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Droit du sport

Leçon 1 : Introduction
Cécile Chaussard

Table des matières


Section 1. La place du droit dans le sport............................................................................................................... p. 2
Section 2. La compétition, source d’un droit spécifique au sport.........................................................................p. 4
Section 3. Tentative de définition du droit du sport............................................................................................... p. 5

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L’introduction d’un cours de « droit du sport » doit permettre d’appréhender la manière dont le sport a été
progressivement saisi par le droit.

Plusieurs questions guideront alors les développements :


• tout d’abord, quelle est la place du droit dans le sport et quelle évolution a conduit à ce que l’activité
sportive soit saisie par le droit ?
• Ensuite, en quoi l’application du droit à l’activité sportive est-elle spécifique ? il sera ainsi exposé que
seule l’organisation des compétitions justifie l’application de règles juridiques particulières.
• Enfin, comment définir aujourd’hui le « droit du sport » et notamment est-ce un droit purement issu des
institutions sportives ou au contraire, un droit pluriel issu du mouvement sportif et des pouvoirs publics ?

Section 1. La place du droit dans le


sport
Quelle est la place du droit dans le sport ? Une telle interrogation peut surprendre tant aujourd’hui
l’activité sportive est captée par les différentes branches du droit. Le sport fait ainsi l’objet de dispositions
législatives et réglementaires spécifiques, il donne lieu à la conclusion de contrats nombreux et variés (contrats
de travail, de sponsoring, marchés publics …), les clubs sportifs sont constitués sous forme d’association et/
ou de sociétés, et le contentieux sportif ne cesse d’augmenter.

La question mérite pourtant d’être posée dès lors que le sport a tardé à être appréhendé comme matière
juridique. Si, en effet, il constitue l’une des plus anciennes activités humaines, manifestées notamment par
les jeux de l’Antiquité, le droit s’y est, en revanche, tardivement intéressé : longtemps, le contentieux sportif a
été réduit aux seules questions de responsabilité civile et pénale résultant des dommages occasionnés par la
pratique ; quant aux textes, en-dehors des premières ébauches élaborées durant la période de la Libération
telle que l’ordonnance n° 45-1922 du 28 août 1945, relative à l’activité des associations, ligues, fédérations
et groupements sportifs, il a fallu attendre la loi n° 75-988 du 29 octobre 1975, relative au développement de
l’éducation physique et du sport, pour que soit adoptée en France la première véritable loi relative au sport.

Pour autant, il faut souligner que même avant ces interventions, le droit n’était pas totalement absent
du sport. Exercer une activité sportive suppose en effet la plupart du temps un certain nombre d’actes
et d’opérations d’ordre juridique. Les groupements sportifs se sont ainsi historiquement constitués sous la
forme d’associations régies comme telles par la loi du 1er juillet 1901 ; l’engagement par des clubs de joueurs
utilisés à temps plein a inévitablement entraîné la conclusion de contrats de travail adaptés à ce métier ; le
déroulement de manifestations sportives sur la voie publique, telles que des courses cyclistes ou des rallyes
automobiles, est subordonné à la délivrance d’autorisations administratives liées à l’utilisation anormale du
domaine public, etc.

L’activité sportive, comme toutes les activités humaines, est donc traversée par le droit. Plus
intéressant, l’ensemble des branches du droit public et du droit privé trouve à s’appliquer : le sport peut aussi
bien relever :
• du droit civil que du droit pénal,
• du droit administratif général et spécial,
• du droit du travail et de la sécurité sociale,
• du droit des associations et des sociétés,
• du droit fiscal,
• du droit international public et privé,
• du droit de l’arbitrage,
• etc.
Il est donc tentant de réduire le droit du sport à ce conglomérat disparate de règles issues des
différentes branches du droit. Mais cette manière de voir ne rendrait qu’imparfaitement compte de la

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réalité et de la caractéristique majeure du phénomène sportif : le sport est organisé en un véritable
système, profondément unitaire et autonome. Le sport ne peut en effet se réduire à une variante des jeux
dans la mesure où il s’est développé, du moins à l’ère moderne, sous l’égide de puissantes organisations
chargées, aux termes de leurs statuts, de la promotion et du développement des disciplines sportives. A ce
titre, ces organisations, qui se sont constituées sous la forme d’associations dénommées fédérations sportives,
ont pour mission première d’établir les règles de fonctionnement propres à leur discipline respective et d’en
faire assurer le respect par l’ensemble des pratiquants. Ces règles, émanant des fédérations sportives, se
rapportent quasiment toutes à un objet unique mais fondamental : celui d’organiser les compétitions placées
sous leur responsabilité.

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Section 2. La compétition, source d’un
droit spécifique au sport
Deux conséquences principales résultent du constat selon lequel les fédérations sportives ont pour mission
d’élaborer les règles sportives régissant l’organisation et le déroulement des compétitions.
• La première conséquence est que, par son objet, la règle sportive est intimement liée à la
compétition. C’est en effet la règle qui tout à la fois lui donne son sens et fonde son existence. La
compétition est d’abord une mesure, précisément une mesure de la performance. Exprimé parfaitement
par la célèbre formule de Pierre de Coubertin « altius, fortius, citius » (« plus haut, plus fort, plus vite »)
Ce « plus » qui est le sens même de l’activité : faire du sport n’a en réalité qu’un sens : la recherche
d’une performance, qui n’est rien d’autre qu’une mesure. Et la compétition sportive apparaît au plus
haut degré comme le cadre et le lieu où s’exprime cet objectif de performances recherchées par les
compétiteurs. Par voie de conséquence, la règle sportive a pour objet l’organisation de la performance
puisque toute mesure suppose une règle qui l’établisse. Philippe JESTAZ a ainsi pu écrire que « le sport
présente une irréductible spécificité résidant dans le fait qu’en l’absence de règle, il n’existe pas et sa
conception même s’avère impossible » (Ph. Jestaz, « Des chicanes sur une chicane », RJES, n° 13,
1990, p. 3).
• La seconde conséquence est que le régime juridique du sport tire sa spécificité de la compétition
et d’elle seule. Certes, le sport peut être exercé en dehors de ce cadre. Les sports de pleine nature
ainsi que la pratique des sports de loisirs tels que le footing, la randonnée ou la partie de tennis entre
amis, se pratiquent dans un esprit non compétitif. Dans ces hypothèses, l’activité sportive n’offre aucun
particularisme et ne constitue qu’une variante du secteur des loisirs. Son exercice ne nécessite donc
pas d’être soumis à un régime juridique spécial et le droit commun trouvera à s’appliquer. Ainsi, le fait
de se livrer à une partie de football entre amis ou de pratiquer le ski durant ses vacances ne relève
que des obligations communément applicables à l’ensemble des citoyens. Et même si de telles activités
récréatives et non compétitives étaient organisées par une fédération sportive, ce serait alors le droit
commun des associations qui s’appliquerait.
En revanche, dès lors que le sport est pratiqué dans un cadre compétitif, il est soumis aux règles
fixées par les règlements des fédérations. La règle sportive a donc pour objet de fixer les conditions
d’exercice des compétitions. Et c’est dans cet objet que réside toute la spécificité du sport.
• D’une part, les disciplines sportives se différencient entre elles par les règlent qui les régissent.
• D’autre part, c’est la règle qui donne à chaque discipline son unité et son uniformité qui sont
indispensables à la tenue de compétitions du plus petit niveau local jusqu’aux rencontres internationales.
• C’est enfin l’élaboration de ces règles qui fondent l’existence d’institutions propres au sport, les
fédérations, lesquelles revendiquent leur indépendance et leur « souveraineté » sur la ou les disciplines
qu’elles régissent et pour l’organisation desquelles elles se sont attribué un monopole.
Ce qui a permis d’ériger le sport en un véritable système dont l’objet réside dans l’organisation des
compétitions, ce sont donc des règles propres, établies et imposées par des institutions jalousement
indépendantes qui assurent le fonctionnement régulier des compétitions. Il en ressort que si toute activité
sportive ne se réduit pas nécessairement à la compétition, en revanche le sport, en tant que système soumis
à un régime juridique particulier, ne saurait être conçu en-dehors d’elle.

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Section 3. Tentative de définition du
droit du sport
Au regard des développements précédents, il pourrait être tentant de considérer que le droit du sport
serait le droit applicable à l’organisation et au déroulement des compétitions placées sous l’égide
d’une fédération sportive. Ainsi compris, le droit du sport serait constitué par l’ensemble des règles émanant
du mouvement sportif et qui lui sont propres. Sous cet angle, le droit du sport constitue l’expression d’un ordre
juridique à part entière, l’ordre juridique sportif, et totalement distinct de celui de l’État.

Bien des éléments militent en faveur d’une telle qualification : non seulement, nombre de règles sportives
n’ont pas d’équivalent en droit commun. Comme par exemple les règles relatives au transfert des joueurs,
à l’interdiction du dopage ou encore celles qui font obligation aux clubs de mettre à la disposition de leur
fédération les sportifs qu’ils emploient, etc. En outre, toutes les fédérations disposent en leur sein d’organes
ayant un pouvoir disciplinaire leur permettant de sanctionner les contrevenants à leurs règles. Mieux encore,
longtemps ont figuré dans les statuts et règlements sportifs des articles prévoyant l’exclusion des membres
des fédérations qui saisiraient les juridictions étatiques pour contester la légalité ou l’application des règles
sportives ! Il existe ainsi une sorte de justice propre au sport et exclusive de l’intervention des juridictions
étatiques qui sera examinée dans la Leçon 1 consacrée au contentieux sportif.

Le système et le milieu sportif, qui sont fortement repliés sur eux-mêmes, pourraient certes souhaiter vivre en
marge des lois ordinaires au point d’en exclure l’application. Une telle conception ne saurait pourtant pas
se justifier car elle signifierait que le sport se situe en dehors de la société. Or, nul ne conteste que
le sport est pleinement inscrit dans celle-ci. Il est, au contraire, aujourd’hui fortement connoté comme
l’une des activités humaines à haute teneur sociétale.

Cela explique que les États, loin de s’en désintéresser, voient dans l’activité sportive matière à intervention
de leur part en raison même de l’importance croissante de son rôle dans la société. Ces fonctions sociales
du sport fondent ainsi les interventions étatiques dans ce domaine, aussi bien au plan national que sur un
plan supranational, comme le montre l’action de l’Union européenne dans le sport dont il sera question dans
la Leçon 2 consacrée aux sources du droit du sport.

En France, les interventions des pouvoirs publics en matière sportive ont été, et demeurent,
manifestes. La France s’est en effet très tôt dotée de structures administratives centrales et locales
spécialement affectées à ce domaine. En outre, le sport a pu se développer en raison d’un large soutien
matériel et financier des pouvoirs publics, centraux et locaux.

La France a été également un des premiers États à avoir adopté une législation propre au sport qui a donné
le jour, en application de l’ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006, à un code spécifique : le code du sport,
qui recueille l’ensemble des textes législatifs et réglementaires relatifs au sport.

Mais c’est surtout un arrêt essentiel du Conseil d’État rendu en Section, l’arrêt FIFAS en date du 22 novembre
1974 qui a fait franchir un pas décisif pour l’édification d’un droit du sport en droit français. En effet, par cet
arrêt, le Conseil d’État a considéré que la mission d’organisation des compétitions remplie par les principales
fédérations sportives relevait du service public. Cette qualification a alors conduit à soumettre l’essentiel du
régime français des compétitions sportives au droit public ainsi qu’il en sera fait état dans la Leçon 6 consacrée
au régime juridique spécifique des actes des fédérations sportives.

CE, Sect. 22 novembre 1974, Fédération des industries françaises d’articles de sport (FIFAS), n° 89828 :

er
« Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1 de l'ordonnance du 28 aout 1945 relative a l'activité
des associations, ligues, fédérations et groupements sportifs, toute compétition sportive ayant pour objet de
designer une association, une équipe, un joueur ou un athlète comme vainqueur national ou régional ou

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comme représentant de la France ou d'une région dans les épreuves internationales doit être autorisée par le
ministre de l'éducation nationale qui peut déléguer ses pouvoirs a un ou plusieurs groupements détermines;
qu'en confiant ainsi aux fédérations sportives la mission d'organiser les compétitions nationales ou régionales,
le législateur a confie aux fédérations sportives, bien que celles-ci soient des associations régies par la loi
er
du 1 juillet 1901, l'exécution d'un service public administratif; que, des lors, dans le cas ou ces fédérations
prennent, en application de la délégation ainsi consentie, des décisions qui s'imposent aux intéressés et
constituent l'usage fait par elles des prérogatives de puissance publique qui leur sont conférées, lesdites
décisions ont le caractère d'actes administratifs. »
Pour autant, l’action publique dans le domaine sportif n’a pas pour effet d’amoindrir le rôle et les
prérogatives du mouvement sportif à l’égard des compétitions. Elle a au contraire pour effet de le
renforcer tout en fixant le cadre dans lequel ses missions s’exercent. Pour les autorités publiques en
effet, il s’agit d’encadrer l’activité sportive afin que son exercice se conforme aux règles qui régissent la société
et auxquelles doivent être soumis tous ses membres, qu’ils soient sportifs ou non.

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