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Bretton Woods, dans le New Hampshire (Etats-Unis). Cette conférence est le résultat d’une
série de conférences tenues en 1943 (Hor Springs, Virginie) et en juin 1944 (Atlantic City, New
Jersey). Il convient de préciser qu’avant ces conférences, des rencontres régulières ont eu lieu
de souligner que ses objectifs vont bien au-delà. Plus précisément, comme le rappelle
l’historien de l’économie Harold James (2019), l’objectif fondamental porté par les Etats-Unis
est de refondre le capitalisme de telle manière à ce qu'il ne se déstabilise pas durablement lui-
même et qu’il ne déstabilise pas non plus l’ordre politique et légal international qui doit se
mettre en place. Ainsi, du point de vue des Etats-Unis, sous l’impulsion notamment du Trésor
international fondé sur la liberté du commerce. Dans cette perspective, il apparait nécessaire
guerre mondiale, isolationnisme fortement critiqué en raison de ses effets négatifs sur
l’économie mondiale par John Maynard Keynes dès 1919 dans ouvrage The Economic
Consequences of the Peace. Cette approche unilatérale des Etats-Unis sera aussi l’une des
causes de l’échec de la Conférence de Londres en juillet 1933. Dès les années 30, ce que l’on
appelle parfois les « internationalistes » entendent promouvoir « New Deal pour un nouveau
monde » pour reprendre l’expression utilisée par Harry Dexter White, membre du Trésor
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américain, et futur négociateur en chef des Accords de Bretton Woods pour les Etats-Unis
Harold James (2019), The Multiple Contexts of Bretton Woods, in : The Bretton Woods
Agreements, Together with Scholarly Commentaries and Essential Historical Documents,
Naomi Lamoreaux et Ian Shapiro, éditeurs, Yale University Press, p. 254-272.
Benn Steil (2013), The Battle of Bretton Woods: John Maynard Keynes, Harry Dexter
White, and the Making of a New World Order, Princeton University Press.
La référence au New Deal est importante en ce qu’elle montre une convergence de vue
entre Harry Dexter White et John Maynard Keynes (négociateur en chef pour le Royaume-
Uni) sur le fait que le capitalisme n’est pas un système économique qui s’auto-régule selon la
premier lieu, la stabilité monétaire de la période et le degré élevé d’ouverture des économies
En second lieu, comme l’a souligné à plusieurs reprises Barry Eichengreen (notamment
1992 et 2019), les conditions d’ajustement interne des économies ont connu un changement
radical après la Première guerre mondiale. Plus précisément, sous le régime de l’étalon-or, en
liant la quantité de monnaie en circulation dans chaque pays au stock d’or détenu par la
banque centrale de ces pays, toutes pertes d’or liées à un déficits extérieurs devait entrainer
une contraction de l’offre de monnaie aux effets déflationnistes. Ces effets prenaient eux-
mêmes appui sur la flexibilité des prix et des salaires qui caractérisait la période. Les baisses
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de prix et de salaires étaient rendues possibles en raison du contexte politique et social de
l’époque :
- sur le plan économique et social, la grande entreprise était encore relativement peu présente
et les travailleurs n’étaient pas organisés en syndicats. Les conditions étaient donc proches de
- sur le plan politique, les régimes politiques étaient pour la plupart marqués par un degré
limité de démocratie. Les partis politiques d’obédience socialistes étaient soit non représentés
dans les Parlements, soit interdits. Autrement dit, ceux qui subissaient les conséquences
négatives de la baisse des salaires (les travailleurs) et / ou des prix (le secteur agricole) ne
pesaient pas dans les décisions de politiques économiques. L’équilibre interne était donc
totalement assujetti à l’équilibre externe, c’est-à-dire au respect des règles liées à l’étalon-or.
Cet assujettissement ne faisait pas l’objet de discussions car il était favorable aux élites, seules
politiques par le suffrage universel devient de plus en plus courante. Dans le même
mouvement, les syndicats ouvriers gagnent en importance. On assiste donc à une politisation
des questions monétaires et budgétaires qui ne sont plus uniquement entre les mains des
élites favorables à l’étalon-or. En second lieu, les germes de l’Etat providence commencent à
apparaître par exemple à travers la prise en charge par l’Etat des blessés de la guerre, des
veuves de guerres ou des enfants orphelins. Si nous n’en sommes pas encore à l’engagement
des gouvernements pour des politiques de plein-emploi – il faudra attendre pour cela la fin de
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de ce changements structurels est double. D’une part, les ajustements déflationnistes liés à
l’étalon-or tendent à devenir économiquement coûteux car en raison de la rigidité des prix et
des salaires, il faut une forte contraction de l’activité pour que prix et salaires s’ajustent à la
baisse (dévaluation interne). D’autre part, les conséquences négatives sur l’activité de tels
En résumé, les architectes des Accords de Bretton Woods doivent retenir qu’un retour
à l’étalon-or est impossible mais que l’ouverture des économies est un facteur favorable à la
croissance économique.
Jeffry Frieden (2019), The Political Economy of the Bretton Woods Agreements, in
Lamoreaux et Ian Shapiro, éditeurs, op. cit., p. 21-37.
Barry Eichengreen (1992), Golden Fetters: The Gold Standard and the Great
Depression, 1919-1939, Oxford University Press.
Barry Eichengreen (2019), Globalizing Capital-A History of the International Monetary
System, 3ème édition, Princeton University Press.
premier lieu, comme nous venons de la souligner, l’existence d'un étalon international est
perçue comme une perte d'autonomie des Etats dans la conduite de leur politique
économique. Cette perte entraîne en effet l'apparition d'un double conflit : d'une part, au
niveau de chaque Etat entre objectifs internes et externes, d'autre part entre les Etats lorsqu’il
concepteurs des Accords de Bretton Woods vont donc chercher à élaborer un système
Les deux points suivants ont été largement influencés par le rapport rendu à la Société
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Ragnar Nurkse (1944), International Currency Experience: Lessons of
the Inter-War Period, Genève, League of Nations.
Tout d’abord, la flexibilité des changes pratiquée par les pays périphériques dès la fin
des années 20 et par certains autres pays au cours des années 30, tels le Royaume-Uni et les
changes est ainsi un objectif primordial afin d’éviter que les conflits monétaires, eux-mêmes
particulier ceux à court terme appelés capitaux flottants ou hot money, ont profondément
déstabilisé les économies nationales dans les années 30. Ils ont été un facteur aggravant de la
crise. Dans cette perspective, limiter les mouvements internationaux de capitaux apparait
comme une condition importante pour favoriser l’ouverture commerciale. Ragnar Nurkse
importations, devancent leurs importations tandis que les exportateurs, anticipant une hausse
du prix des exportations, les retardent. Ces « leads and lags » sont une forme de spéculation
passive sur laquelle nous reviendrons. Nurske souligne aussi que la dévaluation de la livre
sterling en septembre 1931 a été suivie par une série de dévaluations compétitives avec des
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Les éléments qui précèdent ont joué un rôle majeur dans l’élaboration du système
monétaire international mis en œuvre à Bretton Woods. Les Accords de Bretton Woods ont
une place paradoxale dans l’histoire économique récente. D’une part, ils sont
inextricablement liés à la période de croissance soutenue que vont connaitre les pays
industrialisés jusqu’au milieu des années 1970. En outre, comme le souligne Frieden (2019),
la Conférence de Bretton Woods revêt un caractère inédit en raison de son objectif : réunir
plusieurs pays afin de mettre en place un nouvel ordre économique à l’échelle mondiale.
D’autre part, en dépit des remarques précédentes, la durée de ce régime monétaire a été en
réalité très courte. Prenant appui sur les travaux de Michael D. Bordo (1993), il apparaît que :
- si on situe le fonctionnement de ce régime tel qu’écrit dans les Accords entre la déclaration
par les deux tiers des pays membres de leur parité le 18 décembre 1946 et la suspension de
- si la référence de départ est le retour à la convertibilité des monnaies des pays industrialisés
- enfin, si la référence de départ est le retour à la convertibilité des monnaies des pays
de l'or le 15 mars 1968, sa durée a été de 9 ans. De fait, le dollar n’est plus convertible en or.
conçu lors de la Conférence de Bretton Woods. Nous aurons cependant l’occasion de souligner
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qu’assez rapidement des différences vont apparaître entre le fonctionnement effectif de ce
régime monétaire et ce qui avait été pensé à Bretton Woods. On analysera les limites de ce
Trois sections composent ce chapitre. Dans la première, nous présentons tout d’abord
les deux principaux plans alternatifs qui ont été proposés, le Plan Keynes pour la délégation
britannique et le Plan White pour la délégation américaine. Ensuite, les principales décisions
constitutives des Accords de Bretton Woods sont analysées. Dans une deuxième section, on
s’intéresse aux difficiles débuts du régime monétaire de Bretton Woods. Ces débuts difficiles
sont en partie liés à une sous-estimation par les Américains des besoins de reconstruction en
Europe occidentale et au Japon. Cette section deux couvre la période 1945-1957. Enfin, dans
une dernière section on étudie la dynamique des Accords de Bretton Woods jusqu’à leur
analysons les deux principaux plans proposés pour reconstruire l’architecture monétaire
internationale, le Plan Keynes côté britannique et le Plan White côté américain (1.1.). Dans un
second paragraphe, les principales dispositions des Accords de Bretton Woods sont
présentées (1.2.).
Les Accords de Bretton Woods sont le fruit d'un compromis entre les deux délégations
d'éviter la reproduction des désordres internationaux des années vingt et trente. Au cours de
ces années, les phénomènes perturbateurs sont l'instabilité des taux de change et le
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protectionnisme en matière commerciale. En 1944, les Etats-Unis prônent donc une politique
durable, l’administration américaine a aussi pour double objectif, d’une part, de limiter les
exigences d’ajustement pouvant peser sur les pays excédentaires et, d’autre part, de limiter
révisables, un recours limité au contrôle des échanges commerciaux afin de favoriser les
l'objectif d'entretenir les liens privilégiés entre des ensembles régionaux du type
Commonwealth. L’influence keynésienne est ici très même si on la retrouve aussi dans le Plan
White.
De ces visions différentes des problèmes monétaires internationaux résulte deux plans
concurrents sur des points essentiels même s’il existe aussi de nombreux points de
convergence.
Le Plan Keynes - défendu par la délégation britannique - est un plan conçu pour favoriser
de l'équilibre extérieur sur les économies nationales. Le Plan préconise la création d'une
contrepartie des déséquilibres de balances des paiements : le bancor. Créé par simple jeu
d'écriture en fonction des excédents et des déficits des pays membres du Clearing, le bancor
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est défini en or, mais il n'est pas convertible en or alors que l'or est convertible en bancor (on
parle de one-way convertibility). Le Plan vise ici explicitement à éviter les errements de
déséquilibres par une mise en connexion quasi-automatique entre les pays déficitaires et les
pays excédentaires, les seconds finançant par crédits en bancors les premiers. Troisièmement
enfin, le Conseil du Clearing doit veiller à ce que n'apparaissent ni des situations d'excédents
cumulatifs, ni des situations de déficits cumulatifs, deux situations pouvant remettre en cause
déficits extérieurs. Ils ont donc tout intérêt à ce que la future institution internationale que
sera le FMI soit dotée de capacités importantes de crédit. Ils se montrent aussi favorable à un
or. Ainsi, les pays doivent choisir une définition de la parité de leur monnaie soit en or, soit en
une devise-clé. En outre, l'équilibre des comptes extérieurs apparaît comme une contrainte
impérieuse pour chaque pays. Il s'agit d'éviter que les pays excédentaires - en l'occurrence les
montrent donc favorables à une stricte conditionnalité liée aux prêts du futur FMI. Enfin, le
Plan préconise la création d'un Fonds de Stabilisation des Nations-Unies et Associés chargé
d'une part, de négocier sur la politique de changes de chaque pays membre et, d'autre part,
d'accorder des crédits temporaires aux pays en difficulté du point de vue de la balance des
paiements pour empêcher toute politique de dévaluation compétitive type années vingt.
Au total, les oppositions principales entre les deux Plans portent d'une part, sur le
financement jugé insuffisant par les Britanniques et excessifs par les Américains et, d'autre
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part, sur les conditions de l'ajustement, le Plan Keynes préconisant plutôt un ajustement
symétrique alors que le Plan White fait peser une contrainte plus forte sur les pays déficitaires.
bilatérales entre le 21 septembre et le 9 octobre 1943 (James M. Boughton, 2019). Mais dès
octobre 1942, Keynes et White se sont rencontrés afin de discuter de leur plan respectif. Le
Royaume-Uni abandonnera certains principes clefs du Plan Keynes tandis que les Etats-Unis
accepteront le principe des taux de changes fixes mais ajustables. Sur le plan financier, les
deux plans avaient des conceptions différentes sur la façon dont les quotas se traduiraient en
limites d'emprunt, mais le plan Keynes proposait un fonds de 26 milliards de dollars alors que
le plan White suggérait un fonds doté de 5 milliards de dollars. Au cours des deux années
suivantes, les deux équipes ont élaboré un plan conjoint pour un total de 8,8 milliards de
dollars : à peu près à mi-chemin entre les deux points de départ (B. Eichengreen, 2019, op.
cit., p. 90).
que les discussions entre Américains et Britanniques sur le futur système monétaire
international doivent être reliées aux discussions entre les deux pays concernant l’aide
d'août 1941 et de l'Accord d'aide mutuelle de février 1942, les Britanniques s'engagent à
américaines d'accorder une aide financière à des conditions favorables et respecter la priorité
que les Britanniques attachent au plein emploi. Un point d’achoppement très sensible entre
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les deux pays concerne la préférence impériale britannique. Fondamentalement, du point de
vue des Etats-Unis, discuter de la nouvelle organisation monétaire d’après-guerre c’était aussi
Les Accords de Bretton Woods établissent les règles du jeu monétaire international
devant guider les politiques économiques des Etats signataires. Surtout, ils créent deux
point de vue des relations monétaires internationales, c’est le FMI qui est le plus important.
L’article I des Accords de Bretton Woods pose six objectifs concernant le Fonds
le système des taux de change stables et éviter les dévaluations compétitives ; (iv) fournir aux
Etats membres un système multilatéral de paiements et éliminer les restrictions sur les
changes ; (v) fournir des ressources pour faire face aux déséquilibres temporaires de balances
protectionnistes ; et (vi) limiter par une politique adaptée la durée et l'ampleur des
McKinnon (1993) :
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R1 : l'expression de la parité des monnaies en or ou en dollar lié à l'or. Le traité est
explicite sur ce point : la parité est « exprimée en termes d'or pris comme dénominateur, ou
en dollars des Etats-Unis d'Amérique du poids et du titre en vigueur au 1er Juillet 1944 ». Il s’agit
Initialement, afin de ne pas heurter les autres délégations en affirmant d’emblée le rôle
dominant du dollar, les américains avaient introduit le formulation suivante : « gold and gold-
délégation indienne est intervenu de la manière suivante : « Je pense qu'il est grand temps
que la délégation américaine nous donne une définition de « l'échange d'or et d'or-
convertible » ». Au lieu que les Américains prennent la parole, c'est l'économiste britannique
Dennis Robertson qui a répondu : « Je voudrais proposer un amendement au texte qui nous
est présenté, selon lequel les critères de paiement de la souscription officielle d'or devraient
être exprimés en avoirs officiels d'or et de dollars des États-Unis » (cité par Ed Conway, 2014).
Cette disposition a été incluse dans les accords sans qu'elle ne soit discutée dans une réunion
plus large.
R2 : l'institution d'un système de taux de change fixes mais ajustables. A court terme,
les autorités sont tenues de maintenir leur monnaie dans une plage de plus ou moins 1 % de
la parité déclarée. A long terme, les taux sont ajustables de manière unilatérale avec accord
Une modification de l'ensemble des parités doit obtenir l’accord des pays membres
selon la règle suivante : la majorité des droits de vote + l’accord de chaque pays membre
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R3 : la libre convertibilité des monnaies pour les transactions courantes (Article VIII,
section 2, paragraphe a), mais la possibilité d'effectuer un contrôle sur les flux financiers non
liés aux transactions courantes (Article VI, section 3). Il s’agit de promouvoir l'expansion du
commerce mondial tout en limitant la spéculation liée aux mouvements de capitaux. L’Article
XIV introduit une période de transition de trois ans suivant la création du Fonds monétaire
international au cours de laquelle des contrôles des changes sont possibles, y compris en ce
qui concerne les transactions courantes. Au terme des trois ans, un pays membre a la
possibilité de prolonger ces restrictions, mais après cinq ans il doit chaque année les justifier
auprès du Fonds.
déséquilibre est couvert par les réserves officielles et par les crédits du FMI. Le principe de
régulation des liquidités internationales est donc institué. Il s’agit de faire face à un
chaque pays-membre qui est elle-même déterminée par leurs quotas (ou quotes-parts).
(Article III, section 3). Les quotes-parts peuvent faire l'objet d'une révision tous les cinq ans
mais il faut obtenir la majorité des quatre cinquièmes du total des voix attribuées (Article III,
section 2). Le terme employé - non utilisé dans le texte des Accords de Bretton Woods - est
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super-majorité puisqu'il faut réunir au moins 85 % des voix. A eux tous seuls, les Etats-Unis
bénéficient d'un droit de véto : ils détiennent depuis 2016, 16,5 % du total des quotes-parts
La question des quotes-parts est très importante mais se heurte à un problème de fond
: elles remplissent en même temps quatre fonctions qu'il est difficile de conjuguer (Jean-Pierre
- une fonction contributive : la quote-part de chaque pays est égale au capital souscrit par
- une fonction politique : la distribution des quotes-parts entre les pays détermine les droits
- la part de chaque pays dans le total des quotas détermine la part de celui-ci lors des
Ces différentes fonctions réunies en un seul instrument rend toute augmentation des
porte sur ce que l’on appelle la clause de la « monnaie rare » (scarce currency) (Article VII). La
section 3, paragraphe a précise que « Si le Fonds constate que la demande dont fait l’objet la
monnaie d’un État membre risque sérieusement de le mettre dans l’impossibilité de fournir
cette monnaie, il doit, qu’il ait ou non publié le rapport prévu à la section 2 du présent article,
déclarer officiellement que cette monnaie est rare… ». Le paragraphe b précise quant à lui la
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déclaration officielle qu'une monnaie est rare « constituera une autorisation pour tout
membre d'imposer, après consultation avec le Fonds, des restrictions temporaires à la liberté
Autrement dit, cette clause offre la possibilité d’adopter une politique de discrimination
à l’égard des importations en provenance d’un pays créancier persistant. Comme à l’’époque,
le pays créancier persistant sont les Etats-Unis, les Britanniques vont interpréter cet article
comme une concession américaine. Cette clause de la « monnaie rare » a été proposée par
Harry Dexter White dans la neuvième version de son Plan (décembre 1942). Lors des
négociations ouvertes à Bretton Woods, cette clause a été l’un des points de préoccupation
importants de la délégation américaine. En effet, de leur point de vue, cette clause pouvait
offrir potentiellement un moyen pour d'autres pays de se liguer contre les États-Unis au sujet
de ses excédents commerciaux persistants, d'ériger des barrières discriminatoires contre les
cherché à rassurer d’abord les membres de la délégation américaine puis, lors de la ratification
des accords par le Congrès, les membres du Congrès. Il les a assurés que les Etats-Unis seraient
vigilants pour empêcher que la clause de la « monnaie rare » soit activée à leur encontre.
Cette assurance était d’autant plus facile à donner que cette clause ne concernait pas la rareté
d’une monnaie dans les paiements internationaux mais sa rareté à l’intérieur du Fonds
monétaire international. Dans les faits, alors que le reste du monde connaitra une pénurie de
dollars immédiatement après la guerre, cette clause n’a jamais été utilisée.
Les règles précédentes ne permettent pas d’affirmer que les Accords de Bretton Woods
ont organisé de manière volontaire un régime monétaire asymétrique, avec une devise-
étalon. Comment le dollar sera-t-il alors amené à jouer très rapidement un rôle central dans
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question de la défense des parités qui a imposé immédiatement le dollar comme pivot du
système de changes grâce à deux règles dans les statuts du Fonds monétaire international
La première, dite règle générale, stipule que « tout membre s'engage à ne permettre
sur son territoire que des opérations de change entre sa monnaie et les monnaies des autres
pays membres qui respectent un écart ne dépassant pas 1 % de la parité » (Article IV, section
3). Elle oblige les banques centrales à intervenir sur tous les marchés des changes bilatéraux.
La seconde, dite clause d'exception découle du principe suivant : « Est réputé remplir
l'obligation ci-dessus tout membre dont les autorités monétaires, pour le règlement des
la parité, plus ou moins une marge prescrite par le Fonds ». Autrement dit, toute banque
centrale qui achète de l'or contre sa monnaie à la parité-or déclarée de cette dernière est
Ainsi, lorsque, fin 1947, le secrétaire au Trésor des Etats-Unis (John Snyder) informe le
Fonds monétaire interntional que nes Etats-Unis achèteront / vendront de l'or contre du dollar
à 35 dollars l'once. A ce titre, ils se voient dispensés d'intervenir sur le marché des changes.
Il est important de souligner que, dès les années 1930, la correspondance entre des
montrent que l’objectif américain était de faire en sorte que New York supplante Londres en
tant que place financière internationale et que le dollar devienne la monnaie internationale
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politique monétaire américaine et au fait que celle-ci, avec des taux de change fixes, se
Ronald I. McKinnon (1993), The Rules of the Game : International Money in Historical
Perspective, Journal of Economic Literature, vol.31, March, p.1-44.
Ed Conway (2014), The Summit, Bretton Woods, 1944, Pegasus Book, New-York.
Jean-Pierre Allegret et Philippe Dulbecco (2008), Enforcing the IMF in the global
economy: An institutional analysis, in Post-keynesian principles of economic policy, vol. II,
édité par Claude Gnos et Louis Philippe Rochon, Edward Elgar, Cheltenham, Royaume-Uni,
p. 117‑133.
Jean Denizet (1986), Le dollar, collection Pluriel, Hachette, Paris.
Les Accords de Bretton Woods sont entrés officiellement en vigueur le 1er mars 1947.
Cependant, la période de transition vers leur fonctionnement effectif a été plus longue que
celle initialement envisagée par les concepteurs de cet Accord – trois ans – puisqu’elle a duré
près de 12 ans. Cela signifie que les difficultés rencontrées par les pays pour les respecter ont
été beaucoup plus importantes que prévues. Cela montre aussi les premières insuffisances du
Cette section aborde trois points importants qui caractérisent cette période. En premier
lieu, nous présentons la situation des paiements internationaux en 1947 (2.1). Dans un
deuxième point, nous montrons comment le Plan Marshall mis en place en avril 1948 et
l’Union européenne des paiements créée en 1950 ont permis de répondre aux premières
tensions affectant les paiements internationaux (2.2). Dans un troisième temps, on s’intéresse
La stabilité des taux de change visée par les concepteurs de Bretton Woods avaient pour
objectif principal de favoriser la libéralisation du commerce entre les nations notamment par
l’élimination rapide des restrictions aux échanges. Dans une perspective similaire, la capacité
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de crédit du FMI devait permettre aux pays ayant un déséquilibre de la balance des paiements
– en particulier les pays à déficit – d’ajuster progressivement leurs comptes extérieurs sans
maintien du plein-emploi.
bilatéralisme. Ainsi, la plupart des pays, à l'exception notable des États-Unis, depuis la
Première Guerre mondiale et la Grande Dépression des années 1930 ont adopté de manière
durable les contrôles des changes et les contrôles sur les flux commerciaux. À l'exception du
dollar, aucune des principales devises n'est convertible. La conséquence importante du point
dont l’objectif est d’économiser l’or et les devises dominantes. Dans le cadre de ces accords,
chaque banque centrale est amenée à négocier un accord avec ses partenaires consistant à
fournir une facilité de découvert dans sa propre monnaie jusqu'à une limite spécifiée, avec
Le point important est que le recours aux contrôles des changes et aux accords
bilatéraux est une conséquence de l'insuffisance de réserves internationales. Cela signifie que
les besoins d'importations pour satisfaire les besoins de la reconstruction post-seconde guerre
mondiale sont tels que les pays européens, tout comme le Japon, connaissent des déficits
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Graphique 1 Solde du solde courant des pays de l’Organisation européenne de coopération
1. Autriche, Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas,
Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie, Allemagne occidentale (initialement représentée par les
zones d'occupation anglaise et américaine réunies -- la Bizone -- et la zone d'occupation française).
La contrepartie de ces déficits extérieurs est le large excédent du compte courant des
Etats-Unis, seul pays avancé ayant la capacité d’exporter massivement des biens
(Graphique 2).
Du point de vue des paiements internationaux, cette polarisation des excédents et des
déficits a pour conséquence fondamentale que les pays européens, dont les monnaies ne sont
pas convertibles, doivent soit payés en or, soit payés en dollar des Etats-Unis. En termes de
stock d’or monétaire mondial, les Etats-Unis en détiennent les deux-tiers au lendemain de la
Seconde guerre mondiale. L'avalanche d'or aux États-Unis a commencé dès les années 1930 a
Roosevelt, dans le cadre du Gold Reserve Act voté par le Congrès le 30 janvier, a augmenté le
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prix de l'or de 20,67 dollars à 35 dollars l'once et la fuite des capitaux d'Europe. Pendant la
guerre, les entrées d'or ont continué à financer les dépenses de guerre des Alliés.
excédents extérieurs américains. Les Etats-Unis sont sensés recevoir davantage de dollars du
reste du monde qu’ils n’en versent au reste du monde. La contrainte sur les paiements
internationaux est d’autant plus forte que la mobilité internationale des capitaux demeure à
cette période très faible. Nous sommes donc dans la période dite de « pénurie de dollars ».
Selon des économistes tels que M.D. Bordo (1993) et Maurice Obstfeld (1993), la
pénurie de dollars a pu être aggravée par des parités officielles surévaluées par les principaux
pays industriels européens fixées à la fin de 1946. En effet, le Fonds Monétaire International
a fait pression sur ses membres pour qu'ils déclarent les valeurs au pair dès que possible. A ce
moment-là, la vision était que les déficits extérieurs auxquels la plupart des pays étaient
d'exportation plutôt qu'un manque de compétitivité qui aurait pu être lié à une parité officielle
surévaluée. Le point de vue était aussi que si le taux de change déclaré au FMI était
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inapproprié, il pourrait être corrigé ultérieurement. Nous verrons plus loin que ce dernier
que le taux de progression de la productivité dans le reste du monde ne rattraperait pas celui
des États-Unis, la capacité d'exporter du reste du monde serait contrainte quel que soit le taux
de change.
courant a été rétablie avec une parité officielle déclarée au FMI de 4,03 dollars. Cette date
précède de près de cinq ans avant l'échéance prévue dans les Accords de Bretton Woods. Afin
de comprendre la décision britannique, il faut faire référence aux discussions entre Américains
et Britanniques concernant les besoins en armes et munitions de ces derniers pour faire face
Cependant, les besoins ont été tels que très rapidement le stock d’or britannique a été proche
guerre contre la location de bases navales situées dans l’Atlantique Nord. Parallèlement, John
Maynard Keynes ayant été chargé par le Trésor britannique de travailler à un plan de
biens sans recourir à de la monnaie. Le mécanisme était simple : les Etats-Unis exportaient
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des armes et munitions à destination du Royaume-Uni, ce dernier devant les rétrocéder à la
fin de la guerre. Le Lend-Lease Act voté par le Congrès américain le 8 février 1941 et signé par
Cependant, le soutien américain n’a pas été sans contrepartie, et ce, comme l'avait prévu
Keynes lors d’une rencontre, en en plus de toute aide matérielle que les Britanniques
pourraient apporter sous la forme de biens échangés contre des biens, Roosevelt voulait un
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Au mois d’août 1941, le Président Roosevelt a navigué secrètement à bord du vaisseau
de la Royal Navy Prince of Wales afin de recontrer le Premier Ministre Churchill au large de
Terre-Neuve. Les deux dirigeants se sont mis d'accord sur une liste d'objectifs concernant à la
l’après-guerre. L’accent a alors été mis sur le libre-échange et la coopération entre les nations
afin de favoriser la prospérité des économies. Si cet accord entre les deux Présidents n’a
jamais fait l’objet d’une signature officielle, il a été néanmoins appelé Charte de l'Atlantique,
d’Ottawa signés en 1932). Autrement dit, les Etats-Unis ont explicitement demandé aux
international et de réduire les barrières tarifaires et aux autres formes de barrières aux
échanges commerciaux. Cette condition américaine est apparue inacceptable pour les
britanniques.
Après une réélection pour un 4ème mandat, le Président Roosevelt décède le 12 avril
1945. Harry S. Truman lui succède. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, il stoppe le prêt-
bail avec le Royaume-Uni alors que les besoins sont encore très importants. Dans un
mémorandum destiné au Trésor britannique, Keynes estime les besoins pour favoriser la
transition vers la paix à près de 5 milliards de dollars pour lesquels un accord de prêt devrait
être négocié avec les Etats-Unis. L’administration Truman se montre très exigeante pour
accorder un prêt aux britanniques. Elle exige en premier lieu que le Royaume-Uni ratifie les
Accords de Bretton Woods d’ici la fin de l’année 1945 comme cela était prévu initialement
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pour tous les pays. Surtout, elle conditionne l’obtention d’un prêt à l’engagement des
autorités britanniques à rendre la livre sterling convertible d’ici un an. Les Américains ne
souhaitaient pas que le dollar reste la seule monnaie convertible. La pression sur les
britanniques était d’autant plus logique de leur point de vue que la livre sterling demeurait la
deuxième monnaie de réserves. Début décembre 1945, le Royaume-Uni a reçu une offre
américaine d'un prêt de 3,75 milliards de dollars, somme en-deçà de celle calculée par Keynes.
milliards de dollars à seulement 650 millions de dollars. En dépit des conditions jugées
humiliantes posées par les Américains, en dépit aussi du montant plus faible que jugé
nécessaire du prêt, les britanniques n’ont pas eu d’autre choix que d’accepter les termes du
prêt et, dans l'heure, ont approuvé les Accords de Bretton Woods. Autrement dit, comme l’a
souligné Benn Steil (2013), le retour à la convertibilité de la livre n’était pas une décision
britannique mais une décision américaine. Elle a symbolisé le déclin inexorable du Royaume-
La décision de rendre la livre sterling convertible au titre du compte courant a été prise
déficit massif de sa balance des paiements, particulièrement en ce qui concerne les réserves
commerciales dans les autres pays européens. Autrement dit, les revenus d’exportations
étaient insuffisants pour assurer durablement le maintien d’une monnaie convertible (Barry
Eichengreen, 2019).
24
Graphique 4 Situation de la balance des paiements du Royaume-Uni au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale
Sur le plan financier, la situation était sans doute encore plus critique. Le Royaume-Uni
est sorti de la Seconde Guerre mondiale avec un excès d'offre de monnaie (la masse monétaire
ayant triplé entre 1938 et 1947 mais le PNB nominal n'ayant fait que doubler). L’inflation –
inférieure à celle des autres pays européens – a été contenue grâce au du contrôle des prix.
Les actifs étrangers avaient été réquisitionnés et les contrôles sur les investissements
étrangers avaient empêché les résidents britanniques de les remplacer. Entre 1939 et 1945,
guerre britannique. À la fin de la guerre, les soldes en livres sterling à l'étranger dépassaient
les 3,5 milliards de livres sterling, soit un tiers du PNB du Royaume-Uni. Les réserves
livres. Une grande partie de ces soldes ont été « bloqués » sous la forme dite de balances
sterling, c'est-à-dire rendus inconvertibles en dollars. Ils le sont restés même après
25
Les six semaines de convertibilité ont été un « désastre » pour reprendre l’expression
de Barry Eichengreen (2019). En effet, les pertes de réserves subies par la Banque
d’Angleterre ont été massives : 1 milliard de dollars en un mois. Le gouvernement, voyant les
monnaie britannique en tant que monnaie internationale de référence. Mais elle a conduit
aussi à un changement radical d’attitude de la part des Américains. Ces derniers ont en effet
cessé d’insister sur le rétablissement rapide de la convertibilité. Ils ont même accepté une
Renonçant provisoirement à leur objectif majeur de libre-échange, les États-Unis ont accédé
guerre froide, les Etats-Unis ont mis en place en 1948 le Plan Marshall. Environ 13 milliards
d'aides (dons et prêts) – soit l’équivalent de 122 milliards de dollars d’aujourd’hui) ont été
transférées à l'Europe de l'Ouest entre 1948 et 1952. Le Japon a reçu quant à lui 1,25 milliards
coopération économique, les Etats-Unis ont accordé des aides aux membres en fonction de
l'importance de leurs déficits courants. L'aide américaine devait payer les importations
des infrastructures. Chaque pays avait également une commission américaine qui conseillait
le gouvernement hôte sur les dépenses de ses fonds de contrepartie. Le plan a encouragé la
26
libéralisation du commerce et des paiements intra-européens en accordant une aide aux pays
qui accordaient des crédits bilatéraux à d'autres membres (Michael D. Bordo, 1993). En 1952,
les pays de l'OECE ont accru leur production industrielle de 39 %, doublé leurs exportations et
millions de dollars
C’est dans ce cadre, qu’en 1950 a été créée l’Union européenne des paiements sous les
auspices de l'OECE et dotée d’un fonds de roulement initial de 350 millions de dollars fourni
par les États-Unis. L'Union Européenne des Paiements avait pour objet la compensation
multilatérale et automatique des soldes créditeurs et débiteurs des pays membres de l'OECE.
internationaux. L'Union était ainsi un moyen de financement partiel des déficits nets entre les
27
- un moyen de réduire les besoins en liquidités internationales ;
- une possibilité d'accroître les moyens de paiements par le biais des tranches de crédit.
extérieurs, notamment par l'exigence de mesures correctrices lorsque les crédits demandés
européennes. Ainsi, les Etats membres ont démantelé simultanément les quotas entravant les
échanges commerciaux intra-européens. L'accès aux crédits de l'Union était assujetti à une
L’année 1949 marque une première rupture importante dans l’évolution du régime
monétaire de Bretton Woods. En effet, les dévaluations de la livre sterling en septembre 1949
et des parités de vingt-trois autres pays peu de temps après vont modifier en profondeur les
compétitivités relatives des Etats-Unis d’un côté, et des principales autres économies
avancées de l’autre. Plus précisément, l’amélioration des comptes extérieurs des seconds et
leur dégradation pour les Etats-Unis vont entamer un processus de redistribution des réserves
Pour comprendre les événements monétaires de 1949, il faut revenir brièvement sur
l’échec du retour à la convertibilité de la livre sterling en 1947 dont on peut tirer trois
enseignements principaux :
- en premier lieu, le fait que les créances sur la livre sterling (ce que nous avons appelé
28
environnement où d’autres monnaies deviendraient convertibles. En effet, le manque de
crédibilité de la livre sterling entrainerait des sorties de capitaux en direction des pays à
monnaie convertible ;
- en deuxième lieu, comme le rappelle l’historien du FMI Harold James (1996), la position
- en troisième lieu enfin, comme le reconnaitra le FMI, les difficultés d’après-guerre ont été
sous-estimées par les concepteurs des Accords de Bretton Woods, surtout du côté américain.
doté d’une capacité de financement inférieure à l’ampleur réelle des besoins pour faire face
L’année 1949 est marquée par une dégradation importante de la balance des paiements
britanniques à partir du deuxième trimestre en raison de la récession qui frappe alors les Etats-
Unis. Cette dernière se traduit en effet pour les Britanniques par une chute des exportations
la balance des paiements apparait affaiblie par des investissements à l'étranger jugés
excessifs, et en particulier dans la zone sterling. En pratique, aucun contrôle n'existait sur les
maintien des liens avec l'empire. Pour les économistes plus critiques à l’égard de cette
situation, les sorties de capitaux – qui semblaient coïncider avec le déficit des paiements du
mondial du XIXème siècle, rôle qu’il ne pouvait en réalité plus se permettre dans
vivait au-dessus de ses moyens. Entre 1946 et 1964, le transfert total vers la zone sterling
29
(2 900 millions de livres ou 8 120 millions de dollars) a été équivalent à l'accumulation d'avant-
guerre des investissements britanniques au cours des cent dernières années (H. James, 1996).
En réaction à cette nouvelle dégradation des comptes extérieurs britanniques, les États-
exécutif du FMI (Frank Southard), ont fait pression afin d’obtenir une dévaluation de la livre
sterling. Du point du vue Américain, les difficultés temporaires rencontrées par le Royaume-
Uni présentait une opportunité de portée plus globale en ce qui concerne l’Europe de l’Ouest :
obtenir une libéralisation des paiements européens prenant appui sur une dévaluation
européenne générale. Cependant, aucun des États européens ne serait prêt à bouger avant
que le Royaume-Uni n'ait montré la voie. Le directeur exécutif américain au FMI est même
allé jusqu’à laisser entendre que des pays dont les parités ne seraient pas adaptées pourraient
se voir l’aide liée au Plan Marshall coupée. Au cours de l’été 1949, le directeur général du FMI
l’économie britannique résidait dans les pressions inflationnistes intérieures. Ces pressions
devaient être contrecarrées par des économies budgétaires et un contrôle accru des prix et
des salaires plutôt qu'une correction du taux de change. Autrement dit, les Britanniques
restaient sur l’idée que le Royaume-Uni faisait face à des contraintes d’offre. En outre, comme
l’ont souligné Alec Cairncross et Barry Eichengreen (2003), le solde du compte courant du
30
Graphique 6 Balance du compte courant vis-à-vis de la zone dollar et vis-à-vis du reste du
structure du compte courant est telle que le Royaume-Uni accumule des soldes positifs en
période. C’est dans ce cadre que l’on peut expliquer la position américaine d’obtenir une
pénurie de dollars était de rendre cette devise forte plus chère relativement aux autres
Une première leçon que l’on peut tirer de cet épisode est la reconnaissance, au moins
implicite, par les Etats-Unis et le FMI, que les parités déclarées au FMI ont été sans doute
décidées trop rapidement (sous la pression des Etats-Unis et du FMI) et à des valeurs
surévaluées.
31
Harry Dexter White et John Maynard Keynes convergeaient sur l'idée de maintenir un
certain contrôle sur les mouvements de capitaux. De ce fait, et nous reviendrons sur ce point
plus longuement dans la dernière section de ce chapitre, les mécanismes d'ajustement sous-
jacents aux Accords de Bretton Woods reposaient sur l'hypothèse qu'il était possible de
contrôler les mouvements de capitaux (H. James, 1996). En pratique, l'efficacité des contrôles
s'est révélée d'emblée plus imparfaite que prévue. En effet, des transactions courantes même
raison de l'anticipation d'une dévaluation prochaine de la livre sterling aux mécanismes des
En prenant appui sur l'analyse de Paul Einzig (1968), les avances font référence aux
de vente sur le change de leur pays. Les retards quant à eux concernent les modifications dans
le comportement de paiement des exportateurs entraînant une pression d'achat sur le change
situant encore dans le cas d'une anticipation de dévaluation de la monnaie domestique, les
produise la dévaluation attendue alors que les exportateurs ont intérêt à retarder le paiement
de leurs exportations afin d'avoir un gain APRES la dévaluation. Ainsi, les avances accélèrent
les effets négatifs des importations sur le change du pays importateur, tandis que les retards
retardent les effets favorables des exportations sur le change du pays exportateur. Plus les
avances sont longues, plus les importations produisent tôt leurs effets négatifs. Plus les
retards sont longs, plus les exportations tardives produisent leur effet favorable. La
32
conséquence fondamentale de ces modifications de comportement est que la demande de
devises s'est accélérée, tandis que la demande de livre sterling à l'étranger a été retardée. Les
avances et les retards étaient pratiqués par les entreprises britanniques lorsque les
transactions étaient facturées en devises étrangères et par les entreprises à l'étranger lorsque
les transactions étaient facturées en livres sterling. Il en a résulté alors une tendance baissière
sur la livre sterling qui a provoqué à son tour des pertes de réserves pour la Banque
et Eichengreen (2003), les réserves d'or et de dollars, par exemple, sont passées de 471
millions de livres fin mars à 406 millions de livres fin juin, à 372 millions de livres le 20 août et
à 330 millions de livres le 18 septembre - soit une baisse de 30 % dans les six mois (Graphique
7). Ces derniers considèrent d’ailleurs que la cause fondamentale de la dévaluation de la livre
sterling n’a pas été la dégradation de la position extérieure du Royaume-Uni mais les pertes
1949
Compte courant
33
On peut tirer des développements précédents une seconde leçon importante très tôt
soulignée par Milton Friedman (1953) dans sa défense du flottement des monnaies. Le
système des taux de change fixes mais ajustables conduit à une spéculation à sens unique
contre la parité déclarée au FMI. En effet, en ne permettant que des modifications de parité
que lorsqu'il existe un déséquilibre fondamental, le système de Bretton Woods a incité les
autorités monétaires à retarder l'ajustement jusqu'à ce qu'elles soient sûres qu'il était
nécessaire. À ce moment-là, les spéculateurs étant également sûrs de l'ajustement à venir, ils
sont amenés à prendre une position à partir de laquelle ils ne peuvent pas perdre. Plus
précisément, si la monnaie est dévaluée, ils gagnent ; si ce n'est pas le cas, ils ne perdent que
les intérêts (le cas échéant) sur les fonds empruntés pour pousser à la baisse une devise.
acceptée par le régime monétaire peut aussi jouer comme une incitation à la spéculation à
sens unique. Le côté gauche du graphique représente le système des parités fixes mais
ajustables de Bretton Woods entre 1944 et 1971. La largeur des bandes est très étroite : +/-
1 % autour de la parité centrale. Un tel système est une puissante incitation à la spéculation.
que le nouveau taux central se retrouve dans une nouvelle bande qui n’a aucune intersection
avec l’ancienne. Du point de vue de la spéculation, cela signifie que le gain est quasi-certain :
le nouveau taux central sera défini de telle manière que le taux de change courant n’a aucune
chance de revenir dans les anciennes bandes. Le côté droit du graphique ci-dessous montre
au contraire une situation dans laquelle la bande de fluctuation est large en prenant le cas du
1993. Dans ce cas, il faudrait une dévaluation supérieure à 30 % (soit l’amplitude totale de la
bande qui est ici de +/- 15 %) pour que le nouveau taux central se situe en dehors de l’ancienne
34
bande. Autrement dit, toute dévaluation inférieure à 30 % fait que le taux de change courant
peut retomber dans l’ancienne bande, ce qui décourage la spéculation en provoquant un gain
potentiel moindre.
fixation de parités plus réalistes. Les économies de la zone sterling et les pays scandinaves ont
Portugal de 13 %.
Ces dévaluations massives ont été suivies par une croissance rapide des exportations
35
Graphique 9 Solde du solde courant des pays de l’Organisation européenne de coopération
Au cours des années 1950, la pénurie de dollars a progressivement pris fin. Il est
important de souligner que la dynamique de la balance des paiements des Etats-Unis a aussi
joué un rôle déterminant dans cette évolution des paiements internationaux. Plus
précisément, comme le montre le Graphique 10, la balance des paiements américaine a connu
principal facteur de dégradation a été les dépenses militaires américaines à l'étranger, mais
après le milieu des années 1950, les transferts de capitaux privés ont joué un rôle très
important, en particulier après 1956 où les firmes américaines ont investi en Europe de
l’Ouest. Cette année-là, les investissements directs américains à l'étranger et les sorties de
capitaux à long terme ont dépassé pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale
36
Graphique 10 Balance des paiements des Etats-Unis, 1946 – 1959, en milliards de dollars
Le 27 décembre 1958, les monnaies des pays de l’Europe de l’Ouest sont devenues
convertibles au titre du compte courant, ouvrant ainsi une nouvelle page dans l’évolution des
Harold James (1996), International Monetary Cooperation Since Bretton Woods, IMF
et Oxford University Press.
Alec Cairncross et Barry Eichengreen (2003), Sterling in Decline, The Devaluations of
1931, 1949 and 1967, 2ème édition, Palgrave Macmillan, New York.
Paul Einzig (1968), Leads and lags, The Main Cause of Devaluation, Palgrave
Macmillan, New York.
Milton Friedman (1953), The Case for Flexible Exchange Rates, in Essays in Positive
Economics, The University of Chicago Press, p. 157-203.
Jean-Pierre Allegret (2005), Les régimes de change dans les marchés émergents,
Collection Entreprendre, Vuibert, Paris.
Comme le rappelle entre autres M.D. Bordo (1993), le régime de convertibilité des
monnaies au titre du compte courant qui commence à la fin de 1958 diffère sur plusieurs
points de ce qui avait prévu en juillet 1944. Tout d’abord, les Etats-Unis apparaissent comme
le pays hégémonique dans l’ordre libéral international qui se met en place et le dollar est la
monnaie étalon du système monétaire international. Ensuite, comme l’ont vu dans la section
37
capacité à prêter aux pays rencontrant des difficultés de balances de paiements, entrainant
une perte de crédibilité à son égard. En troisième lieu, et nous reviendrons plus en détail sur
ce point, le régime des taux de change mais ajustables a été de fait abandonné au profit d’un
régime de taux de change fixe. Enfin, alors que les Accords de Bretton Woods avaient été
pensés dans le cadre d’un régime où les mouvements de capitaux seraient contrôlés, on
observe dès les années 60 une mobilité croissante des capitaux à l’échelle internationale. Plus
précisément, la mobilité des capitaux privés à long terme a considérablement augmenté dans
les années 1950 et s’est poursuivie dans la période de convertibilité. Parallèlement, les
mouvements de capitaux spéculatifs à court terme se sont intensifiés et sont devenus une
force puissante pour contrecarrer les tentatives des autorités monétaires de maintenir une
parité éloignée des fondamentaux. En résumé, alors que le retour à la convertibilité des
principales monnaies semblait ouvrir une période où le système de Bretton Woods allait
fonctionner pleinement (voir le Graphique 11), des signes de faiblesse sont apparus très
rapidement.
Graphique 11 Nombre de pays remplissant pleinement les obligations liées à l’article VIII
période 1958 – 1967 est analysée en considérant les trois problèmes mis en avant dès 1964
38
par les économistes dits du Groupe de Bellagio : ajustement, liquidité, confiance (3.1). Dans
soulignerons alors le rôle important des mouvements de capitaux à court terme (3.3). Enfin,
la période 1972 – 1973 est analysée afin de montrer les échecs des tentatives de réforme du
3.1 La période 1958 – 1967 : les trois problèmes du système monétaire international
Depuis les travaux du Groupe de Bellagio au début des années 1960, le fonctionnement
d’un système monétaire international est analysé à travers le prisme de ce que l’on appelle
les trois problèmes, à savoir l’ajustement, la liquidité et la confiance. Nous les étudions de
des paiements sont résorbés. Un régime monétaire efficace est un régime permettant un
ajustement sans heurts trop importants de ces déséquilibres. Dans le régime de l’étalon-or, le
degré élevé de flexibilité des prix et des salaires permet un ajustement quasi-automatique
(voir le supplément « L’ajustement sous le régime de l’étalon-or » sur Moodle). Or, comme
nous l’avons souligné dans l’introduction de ce chapitre, ce qui caractérise les économies
formation des prix et des salaires, empêchant les mécanismes d’ajustement propres à l’étalon-
or de fonctionner correctement. Rappelons aussi le pacte social post Seconde guerre mondiale
dans lequel les gouvernements ont un engagement à mener des politiques de plein-emploi,
39
les salariés acceptant une forme de modération salariale immédiatement après la fin du
conflit.
des paiements est déficient à plusieurs titres. En premier lieu, et ce point est apparu dès 1947,
la capacité de prêts du Fonds monétaire international est très insuffisante pour permettre un
ajustement sans tensions des déséquilibres des balances des paiements. Il s’agit-là d’une
déficience majeure des Accords de Bretton Woods qui avait été largement anticipée par J.M.
Keynes.
Une deuxième déficience, là encore anticipée par J.M. Keynes, est l’existence d’une
asymétrie entre les pays à déficits et les pays à excédents de la balance des paiements. Cette
asymétrie peut s’exprimer de la manière suivante : ce sont les pays à déficit de la balance des
l’équilibre ; les pays à excédent quant à eux n’ont aucune charge d’ajustement à supporter.
la balance des paiements du Royaume-Uni, pays en déficit chronique alors que le graphique
qui se sont succédés au Royaume-Uni ont adopté des politiques économiques alternant
relance et austérité. Ces politiques dites de stop and go ont été dictées à la fois par des
surtout par la situation structurellement dégradée de la balance des paiements. Même si nous
reviendrons ci-après sur cette question, tous les gouvernements qui se sont succédés ont
40
importante pour nous est que la réponse aux déficits de la balance des paiements a
politiques des revenus et des contrôles commerciaux directs. Parallèlement, afin de faire face
à court terme (accords de swaps par exemple) et de crédits à long terme ainsi qu’aux Accords
Généraux d’Emprunt (AGE) mis en place en 1961 afin de pallier le manque de liquidité du
Les Accords généraux d’emprunt (AGE) mis en place par le Fonds monétaire
international en 1962. Il s’agit de moyens financiers supplémentaires qui peuvent être mis à
la disposition du Fonds si ses ressources deviennent insuffisantes. Les pays participants ont
été initialement ceux dits du Groupe des Dix, à savoir l’Allemagne, la Belgique, le Canada, les
1964 par la Suisse. Les ressources du Fonds ont été à l'époque augmentées de 6 milliards de
dollars.
41
Le cas de l’Allemagne – pays à surplus chronique de sa balance des paiements –
persistants, les autorités allemandes ont résisté aux pressions afin de réduire ces excédents.
De leur point de vue, le problème central du système monétaire international ne portait pas
sur l’ajustement des balances des paiements mais sur l’inflation importée de l’extérieur (M.D.
Bordo, 1993). En outre, comme le rappelle opportunément M. Obstfeld (1993), si les pays à
déficit ont une contrainte du point de vue des pertes de réserves officielles supportables, les
pays à excédent n’ont aucune contrainte de réserves. Plus précisément, tant que
l’ajustement peut être reporté indéfiniment. Le Graphique 13 montre l’évolution des réserves
officielles détenues par la Bundesbank et celle de l’offre de monnaie mesurée par l’agrégat
M1 sur la période 1950Q1 – 1971Q2. On voit que jusqu'à la fin des années 1960, il n'apparait
aucune indication suggérant que la croissance des réserves a influencé l'objectif de croissance
de la masse monétaire. Autrement dit, les autorités monétaires allemandes ont empêché les
--> augmentation de l'offre de monnaie --> pressions à la hausse sur les prix et les salaires -->
42
Graphique 13 Réserves officielles et offre de monnaie en Allemagne fédérale, 1950 – 1971,
en milliards de deutschemarks
Précisons ce que l’on appelle une politique de stérilisation (J.P. Allegret, 1997). Les
changements égaux dans ses engagements. Parallèlement, les changements dans les actifs
Actif Passif
monnaie résultant des entrées de capitaux. A ce titre, elle doit vendre sur le marché des
changes sa monnaie et acquérir en échange des réserves étrangères. Cette opération a pour
43
Nous faisons ici l'hypothèse selon laquelle la banque centrale achète pour 50 millions de
devises étrangères et que la conséquence interne de cette intervention porte sur la monnaie
en circulation.
Actif Passif
inverse les opérations menées sur les marchés des changes (actifs étrangers) sur le marché
des actifs intérieurs. L'objectif est donc d'annuler l'impact des interventions en devises sur
Ainsi, par rapport au cas précédent, la banque centrale de Beta va chercher à compenser
son intervention de 50 sur le marché des changes en vendant sur le marché monétaire pour
Actif Passif
recours à des mesures de contrôle sur les entrées de capitaux, mesures qui ont été
Comme l'a souligné M. Obstfeld (1993), l'expérience de l'Allemagne montre à quel point
les incitations à l'ajustement des pays excédentaires étaient limitées. La stérilisation et les
44
contrôles financiers ont été les principaux dispositifs permettant à l'Allemagne de différer
Une troisième déficience du point de vue de l’ajustement des balances des paiements
sous le régime de Bretton Woods concerne l’asymétrie entre les Etats-Unis et le reste du
Etats-Unis montrant des situations différenciées selon la définition retenue. L'approche par le
compte courant considère les flux monétaires et financiers en tant que contrepartie des flux
réels. Ainsi, Edward M. Bernstein (1961) définit le déficit de la balance des paiements des
Etats-Unis comme l'excès des paiements sur les recettes de toutes les transactions
internationales effectuées par l'économie américaine. Le déficit prend les formes monétaires
uniquement sur les autorités monétaires, alors raisonne en termes de balance des règlements
officiels. Walther Lederer (1961) a proposé une approche différente en considérant que le
déficit des Etats-Unis se comprend comme toute sortie d'or et tout accroissement des dettes
liquides de natures publiques et privées à l'égard de l'extérieur. On parle alors de balance des
liquidités. La balance de base distingue deux types de postes au sein de la balance des
paiements : les transactions de base et les postes dits sensibles à la politique monétaire. Les
se trouvent les postes sensibles à la politique monétaire. En raison de leur liquidité, ces postes
45
sont extrêmement fluctuants dans le court terme. La balance de base intègre ainsi le solde du
compte courant auquel on ajoute le solde net des mouvements de capitaux à long terme
publics et privés. Ces différentes mesures ont été utilisées dans les années 50 et 60 pour
consensus entre les économistes sur cette estimation et donc sur l’interprétation de la
Graphique 14 Balance des paiements des Etats-Unis selon différentes mesures, 1945 – 1971,
en milliards de dollars
des paiements en termes de règlements officiels qui a persisté, à l'exception des années 1968
- 1969, jusqu'à la fin de Bretton Woods. Cependant, sauf en 1959, les États-Unis ont eu un
excédent du compte courant jusqu'en 1970. Le déficit de la balance des paiements sous
Bretton Woods est donc survenu parce que les sorties de capitaux ont dépassé l'excédent du
46
Graphique 15 Composition de la balance des paiements des Etats-Unis, 1950 – 1971, en
millions de dollars
Dès la fin des années 1950, les investissements privés à long terme à l'étranger
(principalement les investissements directs) ont dépassé les dépenses militaires à l'étranger
et les autres transferts officiels. Cette évolution de la balance des paiements des Etats-Unis a
été perçue comme un problème du point de vue des autorités américaines à cause de leurs
effets sur la confiance. Rappelons en effet que la confiance dans le dollar a reposé sur sa
l’extérieur – stock d’or détenu par les Etats-Unis joue donc ici un rôle fondamental. En 1959,
le stock d'or monétaire des États-Unis équivalait au total des engagements extérieurs en
dollars, et le stock d'or monétaire du reste du monde dépassait celui des États-Unis
(Graphique 16). Cette situation a entrainé la première crise du dollar en octobre 1960 sur
laquelle nous reviendrons lorsque nous étudierons le problème de la confiance. En 1964, les
engagements officiels en dollars détenus par les autorités monétaires étrangères dépassaient
47
Graphique 16 Détention d’or monétaire et de dollars, Etats-Unis et Reste du monde, 1945 –
Pour les Européens, et plus largement le reste du monde, le déficit de la balance des
paiements des États-Unis était un problème en raison de la position particulière du dollar dans
les Etats-Unis avaient le privilège de voir leur monnaie acceptée dans les règlements
internationaux. Cela signifie qu’il leur suffisait d’émettre des dollars pour financer leurs
déséquilibres extérieurs. Pour reprendre l'expression utilisée dans les années 60 par Valéry
Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances du Général de Gaulle, les Etats-Unis
du déficit extérieur américain rend inopérant les contraintes d'ajustement des comptes
bénéficiant du « déficit sans pleurs, qui permet de donner sans prendre, de prêter sans
emprunter et d'acquérir sans payer » (Jacques Rueff, 1961, p. 172). L'asymétrie d'ajustement
est ici manifeste : alors que le reste du monde soit se procurer des devises - essentiellement
48
des dollars à l'époque - pour faire face à leurs soldes extérieurs déficitaires, il suffit aux Etats-
Unis d'émettre des dollars. Il n’existe donc aucune contrainte d’ajustement pour l’émetteur
de la France sur l’absence de volonté supposée des autorités américaines de prendre des
mesures de politique économique visant à réduire les déficits extérieurs, la France a en 1965
en or.
Cependant, les autorités américaines ont pris un certain nombre de mesures visant à
répondre à la dégradation de leur position extérieure (J. Denizet, 1985 ; M.D. Bordo, 1993).
Une première série de mesures a porté sur des contrôles concernant les mouvements
internationaux de capitaux :
- une augmentation des impôts sur les revenus étrangers des sociétés américaines en 1961 ;
- la taxe de péréquation des intérêts de 1963 (Présidence Kennedy puis Présidence Johnson),
qui imposait les revenus des investisseurs résidents aux Etats-Unis achetant des titres actions
était de 1 %. Le taux était assez élevé pour décourager effectivement les résidents américains
de continuer à exporter l'épargne nationale. La taxe de péréquation des intérêts été étendue
- des directives sur les investissements directs ont été imposées en 1965. Ainsi, en février, un
décida d'envoyer une lettre personnelle aux présidents des 600 grandes entreprises
américaines ayant des filiales à l'étranger. Dans ce courrier, il leur demandait de lui adresser
un état des éléments de l'actif et du passif de la maison-mère ayant affecté la balance des
paiements des Etats-Unis en 1964, accompagné des prévisions pour 1965. La lettre s'achevait
49
par un appel à leur patriotisme, le secrétaire d'Etat au commerce précisant la ferme intention
du gouvernement de voir une nette amélioration des résultats en 1965 par rapport à 1964. Si,
initialement, l'appel a été entendu par les dirigeants des grandes entreprises américaines,
assez rapidement ses effets se sont estompés. La réponse des autorités américaines été de
- toujours en 1965, des limites à la croissance des prêts bancaires aux étrangers ont été
établies.
Comme le rappelle J. Denizet (1985), les mesures prises par l’administration Johnson
ont connu un certain succès. Le déficit de 1965 sur la base des règlements officiels a en effet
Sur le plan de la balance commerciale, les autorités américaines ont cherché réduire les
importations. Elles ont notamment (i) opéré une réduction des achats gouvernementaux à
l'étranger ; (ii) étendu les prêts de la Banque d'import-export en 1960 et (iii) davantage lié
l’aide au développement à des achats de biens américains en dollars, et ce, à partir de 1961.
maintenir à la fois l’équilibre interne et l’équilibre externe, et ce, sur fond de dégradation des
comptes extérieurs. Pour comprendre ce policy-mix, tel qu’il a été mené jusqu’au milieu des
années 60, il faut faire référence à l’élection de John Kennedy à la Présidence en novembre
1960 (J. Denizet, 1985). Le candidat puis Président Kennedy est très préoccupé par la situation
qu'il considère grave de la balance des paiements. Jean Denizet précise que John Kennedy
dira plus tard qu'il a été hanté par le déficit extérieur autant que par l'équilibre des armements
nucléaires entre Etats-Unis et URSS (p. 72). Le diagnostic de l'administration Kennedy est
clairement posé : il s'agit d'un problème de surévaluation du dollar. En outre, les autorités
50
américaines considèrent que l'excédent de la balance commerciale est trompeur car reposant
sur un volume élevé d'exportations vers des clients dits « captifs » au sens où ils sont obligés
d'acheter aux Etats-Unis en raison de leur forte dépendance à l'égard des Etats-Unis en
matière de soutien financier ou militaire des Etats-Unis. Les conseillers du futur Président se
divisent en partisans de la dévaluation du dollar et opposants. Afin de faire taire les rumeurs
et de calmer la première crise du dollar sur laquelle nous reviendrons, le 31 octobre, soit cinq
jours avant l'élection, John Kennedy déclare : « Si je suis élu président, je ne modifierai pas
l'actuelle parité du dollar. Au contraire, je défendrai sa valeur que j'estime correcte » (cité par
J. Denizet, 1985, p. 73). Autrement dit, le futur Président se prive d'un instrument
d'ajustement. En outre, au début de son mandat, John Kennedy décide aussi de ne pas
accroître les taux d'intérêt. Cette mesure aurait permis d'atténuer les sorties de capitaux et
donc d'avoir un impact positif sur l'équilibre externe. Cependant, le nouveau Président devait
aussi faire face à la récession de 1960 - 1961 : une augmentation des taux aurait
inévitablement accentué la récession. Kennedy semble donc ici privilégier l'équilibre interne
les sorties d'or se poursuit à un rythme rapide. Le directeur de la Division des finances
explicite une fuite devant le dollar ne pouvant être stoppée qu'au prix d'une augmentation
des taux d'intérêt américains à court terme (Kenneth D. Garbade, 2021). Cette hausse se ferait
à un dilemme avec deux objectifs irréconciliables. Les responsables de la Federal Reserve Bank
de New York défendent alors une proposition non portée par les autres Gouverneurs, à savoir
que les deux termes du dilemme peuvent être résolus simultanément en vendant des titres
51
du Trésor à court terme et en achetant des billets et des obligations à plus long terme. William
Treiber, premier vice-président de la Banque, remarque ainsi que « [l]es taux à long terme
sont les plus importants pour les dépenses d'investissement ; les taux à court terme sont les
plus importants pour les soldes extérieurs. Nous devons continuellement rechercher une
politique flexible qui servira au mieux nos divers objectifs interdépendants. À cette fin, il peut
devenir souhaitable pour le système de vendre des titres à court terme et d'acheter des titres
d'autres échéances qui sont disponibles sur le marché » (cité par K.D. Garbade, 2021, p. 289).
La nouvelle administration Kennedy souhaite elle aussi répondre à la fois aux deux facettes
augmentation des dépenses pour les installations et équipements des entreprises, pour les
Pour accroître le flux de crédit à ces fins, les taux d'intérêt à long terme devraient baisser.
Toutefois, de nouvelles baisses des taux d'intérêt à court terme, dans les conditions actuelles,
des paiements…
deux objectifs apparemment contradictoires : endiguer les baisses des taux à court terme qui
affectent directement la balance des paiements, et accroître le flux de crédit vers les marchés
des capitaux à des taux d'intérêt à long terme en baisse pour favoriser la reprise intérieure.
Ces deux objectifs peuvent être atteints simultanément, mais seulement avec une
52
Le Trésor et la Réserve fédérale travaillent déjà ensemble pour renforcer l'efficacité
2021, p. 289).
Le 7 février 1961, le Federal Open Market Committee se réunit pour envisager une
modification des modalités d'intervention traditionnelles de la FED sur le marché des titres de
dette de l'Etat américain. Ces modalités sont largement fondées sur le principe de non-
System Open Market Account, compte qui détient les actifs acquis à l'occasion d'opérations
- afin de répondre aux problèmes de la balance des paiements, les taux d'intérêt à court terme
ne doivent pas baisser, voir augmenter. A cette fin, dans les opérations d'open market visant
Trésor ;
que la FED effectue des opérations d'open market sur les compartiments de moyen et long
programme.
Fédérale de San Francisco (K.D. Garbade, 2021, p. 294), la courbe des rendements s'est aplatie
de 27 points de base, résultat une hausse de 12 points de base du rendement des titres à 13
semaines et d'une baisse de 15 points de base du rendement des titres à 10 ans. On a donné
à cette opération le nom « d’opération twist ». Elle s’achèvera fin mai 1961. Sa durée a été
relativement courte, mais elle est une tentative très célèbre d’essayer de rendre compatible
53
Parallèlement, les autorités américaines ont adopté une politique budgétaire
Une quatrième déficience du régime de Bretton Woods est l’abandon de fait des taux
de change fixes mais ajustables au profit de taux de change fixes en raison d'une réticence des
Autrement dit, les principaux Etats membres se sont privés d'un degré de liberté extrêmement
important pour contenir les pressions. M. Obstfeld (1993) avant quatre raisons principales
apparaît pour les autorités monétaires comme un moyen d'acquérir de la réputation et par là-
même de limiter les flux de capitaux perturbateurs. Les crises monétaires de la fin des années
deuxième motif fait référence aux possibles représailles de la part des partenaires
tour, annulant l'effet de la dévaluation sur la compétitivité des produits du pays considéré. En
troisième lieu, la dévaluation, en accroissant les prix des biens importés exprimés en monnaie
domestique, dégrade les termes de l'échange, ce qui est coûteux pour le pays qui dévalue. Il
peut en résulter non seulement une pression inflationniste nationale, mais aussi une perte de
54
substance. Cette dernière fait référence au fait que le pays qui dévalue doit donner de plus en
plus de biens pour obtenir la même quantité de biens importés. Enfin, dans l'objectif de libérer
que l'on appelle aussi l'absorption nationale. Une telle politique a des coûts sociaux
Les pays excédentaires - l'Allemagne fédérale et le Japon en particulier - ont montré une
important mis en avant est la baisse de la compétitivité des exportations pouvant résulter de
la réévaluation. Les activités exportatrices ont été des groupes de pression efficaces pour
pas été réalisés à froid, mais sous la pression des marchés. Les tensions provoquées par les
mouvements de capitaux de plus en plus importants ont eu tendance à aggraver les difficultés
auxquelles faisaient face les pays déficitaires, conduisant ces derniers à retarder le plus
possible toute idée de dévaluation. Autrement dit, « en ce qui concerne les pays déficitaires, il
n'est en effet pas exagéré d'affirmer que le système de Bretton Woods ne comportait aucun
mécanisme d'ajustement fiable » (p. 220). Précisons aussi que les principales réévaluations se
Bretton Woods est la perte d’efficacité des contrôles sur les mouvements internationaux de
capitaux. Cette perte d’efficacité est apparue avant la phase d’ouverture financière des pays
puisqu’elle est intrinsèquement liée, nous l’avons déjà souligné au retour à la convertibilité
des monnaies au titre du compte courant. Dès la première moitié des années 50, l’économiste
55
britannique Arthur I. Bloomfield (1954) a souligné le rôle spéculatif des avances et des retards
entre autres Filippo Cesarano (2006) et Barry Eichengreen (2019), que ces contrôles n'avaient
pas uniquement pour but d'assurer la stabilité des taux de change. Pour dire les choses
autrement, comme le suggère l'expérience de l'étalon-or, une forte mobilité des capitaux n'est
pas nécessairement synonyme d'instabilité des taux de change. Le point important, que nous
avons présenté dès l'introduction de ce chapitre, c'est que la crédibilité de l'étalon-or était
très élevée en raison de l'absence d'objectifs alternatifs pour les banques centrales. Compte-
tenu de très haut degré de confiance dans la stabilité des taux de change, les mouvements de
capitaux avaient même une influence stabilisatrice. Les choses changent après la Première
guerre mondiale avec l'émergence de nouveaux objectifs pour les décideurs publics. Après la
Seconde guerre mondiale, l'accent est mis sur l'activité économique et le niveau de l'emploi.
de la résolution des autorités à défendre les parités est fortement entamée par ces nouveaux
objectifs qui fondent un nouvel ordre économique et social parfois appelé embedded
liberalism (ou « libéralisme intégré ») selon l'expression du politologue américain John Ruggie
(1982). Les contrôles des capitaux jouent ici un rôle fondamental. En limitant les ressources
que les investisseurs peuvent mobiliser pour remettre en cause une parité, ils permettent
même temps de réduire l'intensité des mesures restrictives à prendre par les autorités pour
défendre ces parités. Ainsi, comme le rappelle Barry Eichengreen (2019), « Pendant plusieurs
décennies après la Seconde Guerre mondiale, les limites à la mobilité des capitaux se sont
substituées aux limites à la démocratie comme source d'isolation contre les pressions du
56
Si les mesures du degré d'intégration des marchés financiers domestiques suggèrent
bien la présence de contrôles sur les capitaux permettant de créer des écarts de taux d'intérêt
entre les pays (B. Eichengreen, 2019, p. 112-113), il n'en demeure pas moins que leur
dollars dès la fin des années 1950. Il s’agit d’un marché hors-frontière (dit offshore) du dollar
échappant à toute réglementation. L’euro-dollar est l’un des trois segments du crédit bancaire
l’emprunteur. Par exemple, une banque japonaise installée à Londres prête des dollars à une
l’emprunteur et du prêteur. L’expression « euro »-dollar est liée au fait que ce marché
offshore s’est d’abord développé à Londres, mais il convient de souligner qu’avec le temps
d’autres places financières ont développé ce type d’activités et que d’autres devises (par le
yen, le deutschemark (avant l’euro) ou le franc suisse) ont servi de supports. C’est la raison
l’origine de l’apparition d’un marché des euro-dollars a été la décision des autorités d’Union
soviétique de placer ses actifs en dollars non plus aux Etats-Unis – par crainte d’un gel des
avoir dans le cadre de la guerre froide – mais sur le marché de Londres d’abord auprès de
gouvernement MacMillan en 1957 sur les activités d’acceptions des banques britanniques.
Il s’agit de « l’apposition de leurs signatures sur les lettres de change ou effets de commerce
émis à l’étranger… C’est cette « acceptation » qui, seule, rendait les traites émises partout
dans le monde négociables sur le marché monétaire anglais ». (J. Denizet, 1985, p. 61).
57
Parallèlement, le gouvernement britannique, à l’image des autorités suisses, autorise les
banques anglaises à accepter des dollars. Afin de compenser les pertes liées aux restrictions
sur le marché des acceptations, les banques britanniques vont dynamiser le marché de l’euro-
dollar. Enfin, un troisième facteur, décisif du point de la participation des banques américaines
à ce marché à été la règlementation Q mise en place aux Etats-Unis dans les années trente.
Son principe est le suivant : le Federal Reserve System impose un plafond aux taux d'intérêt
que les banques commerciales servent à leurs déposants et impose simultanément un plafond
- qui peut être différent - aux taux d'intérêt servis par les caisses d'épargne. Pour que la
règlementation Q est un impact négatif sur la distribution du crédit, par exemple pour faire
face aux tensions inflationnistes, la banque centrale cherche à fixer un taux payé par les
banques commerciales légèrement inférieur aux taux payés par les caisses d'épargne, ce qui
permet d'entraîner un mouvement des dépôts à terme vers les dépôts des caisses d'épargne
moins susceptibles de conduire à de la création monétaire. Au milieu des années soixante, les
tensions monétaires ont incité à une réactivation de la règlementation Q. Or, les banques
filiales - en particulier à Londres - ou via le recours à des emprunts à court terme sur ce
marché.
1958, de la convertibilité au titre du comptes courants des monnaies des pays d'Europe
Occidental. En effet, les opérations de change des banques, en Europe et ailleurs, ont alors
connu une expansion très importante. Les principaux apporteurs de capitaux ont d'abord été
les banques centrales en quête de rendement. Par exemple, compte-tenu d'un écart de taux
important par rapport Etats-Unis en 1960-1961, certaines banques centrales ont préféré
placer une partie de leurs réserves sous la forme de dépôts en euro-dollars. Avec
58
l'internationalisation des firmes, le marché des euro-dollars a servi à la fois de plateforme de
commerciales situées en dehors des Etats-Unis ont contribué à l'offre nette d'Euro-dollars
avec des dollars achetés sur le marché contre monnaie nationale, par exemple à des
exportateurs résidents. Si au début des années 60, les banques centrales dominaient le
marché des euro-dollars, les acteurs privés ont ensuite dominé le marché (H. James, 1996, p.
180). Cela a d'abord été le cas des banques britanniques et suisses, autorisées à recevoir des
période (Graphique 17) non seulement en raison de la règlementation Q mais aussi en raison
systématiques avant 1963, mais dans son 34ème rapport annuel (1er avril 1963 – 31 mars 1964),
1963, les dépôts des non-résidents (y compris les dépôts libellés en sterling) ont augmenté de
Le marché des euro-dollars est important à considérer car, comme nous le verrons plus
loin dans ce chapitre, il va jouer un rôle central dans l’effondrement du régime monétaire de
Bretton Woods. En effet, il sera une courroie de transmission entre les marchés monétaires
59
Graphique 17 Engagements extérieurs en monnaies étrangères des huit pays d'Europe
Source : Banque des règlements internationaux (1972), 42ème rapport annuel, 1er avril 1971 –
mondiale signifie, d'une part, que les pays peuvent mieux faire face à des perturbations de
court terme les affectant et, d'autre part, qu'à long terme ces pays disposent de davantage de
temps pour mener des politiques d'ajustement sans pour autant remettre en cause l'objectif
apparu comme une question centrale. Plus précisément, si le Fonds monétaire international
avait considéré en 1953 puis en 1958 que le stock de réserves mondiales était suffisant pour
60
financer les importations, de nombreux économistes ont manifesté des doutes quant à cette
vision optimiste. Les diverses sources de liquidité apparaissaient insuffisantes pour financer la
Professeur à l'Université de Yale, Robert Triffin qui en 1960 publie un ouvrage intitulé en
français L'or et la crise du dollar (1962) dans lequel il avance un certain nombre d'arguments
le conduisant à considérer que les besoins en liquidité pourraient être supérieurs aux liquidités
disponibles.
a ainsi observé que le prix réel de l'or suivait une tendance à la baisse dont la conséquence
serait à terme un recul de la production mondiale d'or. Le graphique 18 montre qu'une telle
baisse s'est produite au début des années 1950 puis de nouveau en 1966. En outre, la baisse
du prix de l'or devrait exercer un effet de stimulation de la demande privée d'or limitant
Le graphique 19 montre l'apparition à la fin des années 50 d'un écart important entre la
61
on considère le G7 moins les États-Unis, il faut attendre 1966 pour voir un tel écart se creuser
un tel écart.
international en termes réels et du revenu en termes réels des pays du Groupe des sept
(gauche) et des pays du Groupe des sept moins les Etats-Unis (droite), 1950 - 1973, en %
avec le graphique 20 - est le poids croissant des réserves de change, et en tout premier lieu le
dollar, dans la liquidité internationale. Le point important ici est que l'offre de dollars
américains dépend de la balance des paiements américaine, qui elle-même est liée aux aléas
Nous reviendrons en détail sur ce point dans le prochain paragraphe, mais il faut garder à
Il faut aussi souligner que les droits de tirage inconditionnels auprès du Fonds monétaire
eux-mêmes réduits. Ils ne pouvaient donc pas servir de substitut crédible à l'insuffisance de la
production d'or.
62
Graphique 20 Sources des changements dans les réserves mondiales hors Etats-Unis : le poids
(foreign exchange)
Si dans son ouvrage Robert Triffin a défendu un retour au Plan Keynes, d'un point de
vue opérationnel, trois principales solutions ont été mises en œuvre pour faire face au
problème de la liquidité. Une première réponse a été d'accroître les ressources du Fonds
% en 1960 et 25 % en 1966 ensuite par les accords généraux d'emprunt en 1962 dont nous
avons déjà parlés. Une deuxième solution a été mise en œuvre par les pays du Groupe des
dix à travers un réseau de swaps entre banques centrales et des accords de confirmation
(standby arrangements). Il est important ici de souligner que si ces mécanismes accroissent
bien la liquidité conditionnelle, ils n'ont aucun impact sur le niveau des réserves officielles des
La troisième solution pour faire face à l'insuffisance de liquidité a été la création en 1969
(premier amendement des articles du Fonds monétaire international) des droits de tirage
spéciaux (Bordo, 1993, p. 66-68 ; Eichengreen, 2019, p. 109-111). Il s'agit d'une monnaie dite
63
composite au sens où les DTS sont une moyenne pondérée d'un panier de devises (16 à la
création des DTS). Comme le précise le Fonds monétaire international, les monnaies incluses
dans le panier « doivent satisfaire à deux critères : le critère relatif aux exportations et celui
relatif à leur caractère librement utilisable. Une monnaie répond au critère relatif aux
exportations si son émetteur est un pays membre du FMI ou une union monétaire comprenant
des membres du FMI, et se classe parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux. Pour que le
FMI considère qu’une monnaie est « librement utilisable », celle-ci doit être largement utilisée
pour régler des transactions internationales et couramment négociée sur les principaux
marchés des changes. Les monnaies librement utilisables peuvent être utilisées dans les
transactions financières avec le FMI » (Source : note Droit de tirage spécial (DTS) publiée le 9
SDR). Initialement, la valeur du DTS a été fixée à 0,888671 gramme d’or fin, soit 1 DTS = 1 dollar.
La première allocation a eu lieu en 1970 pour un montant de 9,3 milliards de dollars sur une
période de trois ans (1970-1972). L'utilisation des DTS est limitée au financement des déficits
de la balance des paiements. Cela signifie que l'acceptabilité des DTS est limitée aux
DTS a été effectuée, le monde n'était plus confronté à une potentielle insuffisance de liquidité,
Une dernière solution, fortement portée par la France, mais non utilisée, aurait été
d’augmenter le prix officiel de l’or. Outre l’opposition des Etats-Unis qui se refusait à dévaluer
le dollar, cette solution posait deux autres problèmes principaux. D’une part, un
accroissement du prix officiel de l’or aurait augmenté les revenus de l’Afrique du Sud
(apartheid) et de l’URSS (guerre froide), ce qui n’était politiquement pas tenable. D’autre part,
un problème d’incohérence temporelle se posait : si les Etats membres du FMI s’étaient mis
64
d’accord sur une augmentation du prix officiel de l’or, comment empêcher les investisseurs
privés d’anticiper d’autres hausses, favorisant ainsi la spéculation sur le marché de l’or.
Robert Triffin (1960), Gold and the Dollar Crisis, Yale University Press, New Haven,
Connecticut, Etats-Unis. Traduction française en 1962 sous le titre L'or et la crise du dollar,
Presses Universitaires de France, Paris.
fondé sur une devise-clef. Dans le cas du régime de Bretton Woods, comme dans l’entre-deux-
guerres, ce problème est d’autant plus présent que la (ou les) devise(s)-clef(s) sont convertible
en or. Nous sommes en effet non pas dans un régime d’étalon-or mais dans un régime
Le pays à monnaie de réserve (ici les Etats-Unis) n'a pas à intervenir sur les marchés des
changes. En effet, si nous avons N pays avec N monnaies, il y a seulement N-1 taux de change
par rapport à la monnaie de réserve (dollar). Si les N-1 pays fixent leur taux de change par
rapport à la monnaie de réserve (la Nème monnaie), le pays centre n'a plus de taux de change
à fixer puisque celui-ci l'est par les interventions des N-1 pays. En conséquence :
- le pays centre n'a pas à financer sa balance des paiements : son déficit (excédent) est
- il est totalement autonome dans la conduite de sa politique économique n’étant pas soumis
de vue de la stabilité du système monétaire international : le stock d’or détenu par la banque
65
centrale doit rester compatible avec ses engagements officiels extérieurs et, ce, afin
Dès le début des années 60, de nombreux économistes, parmi lesquels Robert Triffin
(1960), Peter B. Kenen (1960) et Milton Gilbert (1968) ont souligné que le régime de Bretton
Woods pouvait suivre une dynamique instable, d'une part, si la croissance du stock d'or
et du commerce mondial et, d'autre part, pour empêcher le stock d'or monétaire des États-
Unis de diminuer par rapport à l'encours des engagements en dollars américains. Comme nous
l'avons vu à travers le problème de la liquidité, les deux aspects sont liés. En outre, ces auteurs
mettaient en avant le fait que les menaces pesant sur la convertibilité du dollar en or
avait pénurie d'or et que certaines banques centrales (dont la France dans les deux cas)
cherchaient à accumuler des réserves en or. C’est dans ce cadre que se comprend le dilemme
de Triffin (1960).
Dans la mesure où le reste du monde détient du dollar en tant que liquidité en raison de
sa convertibilité en or, et non en tant que réserve ultime de valeur, compte tenu des limites
- soit le monde connaît une « pénurie » de dollars si les Etats-Unis ne sont pas
de la crise de confiance sur le dollar et des tensions inflationnistes résultant d'un tel
66
mécanisme de formation des liquidités. Nous avons vu précédemment que les deux situations
En octobre 1960 se produit la première crise du dollar sous la forme d'une spéculation
sur le marché londonien de l'or dont le prix atteint 41 dollars l'once (Graphique 21).
Cette accroissement du prix de l’or sur le marché de Londres, supérieur au prix officiel
de 35 dollars, a reflété des anticipations d'une dévaluation du dollar en raison, d’une part, de
la crainte de l’adoption d’une politique inflationniste si John F. Kennedy devait être élu à lla
Présidence, et, d’autre part, du déclin des réserves d’or monétaire américaines. Rappelons
que dès la fin des années 50, le stock d'or monétaire des États-Unis équivalait au total des
Afin de répondre à cette crise, les Etats-Unis ont commencé à vendre de l'or sur le
marché - par l'intermédiaire de la Banque d'Angleterre - afin d'assurer un retour rapide vers
67
le prix officiel de l'or. En outre, au début de 1961, le Président Kennedy a réaffirmé l'intention
de son pays de maintenir le prix officiel de l'or en dollars au niveau existant. En mars 1961,
l'once cotée au fixing était revenue à $ 35,08. Dans les derniers jours d'août, en raison de la
internationale liée à la situation de Berlin, une nouvelle hausse du cours de l'or a porté l'once
d'or fin à $ 35,20. A ce moment-là, les banques centrales du Groupe des dix ont convenu
qu'elles n'achèteraient pas de l'or au-dessus de ce prix. En novembre 1961, les autorités
monétaires de huit pays (les six de la CEE, la Suisse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni)
réagissent aux tensions sur le marché de l'or par la formation du pool de l'or. Les huit banques
pour maintenir son prix à 35 dollars l'once signifiant au marché leur volonté de protéger la
parité officielle du dollar. Au départ le pool était doté de $ 270 millions dont la moitié fournie
par les Etats-Unis. Les parts de la France, du Royaume-Uni, de l'Italie et de l'Allemagne étaient
de près de 10 %, les autres pays participant à hauteur de 3 % chacun (Barry Eichengreen, 2007,
p. 48).
technique des swaps. A cette fin, la Federal Reserve Bank de New York a créé à un réseau de
facilités de crédit réciproques avec certaines banques centrales et la Banque des règlements
internationaux. En août 1962, le total de ces facilités s'élevait à $700 millions ; mais la
dimension de ce réseau de swaps a connu une expansion constante jusqu'au milieu de 1970,
où il portait sur plus de $ 11 milliards. Entre mars 1962 et août 1971, le montant brut des
tirages de la Réserve Fédérale sur les facilités de swap s'est élevé à $11,8 milliards (BRI (1972),
op. cit., p. 24). Précisons que ce réseau de swaps n'a pas servi uniquement à pallier au besoin
68
en devises de la FED. Ainsi, la Banque d'Angleterre a été amenée à utiliser les swaps pour
financer en partie ses déficits structurels des paiements extérieurs entre 1964 et 1968.
Roosa. Il s'agit de la seconde ligne de défense du stock d'or américain. Comme pour les swaps,
les Etats-Unis cherchent à faciliter le financement de leur déficit des paiements extérieurs. En
dépit de leur liquidité limitée, les premières émissions ont eu lieu au profit de l'Italie et de la
Suisse en 1961-1962. En septembre 1965, le total des encours atteignait près de $ 1,3 milliard,
dont les quatre cinquièmes étaient détenus par l'Allemagne fédérale et la Suisse (BRI (1972),
pays tels que l’Allemagne fédérale et le Japon qui bénéficiaient à l’époque du « parapluie
nucléaire » américain.
défendue par les partisans d'un retour à l'étalon-or. L'économiste français Jacques Rueff n'a
eu de cesse de défendre de point de vue lié à la problématique du « déficit sans pleurs » des
comptes extérieurs des Etats-Unis et s'incarne dans l'idée d'une duplication des bases du
crédit. Ainsi, dans les situations de déficits américains, les banques centrales étrangères
69
accumulent des réserves en dollars. Ces réserves représentent un accroissement de la masse
monétaire dans les pays récepteurs. Simultanément, ces réserves sont placées sur le marché
monétaire américain sous la forme de bons du Trésor ou d'actifs rémunérateurs à court terme.
Ce sont ces placements qui reconstituent la base monétaire des Etats-Unis. En effet,
l'acquisition de ces actifs américains a pour contrepartie un accroissement des réserves dans
les banques commerciales des Etats-Unis. Il apparaît ainsi une asymétrie monétaire dans le
régime de Bretton Woods : les bases monétaires des Etats-Unis et du reste du monde ne se
compensent pas, elles se cumulent. Lorsque les banques centrales étrangères achètent des
dollars, elles accroissent leur base monétaire. De la même manière, en plaçant ces dollars aux
Etats-Unis, elles laissent inchangée la base monétaire américaine. Il en résulte une stérilisation
constater en effet un accroissement des tensions inflationnistes à la fin des années soixante :
étudiée d'un point de vue théorique et empirique par Hans Genberg et Alexander Swoboda.
70
L'analyse qui suit prend appui sur leur étude publiée en 1993. Le cadre d'analyse est celui du
"monétarisme mondial" dans lequel le revenu monétaire « mondial », l'inflation, les taux
monétaires « mondiaux » tels que la masse monétaire mondiale, la base monétaire mondiale
degré élevé de convergence des taux d'inflation nationaux. Autrement dit, la tendance
commune des taux d'inflation, soit aussi le « taux d'inflation mondial », est donc déterminée
Hans Genberg et Alexander Swoboda (1993), The Provision of Liquidity in the Bretton
Woods System in: A Retrospective on the Bretton Woods System: Lessons for International
Monetary Reform, in : A Retrospective on the Bretton Woods System: Lessons for
International Monetary Reform, Michael D. Bordo et Barry Eichengreen, éditeurs, University
of Chicago Press, 269 - 316.
Le Graphique 22 relie les stocks de monnaie domestique – les Etats-Unis (Mus) et le reste
du monde (M*) – au stock de monnaie mondiale noté (Mw). Ce stock de monnaie mondiale est
la somme des deux masses monétaires domestiques converties dans une même unité à une
parité définie à l’avance. Les lignes 𝑀𝑀0𝑤𝑤 , 𝑀𝑀1𝑤𝑤 et 𝑀𝑀2𝑤𝑤 représentent des stocks croissants de la
masse monétaire mondiale. On suppose que le taux de change est égal à 1, ce qui permet de
Les points le long d’une masse monétaire mondial donnée 𝑀𝑀𝑤𝑤 représentent l’ensemble
des distributions possibles d’un donné entre les deux régions. Cependant, une seule
distribution est compatible avec la condition d’équilibre de la balance des règlements officiels.
Cette hypothèse repose sur le fait que la balance des paiements est un phénomène monétaire.
L’équilibre de la balance des règlements officiels obéit donc à un ratio spécifique entre les
balance des paiements est assuré. On pose que l’équilibre initial se situe au point A.
71
Dans un premier temps, on montre comment un déséquilibre monétaire dans le reste
du monde modifie l’équilibre des balances des paiements dans un régime d’étalon-or. Ce cas
peut être généralisé en considérant une monnaie « externe », c’est-à-dire une monnaie qui
n’a pas une dette comme contrepartie. On suppose que la banque centrale du reste du monde
passe de 𝑀𝑀0∗ à 𝑀𝑀1∗ . L’économie passe du point d’équilibre initial A au point B. La demande de
monnaie étant inchangée dans le reste du monde, il apparaît un excès d’offre de monnaie du
Graphique 22
excès de demande sur le marché des biens qui accroît le revenu nominal mondial et induit un
déficit de la balance des paiements du reste du monde. Ce déficit a pour conséquence une
nouvelle distribution de l’or (ou de la monnaie externe) du reste du monde vers les Etats-Unis.
72
Au niveau mondial, cela se traduit par un déplacement du point B vers le point C le long de
premier temps, nous l’avons vu, par une augmentation de la masse monétaire du reste du
monnaie du reste du monde qui tend donc à se déprécier sur le marché des changes. Si on
raisonne en termes d’étalon-or, lorsque les points d’or auront été atteints, il se produira une
Les points d'or représentent précisément les taux de change au-delà (points de sortie)
payer (ou d'être payé) en or plutôt qu'en devises compte-tenu des coûts de transport de l'or
(fret et assurance).
Exemple : Si on note X le prix du dollar pour une once d'or fin fixé par le Trésor américain
(20,646 dollars), Y le prix officiel de la livre pour une once d'or fin fixé par la Banque
d'Angleterre (4,252 livres), St le taux de change au comptant dollars / livre à l'instant t, Teua
le coût de transaction total par once d'or des Etats-Unis (eu) vers l'Angleterre (a) et Taeu le
coût de transaction total par once d'or de l'Angleterre vers les Etats-Unis, il est profitable
X
St 〉 (1)
Y - Teua
73
X - Taeu
St 〈 (2)
Y
Supposons qu'à un instant donné la livre s'apprécie sur le marché des changes. Dans
cette hypothèse, (1) montre que plus est élevé le coût de transaction liée à l'importation de
l'or en Angleterre, plus le prix de la livre en dollar peut s'accroître au-dessus de la parité-or
dollar/livre (soit X/Y ou 20,646 / 4,252 = 4,856). En effet, la limite en deçà de laquelle il est
préférable d'importer de l'or (points d'entrée) est très éloignée. Si, de manière similaire, la
livre se déprécie sur le marché des changes, (2) montre que le prix en dollar de cette devise
peut s'abaisser au-dessous du taux de parité si le coût de transaction liée à l'importation d'or
aux Etats-Unis est élevé. En effet, la limite au-delà de laquelle il vaut mieux exporter de l'or
vers les Etats-Unis (points de sortie) est éloignée, d'où une importante marge de dépréciation
de la livre au-delà de sa parité. La perte d’or dans le reste du monde réduit l'augmentation
initiale de la masse monétaire du reste du monde et augmente la masse monétaire aux Etats-
Unis en raison de l'afflux d'or. La masse monétaire augmente selon les entrées d’or multipliées
multiplicateur monétaire mondial, lui-même étant une moyenne pondérée des deux
monde aura diminué et celui des Etats-Unis augmenté du même montant. Enfin,
74
monétaire mondial suffisante pour résorber l'excédent initial de monnaie dans le monde créé
les Etats-Unis qui avaient augmenté la masse monétaire américaine via l’open-market, le
résultat final en termes de masse monétaire mondiale et de niveau des prix aurait ont été
exactement le même. La seule différence aurait été que les Etats-Unis auraient perdu de l'or
d’expansion monétaire aux Etats-Unis tel que 𝑀𝑀0𝑢𝑢𝑢𝑢 se déplace vers 𝑀𝑀1𝑢𝑢𝑢𝑢 . Au point D, nous avons
à présent un excès d’offre de monnaie en dollars. Par symétrie avec le cas précédent,
l’ajustement va se faire au niveau mondial tel que les stocks monétaires amènent à nouveau
le système à s'arrêter à C.
dite « interne » sert de référence internationale – les mécanismes d’ajustement sont très
différents. En suivant H. Genberg et A. Swoboda, on suppose une situation dans laquelle les
monnaie aux Etats-Unis. Cela revient à considérer que le reste du monde détient uniquement
des bons du Trésor américains en tant que réserves. Le point important est que ce régime
monétaire affecte de manière significative l’efficacité de la politique monétaire dans les deux
régions.
avec une nouvelle masse monétaire notée 𝑀𝑀1∗ et un nouvel équilibre au point B. L’excès d’offre
75
mondial et une augmentation de la masse monétaire aux Etats-Unis. L’unique changement
que l’on observe est une perte de réserves dans le reste du monde. Cette perte va se
poursuivre tant que le stock de monnaie du reste du monde n’est pas revenu à son niveau
monnaie aux Etats-Unis tel que 𝑀𝑀1𝑢𝑢𝑢𝑢 conduit l’équilibre à se déplacer au point D. Cependant,
seulement un accroissement du stock de monnaie dans le reste du monde. L’équilibre est alors
le point E et non plus le point C comme sous l’étalon-or. On voit que la masse monétaire
Lorsque le reste du monde mène une politique monétaire expansionniste, cela se traduit
paiements. Ce déficit entraine des pertes de réserves qui ont pour contrepartie une réduction
des bons du Trésor américain détenus par le reste du monde, mais cela est sans effet sur la
base monétaire et la masse monétaire des États-Unis. Le déficit des paiements du reste du
monde durera tant que sa masse monétaire ne sera pas revenue à son niveau initial et avec
elle la masse monétaire mondiale et le niveau des prix. La seule chose qui aura finalement
changé, c'est la composition de la base monétaire du reste du monde : les avoirs de la banque
centrale en bons du Trésor américain auront diminué d'un montant égal à l'augmentation de
76
ses avoirs en obligations domestiques. On voit donc que sous un régime d’étalon dollar, la
politique monétaire du reste du monde est donc privée de toute efficacité à long terme.
monnaie et un déficit des paiements extérieurs américains. Cette fois-ci, les autorités
perte d'or pour les Etats-Unis et un gain pour le reste du monde mais uniquement par une
augmentation des bons du Trésor américain détenus par la banque centrale du reste du
monde. En effet, les dollars achetés sur le marché des changes en contrepartie de la monnaie
des interventions sur le marché des changes, la masse monétaire du reste du monde connaît
une expansion.
Le résultat final est donc une augmentation de la masse monétaire mondiale d'une
ampleur supérieure à celle qui se produit sous l'étalon-or puisqu'il n'y a pas de pertes de
d’ajustement aux Etats-Unis, on peut en conclure que la politique monétaire des américaine
est très puissante. Il se produit une augmentation du revenu nominal mondial qui est elle-
Rueff selon laquelle les masses monétaires tendent à se cumuler au lieu de se compenser. On
77
doit donc s’attendre à ce que plus le point des réserves de change augmente dans le total des
réserves officielles, plus la pression inflationniste exercée par le régime monétaire doit
s’intensifier. C’est bien ce que suggère le Graphique 23 : l’augmentation très rapide des
politique monétaire des Etats-Unis et ne pourra pas avoir une action indépendante. En cas
de politique monétaire laxiste des Etats-Unis, le reste du monde devra importer l'inflation. Le
jeu de la parité non couverte des taux d'intérêt permet de comprendre cela :
ius = irdm + µ
si les agents anticipent une dévaluation du dollar, alors µ > 0 et irdm doit baisser pour
compenser cet accroissement dans un système de taux de change fixes. Il en résulte dans le
reste du monde une politique monétaire expansionniste contradictoire avec l'objectif initial
du monde [qui] suit alors le canal des liquidités internationales. Il provoque une augmentation
78
généralisée des bases monétaires et atteint ensuite conjointement le revenu global nominal
dans tous les pays » (Michel Aglietta et Virginie Coudert (1984), p.45.
internationale.
et réel
dans le régime de Bretton Woods. Ils montrent notamment que la croissance monétaire aux
Etats-Unis est indépendante des variations des réserves internationales. La balance des
paiements n'avait aucun effet sur la fonction de réaction de la FED. En outre, il apparait que
monétaire au sein des pays du Groupe des sept avec des décalages très longs allant jusqu'à
quatre ans. Ces retards reflétaient le fait que les banques centrales des sept pays avaient
partiellement stérilisé les flux de réserves. Ils trouvent aussi que la croissance monétaire dans
les pays du Groupe des sept explique l'inflation dans ces pays avec un retard significatif.
79
3.3 L’effondrement du régime des taux de change fixes mais ajustables
La période couvrant les années 1967 – 1973 sont celles de l’effondrement du régime
monétaire mis en place en juillet 1944 à Bretton Woods. Afin de comprendre les principaux
connaît un fléchissement rapide. Si on considère l'ensemble du secteur privé, les rythmes sont
par celui de la rentabilité des entreprises américaines. Deux facteurs principaux expliquent
de la situation de l'économie des Etats-Unis à partir du milieu des années 60. De 1965 à 1968,
situe alors durablement au niveau de 15 milliards de dollars. Le taux d’emploi des capacités
de chômage tombe à 3 % (J. Denizet, 1985, p. 77). En conséquence, alors que les Etats-Unis
avaient une tendance à enregistrer un taux d’inflation plus faible que dans les autres pays
certaines périodes au-dessus des taux d’inflation allemand et britannique (Graphique 25).
80
Graphique 25 Taux d’inflation aux Etats-Unis et dans quelques pays européens, janvier 1956
– décembre 1973, en %
8
15
6
10
4
5
2
0 0
01/01/1956
01/10/1956
01/07/1957
01/04/1958
01/01/1959
01/10/1959
01/07/1960
01/04/1961
01/01/1962
01/10/1962
01/07/1963
01/04/1964
01/01/1965
01/10/1965
01/07/1966
01/04/1967
01/01/1968
01/10/1968
01/07/1969
01/04/1970
01/01/1971
01/10/1971
01/07/1972
01/04/1973
01/01/1956
01/10/1956
01/07/1957
01/04/1958
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01/07/1960
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01/10/1962
01/07/1963
01/04/1964
01/01/1965
01/10/1965
01/07/1966
01/04/1967
01/01/1968
01/10/1968
01/07/1969
01/04/1970
01/01/1971
01/10/1971
01/07/1972
01/04/1973
-2
-5
politique monétaire restrictive afin de maitriser l’inflation. Les années 1966 – 1974 vont alors
être rythmées par des phases de hausses des taux d’intérêt aux Etats-Unis avec des
intermèdes de baisses dans les périodes de récession de l’économie américaine (par 1er
semestre 1967 et 1970-1971) (J. Denizet, 1985, p. 78). Comme le montre la partie gauche du
Graphique 26, la hausse des taux aux Etats-Unis entrainent celle sur le marché des euro-
dollars conduisant ces derniers à être en certaines périodes plus rentables que les placements
14,00
12,00
12,00
10,00 10,00
8,00
8,00
6,00
6,00
4,00
4,00
2,00
2,00 0,00
1964-06-01
1964-11-01
1965-04-01
1965-09-01
1966-02-01
1966-07-01
1966-12-01
1967-05-01
1967-10-01
1968-03-01
1968-08-01
1969-01-01
1969-06-01
1969-11-01
1970-04-01
1970-09-01
1971-02-01
1971-07-01
1971-12-01
1972-05-01
1972-10-01
1973-03-01
1973-08-01
0,00
euro-dollar fed funds taux d'escompte de la FED Euro-dollar, taux 3 mois Allemagne, taux d'intérêt interbancaires à 3 mois
81
Du point de vue de l’évolution de la balance des paiements, le milieu des années 60
marque le début d’une détérioration inexorable des Etats-Unis. Outre les pertes de
compétitivité liées aux pressions inflationnistes, la relation entre l'évolution des importations
et celle du produit national brut montre une inflexion fondamentale. En effet, le jeu des
durable. En %
Source : Banque des Règlements Internationaux, 42ème Rapport Annuel, 1er avril 1971 – 31
Ces différentes tendances trouvent leur expression dans la dégradation des comptes
extérieurs des Etats-Unis. La période 1965-1970 est ainsi marquée par un affaiblissement
Parallèlement, les sorties nettes de capitaux à long terme se sont intensifiées à partir de 1969
en creusant le déficit de la balance de base : déficit cumulé de -11,0 milliards de dollars entre
1965 et 1968 et de -29,2 milliards entre 1969 et 1972. A l'origine d'un tel phénomène se trouve
82
occidentale. Alors que l'investissement direct américain dans l'Hémisphère Occidental
investissement, limitant les sorties nettes de capitaux, mais les revenus rapatriés demeurent
supérieurs à ces sorties - désormais les profits rapatriés sont inférieurs aux sorties nettes de
capitaux, l'investissement direct vers l'Europe dégradant alors la balance de base des Etats-
Unis. Rappelons que les investissements directs ont été au centre des préoccupations des
des crises monétaires - se situe en 1967-1968. Le rapport annuel de la Banque des Règlements
Internationaux de l'époque considère ainsi qu'il s'agit de « la période la plus troublée que le
système monétaire international ait connue depuis 1949 » (BRI (1968), 38ème Rapport annuel,
Denizet (1985), p. 87-101 ; A. Cairncross et B. Eichengreen (2003), chapitre 3). Cet épisode
spéculatifs qu'ils peuvent porter. Le contexte est celui d'une situation de déséquilibre
Livre. Le Tableau 2 montre une dégradation importante de la balance des paiements au cours
83
Tableau 2 La balance des paiements du Royaume-Uni
Le taux de chômage moyen entre janvier 1964 et décembre 1967 est de 1,7 %. Il y a donc
une pénurie de main-d’œuvre rendant les négociations salariales compliquées pour maitriser
les coûts salariaux et ce, dans un paysage syndical divisé. Ce très faible taux de chômage cache
en fait une économie où existe un potentiel de chômage important en raison d’un suremploi
janvier 1960 et décembre 1967 s’élève à 3,1 % contre 2,6 % en Allemagne fédérale et 1,7 %
aux Etats-Unis. Les balances-sterling ont aussi un impact déséquilibrant important. En effet,
les détenteurs de ces balances se montrent inquiets à chaque fois que l’économie britannique
est dans une phase de surchauffe car ils redoutent qu’elle soit suivie d’une dévaluation de la
livre sterling.
deutschemark entre 1961 et 1971. Il apparaît clairement que l’anticipation de dévaluation suit
étroitement les politiques d’expansion économique suivies par les différents gouvernements
sur la période. On voit aussi clairement que les mois qui précèdent la dévaluation de
novembre 1967 sont marqués par une hausse importante de l’anticipation de dévaluation.
84
Graphique 27 Anticipation de dévaluation de la livre sterling contre le deutschemark, 1961
– 1971, en % par an
Comment expliquer le refus obstiné des autorité britanniques de dévaluer dans une
Plusieurs auteurs et acteurs de cette époque avancent l’hypothèse que les Etats-Unis et
le Royaume-Uni ont avancé de concert pour éviter une dévaluation de la livre sterling. A cette
fin, comme le rappelle J. Denizet (1985, p. 91), les différents gouvernements britanniques ont
été amenés à consulter les autorités américaines sur leurs mesures de politique économique.
Le point de vue américain est de considérer que la livre sterling apparaît comme le dernier
rempart avant que la spéculation ne s'attaque à nouveau au dollar. Cette idée repose
fondamentalement sur la théorie des dominos. Une dévaluation de la livre sterling sera suivie
comme en 1931 et en 1949 par des dévaluations des monnaies du Commonwealth et par les
Uni et les autres économies occidentales en 1963-1964, la balance des paiements britannique
se dégrade fortement. A l’été 1964, un mouvement de fuite vis-à-vis de la livre sterling est en
85
cours. En raison des élections à venir au mois d’octobre, le gouvernement conservateur se
refuse à prendre des mesures d’austérité. Les Britanniques parviennent à défendre la livre
sterling en mobilisant des fonds provenant de l’extérieur : « $ 1 milliard provenant d'un crédit
du Fonds monétaire international ; des crédits swaps provenant de banques centrales « amies
» négociés et coordonnés par la Banque des règlements internationaux à Bâle pour $ 500
millions ; un crédit swap de $ 500 millions du Fed à lui seul. C'est la première fois qu'une masse
monétaire américaine. En effet, les tensions sur les taux d'intérêt américains - et l'étroitesse
des liens entre le marché monétaire américain et l'euro-dollar - entrainent des déplacements
conséquence est une baisse significative des réserves officielles comme le montre le
Le 18 novembre 1967, la livre sterling est dévaluée de 14,3 %. Elle vaut désormais $ 2,40
86
Le second évènement déterminant est l'éclatement du pool de l'or et sa fin le 17 mars
du dollar à 35 dollars l'once. Dès le 20 novembre 1967, des ordres d’achat élevés se
manifestent sur le marché de l’or à Londres. Face à cette spéculation, le pool de l’or intervient
et cède 27 millions d’or, 47 le 21, 106 le 22, 142 le 23 et 256 millions le 24 (J. Denizet (1985),
des encaisses des pays du monde occidental (y compris celles des organismes internationaux)
Au mois de mars 1968, la pression spéculative s'est encore intensifiée. Les autorités
de l'or dépasse ce jour-là les $44 l'once. Dans la foulée, les gouverneurs des banques centrales
gouvernement des Etats-Unis continuera, dans ses transactions avec les autorités monétaires,
à acheter et à vendre de l'or à $35 l'once. Les Gouverneurs appuient cette politique, estimant
qu'elle favorise le maintien de la stabilité des changes ». En outre, les Gouverneurs ont
exprimé leur conviction que « les encaisses officielles doivent dorénavant servir exclusivement
à effectuer des transferts entre autorités monétaires» et sont par conséquent convenus «de ne
plus fournir désormais d'or au marché de Londres ni à tout autre » ; par ailleurs, « étant donné
que les stocks d'or monétaire actuels sont suffisants eu égard à la mise en place prochaine de
facilités nouvelles sous forme de droits de tirage spéciaux, les Gouverneurs n'estiment plus
nécessaire d'acheter de l'or au marché. Enfin, ils décident de ne plus vendre de l'or à des
autorités monétaires pour leur permettre de remplacer le métal cédé sur des marchés privés ».
soutien aux politiques ainsi définies » (cité par BRI (1968), p. 54).
87
Le pool de l'or a vécu. Il avait déjà été affaibli par la défection de la France en juillet 1967.
Au-delà de ces mouvements spéculatifs, il est important de souligner que le pool de l’or devait
structurellement faire face à la pénurie d’or dont nous avons déjà parlé. En effet, entre 1956
monde occidental. Face à l’absence d'or nouveau disponible pour renforcer les réserves
demande spéculative en 1967-1968. La position du pool de l’or n’était donc pas tenable
montre bien comment le pool de l’or devient vendeur net d’or en 1967 et 1968.
Graphique 29 Offre d'or et achats nets officiels du monde occidental, en millions de dollars
Selon J. Denizet (1985), « cette deuxième défaite en quatre mois de distance acheva de
persuader les opérateurs qu'on pouvait toujours venir à bout des parités fixes. Elles
contenaient en germe les spéculations de septembre 1969 et de mai 1971 contre le Deutsche
Mark » ( p.105).
88
Les marchés de l'or sont fermés jusqu'au 1er avril 1968, date à laquelle le double marché
- d'un circuit interne aux banques centrales qui s'engagent à échanger de l'or au prix de 35
dollars l'once ;
Les deux circuits sont étanches dans la mesure où si une banque centrale intervient sur
Comme l'a souligné M.D. Bordo (1993), l'institution du double marché de l'or pose un
problème d'incohérence temporelle. En effet, les agents économiques anticipent une possible
Autrement dit, la politique du double marché de l'or ne fait que reporter le problème du dollar,
mais il n'apporte pas de réponse définitive. Le Graphique 21 montre aussi que le prix privé de
l'effondrement du système des parités fixes. Deux éléments majeurs doivent être notés.
monétaire. Ainsi, les taux d'intérêt subissent d'amples variations en fonction des sollicitations
de la politique monétaire (Graphique 26). D'autre part, les conjonctures nationales sont de
plus en plus déphasées. En conséquence, les politiques économiques sont amenées à varier
entre les pays. Le Graphique 30 illustre ce déphasage dans le cas de l’Allemagne fédérale et
des Etats-Unis.
89
Graphique 30 Taux de croissance du PIB en Allemagne fédérale et aux Etats-Unis
- les taux d'intérêt américains dont les évolutions sont fonction de la conjoncture économique,
- les taux de l'euro-dollar qui sont sensibles à l'évolution de la politique monétaire américaine,
les banques et sociétés américaines venant puiser sur ce marché les ressources non
- les taux d'intérêt des autres économies développées dont les évolutions constituent le
résultat d'un dosage entre la conjoncture propre à chaque économie et le niveau des taux
Dans ce contexte, les crises monétaires sont rythmées par des flux-reflux de capitaux à
court terme.
réévaluation du mark allemand. La France est d’abord affectée par les évènements de mai
1968. La réponse des autorités à la crise politique et sociale est une politique monétaire et
90
budgétaire expansionniste qui entraine une fuite spéculative du franc et une baisse
La pression sur le franc français se réduit grâce à un plan de sauvetage massif organisé
par les États-Unis en juin et l'imposition de contrôles des capitaux. Cependant, la pression se
poursuit à l'automne 1968, mais les autorités françaises résistent en mettant en œuvre à partir
du mois de novembre une politique monétaire et budgétaire rigoureuse. En même temps que
la France faisait face à des pressions pour dévaluer, l'Allemagne (avec une faible inflation et
une croissance rapide en termes réels) doit faire face à une pression croissante pour réévaluer.
En effet, les capitaux spéculatifs ont afflué de la France vers l'Allemagne conduisant à une
forte augmentation des réserves officielles (Graphique 32). Les autorités allemandes ont
d'abord une dévaluation de la France. Les autorités prennent cependant des mesures,
notamment une baisse de la TVA sur les importations et l'imposition de taxes sur les
printemps 1969. La France a finalement dévalué de 11,1% le 8 août 1969. Les Allemands ont
91
d'abord réagi aux nouvelles entrées de réserves en imposant de nouvelles restrictions sur les
dépôts détenus par des étrangers et par un réajustement des taxes aux frontières, mais ils
finissent, enfin, après un flottement temporaire, par opérer une réévaluation du deutsche
dollars
balance globale des paiements a affiché un excédent en 1968 et 1969, grâce à d'importantes
entrées de capitaux à court terme liées au marché des eurodollars. Plus précisément, en raison
réglementation Q sur les dépôts à terme, les dépôts sont passés des banques américaines au
marché de l'eurodollar. Les banques américaines ont à leur tour emprunté sur le marché de
l'eurodollar, rapatriant ces fonds. Cependant, en 1970, la FED réduit ses taux d'intérêt en
réponse, les fonds empruntés ont retrouvé le marché des euro-dollars entrainant un déficit
de la balance des règlements officiels qui atteint 9 milliards de dollars (Graphique 14). Le
d’une part du fait d’une aggravation du déficit de la balance des paiements des Etats-Unis
92
(Graphique 14), et d’autre part, en raison des orientations différentes de politique monétaire
entre l’Allemagne fédérale et les Etats-Unis. La période est en effet marquée par une baisse
des taux d'intérêt dans les pays avancés mais avec un rythme beaucoup plus soutenu aux
En effet, en raison des décalages conjoncturels entre les pays, les taux d'intérêt ont
baissé plus lentement et parfois de manière retardée par rapport aux taux américains. La
conséquence a été une nouvelle vague de flux de capitaux spéculatifs source de perturbations
monétaires. Les flux de capitaux ont été d'autant plus importants que les taux d'intérêt sur le
marché de l'euro-dollar ont fini par suivre les taux américains et donc passer en-dessous des
taux pratiqués par certains pays (Graphique 26 dans le cas de l’Allemagne). En maintenant
une politique monétaire restrictive au cours des trois premiers trimestres de 1970,
l'Allemagne fédérale a été particulièrement affectée par un afflux massif de capitaux. Selon
les estimations de la Banque des règlements internationaux, sur le total des entrées de 1970,
$ 5,3 milliards ont eu lieu pendant la période mai - novembre, au cours de laquelle les taux
des dépôts à trois mois sur le marché de l'euro-dollar ont baissé, alors qu'en Allemagne les
taux de rendement sur les dépôts interbancaires augmentaient encore. Ces afflux de capitaux
93
se sont poursuivis en 1971 jusqu'à la crise de mai dont la cause fondamentale a été la situation
correctrices.
flexibilité plus élevée des taux de change - par exemple sous la forme d'un élargissement des
marges de fluctuation ou d'une libération temporaire du taux de change des monnaies est de
plus en plus évoquée, certaines discussions ou prises de position sur le sujet étant même
rendues publiques. Pour les spéculateurs, cela signifie que la probabilité d'une modification
des parités augmente. Le deutschemark est l'épicentre de l'attention des spéculateurs. Après
des entrées massives de capitaux en 1970, celles-ci connaissent une accélération début 1971
avec des entrées s'établissant à plus de $ 800 millions en février et à plus de $ 900 millions
tant en mars qu'en avril. Au début du mois d'avril, la banque centrale allemande - comme la
Banque d'Angleterre - décide de baisser son taux d'escompte afin de réduire l'écart entre les
taux d'intérêt à court terme vis-à-vis des Etats-Unis. Compte-tenu de l'anticipation d'un
pas d'endiguer les afflux de capitaux. Le 4 mai 1971, la banque centrale allemande doit
intervenir sur le marché des changes afin d'absorber près d'un milliard de dollars. Le 5 mai,
dès la première heure d'ouverture, elle éponge pour un milliard de dollars supplémentaires.
N'arrivant pas à faire face à de telles vagues d'entrées de capitaux, les autorités allemandes
décident de fermer le marché des changes le 10 mai. Elles sont suivies par l'Autriche, la
Belgique, les Pays-Bas et la Suisse. L'Allemagne fédérale et les Pays-Bas décident alors de
laisser flotter librement leur monnaie. L'Autriche et la Suisse réévaluent leur monnaie de 5,05
et 7,07% respectivement.
94
Une des conséquences importantes de ces mouvements de capitaux est un
accroissement du volume des réserves officielles sans précédent en 1970. Par exemple, les
avoirs en or et en devises, les positions créditrices envers le F.M.I, et des droits de tirage
spéciaux, sont passés de $ 79,2 milliards à $ 93,5 milliards, soit une progression de tout juste
18%. Hors Etats-Unis, qui voit leurs réserves diminuer, la croissance est encore plus
importante puisqu'elle a atteint 27 %. Le pays du Groupe des dix le plus impacté. Ainsi, hors
Etats-Unis, les pays du Groupe des Dix entrent pour $ 13 milliards dans l'accroissement total
des réserves officielles, l'Allemagne fédérale en recevant $ 6,5 milliards ; le Canada, la France
et le Japon plus de $1 milliard ; les Pays-Bas et la Suisse $0,7 milliard chacun (BRI (1971), p.16).
vue des relations monétaires internationales : les réserves en devises connaissent une
croissante des réserves officielles (augmentation de 49 à 57 %) alors que la part de l'or diminue
comme monnaie de référence internationale. Vers la fin du mois de mai, les machés
apprennent que la balance commerciale des Etats-Unis s'est fortement détériorée en avril et
fait apparaitre un déficit - le premier de l'histoire américaine depuis 1880 - accentuant ainsi
les tensions.
Dans son 42ème rapport annuel, la Banque des règlements internationaux (1972) fait
débuter la crise d'août 1971 le 6 du mois lorsqu'un rapport d'une sous-commission du Congrès
est rendu public. Dans ce rapport il est préconisé un réalignement général des taux de change
par rapport au dollar pour rétablir la situation des comptes extérieurs. Le rapport ajoute un
point central : en l'absence d'un accord de réalignements des parités, les Etats-Unis pourraient
95
les spéculateurs interprètent ce rapport comme l'annonce d'un prochain réalignement. Au
cours de la semaine suivante, les capitaux fuient le dollar en direction de la Suisse, mais aussi
millions de dollars
ils instaurent une surtaxe de 10% sur les importations, surtaxe qui restera effective tant que
les Etats-Unis n'auront pas obtenu un accord général de réévaluations des autres monnaies.
Les marchés des changes européens décident de fermer. A leur réouverture le 23 août, à
Au Japon, le marché des changes est resté ouvert après la décision du 15 août. La Banque du
Japon a dû faire face à des entrées massives de capitaux et absorber près de $ 4 milliards de
dollars sur le marché des changes, et ce, malgré un durcissement du contrôle des changes.
Face à cet afflux, les autorités japonaises décident elles aussi de laisser flotter le yen à partir
96
Après le 15 août, si tous les principaux pays semblent favorables à un retour à des taux
de change fixes, les désaccords sont importants en ce qui concerne la manière d'y parvenir.
laisser les taux de change s'ajuster d'eux-mêmes autour de parités centrales. En clair, ils
souhaitent laisser jouer les mécanismes de marché pour déterminer ces nouveaux cours
pivots. Les autres pays, redoutant une appréciation trop rapide de leur monnaie - en
contrôle sur les entrées de capitaux et interviennent sur les marchés de change à l'achat de
dollars, ce qui gonfle encore davantage leurs réserves officielles. Les préoccupations de
compétitivité sont d'autant plus importantes que, d'une part, les autres monnaies ne
s'apprécient pas toutes au même rythme face au dollar et que, d'autre part, les autorités
autres qu'américaines considèrent que les mouvements spéculatifs ont éloigné les taux de
change de leur référence d'équilibre, c'est-à-dire celle qui permettrait de rétablir à long terme
un équilibre de la base de base des Etats-Unis. Il est aussi important de souligner un désaccord
de fond avec les Etats-Unis : alors que ces derniers refusent un réajustement de la parité-or
du dollar, les autres pays considèrent qu'il n'est pas possible de réaliser des réalignements
une amputation de la valeur du dollar » (BRI, 1972, op. cit., p. 34). Face à ce qui peut
s'apparenter à une situation de blocage, les Etats-Unis ont assoupli leur position, permettant
Il ne faut cependant pas se tromper sur la position américaine qui n'est pas dévoilée de
manière publique. En novembre 1969, Richard Nixon est élu à la Présidence des Etats-Unis
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sur une ligne isolationniste au sens où il entend défendre en premier lieu les intérêts
assument trop de responsabilités internationales qui sont causent de leur déséquilibre des
paiements. Le reste du monde - il faut entendre ici essentiellement les pays d'Europe
internationale américaine. Le Secrétaire au Trésor américain, John Connally, est lui aussi sur
une ligne dure. Il évoque ainsi directement auprès du Président l'existence d'« une guerre
économique... Le simple fait est que dans de nombreux domaines, d'autres nations nous
produisent plus, nous dépassent et nous surpassent » (cité par E. Conway, 2014). Du point de
vue américain, cette « guerre économique » est déloyale compte tenu des responsabilités
internationales qu'ils assument seuls. La réponse du Président Nixon est cinglante : « Nous
allons corriger ces bâtards ». L'ampleur de la « correction » a été un secret bien gardé selon
l'expression d'E. Conway en particulier parce qu'elle porte sur la volonté américaine de
remettre fondamentalement en cause les Accords de Bretton Woods. Il faut garder à l'esprit
que le contexte de l'époque est que de nombreux économistes - Milton Friedman étant l'un
des plus connus - soutiennent le point de vue selon lequel les Etats-Unis devraient abandonner
la convertibilité de l'or et laisser flotter le dollar. Au printemps 1971, Paul Volcker - alors
en or, ce qui signifie que les banques centrales étrangères ne pourraient plus venir aux États-
Unis et exiger le métal précieux en échange de leurs dollars. La fermeture des marchés des
changes par plusieurs pays européens est vécu côté américain comme un choc. Le New York
Times évoque cela comme « l'une des perturbations monétaires les plus graves depuis la
Seconde Guerre mondiale ». Les hostilités sont vraiment déclenchées lorsqu'au cours de la
98
deuxième semaine d'août, des journaux rapportent que la France et le Royaume-Uni prévoient
de convertir à nouveau des dollars détenus par leur banque centrale respective en or. Le
Président Nixon convoque alors de manière secrète un petit groupe de ses conseillers les plus
proches et les conduit à Camp David, la retraite présidentielle, pour une réunion de 3 jours
qui débute le vendredi 13 août. Presque aucun des participants n'est au courant des thèmes
qu'ils vont discuter. Au cours du weekend, le Président Nixon entend mobiliser un certain
nombre de lois anciennes - par exemple le Trading with the Enemy Act de 1917 - afin de
convertibilité du dollar en or ou en d'autres avoirs de réserve, sauf pour des montants et des
conditions déterminés comme étant dans l'intérêt de la stabilité monétaire et dans le meilleur
intérêt des États-Unis. Maintenant, quelle est cette action – qui est très technique – qu'est-ce
que cela signifie pour vous ? Permettez-moi de mettre fin à l'épouvantail de ce qu'on appelle
la dévaluation. Si vous souhaitez acheter une voiture étrangère ou faire un voyage à l'étranger,
les conditions du marché peuvent faire en sorte que votre dollar achète un peu moins. Mais si
vous faites partie de l'écrasante majorité des Américains qui achètent des produits fabriqués
aux États-Unis en Amérique, votre dollar vaudra autant demain qu'aujourd'hui. En d'autres
termes, l'effet de cette action sera de stabiliser le dollar » (cité par E. Conway, 2014).
fonctionnement du système monétaire international. Pour la première fois depuis les années
1930, les États-Unis décident de ne plus fournir d'or aux détenteurs étrangers officiels de
dollars à 35 dollars l'once - ou à tout autre prix. Ce changement radical a été pris de manière
non seulement unilatérale, mais en petit comité. Cela contraste singulièrement avec le
99
caractère public des discussions à Bretton Woods en 1944. Si la nouvelle est accueillie avec
euphorie aux Etats-Unis - à quelques exceptions près dont Arthur Burns, le président de la
Réserve fédérale, qui écrira sans son journal « Quelle tragédie pour l'humanité ! », les autres
pays perçoivent la décision américaine comme un acte d'hostilité. Ainsi, par exemple, le
Président Georges Pompidou envoie plusieurs messages à la Maison Blanche les exhortant à
ne pas abandonner l'un des fondements de Bretton Woods. La réponse indirecte de John
Connally est sans ambiguïté : suggérant que les Etats-Unis devraient abandonner toutes leurs
réserves d'or sur les marchés mondiaux et retirer le métal précieux de tout droit monétaire
une fois pour toutes, il déclare que « [Nous devrions] dire à Pompidou et à son peuple : « Vous
aimez l’or ? Nous allons en avoir plein pour vous. Parce que nous allons le décharger [de nos
réserves] ». Le point de vue américain est clairement exprimé par John Connally avec une
phrase restée célèbre prononcée devant un groupe de responsables européens : le dollar est
Les négociations sur la nouvelle structure des taux de change commencent fin novembre
1971 à l'occasion de la réunion à Rome des ministres des finances et des gouverneurs des
banques centrales du Groupe des Dix. Les Etats-Unis acceptent l'idée d'une dévaluation
éventuelle du dollar par l'intermédiaire d'une hausse du prix officiel de l'or. Le 18 décembre
- le dollar est dévalué de 7,9 % par rapport à l’or, portant la parité-or de la monnaie américaine
à 38 dollars l'once ;
- le franc français est réévalué contre le dollar de 8,57 %, le mark de 13,58 %, le yen de 16,88
% et la livre de 8,57 % ;
100
- les marges de fluctuation des monnaies par rapport au dollar sont élargies et portées à (+)/(-
) 2,25 % (contre (+)/(-) 1 % en 1944), ce qui implique pour deux monnaies autres que le dollar
Les deux crises monétaires dont nous venons de présenter les contours mettent en
d'un changement de parité des principales monnaies après l'épisode de la livre britannique en
court terme et des réserves révèlent une déstabilisation importante des masses monétaires
domestiques. Les massives entrées de capitaux à court terme dans l'économie engendrent
une création monétaire, par conversion en monnaie nationale auprès de la banque centrale,
qui induit des tensions inflationnistes. Il en résulte la tentation pour les autorités monétaires
capitaux si aucun contrôle n'est élaboré sur ces derniers. Troisièmement, les conjonctures
inverses ont entraîné des mouvements cumulatifs de capitaux. En effet, toute perspective
d'évolution des taux d'intérêt dans le sens traditionnel est bloquée. L’Allemagne fédérale,
soucieuse de freiner les tensions inflationnistes, ne s'engage pas dans la boucle traditionnelle
selon laquelle les entrées de capitaux accroissant la liquidité de l'économie détendent les taux
d'intérêt. La situation inverse prévaudrait aux Etats-Unis, induisant par là-même un reflux des
capitaux. En fait, les « politiques anti-marchés » des banques centrales, selon l'expression de
différentes où les objectifs d'équilibre interne sont contradictoires aux objectifs d'équilibre
101
Dès le début de 1972, les marchés des changes sont de nouveau perturbés, signifiant le
République Fédérale d'Allemagne doit faire face à la permanence des interférences entre les
1973, le Groupe des dix reconnait officiellement qu’un retour à des parités fixes s’avère
néerlandais des Finances Johannes Witteveen, a initié la rupture historique du FMI avec son
principe fondateur de taux de change fixes (mais ajustables) en déclarant en janvier 1974 :
« Dans la situation actuelle", une grande mesure de flottement est inévitable et même
Sans rentrer dans les détails des négociations (voir sur ce point John Williamson, 1977 ;
Jean Denizet, 1985, p. 145-160), il est important de rappeler les principaux points des
pour la réforme monétaire internationale et les sujets connexes, dit aussi Comité des Vingt.
La première réunion de ce Comité en novembre 1972 met en avant quatre problèmes à régler
102
- le problème du règlement des déficits ;
faut établir des indicateurs définissant un seuil pour modifier les parités (rappelons que la
intéressant dans la mesure où, lorsqu’ils étaient créditeurs, les Etats-Unis se sont opposés au
Plan Keynes qui entendaient pénaliser les économies dégageant d’important excédents
convertibilité du Dollar pour les Banques Centrales qui accumulent la monnaie américaine
Les pays en développement mettent quant à eux en avant la question du lien entre les
positions sont plus diffuses entre les membres du Comité des Vingt. Les principales
orientations sur ce sujet portent sur i) le rôle international du Dollar, ii) la place de l'or dans le
système monétaire international dont la démonétisation est de plus en plus évoquée et iii) le
renforcement de la place des droits de tirage spéciaux qui seraient définis non plus en or mais
dans un panier de monnaies. Les droits de tirage spéciaux auraient pu avoir une place
avait abouti. Il s'agissait d'ouvrir un compte ayant la forme d'un trust géré par le Fonds
Monétaire destiné au transfert par les banques centrales d'une partie de leurs avoirs en
dollars. En échange, elles recevraient une créance libellée en droits de tirage spéciaux portant
103
intérêt. En 1980, les Etats-Unis marquent leur opposition à ce projet dans la mesure où ils
Les travaux du Comité des Vingt se développent dans un contexte où les partisans des
changes flexibles deviennent de plus en plus importants. Selon les partisans de ce régime de
- la symétrie entre les économies nationales dans la mesure où les taux de change ne sont plus
- l'utilisation des taux de change en tant que stabilisateurs automatiques puisque leur
des changes flexibles se font entendre dès mars 1973 où l'on peut lire dans un communiqué
que le système monétaire réformé doit rester « basé sur des parités stables mais ajustables »,
mais que « des taux flottants peuvent être une technique utile dans certaines situations »
(1985, p. 150). En outre, selon R.I. McKinnon (1993), le Comité des Vingt a tout simplement
voulu retrouver l'esprit de Bretton Woods sans considérer la persistance des problèmes :
d'une part, les capitaux flottants dans un contexte où les européens ont la volonté de les
contrôler alors que les Etats-Unis se dirigent vers leur libéralisation et, d'autre part, le
problème du N-1 qui reste non résolu si le système reste centré sur le dollar.
John Williamson (1977), The failure of world monetary reform, 1971-74, Thomas
Nelson and Sons Ld, Royaume-Uni.
Conclusion
Barrry Eichengreen et Peter B. Kenen (1994) identifient trois impératifs auxquels doit
104
- mettre en place un système d'alimentation en liquidités internationales afin de permettre le
- résoudre le problème du Nème pays afin de réduire les conflits inhérents entre les pays qui
- ancrer la politique monétaire des pays membres afin d'éviter une inflation ou une déflation
globale.
impératifs. Au niveau du premier impératif, le Fonds Monétaire International a été doté d'un
certain nombre de moyens financiers sous la forme de pool de devises et d'un accroissement
périodique des quotes-parts. De la même manière, les banques centrales ont organisé un
certain nombre de lignes de défense pour préserver les parités. Cependant, il apparaît une
système de Bretton Woods n'a pas été en mesure d'empêcher l'émergence d'une monnaie
dominante facteur d'asymétrie. La résolution du problème du Nème pays est apparue sous la
forme de l'obligation faite aux Etats membres d'obtenir l'aval du Fonds Monétaire
International pour modifier les taux de change. Dans les faits, l'influence du Fonds a été
extrêmement limitée, de nombreux pays développés modifiant leur taux de change sans son
accord préalable. Cependant, les conflits ont été limités par deux phénomènes :
- l'absence d'une politique active du change de la part des Etats-Unis avant le milieu des
années soixante ;
économique des Etats-Unis a entraîné des pressions croissantes sur le dollar, faisant alors
supporter aux autres pays la charge de la gestion du régime de change. Nous atteignons-là le
105
troisième impératif. L'ancrage des politiques monétaires a été fondé sur un pays leader, une
Présidence Nixon est marquée par une volonté de mettre l’accent sur les priorités
domestiques au détriment des enjeux internationaux. C’est ainsi que le nouveau Secrétaire au
Trésor américain nommé en juin 1972, George Shultz, un adversaire des taux de change fixes,
dira, à propos du refus des Etats-Unis de continuer à supporter leurs obligations envers le
système monétaire international : « Le Père Noël est mort » (cité par B. Steil, 2013, op. cit., p.
338). Une autre source de problèmes liés au système de Bretton Woods réside dans la double
asymétrie au niveau de l'ajustement des balances des paiements entre d’une part, les pays
débiteurs et créditeurs et, d’autre part, entre les Etats-Unis et le reste du monde. Enfin, la
levée progressive des contrôles sur les mouvements de capitaux dans les années soixante a
libéré une force déstabilisatrice importante liant les marchés de l'or, le marché monétaire
américain, l'euro-dollar et les autres marchés monétaires nationaux. Les crises monétaires
internationales de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix illustrent les
La seconde moitié des années soixante-dix va parachever la mutation du régime des taux
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