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LE SPORT ET LES DROITS DE PROPRIETE

INTELLECTUELLE.

La protection des évènements sportifs à travers quelques


exemples.
Isabelle MARCUS MANDEL.

D.U. DROIT DU SPORT – PANTHEON LA SORBONNE

2009
INTRODUCTION

Le sport joue aujourd’hui, dans notre société moderne, un rôle crucial, qui s’accroît de jour en
jour.

Ainsi quotidiennement, de nouvelles illustrations de son caractère essentiel nous sont offertes. Au
premier chef, la création jurisprudentielle et légale qu’est le droit du sport en est un élément de
preuve éclatant : La Loi suit toujours l’évolution de la société et s’adapte à elle, (mais ne la
précède jamais).

Bien sûr, le sport joue plusieurs rôles dans divers domaines de notre société contemporaine, qui
souffre de nombreux maux. Sans être toutefois la panacée universelle, contrairement à ce que
l’on pourrait croire, il en a l’apparence:

Ainsi il permet de répondre à divers problèmes sociaux de notre société, en jouant divers rôles:

 Rôle social en favorisant l’intégration des minorités et des jeunes dans la société;
 Rôle éducatif: Il permet de faire comprendre les règles de la vie en commun, de
l’importance du travail, de l’entraînement, il développe l’esprit de compétition tout en
laissant la place au travail d’équipe, à l’émulation.
 Rôle d’exemplarité: Il valorise la réussite par l’effort et prouve que rien ou presque, n’est
impossible !
 Enfin il joue un rôle essentiel pour la santé publique: Tout le monde chantant les bienfaits
du sport pour une vie équilibrée…

En bref, le sport ne véhicule qu’une image extrêmement positive à tout point de vue, et aucun
homme politique ne pourrait dire aujourd’hui, comme Sir Winston Churchill qu’un journaliste
interrogeait sur les secrets de sa forme, « Cigare, Whisky et surtout pas de sport ! » Phrase qui
aujourd'hui serait particulièrement non "politiquement correcte". Au contraire, tout personnage
public se doit lui aussi, de véhiculer une image de sportif, et aime à se faire photographier en
train de faire son jogging dominical, voire en arborant une silhouette de jeune homme ou femme,
en sortant de l’eau !

Ainsi, c’est évidemment revêtu de ces qualités indiscutables (bien que certaines soient moins
fondées que d’autres) que le sport s’est fait une place de choix dans notre société contemporaine
et dans notre économie!

Il est d’ailleurs maintenant admis que le sport est une activité économique à part entière, (la
question étant notamment de savoir si c’est une activité économique comme une autre ou
spéciale).

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Quel publicitaire ne rêverait pas d’un « produit » tel que le Sport, qui véhicule une image
"universellement positive", et qui à lui seul est paré de toutes les qualités et plus encore aussi
« internationalement positive », car c’est son caractère mondial, trans- national en tout cas, qui en
fait également sa force (mais aussi sa complexité juridique).

Le sport joue également un rôle essentiel dans le sentiment patriotique : on porte avec fierté, lors
des compétitions, les couleurs de son pays, de sa région ou de sa ville.

Parfois c’est la passion d’un même sport qui devient un « langage commun » pour tous les
habitants de la planète.

Le sport abolit les frontières tant les hommes se retrouvent dans une communauté d’esprit unis
autour d’un même événement.

Ainsi, l’activité sportive est devenue une valeur économique particulièrement importante, tant il
concerne tout le monde ou presque, il permet aux individus de se retrouver, quitte à s’affronter,
autour de la même passion pour tel sport, ou tel champion.

On comprend dans ces conditions, que de très nombreux acteurs se disputent les retombées
économiques extrêmement importantes des manifestations sportives …

Et la question des retombés économiques, induit nécessairement celle de la valorisation et de la


protection de cette valeur, car dès qu’il y a une valeur économique, de très nombreux acteurs
veulent en profiter … en en payant le prix, ou non !

Et c’est là que la propriété intellectuelle intervient, car le droit français et le droit communautaire
offrent grâce à ces droits, une protection particulièrement forte de cette activité économique.

Les droits de propriétés intellectuelles sont à l’évidence, une source de financement extrêmement
importante pour les acteurs du sport, qui l’ont bien compris et entendent retirer les bénéfices des
retombées médiatiques particulièrement considérables, générés par le spectacle qu’ils organisent,
spectacle dont la particularité principale est qu’il ne ressemble à aucun autre, car à l'inverse de
n'importe quel autre spectacle, son issue n’est jamais certaine, jamais la même, toujours
renouvelée …

L’objet de ce mémoire est d’établir un panorama de différents cas dans lequel les droits de
propriété intellectuelle, et plus particulièrement le droit des marques intervient dans le domaine
sportif.

J’ai volontairement choisi quelques thèmes précis, parmi d’autres, qui auraient pu figurer aussi
ici et que j’ai écarté, soit parce qu’ils avaient déjà fait l’objet d’un mémoire dans le cadre de ce
DU, soit parce qu’à mon sens, certains aspects n’étaient pas suffisamment spécifiques au sport
pour qu’une étude leur soit consacrée.

Certains sacrifices ont donc du être fait !

Ainsi je n’aborderai pas les droits d’exploitation audiovisuelle qui ont déjà fait l’objet d’une

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étude l’an passé dans le cadre de ce diplôme.

J’ai également choisi de ne pas parler les problèmes de contrefaçon des marques de sport, en effet
si l’on constate que les marques sportives sont parmi celles qui sont le plus contrefaites,
notamment en Asie, l’absence de point particulier à mettre en exergue, m’ont incité à ne pas en
faire état ici.
Je n’ai pas abordé non plus tous les droits de propriété intellectuelle mais je me suis attachée
essentiellement aux marques, sans aborder les droits d’auteur, le savoir faire, les dessins et
modèles etc. Ce choix a été fait car il me semblait que c’était en droit des marques que les
problèmes les plus fréquents et surtout les plus spécifiques au sport se posaient, bien que l’étude
des autres droits aurait, bien entendu, pu trouver sa place ici, mais cette étude eut alors été bien
trop longue !

J’ai donc choisi d’étudier plusieurs thèmes qui ont tous pour point commun de démontrer
comment les droits de propriétés intellectuelles, et notamment le droit des marques, sont devenus
une source de financement essentielle pour les acteurs du sport et comment leur protection est
assurée face aux atteintes qu’ils subissent dans le domaine sportif.

Nous verrons notamment dans une première partie, ce qu’est le droit d’exploitation exclusive
prévu par la loi, et notamment, les Droit des marques des groupements sportifs, les limites à ces
droits, et les conséquences de ce monopole à travers quelques exemples de jurisprudence (I).

Nous étudierons dans une deuxième partie, les droits particuliers attachés aux Symboles
Olympiques, et la jurisprudence sur la protection de ces symboles (II).

Enfin, nous examinerons les atteintes, autres que la classique contrefaçon, aux droits privatifs des
organisations sportives, notamment par le biais de l’«Ambush Marketing»(III), et nous
aborderons enfin, la façon dont les organisateurs des manifestations sportives se sont protégés
face à l’arrivée massive des sites de paris en ligne (IV).

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I : LA MARQUE ET LE GROUPEMENT SPORTIF

Le « groupement sportif » peut détenir tous les droits de propriété intellectuelle : Qu’il s’agisse
de la marque, de droit d’auteur, de brevet, des droits sur les dessins et modèles, ou de savoir
faire ;
Ainsi qu’il a été évoqué en introduction, nous examinerons ici, la protection de la marque des
groupements sportifs, à l’exclusion des autres droits.

La marque appartient, aux termes des articles L 712-1 et L 714-1 du Code de la Propriété
Intellectuelle, à celui qui l’a enregistré, soit à celui qui l’a acquis, par cession ou toute autre
opération constitutive d’un transfert de propriété.
 L’article L 712-1 dispose : « La propriété de la marque s‟acquiert par l‟enregistrement.
La marque peut-être acquise en copropriété.
L‟enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une
période de dix ans indéfiniment renouvelable. »

 L’article L 714-1 dispose : « Les droits attachés à une marque sont transmissibles en
totalité ou en partie, indépendamment de l‟entreprise qui les exploite ou les fait exploiter.
La cession, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale.
Les droits attachés à une marque peuvent faire l‟objet en tout ou partie d‟une concession de
licence d‟exploitation exclusive ou non exclusive ainsi que d‟une mise en gage. »

Toutefois, concernant les groupements sportifs, certaines spécificités doivent d’emblée être
signalées :

I.1. LE DROIT DE PROPRIETE SUR LA MARQUE :

Les sociétés sportives peuvent-elles être propriétaires des marques qu’elles utilisent ?

Pendant longtemps le débat a fait rage.

I.1.1. Ainsi, avant 2003, l’article 11 de la loi du 16 juillet 1984, énonçait que la marque
appartenait à l’association support et non à la société sportive qui gérait le secteur professionnel.
Il était donc apporté une limite au droit des marques, puisque la société sportive ne pouvait en
conséquence, déposer ou enregistrer une marque identique ou similaire à celle de l’association,

Une telle situation n’a cependant rien d’exceptionnel. En effet, la première structure des clubs
sportifs, était historiquement, dans la majeure partie des cas, associative, or, la dénomination
d’une association, constitue une « antériorité » au sens du droit des marques, antériorité qui
empêche le dépôt d’un signe identique ou similaire.

Toutefois, même dans le cas où l’association n’avait pas déposé sa marque, mais utilisait le signe
seulement à titre de dénomination, la société sportive n’avait pas de droit possible sur le vocable.

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Cela étant d’autant plus paradoxal que c’est toujours, en fait, la société professionnelle qui
entretient et investit de fortes sommes d’argent pour valoriser la réputation et donc la valeur de la
marque.1

I.1.2 Aujourd’hui, et depuis la réforme de 2003, ( Loi LAMOUR ), l’article 11 de la Loi a


été modifié (aujourd’hui codifié à l’article L 122-19 du Code du Sport), et la société
professionnelle a la possibilité d’être propriétaire des signes distinctifs.

En effet, l’association peut désormais céder les signes qu’elle possède à la société sportive, étant
précisé toutefois, que l’association conserve le droit de disposer à titre gratuit des signes
distinctifs (art L 122-16 du Code du Sport).

Cette réforme a également validé les situations de fait qui préexistaient et dans lesquelles les
sociétés sportives avaient déjà déposé leurs marques…, illustration de ce que la loi s’adapte aux
réalités !

I.2 : LE REGIME DE LA CESSION ET DE LA LICENCE DE MARQUE DU


GROUPEMENT SPORTIF :

Ce régime demeure néanmoins spécifique et encore sujet à discussions:

I.2.1.Avant la réforme de 2003, il semblait, (en tout cas pour une partie de la doctrine),
interdit à l’association de céder sa marque. Certes, elle pouvait en autoriser l’utilisation à la
société professionnelle, mais non la lui céder, ce qui lui assurait, selon une partie de la doctrine,
en tout cas, un moyen régulier de financement garanti.

Cependant, on cherchera en vain dans les textes, une telle interdiction ! Néanmoins des
discussions avaient lieu, relatives à la possibilité pour la société, de disposer, de déposer, ou
d’utiliser, d’une manière ou d’une autre la marque de l’association.

Cette reforme a satisfait les sociétés professionnelles qui souhaitaient pouvoir être propriétaires
des actifs incorporels, (ce qui leur permet d’accroître leur revenu de manière importante,
notamment à travers les contrats de merchandising ).

I.2.2.L’association peut évidemment, donner sa marque en licence, elle n’est pas limitée,
et peut donner en licence la marque à un tiers, et donc pas nécessairement à la société sportive ou
à un groupement sportif, ceci sous réserve cependant, de laisser à ces derniers l’utilisation de leur
dénomination, de leur marque, ou de tout signe distinctif qu’ils utilisaient déjà.

En effet, et c’est là également une particularité qui n’existe pas ailleurs, en droit des marques. Le
décret du 16 février 2001, oblige en effet de manière implicite, l’association, à réserver un droit
d’utilisation à la société dont elle est le support. Pour autant, elle n’est pas obligée de lui en
concéder une utilisation commerciale si elle ne le souhaite pas.

1 Lamy Droit du sport.

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I.2.3. Dans le cas cependant, où l’Association confère une licence à la société sportive, cette
licence devra obéir à des règles qui, une fois de plus, sont spécifiques :

 D’abord, elle doit être contenue dans la convention liant l’association sportive à la société
sportive. Elle doit donc nécessairement être écrite.
 En second lieu, elle doit clairement indiquer les droits qui sont concédés, ainsi que la
contrepartie : Elle ne peut donc pas être gratuite.
 Enfin, la convention contenant la licence doit être accompagnée des statuts de
l’association et de ceux de la société, le récépissé du dépôt de marque à l’INPI et enfin,
doit être déposée au Préfet du Département, accompagné de divers documents.
Le préfet a un délai de trois mois pour faire connaître son accord ou son opposition.

En revanche lorsque c’est la Société Sportive qui accorde la licence à une autre entité que
l’association, aucune règle spéciale n’est à signaler sauf que la licence doit simplement respecter
le droit d’usage gratuit conféré par la loi à l’association. (Code du Sport art L122-16) .

*
* *

La marque revêt pour le groupement sportif une valeur capitale.

C’est un instrument stratégique essentiel, elle est l’instrument privilégié du marketing et de la


publicité, instrument dont la valeur économique et financière est évidente.

Cependant cette valeur est tributaire d’impondérables, tels que les résultats sportifs et la
réputation du club.

L’image de marque du club est particulièrement volatile, elle doit néanmoins être protégée,
valorisée, et entretenue car elle est un élément patrimonial particulièrement important pour le
club qui peut la donner en licence pour de très nombreux services et produits.

L’image de la marque du club est donc plus difficile à défendre que toute autre marque tant elle
est sujette à fluctuation en fonction de ses résultats, de sa réputation et donc de celle des sportifs
qui font partie du club!

Il est donc évident qu’une marque sportive, plus que n’importe quelle autre marque, peut voir sa
valeur varier de 1 à 100 selon par exemple des résultats du club ou de l'équipe. C’est la raison
principale qui en fait sa particularité par rapport à n’importe quelle marque de produit ou de
service (ce qui ne signifie pas que la valeur d’une marque d’un autre type ne varie pas mais celles
des groupements sportifs ont des variations plus aléatoires et moins contrôlables que d’autres … )

Il est donc essentiel pour le groupement sportif de protéger non seulement sa marque de toute
atteinte qu’elle peut subir, ( contrefaçon, parasitisme, concurrence déloyale etc.), mais également
l’atteinte à son image de marque .

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I.3. LES ATTEINTES A LA MARQUE ET A L’IMAGE DE MARQUE :

L’image de la marque (et donc en réalité du club) a une valeur économique indéniable.

I.3.1. :Qu’est ce que l’image de marque ?: Celle-ci n’a aucune définition juridique à
proprement parler, et de ce fait, elle est protégée de multiples manières, que ce soit, selon
l’atteinte qui y est portée, par la défense de la marque elle même, ou par le biais des articles 1382
et 1383 du Code Civil qui protègent contre les actes de concurrence déloyale ou de parasitisme .

L’atteinte à l’image de marque est également protégée en droit du travail, (dans le cas où un
salarié d’un club porte atteinte à l’image de celui ci en le dénigrant par exemple, le licenciement
du salarié peut être alors considéré comme fondé) .

Le club est autorisé à protéger son image de marque de toutes les façons possibles tant les juges
sont conscients de l’importance de celle-ci. Mais il ne s’agira alors toutefois que de normes
privées (règlement intérieur associatif, règlement fédéral etc.) normes qui ne peuvent pas dans la
hiérarchie des règles, contredire ou ignorer les règles légales …

Ainsi plusieurs décisions doivent ici être citées :

I.3.2. L’affaire « COFIDIS »2 :

En 2004 les organisateurs du Tour de France avaient indiqué que « serait refusée l‟inscription de
tout coureur qui serait impliqué dans une procédure judiciaire ou mis en cause dans une enquête
policière ! »
L’équipe COFIDIS a alors refusé de sélectionner un des coureurs de son équipe.
Le coureur a alors saisi le Juge des référés pour obtenir son inscription; le Juge des référés et la
juridiction d’Appel, l’ont débouté de ses demandes, considérant que « la seule suspicion était
suffisante pour constituer une atteinte grave à l‟image du cyclisme et ont estimé la position de
l‟équipe justifiée » !

En revanche, dans deux affaires similaires, le Tribunal Arbitral du Sport a estimé au contraire,
qu’il n’était pas possible d’écarter une équipe d’une compétition sur une simple suspicion de
dopage3 …

On comprend bien que les organisateurs d’une compétition souhaitent, pour la réputation de
ladite compétition s’assurer de la loyauté de celle-ci et vont donc prendre toutes les précautions
possibles pour écarter les sportifs suspects par exemple de dopage.

Le problème est alors la limite entre la suspicion et les faits avérés …

On ne peut évidemment, sous prétexte de la protection de l’image de marque (et donc pour des

2 TGI LILLE.ord. 30 juin 2004 C.Vc/société COFIDIS compétition et Société ASO confirmé par CA DOUAI 1ch section C,&er juillet
2004. Cahier droit du sport N°1,2005 note Marmayou.
3 T.arb.sport,31 janvier 2005 AR Cycling AG c/Union cycliste internationale, cahier droit du sport N°1, 2005 et T.arb.sport 29 juin
2006 Amaury sport Organisation c/Active Bay SL.

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considérations de marketing purement et simplement), aller contre le principe de la présomption
d’innocence, autrement dit on voit mal les raisons qui permettraient d’écarter de la compétition,
un sportif suspecté mais non condamné !

Il faut en effet, à tout le moins la démonstration d’une faute pour justifier, à mon sens, une telle
sanction. Or le simple fait d’être suspect ne peut pas être considéré comme une faute en tant que
telle, en tout cas pas selon les principes fondamentaux du droit français.

Car on peut dire au contraire que l’atteinte à l’image du sportif, sera abimée à jamais, et son droit
à son image est aussi important que l’image de marque de la compétition ou de l'équipe !car, lui
aussi (mais ce n’est pas le sujet ici), peut vouloir protéger son nom, sa réputation, bref son image
de marque et on sait à quel point pour certains sportifs elle a également une valeur économique
considérable !

Ainsi l’organisateur de compétition jouit d’une protection sur son image de marque plus
importante puisqu’elle sera supérieure aux intérêts de l’individu et à la présomption d’innocence.

C’est une fois encore dire l’importance de la protection de cette image et de la puissance des
groupements sportifs et notamment leur puissance économique…

I.4 : LES MARQUES QUI PEUVENT ETRE DEPOSEES PAR LES


GROUPEMENTS SPORTIFS :

Selon l’article L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle «La marque de fabrique, de


commerce ou de service, est une signe susceptible de représentation graphique servant à
distinguer les produits ou services d‟une personne physique ou morale.

Peuvent notamment constituer un tel signe :


 Les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms
patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles.
 Les signes sonores tels que sons, phrases musicales ;
 Les signes figuratifs tels que dessins étiquettes, cachets lisières reliefs hologrammes logos
images de synthèse ; les formes notamment celles du produit ou de son conditionnement
ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de
couleurs. »

Ainsi, par l’application du droit commun des marques, le groupement sportif dispose d’une
grande latitude quant au choix de son nom, de sa marque.

Cela ne devrait appeler aucune remarque particulière.

Pourtant il existe certaines limites légales et certaines particularités qui doivent être signalées ici :

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I.4.1 Ainsi, l’article L 131-17 du Code du Sport, réserve par exemple, les expressions
« fédérations françaises » et « fédérations nationales » aux seules fédérations délégataires au sens
de l’article L 131-14 du même Code:

La sanction en cas de non respect de cette disposition légale est pénale.

Il s’agit toutefois d’une disposition normale, car il est clair que l’utilisation des expressions
« fédérations nationales » ou « françaises » par un groupement sportif qui ne serait pas une
fédération, serait purement et simplement sanctionnée par la Loi, comme étant une marque
trompeuse, et/ou déceptive ! Seul la nature pénale de la sanction est particulière et relève de la
législation sportive !

I.4.2.A cet égard, il faut mentionner la décision récente prise par la Cour d’Appel de
Toulouse dans l’affaire opposant la Fédération Française de Rugby contre le déposant de la
marque « équipe de France de rugby »4.

En effet, la Cour d’Appel de Toulouse a condamné le déposant de la marque « EQUIPE DE


FRANCE DE RUGBY » à transférer sa marque à la fédération française de rugby, en raison du
dépôt frauduleux effectué en contravention des dispositions de l’article L131-17 du Code du
Sport.

La Fédération Française de Rugby ayant appris le dépôt de la marque « Equipe de France de


Rugby » dans les classes 12, 16, 25, 29, 30, 32, 35 et 39, avait formé opposition devant le
Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), au motif que la marque ainsi
déposée violait les droits exclusifs qu'elle détenait au titre de l'article L131-17 du Code du Sport.

La Cour d'appel de Toulouse a confirmé la décision de première instance et fait droit aux
demandes de la Fédération.

Bien qu'au fond, il était de bonne justice de redonner à la FFR son droit exclusif sur "équipe de
France de Rugby", cet arrêt n'est cependant pas exempt de reproche selon Maitre Redouane
Mahrach5 « en ce que son attendu principal étend encore le domaine de protection conféré aux
fédérations françaises ».

Au jour de la rédaction de ce mémoire, cet arrêt de la Cour est frappé d’un pourvoi devant la
Cour de Cassation qui pourrait bien l'infirmer et de ce fait mettre l'ensemble des fédérations
sportives dans une position délicate au regard du droit des marques.

La Cour d'Appel de Toulouse a fait une juste application de l'article L 131-17 du Code du sport
qui énonce qu'à « A l‟exception des fédérations sportives agréées à la date du 16 juillet 1992,
seules les fédérations sportives délégataires peuvent utiliser l‟appellation « Fédération française
de » ou « Fédération nationale de » ainsi que décerner ou faire décerner celle d‟« Equipe de
France » et de « Champion de France », suivie du nom d‟une ou plusieurs disciplines sportives et

4 C.A Toulouse 6 mai 2008. Commentaire de Maître Redouane Mahrach


5 voir note 3.

10
la faire figurer dans leurs statuts, contrats, documents ou publicités. »

Ce texte interdit l'usage du terme "Fédération Française de" et "Fédération nationale de" à toute
entité qui ne serait ni une fédération sportive non agrée par le Ministère des sports, ni une
fédération délégataire au sens de l'article L 131-8 et L 131-14 du Code du Sport. Ainsi que nous
l’avons évoqué ci dessus.

Seules ces fédérations sportives sont habilitées à décerner les appellations "équipe de France " et
"champion de France" suivie du nom de leur sport de prédilection.

Tout déposant frauduleux encourt la nullité de sa marque et le risque de se voir opposer les
dispositions de l'article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle qui énonce que "si un
enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une
obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut
revendiquer sa propriété en justice".

Tel était le cas de l'espèce, la Fédération Française de Rugby ayant fait le choix judicieux de
revendiquer la marque ainsi déposée et bénéficier ainsi de l'antériorité de la marque.

La Cour d’Appel de Toulouse a rappelé dans son attendu principal: "l'article L131-7 du Code des
sports ne limite pas son interdiction à la seule appellation d'équipe sportive et édicte une
prohibition générale, comme l'indique le terme de décerner, qui n'est pas limitatif; ce texte a
donc pour effet de restreindre les modalités d'utilisation de l'appellation équipe de France et
d'interdire son utilisation par toute autre que les fédérations agréées ou délégataires".

La Cour d'Appel considère donc que l'usage du terme Equipe de France ne se limite au domaine
du sport et doit être compris dans son acception la plus large.

Mais cette prohibition générale est contraire à la lettre de l'article L 131-7, qui ne réserve ce
monopole aux fédérations, que lorsqu'il est suivi du nom d'une ou plusieurs disciplines sportives.

Une telle extension du monopole des fédérations sportives, risque également d'avoir des
répercussions pour les associations dans des sports qui n'ont pas reçus l'agrément du ministère des
sports.

C'est pourtant ce qu'a jugé la Cour d'appel puisqu'elle précise "M.X n'est ni une fédération
sportive agréée ni une fédération sportive délégataire, il ne peut donc décerner l'appellation
équipe de France par application de l'article L 131-17".
En outre, les juges du fond semblent, toujours selon Maître Mahrach, avoir omis l'existence d'un
second alinéa à l'article L 131-17 du Code du sport qui sanctionne pénalement la violation de ces
dispositions.

Dès lors, si cet Arrêt venait à être confirmé par la Cour de Cassation, nous serions en présence
d'une infraction pénale nouvelle, ou au moins en présence d'une infraction pénale élargie, dans
son élément matériel, ce qui équivaudrait à une atteinte à l'un des principes fondamentaux de
notre droit à savoir que "la loi pénale est d'interprétation stricte" (article L 111-4 du Code pénal)
ce qui ne nous parait pas sérieusement envisageable de la part de la Cour suprême.

11
En outre si la décision devait être confirmée, l'étendue du monopole des fédérations sportives
agrées ou délégataires risque de porter atteinte aux droits des autres associations non sportives ou
non agréés.

A l'inverse, la cassation de cet arrêt risque d'entraîner de l'insécurité juridique pour les fédérations
sportives qui craindront pour leur monopole en voyant se multiplier les dépôts frauduleux.
D'ores et déjà, il est à conseiller aux fédérations sportives de déposer leurs marques de manière à
en assurer une meilleure défense et une meilleure exploitation ainsi que l'ont fait, à notre
connaissance, les seules fédérations Française de football et de rugby.

Il faudra attendre encore vraisemblablement quelques mois pour connaître l’issue de ce litige
extrêmement intéressant devant la Cour suprême.

I.5 : LA MARQUE ACQUISITION, EXPLOITATION ET PROTECTION :

Nous avons vu les conditions dans lesquels les groupements sportifs pouvaient déposer ou
acquérir des marques.

I.5.1Sur le caractère valide de la marque, et sur les signes disponibles, les règles sont
purement et simplement celles du droit commun, le signe ainsi, ne doit pas être descriptif, ni
déceptif, il doit être disponible et distinctif ; de nombreuses jurisprudences ont été rendues dans
le domaine sportif :

I.5.1.i Les clubs peuvent, (et c’est le cas le plus souvent), être identifiés et identifiables
par leurs couleurs, celles-ci peuvent faire l’objet d’un dépôt (on sait que les couleurs ou les
combinaisons de couleur sont protégeables en droit des marques), parfois même sans avoir été
déposées elles sont tout aussi emblématiques d’un club.

I.5.1.ii Sur cette question des couleurs du club, on doit citer ici, la célèbre affaire qui a
opposé cinq clubs de football à la société SPORT CONSEIL, et qui a fait l’objet d’un jugement
du Tribunal de Commerce de TARASCON, et d’un arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN
PROVENCE. 6

Dans cette affaire, les clubs de foot reprochaient à la société SPORT CONSEIL, de
commercialiser une ligne d’articles de sport revêtus des mentions : « 100 % sedanais », « 100%
nantais », « 100% parisiens », « 100% lensois », et « 100% marseillais ». Tous ces articles étant
également et respectivement frappés des deux couleurs de chacun de ces clubs.

C’est sur l’utilisation des couleurs que les clubs agissaient, et invoquaient non pas une
contrefaçon de leurs marques (pourtant déposées), mais agissaient uniquement, sur le terrain de la
concurrence déloyale et ou parasitaire.

6 C.A Aix en Provence 2ème chambre, 3 avril 2006.note Claude-Alberic Maetz. Cahier Droit du Sport N°4, 2006.

12
La Cour d’Appel, dans son arrêt du 3/4/2006, confirmait purement et simplement le jugement du
Tribunal de Commerce de Tarascon qui avait débouté les clubs en estimant : « chaque club est
détenteur d‟une marque complexe associant son nom, des couleurs et un logo. Le reproche
essentiel des appelants (les clubs) consiste dans l‟emploi de couleurs identiques, mais ... les clubs
n‟ont aucun droit privatif sur les couleurs primaires dont sont imprimés leurs produits, et ce,
quand bien même, celles-ci auraient été utilisées depuis des temps anciens pour identifier les
joueurs sur le terrain ».
« Il va de soi par ailleurs que le supporter qui entend manifester un soutien visible à son club ou
un public acquis à sa cause, arbore nécessairement des couleurs identiques à celles portées par
les joueurs ».

« l‟examen des produits respectifs , au regard des différents constats d‟huissiers produit, montre
enfin que les couleurs, dessins, logos et inscriptions, ont leur graphisme et ordonnancement
propres et que l‟apposition systématique de la marque sur les produits des clubs, et du slogan
« 100 % » sur les produits commercialisés par les intimés, interdit toute confusion auprès des
supporters et d‟un public moyennement attentifs . Il peut même être ajouté que le consommateur
enthousiaste et connaisseur, auquel s‟adresse ce marché connaît la marque et l‟emblème du club
qu‟il soutient ».
Il n‟existe dès lors aucun acte avéré de parasitisme ce qui conduit au rejet des demandes.

Ainsi la Cour d’Appel a-t-elle estimé que les Clubs n’avaient pas de droit privatif sur les couleurs
qui les représentent, au motif qu’il s’agirait de couleurs primaires. Ce n’est qu’associées à leur
logo et ou l’emblème du club, qu’elles deviennent distinctives …

Dans le même ordre d’idée, la Cour de Cassation, saisie d’un recours par le Club de Lens contre
une décision de référé, concernant les mêmes faits, a rendu une décision le 3 octobre 2006,
parvenant à la même conclusion, et a écarté purement et simplement le recours en estimant que
l’utilisation des couleurs similaires, même si elle s’applique à des produits de même type et vise
un même public, ne suffit pas à établir l’existence d’une concurrence déloyale.7

La décision de la Cour d’appel précitée, peut à mon sens être critiquable, dans la mesure où la
notoriété de certains clubs est telle, que leurs seules couleurs suffirait à les distinguer. Ne parle-t-
on pas d’ailleurs des « sang et or » pour évoquer le Racing club de Lens, ou les « Bleus » pour
l’équipe de France ?

Il s’agirait alors d’une marque notoire protégeable très largement ! (cependant le litige n’était pas,
pour une raison stratégique que nous ignorons, fondé sur le droit des marques, mais sur le seul
terrain de la concurrence déloyale ).

Autre possibilité : on pourrait imaginer qu’au lieu d’une couleur primaire, les clubs utilisent une
couleur plus travaillée ou une combinaison de couleurs qui seraient alors protégeables également
au titre du droit d’auteur.

7 Cass.com. 3 octobre 2006 .cahier de droit du sport, N°7, 2007.

13
I. 6.LES SIGNES QUI SONT EXCLUS :

I.6.1.Sont interdits, en règle générale, les signes exclus par certaines conventions
internationales : Croix Rouge, emblème des pays, armoiries, drapeaux etc.

I.6.2 Certains droits nationaux excluent également certains signes, et notamment, et nous
y reviendrons, les Signes Olympiques. En France, ceux-ci sont légalement attribués au CNOSF
depuis la loi du 16 juillet 2000 (art L 141-5 du Code du Sport) qui dispose que « Le CNOSF est
propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l‟hymne, du
symbole olympique et des termes Jeux Olympiques et Olympiades ».

I.6.3:Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer


ou de modifier lesdits signes visés par le code, sans l’autorisation du CNOSF bien sûr, est puni
des peines prévues aux art L 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Nous reviendrons plus bas sur les affaires célèbres, OLYMPRIX et la bataille juridique qui s’est
déroulée autour de ces marques.

Bien entendu, mais cela ne présente pas de caractère particulier au regard du droit du sport, le
signe doit être disponible, c’est à dire qu’il ne peut appartenir déjà à un tiers que ce soit à titre de
marque, dénomination sociale, droit d’auteur, nom commercial, nom de domaine etc.

I.7.LA PROTECTION DE LA MARQUE :

I.7.1.La marque est un droit exclusif de propriété, elle doit donc, comme tout droit de
propriété, être défendue contre toutes les atteintes qui peuvent lui être portées.

Mais il ne s’agit pas de n’importe quel droit de propriété ; C’est un droit finalisé c’est à dire qu’il
répond à une, ou plutôt plusieurs fonctions.

Sa fonction traditionnelle est la « garantie d’origine » : en sport, cela signifie que le supporter qui
achète les produits à l’image de son club favori, provient bien de ce club (en réalité d’un licencié)
et non de tiers … Cela ne devrait d’ailleurs pas avoir d’importance, puisque tout le monde sait
bien que le produit ne tire, en réalité, pas son « origine » du club sportif. Ce n’est pas le club qui
fabrique le produit, ni même qui le crée et en réalité la fonction d’origine comme étant une
garantie de qualité n’existe pas en la matière !

Ce qui importe au supporter par exemple, est d’arborer un produit qui porte le nom la marque du
club, et là dans ce cas, la marque n’a plus qu’une fonction économique, en portant les couleurs du
club je contribue à sa promotion et à son enrichissement !

I.7.2.La marque a une fonction économique évidente, car elle véhicule un message des
valeurs, une image, et là encore c’est particulièrement vrai pour les emblèmes des équipes
sportives ou leurs couleurs comme il a été vu ci-dessus.

14
Elle est le vecteur d’une qualité, d’une réputation, d’une notoriété, et dans certains cas même
d’une façon de vivre, d’une appartenance à un groupe (et notamment celui des supporters de telle
ou telle équipe).

Les marques des clubs sportives, qui répondent à l’évidence à cette philosophie, doivent donc
être protégées contre les nombreuses atteintes qu’elles subissent ainsi que le révèle une
jurisprudence particulièrement abondante !

Certes les atteintes sont proportionnelles au succès de telle ou telle équipe, et à sa notoriété, il
n’en demeure pas moins que le fait d’être copié n’est pas une bonne nouvelle pour le sponsor ou
le licencié !

I.7.3.Ainsi dans une affaire ARSENAL / Matthew Reed, la Cour de Justice des
Communautés Européenne dans un arrêt du 12 novembre 20028, a confirmé le principe selon
lequel le titulaire d’une marque, peut légitimement s’opposer à l’utilisation de celle-ci par un
tiers, dès lors que cet usage est susceptible de porter atteinte à la garantie d’origine de provenance
des produits.

Si cette condition est remplie, « peu importe qu‟un panneau contenant un avertissement selon
lequel lesdits produits ne sont pas des produits officiels, soit installé sur le lieu de vente, ou que
le signe reproduit soit perçu comme un témoignage de soutien de loyauté ou d‟attachement au
titulaire de la marque ! », preuve si il en est de l’importance quasi exclusivement économique de
la marque pour le club de sport.

Cela étant exposé tout n’est pas copie et tout n’est pas parasitisme.

I.7.4.Les caractéristiques du parasitisme, ont d ‘ailleurs été rappelées clairement dans un


Arrêt de la Cour de Cassation du 17 janvier 2006, opposant l’Association Fédération française de
football (FFF) et autres, à la société Allez les Bleus SARL et autres9 :

« Attendu, selon l‟arrêt confirmatif déféré (Paris, 12 novembre 2003), que l‟association
Fédération française de football (FFF) et la société Football France promotion (FFP),
mandataire de la FFF pour la négociation et la conclusion d‟accords relatifs à l‟exploitation
commerciale de l‟image de cette équipe, ont fait assigner en annulation de marques et en
concurrence parasitaire, d‟une part M. X..., titulaire de marques comportant la dénomination
“Allez les Bleus”, soit, la marque dénominative n° 97 107 852, déposée le 2 décembre 1997, la
marque dénominative n° 98 727 454 déposée le 6 avril 1998 et la marque complexe comportant
cette dénomination, n° 99 806 337, déposée le 30 juillet 1999, d‟autre part, la société Allez les
Bleus qui a déposé le 8 décembre 2000 une marque complexe n° 003 071 526, comportant la
même dénomination ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la FFF et la FFP font grief à l‟arrêt d‟avoir rejeté leur demande en annulation des
marques déposées par M. X... et la société Allez les Bleus, alors, selon le moyen, qu‟en ne

8 Aff. Arsenal football club PLC c/Matthew Reed .CJCE,12 novembre 2002 note revue Lamy droit des affaires-2003.Didier
PORACCHIA.
9 Cass.com 17 janvier 2006, N°04-10.710. cahier droit du sport 2006,n°3p.224.

15
recherchant pas , comme elle y était invitée , si le caractère usuel de l’expression “Allez les
bleus” ne la rendait pas insuffisamment distinctive et dès lors insusceptible d’appropriation
pour désigner les produits liés à la pratique du football, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale au regard de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l‟arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les marques litigieuses ont été
déposées avant la coupe du monde de 1998, à une époque où le slogan “Allez les Bleus”, qui ne
faisait l‟objet d‟aucune notoriété particulière, n‟était pas utilisé par la FFF ; qu‟il retient que si
la couleur bleue est étroitement associée à la notion d‟équipe de France , il n‟est pas établi que
seule l‟équipe de France de football aurait le monopole d‟une telle désignation, dès lors que
l‟expression “Les Bleus” désigne d‟autres disciplines sportives ; qu‟il s‟ensuit, dès lors que
l‟expression litigieuse n‟était pas usuelle pour désigner des produits et services liés au football,
que la cour d‟appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n‟est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :


Attendu que la FFF et la FFP font encore le même reproche à l‟arrêt, alors, selon le moyen,
qu‟est frauduleux tout dépôt de marque, qui, détournant le droit des marques de sa finalité, n’est
pas effectué dans le seul but d’identifier des produits ou des services, et notamment tout dépôt
effectué dans le seul but de s’approprier un terme couramment employé dans un secteur
d’activité et d’empêcher, en méconnaissance de l’intérêt général, tout concurrent potentiel de
diffuser des produits et services mentionnant ce terme ;
qu’en réduisant la fraude au seul cas d’atteinte à l’intérêt particulier de l’exploitant d’une
marque non protégée par un dépôt, la cour d’appel a violé les articles L. 712-6 et L. 714-3 du
Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l‟arrêt retient, d‟un côté, qu‟à la date de dépôt des deux premières marques,
l‟expression litigieuse n‟était pas couramment employée dans le domaine du football et que
l‟expression en cause n‟est devenue courante qu‟après la coupe du monde de 1998, soit
postérieurement au dépôt des marques et, d‟un autre côté, que les deux autres marques étaient
des marques complexes n‟évoquant pas spécialement le football ; que, dès lors, la cour d‟appel,
par ces constatations et appréciations, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n‟est pas
fondé ;

Et sur le troisième moyen :


Attendu que la FFF et la FFP reprochent enfin à l‟arrêt d‟avoir rejeté leur demande en
réparation d‟un parasitisme commercial, alors, selon le moyen :
1°/ qu‟en ne recherchant pas , comme elle y était invitée, si la volonté des déposants de placer
dans le sillage de la fédération ne résultait pas notamment de ce que la plus grande partie des
produits commercialisés sous licence des déposants étaient liés à la pratique du football, la
cour d‟appel a privé sa décision de base légale au regard de l‟article 1382 du Code civil ;
2°/ que la Fédération et son mandataire avaient produits aux débats une traduction certifiée
établissant que le texte japonais figurant dans la marque n° 00 3 0711 526 signifiait “équipe
française de football”, de sorte qu‟en retenant l‟absence de production d‟une telle traduction, la

16
cour d‟appel a violé l‟article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d‟une part, que c‟est par une appréciation souveraine que la cour d‟appel, qui a
effectué la recherche prétendument omise, a rejeté cette demande ;

Ainsi la Cour de Cassation a clairement indiqué que le slogan « allez les bleus » n’était pas la
propriété de la fédération française de football, en s’appuyant, notamment, sur le fait que la
marque avait été déposée par la société avant la coupe du monde de football, et qu’au moment du
dépôt (seule date à laquelle le caractère frauduleux du dépôt doit être examiné), ledit slogan
n’avait pas de notoriété particulière, et ne pouvait emporter de risque de confusion avec la
fédération française de football, ni même, ajoute la Cour, avec aucun sport dans la mesure où la
couleur bleu n’est pas exclusivement celle de l’équipe de France de football !

I.7.5.De la même manière, la Cour d’Appel de Chambéry, dans une décision de 2006, a
débouté la fédération française de football qui a agit contre le déposant des marques « la France
championne du monde 98 » et les bleus champions du monde 98 ».
Outre des difficultés purement procédurales quant à l’action en déchéance qui n’ont pas leur
place dans le présent sujet, les juges de la Cour ont indiqué que la Loi dans sa rédaction de 1984,
réserve aux fédérations agrées et délégataires les appellations fédérations et championne de
France mais en aucun cas l’expression « championne du monde » !

D’autre part, les juges ont constaté que la fédération n’avait pas manifesté de volonté claire et
manifeste de déposer une telle marque, notamment en exploitant de manière commerciale un tel
signe, et enfin le signe « la France championne du monde 98 » ne peut être considéré comme
indisponible puisqu’il n’emporte pas nécessairement dans l’esprit du public le plus large, une
référence immédiate à la victoire de l’équipe de France de football lors de la coupe du monde de
98 »( sur ce point j’avoue que suis assez dubitative !), mais la Cour a ici précisé que d’autres
disciplines sportives la même année ont été également victorieuse !. la Cour écarte également
dans ces conditions, le parasitisme, en jugeant que les déposants n’avaient pas eu de volonté de
faire référence à l’équipe de football mais à une année exceptionnelle pour le sport français !

Il convient maintenant de se pencher sur la protection particulière dont jouit la marque


Olympique.

17
II: LA PROTECTION DE LA MARQUE
OLYMPIQUE :

II.I: UNE PROTECTION PARTICULIERE DE LA MARQUE OU DES


MARQUES OLYMPIQUES EST-ELLE NECESSAIRE ?

Nous avons vu que le droit des marques sportives présente quelques particularités ou spécificités
du fait des enjeux particuliers lié au domaine auquel il s’applique.

Toutefois, le régime général reste le même pour toutes les marques, et mis à part ce que nous
avons vu au début du présent mémoire, (à savoir les marques des noms de clubs) les particularités
du régime des marques sportives est une construction purement jurisprudentielle.

Les signes olympiques jouissent toutefois dans notre droit des marques d’une protection
particulière renforcée qui doit être signalée aussi.

Le caractère original de cette protection est d’abord dû évidemment à la spécificité de


l’olympisme.

Il convient de rappeler ici que la charte olympique dans son article 2, rappelle les principes
fondamentaux de l’olympisme et dispose « l‟Olympisme est une philosophie de la vie, exaltant et
combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps de la volonté et de l‟esprit. Alliant le
sport à la culture et à l‟éducation, l‟olympisme se veut créateur d‟un style de vie fondé sur la joie
dans l‟effort, la valeur éducative du bon exemple, et le respect des principes éthiques
fondamentaux universels. »

Il y a donc ici plus qu’une simple volonté d’organiser des rencontres sportives au plus haut
niveau entre athlètes de tous les pays, mais bien de développer une philosophie, une hygiène de
vie, un idéal de paix et de fraternité auquel on pouvait croire à la fin du 19 °siècle !

Aujourd’hui, si les valeurs morales de l’olympisme ne sont pas complètement oubliées, les Jeux
Olympiques sont devenus un spectacle extraordinaire, dont les enjeux économiques pour les
acteurs du sport sont considérables !

18
II.2.LA PROTECTION DES SIGNES :

Les signes olympiques protégés sont définis par la charte olympique : il s’agit du symbole
olympique, du drapeau olympique, de l’hymne olympique et les emblèmes olympiques.

II.2.1.Rappel de la charte olympique :

Les Jeux Olympiques sont la propriété exclusive du CIO qui est titulaire de tous les droits et
toutes les données s’y rapportant, notamment et sans restriction, tous les droits relatifs à leur
organisation, exploitation, retransmission, enregistrement, représentation, reproduction, accès et
diffusion, quelle qu’en soit la forme et par quelque moyen ou mécanisme que ce soit, existant ou
à venir. Le CIO fixera les conditions d’accès et d’utilisation des données relatives aux Jeux
Olympiques et aux compétitions et prestations sportives intervenues dans le cadre de ces Jeux.

Le symbole olympique, le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (y compris, mais sans
s’y restreindre, «Jeux Olympiques» et «Jeux de l’Olympiade»), les désignations, les emblèmes, la
flamme et les flambeaux (ou les torches) olympiques, tels que définis aux Règles 8-14, seront,
collectivement ou individuellement, désignés comme «propriétés olympiques». L’ensemble des
droits sur toutes ou chacune des propriétés olympiques,ainsi que tous les droits d’usage y relatifs,
sont la propriété exclusive du CIO, y compris, mais sans s’y restreindre, en ce qui concerne leur
usage à des fins lucratives, commerciales ou publicitaires. Le CIO peut céder une licence sur tout
ou partie de ses droits aux termes et conditions fixées par la commission exécutive du CIO. 10

 Le symbole olympique :

Le symbole olympique se compose de cinq anneaux entrelacés de dimensions égales (les anneaux
olympiques), employés seuls, en une ou cinq couleurs qui sont, de gauche à droite, le bleu, le
jaune, le noir, le vert et le rouge. Les anneaux sont entrelacés de gauche à droite; l’anneau bleu, le
noir et le rouge se trouvent en haut, le jaune et le vert en bas.
Le symbole olympique exprime l’activité du Mouvement olympique et représente l’union des
cinq continents et la rencontre des athlètes du monde entier aux Jeux Olympiques.

 Le drapeau olympique :Le drapeau olympique est à fond blanc, sans bordure. Le symbole
olympique dans ses cinq couleurs figure en son centre.

 La devise olympique :La devise olympique «Citius–Altius– Fortius» exprime les


aspirations du Mouvement olympique.

10 site franceolympique.com

19
 Les emblèmes olympiques : Un emblème olympique est un dessin intégré associant les
anneaux olympiques à un autre élément distinctif.

 L’hymne olympique : L’hymne olympique est l’œuvre musicale dénommée «Hymne


olympique», composée par Spiro Samara.

 La flamme olympique, les flambeaux (ou torches) olympiques : La flamme olympique est
la flamme qui est allumée à Olympie sous l’autorité du CIO. Un flambeau (ou torche)
olympique est un flambeau (ou torche) portable ou sa réplique, approuvé par le CIO et
destiné à la combustion de la flamme olympique. 11

 Les désignations olympiques :Une désignation olympique est une représentation visuelle
ou sonore d’une association, relation, ou autre lien, avec les Jeux Olympiques, le
Mouvement olympique ou l’une de ses parties constitutives.

II.2.2: La protection du ou des signes olympiques :

II.2.2.i C’est le comité international Olympique (CIO) qui est propriétaire exclusif
des droits de propriété intellectuelle sur les signes sus visés.

Et c’est le CIO qui prend toutes les mesures nécessaires, pour obtenir la protection juridique des
signes que ce soit sur le plan national et sur le plan international.

En droit français, par exemple, même si le Comité National Olympique a bien un droit sur les
signes, il ne peut agir qu’en conformité avec les instructions reçues de la commission exécutive
du CIO. L’article 17 de la charte fait clairement peser sur chaque Comité National, la
responsabilité d’interdire tout usage illicite des signes olympiques, en conséquence et même si le
Comité National n’est pas directement propriétaire du signe querellé, il a qualité pour agir en
France.

La Loi du 16 juillet 1984, comporte des dispositions concernant la protection des signes
olympiques ( devenu l’article L 141-5 du Code du Sport ). Elle dispose :

« Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques
nationaux et dépositaire de la devise, de l'hymne, du symbole olympique et des termes "jeux
olympiques" et "Olympiade". Quiconque dépose à titre de marque, reproduit, imite, appose,
supprime ou modifie les emblèmes, devise, hymne, symbole et termes mentionnés à l'alinéa
précédent sans l'autorisation du Comité national olympique et sportif français encourt les peines
prévues aux articles L. 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans
les conflits opposant les licenciés, les groupements sportifs et les fédérations agréées, à
l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage.

11 jurisprudence sur la protection de la flamme Olympique TGI Paris.3ème chambre 3 ème section.28 novembre 2007.

20
Il constitue une conférence des conciliateurs dont il nomme les membres. Tout conciliateur doit
garder le secret sur les affaires dont il a connaissance, sous peine des sanctions prévues à
l'article 226-13 du code pénal.

La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours


contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise
par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de
ses statuts. »

La loi de 1984 a attribué au CNO les propriétés des termes « Olympiades » et « Jeux
Olympiques » qui n’étaient pas visés dans la précédente loi de 1975.

II.2.2.ii Le traité de NAIROBI en date du 26 septembre 1981 rappelle les


obligations des états signataires pour la protection du symbole olympique. Toutefois ce
traité n’ayant pas été ratifié la France, n’est rappelé ici que pour mémoire.

Cependant, il convient de signaler que les symboles olympiques sont les seuls protégés par des
lois spécifiques, des chartes des traités etc… En principe la loi est générale, et il n’est pas dans
les usages de consacrer des pans entiers de textes à la protection d’une marque en particulier.

C’est dire la spécificité des symboles olympiques, qui, à l’évidence véhiculent bien plus de
signification que n’importe quelle marque commerciale et ce, à travers le monde entier ….

Comme dans le cas d’atteintes aux marques, le propriétaire de celle-ci peut agir tant sur le terrain
de la défense de son droit de propriété intellectuelle, mais peut également actionner selon les cas,
conjointement ou seule, une action en concurrence déloyale sur le fondement de la responsabilité
civile et notamment de l’article 1382 du Code Civil.

II.2.3. Les actions que le CNO est amené à diligenter ne diffèrent pas de manière générale
des actions de n'importe quel titulaire de marques, dans le cas ou un tiers tente de porter atteinte à
sa marque et à sa notoriété.

II.2.4.Toutefois, il convient de tenir compte du statut spécifique de la marque olympique


qui à l’évidence est ce qu’on appelle une marque notoire défini par l'article L 713-5 du CPI. !

L’article L 713 5 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou
services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de
son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette
reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une


marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la
protection de la propriété industrielle précitée. »

21
L’intérêt majeur de cette disposition est de permettre au titulaire de la marque dite notoire de
bénéficier d’une protection qui dépasse celle des seules classes dans lesquelles il aurait déposé sa
marque.

En outre le titulaire d’une marque notoire même non enregistrée, (marque d’usage) peut
bénéficier de la protection de la loi aux termes de l’articles 6 bis de la Convention de Paris.

L’atteinte est constituée par l’usage de la marque notoire ou de renommée, pour des produits ou
services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, si cet emploi est de nature à porter
préjudice au propriétaire de la marque ou s’il constitue une exploitation injustifiée de cette
notoriété.

La marque Olympique est une marque notoire, ainsi que cela a été reconnu par diverses décisions
de justice, de même que les anneaux olympiques, et les autres signes de cette nature.

Toutefois la reconnaissance des droits du CNO suite à l’utilisation de sa marque notoire a fait
l’objet d’une bataille juridique quasiment sans précédent !

Ceci doit être évoqué s’agissant de l’illustration parfaite des enjeux économiques et de la
différence d’appréciation des tribunaux sur la définition de la marque notoire et/ou de renommée.

Rappelons ici, que la marque notoire est celle qui est « connue d’une large fraction du public». Le
plus intéressant est que la marque notoire est protégée même en dehors de tout enregistrement.

On considère aujourd‟hui avec l‟introduction du droit communautaire de la marque de


renommée, que la notion de marque notoire, doit être réservée aux marques qui, bien que
connues d‟un large public dans un pays donné n‟a pas été déposée »( Lamy droit du sport )

Ces « nuances » sur les marques et l’étendue de leur protection a été particulièrement illustrée
par la célèbre bagarre jurisprudentielle entre les centres Leclerc et le CNOSF, qui cherchait à
protéger les marques OLYMPIQUES ET JEUX OLYMPIQUES :

II.3.L’AFFAIRE OLYMPRIX :

II.3.1.Le groupement d’achat des centres LECLERC (GALEC) a racheté au début des
années 90 la marque Olymprix à un petit magasin de Savoie. Dès 1993 elle exploite cette marque
dans le cadre de campagnes promotionnelles, notamment en habillant ses « caddies » du slogan
« transporteur officiel des Olymprix».

Si il est certain que l’activité des centres Leclerc et du CNO n’a strictement rien à voir, le
CNOSF en sa qualité de gardien des marques olympiques, a estimé que l’utilisation de
« OLYMPRIX » portait atteinte à sa marque « OLYMPIQUE » et l’a assigné sur le fondement
de l’article L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, pour voir protéger les marques
OLYMPIQUES ET JEUX OLYMPIQUES, marques notoires, au sens de l’article 6bis de la

22
Convention d’Union de Paris.

II.3.2.Aux termes d’une première décision du TGI de Nanterre en date du 11 juillet 1996,
il était jugé que le terme OLYMPRIX constituait une exploitation injustifiée de la notoriété des
marques d’usage OLYMPIQUE ET JEUX OLYMPIQUES.

Le TGI de Nanterre estimait en effet : « que les marques JEUX OLYMPIQUES et


OLYMPIQUES n’étaient pas descriptives mais restaient distinctives, qu’il s’agissait de marques
notoires, que peu importait qu’il s’agisse de marques de services et non de produits, et enfin que
l’usage illicite n’était pas forcément un usage à l’identique, mais pouvait être une simple
imitation, » faisant ainsi une interprétation relativement classique de l’article L 713-5 du Code de
Propriété Intellectuelle.

En effet, et c’est sur l’interprétation de cet article que la bataille judiciaire a fait rage entre les
protagonistes de cette affaire;

L’interprétation donnée par le Tribunal était la plus large, à savoir que la marque de renommée
ou notoire était protégée contre tous les types d’usages, imitations comprises, il n’était nul besoin
que la marque de renommée soit reproduite à l’identique, pour bénéficier de la protection de
l’article L 713-5.

II.3.3.La Cour d’Appel de Versailles, par un arrêt du 15 janvier 1997, confirmait cette
interprétation (d’ailleurs parfaitement conforme à la directive européenne).12

Le GALEC formait alors un pourvoi en cassation sur deux moyens : le premier tiré d’un prétendu
défaut à agir de la part du CNOSF, et le second sur l’interprétation de l’article L 713-5 du Code
de la Propriété Intellectuelle.

II.3.4.La Cour de Cassation a alors statué, en critiquant l’interprétation faite par la Cour
d’Appel de l’article L713-5 « Attendu qu‟en statuant ainsi alors que l‟action spéciale en
responsabilité instituée par l‟article L 713-5 du CPI permet de faire interdire et sanctionner
l‟emploi opéré dans certaines conditions, d‟une marque de renommée mais non l’utilisation
d’un signe voisin par sa forme ou les évocations qu’il suscite, la Cour d’Appel a violé le texte
sus visé »

La bataille autour de l’article L 713-5 du CPI tournait donc autour de la distinction entre
les mots « usage » et emploi », et sur le point de savoir si, pour bénéficier de la protection
de la loi la marque notoire devait être reproduite à l’identique ou si l’imitation pouvait
également être sanctionnée (dans le cas bien sûr où on se trouvait hors spécialité). 13

II.3.5.La Cour d’Appel de renvoi (Paris) a confirmé l’interprétation de l’article L713-5 de


la Cour de Cassation.14

12 Arrêt de la cour d’appel de Versailles 15 janvier 1997.


13 Lamy droit du sport N°324-495.
14 Cour d’Appel de Paris 1ère chambre. Audience Solennelle.8 novembre 2000.

23
Pourtant le CNOSF n’hésitait pas à former un nouveau pourvoi devant la Cour de Cassation qui
maintenait son interprétation restrictive de l’article L.713-5 (chambre commerciale 11 mars
2003).

Cette interprétation restrictive a été particulièrement critiquée par les auteurs qui ont estimé
qu’elle n’était pas du tout conforme aux prescriptions de la directive communautaire ni aux
travaux préparatoires de la Loi.

D’ailleurs par la suite, la Cour de Cassation changera de position sur le champ de la protection de
la marque de renommée, mais trop tard pour le CNOSF, la messe était dite !

Pourtant, cette affaire n’en est pas restée là …
 
 Parallèlement, le CNOSF voyant que son
argumentation fondée sur la protection des droits de la propriété intellectuelle ne « passait pas »,
a changé son fusil d’épaule, et fait passer son argumentation subsidiairement, en principal et agit
sur le fondement de la responsabilité civile . (Art. 1382 du Code Civil).

II.3.6. La Cour d’Appel de Paris statuant après renvoi de cassation du 29 juin 1999,15 a
estimé alors que l’article 1382 du Code Civil, ne pouvait être invoqué, du fait que l’article L
713-5 instaurait une protection particulière, s’agissant des même faits.

Précisons ici, que l’action en concurrence déloyale, ne peut être diligentée à coté d’une action en
contrefaçon, que si des faits distincts de la contrefaçon peuvent être invoqués. L’article 1382 du
Code Civil, ne pouvant en effet servir de subsidiaire à l’action fondée sur la protection d’un droit
de propriété intellectuelle pour des mêmes faits.

Ainsi, du fait de cet arrêt de la Cour, la marque notoire ou de renommée se trouvait moins bien
protégée qu’une marque lambda hors spécialités !

La Cour de Cassation dans son arrêt précité du 11 mars 2003 16, a bien eu une interprétation
restrictive de l’article L713-5 du CPI, mais a en revanche sanctionné la Cour d’Appel.

En effet, la Cour de Cassation a jugé que, dans le cas d’imitation de son signe, le dépositaire de
la marque notoirement connue est recevable à agir sur le fondement de la responsabilité civile .

II.3.7.En effet il n’ y avait aucune raison valable pour, qu’alors que la directive visait à
une protection renforcée des marques notoires, l’interprétation prétorienne parvienne à une
solution contraire et donc totalement injuste.
- Ainsi il fallait voir les actes de reproduction sanctionnés de la maniière suivante :
- Contrefaçon classique (même classe) article L 713-1 et suivants du CPI.
- Lors de reproduction à l’identique mais hors champ de la spécialité c’est l’article L
713-5 qui trouvait à s’appliquer
- Et enfin hors spécialité et pour les imitations c’est une action en responsabilité civile

15 Arrêt de la Cour de Cassation com.29 juin 1999 N° pourvoi 97-12045.


16 « Affaire OLYMPRIX- verdict final ». A propos de l’arrêt du 11 mars 2003.

24
qui peut être mise en œuvre.

Aux termes de l’arrêt précité de la Cour de Cassation, l’affaire était renvoyée devant la Cour
d’Appel d’Orléans statuant en chambre solennelle qui rendait un arrêt le 2 juillet 2004.17

II.3.8.Cet arrêt est particulièrement intéressant pour apprécier la valeur des marques du
CNOSF ;

Il commence en effet par rappeler le principe selon lequel les marques du CNOSF
« OLYMPIQUE » et « « JEUX OLYMPIQUES » sont des marques d’usage -non enregistrées –
notoires.

Plus loin, il est rappelle que « s „agissant de marques d‟une exceptionnelle notoriété , les
marques olympiques et jeux olympiques auxquelles est associée pour la plus large fraction du
public le retentissement et la renommée non moins exceptionnel de l‟évènement des jeux
olympiques, doivent être prorogés au delà du principe de spécialité, qui ne peut être invoqué
pour justifier des agissements parasitaires , contre leur imitation ou leur évocation pour des
services différents , parce qu‟elles exercent une attraction propre tout à fait particulière,
indépendamment des services qu‟elle désignent effectivement. Que sur le fondement de la
responsabilité civile, le CNOSF est ainsi fondé à empêcher le GALEC de continuer d‟utiliser les
marques OLYMPRIX qui sans les reproduire exactement, imitent, ou évoquent, fussent dans un
autre secteur, pour profiter astucieusement de l‟image d‟excellence du mouvement olympique en
l‟appliquant pour tirer avantage, et sans bourse délier non plus, à des activités sportives ou à
l‟organisation de manifestations sportives mais à des campagnes de prix réduits, opérations qui
faisant penser plus ou moins, à des braderies, contribuent à une dégradation de l‟image des
marques OLYMPIQUES ET JEUX OLYMPIQUES »

On voit ici poindre très clairement la notion « d’ambush marketing » sur laquelle nous
reviendrons plus loin, mais c’est cette forme de parasitisme très spécifique notamment au
domaine du sport, que la Cour d’Appel d’Orléans a voulu sanctionner, en ouvrant largement au
CNOSF, les portes de l’action en responsabilité civile estimant très pragmatiquement que les
signes Olympiques, signes notoires par excellence, et porteurs d’une symbolique extrêmement
importante et universelle, devaient bénéficier d’une large protection, et si la Cour de Cassation
n’avait pas permis d’utiliser l’instrument du CPI, alors le Code Civil devait pallier cette erreur.18

Cela était d’autant plus facile pour la Cour d’Appel d’Orléans de faire une telle interprétation,
qu’elle savait que la Cour de Cassation avait modifié son interprétation entre temps de l’article
L713-5 du CPI, il fallait donc en quelque sorte « rectifier le tir » et permettre au CNOSF de
recouvrer une large possibilité d’agir.

La Cour d’Appel d’Orléans condamnait d’ailleurs le GALEC à une somme de 1 millions d’euros
de dommages et intérêts pour l’atteinte aux marques du CNOSF, condamnations à l’époque
inhabituelle…La Cour de Cassation saisie à nouveau par le GALEC suite à cet arrêt, rejetait par

17 CA Orléans ch.solennnelle 2 juillet 2004. Note Claude-Albéric Maetz.cahier de droit du sport N°2 2005
18 Note F.Fajgenbaum. « récompense à la notoriété, la fin des Olymprix » IRPI , mars 2007.

25
un dernier arrêt de la chambre commerciale du 31 octobre 2006, l’ultime pourvoi, et réitérait à
nouveau le caractère exceptionnelle des marques OLYMPIQUES 19.

C’est donc après plus de dix ans de bagarres judiciaires que le CNOSF a finalement triomphé de
l’atteinte à sa marque.

II.3.9.Le CNOSF a d’ailleurs publié sur son site franceolympique.com,20une petite note
particulièrement claire et simple , rappelant les droits sur ses marques olympiques :

La page s’intitule « ce que je n’ai pas le droit de faire » :

Et précise :
 Reproduire l’une des propriétés olympiques susvisées sans autorisation ;
 Reproduire l’une des propriétés olympiques de manière déformée ;
 Créer et utiliser un néologisme des dénominations olympiques, c’est à dire créer un
nouveau mot à partir d’une dénomination olympique ;
 Déposer à titre de marque une dénomination ou un graphique contenant une propriété
olympique ou une imitation de celle-ci voire la connotant ;
 Enregistrer et utiliser un nom de domaine portant une des propriétés olympiques ;
 Utiliser une propriété olympique dans le cadre de la dénomination d’une association loi de
1901 ou d’une société commerciale ;
 Reproduire et ou diffuser des images des jeux olympiques sans l’accord du CIO ;
 et enfin emprunter à l’univers des jeux olympiques de manière directe ou indirecte sous
peine que cela puisse être considéré comme du parasitisme susceptible de sanction .

De très nombreuses décisions sont en effet venues sanctionner les usages abusifs des signes
olympiques reproduits à l’identique ou non par des entreprises qui cherchaient à bénéficier de la
notoriété des jeux sans bourse délier.

II.4: LES "NOUVELLES" ATTEINTES AUX DROITS DE PROPRIETE


INTELLECTUELLE :

On doit évoquer ici notamment le "cybersquatting" des Jeux Olympiques qui, en tant
qu’évènement le plus médiatisé du monde est également celui qui attire le plus de convoitises des
cyber-squatteurs.21

Qui intervient dans le cas de cybersquatting ?

Le CIO intervient à titre exclusif quand le nom de domaine est composé d’un radical similaire ou
identique à la marque OLYMPIQUE.

19 C. Cass.com. 31 oct.2006. Note Marmayou-cahier droit du sport 2007 p.213 et suivants.


20 cf.note N°9.
21 Cybersquatting et Jeux Olympiques. Note Emmanuel Gillet.

26
Les comités nationaux olympiques eux, sont habilités à intervenir également contre les actes de
contrefaçon des signes, ils interviennent spécialement quand le nom de domaine est composé du
signe olympique et du nom de la ville organisatrice ou simplement candidate.

C’est ainsi que par exemple pour PARIS ville candidate malheureuse plus d’une fois, un
cybersquatteur pessimiste a ainsi procédé à l’enregistrement des noms de domaines
paris 2016. fr et .com et même Paris 2028.fr … 22

Enfin les sponsors officiels sont eux aussi victimes de cyber squatting et doivent fréquemment
agir devant les institutions de règlement des litiges.

Mais il faut bien tenir compte de l’astuce des cyber squatters qui tentent de deviner ou d’anticiper
très en amont qui seront les sociétés sponsors des futurs jeux olympiques, en fonction notamment
des villes organisatrices.

C’est ainsi que HARRODS 2012 a fait l’objet d’un enregistrement illicite dès 2007 ! bien
entendu ce nom de domaine a été transféré à Harrods !

Ceci est encore une illustration de l’ « ambush marketing » vu sous l’angle des droits internet. Il
faut maintenant aborder la protection particulière des évènements sportifs et de leurs
organisateurs et organisations face aux atteintes de plus en plus astucieuses.

22 Note Claude-Albéric Maetz. Cahier de droit du sport N°1, 2005.

27
III. L’AMBUSH MARKETING

III.1. DEFINITION :

Pourquoi l’ « ambush marketing » a-t-il sa place dans le présent mémoire ? Si initialement, je ne


souhaitais aborder que la place des marques dans le sport, il est apparu naturellement qu’au delà
des aspects purement « propriété intellectuelle » (titularité et protection des marques) se
greffaient à l’évidence des atteintes plus subtiles que la contrefaçon ou la copie, mais des
usages ou des références à des compétitions qui ne constituaient pas finalement, des
atteintes aux marques.23

Le fraudeur a toujours par définition « un coup d’avance », il est astucieux et va naturellement


chercher où il peut réaliser des profits importants en déboursant au départ le moins d’argent
possible.

Et c’est là que le sport intervient et notamment les grandes manifestations sportives ... Quel
évènement en effet, peut rivaliser en audience avec une finale Olympique, un match de foot, de
tennis ou de rugby ? Aucun !

On sait bien que les chaînes de Télévision et les différents opérateurs, se battent pour obtenir
légalement les droits de diffusion qui leur permettront d’engranger des recettes publicitaires sans
égales.

Alors c’est autour des grands évènements sportifs qu’est né le phénomène de l’ « ambush
marketing » (en français, le « marketing de l’embuscade »). On doit en dire un mot ici tant le
domaine du sport est touché par cette concurrence déloyale, ce parasitisme particulier …24

III.2. L'AMBUSH MARKETING ET LE SPORT:

En effet, l’ « ambush marketing », est le fait de s’associer à un évènement médiatisé très


largement dans le monde, or dans quel autre domaine que le sport peut on trouver de tels
évènements ?

Evidemment il s’agit de s’associer à l’évènement sans en payer le prix, autrement dit, sans en
être un sponsor officiel et donc sans payer les droits qui sont le plus souvent extrêmement
importants.

Il s’agit donc d’une forme de parasitisme, puisque comme le parasite, on se place dans le sillage

23 De la difficulté d’appréhender l’opportunisme commercial : l’exemple de l’Ambush Marketing. Dalloz p.1501. note Arcelin-
Lécuyer.
24 La protection des évènements sportifs mondiaux. IRPI . Note Emmanuelle Jaeger.

28
d’un évènement et on va l’accompagner, en tirer les bénéfices sans pour autant en payer le prix.

De tels actes constituent à l’évidence, des atteintes aux droits des sponsors qui eux, ont payés
cher le droit de figurer en exclusivité aux cotés de la compétition ….Et évidemment, cela porte
gravement préjudice aux organisateurs de l’évènement qui, à la longue, risquent de perdre les
revenus très importants que leur procurent les sponsors et qui leur permettent d’organiser des
manifestations de plus en plus « spectaculaires ».

Ce qui provoque aussi naturellement le mécontentement du partenaire qui lui, jouant le jeu, a
respecté la règle et investit financièrement pour s’octroyer le droit d’usage des éléments
descriptifs liés à l’événement sportif.

L’embusqué ne dépense pas un centime mais va réussir à profiter de la très importante


médiatisation de l ‘événement, et ainsi par exemple, être vu à la télévision par des centaines de
millions de téléspectateurs, audience qu’il ne pourrait jamais atteindre sans être adossé à la
compétition.

Ce qui est intéressant dans l’ « ambush marketing », ce n’est pas tant l’aspect juridique, que
l’imagination débordante dont les « embusqués » ont fait preuve ! mais on verra toutefois
comment les organisateurs luttent contre cette concurrence déloyale particulière .

III.3. QUELQUES EXEMPLES :

Parmi les exemples les plus connus on peut citer le cas de la société PEPSI COLA, qui aux Jeux
Olympiques d’Atlanta de 1996, a utilisé Marie José Perec en la présentant de la façon suivante :
« Marie José Perec représentante officielle d‟une boisson non officielle à Atlanta ».

Pas la moindre atteinte aux marques, mais tout le monde comprend de quoi on parle…( rappelons
ici que Atlanta est la ville de Coca Cola), et on utilise les jeux non seulement sans en être le
partenaire, mais en « parodiant » le concurrent principal qui lui est « officiel » … Pas facile de se
plaindre ici d’actes de parasitisme …

Autre cas plus étonnant encore : lors de la coupe du monde de rugby de 2007, la société DIM
avait dépêché plusieurs jeunes filles qui se sont trouvées dans le public vêtues uniquement de
lingeries, largement filmées , la marque DIM a profité d’un « buzz » particulièrement important
notamment sur le net !

Plus directe, l’atteinte portée par Master Card à Visa, son concurrent direct lors des jeux
olympiques d’Albertville et sponsor officiel ; Master Card avait basé sa campagne publicitaire sur
le slogan suivant « s‟ils veulent s‟amuser et profiter des jeux ils n‟ont pas besoin de visa »

De cette façon l’« ambusher » peut même aller jusqu’à faire croire qu’il est lui même partenaire
de la compétition sportive, et ainsi, en tirer profit en faisant croire qu’il défend les valeurs
universelles du sport et en tirer un bénéfice d’image particulièrement important.

29
Il y a donc de très nombreuses manières, toutes plus astucieuses les unes que les autres pour tirer
bénéfice des grandes compétitions mondiales.

III.4: LA REPRESSION DE L'AMBUSH MARKETING :

La difficulté est de savoir quels sont les moyens juridiques mis à la disposition des organisateurs
ou des marques pour faire cesser efficacement de tels agissements, voire les prévenir et réparer
efficacement les préjudices (nombreux et souvent impalpables) que cette forme « nouvelle » de
concurrence déloyale leur cause.

On peut penser qu’une action en contrefaçon de marques apporterait la réponse la plus efficace,
puisqu’on sait que l’organisateur de manifestations sportives a, le plus souvent maintenant, pris
le soin de protéger le nom et les logos attachés à ladite compétition … Reste cependant, que la
marque, si elle n’est pas notoire, ou de grande renommée, (comme on l’a vu plus haut) n’est
protégée que classe par classe, et que les classes doivent avoir été exploitées …

Cependant comme on l’a vu la plupart du temps l’ « embusqué » agit de manière détournée et ne


prend pas le risque d’utiliser une des marques déposées (sinon ce n’est plus un « ambusher » mais
un contrefacteur !).

L’organisateur de la compétition jouit également aux termes du Code du Sport, d’un droit
exclusif sur la manifestation sportive, à ce titre il est en droit de défendre tous les droits attachés à
cette manifestation (Utilisation de l’image de la compétition, du stade etc… ) Mais attention, ce
droit ne doit pas interférer avec le droit à l’information et la liberté d’expression … et parfois la
limite entre la liberté d’expression et l’ « ambush marketing » n’est pas facile à cerner.
( notamment dans le cas de la campagne associant Marie José PEREC à Pepsi.)

Le moyen le plus simple est en réalité, d’utiliser l’article 1382 du Code Civil, qui depuis
longtemps, sert de fondement juridique aux actes de concurrence déloyale et aux actes distincts
de parasitisme économique.

Il peut y avoir concurrence parasitaire quand les deux acteurs sont en situation de concurrence ou
bien, agissements parasitaires, en l’absence de concurrence entre les deux. Si il n’y a pas alors de
difficulté pour trouver le fondement juridique reste un problème essentiel : le nerf de la guerre : la
réparation du préjudice né de l’ «ambush marketing » et la démonstration de celui-ci ; en effet
l’article 1382 suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux ! et si la faute
est aisée à démontrer, en revanche la preuve du préjudice ( et le calcul de son quantum ) et le lien
de causalité sont plus difficiles à démontrer ...

Il faut ici rappeler qu’en droit français, il n’existe pas de dommages et intérêts punitifs : le juge
doit donc mesurer autant que faire se peut le préjudice et le réparer intégralement, mais pas plus !
« Le préjudice, tout le préjudice, mais rien que le préjudice » a-t-on coutume de dire.

A Londres, en prévision des jeux de 2012, le gouvernement a pris un certain nombres de lois ad-
hoc afin de lutter contre les atteintes portées à la compétition et visent à interdire l’utilisation de
près ou de loin des jeux sans y avoir été expressément autorisée …

30
Mais c’est de toute façon sans compter sur la malice et l’imagination débordante des
« ambushers » ….

Une question s’est d’ailleurs posé au Juge français, celle de savoir si les organisateurs de paris
sportifs en ligne, ne pouvaient pas être poursuivis, justement sur le terrain de l’ « ambush
marketing » outre l’atteinte aux marques des organisateurs des compétitions sportives ;

31
IV. PARIS SPORTIFS et ATTEINTES AU
MONOPOLE DE L’ORGANISATEUR DE LA
MANIFESTATION SPORTIVE.

IV.1.LE PROBLEME DE DROIT :

On sait que les paris sportifs en ligne sont contraires à la loi française, en tout cas l’étaient avant
la Loi qui à l'heure où ce mémoire va être achevé, est discutée devant le parlement;

Avant que l’Etat n’intervienne pour protéger son monopole, ce sont les organisateurs des
compétitions sportives qui sont, pour faire un parallèle sportif, « montés en première ligne ».

Quel était le problème ? On sait que les paris sportifs sont organisés, cela va de soi, pour faire
parier le public sur le résultat de matchs, de football, de boxe, de tennis ou d’autres sports
populaires.

L’organisateur de paris domiciliait sa société dans un pays dans lequel les paris étaient légaux et
grâce à internet, son site était accessible à partir de n’importe quel pays. Il était possible pour un
citoyen français de parier sur des compétitions françaises, mais également sur n’importe quelle
compétition qui se déroulait dans n’importe quel pays.

Les organisateurs des compétitions voyaient cela d’un mauvais œil, non pas parce que il s’agit, en
France notamment d’un monopole étatique, mais d’avantage parce qu’ils craignaient que la
multiplication des paris soient une source de corruption à l’égard des joueurs, des entraîneurs
voire des arbitres … préoccupation parfaitement respectable. En effet, on peut penser
légitimement que les organisateurs des paris ou les parieurs soient tentés d’aider le sort pour
favoriser leur espérance de gains ! Il en serait alors fini de l’intérêt principal de toute
compétition : l’aléa sportif, et le risque serait grand de voir les compétitions perdre tout intérêt,
sans compter que les valeurs essentiels du sport, telle que la loyauté, le goût de l’effort, le respect
de l’autre joueur ou de l’équipe adverse, soient tout simplement des notions à mettre au rancard.
Les compétitions n’auraient alors plus d’intérêt. C’est bien entendu tout cela que les
organisateurs des grandes compétitions ont mis en avant lors de l’apparition des premiers sites
pour demander à l’ Etat français d’interdire tout simplement les sites de paris.

Toutefois, tous les clubs n’avaient pas la même position, car d’un autre coté, les sites des paris
sportifs représentaient également une manne publicitaire à nulle autre pareil : Les sites sont très
riches et quoi de plus normal pour de tels sites que de sponsoriser une équipe de football par
exemple ou des joueurs. La synergie entre les deux étaient parfaites, et certains clubs ou certaines
équipes, n’ont pas manqués de « sauter le pas » à leur risques et périls, comme on a pu le voir
dans l’actualité, car de tels agissements étaient tout simplement totalement illégaux : il est en
effet, et c’est logique, strictement interdit de faire de la publicité pour une entreprise illégale!

32
Toutefois entre le moment où les premiers sites sont apparus, et la date à laquelle la Loi va être
votée, il y a eu quelques « flottements juridiques ».

Si c’était l’Etat qui agissait pour demander l’interdiction des sites, cela était facile, puisque les
sites étaient illégaux au regard du droit français … Pourtant l’Etat n’a que très peu agit, en effet,
il est apparu très vite, dans d’autres pays européens ayant une législation sur les paris et les
loteries, proches de la législation française, que ce monopole étatique pouvait, selon la Cour de
Justice des Communautés Européennes, être non conforme au principe de droit européen de
liberté de circulation des services ( art 49 du traité), et notamment, il appartenait à l’Etat, selon la
CJCE de prouver sa légitimité à conserver un tel monopole.25
Ceci n’est pas le thème du présent mémoire, mais permet d’expliquer pourquoi la France et
notamment le PMU qui a le monopole des paris sur les courses hippiques, et la Française des
Jeux, qui a le monopole de l’organisation des paris et des jeux de hasard, ont très peu assigné les
sites de paris en ligne.

L’Etat, en attendant de prendre une décision sur sa situation a donc de facto, laissé les
organisateurs de manifestations sportives se débrouiller seuls et faire eux même, la chasse aux
sites illégaux.

IV.2.L'ATTITUDE DES CLUBS FACE AUX SITES :

Que pouvaient alors faire les clubs, sachant qu’ils n’ont pas de pouvoir d’interdire de tels sites ?

Ils sont donc passés par des « artifices juridiques » pour au moins, tenter d’obtenir l’interdiction
d’organiser des paris sur les manifestations qu’ils organisaient;

Plusieurs pistes ont été explorées par ces derniers, qui il faut le noter n’ont pas agit ensemble,
mais chacun de leur coté, pour protéger son propre « pré carré ». Toutefois la stratégie mise en
place a été, était presque la même pour tous.26

Il s’agissait, soit de passer par le droit des marques, soit par la concurrence déloyale et
notamment par le biais de l’ «ambush marketing», et enfin par l’atteinte au monopole conféré à
l’organisateur sur sa manifestation.

IV.2.1.Sur l’atteinte aux marques des organisateurs des compétitions:

Pour organiser des paris sur les résultats des compétitions, les sites mentionnent
systématiquement les noms des équipes sur lesquelles les paris sont organisés, ainsi le PSG, la
FFT et la Juventus ont assigné les sites de paris pour contrefaçon de leurs marques déposées et
enregistrées en application de l’article L 713-1 du CPI .

Il y avait effectivement usage des marques sans autorisation du propriétaire.

25 CJCE grande chambre 6 mars 2007, aff. C-338/04, C-359/04, C360/04. Placanica, Palazzese, Sorrichio.Note Poracchia.
26 Note Nataf &Fajgembaum droit du sport juillet 2009.

33
Les sites de paris rétorquaient que l’usage desdites dénominations n’étaient faits non pas à titre de
marques, mais dans le but de désigner les compétions ou les équipes, il s’agissait alors, selon eux
d’« une référence nécessaire » prévu par l’article L 713-6 du Code Propriété Intellectuelle

Or les décisions des juges (pourtant tous, de la 3ème chambre du TGI de Paris) ont été différentes ;
en effet s’il a été estimé par la 3ème section, dans l’affaire Juventus27, que l’usage de la marque
était bien constitutive d’actes de contrefaçon de marques, les 1ère et 2 ème sections ont estimé
que la contrefaçon de marques n’était pas constituée, s’agissant d’une « référence nécessaire »
comme le faisaient plaider les sites de paris.28

Dans une autre affaire, la Ligue Professionnelle de Football avait d’abord assigné le site de paris
Interwetten, sur le fondement de la contrefaçon de marques, et en cours de procédure, a renoncé
purement et simplement à cette demande !

C’est dire si une action sur le fondement de l’atteinte à la marque était risquée et en tout cas
extrêmement aléatoire.

IV.2.2.Sur l’usage parasitaire, « ambush marketing » ?

Ici aussi les décisions des juges ne sont pas uniformes, (alors même, une fois encore) qu’elles
émanent toutes de la même chambre du Tribunal) une jurisprudence n’a pas été fixée et ce
d’autant plus que la Cour d’Appel n’a pas rendu de décision permettant d’uniformiser la
jurisprudence.

Ainsi dans l’affaire précitée Juventus, les juges ont rejetés la demande formée sur le parasitisme
commercial, notamment d’ailleurs, parce qu’aucun fait distinct de la contrefaçon n’était pas
articulé par la Juventus. Mais il faut rappeler qu’elle avait accueilli l’action en contrefaçon de
marque.

En revanche, dans l’affaire opposant la FFT, devant la 3ème chambre, 2 ème section, du Tribunal
de Grande Instance de Paris, qu’avait rejeté l’action en contrefaçon, les juges ont mis en avant la
volonté de la société de paris de promouvoir son activité de paris en ligne en faisant référence,
sans nécessité, aux internationaux de tennis (en effet les paris étaient organisés sur les matchs
des Internationaux Australiens). Les juges ont considérés que l’opérateur s’était placé dans le
sillage de la FFT pour tirer profit des efforts réalisés sans bourse délier.

C’était donc une illustration nouvelle d’un « ambush marketing » car le site de paris était en fait
coupable d’ « ambush » en profitant indûment et sans bourse délies, des retombées économiques
et de la notoriété de la compétition. Nouvelle extension de l’ « ambush » que le Tribunal de Paris

27 TGI Paris 30 janvier 2008. Juventus football club SPA /Unibet limited et société William Hill Credit Limited. Commentaires
Sophie Guerrieri.
28 Le droit des acteurs du sport sur leurs marques face aux sociétés de paris sportifs. Les affaires ROLLAND GARROS et PSG. Note
R. Mahrach.

34
a validé.

En revanche, dans le cas du PSG, celui-ci a été débouté de ses demandes fondées sur le
parasitisme, au motif que « celui-ci ne prouvait pas qu‟en proposant des paris sur des
événements sportifs susceptibles d‟intéresser les internautes parieurs, en matière de football,
comme dans divers autres sports, les sociétés de paris connaissaient une augmentation de leur
bénéfice » ; Argumentation à mon sens, largement critiquable, car le fait que ces sociétés
augmentent ou non leur bénéfice, outre le fait que le lien de causalité semble extrêmement
difficile à démontrer, ne change rien à l’existence ou non de parasitisme !29

IV.2.3.Troisième voie : l’atteinte au monopole ? :

A notre connaissance, seule la LFP (Ligue de Football Professionnelle) a tenté (sans succès) cette
voie, pourtant intéressante, mais discutable.

La LFP a assigné la société INTERWETTEN devant la 1ère chambre du TGI de Paris, une
première fois en référé, une deuxième fois dans le cadre d’un « jour fixe ».

Les voies choisies étaient donc des voies « rapides », qui stratégiquement ont l’intérêt, bien sûr
d’obtenir une décision très rapidement après avoir introduit la demande, et donc être très efficace
et de « couper l’herbe sous le pied » du défendeur à qui il est laissé très peu de temps pour
assurer sa défense ; l’inconvénient était toutefois pour le demandeur de se trouver face à un
défendeur qui trouve un argument judicieux à la dernière minute, et alors c’est l’arroseur arrosé !

En l’espèce la LFP a tenté d’obtenir d’une part l’interdiction de tout usage de sa marque (action
arrêtée en cours de procédure comme il a été dit, les dépôts de marques présentant quelques
défauts ... ) et d’autre part, d’obtenir l’interdiction de l’organisation de paris sur tous les matchs
de la ligue.

L’argumentation de la LFP consistait à dire qu’au titre du monopole d’exploitation qui lui était
conféré par la loi et notamment par l’article L.333-1 du Code du Sport, l’organisateur d’un
évènement sportif dispose de tous les droits sur celui-ci, et peut en conséquence s’opposer à toute
utilisation directe ou indirecte de celui ci.

La Ligue considérait en effet que les sites de paris, ne pouvaient pas fonctionner sans
l’évènement sur lequel était organisé le pari, et que par conséquent, il s’agissait d’une utilisation
directe des investissements de celui-ci. Or, en sa qualité d’exploitant, elle seule pouvait en tirer
directement ou indirectement ( à travers la publicité, la billetterie ou le parrainage ) les bénéfices.

Les sites de paris en tirant profit puisqu’ils utilisaient les compétitions autour desquels les paris
étaient organisés, violaient de ce fait leur monopole.

Cette argumentation est à peu de chose près celle de la FFT qui a triomphé sur le terrain de
l’ « ambush marketing », à ceci près que la Ligue agissait, non pas directement sur le terrain de la

29 Le PSG perd un nouveau match, mais sur le terrain juridique in www.droit-technology.org 25 août 2008.

35
concurrence parasitaire, mais sur l’atteinte à son monopole.

Et c’est justement sur ce point qu’elle a été déboutée. En effet, les juges ont considéré suivant en
cela le raisonnement de INTERWETTEN que le monopole de la ligue avait justement une limite :
celle de l’organisation de paris sur ses propres compétitions, celle-ci étant illégales et interdites à
tous.30

De ce fait et suivant le principe de droit commun : «pas d’intérêt, pas d’action», la Ligue de
Football n’était pas recevable et n’avait pas vocation à interdire à un opérateur de violer un droit
qu’elle n’a pas! et ce, quand bien même l’organisation de paris puisse être illégale.

En d’autres termes, il y a une limite du monopole conféré par le Code du Sport, qui implique que
si la Ligue n’a pas le droit de faire quelque chose, ce n’est pas elle qui peut, non plus empêcher
un tiers d’exercer ce droit !

IV.3. L'ATTITUDE DE LA FRANCE FACE AUX SITES :

L'Etat et lui seul, aurait pu agir pour défendre son monopole, à travers la Française des Jeux qui
organise des paris sur des matchs de football notamment, paris qu’elle organise au titre de son
propre monopole étatique.

Il convient d’ailleurs ici de s’arrêter quelques secondes sur cet aspect pour le moins paradoxal :
l’Etat s’était arrogé le droit d’exploiter pour lui même les compétitions sportives et organiser des
paris sur celles-ci.

La Française des Jeux dans son rôle de « bookmaker », a reversé quelques temps une partie de ses
bénéfices notamment au football mais ces versements se sont arrêtés ... au grand dam de la Ligue
de Football !
De la même façon, les critiques légitimes faites sur les paris, et les risques qu’ils font courir sur la
moralité des compétitions, sur l’incitation aux jeux etc ... semblaient tout à coup, ne pas exister
lorsque c’est l’Etat qui les organise, et être au contraire très importants, lorsqu’il s’agit
d’opérateurs privés ! … Raison pour laquelle, il est probable que l’Etat Français ne souhaitait
pas agir contre les opérateurs étrangers, parfaitement conscient des risques très importants courus
en cas de saisine de la CJCE d’une question préjudicielle, sur la situation pour le moins bancale
en France !

30 JP LFP/Interwetten ; non publiées :.ord de référé du 16 octobre 2006.Jugement 1ère chambre TGI Paris 30 janvier 2007

36
CONCLUSION

L’étude qui vient d’être faite, et qui malheureusement est loin d’être exhaustive, montre que le
droit des marques a dû s’adapter aux spécificités du sport.

Activité économique particulière, le sport a généré ses propres atteintes, et on voit parfaitement
que petit à petit se dessine une jurisprudence particulière et adaptée aux spécificités sportives.

En effet, le Juge ne peut ignorer les règles particulières qui régissent le sport, les compétitions
sportives et leurs enjeux économiques.

Une véritable spécialité est en train de naître et il est à souhaiter que de très nombreux juristes
prennent en considération ce nouveau secteur pour aider à l’adaptation des règles applicables.

En achevant ce mémoire, je m’aperçois que de très nombreux autres sujets auraient pu figurer ici
et avaient leur place.

J’ai dû faire des choix estimant d’une part, que tout ne pouvait pas être traité, et que ce qui
semblait intéressant, en tout cas, à mes yeux, était de mettre en avant les aspects particuliers de la
protection des groupements sportifs face aux atteintes portées à leurs droits de propriété
intellectuelle et à leurs droits d’exploitation.

J’ai été particulièrement surprise, je dois l’avouer, par l’abondance de jurisprudence et de


commentaires et sur le nombre très important de litiges qui existent en la matière.

J’aurai pu également parler du sponsoring, de la communication des marques autour du sport, des
réglementations particulières sur les marques autour des stades, (avec la Loi EVIN, notamment)
des « conflits d’intérêt » entre les sponsors des joueurs les sponsors des équipes …

J’aurai également pu aborder l’aspect passionnant, mais qui méritait une étude à elle seule, de
l’utilisation de l’image du sportif par la marque, et l’évolution très nette et très symptomatique de
la communication des marques même non «sportives », qui font appel aux sportifs (et aux
sportives) et pas seulement pour les «sponsoriser», mais pour utiliser leur image. Signe des temps
prouvant une fois encore l’entrée du sport dans notre vie quotidienne et l’image particulièrement
positive que ce dernier véhicule, et pas seulement comme un exemple de santé ou d’hygiène de
vie, mais aussi un vecteur de beauté, de luxe, d’exigence dans ses choix.

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La tendance est désormais lancée et il est certain que dans les années à venir, l’économie du sport
et partant le droit s’y attachant, vont aller en se développant, cela pour suivre l’évolution de la
société et des mœurs. Puisque nous sommes amenés à travailler moins, à vivre plus longtemps (et
en meilleure santé) alors ce temps libre devra être occupé… Il paraît alors probable que pour une
partie de la population, le sport (aussi bien celui que l’on pratique que celui que l’on regarde) va
prendre une place prépondérante et donc de choix dans notre droit positif.

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