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La Passion selon G. H.
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LA PASSION SELON G. H.


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Traduction établie à partir de la 6 e édition de A Paixão segundo G. H.


publiée par les éditions Nova Fronteira en 1979

© Ayants-droit de Clarice Lispector, 1964


Titre original : A paixão segundo G. H.

© 1978, des femmes-Antoinette Fouque pour la traduction française


33-35 rue Jacob 75006 Paris, France
www.desfemmes.fr

2020, pour l’édition de poche.

ISBN PDF : 9782721008527


 : 9782721008541
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CLARICE LISPECTOR

LA PASSION SELON G. H.

Traduit du portugais (Brésil)


par Didier Lamaison et Paulina Roitman

des femmes
Antoinette Fouque
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AVERTISSEMENT

Voici une seconde traduction de La Passion selon


G. H.
Pourquoi retraduire ? G. Steiner, qui recense plus
de deux cents traductions anglaises d’Homère, de
1581 à ce jour1, omet de thématiser la question en tant
que telle. Elle est pourtant de conséquence, et engage,
en partie, l’essence de la traduction, qui est dialogique.
Dialogue déséquilibré : d’un côté, l’œuvre, unique,
de l’autre son lectorat, que ses compétences linguis-
tiques habilitent à briguer virtuellement la fonction de
traducteur, et qui, le temps passant, ne cesse de croître.
Mais surtout, dialogue parfaitement ouvert : le
texte traduit ne bénéficie pas du privilège d’unicité
accordé à celui de l’auteur. Une traduction ne fait
jamais « autorité ». Pourtant, cette infirmité peut tour-
ner à son avantage : contrairement au Pierre Ménard
quichottesque de J. L. Borges2, nul ne peut réécrire
Homère, mais l’helléniste est libre de le retraduire, à
toute époque.

 G.  Steiner, Après Babel, A. Michel, 1998, p. 540.


1

 J. L. Borges, Fictions, Gallimard, 1965.


2

7
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AVERTISSEMENT

Pour quel bénéfice ? Celui de l’immense travail


antécédent.
Le pic de l’escalade se dresse, ultime et unique, mais
multiples sont les routes pour y atteindre. L’alpiniste
qui traduit met à profit les itinéraires de ses devanciers,
qui lui signalent écueils et impasses, comment les
affronter ou les contourner, dans les moindres détails
de son ascension : crevasses périlleuses, parois friables,
ou prises assurées.
La superbe solitaire d’un Logos assiégé par d’in-
nombrables glôssai.
De l’histoire cumulative des traductions d’un
même texte, il ne peut se faire qu’il ne résulte un enri-
chissement successif, dont il serait passionnant d’exa-
miner un à un les facteurs sémantiques, syntaxiques,
rythmiques, phonologiques ou rhétoriques.

Au début des années 1980, les éditions des femmes-


Antoinette Fouque ont publié la traduction des trois
romans de C. Lispector réputés majeurs : La Passion
selon G. H, Près du cœur sauvage et Água Viva. À
leur demande, quarante ans plus tard, nous venons
donc de les retraduire. Quarante années pendant les-
quelles la traduction de la quasi-totalité de l’œuvre de
C. Lispector a vu le jour sous ce même label. Quarante
années de sédimentation déposée par « l’industrie des
fidèles traducteurs3 » en dialogue avec la langue de
C. Lispector. Nous aurions été bien téméraire de ne pas
tirer bénéfice d’un pareil héritage, et aimerions rendre
hommage à toutes celles et ceux qui, adonnés au « tant

3
 Du Bellay, Défense et Illustration de la langue française, I, 10.

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AVERTISSEMENT

louable labeur de traduire4 » nous ont été secourables,


au premier rang desquels le regretté J. Thiériot.
En l’occurrence, c’est à Claude Farny, première
traductrice de « G. H. », en 1978, que s’adresse notre
hommage, et à sa remarquable maîtrise de la langue
française5.
Las, l’écriture de C. Lispector est incroyablement
protéiforme. On ne traduit pas, par exemple, Água
Viva, soumis généralement à une esthétique de la sug-
gestion, comme on doit le faire de La Passion selon
G. H., qui obéit à une éthique de la précision. La
langue du premier autorise quelque marge flottante
d’interprétation, qu’interdit celle du second. Tout se
passe comme si, d’un roman à l’autre, C. Lispector
nous obligeait à explorer l’éventail entier des possibili-
tés ouvertes à l’exercice du transitus de la langue source
à la langue cible – exercice dont la théorie fut défini-
tivement formulée, en héritage de Cicéron, par saint
Jérôme : ou bien traduire verbum e verbo, sc. littérale-
ment, ou bien sensum exprimere de sensu6, sc. littérai-
rement. La traduction doit choisir entre l’éthique et
l’esthétique, l’exactitude et la beauté. De ce dilemme
théorique, la traductologie n’est jamais sortie, en
dépit de son formidable développement contempo-
rain. Wittgenstein s’en est tiré par un bel oxymore :
« La traduction est un art exact7 », mais qui demeure
rhétorique.

4
 Ibid., I, 5.
5
 Réquisit majeur, trop rarement exigé d’un traducteur.
6
 Saint Jérôme, Ep. ad Pammachium, 57, 5, in Lettres, Belles Lettres, 1953, III, p. 59.
7
 Cité par G. Steiner, op.cit., p. 21.

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AVERTISSEMENT

C. Lispector nous oblige ici à refaire ce choix : on


découvrira ci-après une version « éthique » de ce qu’on
a lu, il y a quarante ans, dans une traduction « esthé-
tique ». Nonobstant, l’« éthique » ne s’interdira pas, le
cas échéant, de profiter des heureuses trouvailles de sa
devancière, en vertu de la solidarité féconde des gens de
montagne.
Le style du roman autant que son sujet nous y ont
contraint. Nulle part ailleurs, dans son œuvre, elle n’a
entrepris d’affronter, comme ici, la réalité brute d’une
expérience dans sa matérialité la plus insoutenable, la
plus inavouable, sans la moindre élaboration roma-
nesque, ni la moindre velléité d’estompage stylistique8.
De cette écriture à vif, rugueuse, exacte, notre tra-
duction se ressentira bon gré mal gré, lorsque nous
rudoierons çà ou là l’usage commun, mettrons à mal
quelque ordinaire de syntagmes, ou consentirons à de
légers malaises stylistiques, d’imperceptibles décalages
par rapport au parler couramment convenu.
Mais que la lectrice et le lecteur soient avertis qu’en
énumérant ainsi quelques effets de notre « gaucherie »
assumée, nous ne faisons que transposer exactement à
notre traduction française les écarts grammaticaux ou
stylistiques voulus par C. Lispector elle-même en rap-
port à la langue brésilienne. Certains reproches ne lui
en ont pas été épargnés par ses compatriotes. Il faudra
bien accepter, éventuellement, ceux des nôtres.

Didier Lamaison,
juin 2020

8
 Seul le passage à l’acte, vingt pages avant la fin, met en œuvre une certaine stratégie
narrative, résultat de la perte de conscience momentanée qu’il provoque.
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À de possibles lecteurs

Ceci est un livre comme tout autre. Mais je serais heureuse


qu’il ne soit lu que par des gens à l’âme déjà formée. Ceux qui
savent que l’approche de toute chose se fait progressivement et
malaisément – et passe même par le contraire de ce que l’on
se propose d’approcher. Ceux-là seulement comprendront tout
doucement que ce livre n’enlève rien à personne. À moi, par
exemple, le personnage de G. H. a procuré peu à peu une joie
difficile ; mais cela s’appelle une joie.

C. L.
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A complete life may be one ending in so full identification


with the non-self that there is no self to die1.

Bernard Berenson

1
 « Une vie complète est peut-être celle qui se termine par une identification si totale
avec le non-moi qu’il ne reste aucun moi pour mourir. »
Cité dans Chroniques, Édition complète, traduit par Teresa et Jacques Thiériot,
des femmes-Antoinette Fouque, 2019, p. 208.
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— — — — — — je cherche, je cherche. J’essaie de


comprendre. J’essaie de donner à quelqu’un ce que j’ai
vécu et je ne sais pas à qui, mais je ne veux pas garder
pour moi ce que j’ai vécu. Je ne sais que faire de ce que
j’ai vécu, j’ai peur de ma profonde désorganisation. Je
doute de ce qui m’est arrivé. M’est-il arrivé une chose et
moi, faute de savoir comment la vivre, en ai-je vécu une
autre ? C’est ce que je souhaiterais nommer désorgani-
sation, et je pourrais m’aventurer avec assurance, car
je saurais où revenir ensuite : à mon organisation anté-
rieure. Je préfère appeler cela désorganisation car je ne
veux pas me confirmer dans ce que j’ai vécu – en m’en
confirmant je perdrais le monde tel que je l’avais, et je
connais mon inaptitude pour un autre.

Si je me confirme et me considère réelle, je serai


perdue parce que je ne saurai où faire tenir ma nou-
velle façon d’être – si je persiste dans mes visions frag-
mentées, le monde entier devra se transformer pour
que j’y tienne.
J’ai perdu une chose qui m’était essentielle, et
qui désormais ne me l’est plus. Elle ne m’est pas plus
nécessaire, que si j’avais perdu une troisième jambe
qui jusqu’alors m’eût empêchée de marcher mais fait
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de moi un trépied stable. C’est cette troisième jambe


que j’ai perdue. Et je suis redevenue quelqu’un que je
n’avais jamais été. J’ai retrouvé ce que je n’avais jamais
eu : deux uniques jambes. Je sais que ce n’est qu’avec
deux jambes que je puis marcher. Mais l’absence inu-
tile de la troisième me manque et m’effraie, c’est elle
qui faisait de moi une chose que je pouvais trouver, et
sans avoir seulement besoin de me chercher.
Suis-je désorganisée pour avoir perdu ce dont
je n’avais pas besoin ? Dans cette lâcheté que je me
découvre – la lâcheté est ce qui m’est arrivé de plus nou-
veau, c’est ma plus grande aventure, cette lâcheté est
un espace si vaste que seul mon grand courage me per-
met de l’accepter – dans la lâcheté que je me découvre,
c’est comme se réveiller un matin chez un étranger, je
ne sais si j’aurai le courage de simplement m’engager. Il
est difficile de se perdre. Si difficile que probablement
je m’inventerai bien vite un moyen de me retrouver,
même si me retrouver serait de nouveau ce mensonge
dont je vis. Jusqu’à maintenant me retrouver était déjà
avoir l’idée de quelqu’un et m’y conformer : dans ce
quelqu’un organisé je m’incarnais, et je n’éprouvais
pas même ce grand effort de construction qu’est la vie.
L’idée que je me faisais de ce quelqu’un venait de ma
troisième jambe, celle même qui me plantait au sol.
Mais, et maintenant ? Serai-je plus libre ?
Non. Je sais que je ne suis pas encore libre de sen-
tir, que je me remets à penser parce que mon but est
de trouver – et que par commodité j’appellerai trou-
ver le moment où je rencontrerai un moyen de sortir.
Pourquoi n’ai-je pas le courage de ne trouver qu’un
moyen d’entrer ? Oh, je sais bien que je suis entrée,
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L a Passion selon G. H.

oui. Mais j’ai pris peur parce que je ne sais pas sur quoi
donne cette entrée. Et jamais auparavant je ne m’étais
laissée entraîner, sans savoir vers quoi.
Hier, pourtant, pendant des heures et des heures,
j’ai égaré ce qui m’assemble en tant qu’être humain.
Si j’en ai le courage, je continuerai à me laisser égarer.
Mais j’ai peur du nouveau et peur de vivre ce que je ne
comprends pas – je veux toujours la garantie minimale
de penser que je comprends, je ne sais pas m’abandon-
ner à l’absence de repères. Comment expliquer que ma
plus grande peur soit précisément relative à : être ? et
pourtant il n’est pas d’autre voie. Comment expliquer
que ma plus grande peur soit précisément de vivre ce
qui vient se présentant ? comment expliquer que je ne
supporte pas de voir, pour la seule raison que la vie
n’est pas ce que je pensais mais tout autre – comme
si avant j’avais su ce qu’elle était ! Pourquoi voir est-il
une pareille désorganisation ?
Et une désillusion. Mais désillusion de quoi ? si, sans
toutefois le sentir, je ne supportais pas mon organisa-
tion dès que construite ? Peut-être la désillusion serait-
elle la peur de ne plus faire partie d’un système ? Alors
on devrait dire par exemple : il est très heureux parce
qu’il a enfin perdu ses illusions. Ce que j’étais avant
n’était pas bon pour moi. Mais c’était de ce pas-bon que
j’avais organisé le meilleur : l’espoir. De ce qui m’était
mauvais j’avais créé un bien à venir. Ma peur est-elle à
présent que mon nouveau mode ne fasse pas sens ? Mais
pourquoi ne pas me laisser guider par ce qui pourra se
produire ? Je devrai affronter le risque sacré du hasard.
Et je remplacerai le destin par la probabilité.

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Mais alors, les découvertes de mon enfance auront-


elles été comme celles d’un laboratoire où l’on trouve
ce que l’on trouve ? Est-ce donc à l’âge adulte que j’ai
pris peur et me suis inventé ma troisième jambe ? Mais
en tant qu’adulte aurai-je comme l’enfant le courage de
me perdre ? Se perdre signifie trouver sans même savoir
que faire de ce qu’on trouvera. Avec ses deux jambes qui
avancent, sans la troisième qui retient. Et moi je veux
être retenue. Je ne sais que faire de cette épouvantable
liberté qui peut me détruire. Mais du temps où je me
trouvais retenue, étais-je contente ? ou bien y avait-il,
et il y avait, cette chose sournoise et inquiète dans ma
routine heureuse de prisonnière ? ou bien y avait-il, et il
y avait, cette chose qui palpitait, à laquelle j’étais telle-
ment habituée que, pensais-je, palpiter c’était être une
personne ? L’était-ce ? Si l’on veut, si l’on veut.
Je suis remplie d’un tel effroi lorsque je me rends
compte que, pendant des heures, j’ai perdu ce qui
avait formé mon être humain. Je ne sais si j’aurai une
autre forme à la place. Je sais qu’il me faudra prendre
garde de ne pas recourir subrepticement à une nou-
velle troisième jambe qui me pousse aussi facilement
qu’une herbe folle, et de ne pas appeler cette jambe de
secours « une vérité ».
Mais aussi bien je ne sais quelle forme donner à ce
qui m’est arrivé. Et sans forme donnée, rien n’existe
pour moi. Et – et si dans la réalité rien n’avait existé ? !
qui sait si quoi que ce fût m’était arrivé ? Je ne peux
comprendre que ce qui m’arrive mais il ne m’arrive
que ce que je comprends – que sais-je du reste ? le reste
n’a pas existé. Peut-être rien n’a-t-il existé ! Peut-être
ne m’est-il arrivé qu’une lente et grande dissolution ?
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L a Passion selon G. H.

Et que ma lutte contre cette désintégration est la sui-


vante : celle de tenter à présent de lui donner une
forme ? Une forme fait le tour du chaos, une forme
structure la substance amorphe – la vision d’une quan-
tité infinie de viande est une vision de fou, mais si je
découpe cette viande en morceaux et les distribue au
gré des jours et des faims – dès lors plus de perdition
ni de folie : elle sera de nouveau de la vie humanisée.
La vie humanisée. J’avais trop humanisé la vie.
Mais comment procéder maintenant  ? Dois-je
conserver cette vision globale, même s’il en résulte une
vérité incompréhensible ? ou donner une forme au
néant, et telle sera ma façon de m’intégrer ma propre
désintégration ? Mais je suis si peu préparée à com-
prendre. Chaque fois que, auparavant, j’avais essayé,
mes limites me donnaient une sensation physique
de malaise, en moi tout commencement de pensée
achoppe à la tête. J’ai dû très tôt reconnaître, sans m’en
plaindre, à quoi se cognait ma pauvre intelligence, et je
rebroussais chemin. Je me savais destinée à peu penser,
raisonner me resserrait dans ma peau. Comment donc
aujourd’hui inaugurer en moi la pensée ? et peut-être
seule la pensée me sauverait-elle, j’ai peur de la passion.
Puisque je dois sauver mes lendemains, puisque je
dois avoir une forme car je n’ai pas la force de demeu-
rer sans organisation, puisque fatalement il me fau-
dra endiguer cette viande monstrueuse et sans fin et
la découper en morceaux à la mesure de ma bouche et
à la mesure de mon champ visuel, puisque fatalement
je succomberai à la nécessité de la forme procédant de
ma terreur de n’avoir pas de limites – alors que j’aie
au moins le courage de laisser cette forme se former
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toute seule comme durcit d’elle-même une croûte, et


comme la nébuleuse de feu se refroidit en devenant de
la terre. Et que j’aie le grand courage de résister à la
tentation de m’inventer une forme.
Cet effort que je vais faire à présent pour laisser
monter en surface un sens, quel qu’il soit, cet effort me
serait facilité si je faisais semblant d’écrire à quelqu’un.
Mais je crains de me mettre à composer afin de pou-
voir être comprise par ce quelqu’un imaginaire, je crains
de me mettre à « faire » du sens, avec la même folie
douce qui jusqu’à hier était ma façon salutaire de conve-
nir à un système. Devrai-je avoir le courage d’utiliser
un cœur sans défense et d’aller m’adressant au néant et
à personne ? tout comme un enfant ne pense à rien. Et
courir le risque d’être écrasée par le hasard.
Je ne comprends pas ce que j’ai vu. Et je ne sais pas
même si j’ai vu, puisque mes yeux ont fini par ne plus
se distinguer de la chose vue. Ce n’est que par un inat-
tendu tremblement de lignes, par une anomalie dans la
continuité ininterrompue de ma civilisation, que j’ai fait
l’expérience pendant un instant de la mort vivifiante.
La mort raffinée qui m’a fait palper le tissu interdit de
la vie. Il est interdit de dire le nom de la vie. Et je l’ai
presque dit. À peine si j’ai pu me dépêtrer de son tissu,
ce qui serait la destruction en moi de mon époque.
Peut-être ce qui me serait arrivé est-il une compré-
hension – et me faut-il continuer, pour être authen-
tique, de ne pas être à sa hauteur, de ne pas la com-
prendre. Toute compréhension subite ressemble
beaucoup à une incompréhension aiguë.
Non. Toute compréhension subite est finalement
la révélation d’une incompréhension pointue. Tout
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BIBLIOGR APHIE

Les Éditions Triptyque (Montréal)


Claire Varin, Clarice Lispector, Rencontres brésiliennes, 2007
(première édition : Laval, Éd. Trois, 1987)

Payot & Rivages


Le Seul Moyen de vivre, Lettres, 2008

ET AUSSI

des femmes-Antoinette Fouque

Benjamin Moser, Pourquoi ce monde,


Clarice Lispector, une biographie, 2012

Chroniques,
Édition complète sous la direction de
Benjamin Moser, 2019

Collection « La Bibliothèque des voix »

La Passion selon G. H., lu par Anouk Aimée, 1983


Liens de famille, lu par Chiara Mastroianni, 1989
L’Imitation de la rose, lu par Hélène Fillières, 2008
Amour et autres nouvelles, lu par Fanny Ardant, 2015
L’Heure de l’étoile, lu par Sterenn Guirriec, 2020
LA PASSION SELON G. H.
Nouvelle traduction du portugais (Brésil)
par Paulina Roitman et Didier Lamaison

La Passion selon G. H. est un classique incontournable de


la littérature brésilienne contemporaine, dont l’intrigue
repose sur quelques éléments à peine : un évènement ap-
paremment banal fait irruption dans le cours habituel
des jours et provoque un séisme intérieur foudroyant.
G. H., une artiste vivant à Copacabana, quartier chic
de la ville de Rio de Janeiro, pénètre pour la nettoyer
dans la chambre de l’employée de maison à la suite de
son départ. La pièce est impeccable mais elle y découvre
dans un placard une énorme blatte qu’en vain elle tente
d’écraser d’un coup de porte. Face à l’insecte agonisant,
G. H. plonge dans une crise existentielle qui la mènera
par strates successives jusqu’aux confins de la Création,
par-delà les limbes du langage et de l’inconscient. Ce
voyage immobile constitue sans doute l’une des pages les
plus saisissantes de la littérature du e siècle.
« Ce livre est un livre comme les autres, mais je serais heureuse
qu’il soit lu uniquement par des personnes à l’âme déjà for-
mée. Celles qui savent que l’approche de toute chose se fait
progressivement et péniblement – et doit parfois passer par le
contraire de ce que l’on approche. Ces personnes, et elles seules,
comprendront tout doucement que ce livre n’enlève rien à per-
sonne. À moi par exemple, le personnage de G. H. m’a peu à
peu donné une joie difficile : mais son nom est joie. » C. L.

La Passion selon G. H., le roman le plus célèbre de Clarice


Lispector, est réédité dans une nouvelle traduction de Paulina
Roitman et Didier Lamaison tandis qu’une adaptation cinéma-
tographique du réalisateur brésilien Luiz Fernando Carvalho,
avec l’actrice Maria Fernanda Cândido, sort en salle.
Couverture : © DR

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