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Introduction

Il y a de ça 60 ans, plus de 50 personnalités mondiales signaient la proclamation du


droit de manger à sa faim.
Au cours de l’année écoulée, les prix des denrées alimentaires à La Réunion ont augmenté en
moyenne de 3,9 %. Cependant, ce n’est pas le seul poste de dépense qui a été impacté :
rappelons le prix de l’essence ou encore le tarif de l’électricité. Cette inflation s’est durement
répercutée sur le budget des ménages précaires qui ont de plus en plus de difficulté à
satisfaire leurs besoins primaires.

C’est par ailleurs, dans le cadre d’une épicerie sociale itinérante qui est un dispositif d’aide
alimentaire porté par le Centre Communal d’Action Social de la ville de Saint-Pierre que j’ai
effectué ma formation pratique d’une durée de 16 semaines.
L’ESI a 3 missions principales :
➔ L’achat de denrées à bas coût dans le camion itinérant ;
➔ L’accompagnement social individuel ;
➔ Les ateliers collectifs.

Au sein de l’ESI, la CESF est responsable d’une équipe composée d’un chauffeur qui est
également régisseur.
Elle gère les relations partenariales auprès de la Banque Alimentaire, des financeurs ou
encore des prescripteurs. Elle est garante du cadre de l’épicerie, ainsi que du respect des
bonnes pratiques d’hygiène.
La professionnelle s’occupe des accompagnements sociaux individuels qui se déroulent au
cours de visite à domicile toujours dans une démarche de proximité et d’aller vers.

La situation que je vais aborder maintenant est celle du premier bénéficiaire de l’épicerie.

I/ La situation rencontrée

a) Contexte

Monsieur a été orienté vers l’épicerie par un travailleur social du CCAS, qu’il avait rencontré
par rapport à ses impayés des factures d’eau et d’électricité.

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J’ai accompagné cette personne pendant 6 mois avec en moyenne une visite à domicile par
mois.

b) Recueil de données
Monsieur N est un homme célibataire de 50 ans. Il a deux enfants qu’il voit
occasionnellement. Concernant sa famille proche, son frère est décédé il y a 10 ans de façon
brutale et sa mère un an plus tard.
Monsieur vit dans la maison familiale située dans les hauteurs de Saint-Pierre depuis le décès
de sa mère. Cependant, le statut de propriétaire de Monsieur n’est pas finalisé car le logement
est en indivision.
Préparateur en pharmacie de profession, Monsieur est au chômage depuis 5 ans, suite à une
rupture conventionnelle. À ce jour, Monsieur dit envisager de reprendre une activité, il se
montre encore très hésitant. Il est occasionnellement bénévole dans une association, il aide à
la distribution de colis alimentaires.
Ses ressources se composent de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) d’un montant de
535 € par mois.
Il a plusieurs dettes d’un montant d’environ 4 600 € :
● 3 années consécutives de taxes foncières pour lesquels une SATD par les impôt ;
● Assurance voiture avec huissier qui a été mandaté ;
● Eau et électricité en impayé depuis avril 2022 et mai 2022

En outre, Monsieur paye deux postes de charges fixes : 105 € sont dédiés à la télévision,
internet et téléphone et 15 € pour la participation financière à la CSS.

II/ Diagnostic et analyse

J’ai identifié plusieurs problématiques qui découlent de cette situation.

Premièrement, Monsieur a des faibles ressources qui compromettent la régularisation de


l’ensemble de ses charges.

Deuxièmement, il rencontre des difficultés dans la gestion de son budget et se retrouve


avec une accumulation de dettes. En effet, suite à une évaluation budgétaire, j’ai constaté

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qu’il priorise le paiement de certaines charges (TV et internet) au détriment d’autres
(paiement des factures d’eau et d’électricité par exemple).

Troisièmement, Monsieur a rencontré des épreuves pénibles au cours des 10 dernières


années : deuils, séparation, perte d’emploi dont les conséquences ont fragilisé sa situation
financière et psychologique.

J’analyse que les deuils successifs auxquels Monsieur a dû faire face a entraîné une
souffrance psychosociale qui se manifeste par un trouble de l'adaptation sociale en lien avec
processus de marginalisation et de désaffiliation sociale.
Selon les dires de Monsieur qui a exprimé les raisons de sa demande de rupture
conventionnelle en 2018 : il éprouvait un besoin de “souffler”, de ne plus dépendre d’un
employeur et de prendre du recul sur sa vie. Actuellement, ces raisons le freinent encore dans
la recherche d’un emploi, il verbalise de l’inquiétude et de l'appréhension.

Au vu de ces problématiques et notamment celle concernant les difficultés dans la gestion du


budget, je vais vous présenter les axes d’intervention concernant l’acquittement de sa dette
d’électricité.

III) Plan d’action

En effet, Monsieur a souhaité qu’on débute l’accompagnement social par cette


thématique. Il a verbalisé de l’inquiétude concernant une limitation de sa consommation
d’électricité. Pour rappel, Monsieur était en impayé depuis avril 2022 d’un montant de 234 €.
Il s’agit d’une demande émise par sa part, qui est également un besoin que j’ai moi même
identifié.

Au cours des visites à domicile échelonnées sur une durée de 6 mois, j’ai proposé un
accompagnement éducatif budgétaire, un point sur l’accès au droit (chèque énergie) et une
orientation vers un partenaire pour effectuer un diagnostic énergétique afin de le sensibiliser à
la réduction de ses consommations dans un but financier et de transition énergétique.

Concernant l’AEB :

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➔ J’ai cherché à comprendre l’origine du non-paiement ; => selon les dires de Monsieur
cela est dû au passage d’ARE à l’ASS, car il a eu une baisse significative de
ressources.

➔ C’est pourquoi, j’ai refait un point sur son budget. La finalité étant de poser le budget
réel avec le paiement des factures régularisées du mois en cours et non le budget
supposé.

➔ J’ai également responsabilisé Monsieur aux paiements des factures :


- Rappel des conséquences du non-paiement (limitation de sa consommation)
- qu’il avait signé un contrat d’engagement ;
- qu’il devait prioriser les dépenses (réduction de certains postes de dépenses
secondaires, comparer les tarification pour faire jouer la concurrence).

➔ Nous avons négocié un plan d’apurement par téléphone pendant lequel, j’assistais
Monsieur lors de cet appel, toujours dans une démarche de faire avec. Au moment
opportun, j’ai apporté mon soutien pour négocier la suppression des pénalités de
retard au vu du CAP énergie qui avait été octroyé par le CCAS. J’ai constamment
recherché son adhésion, en lui donnant la parole en lui demandant s’il avait des
questions et s’il était d’accord avec les propositions.

➔ La question c’est posé du moyen et de la fréquence de paiement des futures factures.


=> Aide à la prise de décision pour la mensualisation, montrer que c'est plus facile
pour gérer le budget. Il y a eu engagement de la part de Monsieur.

Concernant l’accès au droit avec l’obtention du chèque énergie :

Le contrat étant au nom de sa défunte mère, j’ai sensibilisé Monsieur que, pour qu'il puisse en
bénéficier, il devait mettre le contrat à son nom. J’ai fait preuve d’empathie, en effet enlever
le nom d’une facture peut être une étape difficile pour personne endeuillée même des années
après.

Concernant la réduire la consommation :

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Orientation auprès d’SPL Horizon, dispositif gratuit de diagnostic énergétique. Monsieur a
reçu des conseils pour mettre en place des éco-gestes et des informations concernant le
dispositif agir + d’EDF, cependant Monsieur n’est pas éligible tant que sa situation foncière
n’est pas régularisée.

J’en arrive à mon avant dernière partie, à savoir comment la personne s’est saisie de
l’accompagnement social que je vous ai présenté.

IV) Comment la personne s’est saisie de l’accompagnement social

Au niveau de son tempérament/comportement :


● Monsieur a annulé plusieurs entretiens, selon ces dires, il est débordé lorsque ces
enfants viennent en week-end chez lui. La charge mentale de Monsieur semble être
exacerbée à l’approche et au départ de ses adolescents.
● Par ailleurs, il arrivait à Monsieur de se mettre en colère, lorsque j’insistais sur
l'importance du paiement de ses factures ou encore que je proposais de réduire le
poste de dépense télévision pour lequel il y a 2 décodeurs différents (90€/mois) et 1
mois plus tard il dit envisager d’en résilier un. Celà m’a interrogé sur sa temporalité.
● Au début de l’accompagnement, Monsieur n’ouvrait pas ses courriers, il semblait se
protéger de cette situation qui paraît anxiogène pour lui. Au fil des entretiens, j’ai vu
évoluer son non-verbal, en passant d’un visage jovial à des traits tirés lorsqu’il avait
effectué des démarches auprès de ces créanciers. Cela m’a interrogé sur le fait que sa
procrastination serait peut-être un mécanisme de fuite pour occulter la réalité qui
est angoissante.

Au niveau budgétaire :
Monsieur a montré des ambivalences entre ses propos et ses actes. Dans ses dires, il était
proactif pour la régularisation de sa dette et dans les faits il ne respectait pas les échéances du
plan d’apurement.
Cette situation me questionnait concernant son adhésion à l'accompagnement, son projet de
vie ou encore par rapport à ma posture et mon positionnement professionnelle.

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V) Analyse de mon positionnement professionnel

Au début de l’accompagnement, mon positionnement a été de mettre en place une


posture d’alliance entre Monsieur et moi-même, afin d’éviter qu’il se braque dû à
l'anxiété provoquée par son endettement. Le but étant d’accompagner Monsieur à son
rythme vers son autonomie budgétaire et administrative.

Par la suite, mon positionnement a été d’entretenir ce lien de confiance, de comprendre sa


psychologie et ses réactions afin de pouvoir lui proposer des alternatives. J’ai privilégié une
posture de faire avec pour permettre à Monsieur de se réapproprier sa vie.

Pour terminer, mon positionnement a été de faire preuve de plus de fermeté afin de mettre
Monsieur face à ses responsabilités, cependant je laissais toujours une fenêtre avec une main
tendue. J’ai constamment fait preuve de bienveillance en prenant en compte sa temporalité.

Cependant, au vu du manque d’adhésion de Monsieur, de sa souffrance psychosociale et de


l’atteinte mitigé des objectifs contractualisés, j’ai décidé, au terme de l’accompagnement,
de ne pas reconduire la mesure épicerie mais de l’orienter vers un Point Conseil Budget, plus
adapté à ses problématiques.

Conclusion :

L’accompagnement social de Monsieur, premier bénéficiaire de l’épicerie sociale


itinérante, a été complexe et formateur. Cet accompagnement a fait émerger un certain
nombre de questionnements concernant ma posture et mon positionnement.

- Comment poser un cadre sans braquer la personne accompagnée ?

- La différence d’âge entre la personne accompagnée et moi même, de plus avec ma


situation d’apprenante n’est-elle pas un frein ?

- Comment rebondir lorsque la personne dit ne pas avoir assez de ressources pour payer
ce qu’elle doit ?

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Pour conclure, voici une phrase que Monsieur a déclaré au cours de ma première visite à
domicile : “Madame, que voulez-vous que je paye avec 500 € par mois ? ”.

Il est vrai, 500 € par mois c’est peu pour vivre, c’est une réalité.

Au temps de l’État providence, je me suis alors demandée si le travail était un devoir ou bien
un droit ?

Et bien, le droit est inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946 et dans la


Constitution de 1958 : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi".

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