Vous êtes sur la page 1sur 1

C’est l’expérience qu’un animateur d’un café-philo, à Poitiers, professeur de Philosophie par

ailleurs, a vécue, au sein de l’Éducation Nationale : Jean-François Chazerans (5) a osé s’interroger
sur un « sacré » français, les morts de « Charlie-Hebdo », en liaison avec des morts non-français, tués
par des soldats français dans des actions militaires hors de France. Choqué par le massacre de
Charlie-Hebdo (rendue possible par la conjonction de la détermination des deux assassins ET de la
minimisation de la surveillance de cette rédaction), Jean-François a accepté que les élèves d’une
classe en parlent, dans le cadre d’un débat, toujours sous l’égide du principe de la pensée
philosophique. Dénoncé par une élève qui a assisté à ce débat en classe sans l’écouter vraiment, à
ses parents, et ceux-ci à l’établissement, après le massacre dans la rédaction de Charlie-Hebdo, le
7  janvier 2015, il t l’objet d’une procédure interne de l’Éducation Nationale, avant d’être
judiciairement suspecté d’« apologie de terrorisme ». À propos de cette lettre familiale invoquant le
témoignage de leur lle, Jean-François Chazerans rappelle (6) : « Malgré ce qu’ont af rmé le recteur à
la presse, et les inspecteurs lors de la commission d’enquête, que plusieurs lettres de parents d’élèves ont été
envoyées directement au rectorat, tout a commencé par une seule lettre d’un parent d’élève – sur les 55 élèves
que j’avais ce jour-là et sur les 186 élèves que j’avais en cours cette année-là – envoyée à ma proviseure suite
à l’un de mes cours au lendemain de l’attentat contre Charlie-Hebdo. Lettre qui interrogeait : « Est-il normal
que les professeurs défendent le terrorisme donnent leur opinion politique voire leur religion  ?  », qui me
reprochait d’avoir dit : « Les militaires envoyés dans les pays en guerre c’est de l’impérialisme » et m’accusait
d’avoir déclaré : « les crapules de Charlie Hebdo ont mérité d’être tués ». C’est donc sur la parole d’une
seule élève que ce professeur a été mis en cause, et dans la durée. Publiquement, il a expliqué ce
qui s’est passé et ce qu’il a réellement dit : « Ni l’élève qui n’a manifestement pas compris ni écouté, ni
ses parents qui ont envoyé le courrier malveillant et diffamatoire, n’ont cherché à véri er que j’aurais bien dit
ce dont ils m’ont accusé sans preuves en me demandant des explications. (…) Comment cette élève qui
n’avait manifestement pas tout compris et pas écouté peut-elle en parler à ses parents de la sorte sans être
venue demander des explications à la n du cours ou du cours suivant  ? Il faut dire à sa décharge que le
rectorat ne lui en a pas laissé le temps.  » Faut-il rappeler que Samuel Paty a été mis en cause,
également, à cause d’une élève, qui n’était pas elle-même présente au cours qu’elle a dénoncé
auprès de ses parents ? Il rappelle qu’il y avait, entre lui et le Rectorat, a minima, des désaccords, si
ce n’est des contentieux, et que l’occasion a fait le larron  : «  Quoi qu’il en soit, l’aubaine était
certainement trop belle pour le Recteur qui attendait probablement un faux pas de ma part et qui, après son
diaporama stupide et raciste sur les élèves en cours de radicalisation, devait se refaire une respectabilité » Les
procédures engagées par le Rectorat relèvent de l’enquête policière, en ignorant les règles
statutaires de la Fonction Publique qui concernent l’Éducation National, puisque, tels des agents
de police, ils ont commencé par constituer un dossier à partir des on-dit et rumeurs, et ce a n de
préparer leurs collègues, eux, vrais fonctionnaires de police, une fois que le dossier sera transmis à
celle-ci, «  les racontars hors sujets et mensongers de mes élèves lors de son audition  : par exemple, que
j’aurais été à cette époque «  en couple  » avec l’une de mes «  anciennes élèves redoublante en terminale
majeure ». Elle s’est permis aussi, sans en avoir les compétences, de préjuger ma façon de faire cours et de
carrément me juger sans m’avoir inspecté et en m’ayant auditionné 30 minutes : « Sur le contenu des cours
de M. Chazerans, je pense que cette personne pose un problème de sérieux dans l’éducation nationale, il n’y a
plus sa place à mon avis […] je sais qu’il ne prépare aucun cours c’est ce que nous disent tous les élèves. […]
Je ne vois rien d’autre à vous dire sinon qu’il a une tenue, une présentation et une hygiène qui sont
inadéquates pour un enseignant  ». Jugement typiquement inquisitorial (s’en prendre à la supposée
« bonne moralité » de la personne), il est le fait de deux fonctionnaires engagés en politique (parti
socialiste), qui, à Poitiers, s’opposaient à ce professeur, dans ses engagements.

Extrait de «  Cafés-Philo en France : un malentendu & un échec ? Education Nationale et


Philosophie », de Jean-Christophe Grellety
fi
fi
fi
fi
fi
fi

Vous aimerez peut-être aussi