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Au fait, depuis quand les NIVEAU B1

jeunes disent qu’ils « n’auront
pas de retraite » ?
Au-delà du projet de réforme du gouvernement Borne,
une partie des jeunes n'a plus confiance dans le système
de retraite par répartition. Selon la sociologue Anne-Marie
Guillemard, « c'est devenu, pour eux, un pacte de sacrifice ».

par Émilie Brouze - publié le 2 février 2023

« Au rythme où vont les choses, je n’aurai pas de retraite ! » La ritour-
nelle, entendue dans les cortèges de janvier, semble familière. Elle était
déjà dans la bouche des jeunes manifestants de 2010, vent debout
contre un précédent projet de réforme des retraites. « Je [suis] partie
du principe que je cotise pour les vieux mais que, quand viendra mon
tour, je ne toucherai rien », lit-on aujourd’hui dans un échange du
forum Reddit, sur lequel de nombreux internautes font le lien avec
leurs préoccupations climatiques (« Je ne crois pas une seconde que
notre civilisation sera en état de me verser une retraite quand j’en
aurai l’âge »).
Alors, depuis quand une partie des plus jeunes est-elle persuadée que
le système de retraite ne tiendra pas jusqu’à leurs vieux jours ?
Pour tenter de répondre à la question, la sociologue Anne-Marie
Guillemard nous invite à revenir au fondement de notre système
de retraite, instauré en 1945 avec la création de la Sécurité sociale.
Celui-ci repose sur une solidarité intergénérationnelle : en travaillant,
les actifs cotisent pour payer la même année les retraites des plus
âgés tout en espérant qu’un jour, les générations d’après en fassent de
même.
Le système par répartition, qui s’est imposé en France pour les régimes
de base et complémentaire, s’oppose au système par capitalisation. En
Allemagne et en Suède, sur lequel il repose en partie, les travailleurs
« stockent » du capital qui financera, le temps venu, leur pension.
Remontons le temps. « En 1945, le pacte fonctionnait. Il était mutuel-
lement profitable aux trois générations co-présentes : il offrait
quelques années de bonheur modeste aux plus âgés (on appelait ça
“ la retraite des vieux ”), en échange de quoi les adultes et les jeunes
actifs se réservaient l’emploi de manière stable et durable. Ce qui leur
permettait de prendre en charge leur famille et l’éducation de leurs
enfants… Les trois temps de la vie sont liés à ce pacte », retrace Anne-
Marie Guillemard. Sauf qu’il ne fonctionne plus aussi bien désormais.
« Ce pacte de solidarité, qui doit être profitable à toutes les généra-
tions, s’est brisé depuis 1945 et personne n’y a veillé. Il est devenu,
pour les jeunes, un pacte de sacrifice. »
Il faut sauver notre système de retraite
[…] Les années 1990 marquent le début des réformes en France,
comme dans d’autres pays de l’OCDE. En raison notamment de l’al-
longement de l’espérance de vie, du nombre croissant de retraités,
d’une plus grande instabilité de l’emploi avec la hausse du chômage, la
situation financière des régimes de retraites s’est détériorée. Edouard
Balladur entreprend sa réforme des retraites en 1993. Puis elles se sont
enchaînées : en 2003, 2010, 2019… Il faut « sauver » notre système de
retraite, déclarait il y a quelques jours Emmanuel Macron, en soutien
du nouveau projet de réforme présenté par le gouvernement Borne.
[…]
« D’un côté, on a du mal à imaginer que notre génération aura le
droit à une retraite. De l’autre, on se bat contre l’idée même que l’on
n’aura rien », résumait à « l’Obs » Valentin, étudiant en philosophie
de 21 ans, dans le cortège parisien du 21 janvier dernier. Les jeunes
manifestants protestaient en solidarité envers leurs aînés : « J’ai été
témoin de la dégradation de la vue de ma mère, couturière, à force de
travail. Et mon père, comptable, aimerait bien lever le pied mais c’est
impossible. Mes parents, qui vivent en Seine-et-Marne, sont le point
de départ de ma révolte », expliquait Anissa Chehbib, étudiante de 19
ans à Sciences-Po. […]
Horizon flou
Selon le baromètre d’opinion de la Direction de la Recherche, des
Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (Drees), en 2021, les 18-24
ans sont plus nombreux que le reste de la population à déclarer ne pas
savoir quand ils pourront partir à la retraite (30 %, contre 17 % pour
l’ensemble des sondés) ou à penser ne pas avoir de retraite dans le
futur (5 %, contre 2 % des sondés).
Cette peur pourrait-elle être justifiée ? Monika Queisser, cheffe de
la division des politiques sociales à l’OCDE, ne le croit pas : « Je ne
vois aucun gouvernement arrêter de payer les retraites. Et il n’y a pas
de raison de penser que les systèmes vont faire faillite. » Seulement,
la retraite est devenue plus lointaine, moins généreuse… L’horizon
flou. D’autant que les plus jeunes savent que d’ici là, ils connaîtront
d’autres ajustements. […]
« Ce qui manque en France, c’est un vrai débat sur le partage du coût »,
relève Monika Queisser. « Qu’est-ce qu’on impose aux jeunes, aux
salariés, aux employeurs, aux retraités ? Comment le coût additionnel
pour équilibrer le système face au vieillissement de la population
peut-il être partagé ? »
Un débat qui permettrait d’aboutir à une refondation de ce vieux
pacte de solidarité entre les générations, dans lequel il est néces-
saire que chacune s’y retrouve. Anne-Marie Guillemard : « Il faudrait
revenir à un pacte d’équité et donc donner aux plus jeunes généra-
tions des compensations, et surtout un avenir. »

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https://www.nouvelobs.com/social/20230202.OBS69087/au-fait-depuis-quand-les-jeunes-disent-qu-ils-n-auront-pas-de- des Langues 2023
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