Shoa, entre autres choses...
Les matériaux utilisés ont donc une multitude de sens. C'est de leur utilisation complémentaire que se construit
l'œuvre dans une nouvelle cohérence à la fois plastique et sémantique.
Boltanski questionne notre rapport au souvenir à travers les images archétypales que nous en conservons et
donc la notion de stéréotypes de la mémoire collective.

questions posées par l'œuvre

 De quelle(s) manière(s) créer un tout homogène à partir de matériaux hétérogènes?


 Est-il possible de détourner des stéréotypes visuels et leur donner une dimension artistique?
 L'utilisation d'une image en tant que matériau au sein d'une œuvre en modifie-t-elle notre
compréhension/ interprétation?
 Peut-on fabriquer une image totalement inédite?
 Qu'est ce que j'utilise pour construire une image?
 Si ce n'est pas la colle qui fait le collage alors c'est quoi?

questions d'enseignement
Les élèves vont apprendre à questionner la polysémie d'une image ou plusieurs.
Ils vont expérimenter leurs choix à travers l'utilisation simultanée de fragments hétérogènes et tenter de leur
donner une nouvelle lisibilité, produire de la cohérence plastique avec des éléments étrangers au départ.
Ils vont questionner la notion de stéréotype (idée toute faite, poncif, banalité)et la confronter à celle de créativité.

ICI L’IMAGE EST UN MATERIAU

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