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Université Abderrahmane Mira de Bejaia

Faculté des Sciences Humaines et Sociales


Département des Sciences Sociales

MÉMOIRE DE FIN DE CYCLE


En vue de l’obtention du diplôme de Master en Psychologie
Option : Psychologie Clinique

THÈME :
La Dynamique Familiale des
Patients Schizophrènes

Réalisé par : Encadré par :


DJENANE Nardjesse BENAMSILI Lamia
KARED Sara

Année Universitaire : 2017 / 2018


Remerciements
_______________________

D’abord, nous tenons à témoigner de notre immense reconnaissance à notre


encadreur, madame HADERBACHE Lamia. Nous la remercions pour sa
présence avisée, sa disponibilité à toute épreuve et ses incroyables efforts à
l’égard de notre travail. Une mention spéciale pour ses mails pertinents,
source d’encouragements, est sans nul doute de rigueur.

Nous remercions ensuite les membres du jury de nous faire l’honneur


d’évaluer ce travail et d’y apporter leurs avis éclairés.

Nos remerciements s’adressent également à l’ensemble du personnel de


l’établissement où a eu lieu notre recherche, le CHU - Frantz Fanon de
Béjaïa. Merci au professeur du service psychiatrique, ADJA El Hamid, de
nous avoir accueillies, guidées et rassurées quand il le fallait et puis
surtout, d’avoir ouvert pour nous les portes de sa bibliothèque ! Merci aux
docteurs ABASSI Amel et TIZI Dalila pour leur apport savant en ce qui
concerne l’approche systémique. Merci également aux docteurs DJILALI
Aissa et ALI PACHA Nadjib pour leur attention et leurs enseignements.
Nous remercions aussi le Chef de service, BOUGUETTAYA Nabila, pour
son aide, sa confiance et son autorité bienveillante.

Un merci, et non des moindres, aux patients et familles qui ont bien voulu
s’investir dans la recherche et nous ont accordé de leur précieux temps.

Enfin, merci à l’homme aux chats, qui se reconnaitra, pour ses précieux
bons offices.

Bref, à tous les intervenants, de près ou de loin, merci.


Dédicaces
_______________________

A nos familles.

DJENANE Nardjesse,

KARED Sara.
SOMMAIRE

Introduction……………………………………………………........1

PARTIE THEORIQUE

CHAPITRE I : Schizophrénie
Préambule..............................................................................................................7

1) Historique de la schizophrénie....................................................................7
2) Définition de la schizophrénie..................................................................10
3) Sémiologie de la schizophrénie................................................................12
4) Diagnostic de la schizophrénie.................................................................14
5) Formes cliniques fréquentes de la schizophrénie.....................................17
6) Epidémiologie de la schizophrénie...........................................................21
7) Développement et évolution de la schizophrénie.....................................23
8) Etiopathogénie de la schizophrénie..........................................................25
9) Traitements de la schizophrénie...............................................................29
10) Institution psychiatrique..........................................................................32

Synthèse.............................................................................................................35

CHAPITRE II : Dynamique Familiale


Préambule............................................................................................................37

I) Le groupe
1) Définition du groupe................................................................................38
2) Différentes formes de groupes.................................................................40
3) Caractéristiques du groupe.......................................................................42
II) La dynamique du groupe
1) Définition de dynamique des groupes......................................................44
2) Etude des groupes en sciences sociales....................................................45
SOMMAIRE

III) La famille
1) Historique de la famille............................................................................50
2) Définition de la famille............................................................................53
3) Typologie de la famille............................................................................58
4) Fonctions de la famille.............................................................................59
5) Caractéristiques de la famille algérienne.................................................61
6) Maladie mentale dans la famille..............................................................62
7) La famille algérienne face à la maladie mentale.....................................64
IV) La dynamique familiale
1) Historique de la dynamique familiale.....................................................66
2) Définition de la dynamique familiale......................................................69
3) Approches théoriques de la dynamique familiale....................................71
4) Typologie de la dynamique familiale......................................................77
5) Outils évaluant la dynamique familiale...................................................80
6) Dynamique familiale et maladie mentale................................................84

Synthèse..............................................................................................................87

Problématique et Hypothèse............................................................89

PARTIE PRATIQUE

CHAPITRE III : Méthodologie de la Recherche


Préambule..........................................................................................................101

1) Méthode utilisée dans la recherche.........................................................101


2) Lieu de recherche....................................................................................105
3) Groupe de recherche...............................................................................106
4) Outils de recherche.................................................................................108
5) Déroulement de la recherche..................................................................117
6) Limites et difficultés de la recherche......................................................124

Synthèse............................................................................................................124
SOMMAIRE

CHAPITRE IV : Présentation, Analyse et Discussion des Résultats


Préambule……………………………………………………………………..127

I) Présentation et analyse des résultats


CAS N°1 Lucrèce Borgia / Famille Borgia….........................................127
CAS N°2 Bill Gates / Famille Gates.......................................................139
CAS N°3 Sweeney Todd / Famille Todd................................................149
CAS N°4 Charles Darwin / Famille Darwin...........................................159
CAS N°5 Branwel Brontë / Famille Brontë............................................169
CAS N°6 Alfred Douglas / Famille Douglas..........................................174
II) Discussion des résultats de la recherche.............................................181

Synthèse............................................................................................................186

Conclusion.........................................................................................188

Liste bibliographique......................................................................193

Annexes
Liste des tableaux

N° du Tableau Titre Page

Tableau récapitulatif des familles


Tableau N°1 enchevêtrées et des familles 80
désengagées.

Caractéristiques du groupe de
Tableau N°2 106
recherche.

Tableau N°3 Tableau récapitulatif des résultats 186


Liste des figures

N° de la Figure Titre Page


Génogramme du Cas N°1, la
Figure N°1 136
famille Borgia.

Génogramme du Cas N°2, la


Figure N°2 147
famille Gates.
Génogramme du Cas N°3, la
Figure N°3 156
famille Todd.
Génogramme du Cas N°4, la
Figure N°4 167
famille Darwin.

Génogramme du Cas N°5, la


Figure N°5 173
famille Brontë.

Génogramme du Cas N°6, la


Figure N°6 179
famille Douglas.
Liste des annexes

N° de l’annexe Titre

Annexe N°1 Guide d’entretien semi-directif.

Annexe N°2 Iconographie du génogramme.

Annexe N°3 Clé de lecture du génogramme.


Liste des abréviations
- APA : American Psychiatric Association (Association
américaine de psychiatrie).

- CHU : Centre Hospitalo-Universitaire.

- CIM : Classification Internationale des Maladies.

- DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders


(Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).

- EE : Expressed Emotions (Emotions Exprimées).

- FMSS : Five Minutes Speech Sample (Discours de cinq minutes).

- OMS : Organisation Mondiale de la Santé.


Introduction

C’est un fait ; la schizophrénie trouve foyer dans toutes les cultures, toutes
les classes sociales, partout dans le monde. L’Algérie ne déroge pas à la règle et
abrite, elle aussi, son lot de personnes touchées. Il n’empêche que, cette maladie
à portée planétaire, reste pourtant, et ce jusqu’à nos jours, très méconnue, voire
mal interprétée et mal vue. Dans la culture populaire on la confond même, à tort,
et souvent, avec les troubles de dédoublements de la personnalité. La maladie
n’étant pas comprise et encore moins admise, la personne schizophrène doit, en
plus de faire face à ses conflits intérieurs, affronter le regard décontenancé de la
société. Chose d’autant plus délicate dans une société telle que la notre, où
foisonnent préjugés, superstitions, analphabétisme et convictions religieuses.

Ainsi, lorsqu’on se rapproche de ce personnage, lui qui est affecté dans sa


manière de penser, de ressentir, de percevoir et de se comporter, trouvant des
difficultés à raisonner clairement, à faire la différence entre ce qui est réel et ce
qui ne l’est pas, à contrôler ses émotions, à prendre les bonnes décisions et à
entretenir des relations avec les autres, l’on peut aisément en imaginer l’impact
sur sa vie sociale, en général, et sur sa vie de famille, en particulier.

Du reste, le schizophrène, le malade mental ou plus communément appelé


fou, peut être perturbateur et considéré comme élément de honte et source de
déshonneur pour sa maisonnée dans une société où les apparences et le paraître
prédominent. Dans un autre cas de figure, c’est la famille, qui au lieu de blâmer
le malade, soupçonne être, elle-même la racine du problème et se questionne sur
sa culpabilité vis-à-vis de la situation de handicap dont souffre son parent
schizophrène. Par ailleurs, ce serait vraisemblablement les relations perturbées
dans la famille qui engendreraient la schizophrénie, ou à l’inverse, les relations
chaotiques dans la famille qui résulteraient du fardeau que constitue le fait de
vivre avec un proche schizophrène. Aujourd’hui, il est plutôt question de voir la

1
Introduction

famille comme un acteur actif, un partenaire de soin et donc une source non
négligeable.

Aussi, et dans le cadre de nos études en Master de Psychologie Clinique,


nous avons eu la possibilité d’effectuer un stage pratique au service
psychiatrique du CHU - Frantz Fanon de Béjaïa ; service de soins spécialisés qui
accueille une population spécifique dont la problématique générale inclut
maladie mentale et notion de dangerosité psychiatrique. La majorité des patients
rencontrés en ces lieux présentent des troubles psychotiques dont la forme la
plus grave se trouve être la schizophrénie. Comme relaté plus haut, ledit trouble,
pourtant très répandu, demeure méconnu et obscur et nous avons été très
interpellées par les représentations, jugements et négligences manifestés envers
les personnes schizophrènes d’une part et leurs familles de l’autre. Toutefois,
très peu de recherches en psychologie clinique portent sur les familles de
schizophrène en Algérie ; nous nous sommes donc modestement penchées sur la
question. Notre travail de recherche s’est alors intéressé aux patients hospitalisés
et leurs familles respectives à dessein de cerner la dynamique familiale
spécifique aux malades atteints de schizophrénie. Nos objectifs ont dès lors été
de connaitre, comprendre et décrire le fonctionnement des familles de patients
schizophrènes. Nous avons voulu mettre la famille et le malade sur un seul et
même plan de telle manière à déceler et observer le dérèglement qui survient
chez la famille de schizophrène suite à la souffrance de leur proche du fait
qu’elle puisse elle-même souffrir ou être vecteur de souffrance. Pareillement, la
souffrance individuelle du patient risque la modification de choses relevant du
fonctionnement groupal familial. En effet, La famille n’est autre que le groupe
primaire dans lequel l’être humain est plongé au commencement de son
existence. C’est aussi un lieu où des liens se tissent ; les relations, et les
interactions qui s’y produisent font de la famille un objet dynamique. Lorsque
cette dynamique familiale est apparentée à un membre souffrant, celui-ci

2
Introduction

représente le symptôme de sa famille. La souffrance psychique née de ce


mécanisme devient envahissante et occupe tout l’espace relationnel de la famille,
ces interactions pathogènes empêchent celui qui en est victime d’y faire face et
peut même altérer tout le système familial.

Le travail a en conséquence eu lieu auprès d’un groupe de recherche


constitué de 6 cas, soient 6 patients schizophrènes et leurs familles respectives
sous les regards et conseils avisés des spécialistes du service psychiatrique. Bien
que nous souhaitions réunir la famille proche au complet pour les entrevues
groupales, nous avons dû nous contenter de travailler uniquement avec deux ou
trois membres de la famille de chaque patient ; membres par qui nous avons
tenté d’obtenir le maximum d’informations concernant leurs modes de vie, leurs
relations et interactions avec le malade ainsi que le statut et les rôles de chacun
au sein de la famille. Pour ce faire, nous avons privilégié l’approche systémique
en raison de son pouvoir d’unification et d’intégration (sans pour autant négliger
les précieuses contributions des autres approches) et adopté le jargon des
psychiatres, influencées par le lieu. Dans ce sens et dans la continuité de nos
lectures sur le sujet, nous avons retenu comme indicateurs de la dynamique
familiale à estimer la notion de communication sous forme de langage ou en
terme de comportements, notant que la communication est un élément essentiel
à l’interaction et donc à la dynamique familiale ; aussi la notion des Emotions
Exprimées, concept particulier désignant l’ensemble des attitudes des proches
vis-à-vis du malade et dont l’outil de mesure permettrait d’évaluer le climat
émotionnel régnant entre un sujet et un membre de sa famille.

Pour collecter les données convoitées auprès des participants, nous nous
sommes aidées de trois outils, soient : l’entretien, le génogramme, et le Five
Minutes Speech Sample. Ces outils ont été choisis du fait de leur capacité à
recueillir une masse d’informations conséquente permettant d’étudier le
fonctionnement familial en profondeur et de manière exhaustive. De même, ils

3
Introduction

donnent la possibilité aux participants (le malade et sa famille) d’exprimer


librement leurs idées et ressentis et nous offre, à nous autres, celle
d’appréhender l’univers relationnel des patients à travers des indicateurs
cliniques et opérationnels.

Ce mémoire porte donc sur la dynamique familiale des schizophrènes. Et


comporte naturellement les deux parties fondamentales de tout mémoire, à
savoir : les parties théorique et pratique. La première, regroupe deux chapitres ;
l’un portant sur la schizophrénie, l’autre sur la dynamique familiale. Dans le
premier chapitre : un historique de la schizophrénie, ses définitions, la
sémiologie, le diagnostic, ses formes, l’épidémiologie, l’évolution,
l’étiopathogénie, et les modalités de prise en charge thérapeutique. Dans le
deuxième : une partie sur le groupe, ses formes et ses caractéristiques ; une autre
sur la dynamique du groupe et son étude en sciences sociales ; celle concernant
la famille et ses fonctions, notamment la famille algérienne face à la maladie
mentale ; et enfin, une partie détaillant la dynamique familiale dont ses types et
les notions conceptuelles qui lui sont liées. S’en suit alors notre problématique
de recherche et les hypothèses soumises. Dans la deuxième partie, relative à
l’aspect pratique de la recherche, nous avons inséré deux chapitres dont l’un est
celui de la méthodologie employée pour la recherche qui introduit la méthode
utilisée soit : la méthode clinique qualitative ; les outils d’investigation
appliqués durant l’enquête soient : le guide d’entretien, le génogramme, et le
Five Minutes Speech Sample ; et la présentation du groupe et du lieu de
recherche. Notre quatrième et dernier chapitre, en deux parties, est quant à lui
consacré à la présentation des résultats et leur analyse en premier lieu, puis à la
discussion des hypothèses, en second. Nous terminons, enfin, par une conclusion,
la liste bibliographique et les annexes.

4
PARTIE
THEORIQUE
Chapitre I
Schizophrénie
CHAPITRE I Schizophrénie

Préambule

Le champ des schizophrénies est sans doute l’un des plus explorés en
psychiatrie. Et le nombre d’articles concernant cette maladie est considérable.

La gravité de la schizophrénie concerne essentiellement son évolution


fréquente vers un déficit cognitif et une baisse des performances professionnelles
et sociales. Généralement chronique, elle engendre des répercussions non-
négligeables du côté individuel du patient mais aussi du côté familial de ce dernier.

Dans ce premier chapitre, consacré à ce trouble mental, nous allons exposer :


un historique de la schizophrénie, quelques définitions et sémiologie. Ainsi que le
diagnostic de la maladie et ses formes cliniques les plus fréquentes. Nous
aborderons aussi son épidémiologie, son évolution, et son étiopathogénie. Enfin,
nous verrons les traitements, l’institution psychiatrique et la schizophrénie en
Algérie.

1) Historique de la Schizophrénie

Dès l’Antiquité, les médecins, penseurs et philosophes grecques et romains,


semblaient reconnaître l'origine physiologique de la maladie mentale. En effet, tant
Pythagore que Socrate, Platon et Cicéron, reconnaissent le cerveau comme étant le
siège de l'intelligence humaine. Cicéron ajoutera même qu'il est inutile de blâmer
les dieux pour les problèmes de santé mentale des humains : « L'homme est le seul
responsable de son comportement, qu'il soit normal ou morbide », écrivit-il.

Le Moyen Âge allait marquer une nouvelle ère. Aux questions soulevées par
les guerres, les grandes épidémies, la pauvreté et toutes les misères qui pouvaient
se présenter, une nouvelle réponse s'était imposée : la religion. Seule compte la foi.
C'est ainsi que le psaume 53 reprend du gallon. « Le fou est celui qui dit en son
cœur que Dieu n'existe pas ». Les maladies mentales sont considérées surtout

7
CHAPITRE I Schizophrénie

comme une punition faisant suite à un ou plusieurs péchés graves ou à des


désordres moraux commis par le patient même, un membre de sa proche famille,
ou ses ancêtres. Et pour les traitements, l'exorciste est appelé bien plus souvent que
le médecin.

Sous l’Ancien Régime, quelques places étaient réservées dans les hôpitaux
pour les « fous », mais le caractère pathologique de leur état n’était pas encore
reconnu. Il fallu attendre la Révolution française pour que, sous l’influence de
Philippe Pinel, ces malades fussent confiés aux médecins. (Sillamy, 2003, p.211)

En 1860, l’aliéniste Morel signale un groupe de déments « frappés de stupidité


dès leur jeune âge ». Hecker va donner la description complète de cette forme dite
hébéphrénie ; Kahlbaum va ensuite décrire une forme dans laquelle prédomine des
troubles psychomoteurs : la catatonie. En 1899, Kraeplin regroupe ces syndromes
qu’il appelle démence précoce.

Mais c’est à Bleuler que nous devons le concept et le nom de schizophrénie


depuis 1911 (grec skhizein, fendre, et grec phrên, esprit). (Gofryd, 1994) « Je
nomme démence précoce, schizophrénie parce que, comme j’espère le démontrer,
la dislocation (allem. Spaltung) des diverses fonctions psychiques est un de ses
caractères les plus importants. Pour la commodité, j’emploie le mot au singulier
bien que le groupe comprenne vraisemblablement plusieurs maladies. » (Bleuler,
1911) Dès lors, des termes nouveaux vont être créés pour mettre l’accent sur le
trouble fondamental de ce syndrome, à savoir la « coupure » dans le
fonctionnement de l’esprit : dissociation, scission, dislocation (Bleuler),
discordance (Chaslin). (Gofryd, 1994)

L’apparition dans les années 1950 des classifications internationales a permis


d’homogénéiser les diagnostics.

8
CHAPITRE I Schizophrénie

Dans les années 1970, la discordance des diagnostics a été mise en lumière par
une première étude WHO comparant les diagnostics posés sur les mêmes entretiens
par les anglais et les américains. On s’est alors efforcé de fixer des critères
communs pour diminuer la variabilité de diagnostic d’un pays à l’autre. (Cooper &
etc, 1972; Mura, Petretto, Bhat, & Carta, 2012)

Au début des années 1980, Crow définit une forme positive de la


schizophrénie, ou syndrome de type I, et une forme négative de celle-ci, ou
syndrome de type II. Le terme syndrome est préféré à celui de maladie afin
d’indiquer que les deux syndromes peuvent subvenir séquentiellement ou en même
temps (Crow, 1980). (Besche-Richard, Bungener, 2002)

En 1988, Gurling incrimine le mauvais fonctionnement d’un ou de plusieurs


gènes situés sur le chromosome n°5. Certains croient qu’il pourrait s’agir de
séquelles d’encéphalite, mais on ne trouve pas de lésions spécifiques de la
schizophrénie. Freud note la fréquence de tendances homosexuelles inconscientes ;
d’autres invoquent la mauvaise qualité du lien interhumain par suite d’une carence
affective précoce ou de l’attitude castratrice d’une mère abusive, etc. La
schizophrénie évolue tantôt par poussée, tantôt d’une façon continue. Elle est
sensible aux neuroleptiques et la clozapine (Kane, 1988). (Sillamy, 2003, p.240)

Les fondements sur lesquels repose l’idée que la schizophrénie est une maladie
clairement définie ont en effet été sévèrement ébranlés. (Murray, 2016) Dans la
lignée des réflexions sur le concept de trouble du spectre autistique, l’idée que la
psychose (typiquement caractérisée par des expériences hallucinatoires
éprouvantes, des idées délirantes, des pensées confuses) puisse exister sur un
continuum et à différents degrés est actuellement en discussion. La schizophrénie
est alors décrite comme étant l’extrémité du spectre ou d’un continuum de
symptômes. (Van Os, Linscott, Myin-Germeys, Delespaul, Krabbendam, 2009)

9
CHAPITRE I Schizophrénie

Jim Van Os, professeur de psychiatrie à l’université de Maastricht (Pays-Bas),


estime que nous ne pouvons pas changer notre façon de penser la maladie sans
changer notre vocabulaire. Aussi, il propose que le terme schizophrénie soit
supprimé. (Guloksuz, Van Os, 2018) Il suggère de le remplacer par le concept de
trouble du spectre de la psychose.

Ce qu’on appelle spectre de la schizophrénie correspond à la notion d’un


continuum allant des formes de la schizophrénie décrites ci-dessous à des troubles
moins sévères ou mineurs qu’on peut désigner comme troubles de la personnalité
apparentés à la schizophrénie. Ces troubles apparentés ne le sont pas seulement du
point de vue de la symptomatologie, mais aussi parce qu’ils se rencontrent plus
fréquemment chez les membres de famille d’un patient schizophrène, de sorte
qu’on suppose qu’ils partagent des facteurs étiologiques, surtout génétiques, avec
la schizophrénie. (De Perrot, Weyeneth, 2004)

Ainsi nous retrouvons actuellement dans le DSM-5 (2015), regroupé sous le


terme de troubles du spectre schizophrénique : La schizophrénie, le trouble
schizophréniforme, les psychoses réactives brèves (bouffées délirantes aigües), et
enfin les personnalités schizoïde, schizophrénique, et paranoïaque.

2) Définition de la Schizophrénie

Il existe, tout naturellement, plusieurs définitions concernant la schizophrénie


et celles-ci sont disponibles dans tout type d’ouvrages, notamment les
dictionnaires. Nous allons, ici, en relever quelques-unes pour comprendre de quoi
il s’agit exactement.

Le Grand Dictionnaire de la Psychologie (2011) précise au sujet de la


schizophrénie : « (n.f. angl. Schizophrenia) Psychose grave survenant chez l’adulte
jeune, habituellement chronique, cliniquement caractérisée par des signes de
dissociation mentale, de discordance affective et d’activité délirante incohérente,

10
CHAPITRE I Schizophrénie

entraînant généralement une rupture de contact avec le monde extérieur et un repli


autistique. » (Grand Dictionnaire de la Psychologie, 2011, p.820)

“Is this the real life?

Is this just fantasy?”

Queen (1975), Bohemian Rhapsody.

Le Dictionnaire de Psychologie (2003) ajoute que : « Sous le terme de


schizophrénie, on regroupe un ensemble de troubles tels que des idées délirantes
(vol de pensée, par exemple), des hallucinations auditives (une voix commente les
idées du sujet), un raisonnement illogique, l’indifférence affective, l’isolement
social, une conduite étrange (accumuler des ordures, se parler en publique…). » et
que : « La schizophrénie est une maladie universelle.» On apprend aussi que : « Le
schizophrène vit dans un monde archaïque ; ses acquisitions et ses facultés
intellectuelles ne sont pas détériorées de façon irréversible, mais sa pensée suite
une logique qui lui est personnelle, égocentrique, magique. Retranché dans son
univers morbide, il semble inerte et indifférent au monde qui l’entoure ; il vit dans
la solitude de ses rêveries. » (Sillamy, 2003, pp.239-240)

“Dreams are my reality”


Richard Sanderson (1980), Reality.

Par rapport aux symptômes : « Les schizophrénies sont un groupe de psychoses


qui ont en commun un ensemble de troubles dans lesquels dominent la
discordance, l’incohérence idéoverbale, l’ambivalence, l’autisme, les idées
délirantes et les hallucinations mal systématisées, et de plus profondes
perturbations affectives dans le sens du détachement et de l’étrangeté des
sentiments, troubles qui ont tendance a évoluer vers un déficit et une dissociation
de la personnalité. » (Gofryd, 1994, pp.80-81)

11
CHAPITRE I Schizophrénie

3) Sémiologie de la Schizophrénie

Les expressions cliniques de la schizophrénie sont très variées d’un malade à


un autre, et fluctuent avec le temps. Par ailleurs, de très nombreux symptômes ont
été décrits, dont aucun n’est pathognomonique, et qui se combinent de façon très
variable, sans jamais réaliser de tableau clinique complet. (Guelfi, 2007)

Voici les critères diagnostiques pour la schizophrénie du DSM-5 (2015), la 5e


édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

A. Deux (ou plus) des symptômes suivants ont été présents une partie significative
du temps pendant une période d'un mois (ou moins si traités avec succès). Au
moins l'un d'entre eux doit être (1), (2) ou (3) :

1. des idées délirantes ;

2. des hallucinations ;

3. un discours désorganisé (par exemple, fréquent déraillement ou


incohérence) ;

4. un comportement excessivement désorganisé ou catatonique ;

5. des symptômes négatifs (c'est-à-dire, expression émotionnelle diminuée


ou avolition).

B. Pour une partie significative du temps depuis le début de la perturbation, le


niveau de fonctionnement dans un ou plusieurs domaines importants, tels que le
travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels, est nettement en
dessous du niveau atteint avant le début (ou en cas de survenue dans l'enfance
ou l'adolescence, il y a un échec à atteindre le niveau attendu dans le
fonctionnement interpersonnel, scolaire ou occupationnel).

C. Des signes continus de la perturbation persistent pendant au moins 6 mois.


Cette période de 6 mois doit inclure au moins un mois de symptômes (ou moins
si traités avec succès) qui remplissent le critère A (c'est-à-dire, les symptômes
12
CHAPITRE I Schizophrénie

de la phase active) et peuvent inclure des périodes de symptômes prodromiques


(avant-coureurs, précurseurs) ou résiduels. Pendant ces périodes prodromiques
ou résiduelles, les signes de la perturbation peuvent se manifester par des
symptômes négatifs seulement ou par deux ou plus des symptômes énumérés
dans le critère A présents dans une forme atténuée (par exemple, des croyances
bizarres, des perceptions inhabituelles).

D. Le trouble schizoaffectif et le trouble dépressif ou bipolaire avec


caractéristiques psychotiques (idées délirantes, hallucinations ou trouble de la
pensée formelle) ont été écartés parce que soit 1) aucun épisode dépressif
majeur ou maniaque n'a eu lieu en même temps que les symptômes de la phase
active, ou 2) si des épisodes de trouble de l'humeur ont eu lieu pendant les
symptômes d'une phase active, ils ont été présents pour une minorité de la durée
totale des périodes actives et résiduelles de la maladie.

E. La perturbation n'est pas imputable aux effets physiologiques d'une substance


(par exemple, une drogue d'abus, un médicament) ou à une autre condition
médicale.

F. S'il y a des antécédents de trouble du spectre de l'autisme ou d'un trouble de la


communication apparu dans l'enfance, le diagnostic supplémentaire de
schizophrénie est posé uniquement si des idées délirantes ou des hallucinations
prononcées, en plus des autres symptômes requis de la schizophrénie, sont
également présentes pendant au moins 1 mois (ou moins si traitées avec
succès). (DSM-5, 2015, pp.116-117)

Il est à noter également que la schizophrénie diffère entre les deux dernières
éditions du DSM (DSM-VI et DSM-5). Dans le DSM-IV (1994), la schizophrénie
était d’abord présentée comme un mélange de symptômes positifs et négatifs, alors
que, dans le DSM-5 (2015), il n’est jamais question de ces 2 groupes de
symptômes (la notion même de symptômes positifs est totalement ignorée, et
13
CHAPITRE I Schizophrénie

comme on l’a vu précédemment, l’importance des symptômes négatifs a été


minimisée).

Dans le DSM-5, l’accent est en revanche mis sur les troubles cognitifs et les
troubles de l’humeur: il est écrit: « des symptômes affectifs et de véritables
épisodes de trouble de l’humeur sont courants dans la schizophrénie », ce qui
constitue une notion qui non seulement n’était pas présente dans le DSM-IV, mais
aussi contredit les idées classiques sur la schizophrénie (marquée par la froideur et
l’hermétisme – tout le contraire d’un trouble de l’humeur).

Dans le DSM-5, le diagnostic de schizophrénie comporte aussi « la


reconnaissance d’une constellation de signes et de symptômes associés aux déficits
professionnels et au fonctionnement social », et il est écrit que « les personnes
souffrant du trouble varient considérablement pour la plupart des caractéristiques
car la schizophrénie est un syndrome cliniquement hétérogène ». De telles
caractéristiques n’étaient pas présentes dans le DSM-IV.

C’est en réalité toute une conception nouvelle et assez étonnante de la


schizophrénie qui apparaît dans le DSM-5, où l’hétérogénéité considérable, la
constellation de signes et l’importance des symptômes affectifs diluent les contours
de la schizophrénie, qui ne ressemble plus du tout à ses descriptions classiques. On
a supprimé le cœur de la schizophrénie en enlevant les sous-types, on supprime
maintenant ses frontières en lui associant des symptômes affectifs et une
constellation d’autres symptômes. (De Beaurepaire, 2014)

4) Diagnostic de la schizophrénie

« Les fous n’ont pas conscience de leur différence,


ils sont emmurés dans leur souffrance. »

Tarik Taouche (2010), Schyzos, petites histoires de


gens lambda, p.10.

14
CHAPITRE I Schizophrénie

4.1) Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel de la schizophrénie correspond à la phase où le


médecin psychiatre écarte la possibilité d'affections présentant des signes
communs avec la maladie.

Le trouble schizophréniforme ; Il se caractérise par un tableau


symptomatique équivalent à celui de la schizophrénie à l'exception de la durée
(l'affection dure de un à six mois) et l'absence d'exigences d'une dégradation du
fonctionnement.

Le trouble schizoaffectif ; Troubles épisodiques dans lesquels des symptômes


affectifs et des symptômes schizophréniques sont conjointement au premier plan
de la symptomatologie, mais ne justifient pas un diagnostic ni de schizophrénie, ni
d’épisode dépressif ou maniaque. (CIM-10, 2012, p.185)

Le trouble délirant ; Trouble caractérisé par la survenue d’une idée délirante


unique ou d’un ensemble d’idées délirantes apparentées, habituellement
persistantes, parfois durant toute la vie. Le contenu de l’idée ou des idées délirantes
est très variable. La présence d’hallucinations auditives (voix) manifestes et
persistantes, de symptômes schizophréniques tels que des idées délirantes
d’influence ou un émoussement net des affects, ou la mise en évidence d’une
affection cérébrale sont incompatibles avec le diagnostic. Toutefois, la présence
d’hallucinations auditives, en particulier chez les sujets âgés, survenant de façon
irrégulière ou transitoire, ne permet pas d’éliminer ce diagnostic, à condition qu’il
ne s’agisse pas d’hallucinations typiquement schizophréniques et qu’elles ne
dominent pas le tableau clinique. (CIM-10, 2012, p.185)

Le trouble psychotique bref ; Il est une affection psychotique qui dure plus
d'un jour et disparaît en moins d'un mois.

15
CHAPITRE I Schizophrénie

Le trouble psychotique partagé ; Il est une affection qui se développe chez


une personne sous l'influence d'une personne qui présente des idées délirantes
avérées de contenu similaire.

4.2) Diagnostic positif

Le diagnostic s’établit autour de trois axes principaux : le délire (encore appelé


symptômes positifs), la dissociation et le repli autistique (ou symptômes négatifs).

Le délire ; est qualifié de paranoïde (à ne pas confondre avec paranoïaque),


c'est-à-dire que ses thèmes et ses mécanismes sont polymorphes. Il n’est pas
organisé, à l’inverse des délires paranoïaques qui sont très bien construits (par
exemple dans le délire de jalousie paranoïaque, le patient interprétera le
changement de parfum de sa femme, le passage d’une voiture devant sa maison ou
encore le coup de fil tardif d’un inconnu comme des preuves de l’infidélité de son
épouse ; à l’inverse, dans le délire paranoïde, il n’y a pas d’explication construite,
les hallucinations peuvent être à la fois persécutrices, mégalomaniaques,
mystiques…). (Lim-Sabbah, 2010)

La dissociation ; se défit quand la pensée, l’acte et l’affect ne sont plus reliés


harmonieusement (par exemple, dire en souriant que sa mère est morte et qu’on
l’aime beaucoup…). On parle alors de discordance au niveau clinique. Le
syndrome dissociatif s’observe à plusieurs niveaux :

Au niveau de la pensée : barrage (le patient s’arrête de parler brutalement au


milieu d’une phrase), fading (le débit verbal du patient diminue progressivement
pour s’arrêter), pensée floue, hermétique (par exemple, discours pseudo-
philosophique sans queue ni tête…), illogique, voire paralogique (interventions de
théories abracadabrantes…). Tout cela entrave les capacités cognitives du patient ;

Au niveau du langage : néologisme (formation de mots inventés), voire néo-


langage (langage inventé) ;
16
CHAPITRE I Schizophrénie

Au niveau des affects : vide ou ambivalence (coexistence de deux émotions


contraires, par exemple la joie et la tristesse) ;

Au niveau psychomoteur : bizarrerie du comportement (maniérisme, aspect


pseudo-effeminé), stéréotypies (répétitions de gestes, postures), voire syndrome
catatonique (le patient ressemble à un statut de cire, immobile). (Lim-Sabbah,
2010)

Le repli autistique ; traduit la perte de contact avec la réalité extérieure. Et se


manifeste par un détachement, une perte d’intérêt, une absence d’initiative, un
retrait de la vie sociale. (Lim-Sabbah, 2010)

5) Formes cliniques fréquentes de la schizophrénie

Les psychiatres distinguent plusieurs formes de schizophrénie. Mais ici, seules


les formes jugées fréquentes sur le terrain seront présentées :

5.1) Schizophrénie paranoïde

Elle est classiquement reconnue comme la forme la plus fréquente et la plus


« floride » (ou productive) du point de vue symptomatique, et le délire paranoïde
s’y trouve au premier plan. La schizophrénie paranoïde semble survenir plus
tardivement que les autres formes et s’installe souvent dans les suites d’un, ou
plusieurs, accès délirants aigus. Cette forme répond le mieux aux traitements
neuroleptiques et évolue habituellement par poussées d’exacerbation délirante
alternant avec des phases de rémission partielle au cours desquelles la
symptomatologie résiduelle peut être plus ou moins bien jugulée par le traitement
psychotrope. (Haouzir, Bernoussi, 2010) En l’absence de traitement ou en cas de
résistance, l’évolution se fait vers un appauvrissement du délire, avec apparition du
repli autistique. (Gasman, Allilaire et autres, 2009)

17
CHAPITRE I Schizophrénie

La schizophrénie paranoïde se caractérise essentiellement par la présence


d’idées délirantes relativement stables, souvent de persécution, habituellement
accompagnées d’hallucinations, en particulier auditives, et de perturbations des
perceptions. Les perturbations des affects, de la volonté et du langage, de même
que les symptômes catatoniques, sont soit absents, soit relativement discrets.
(CIM-10, 2012)

5.2) Schizophrénie hébéphrénique

Il s’agit de la deuxième forme clinique la plus fréquente. (Gasman, Allilaire et


autres, 2009) Initialement décrite par Hecker (élève de Kahlbaüm), elle
représenterait 20% des formes de schizophrénies et semble sensiblement
correspondre cliniquement aux démences précoces de Kraepelin. Elle débute chez
le sujet jeune ou l’adolescent (et doit son nom à Hébé, déesse grecque de la
jeunesse). (…) Les formes hébéphréniques répondent mal aux traitements
neuroleptiques et évoluent progressivement de façon « insidieuse », des phases
d’exacerbation pouvant toutefois venir compliquer l’évolution clinique. (Haouzir,
Bernoussi, 2010)

Cette forme de schizophrénie est caractérisée par la présence au premier plan


d’une perturbation des affects. Les idées délirants et les hallucinations restent
flottantes et fragmentaires, le comportement est irresponsable et imprévisible ; il
existe fréquemment un maniérisme. L’humeur est superficielle et inappropriée. La
pensée est désorganisé et le discours incohérent. Le trouble entraine fréquemment
un isolement social. Le pronostic est habituellement médiocre, en raison de
l’apparition précoce de symptômes « négatifs » concernant, en particulier, un
émoussement des affects et une perte de la volonté. En principe, le diagnostic
d’hébéphrénie doit être réservé à des adolescents et des adultes jeunes. (CIM-10,
2012)

18
CHAPITRE I Schizophrénie

5.3) Schizophrénie catatonique

Cette forme semble correspondre a une partie seulement des catatonies


décrites initialement par Kahlbaum. Fréquente au début de XXe siècle, elle semble
être devenue exceptionnelle actuellement. (…) Le pronostic évolutif de ces formes
est le plus péjoratif de toutes les schizophrénies ; et, bien que, rares, elles peuvent
dans certains cas exceptionnels évoluer vers le décès du patient (formes létales
décrites par Stauder en 1934 avant l’avènement des neuroleptiques), dans un
tableau d’hypertension majeure (dépassant des tensions systoliques de 22 mm de
Hg) d’hyperthermie sévère (supérieure à 41°c) et d’agitation extrême. Ces tableaux
sont cliniquement proches du syndrome malin des neuroleptiques (cf. infra).
(Haouzir, Bernoussi, 2010)

La schizophrénie catatonique se caractérise essentiellement par la présence de


perturbations psychomotrices importantes pouvant alterner d’un extrême à un
autre : hyperkinésie ou stupeur, obéissance automatique ou négativisme. Des
attitudes imposées ou des postures catatoniques peuvent être maintenues pendant
une période prolongée. La survenue d’épisodes d’agitation violente est
caractéristique de ce trouble. Les manifestations catatoniques peuvent
s’accompagner d’un état oniroïde (ressemblant à un rêve) comportant des
expériences hallucinatoires intensément vécues. (CIM-10, 2012)

5.4) Schizophrénie simple

Décrit initialement par Berze, reprise par Bleuler, son existence est discutée.
Elle se caractériserait par une installation progressive et insidieuse d’un
affaiblissement intellectuel et affectif, une perte de la volonté, une diminution des
capacités à travailler et à veiller sur ses propres besoins, évoluant vers un
abêtissement. L’existence de cette forme fut discutée par Bleuler lui, voyant dans
sa constitution plus un intérêt théorique que clinique. Aujourd’hui, le débat reste
encore ouvert et certaines cliniques contestent le rattachement de ces tableaux
19
CHAPITRE I Schizophrénie

cliniques à un sous-type de schizophrénie. Beaucoup regrettent, en raison de la


discrétion, voir de l’absence des symptômes, Les mésusages qui ont été faits de
diagnostic à des fins non médicales (schizophrénie torpide). (Haouzir, Bernoussi,
2010)

Trouble caractérisé par la survenue insidieuse et progressive de bizarreries du


comportement, d’une impossibilité à répondre aux exigences de la société et d’une
diminution globale des performances. La survenue des caractéristiques
« négatives » de la schizophrénie résiduelle (par exemple un émoussement affectif
et une perte de volonté, etc.) n’est pas précédée d’un quelconque syndrome
psychotique manifeste. (CIM-10, 2012)

5.5) Schizophrénie indifférenciée

Etats psychotiques répondant aux critères généraux de la schizophrénie, mais


ne correspondant à aucune des formes cliniques décrites schizophrénie –
schizophrénie catatonique, ou répondant simultanément aux critères de plusieurs
de ces formes, sans prédominance nette d’un groupe déterminé de caractéristiques
diagnostiques. (CIM-10, 2012) La démarche diagnostique de la CIM-10 est
superposable, la schizophrénie indifférenciée répondant aux critères de
schizophrénie mais ne pouvant être classée comme aucune des formes cliniques
précédemment décrites. (Haouzir, Bernoussi, 2010)

5.6) Schizophrénie résiduelle

Stade chronique de l’évolution d’une maladie schizophrénique, avec une


progression nette à partir du début jusqu’à un stade tardif caractérisé par des
symptômes « négatifs » durables, mais pas obligatoirement irréversibles, par
exemple ralentissement psychomoteur, hypoactivité, émoussement affectif,
passivité et manque d’initiative, pauvreté de la quantité et du contenu du discours,
peu de communication non verbale (expression faciale, contact oculaire,

20
CHAPITRE I Schizophrénie

modulation de la voix et gestes), manque de soins apportés à sa personne et


performances sociales médiocres. (CIM-10, 2012)

Cette catégorie associe d’un point de vue évolutif de la maladie, la persistance


de symptômes négatifs, en l’absence d’idées délirantes manifestes, d’hallucination,
de discours ou de comportement désorganisé ou catatonique. La catégorie
diagnostique de schizophrénie résiduelle de CIM-10 s’inscrit dans le même registre
sémiologique ; dans un contexte évolutif, d’« une prédominance de symptômes
négatifs durables mais pas obligatoirement irréversible ». En pratique clinique
courante, ce diagnostic n’est pas souvent porté. (Haouzir, Bernoussi, 2010)

6) Epidémiologie de la schizophrénie

L’intérêt de l’épidémiologie des schizophrénies est multiple. C’est


probablement un des meilleurs outils pour générer des hypothèses et modèles
étiopathogéniques. Ensuite, la connaissance de la distribution des cas dans la
population fournit des éléments pour une meilleure allocation des ressources.
Enfin, la connaissance des facteurs de risque individuels et populationnels ouvre la
voie pour des mesures de prévention ciblées ou généralisées.

La prévalence : est estimée à environ 1% de la population générale, mais les


chiffres observés peuvent varier selon les critères diagnostiques utilisés et les
populations étudiées (O.M.S., 1986). Ces chiffres sont probablement le reflet de
l’association d’authentiques variations de prévalence (dont la cause nous échappe à
l’heure actuelle) et d’artefacts méthodologique.

L’incidence : L’analyse de vingt-six études européennes évalue l’incidence des


schizophrénies entre 0.2 et 0.6 pour mille (O.M.S., 1986).

Des auteurs rapportent une diminution de cette incidence sur ces dernières
décennies, ce qui pourrait être attribué à différents biais méthodologiques

21
CHAPITRE I Schizophrénie

(changement des procédures diagnostiques, facilitation de l’accès aux soins,


fermeture des lits hospitaliers…).

Les caractéristiques liées au sexe : Les données de la littérature concernant les


différences sex-ratio et l’âge de début de la maladie concordent. La schizophrénie
survient trois à cinq ans plus tôt chez la l’homme que chez la femme et le sex-ratio
ainsi que l’incidence varient en fonction de l’âge (mais aussi en fonction du
système diagnostique retenu) :

- Entre 15 et 25 ans : il est de 2 pour 1 en faveur des hommes,

- Entre 25 et 35 ans : il est de 1 pour 1,

- Entre 35 et 45 ans : il est e 1 pour 2 en faveur des femmes.

Cela signifie que même si l’on accepte habituellement que le sex-ratio soit de 1
dans « la schizophrénie » (c’est-à-dire autant de femmes que d’hommes
schizophrènes), les âges de début diffèrent considérablement entre les deux sexes.
Enfin, des différences de profils cliniques existeraient entre les hommes et les
femmes schizophrènes ; les hommes auraient une prédominance de symptômes
négatifs.

Ces différences d’âge de début, de « profils clinique », entre hommes et femmes


schizophrènes nous rappellent une fois de plus l’hétérogénéité vraisemblable des
schizophrénies. (Haouzir & Bernoussi, 2010)

La prévalence sur la vie entière de la schizophrénie est d’environ 0.3% à 0.7%,


bien qu’il existe des variations ethniques/raciales selon les pays et selon l’origine
géographique pour les immigrants et enfants immigrants. Le ratio selon le sexe
diffère en fonction des populations et échantillons : par exemple, le taux
d’incidence est plus élevé pour les hommes quand on étudie les symptômes
négatifs et la durée de la maladie ‘associés à un moins bon pronostic), alors que les
risques sont équivalents pour les deux sexes quand on inclut dans la définition de
22
CHAPITRE I Schizophrénie

la maladie les symptômes affectifs et les épisodes brefs (associés à un meilleur


pronostic). (DSM-5, 2015)

7) Développement et évolution de la schizophrénie

Les caractéristiques psychotiques de la schizophrénie apparaissent typiquement


entre la fin de l’adolescence et le milieu de la 3e décennie ; un début avant
l’adolescence est rare. Le pic d’âge de début pour le premier épisode psychotique
se situe entre le début et le milieu de la 3e décennie pour les hommes et la fin de la
3e décennie pour les femmes. Le début peut être brutal ou insidieux mais, chez la
majorité des personnes, un ensemble de signes et symptômes cliniquement
significatif apparait de façon lente et progressive. La moitié de ces sujets se plaint
de symptômes dépressifs. Un âge de début plus jeune est classiquement considéré
comme prédisant un moins bon pronostic. Cependant l’effet de l’âge de début est
probablement lié au sexe, les hommes ayant un ajustement prémorbide de moins
bonne qualité, un niveau scolaire plus bas, des symptômes négatifs et un déficit
cognitif plus marqué et, d’une façon générale, une évolution plus défavorable. Les
déficits cognitifs sont habituels, et les altérations cognitives sont présentes durant
le développement de la maladie ; elles précèdent l’émergence de la psychose et
prennent la forme de déficits cognitifs stables à l’âge adulte. Les déficits cognitifs
peuvent persister quand les autres symptômes sont en rémission, et ils contribuent
au handicap de la maladie.

Les facteurs prédictifs du déroulement de la maladie et de son évolution sont


largement méconnus ; le cours de la maladie et l’évolution ne peuvent donc pas
être prédits de façon fiable. Le cours de la maladie apparaît favorable chez environ
20% des personnes souffrant de schizophrénie, et un faible nombre de ces
personnes peut récupérer complètement. Cependant, la majorité des personnes
souffrant de schizophrénie a toujours besoin de soutien dans la vie quotidienne,
que ce soit de façon formelle ou informelle, et beaucoup restent chroniquement

23
CHAPITRE I Schizophrénie

malades, avec des exacerbations et des rémissions des symptômes actifs, alors que
d’autres ont une évolution de la maladie marquée par une détérioration
progressive.

Les symptômes psychotiques tendent à diminuer au cours de la vie du malade,


peut-être du fait d’une diminution physiologique normale avec l’âge de l’activité
dopaminergique. Les symptômes négatifs sont plus étroitement liés au pronostic
que les symptômes positifs et tendent à être plus persistants. De plus, les déficits
cognitifs associés à la maladie peuvent ne pas s’améliorer au cours du temps.

Les caractéristiques essentielles de la schizophrénie sont les mêmes à


l’adolescence, mais le diagnostic est alors plus difficile. Chez les enfants, les idées
délirantes et les hallucinations peuvent être moins élaborées que chez les adultes et
les hallucinations visuelles sont plus communes, devant être différenciées de jeux
imaginatifs normaux. Une désorganisation du discours est présente dans plusieurs
troubles qui débutent dans l’enfance (p. ex. troubles du spectre de l’autisme), de
même que les comportements désorganisés (p. ex. trouble du déficit de l’attention
avec hyperactivité). Ces symptômes ne doivent être attribués à une schizophrénie
sans une prise en considération attentive d’autres troubles de l’enfance plus
communs. Les cas débutant dans l’enfance tendent à ressembler à ceux qui ont une
évolution défavorable chez l’adulte, avec un début progressif et des symptômes
négatifs prédominants. Les enfants qui recevront plus tard un diagnostic de
schizophrénie ont plus souvent été sujets à des perturbations et à une
psychopathologie de type comportemental/émotionnel non spécifiques, à des
altérations intellectuelles et du langage et à de légers retards moteurs.

Dans les cas à début tardifs (c.-à-d. débutant après 40 ans), les femmes sont
surreprésentées et elles peuvent être mariées. Souvent, le cours évolutif est marqué
par une prédominance de symptômes psychotiques avec une préservation des
affects et du fonctionnement social. Dans ces cas à début tardifs, les critères

24
CHAPITRE I Schizophrénie

diagnostiques de schizophrénie peuvent être remplis mais on ne sait toujours pas


bien s’il s’agit de la même maladie que lorsque la schizophrénie est diagnostiquée
avant la moitié de la vie (c.-à-d. avant l’âge de 55 ans). (DSM-5, 2013)

8) Etiopathogénie de la schizophrénie

On dit actuellement de la schizophrénie que c’est une « affection


multifactorielle ». C’est une manière, parmi d’autres possibles, de quelque peu
masquer notre ignorance et, tout simplement, de ne pas avouer que ces causes nous
sont en réalité encore inconnues. (Desclin, 2006) Les causes des schizophrénies ne
peuvent s’étudier que sous une approche biopsychosociale. La schizophrénie est
une maladie mentale complexe, tant par ses symptômes que par ses mécanismes
multiples dont aucun n'explique à lui seul tous les symptômes de la maladie.
(Boyer, 2003)

Cette section regroupe les diverses hypothèses concernant les facteurs à l'origine
de la schizophrénie :

Les facteurs socioculturels ; un statut socio-économique bas a parfois été mis


en avant comme cause favorisante de la maladie, ou comme facteur précipitant sur
des personnalités prédisposées. En fait, il semble bien que de telles conditions
sociales soient plutôt des conséquences que des causes de la schizophrénie (Kohn).
Les changements du milieu culturel semblent jouer un rôle favorisant dans le
déclanchement de la maladie : urbanisation, acculturation, isolement sociale et
migration notamment. De fait, la réactivité des schizophrènes s’étend à toutes les
modifications de leur environnement, comme le montre la particulière fréquence
des « événements vitaux » précédant les épisodes initiaux et les rechutes de la
maladie. En revanche, il ne semble pas exister de grandes variations de fréquence
de la schizophrénie d’une culture à l’autre. Certes, les modes d’expression et les
formes de la psychose peuvent varier selon le contexte culturel ; la fréquence

25
CHAPITRE I Schizophrénie

relative de ses symptômes diffère parfois d’un pays à l’autre. Mais, globalement,
les différences de fréquence sont modestes et peu démontrables : le phénomène lui-
même et ses symptômes fondamentaux semble universels. (Guelfi, 2007)

Facteurs génétiques ; l’intervention de facteurs génétiques dans la


schizophrénie paraît actuellement bien démontrée. Cependant, la nature de ces
facteurs et leurs relations avec les facteurs d’environnement restent à éclaircir. Le
principe de base des études sur l'hérédité est toujours le même: si un facteur
prédisposant transmis génétiquement existe, le risque de développer la maladie
devrait être plus élevé dans les familles où un membre est atteint (Borgeat, 1988).
Les gènes interviennent en partie dans la concentration familiale de la
schizophrénie. Comme on ne connaît pas le gène qui, transmis de parents à enfant,
transporte avec lui le fardeau de la maladie, on préfère parler de « facteurs de
risque génétique » (Campion, 2003). Selon Campion (2003), chaque gène est
présent en deux exemplaires, un issu du père et l'autre issu de la mère; dans
certaines maladies dites dominantes, il suffit qu'une des deux copies soit anormale
pour que la maladie se déclenche; dans le cas des maladies dites récessives, les
deux copies doivent être anormales pour que la maladie s'exprime (si une des deux
copies est normale, elle prend le dessus et la maladie ne survient pas).

Les études sur les jumeaux (schéma : famille identique – gènes différents). Il
existe deux types de jumeaux: les jumeaux identiques (monozygotes) et les
jumeaux fraternels ou différents (dizygotes). Éduqués ensemble, les jumeaux
identiques ont en commun 100 % de leurs gènes et 100 % de leur environnement,
alors que des jumeaux fraternels ont en commun 100 % de leur environnement
mais 50 % de leurs gènes (Durant & Barlow, 2002). Le calcul du taux de
concordance, montrent que celui-ci est trois fois plus élevé chez les jumeaux
monozygotes que chez les jumeaux dizygotes. Le risque morbide pour le jumeau
dizygote d’un malade schizophrène est 10 fois plus élevé que dans la population
générale, et 20 à 40 fois plus élevé pour un jumeau monozygote (la gémellité
26
CHAPITRE I Schizophrénie

n’apparaît pas, en soi, être un facteur prédisposant à la maladie). (Guelfi, 2007) Si


l'environnement était seul responsable de la schizophrénie, nous devrions nous
attendre à peu de différences entre jumeaux identiques et fraternels. Si, d'autre part,
les gènes étaient seuls responsables du trouble, la schizophrénie d'un enfant
impliquerait obligatoirement que la probabilité qu'un jumeau fraternel contracte le
trouble de son frère devrait être de 50 % et de 100 % chez les jumeaux
monozygotes (Durant & Barlow, 2002). Donc, le fait d'être jumeau, et
spécialement jumeau identique, constitue une situation particulière sur le plan
psychologique (Borgeat, 1988). Aujourd'hui, on sait que seulement environ la
moitié des couples de jumeaux identiques sont atteints tous les deux de
schizophrénie.

Les études d’adoption sont particulièrement intéressantes pour approcher le rôle


de l’environnement (schéma : hérédité identique – environnement différent). Deux
approches sont fréquemment utilisées selon Borgeat (1988) : la première étudie les
enfants nés de parents biologiques schizophrènes et la seconde compare les
familles biologiques aux familles adoptives de schizophrènes et de non-
schizophrènes. Les enfants de schizophrènes, adoptés même très jeunes par des
parents nourriciers non schizophrènes, présentent un risque morbide élevé, du
même ordre que celui des enfants de schizophrènes élevés dans leur milieu
d’origine. (Heston, 1966 ; Rosenthal, 1968) Le risque morbide observé chez les
parents adoptifs d’enfants schizophrènes, est le même que dans la population
générale, alors que celui qu’on observe chez leurs parents biologiques est élevé.
(Kety, 1975)

Le facteur caractériel ; Il est admis qu’au moins la moitié des schizophrénies


présentaient, avant l’apparition de la maladie, des traits de personnalité schizoïde.
La schizoïde est une constitution caractérielle pathologique dont les traits
principaux sont les suivants : repliement sur soi-même, isolement, perte des

27
CHAPITRE I Schizophrénie

contacts sociaux, inhibition, impulsivité, tendance à l abstraction, à la rêverie, à la


bizarrerie, esprit de système, rationalisme morbide. (Hanus, 1981)

Données psychodynamiques ; dans les conceptions initiales de Freud, la


schizophrénie a été décrite comme une « névrose narcissique » liée à une profonde
perturbation originelle des relations objectales. La genèse des symptômes se
comprend d’abord en termes de mécanismes de défense contre l’angoisse issue des
traumatismes précoces, sur un modèle assez analogue à celui des névroses, encore
que l’incapacité à établir un transfert utilisable ait été d’abord affirmée.

L’organisation de la structure schizophrénique se caractérise avant tout par un


échec des mécanismes d’identification, laissant place à des modes de relation
primitifs et fusionnels à l’objet. (Guelfi, 2007) « À partir des premiers temps de
l’existence du bébé il vit dans ce qu’on appelle de narcissisme primaire. Son
intérêt est entièrement tourné vers la recherche de plaisir qui s’étaye sur la
fonction alimentaire (stade oral). « La relation avec sa mère est basée sur le mode
manger, être-manger. Dans les quatre premiers mois Mélanie Klein parle de
position schizo-paranoïde, son monde (le bébé) est pas unifié. Et chaque objet
partiel est clivé en deux : bon objet et mauvais objet. Il y a le bon sein qui est
introjecté et le mauvais sein est Projeté à l’extérieur. À partir du quatrième mois,
c’est l’accession de la position dépressive par laquelle l’enfant accède à la notion
d’objet total, dont à ce moment, les objets cessent d’être clivés en deux, il y a un
objet permanent qui peut être bon ou mauvais ». (Besancon, 2005, p.187)

Facteurs familiaux ; les principales théories dérivent des constats effectués au


cours du traitement de certaines familles de schizophrènes et mettent en exergue
les interactions familiales et les troubles de la communication observés à l’intérieur
de ces familles. (Guelfi, 2007) Ont été décrits : un père démissionnaire ou absent ;
une mère hyperprotectrice ou bien indifférente ou rejetante ; une rivalité non

28
CHAPITRE I Schizophrénie

avouée dans le couple parental ; des troubles de la communication (« double-lien »,


injonctions paradoxales, messages peu clairs). (Godfryd, 1994, p.83)

La théorie du double lien (Bateson, Watzlawick, Weakland) met l’accent sur les
perturbations du système de communication à l’intérieur de la famille, où le sujet
est pris dans une série d’injonctions contradictoires qui le bloquent dans une
situation intenable sans lui laisser d’autre échappatoire que des réponses ambiguës
ou absurdes. La notion de schizophrénie « maladie » s’estompe alors au profit de la
notion de symptômes pathologiques, modes d’expression et de réponses du sujet
pris dans un système de communication paradoxale, dont la mère serait le principal
inducteur. (Guelfi, 2007) D’autres théories sur les facteurs familiaux de la
schizophrénie ont été élaborées, notamment celle de Lidz qui insiste sur
l’importance des rôles joués par les parents du patient schizophrène ou encore celle
de Wynne et Singer décrivant les perturbations de la communication dans la
famille des schizophrènes.

Les facteurs biochimiques ; l’identification de perturbations biochimiques


spécifiques permettrait de mieux comprendre les dysfonctionnements qui sont à
l’origine des manifestations schizophréniques. (Guelfi, 2007, p.211) Depuis que
l’on s’est aperçu que les neuroleptiques et les amphétamines (en sens inverse)
agissent sur les récepteurs dopaminergiques du cerveau, on suppose l’existence
d’une perturbation du système dopaminergique chez les sujets schizophrènes.
(Godfryd, 1994, p.82)

9) Traitements de la schizophrénie

Depuis la découverte des neuroleptiques en 1952 et les progrès accomplis


parallèlement par les psychothérapies, les traitements des schizophrénies se sont
considérablement modifiés. C’est ainsi que les interventions thérapeutiques doivent
s’effectuer à différents niveaux, variables selon le cas et le moment évolutifs. On

29
CHAPITRE I Schizophrénie

ne s’étonnera pas de voir presque toujours associés des protocoles


chimiothérapiques, des prises en charge psychothérapiques et des mesures
sociothérapiques. Un autre problème qui se pose très fréquemment est celui de
l’hospitalisation psychiatrique puis celui de la sortie. (Gofryd, 1994, p.93)

10.1) Les thérapeutiques biologiques

Les thérapeutiques biologiques comprennent :

Les neuroleptiques ; les médicaments de référence pour le traitement de la


schizophrénie. De nombreux neuroleptiques ont été mis sur le marché, dont les
propriétés vont des plus sédatifs, destinés à diminuer l’agitation et l’angoisse, aux
plus anti-productifs destinés à amender les hallucinations et les délires. Cette classe
de médicaments a des effets secondaires importants qui vont d’un effet
hypotenseur (comme l’hypotension orthostatique) sur le système cardiovasculaire
pour les sédatifs, à des effets neurologiques sévères comme un syndrome de type
parkinsonien) pour les anti-productifs. Le syndrome malin (pâleur, sueurs, raideur,
hyperthermie, troubles de la conscience), ainsi que les dyskinésies tardives
(troubles dans l’accomplissement des mouvements), souvent définitive, sont les
deux risques majeurs des traitements neuroleptiques. (Leboyer & al, 2002)

Des « correcteurs » ; accompagnent souvent la prescription des neuroleptiques


afin de corriger les effets secondaires de ces derniers.

Les anxiolytiques ; (benzodiazépines) sont souvent nécessaires pour limiter


les accès d’angoisse des schizophrènes. (Guelfi, 2007)

Les antidépresseurs ; sont également souvent indiqués dans une pathologie où


la dépression peut être une complication grave, en particulier du fait du risque
suicidaire qui y est souvent associé. Ils sont utilisés dans le cours évolutif de la
maladie, ainsi que lors des épisodes dépressifs qui ponctuent les troubles schizo-
affectifs. (Leboyer & al, 2002)
30
CHAPITRE I Schizophrénie

10.2) Les psychothérapies

Les psychothérapies peuvent être réalisées à l’hôpital ou en-dehors, selon les


possibilités locales. Ainsi, on peut être amené à proposer en proportions variables :

Une psychothérapie individuelle ; le plus souvent une psychothérapie de


soutien, centrée par des problèmes concrets et l’observance médicamenteuse ;
cependant, dans certains cas, les psychothérapies d’inspiration analytiques sont
mises en œuvre mais leurs résultats restent difficiles à apprécier et leurs indications
assez rares. D’autres techniques de psychothérapies utilisent des méthodes dites
pack, de dessin, de peinture, de musicothérapie, de psychodrame individuel.

Une psychothérapie familiale ; car il faut toujours essayer de nouer avec la


famille du patient les meilleures relations et il est indispensable de les associer au
projet thérapeutique. Dans le meilleur des cas, on pourra proposer une thérapie
familiale systémique ou psychanalytique. Mais le plus souvent il ne s’agira en fait
que de technique qui s’en inspirent, les conditions nécessaires au traitement type
étant rarement réunies (demande, paiement des séances, etc.). (Gofryd, 1994)

10.3) La prise en charge sociale

La dépendance, presque toujours induite par la maladie, justifie un ensemble de


mesures d’assistance financière (allocation adulte handicapé, pension d’invalidité)
ou d’aide à l’insertion professionnelle (formations, travail protégé). Une protection
des biens est mise en place lorsque le sujet n’a pas la capacité de gérer son revenu.

10.4) Conduite du traitement

Mener la prise en charge d’un patient schizophrène consiste à adapter à chaque


sujet une combinaison particulière des différents moyens thérapeutiques
disponibles en fonction de ses symptômes, du stade de la maladie où il est, de sa
personnalité et de sa compréhension de la situation, de la qualité de son

31
CHAPITRE I Schizophrénie

environnement. Quelques préalables doivent être pris en compte dans tous les cas.
Le traitement durera de nombreuses années, et il est souhaitable d’éviter les
ruptures itératives dans la prise en charge. Aussi faut-il créer une relation
compatible avec une bonne alliance thérapeutique, mais où le partenaire a du fait
de sa maladie et à autrui un fonctionnement particulier. A la fois, il a besoin d’aide
dans une situation dramatique et à la fois il la refuse. Un seul thérapeute par
ailleurs ne peut pas prendre en charge tous les aspects du traitement et ne peut pas
non plus soutenir seul le patient. (Franck, Guelfi (dir.), 2012)

10) L’institution psychiatrique

Un hôpital psychiatrique est un établissement public ou privé, spécialisé dans


le traitement des maladies mentales. D’abord dénommé « asile » en 1838, il
devient « hôpital psychiatrique » en 1937 et « centre hospitalier spécialisé » en
1972. Il comporte de plus en plus de places dites « de service libre », c’est-à dire
ne relevant pas des modalités de l’internement, où les patients sont hospitalisés de
leur propre gré comme dans les hôpitaux généraux. (Grand dictionnaire de la
psychologie, p.429)

La première loi de santé mentale algérienne remonte à 1976, elle a été modifiée
et remplacée par celle de février 1985. Relative à la protection et la promotion de
la santé mentale et comportant plusieurs chapitres, cette loi précise les droits
généraux des malades mentaux quel que soit le mode d’hospitalisation.

L’hospitalisation en service ouvert ; n’est soumise à aucune réglementation


particulière (cas de service de médecine), elle se fait sur simple signature d’un
billet d’admission. Il en est de même pour la sortie.

La mise en observation simple ; se fait dans un service d’admission d’un


hôpital psychiatrique ou dans un service de psychiatrie d’un hôpital général. La
demande peut se faire par le malade lui-même, sa famille, par toute personne

32
CHAPITRE I Schizophrénie

privée prenant intérêt du malade et par toute autorité publique (commissaire de


police, brigadier de gendarmerie). Cette mesure reste subordonnée à la décision du
psychiatre et ne doit pas dépasser 15 jours, sauf si le psychiatre voit que cette durée
est insuffisante où elle sera prolongée sans dépasser deux mois.

La mise en observation d’office ; ne peut être introduite que par le procureur


général ou le wali notamment en cas de désordre sur la voie publique ou de
potentiel de dangerosité. Cette mise en observation est exécutoire et sans délai (loi
1976).

L’hospitalisation d’office ; ne peut être induite que par le procureur général.


Cette modalité est retrouvée dans la loi de 1985, elle est venue remplacer la mise
en observation d’office dans le cas où le malade présente des désordres
potentiellement dangereux.

Le placement volontaire ou hospitalisation à la demande d’un tiers ;


concerne les malades non dangereux pour autrui, il peut être demandé par la
famille ou toute personne privée prenant intérêt au malade. La décision reste
subordonnée à l’accord du psychiatre, elle est prise pour une durée indéterminée,
l’accord de la famille ou du référent sera matérialisé sur une demande de
placement volontaire.

Et la sortie se fera soit, dès que le psychiatre juge l’état du patient comme étant
satisfaisant ; soit, sur la demande du malade quand il est majeur et civilement
responsable ; soit, sur la demande de la personne qui a demandé le placement
volontaire.

Le placement d’office ou administratif ; le placement volontaire peut se


transformer en placement d’office sur requête motivée par le psychiatre. Cette
mesure est préconisée lorsqu’un malade est dangereux pour autrui ou sur l’ordre

33
CHAPITRE I Schizophrénie

public. Un certificat attestant le potentiel de dangerosité doit accompagner la


requête. L’arrêt est établi pour une durée maximale de 6 mois.

La sortie des malades se fera si le psychiatre juge que le malade peut sortir en
déclarant son état satisfaisant, il adresse une requête au wali afin de lever ou
modifier cette mesure. En cas de refus, le malade ne pourra sortir avant l’échéance
des 6 mois et dans ce cas, le psychiatre et le wali peuvent exercer séparément un
recours auprès de la commission de santé mentale qui tranchera après une double
expertise dans un délai ne dépassant pas les deux mois. Lorsqu’un malade s’enfuit,
le psychiatre doit prévenir les autorités et leur adresser un certificat de situation.

A noter que les enfants, les adolescents et les personnes âgés de plus de 65 ans
dont l’affaiblissement des facultés psychiques constitue l’essentiel de la maladie,
ne peuvent faire l’objet de mise en observation, de placement volontaire ni de
placement administratif.

La mise sous surveillance ; cette mesure est appliquée un malade dangereux


et qui continue à présenter un potentiel de dangerosité important. La demande est
introduite par le médecin traitant et la durée est de 6 mois renouvelable. Elle peut
également être souhaitée par la famille et/ou le médecin, plus rarement par le
patient lui-même ; se pose alors le problème d’une hospitalisation sur demande
d’un tiers.

Les dangers de l’hospitalisation sont à bien connaitre :

- Rejet et stigmatisation sociale presque indélébile en hôpital psychiatrique ;


- Désinsertion scolaire ou socioprofessionnelle ;
- Difficultés ultérieures de réinsertion ;
- Risque de réhospitalisation ultérieure à chaque accident éventuel ;
- Risque de chronicisation des troubles avec passage à un état déficitaire.

34
CHAPITRE I Schizophrénie

C’est dire l’importance capitale que représente l’hospitalisation en psychiatrie


et par voie de conséquence l’obligation de bien peser, à chaque fois, les avantages
et les inconvénients possibles. Si malgré tout l’hospitalisation est décidée, elle doit
être aussi brève que le permettent la clinique et le contexte avec, dès que possible,
autorisation de visites et sortie. (Godfryd, 1994, p.94)

Synthèse

La schizophrénie est une pathologie mentale complexe mais de mieux en mieux


décrite dans ses différents aspects cliniques, étiopathogéniques,
physiopathologiques et thérapeutiques. Les connaissances sur la maladie ont
considérablement progressé dans le sillage des neurosciences et des sciences
cognitives. Il en résulte une évolution des approches cliniques, des nouveaux
moyens d’investigation et de nouvelles modalités de prise en charge thérapeutique.

Pour le reste, l’hospitalisation en institution est chose récurrente dans la vie des
personnes atteintes de schizophrénie et les répercussions de celle-ci sur la vie et le
fonctionnement de la famille sont nettement observables. Pour bien s’en rendre
compte il nous faut, en plus de cerner les troubles du spectre schizophrénique,
déchiffrer la notion de famille et sa dynamique.

35
CHAPITRE II
Dynamique familiale
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Préambule

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons à l’environnement du patient


schizophrène, et plus particulièrement sa famille.

Ainsi, nous verrons la famille en tant qu’entité « dynamique » ayant une vie
propre. Les rapports de parenté, les liens affectifs interpersonnels, liens
intergénérationnels et le réseau familial élargi ; tout cet ensemble de relations,
dont la teneur peut varier selon chaque famille mais aussi selon chaque culture,
chaque région... etc., est à prendre en considération dans toute action posée à
l'intention d'une personne et de sa famille.

Pour ce faire, nous allons voir en premier lieu ce qu’est un groupe : le définir,
parcourir les différentes formes sous lesquelles il se présente et donner ses
caractéristiques. En second, nous aborderons la dynamique de groupe et son étude
en sciences sociales. La troisième partie sera, elle, consacrée à la famille. Elle
englobera : un historique, la définition, la typologie et les fonctions de la famille
pour ensuite s’attarder sur la famille et sa relation à la maladie mentale dans la
société algérienne. Enfin, la quatrième et dernière partie de ce chapitre traitera
plus ou moins longuement de la dynamique familiale ; nous nous arrêterons sur
ses types notamment, les outils qui permettent de l’évaluer ou encore un petit
développement sur cette même dynamique et la maladie mentale.

I) Le groupe

Dans la recherche scientifique, le groupe est considéré comme un objet


d'étude privilégié pour la sociologie et, plus largement, pour les sciences
sociales. Aujourd’hui et depuis quelques années le groupe intéresse plus que
jamais la psychologie clinique, toutes approches confondues : psychanalytique,

37
CHAPITRE II Dynamique Familiale

systémique, humaniste, éthologique, etc. Le groupe a ainsi suscité pas mal


d’intérêt et c’est ce que nous allons voir dans ce point.

1) Définition du groupe

Aujourd’hui, on nomme « groupe » un ensemble de personnes présentes et


orientées vers un but commun. Mais le terme de « groupe » est relativement
récent. Il serait apparu vers 1668 (Anzieu & Martin, 1968) en Italie : gruppo
désignait la représentation picturale ou sculpturale d’un ensemble de sujets. C’est
seulement vers le milieu du XVIIe siècle que le terme « groupe » nomma une
réunion de personnes. (Blanchet & Trognon, 2005)

Albion Small, sociologue américain, a proposé en 1905 (general sociologie)


une définition très générale du groupe : « le terme groupe est une appellation
sociologique utile pour designer un certain nombre (grand ou petit) de gens,
entre lesquels on découvre des relations telles qu’on doit les considérer
ensemble » (Bloess, Etienne, Noreck, & Roux, 2004, p. 226)

En effet, quand il est question de définir le groupe, ce dernier se différencie


d'un simple regroupement physique de personnes et ce, par l'établissement d'une
ou plusieurs liaisons entre elles. Un premier type de lien est imaginaire : c'est
parce que les désirs et les rêves des membres entrent en résonnance que le groupe
se forme. Un autre grand type de lien dérive de la technique, de procédés ou de
savoir-faire partagés qui créent des liens fonctionnels entre les personnes. Le
psychanalyste français Anzieu, à la suite de son collègue anglais Bion, s'est
attaché à montrer l'enchevêtrement des dimensions imaginaire et technique dans
toute activité collective (Anzieu, 1975). La liaison se constitue également par
l'adhésion commune à un système de valeurs. Il n'y a pas de groupe sans normes,
et réciproquement, les normes sont produites par des collectifs. (Oberlé, 1999)

38
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Dans le dictionnaire encyclopédique de psychologie, la psychologie de A à Z,


on retrouve la définition du groupe comme suit : « ensemble constitué de deux ou
plus de deux individus mis en situation d’interaction et d’influence mutuelle. Il
n’est pas nécessaire que les individus se connaissent ou se retrouvent ensemble
pendant longtemps pour que l’on parle de groupe. La simple réunion d’individus
peut suffire à voir s’exprimer des processus et des comportements d’interaction et
d’influence mutuelle susceptibles d’être étudiés par le psychologue (par exemple,
individus étrangers les uns des autres réunis dans une salle d’attente) ».
(Charron, Dumet, Guéguen, Lieury, & Rusinek, 2007, pp. 76-77)

Pour le psychologue, le groupe est avant tout le « laboratoire » dans lequel se


forgent les éléments de la construction sociale. Il tente de comprendre comment
les relations entre individus édifient un groupe, c’est-à-dire un ensemble d’une
nature différente, possédant ses propres lois et sa propre évolution ; comment, par
exemple, la mise en commun d’informations, de sentiments ou de projets
individuels contribue à créer cette totalité qui semble ressentir, penser, agir, naître
et mourir comme une personne. (Blanchet & Trognon, 2005)

Dans le champ de la psychologie clinique, le groupe ne peut être un objet de


la psychologie clinique que si celle-ci prend en compte la globalité, la complexité
et la singularité des formations psychiques qui le composent et des processus qui
le travaillent. Le groupe doit y être considéré comme un ensemble psychique
autonome et cohérent, lieu d’une dynamique structurante propre. En ce sens on
peut parler d’une psychologie clinique du groupe. D’un autre côté, la psychologie
clinique exige simultanément et corrélativement que les sujets qui le composent
soient considérés dans leur dimension de personnes singulières, et non seulement
ou uniquement comme éléments d’un ensemble. C’est en ce sens que l’on parle
d’une psychologie clinique de groupe, en tension dialectique avec la psychologie
clinique du sujet dans le groupe.

39
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Le « désordre » est au principe de l’approche clinique de la psyché : la


psychologie clinique du groupe sera donc particulièrement attentive à ce qui
contredit le fonctionnement attendu et à ce qui désorganise la structure prévue, de
telle sorte que dysfonctionnements et évènements soient entendus comme
porteurs d’une partie essentielle de la vie psychique, et non comme une pure
négativité qu’il conviendrait de réduire ou de nier. Elle intégrera dans son champ
la souffrance et les psychopathologies des ensembles groupaux comme une
manifestation privilégiée des processus et des formations psychiques sur lesquels,
dans des conditions précisément définies, une action transformatrice est possible.
La psychologie clinique de groupe est ainsi dotée d’un objet complexe, dans
lequel s’articulent des logiques suffisamment homogènes si on admet la
continuité de la vie psychique dans ses diverses manifestations, et suffisamment
hétérogènes dans la mesure où elles se manifestent des espaces psychiques
structuralement et fonctionnellement différents. (Séchaud et al., 2006)

2) Différentes formes de groupes

2.1) Groupes primaires et secondaires

Le sociologue américain Charles Horton Cooley a proposé en 1909 dans


Social Organisation une distinction très importante entre groupes primaires et
groupes secondaires.

Les groupes primaires, qui sont généralement de petite taille, sont définis
comme des groupes de face à face ou dominent les rapports interpersonnels.
L'identification des individus au collectif est forte et les rapports de sympathie, de
coopération et d'aide mutuelle dominent au sein du groupe ; si l'existence de
rapports de compétition au sein du groupe n'est pas pour autant entièrement
exclue, ces derniers restent toujours emprunts de loyauté, la satisfaction de
l'intérêt personnel étant subordonnée à l'intérêt collectif.

40
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Cooley identifie trois groupes primaires principaux : la famille, le groupe de


camarades et le groupe de voisinage.

Ces groupes sont qualifiés de primaire pour trois raisons :

 d'abord parce que c'est au sein de ces groupes, que les individus font leur
première expérience de la vie sociale ;
 ensuite parce qu'ils ne se modifient pas comme les autres groupes qui dérivent
d'eux ;
 enfin, parce qu'ils ont un caractère universel, c'est-à-dire qu'on les rencontre
dans tous les types de sociétés.

Les groupes secondaires, généralement de taille plus grande, sont


caractérisés par des relations plus superficielles, reposant principalement sur des
bases utilitaires.

Les groupes de défense d'intérêts tels que les partis politiques, les syndicats et
les associations constituent de bons exemples de groupes secondaires. Ils ne
concernent qu'une partie de la vie des individus et ne les engagent pas au niveau
de leur personnalité toute entière.

Dans les groupes secondaires, le contrôle social des membres (ensemble des
pressions exercées par les membres d’un groupe pour amener l’ensemble de ceux
ci à se conformer à ses normes) fait donc l'objet de règles codifiées et est
généralement confié à des organismes spécialisés (commissions de discipline, par
exemple) ; au contraire, dans les groupes primaires le contrôle social est
davantage informel et spontané. Il s'exerce à travers les manifestations
d'approbation ou de réprobation qui scandent les contacts quotidiens entre les
membres du groupe.

41
CHAPITRE II Dynamique Familiale

2.2) Groupes d’appartenance et de référence

Le groupe d’appartenance est celui auquel l’individu dit appartenir ou


auquel il est censé appartenir

La notion de groupe de référence a été mise en évidence d'abord par Homans


et Hyman en 1942, puis a fait ensuite l'objet d'une systématisation par Merton.

Le groupe de référence a d'abord une fonction comparative. Il sert de base de


comparaison aux individus pour s'évaluer et évaluer les autres.

Par exemple, un groupe social évaluera sa situation par rapport au groupe


placé immédiatement au dessus de lui : s'il voit la situation de ce groupe
s'améliorer, alors que la sienne ne bouge pas, il en conclura à une détérioration
relative de sa propre situation (théorie de la frustration relative).

Mais le groupe de référence exerce également une fonction normative. Le


groupe de référence est celui qui sert de modèle normatif pour un individu. Mais
le groupe de référence peut également être « négatif » et servir de repoussoir : on
s'opposera à tout ce qui vient de lui, par principe, et on adoptera alors une attitude
inversée par rapport à la sienne. (Bloess, Etienne, Noreck, & Roux, 2004, pp.
228-229)

3) Caractéristiques des groupes

Un groupe n’est pas la somme des individualités qui le composent. Il constitue


une entité spécifique qui obéit à des mécanismes particuliers et qui est le champ
de phénomènes différents de ce que l’on constate au niveau des relations
interpersonnelles. Celle-ci donc surdéterminée par le contexte groupal. (Marc &
Picard, 2000)

Les groupes sont des structures intermédiaires entre l’individu et la société.


Leur taille minimum doit être telle que le nombre des relations individuelles

42
CHAPITRE II Dynamique Familiale

potentielles entre les membres soit supérieur au nombre des membres. Leur taille
maximum doit être telle que chaque membre puisse avoir une relation avec
chacun des autres membres et telle que des sous-groupes stables et identifiés
comme tels ne se constituent pas.

Ainsi, un groupe comprend au moins trois personnes parce qu’il permet alors
d’établir six relations interindividuelles et trois interactions dans lesquelles un
membre est en relation avec un couple. Mais sa taille maximum n’a pas de
définition théorique, elle reste indéfinie et varie avec les conditions particulières
et les conditions particulières.

Les groupes sont caractérisés par des fonctions qui apparaissent selon les
conditions de leur formation et évolution. Quatre fonctions principales marquent
le degré de maturité et d’évolution d’un groupe.

- La mise en commun du but : la constitution d’un groupe présuppose que


ses membres aient un intérêt commun suffisamment important pour que cet
intérêt soit intériorisé par chacun de ses membres. L’intérêt en commun devient
alors l’intérêt commun.
- La définition des frontières : tout groupe s’établit en rapport avec d’autres
groupes, il instaure donc des limites qui créent un sentiment d’appartenance pour
ses membres conformes et le rejet des membres non conformes.
- L’établissement de relations interpersonnelles : chaque membre du groupe
construit une représentation mentale des autres avec lesquels il communique
personnellement.
- La constitution d’une organisation : les membres d’un groupe prennent des
rôles et des statuts différents et établissent des normes. L’organisation ainsi
instituée est susceptible d’être réorganisée en fonction de la pratique du groupe.
(Blanchet & Trognon, 2005)

43
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Les interactions groupales présentent certaines similitudes indépendamment


des personnalités en présence. C’est ce qui permet de parler de « dynamique des
groupes », domaine de recherche très important de recherche très important en
psychologie sociale. (Maisonneuve, 1990)

I) La dynamique de groupe

Le présent point se propose d’aborder l’aspect dynamique des ensembles que


sont les groupes et leur études dans la sphères des sciences sociales.

1) Définition de la dynamique de groupe

Tout d’abord si l’on prenait le terme dynamique séparément, celui-ci est


définit dans le dictionnaire de psychologie comme « branche de la psychologie
qui étudie les forces qui s’exercent sur l’être humain et leurs conséquences dans
l’organisation de la personnalité.

Elle envisage l’homme dans son champ psychologique, agissant et réagissant,


soumis à tensions intérieures et extérieures, dans son réseau de relations
humaines. Elle fait appel aux données de la psychologie sociale et de la
psychanalyse pour comprendre les comportements et les motivations (souvent
inconscientes) des individus. » (Sillamy, 2003, p. 88)

La dynamique des groupe (ou dynamique de groupe) désigne un courant de


recherche et d’interversions sur les petits s’inscrivant dans la lignée des
conceptions de Kurt Lewin, inventeur de l’expression Group Dynamics. Mais
cette expression est souvent appliquée, dans un sens plus large, à l’ensemble des
travaux touchant à la psychosociologie des petits groupes.

Lewin (1959) conçoit le groupe comme une totalité irréductible aux individus
qui le composent, un système d’interdépendance constituant, avec son
44
CHAPITRE II Dynamique Familiale

environnement, un champ social dynamique. Ce champ inclut les membres du


groupe, les sous-groupes, les moyens de communication, la répartition des rôles,
les objectifs, les normes, etc.

Les travaux les plus connus de Lewin et de ses collaborateurs ou


continuateurs ont porté notamment sur la cohésion des groupes et ses facteurs, les
styles de direction (leader-ship) des groupes-autoritaires, démocratique, laisser-
faire - et leurs effets sur le moral et la performance, ainsi que sur le changement.
Selon Lewin, tout changement exige une modification du champ de forces qui
s’équilibrent en un « état quasi stationnaire » ; plutôt que d’accroître les pressions
dans le sens du changement désiré, mieux vaut affaiblir la résistance à ce
changement. (Boudon, Besnard, Cherkaoui, & Lécuyer, 2005, p. 111)

Dans cette approche, le groupe est une totalité qui ne se réduit pas à la somme
de ses parties mais correspond à un rapport d’interdépendance entre elle. Et, dans
l’optique lewinienne, étudier la dynamique de ce système groupal, c’est quelles
forces entrent en jeu, les modalités de leur interaction, les processus alors
déclenchés, étant entendu que c’est en caractérisant ainsi le système
d’interdépendance qui définit à un moment donné un groupe qu’on peut expliquer
aussi bien son fonctionnement interne que son action sur la réalité extérieure.
(Grand dictionnaire de la psychologie, 2011, p. 301)

Ces travaux ont trouvé un champ d’application pratique dans diverses


techniques de recherche active : formation, intervention, conduite de discussion,
groupes de diagnostic, etc. (Anzieu & Martin, 1969; Maisonneuve, 1969)

2) Etude des groupes en sciences sociales

L’étude des groupes s’est élaborée à la croisée des chemins de plusieurs


disciplines. La notion de groupe, en effet, est située à l’articulation du
psychologique et du social.

45
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Kurt Lewin est le fondateur de la notion de « dynamique de groupe ». Cette


notion est a l’origine d’un courant de pensée qui a considérablement influencé la
psychologie des petits groupes.

En effet, contrairement aux réflexions de Freud qui mettent en exergue le rôle


des grands groupes sociaux comme l’Armée ou l’Eglise, Lewin (1947) soutient
que c’est dans l’interaction des personnes présentes face à face que se joue
l’essentiel des influences sociales […]. Lewin à tout d’abord appliqué la théorie
du champ issue de la Gestalt psychologie à l’étude de la personnalité. Cette
théorie considère que tout fait doit être appréhendé comme constituant une partie
d’une totalité de faits coexistant et mutuellement interdépendant ; tout fait
survient donc dans un champ. Selon Lewin, les propriétés d’un fait sont par
conséquent essentiellement déterminées par ses relations avec la structure dont il
est une composante, et les changements qu’il subit son liés a des changements
atteignant d’autre composantes, dans un espace-temps déterminé (Badin, 1965).
[…] de plus il montre que la dynamique des groupes est fondée sur l’idée
d’interdépendance des membres du groupe. Cette interdépendance génère des
forces qui engendrent les évolutions et les changements du groupe. Mais en
référence à la théorie physique des systèmes, l’interaction de ces différentes
forces est soumise à une loi selon laquelle tout système tend à assurer
constamment son équilibre. (Blanchet & Trognon, 2005)

Parmi les diverses expériences menées par Lewin, celle en collaboration avec
Lippitt et White sur l’équilibre satisfaction-frustration au sein de groupes
d’enfants soumis à différents types de leadership, a connu une grande célébrité,
non seulement parce qu’à l’orée de la guerre, elle validait l’idéal démocratique,
mais aussi parce qu’elle a permi de fonder un style de commandement qui sera
repris par la suite dans l’enseignement des relations humaines.

46
CHAPITRE II Dynamique Familiale

D’autres courants ont également tenté de comprendre le fonctionnement


intime des groupes. Citons la sociométrie (Jacob Lévy Moreno), l’analyse des
interactions (Robert Bales) ou des minorités (Serge Moscovici), les
interprétations psychanalytiques (Didier Anzieu, Max Pagès). (Didier & Jacques-
Yves, 1971) (Ferréol, 2004, p. 83)

Dans l’âge pré-scientifique de la clinique des groupes, on discerne au moins


trois sources dont les courants se mêlent et ressurgissent périodiquement. La
première est religieuse, elle assure les fonctions initiatiques et thérapeutiques du
groupe, éléments fondamentaux de la cohésion groupale : en resserrer les liens,
relier ses membres dispersés, les unifier au-dedans d’eux-mêmes par
l’identification à une figure divine, à un totem. Ce fond religieux de la groupalité
se révèle au principe de toute vie et de toute sauvegarde collective et
individuelle : il commande les rites de passage d’un état à un autre : de la nature à
la culture, d’un âge à un autre, de la naissance à la mort. Il est le support du
sentiment d’appartenance.

La seconde source est sociale, économique et politique. Le groupe est un des


éléments de l’organisation sociale et à ce titre il doit jouer un rôle dans les
mouvements d’équilibre et de transformation qui affectent le « corps » social. La
métaphore organique est au cœur de la représentation de ses fonctions du groupe,
de son pouvoir ou de ceux auxquels celui-ci est confié : le chef, la tête.

La troisième source est psychosociale : le groupe est un outil de la


socialisation, dans la mesure où il assure continuité et passage entre le groupe
primaire (la famille) et les groupes secondaires (groupes de paires, groupes
d’apprentissage, groupes de pression). Un vaste champ se dessine, qui va de la
bande des copains au commando, de l’équipe professionnelle à l’équipe sportive,
de la cellule politique à la secte ou à la société secrète. Dans ces groupes
s’établissent et se transmettent les contrats qui organisent les savoirs communs,

47
CHAPITRE II Dynamique Familiale

les idéaux partagés, les systèmes de défense et de protection mutuels. (Séchaud et


al., 2006, pp. 219-220)

La diversité du champ théorique et des pratiques qui traversent le champ de la


psychologie des groupes fait mieux apparaître l’intérêt porté par ce champ
psychologique à l’étude des groupes. Et de nombreux travaux illustrent cela :

Sigmund Freud et les liens affectifs dans les groupes ; L’ouvrage de Freud
psychologie des masses et analyse du moi (1921) commence par un hommage aux
thèses de le bon dont l’auteur s’inspirera largement. Freud propose de répondre
aux trois questions fondamentales :

- Qu’est-ce qu’une masse ?

- Comment peut-elle influencer l’individu a ce point ?

- En quoi consiste la transformation qu’il subit ?

Pour expliquer ce qui rattache les individus les uns aux autres, ainsi que les
modifications qu’ils subissent, Freud propose la notion de libido. La libido a pour
noyau l’amour sexuel et recouvre de nombreuses variétés d’amour comme
l’amour pour soi, ses enfants, sa famille, etc.

Les liens entre les individus d’un groupe s’établissent sous l’impulsion de
l’amour qui en constitue la principale force de cohésion, Freud prend pour
exemple deux foules institutionnelles, l’Eglise et l’Armée. Dans ces deux types de
groupes sociaux, chaque individu est rattaché par des liens libidinaux au chef
(Christ, chef suprême) et a tous les individus membres de groupe. Mais ces liens
sont toujours menacés, notamment par la découverte de leur absence de
réciprocité ou par le soupçon que le meneur favorise certains membres au
détriment d’autres. Ainsi un groupe nourrit-il l’illusion que chacun aime le
meneur, que ce dernier les aime en retour égalitairement et que tous sont liés les

48
CHAPITRE II Dynamique Familiale

uns aux autres dans le partage de cet amour qui constitue le véritable ciment du
groupe. (Blanchet & Trognon, 2005)

Jacob Lévy Moreno et l’anatomie des interactions dans les groupes ;


Après avoir fait des études de philosophie et de médecine a vienne, Moreno a
exercé la psychiatrie en Autriche, puis aux Etats Unis, ou il s’est installé en 1927.
Il considère que l’analyse en profondeur des relations interpersonnelles devrait
permettre de révéler leur véritable nature et ainsi favoriser la spontanéité et la
créativité de l’être humain. Il propose une technique pour atteindre ce but : le test
sociométrique.

Moreno avait observé que les groupes d’enfants donnaient lieu a des
rassemblements parfois homogènes, parfois hétérogènes(constitués de sous-
groupes) et que certains enfants restaient isolés, en dehors des groupes formés, Il
formule alors l’hypothèse que la structure profonde d’un groupe est constituée par
des réseaux d’attraction et de répulsion entre les individus composant le groupe.
Le teste sociométrique visera à mettre en évidence ces réseaux. (Blanchet &
Trognon, 2005)

Au début des années 1960, Anzieu affirme que les processus de groupe
mobilisent la totalité de l’appareil psychique des participants, y compris le ça et le
surmoi. Le groupe est, selon lui, un contenant, une enveloppe qui fait tenir
ensemble des individus. Un Moi-peau groupal qui contient, délimite, protège et,
parce qu’il reste perméable, permet les échanges avec l’extérieur. Lorsque des
règles de fonctionnement sont posées et clarifiées au départ, le groupe ne devient
pas fusionnel. Anzieu s’intéresse à la spécificité de l’approche groupale dans le
domaine de la psychothérapie psychanalytique et articule théorie psychanalytique
et pratique avec des groupes d’enfants et d’adultes. (Héraudet, 2008)

En 1961, Rogers reconnaît la possible relation d’aide par le groupe. Il dit par
exemple : « pourvu que le climat du groupe soit raisonnablement favorable,

49
CHAPITRE II Dynamique Familiale

facilitateur, je laisse en toute confiance le groupe développer son potentiel et


celui de ses membres ». (Rogers, 1961/1985, p. 286)

La thérapie psychanalytique de groupe est née en 1968. Surchargée de


psychothérapies individuelles, une psychanalyste a tenté de réunir des enfants en
un groupe. Elle leur a proposé des jeux puis s’est très vite rendue compte qu’elle
devait instituer des règles précises pour que le groupe puisse fonctionner et que le
travail thérapeutique puisse se faire. (Héraudet, 2008)

Dans « Crise, rupture et dépassement » (1979), Kaës décrit la vie comme une
succession de crises où la continuité du dedans dépend pour beaucoup de la
suppléance psychosociale qui établit une fonction de conteneur. Une aide, un
soutien au niveau de l’un des trois étayages fondamentaux que sont le corps, le
code et le groupe sont indispensables. (Kaës et al., 1979, p. 291) « Le groupe est
le support sur lequel prennent appui, s’accrochent, dépendent les membres du
groupe : il est le représentant externe d’une fonction étayante primaire
défaillante ». (Kaës, 1993, p. 352)

II) La famille

Le présent point se propose d’aborder des généralités au sujet de la famille, ce


groupe si particulier qui a pris diverses conceptions contemporaines et qui depuis
l’antiquité, n’a plus cessé d’évoluer.

1) Historique de la famille

« Famille. – Les savants d’il y a cent ans


se demandaient d’où elle venait ; ceux
d’aujourd’hui se demandent plutôt où elle va ».
(Carbonnier, 1992)

50
CHAPITRE II Dynamique Familiale

La vie familiale a connu des bouleversements considérables dans le temps et


dans l’espace et plusieurs changements s’en sont suivit.

Dans la plupart des pays arabes, l’institution familiale est actuellement une
entité sociale sensiblement différente de ce qu’elle était il y a une génération. Les
divers changements qui ont traversé ces sociétés, et qui se poursuivent, l’ont
profondément touchée. Amorcées par les changements introduits par la
colonisation, ces transformations se sont poursuivies sous l’effet de
l’urbanisation, la communication audiovisuelle, la scolarisation et la mixité à
l’école, l’entrée des femmes dans le marché du travail, en particulier pour
contribuer aux dépenses familiales, l’émigration des hommes et la planification
familiale (Ben Salem, 1989). Les répercussions sur la cellule familiale ne se sont
pas fait attendre. Le système économique traditionnel de la famille, basé sur
l’indivision et l’autosubsistance se désagrège et la fonction de production quitte le
cadre familial, surtout en milieu urbain. Sur le plan culturel, le modèle familial
hiérarchisé et patriarcal, élargi et autoritaire, n’est plus la référence unique.
Détrônée dans bien des cas par l’école et par les nouvelles organisations
politiques et syndicales, la famille cesse en fait d’être le seul dépositaire des
valeurs. Avec l’abandon progressif des idéaux traditionnels en matière de
procréation, ces transformations se sont accompagnées, sur le plan de l’habitat,
d’un passage de la grande maison à la petite ou à l’appartement. (Kerrou &
Kharoufi, 1994)

Toutefois, l’institution familiale a développé des formes diverses


d’adaptation, tout en maintenant beaucoup de valeurs et de pratiques ancestrales.
L’ancien système arabe de parenté endogamique ne s’est pas effacé. Les valeurs
morales du passé basées sur l’honneur, le respect, l’entraide, la solidarité sont
dans une large mesure conservées. La famille large est toujours présente lors des
grands événements de la vie, mariages, divorces, décès, fêtes religieuses et
périodes de crise.

51
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Boucebci (1978) explique que la famille algérienne est longtemps demeurée


comme en dehors du temps. Figée dans ses structures anciennes pendant toute la
période coloniale, tout cet équilibre s’est brusquement écroulé après
l’indépendance ; depuis, tout un ensemble d’éléments convergents bouleverse la
société algérienne. (Boucebci, 1978, p. 143)

La structure familiale traditionnelle a éclaté sous la poussée de nouveaux


modèles familiaux. La grande famille « el aïla » qui regroupait plusieurs familles
conjugales, et qui était basée sur l’attachement à l’origine patrilignagère, la
division des rôles entre les deux sexes, la ségrégation de l’espace, l’indivision du
patrimoine et l’entraide familiale, a subi des bouleversements autres que les
exigences des conventions traditionnelles. (Addi, 1999; Boutefnouchet 1980;
Dujardin, 1993)

Beaucoup d’auteurs prennent comme indicateur de ces mutations familiales le


changement de statut des femmes : ces dernières renoncent de plus en plus au seul
statut traditionnel de mère avant tout pour intégrer de nouveaux rôles qui
n’étaient pas les leurs dans la conception traditionnelle, tel que le travail à
l’extérieur de la maison (terrible humiliation pour les hommes dans les années 70-
80). La scolarisation des femmes, la prolongation de leurs études et leur entrée
dans le monde du travail ont poussé la nouvelle génération à être moins encline à
accepter le poids de la tradition.

Si des liens de cause à effet existent entre ces différentes caractéristiques


sociologiques et les mutations du statut de la femme, beaucoup d’autres valeurs
sont restées les mêmes. Si elles ont changé dans la forme, elles n’ont pas ou ont
très peu bougé dans le quotidien des familles. (Addi, 1999; Dujardin, 1993) La
famille est toujours la cellule primordiale de la société, la religion est le dogme
intangible, la ségrégation entre les deux sexes, même si elle n’est pas dans
l’espace, est encore dans les idées, les symboles, les préjugés et les tabous.

52
CHAPITRE II Dynamique Familiale

La culture patriarcale persiste […]. Elle est objet d’interprétations en fonction


des intérêts respectifs des membres du groupe familial. Addi dit : « si l’on me
pressait de résumer mon analyse sociologique sur l’Algérie contemporaine, je le
ferais en quatre mots : permanence et changement de la culture patriarcale. Dans
les attitudes des individus, dans les nouveaux rôles qu’ils ont investis et les statuts
qu’ils se sont arrogés, malgré les mutations sociologiques de l’après
indépendance, la culture patriarcale est encore là, plus symbolique dans ses
références aux lignages, à l’honneur (nif), à la pudeur (horma) et dans sa
valorisation de l’espace domestique perçu comme modèle idéal de socialité. Mais
en même temps, cette culture patriarcale, instrumentalisée, n’est plus la même et
n’est plus une fin en soi ». (Addi, 1999, p. 12)

L’Algérie aujourd’hui vit dans une réalité sociale composite, une sorte
d’amalgame d’éléments modernes et d’éléments traditionnels ayant survécu.
Même si la tradition perd de sa pertinence, elle n’est jamais réduite à rien, les
individus ne s’en détachent pas totalement. Les anciennes et les nouvelles valeurs
se mêlent inextricablement, pour former un mode de vie où elles se côtoient et se
vivent en même temps. Camilleri commente la même situation en Tunisie en
disant : « le nouveau n’a pas pénétré suffisamment pour triompher, mais assez
pour tout transformer en problèmes ». (Camilleri, 1993, p. 64)

Dans une Algérie en pleine mutation culturelle et sociologique, provoquée


entre autres par l’interférence de ces deux types de représentations, on trouve
très peu de travaux sur la famille et les relations intrafamiliales. (Benali, 2005)

2) Définitions de la famille

« Ohana » signifie « famille ». Famille signifie que


personne ne doit être abandonné, ni oublié. (Lilo et Stitch,
2002)

53
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Le mot « famille » recouvre différentes réalités. En ce sens élargi, elle fut


toujours définie comme la succession des individus descendants les uns des
autres. C’est aussi une mini-société à l’intérieur de laquelle existent des
règlements et des croyances qui tournent autour de l’axe de la relation conjugale
dont les partenaires en sont les architectes. (Roudinesco, 2002)

Toute fois, tous les auteurs qui se sont penchés sur la question reconnaissent
la difficulté qui existe pour définir l’« unité naturelle » qu’est la famille. C’est
essentiellement la naissance ou l’adoption d’un enfant qui fonde cette dernière, à
la fois de faits et socialement. Il en est en quelque sorte le pivot : c’est autour de
lui, et grâce à lui, que les adultes qui lui ont donné la vie ou l’ont adopté
deviennent des parents. Cela conduit à plusieurs définitions de la famille, selon le
mode d’abord choisi.

La définition étymologique est intéressante : le mot famille dérive du latin


classique familia, dérivé de famulus (serviteur) : « La familia romaine est
étymologiquement l’ensemble des famuli, esclaves attachés à la maison du
maitre, puis tout ceux qui vivent sous le même toit, maitres et serviteurs, et sur
qui règne l’autorité du pater familiale, le chef de famille. Enfin, familia
s’applique à la parenté et, au latin médiéval (VIIIème siècle) désigne un ménage
de serfs. Famille a mis du temps à s’imposer face aux autres termes usités en
ancien français : parenté, parentage, lignée, mesnie (dérivé du latin mansio qui a
donné aussi maison) […]. Avant le XVIe siècle, [le mot] désigne les personnes
vivant sous le même toit et encore souvent les domestiques seuls. L’idée de
proche parenté tard (1585) et ce n’est que récemment que le mot évoque à la foi
la parenté et la corésidence […]. Par extension, famille désigne la succession des
individus ayant une origine commune (1611), puis un ensemble de personnes qui
présentent des caractères communs (1658) ; de la viennent l’emploi du mot en
histoire naturelle (1676) et le sens figurés ». (Rey, 1992, p. 1394)

54
CHAPITRE II Dynamique Familiale

En langue Arabe, la famille est appelée « Ayla » du verbe Aàla. On dit :


l’homme Aàla signifie qu’il a beaucoup d’enfants, et désigne aussi le gouverneur
qui a tendance à l’injustice). (1999 ، ‫)اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر‬

Selon l’anthropologie : cette science de l’homme qui étudie les structures


propres à l’humain pour tenter de repérer des invariants, des attributs communs au
vivre ensemble, quelles que soient les sociétés, les périodes, les temporalités ;
l’anthropologie, même quand elle procède à des enquêtes de terrain, cherche à
faire ressortir des invariants ; par exemple, le fait que tout individu, quelle que
soit la société, est d’abord une personne qui naît et évolue à plusieurs « places »
dans un groupe de parenté, et que ces places se voient attribuer une valeur, un
rang, un sens social dans toutes les sociétés. Et ce, quelle que soit la définition
que l’on donne de ce groupe de parenté.

Pour décrire la parenté, l’anthropologue français Maurice Godelier distingue


deux niveaux, l’individuel et le social. (Godelier, 2004) Au niveau individuel, on
naît et on vit à plusieurs « places » dans la parenté : on peut être à la fois un père
et un fils, un frère et un oncle. Certaines positions sont choisies (le fait d’être
parent), d’autres sont subies (le fait de naître, mais aussi de devenir un oncle).
(Morvan & Verjus, 2014) « La famille reposant sur l’union plus ou moins
durable et socialement approuvée d’un homme, d’une femme et de leurs enfants,
est un phénomène universel, présent dans tout les types de sociétés » précise
Claude Lévi-Strauss. (Lévi-Strauss, 1983, p. 95) Au niveau social, des attributs
sont attachés à ces « places » : selon les sociétés, naître de sexe féminin ou de
sexe masculin, aîné ou cadet, rester célibataire ou devenir père, être « mère
célibataire » ou donner la vie dans le cadre du mariage, être l’enfant naturel ou
l’enfant légitime, n’aura pas les mêmes conséquences sur la vie des individus.
(Morvan & Verjus, 2014)

55
CHAPITRE II Dynamique Familiale

L’approche juridique ; quand les juristes parlent de la famille ce n’est pas


sans ambigüité. […] La famille, pour les juristes, c’est traditionnellement, en
priorité, l’analyse du mariage, des relations entre époux. Ensuite sont considérés
les enfants, leur qualité (s’ils sont légitimes, adoptifs, naturels, adultérins), leurs
relations aux parents, les relations entre eux ; les droits des grands-parents,
l’intervention de la famille élargie dans ces rapports. Sont également posées les
questions patrimoniales : contribution des époux en charges du ménage, dette
d’aliments (tant d’un époux à l’autre que des parents aux enfants, d’enfants
envers des parents), régime des biens entre époux, partage des biens en cas de
dissolution du mariage. Enfin, comme la famille repose essentiellement, en droit,
sur le lien matrimonial, les juristes réservent un traitement privilégié à la
« maladie » de ce lien, la séparation et surtout le divorce. (Arnaud, 1991)

Avant les années soixante, il n’y a pas d’économie de la famille. L’approche


économique, reconnaît essentiellement deux types d’agents : la « firme » et le
« consommateur ». […] Dans cette optique, il importe peu que le consommateur
ne soit qu’exceptionnellement un individu isolé et soit, plus généralement, un
ménage à plusieurs personnes ou une famille. […] on suppose soit que les agents
sont regroupés par affinité et tous les agents du même ménage ont les mêmes
goûts, soit qu’un chef de ménage, à caractère plus ou moins dictatorial, impose
son points de vue.

Si l’on cherche à représenter la décision au sein du groupe familial de façon


plus réaliste, le consommateur ne s’oppose plus à l’entreprise. Certes, la famille
ne survit pas ou du moins pas de façon générale en vendant sa production.
(Herpin & Verger, 1991)

La définition la plus simple de la famille est peut-être biologique : les «


liens du sang » peuvent définir la famille d’une façon verticale, c'est-à-dire de
parentalité-filiation (le fondement biologique de la parenté étant la

56
CHAPITRE II Dynamique Familiale

consanguinité). Cette définition ignore cependant le cas des enfants adoptés, et


quelle filiation attribuer aux enfants issus de « mères porteuses ». Elle manque
également de réponse face aux accouchements sous X garantissant, dans certains
pays du monde, l’anonymat de la mère qui abandonne immédiatement et
définitivement son bébé. (Albernhe & Albernhe, 2014)

Plusieurs définitions psychologiques de la famille ont été proposées. Une


des plus intéressantes semble être celle qui, s’inspirant du mouvement
psychanalytique d’origine kleinienne, a distingué la famille externe (actuelle) et la
famille interne (passée ou d’origine). Pour Robert Neuburger (1995), la
complexité familiale renvoie au fait que la famille à plusieurs niveaux de
fonctionnement. « Une famille est : une unité fonctionnelle donnant confort et
hygiène ; un lieu de communication, matrice relationnelle pour l’individu ; un
lieu de stabilité, de pérennité, malgré ou grâce aux changements que le groupe
peut opérer ; un lieu de constitution de l’identité individuelle et de transmission
transgénérationnelle : la filiation ». (Albernhe & Albernhe, 2014, p. 142)

Définition sociologique : « La famille est une unité sociale vouée à assurer,


dans la plupart des sociétés, la socialisation primaire des individus.

La famille est bien sûr un objet privilégié pour la sociologie : c’est dans la
famille, dès la prime enfance, que se transmettent des valeurs et des normes, des
compétences linguistiques et cognitives, des attitudes et des techniques du corps,
un ensemble de dispositions qui vont caractériser les individus tout au long de
leur vie. En ce sens, la famille est toujours au cœur du processus de reproduction
sociale. » (Lebaron, 2009, p. 61)

Des définitions sociologiques ont été tentées. Roger (1980) envisage la


famille comme étant un « groupe primaire naturel » : « […] l’expression
« groupe primaire », proposée par le psychosociologue américain Cooley,
désigne les petits groupes sociaux à interrelations directes et de face-à-face, par

57
CHAPITRE II Dynamique Familiale

opposition aux « groupes secondaires » où l’interconnaissance n’est que


potentielle et où les relations sont de type indirect ou contractuel, du fait d’une
part de la grande taille du groupe et d’autre part de son organisation interne
purement sociale. » (Albernhe & Albernhe, 2014, pp. 142-143)

3) Typologie de la famille

On distingue généralement des types de systèmes familiaux (ou structures


familiales), selon des critères variables, et pouvant porter différentes appellations
selon les auteurs.

La typologie qu’on obtient selon la composition de la famille peut se


présenter de cette façon :

- Les familles nucléaires ou étroites sont constituées par l’assemblage : père


+ mère + enfants non mariés ;
- Les familles communautaires sont en revanche élargies à l’horizontale : les
enfants mariés ou non agglutinés en cellules conjugales pouvant cohabiter ;
- Les familles multigénérationnelles, également parfois appelées familles
souches ou familles maisons, sont unies à la verticale en ce sens qu’elles
correspondent à un assemblage plurigénérationnel : parents + enfants + petits-
enfants ;
- L’expression de famille recomposée est malheureuse pour Guy Ausloos
(1998) car « il ne s’agit pas de recomposition, encore moins de reconstitutions ; il
s’agit d’une famille nouvelle, recrée, qui constitue à son tour un nouveau
système.je préfère donc parler de familles néoformées ou recrées, pour insister
sur le fait que l’on a à faire avec un nouveau système et non avec des morceaux
d’anciens systèmes. On peut de toute façon se poser la question de savoir si ces
formes de familles sont tellement nouvelles. », écrit-il. (Albernhe & Albernhe,
2014, p. 142)

58
CHAPITRE II Dynamique Familiale

D’autres typologies ont été élaboré, notamment celle de Jules Riskin et de


Elaine E. Faunce établit à partir de l’échelle d’évaluation des interactions
familiales pathologiques, ensuite celle de Salvador Munichin est une typologie
familiale psychanalytique qui est davantage liée aux conceptions psychiatriques
habituelles, d’où des dénominations par les termes de familles caractérielles,
névrotiques, psychotiques, perverses, dépressives, narcissiques, paranoïaques…
comme l’ont conceptualisé A. Eiguer et H. E. Richter. Il faut noter cependant, que
beaucoup de travaux de recherche sur la problématique famille/individu ont été
accompli par des chercheurs comme Lidz, Wynne, Ferreira, Selvini, Racamier et
Kestenberg, chacun dans son champ et selon sa méthodologie propre comme des
théories de la psychologie familiale avant la constitution de caractériologies
familiales. (Amardjia, 2005)

4) Fonctions de la famille

Que la famille remplisse une fonction sociale extrêmement importante, ainsi


que l’avait relevé Salvador Minuchin (1980), n’a rien d’étonnant : « La famille est
la matrice du développement psychosocial de ses membres, mais elle doit aussi
s’adapter à la société et assurer une certaine continuité à sa culture. […] Les
révolutions française, russe et chinoise ont toutes sapé la structure de la famille
traditionnelle dans ces pays en un effort pour accélérer la vitesse du progrès vers
un nouvel ordre social. […] Le changement va toujours de la société vers la
famille, jamais de l’unité la plus petite vers la plus grande ».

La principale fonction de la famille est probablement sa fonction d’identité :


la famille est la matrice de l’identité, selon l’heureuse expression de Minuchin :
« Dans toutes les cultures, la famille imprime en ses membres leur identité.
L’expérience humaine d’identité a deux éléments : le sentiment d’appartenance et
le sentiment d’être séparé. Le laboratoire dans lequel ces ingrédients sont mêlés
et dispensé, c’est la famille, matrice de l’identité ». Le sentiment d’appartenance

59
CHAPITRE II Dynamique Familiale

« provient d’un ajustement de l’enfant aux groupes de la famille et de son


adoption des patterns transactionnels de la structure familiale qui restent
cohérents tout au long des différents évènements de la vie ».

La famille assure aussi une fonction éducative, au sens fort du terme, basée
sur des relations complexes d’autorité, de loyauté, de confiance. En son sein se
constitue le premier apprentissage du manque, de la frustration, et donc de la
socialisation. C’est elle qui permet à l’enfant d’être précocement confronté à la
loi, et à la symbolique qui lui ait liée. (Albernhe & Albernhe, 2014, p. 151)

L’une des fonctions essentielles de la famille serait de fournir « un terreau


émotionnel suffisamment riche pour permettre à ses membres de créer une
identité propre », remarque Philippe Caillé. C’est en ce sens qu’il lui semble que
la famille devrait perdurer, même si une « nouvelle famille » resterait peut-être à
inventer. (Goldbeter-Merinfeld, 2011, pp. 7-8)

De part sa composition même […], la famille permet d’articuler la différence


entre la différence des sexes et la différence des générations. Elle permet donc à
l’enfant de trouver sa place, en tant que « fils » ou que « fille », puis à son tour en
tant que « père » ou que « mère ».

L’institution familiale a longtemps eu pour principale fonction la transmission


d’un patrimoine (financier, mais aussi affectif, social, culturel, etc.). Actuellement
dans la société post-industrielle, il s’agit davantage de privilégier l’identité
personnelle et l’épanouissement individuel que de transmettre par filiation ce
patrimoine. (Albernhe & Albernhe, 2014)

Réfléchir aux fonctions que remplit la famille dans la société contemporaine


revient en quelque sorte à se demander à quoi sert la famille aujourd’hui et dans
quelle mesure cette ou ces fonctions ont évolué au fil du temps en interaction
avec d’autres institutions. Les manuels contemporains de sciences économiques

60
CHAPITRE II Dynamique Familiale

et sociales à destination des lycéens évoquent deux fonctions principales de la


famille : une fonction économique (transmission des richesses, production et
surtout aujourd’hui consommation) et une fonction sociale (socialisation des
enfants et solidarité mutuelle). Il en existe bien d’autres : l’accès à une sexualité
légitime et reconnue ; la reproduction biologique et le renouvellement des
générations ; l’identification sociale des individus ; le soutien face aux risques de
l’existence ; la formation morale, éthique, politique et religieuse ; la sociabilité…
Mais ce serait sans compter avec d’autres caractéristiques de la vie familiale,
moins positives et aux effets non moins puissants : la famille peut aussi être vue
comme le nid de reproduction des inégalités, qu’elles soient économiques, de
santé, de capital social, et la source de nombre de troubles psychiques. (Martin,
2004)

5) Caractéristiques de la famille Algérienne

La famille reste, dans la plupart des civilisations, la cellule de base, la pièce


maîtresse de l’organisation sociale. Notant que chaque société a ses propres
caractéristiques, nous allons nous arrêter au niveau de notre société algérienne et
ainsi aborder ses particularités.

Il est admis que la famille soit une unité de la société ou elle-même une
société. Son enjeu est réciproque avec cette dernière. La société algérienne a
connu des bouleversements qui ont agi de façon importante sur la famille :
l’éclatement économique, la décennie rouge, le phénomène d’acculturation sous
l’influence des médias et les nouveaux programmes scolaires, ces éléments et
d’autres entraînent des modifications qui touchent profondément l’unité de base
de la société algérienne.

La composition de la société algérienne nous oblige à délimiter les concepts


de ménage et de famille. L’État et Structures des Familles et Ménages (1966),
lors du premier recensement national, donne la définition suivante au ménage : «

61
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Un ménage ordinaire est un groupe de personnes vivant dans le même logement


préparant (et prenant en général) les principaux repas ensemble. Une personne
vivant seule dans un logement constitue un ménage. Un ménage est composé
d’une seule ou plusieurs familles. Parmi les membres d’un ménage, on peut
trouver outre le chef de ménage, son (ou ses) épouse(s) d’autres parents (père,
mère, belle-mère…) mais aussi d’autres personnes non parentes (domestiques,
pensionnaires…) ». (Hadj Ali, 2006, p. 35)

Le même auteur définit la famille comme « étant un sous ensemble du


ménage a été définie de la manière suivante : Une famille est composée d’un
homme, son (ou ses) épouse(s), ses enfants non mariés. Une famille pouvait
comprendre également d’autres personnes isolées… ». (Hadj Ali, 2006, p. 18)

Les deux définitions sont éclairantes sur la composition de la famille


algérienne, parfois grande famille (traditionnelle), d’autres fois famille conjugale
moderne, elles abordent quelques caractéristiques que Boutefnouchet a bien
mentionnées :

- La famille algérienne est une famille souche, où un ou plusieurs couples avec


ou sans enfants vivent dans la grande maison.
- Le patriarcat est dominant dans la famille algérienne, le père ou le grand-père
est le chef spirituel de l’organisation familial, il est le sage que ses paroles sont
des ordres non dépassés par les membres de la famille.
- La filiation dans la famille algérienne est paternelle, l’origine de l’enfant
demeure de son père, non de sa mère ; la mère et la femme demeurant dans la
généalogie de son père.
- La famille algérienne est liée solidement ensemble, indivise et cohésive, les
descendants masculins ne quittent pas la grande maison lors du mariage, au
contraire les descendants féminins doivent quitter la grande maison au
mariage.

62
CHAPITRE II Dynamique Familiale

6) Maladie mentale dans la famille


« Dans une famille on est tous tributaire les
uns des autres. Le malheur de l’un fait le malheur
de tous. » Germaine Versailles.

Quand un proche devient malade psychiquement, toute sa famille-enfant,


conjoint, frère, sœur ou parent- s’interroge, souffre avec lui et voit sa vie changer.
Celle-ci passe alors par des moments clés, des étapes qui sont autant de jalons sur
la route douloureuse, Mais inévitable, de l’adaptation à une nouvelle réalité.
« Rien ne prépare une famille à la maladie mentale » constate la journaliste
Tobin, auteure d’un livre sur la schizophrénie. Certes, chaque histoire est
singulière, chaque affection a son déroulement particulier. Pourtant, au-delà des
différences, on retrouve les mêmes thèmes, interrogations ou affirmations
douloureuses qui semblent être le lot commun de tous ceux dont un proche a, un
jour, été atteint par la maladie mentale. (Le petit Larousse de la psychologie,
2013)

La famille organise son fonctionnement et impose ses règles. L’organisation et


les règles au sein de celle-ci sont préétablies et sont situées au sein de l’histoire
personnelle des personnes qui la composent. Elle est régie par des lois internes,
des modes de communication particuliers qui en font un système où l’interaction
est omniprésente. C’est une microsociété qui a pour objet la transmission des
valeurs d’appartenance et l’établissement de lien étroit avec l’environnement. Cet
ensemble est bouleversé par la pathologie mentale d’un membre de la famille.
L’interaction, le comportement, l’attitude et la communication prennent une
tournure pathogène. (Haouzir & Bernoussi, 2010)

D’un autre côté, Don Jackson propose d’appliquer à la famille un modèle


venant de la biologie : le modèle homéostatique. « Les familles sont comme les
cellules des homéostats », c’est-à-dire des organismes qui ont la capacité de
retourner à l’équilibre lorsqu’une déviation est introduite. Nous sommes des
63
CHAPITRE II Dynamique Familiale

organismes biologiques, donc homéostatiques : quand la déviation de notre faim


est introduite, nous retournons à l’équilibre en allant manger. Ce modèle
homéostatique, très présent dans les écrits sur la famille, proposait donc un
modèle où la famille aurait pour finalité de maintenir son équilibre. Ce qui a
entraîné la croyance que les familles essaient de ne pas changer. (Ausloos, 1994)

7) Famille algérienne face à la maladie

De diverses représentations entourent à la maladie en milieu social algérien,


des concepts spécifiques et des interprétations magiques sont attribués à des
maladies. Le savoir populaire semble utile dans la prise en charge du malade.
Zerdoumi (1970) a mentionné que dans le Maghreb, il existe deux médecines
juxtaposées, l’une scientifique, l’autre traditionnelle. Le Taleb, le Mrabet
(Marabout), la sahhara (sorcière) et aujourd’hui le Raki, sont des thérapeutes
populaires que le malade et sa famille vont voir en cas d’échec des sciences
médicales, ceux-ci sont des recours, ils interprètent l’étiologie de la maladie de la
manière suivante :

- C’est l’ancêtre du malade qui l’afflige car il n’a pas été honoré
convenablement.
- Ce sont les Djinns du terroir qui le tourmentent car il a transgressé un interdit.
- Ce sont ses pairs, jaloux de son intelligence, de sa réussite, de sa richesse, de
sa beauté qui le persécutent, soit à travers la mauvais œil - qui consiste à
détruire l’objet convoité faute de le posséder.

Dans la culture algérienne, le malade est pris en charge par l’ensemble de la


famille, il reçoit des visites quotidiennes, surtout dans les graves de patients
mourants, c’est une occasion pour demander pardon au malade. Actuellement,
l’algérien croit que, la Roukia est un moyen utile dans le processus de guérison, le
Raki prend alors la place du Taleb et Marabout. Durant cette thérapie plus ou
moins religieuse, le Raki entreprend de lire des versés coraniques au malade qui à

64
CHAPITRE II Dynamique Familiale

son tour ferme ses yeux, et se concentre sur la voix. Dans le cas où le patient
serait touché par le Djinn, le Sihr ou le mauvais œil, il répondra à cette lecture en
parlant ou agitant le corps ; s’il ne répond pas de cette façon, cela voudra dire
qu’il est « sain ».

Le philosophe Ibn Khaldoun cite que : « Le pouvoir magique peut être de trois
degrés. La première exerce une influence purement psychique, sans aucun
instrument ou recours extérieur : c’est ce que les philosophes appellent la magie
(Siḥr). Le second agit à l’aide du « tempérament » (Mizaj) des sphères célestes et
des éléments, ou bien par les propriétés des nombres : c’est là l’art des talismans,
qui est inférieur au degré précédent. Le troisième exerce une influence dure les
facultés de l’imagination. C’est là-dessus que s’appuie cela qui en joue. Agissant
sur l’imagination (des spectateurs), jusqu’à un certain point, il l’alimente en
fantasmes, images et formes dont il se sert. Puis, il les fait descendre au niveau de
la perception sensorielle des assistants, grâce à ses pouvoirs psychiques ». (Ibn
Khaldoun, 1968, p. 1079-1080)

« La religion est un phénomène humain majeur qui structure la vision du


monde, sauve un grand nombre d’individus, organise presque toutes les
cultures… et provoque d’immenses malheurs ! » (Cyrulnik, 2017, p. 39) Or, dans
le cas de maladies graves telles que le cancer ou la schizophrénie ces thérapies
traditionnelles se voient inefficaces voire parfois même empirent l’état du patient.
Ainsi les représentations culturelles religieuses incrustées chez certaines familles
peuvent constituer un réel danger pour la santé du malade. Cyrulnik ajoute que le
système religieux, en se déréglant, donne des troubles : Culturels (guerres de
religion) ; psycho-affectifs (fanatisme) ; neurologiques (extases délirantes ou
hallucinations). (Cyrulnik, 2017)

65
CHAPITRE II Dynamique Familiale

III) La dynamique familiale

“It was on this day, from this fire, with


these people, that Siddhartha learned about
suffering... and discovered compassion. They were
him, and he was them.” – Little Buddha (1993).

« Un [est] le Tout, par lui le Tout et vers lui


[retourne] le Tout; et si l'Un ne contient pas le
Tout, le Tout n'est rien » – Zosime de Panopolis
(vers 300 av. J.-C.)

1) Historique de la dynamique familiale

Avant les années cinquante, Ackerman et Whittaker ont commencé à


rencontrer des familles, mais il n’y avait alors ni mouvement ni même de théorie.
Dans les années cinquante une théorie a commencé à se développer avec la
théorie générale des systèmes (von Bertalanffy), la cybernétique (Wiener), la
théorie de l’information (Shannon) et de la communication (Bateson), comme le
présentent Gurman et Kniskern (1981). [...] Au début des années cinquante, on
commence dans les universités américaines à parler de la théorie des systèmes et
de la cybernétique. La famille étant un système autogouverné, on observe, on
essaie de déterminer les règles, les rôles, les mécanismes de fonctionnement et
d’organisation. Don Jackson propose d’appliquer à la famille un modèle venant
de la biologie : le modèle homéostatique. Nous sommes des organismes
biologiques, donc homéostatiques : quand la déviation de notre faim est
introduite, nous retournons à l’équilibre en allant manger. Ce modèle
homéostatique, très présent dans les écrits sur la famille, proposait donc un
modèle où la famille aurait pour finalité de maintenir son équilibre. Ce qui a
entraîné la croyance que les familles essaient de ne pas changer. (Ausloos, 1994)

66
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Des travaux mettent en lumière les conceptions et les rapports de pouvoir qui
marquent les discours et les pratiques des nouveaux experts de la famille
(travailleuses sociales, psychologues, médecins, etc.), qui tentent, au fil du XXe
siècle, d’encadrer l’enfance et l’adolescence comme stades de développement
psycho-biologique particuliers. (Adams, 1997; Comacchio, 2006; Gleason, 1999;
Stiles, 2003; Wall, 2009) Au croisement de l’histoire des familles ces recherches
ont souligné l’impact de ces discours sur les relations familiales, les rapports
intergénérationnels et la définition des rôles des parents auprès de leurs enfants.
Par ailleurs, la figure de l’adulte, ses rôles, ses fonctions et les représentations qui
y sont associées dans l’espace familial, restent encore inexplorés. Une approche
basée sur l’étude des parcours de vie permettrait d’appréhender la maternité, la
paternité, les relations parents-enfants et les structures familiales sur le long terme
de façon dynamique. (Beaumier, 2017) Au-delà de l’étude des dyades parent-
enfant, paradigme jusqu’alors majoritaire dans les recherches en psychologie du
développement, ces travaux considèrent dorénavant l’ensemble des relations
familiales (conjugale, coparentale, parent-enfant, fraternelle, etc.), leur
interdépendance, leurs effets sur le développement de l’enfant, mais aussi
comment chacun de ces partenaires (père, mère, enfant) contribue à la dynamique
familiale. (Anderson & Sabatelli, 1999; Cox et Paley, 1997, 2003; McHale &
Grolnick, 2002) Le contexte actuel de mutation de la famille, marqué notamment
par l’évolution des rapports homme-femme, de la place de l’enfant au sein de la
famille et plus largement au sein de la société, et le développement de
configurations familiales diversifiées (monoparentale, recomposée,
homoparentale, etc.), amène nécessairement une complexité des processus
psychologiques et sociaux à l’œuvre au sein de ces interactions plurielles.
(Bergonnier-Dupuy & Robin, 2007; Rouyer, 2009)

L'étude des familles de schizophrènes a débuté de façon notable dans les


années 30, période où l'on cherchait à établir l'étiologie de la schizophrénie. On

67
CHAPITRE II Dynamique Familiale

étudia le rôle des parents afin d'y découvrir une cause possible de cette grave
maladie. (Boucher & Lalonde, 1982) Historiquement, la famille est d’abord
considérée comme la « cause » des problèmes de santé mentale avant de devenir,
dans un contexte de désinstitutionalisation de la psychiatrie, une « solution » pour
maintenir la personne dans son milieu. Un changement majeur de paradigme
s’effectue dans ce passage d’un modèle pathologique de la famille à un modèle de
compétence. Les connaissances sur les familles accueillant un proche aux prises
avec des troubles psychiatriques graves s’avèrent toutefois très limitées et la
dynamique entre les familles et les professionnels reste caractérisée par une
certaine animosité. Bien que considérée comme un élément essentiel dans la
politique de maintien du patient dans la communauté, la famille n’est encore que
partiellement reconnue comme source d’influence potentiellement positive dans
la trajectoire des soins. (Carpentier, 2001) Le développement actuel de la
psychiatrie donne de plus en plus souvent aux malades atteints de schizophrénie
la possibilité de récupérer leur niveau de fonctionnement social précédant la
maladie. Cette évolution pousse à mettre l’accent sur le perfectionnement de
méthodes d’aides extra-hospitalières pour les personnes atteintes d’une maladie
mentale. (Zygankov, 2005) La présence ou l’absence de rechutes de la maladie
psychique dépend en grande partie des particularités de la réaction du milieu
familial, du caractère de l’interaction systémique et de la communication
émotionnelle au sein de la famille du malade, et de l’organisation du soutien
social. (Leff, 1989; Merlinger, 2000; Tennakoon, 2000; Pharoah et al., 2004)

De fait, la famille aujourd’hui est davantage pensée comme une ressource que
comme une entrave à la guérison. La question n’est pas de décider quelle est la
vision la plus juste mais de montrer que le passage d’une idéologie à une autre
doit absolument s’accompagner d’une réflexion clinique et théorique sur l’impact
de cette idéologie sur le quotidien et le bien-être des familles et des malades.
(Davtian & Scelles, 2013)

68
CHAPITRE II Dynamique Familiale

2) Définition de la dynamique familiale

Originaire du grec ancien dynamikos (= puissant, efficace), dérivé de dynamis


(= puissance) auquel est également apparenté dynasteia (= domination, pouvoir,
oligarchie) qui a donné dynastie en français, le mot « dynamique » est défini dans
le dictionnaire Littré (1994) comme étant ce qui réfère au mouvement, à
l’équilibre, à la fonction... Ainsi, dans le domaine de la physique, il est relatif au
mouvement produit par des forces. C’est aussi la partie de la mécanique qui
étudie les relations entre les forces et les mouvements qu'elles produisent : La
dynamique classique, newtonienne, relativiste. « Quelques formules, pensait-on,
devaient résumer toute notre expérience, et un tableau final de relations
d'équilibre et de transformations, analogue ou identique à celui que forment les
équations de la dynamique devait être le but et le terme du travail de
l'intelligence scientifique ». (Valéry, 1944, p. 60) En philosophie, c’est ce qui
considère les choses dans leur mouvement. « Un effort plus scientifique a été fait
depuis lors, à la recherche des composantes raciales du psychisme. Il n'est
devenu fructueux que lorsqu'on a abandonné la méthode statistique inventoriale,
pour une conception dynamique du portrait racial ». (Mounier, 1946, p. 158)

En sociologie, la dynamique sociale est l’étude des forces créatrices


auxquelles on attribue une valeur causale dans l'évolution et le progrès des
sociétés. La dynamique sociale étudie, à la manière de la physiologie, la vie en
mouvement, les forces créatrices du devenir et du progrès. (Birou, 1966) C’est
aussi l’étude des lois qui régissent les phénomènes spécifiques des groupes
restreints, les changements personnels à l'intérieur des groupes. (Mucch. 1969)

La Psychologie dynamique étudie les processus psychiques dans leur


évolution. En parlant de la vie mentale ; « dynamique » est ce qui procède par
modifications incessantes selon une finalité ; ce qui se développe. Tel que
l’imagination, la joie, et la pensée dynamique. « La psychologie et la sociologie

69
CHAPITRE II Dynamique Familiale

du nouvel organicisme doivent faire appel (...) à un principe authentiquement


créateur, à un inconscient dynamique et à une société ouverte ». (Vuillemin,
1949, p. 79)

En psychanalyse, le terme dynamique « qualifie un point de vue qui envisage


les phénomènes psychiques comme résultant du conflit et de la composition de
forces exerçant une certaine poussée, celle-ci étant en dernier ressort d’origine
pulsionnelle ». (Laplanche & Pontalis, 1996, p. 123) La dynamique décrit le jeu
des forces en présence et les antagonismes des instances entre elles. La
dynamique correspond au jeu des éléments entre eux. Les modalités sont
oppositions, composition, repli... (Juignet, 2001)

En systémie, on évalue un système, à savoir le couple ou la famille


fonctionnant comme un tout organisé. Cette évaluation se réalise dans une
perspective dynamique, en portant attention aux forces qui maintiennent ou
compromettent l’équilibre du système ainsi qu’à celles susceptibles de le remettre
en mouvement. L’évaluation de la dynamique du système familial signifie aussi
la prise en compte de la famille comme un facteur de risque prédisposant,
précipitant, aggravant ou de maintien d’une pathologie. L’apparition d’un
comportement symptomatique chez une personne n’est pas toujours associée au
fonctionnement familial. Parfois, par sa réponse, la famille peut contribuer au
maintien ou à l’aggravation de la conduite symptomatique. Dans d’autres
situations, la famille peut être considérée comme un facteur de protection pour un
être humain en difficulté et ainsi être mise à contribution. (Veilleux, 2011)

Dans ce sens, la dynamique familiale va s’agir des interactions, de la


communication et autres transmissions intergénérationnelles qui se font entre les
membres d’une même famille ainsi que de la structure de celle-ci, du rôle de
chacun de ses membres et des relations qui existent entre eux.

70
CHAPITRE II Dynamique Familiale

3) Approches théoriques de la dynamique familiale

La dynamique familiale selon l’approche psychanalytique ; « Le groupe


sous toutes ses formes a intéressé Freud. Pour lui le facteur social intervient
comme l’un des pôles conflictuels auquel l’individu est confronté ». (Chapelier,
2015, p. 17) Freud tente de comprendre les liens qui unissent groupe et individu.
La famille est un groupe et ce groupe familial est régi par les lois des différences
entre générations et de l’interdit de l’inceste. Le groupe en psychanalyse est
souvent considéré comme, un contenant ou un environnement étayant pour
l’individu. (Jacket, 2009) Chez Freud, la structure familiale avec sa contrainte à
l’identification des enfants entre eux serait prototype du groupe considéré comme
une somme d’individus qui ont mis « un seul et même objet à la place de leur
idéal du moi et se sont, par conséquence, dans leur moi, identifiés les uns aux
autres ». (Caillot & Decherf, 1989, p. 30) L’individu ne peut devenir un individu
que s’il se détache d’un fond groupal. Le sujet est considéré comme un être en
relation, une structure de liens, il ne peut vivre seul et il oscille sans arrêt entre
deux pôles : rester englouti dans le cocon familial ou revendiquer sa liberté.

Les fantasmes originaires ; Scène de séduction, fantasme de castration,


scène originaire, vie intra-utérine comme paradis perdu, ce sont des scenarios que
tous les hommes partagent. Ces fantasmes dirigent la façon de vivre de la famille,
s’ils circulent bien, les échanges et la créativité sont possibles dans la famille,
dans le cas contraire une souffrance exprimée par des symptômes risque
d’apparaitre chez un ou plusieurs membre de la famille.

L’appareil psychique familial ; est une création interactionnelle, c’est une


création de la famille. La relation entre les membres agit comme une espèce
d’alchimie entre leurs différents psychismes. C’est un espace transitionnel ou
chaque membre de la famille a le sentiment d’être en complicité avec les autres,
d’être rassuré par rapport à la solitude et au sentiment d’abandon, d’être contenu

71
CHAPITRE II Dynamique Familiale

par les autres et de ne jamais se sentir seul. Cet appareil psychique familial est fait
de la partie la plus instinctive des individus et il va tellement de soi qu’on ne le
voit pas, sauf quand la famille est en crise. Il ne se réfléchit pas, c’est l’ensemble
des liens, des relations qui vont de soi et il traverse les générations.

D’autres développements de la psychanalyse ont apporté des points de vue


dynamiques sur le fonctionnement familial, qui ont contribué à éclairer la genèse
de nombreux troubles psychopathologiques, sans pour autant céder au préjugé
étiologique, tels les notions de névrose familiale proposées par Laforgue (1936) et
Leuba (1936), celle d’interactions fantasmatiques proposée par Cramer et
Kreisler en 1981, celle enfin de scénario narcissique de la parentalité récemment
proposée par Manzano et al. (1999). Ces trois notions servent à décrire la
dynamique inconsciente sous-jacente à un dysfonctionnement familial, à un
trouble relationnel parent/enfant ou à l’échec d’une fonction parentale. [...] Si la
description de ces auteurs nous paraît aujourd’hui excessive, voire naïve, il faut
leur reconnaître le mérite d’avoir montré pour la première fois l’importance des
mécanismes de transmission transgénérationnelle inconscients. (Houzel, 2003)

La dynamique familiale selon l’approche systémique ; Les approches


systémiques et communicationnistes en ont fait d’emblée leur sujet d’étude. Ces
approches sont issues de nouveaux paradigmes scientifiques apparus vers le
milieu du XXe siècle, paradigmes qui rompaient avec les approches des siècles
précédents pour proposer une approche holistique des phénomènes étudiés :
théorie générale des systèmes de von Bertalanffy (1947), cybernétique de Wiener
(1948), théorie de la communication de Shannon et Weaver (1949), théorie des
jeux de von Neumann et Morgenstern (1942). Les composants d’un système sont
en interaction les uns avec les autres d’une façon qui caractérise celui auquel ils
appartiennent. Le système lui-même est défini par l’ensemble des interactions des
éléments qu’il contient : « Un système, écrit von Bertalanffy, peut être défini
comme un complexe d’éléments en interactions. Par “interaction”, nous

72
CHAPITRE II Dynamique Familiale

entendons des éléments p liés par des relations R, en sorte que le comportement
d’un élément p dans R diffère de son comportement dans une autre relation R′.
S’il se comporte de la même façon dans R et dans R′, il n’y a pas interaction et les
éléments se conduisent indépendamment par rapport aux relations R et R′ » (von
Bertalanffy, 1968, p. 53)

Les systématiciens déterminent la famille comme un système, c'est-à-dire un


ensemble d’individus en interaction, gouvernés par une série de règles implicites
et explicites, se référant à des valeurs, attribuant parfois à certains de ses membres
des rôles spécifiques, soutenant collectivement un mythe, une image d’un idéal
familial ; les membres sont liés entre eux par un sentiment d’appartenance qui
peut se manifester par des liens de loyauté entre générations (filiation) et dans une
même génération (la fratrie ; le couple), pouvant rendre les espaces personnels
(d’autonomisation) difficiles à préserver. (Goldbeter-Merinfeld, 2011)

C’est ainsi que Bateson et ses collaborateurs, après avoir utilisé une
approche systémique dans des recherches anthropologiques, l’ont appliqué à
l’étude du groupe familial et, tout d’abord, dans les familles dont un membre était
schizophrène. Leurs travaux les ont conduits en 1956 à définir un mode de
communication particulier au sein de ces familles, qu’ils ont baptisé double bind
(double lien ou double contrainte) : « Les éléments indispensables pour constituer
une situation de double contrainte, telle que nous la concevons, sont les suivants :
1 / Deux personnes ou plus. Pour les besoins de l’exposé, nous désignerons une
comme la “victime” [...] 2 / Une expérience répétée. Nous affirmons que la
double contrainte est un thème récurrent dans l’expérience de la “victime”.
Notre hypothèse prend en considération, non pas une expérience traumatique
unique, mais une expérience dont la répétitivité fait que la double contrainte
revient avec régularité dans la vie de la “victime”. 3 / Une injonction négative
primaire. Celle-ci peut prendre deux formes : a) “Ne fais pas ceci ou je te
punirai” ; b) “Si tu ne fais pas ceci, je te punirai” [...] 4 / Une injonction

73
CHAPITRE II Dynamique Familiale

secondaire, qui contredit la première à un niveau plus abstrait tout en étant,


comme elle, renforcée par la punition ou par certains signaux menaçants la
survie. Cette injonction secondaire est plus difficile à décrire que la première
pour deux raisons : d’abord, parce qu’elle est transmise à l’enfant par des
moyens non verbaux. Attitudes, gestes, ton de la voix, actions significatives,
implications cachées dans les commentaires verbaux, tous ces moyens peuvent
être utilisés pour véhiculer le message plus abstrait. Ensuite parce que
l’injonction secondaire peut se heurter à l’un des éléments de l’interdiction
primaire [...] 5 / Une injonction négative tertiaire, qui interdit à la victime
d’échapper à la situation [...]». (Bateson et al., 1956, pp. 14-15)

La description du double bind a été à l’origine de très nombreux travaux


visant à repérer les modes de communication intrafamiliaux pathogènes
caractéristiques des familles comprenant un « patient désigné » atteint de tel ou
tel syndrome. Le terme générique de communication paradoxale est utilisé pour
désigner l’ensemble des troubles de la communication relevés. C’est ainsi qu’ont
été successivement décrits : le schisme (Lidz et al.,1957), qui décrit un conflit
conjugal latent ; la pseudo-mutualité, dans laquelle les conflits sont masqués pour
laisser croire à une totale harmonie au sein du groupe familial et la pseudo-
hostilité (Wynne & al., 1958), dans laquelle des alliances secrètes sont masquées ;
la disqualification (Haley, 1959; Sluzki et al., 1971; Kaufmann, 1986), dans
laquelle « un message n’est pas confirmé de façon explicite alors qu’une telle
confirmation eut été nécessaire » (Seywert, 1990, p. 99) ; la mystification (Laing,
1965), engendrant la confusion plutôt que le conflit, etc.

Ces différents modes de communication paradoxale ont été étudiés et


décrits essentiellement dans les familles de schizophrènes. Dès 1957, Lidz, Fleck
& al. ont décrit, à partir de l’étude de 14 familles, les caractéristiques de
l’organisation et de la communication des familles de schizophrènes : union
conjugale défectueuse, effacement des barrières intergénérationnelles, non-

74
CHAPITRE II Dynamique Familiale

respect des frontières entre les sexes, insuffisance de l’apprentissage d’un langage
fiable, transmission d’un mode de pensée irrationnelle. D’autres études ont porté
sur les familles dont un des membres présentait : un trouble des conduites
alimentaires (Bruch, 1974; Selvini-Palazzoli, 1973, 1978, 1988) ; un trouble
névrotique (Richter, 1970, 1972) ; un syndrome maniaco-dépressif. (Finley &
Wilson, 1968)

Cependant la tendance des études systémiques à proposer une typologie


familiale centrée sur la pathologie d’un de ses membres a été rapidement écartée
par la plupart des auteurs systémiciens du fait de son manque de spécificité et à
cause du risque que cela comporte de stigmatiser les familles et de déboucher sur
un a priori étiologique. On y a substitué l’étude de la fonctionnalité des familles,
en décrivant un gradient qui va des familles les plus gravement dysfonctionnelles
aux familles les plus fonctionnelles. Ce type d’étude s’appuie sur les notions :

- d’homéostasie familiale, notion introduite dès 1957 par Jackson. Elle


transpose à l’équilibre interne de la famille le concept biologique d’équilibre du
milieu intérieur défini par Claude Bernard. Le patient désigné de la famille n’est
pas malade de sa seule personne, mais aussi d’un dysfonctionnement de sa
famille, porteur des symptômes de la famille il la protège par sa souffrance afin
de maintenir sa cohésion, en assurer son homéostasie ;

- de triangle relationnel, notion introduite par Weakland en 1960 pour


décrire les interactions au sein du triangle père/mère/enfant, et plus généralement
de style interactionnel (Beavers, 1982, 1983) qui décrit l’équilibre entre tendances
centripètes (maintenir chacun des membres du groupe familial en son sein) et
tendances centrifuges (pousser chacun des membres vers l’extérieur du groupe
familial) ;

- de mythe familial (Ferreira, 1981; Neuburger, 1995) : « [...] c’est la


croyance montrée en des caractéristiques, des spécificités du groupe. Ces

75
CHAPITRE II Dynamique Familiale

croyances concernent tous les niveaux de réalité de la famille ; l’ensemble de ces


croyances constitue la “personnalité” d’une famille, le mythe d’une famille »
(Neuburger, 1995, p. 12) Toute famille fabrique son ou ses mythes dont elle a
besoin pour construire son identité. Les dysfonctionnements apparaissent lorsque
le mythe, système de croyances et de valeurs, est transformé en un ensemble de
vérités intangibles et immuables ;

- de rituels familiaux : « Ce sont toutes les conduites répétitives qui ont


pour fonction de renforcer le pôle mythique du groupe, en le faisant transparaître
» (Neuburger, 1995, p. 24) ;

- de rôles familiaux, définis par Seywert (1990) : « [...] les patterns


comportementaux attendus dans l’exercice d’une fonction familiale donnée » (p.
75). En 1973, Boszormenyi-Nagy a élaboré le concept de parentification pour
désigner le rôle attribué implicitement à un enfant de fonctionner comme « parent
de ses propres parents ou comme parent d’un de ses frères et sœurs ». La
parentification n’a des effets pathogènes que si elle est cachée, durable et
inappropriée aux compétences de l’enfant ; les systémiciens insistent également
sur le rôle de bouc émissaire attribué par le groupe familial à un de ses membres
dans les familles dysfonctionnelles ;

- de frontière : « [...] délimitations entre les différents sous-systèmes


familiaux, tels que sous-système parental, sous-système conjugal (dyade mari-
femme), sous-système des enfants, sur les limites interindividuelles, sur les
frontières entre famille nucléaire et famille d’origine » (Seywert, 1990, p. 77) On
insiste en particulier sur l’importance du groupe familial. (Houzel, 2003)

76
CHAPITRE II Dynamique Familiale

4) Typologie de la dynamique familiale

« Même une feuille de papier est


plus légère si on la porte à deux » –
Proverbe coréen.

« Mieux vaut être seul que mal


accompagné » – Proverbe français.

Famille à transaction schizophrénique ; Le terme de transaction a été


retenu dans le sens choisi par les Systémiciens, de préférence au terme
d'interaction. En effet, la transaction se rapporte au processus interrelationnel,
dans un contexte historique et relationnel, alors que le cadre interactionnel
s'occupe des interactions de personne à personne (Olson, 1970), « Transaction »
précise donc la nature globale du phénomène groupal et inclut toutes ses relations
circulaires dans le cadre d'une situation donnée.

Avec le reste de ces Systémiciens, Selvini-Palazzoli (1975) a étudié le couple


et les familles à transaction schizophrénique. Ils entendent une modalité
particulière de communication, inséparable des modalités communicationnelles
observables dans ce groupe naturel où elle apparaît (la famille à transaction
schizophrénique). Les patterns de dysfonctionnement de la communication dans
la schizophrénie ont été mis en évidence par Bateson (1956) insistant sur la
composante essentiellement paradoxale de la communication dans la famille du
schizophrène. (Decobert, 1998)

Famille chaotique ; se dit d’une famille dont la structure est marquée par
l’appauvrissement des rôles et des fonctions qui sont mal définis ou changeants.
Le sentiment d’appartenance au groupe familial est très faible ainsi que la
conscience collective du temps. La délinquance et les troubles psychotiques et les
troubles psychotiques sont ici de règle. (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, &
Kannas, 1988)

77
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Famille rigide ; on peut dire d’une famille qu’elle est rigide lorsqu’elle a
perdu tout ou partie de ses capacités d’adaptation face au changement, qu’il soit
d’origine interne ou externe. Ou encore, selon Andolfi et son équipe : « Un
système familial devient rigide quand une accumulation de fonctions ou
l’incapacité de modifier ces fonctions dans le temps présent sur les besoins de
différenciation de ses membres ». (Andolfi, Menghi, Nicolo, Saccu, 1979, p. 2)
(Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, & Kannas, 1988)

Famille enchevêtrée ; le modèle de la famille enchevêtrée s’oppose à celui


de la famille désengagée, dans la perspective propre à Minuchin, et aux thérapies
familiales structurales. Le mouvement relationnel est centripète, avec un mythe
d’unité familiale qui tolère peu de différences. Les rôles sont rigides et les
symptômes peuvent être similaires, à type souvent psychosomatiques, par
exemple alimentaires. Les violences – éventuellement sexuelles – s’expriment à
l’intérieur du groupe familial. L’un des deux parents est mis en position basse.
Les frontières entre parents et enfants, simultanément, sont mal définies.

Famille désengagée ; à l’opposé de la famille enchevêtrée, la famille


désengagée tend à expulser ses membres vers la vie sociale, sans les doter d’un
modèle bien défini d’adaptation à celle-ci. Les rôles parentaux sont instables,
malgré une rigidité apparente, et les enfants sont affectivement autonomisés
malgré leur immaturité. L’agressivité et les actes antisociaux manifestent ces
rejets et l’entrée précoce et conflictuelle de ces jeunes dans la vie sociale :
passages à l’acte délinquants ou prostitution, maternités précoces. Un des enfants,
dans le groupe familial, fixe souvent l’attention des parents et des intervenants
sociaux. Il peut s’agir également de familles multi assistées, sous-organisées, ou
chaotiques.

Famille dysfonctionnelles ; la fonctionnalité constitue la qualité émergente


de toute vie humaine dans ses interactions avec des univers intimes, proche ou

78
CHAPITRE II Dynamique Familiale

élargi, d’une infinie complexité. Si l’on peut décrire un modèle assez général de
famille saine, il existe une infinie variété de familles dysfonctionnelles, marquées
par les difficultés de communication et le malheur de chacun. Les familles
peuvent montrer leur excessive fusion lorsqu’elles sont enchevêtrées, ou leur
laxité dans une indifférence désengagée réciproque. (Benoit, Malarewicz,
Beaujean, Colas, & Kannas, 1988)

Famille gravement dysfonctionnelle ; sous ce titre peut se classer un


ensemble hétérogène de groupes familiaux marqués par l’intensité de la
multiplicité des faits de pathologie relationnelle, non seulement chez le patient
désigné, mais aussi parmi d’autres membres. Il s’agit, entre autre, des familles
sous-organisées présentes dans les zones de pauvreté, et des familles où les
parents. (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, & Kannas, 1988)

Famille hyper-impliquée ; se dit d’une famille qui, notamment lors de


l’hospitalisation du patient désigné, intervient de façon très immédiate dans le
fonctionnement du système institutionnel. Ceci peut se faire par la présence
fréquente d’un ou de plusieurs membres de la famille (référents familiaux), des
coups de téléphone répétés et la recherche constante de ce qui est présenté comme
une collaboration. L’ensemble risque d’entraîner une escalade symétrique entre la
famille et les soignants, parfois jusqu’à la rupture. Le caractère très fusionnel des
interactions familiales que la famille cherche à reproduire dans l’institution entre
ici en conflit avec l’objectif thérapeutique. (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas,
& Kannas, 1988)

Famille saine ; dans le domaine de la terminologie existent beaucoup


d’expressions analogues : familles normales, ordinaires, non pathologiques,
asymptomatiques, non cliniques, non étiquetées, fonctionnelles, suffisamment
bonnes, adéquates, adaptées. (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, & Kannas,
1988)

79
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Albernhe et Albernhe (2014) ont dressé un tableau avec les éléments


essentiels qui organisent les deux structures proposées : la famille nucléaire et
centripète et la famille éclatée et centrifuge qui sont les deux extrémités de la
typologie familiale. Il est à noter que la famille « normale » est celle qui se situe
au centre de cette typologie, or plus la famille se rapproche d’une des extrémités
plus elle est dysfonctionnelle.

Tableau N°1 : Tableau récapitulatif des familles enchevêtrées et des familles


désengagées.

Typologie familiale Nucléaire et centripète Eclatée et centrifuge

Frontières Diffuses Trop rigides

Mécanisme prévalent Enchevêtrement Désengagement

Autonomie individuelle Insuffisante Excessive

Sentiment d’appartenance Excessif Insuffisant

Communications Surabondantes Pauvres

Tensions
Importantes Faibles (désintérêt d’autrui)
interpersonnelles

Réactions lors des crises Violentes, monolithiques Lentes, molles, désinvesties

(Albernhe & Albernhe, 2014, p. 98)

Ajoutons aux données citées dans le tableau que Minuchin affirme que le rôle
du thérapeute familial consiste à modifier les patterns transactionnels afin de
clarifier les frontières diffuses (si la famille est de type nucléaire), ou plutôt
d’ouvrir les frontières très rigides entre les membres de la famille si cette dernière
est de type centrifuge, comme s’« il reconstruisait les frontières entre ses

80
CHAPITRE II Dynamique Familiale

patients ». Ajoutons aussi que Murray Bowen conçoit la famille comme un


système émotionnel dynamique dans lequel les membres s’influent mutuellement.
Déterminer le degré d’angoisse et le niveau de différenciation du soi (de chaque
membre de la famille) est essentiel pour comprendre l’influence des uns sur les
autres et la circulation des émotions à l’intérieur du système familial, ce qui
fournit au thérapeute familial les éléments nécessaires afin d’accomplir au mieux
son travail clinique (Murray, 1984). (Bouabdallah & Hamaidia, 2016)

5) Outils évaluant la dynamique familiale

Divers instruments d’évaluation ont été dérivés des modèles de


fonctionnement de la famille et ont été validés tant dans la recherche que dans la
pratique clinique. Ces instruments répondent à diverses méthodologies : situations
d’observation dans lesquelles la famille est placée devant une « tâche » à
résoudre, grille d’observation des comportements qui permet d’évaluer le
comportement interactif de la famille soit dans les situations d’observation
standardisée, soit dans le cours d’une séance « standard » de thérapie, entretiens
semi-structurés et enfin questionnaires, ces derniers étant les plus utilisés
principalement pour des raisons de commodité. (Favez, 2012)

Citons ici quelques modèles théoriques d’évaluation du fonctionnement


familial :

Le modèle des compétences familiales de Beavers ; Ce modèle s’appuie sur


deux concepts principaux: la compétence et le style familial. (Beaver et al., 1965)

Le modèle circomplexe d’Olson ; Il s’agit d’un des premiers modèles


explicatifs de la famille à être basé sur des données empiriques. Ce modèle est
conçu pour permettre de poser un « diagnostic relationnel » à partir de trois
dimensions fondamentales du fonctionnement familial, soit la cohésion, la
flexibilité et la communication. (Olsen, 2012)

81
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Le modèle McMaster du fonctionnement familial d’Epstein ; Basé sur le


concept de « santé », ce modèle cherche à déterminer quelles dimensions du
fonctionnement familial ont un impact sur la santé ou le dysfonctionnement
familial. (Epstein, 1978)

Le modèle du fonctionnement familial de Holman ; Ce modèle identifie


quatre dimensions principales d’évaluation de la famille: le problème, la famille
comme système, la famille et son environnement ainsi que le cycle de la vie
familiale. (Holman, 1983)

Le modèle familial FIRO de Doherty et Colangelo ; qui permet de mieux


comprendre les patrons relationnels au sein des familles. Il est issu de la
modification de la théorie FIRO de Schutz et basé sur l’organisation et
l’interaction des familles autour des besoins d’inclusion, de contrôle et d’intimité.
(Doherthy & Colangelo, 1984)

Le modèle du processus du fonctionnement familial de Steinhauer ; Ce


modèle et le modèle McMaster du fonctionnement familial s’inspirent de la même
base: le Family Categories Schema. Le Family Assessment Measure
(questionnaire qui découle de ce modèle) a été construit à partir des sept concepts
du modèle du processus du fonctionnement familial. (Steinhauer, Santa-Barbara,
& Skinner, 1984)

Le modèle de l’adaptation familiale de McCubbin ; explique comment


s’adapte la famille confrontée à un stress chronique. Selon ces auteurs, trois
dimensions permettent de comprendre le fonctionnement des familles: la «
regénérativité » (regenerativity), la résilience et la « rythmicité ». (McCubbin &
McCubbin, 1989)

82
CHAPITRE II Dynamique Familiale

Aussi, des exemples de grilles d’évaluation du fonctionnement familial :

La grille d’évaluation des interactions familiales de Loader ; Cette grille


d’évaluation considère la totalité du système familial et se concentre sur les
interactions familiales dans l’ici et maintenant. Selon les auteurs, la grille
d’évaluation requiert que les cliniciens considèrent la famille comme un tout, ne
décrivent que ce qu’ils voient, minimisent les interprétations, soient brefs et
précis et évitent les répétitions. (Loader, Burck, Kinston, & Bentovim, 1982)

La grille d’évaluation familiale Darlington de Wilkinson ; a été


développée et utilisée dans le domaine de la santé mentale. La logique qui sous-
tend la conception de cette grille réfère au fait qu’il est important de considérer
autant les individus qui composent la famille que la dynamique au sein de celle-
ci. (Wilkinson, 200)

La grille d’évaluation systématique de la famille de Seywert ; met l’accent


sur deux aspects du fonctionnement familial soit le contexte social et le groupe
familial. (Seywert, 1990)

La grille d’évaluation familiale de Bray ; propose un cadre d’analyse


intégrateur du fonctionnement des familles comprenant six dimensions: 1) la
structure ou le type de famille (famille intacte, recomposée ou monoparentale) et
la composition familiale (les personnes qui composent la famille), 2) la diversité
familiale (l’ethnicité, l’orientation sexuelle des parents, le statut socioéconomique
de la famille et la religion), 3) les patrons relationnels (les séquences d’interaction
entre les membres de la famille), 4) l’expression des émotions entre les membres
de la famille, 5) l’organisation familiale (les règles, les rôles, les frontières, la
hiérarchie dans les prises de décision, la distribution des tâches et le soutien
émotionnel entre les membres de la famille) et 6) les opérations familiales (la
résolution des conflits, des problèmes et des tâches développementales auxquelles
la famille est confrontée). (Bray, 2009)

83
CHAPITRE II Dynamique Familiale

L’évaluation clinique de la famille de Favez ; propose un méta-modèle


théorique du fonctionnement familial: l’évaluation clinique de la famille. Selon
lui, bien que le vocabulaire utilisé soit très variable d’un modèle à l’autre, le
nombre de processus relationnels auxquels les différents concepts proposés
réfèrent est relativement restreint. Il en relève cinq: 1) la distance émotionnelle
entre les membres de la famille (suffisante pour permettre l’autonomie de chacun
et pas trop restreinte ou excessive pour empêcher la réalisation de la personnalité
ou risquer de distendre les liens familiaux), 2) la flexibilité (équilibre entre
stabilité et changement, visant à garantir la pérennité du système familial et sa
modification aux demandes de l’environnement), 3) la communication (capacité
de produire des réponses adaptées et échange d’informations claires et sans
ambiguïté), 4) la bienveillance émotionnelle (incluant la chaleur, l’empathie, la
compréhension et l’acceptation des émotions ressenties et exprimées par chacun)
et 5) l’organisation temporelle (succession des événements du quotidien et des
événements marquants dans la vie d’une famille). (Favez, 2010) (Pauzé &
Petitpas, 2013)

La réalisation de l’évaluation de la famille va donc nécessiter de choisir quel


type d’instrument utiliser et de décider quelle source d’information solliciter. Il
n’y a pas, dans ce domaine, d’instrument unique ou définitif, et le choix se fera en
fonction des buts et du contexte de l’évaluation en question. (Favez, 2012)

6) Dynamique familiale et maladie mentale

Si l’équilibre du fonctionnement d’une famille lambda tend à être fragile et


facilement perturbé, que dire de celui d’une famille dont l’un des membres serait
touché par la maladie mentale. En effet, des recherches démontrent que plusieurs
des manifestations du trouble mental ont pour effet de diminuer la capacité
d'écoute des parents (Matterjat & Remschmidt, 2008; Warren et coll., 2003;
Boily, 2009). De même, l’on observe, souvent, chez les familles aux prises avec

84
CHAPITRE II Dynamique Familiale

des problématiques de santé mentale des difficultés de communication (Kaas, Lee


& Peitzman, 2003; Mason, 2006). Il y a le cas des mères dépressives aussi, qui
sont plus négatives dans l’expression de leurs émotions que les mères qui ne le
sont pas d’un point de vue clinique (Goodman & Brumley, 1990; Hammen,
Burge & Adrian, 1991; Hammen & Stansbury, 1990). Les conflits parentaux, le
contrôle parental, une plus faible cohésion familiale, la discorde familiale et
l’implication de l’enfant dans les conflits sont, par ailleurs, des facteurs associés
au développement, au maintien et aux rechutes de la dépression chez l’enfant
(Cummings & Davies, 1994; Puig-Antich et coll., 1985; Asarnow, Goldstein,
Tompson & Guthrie, 1993; Burbach & Borduin, 1986; Emslie, Walkup, Pliszka
& Ernst, 1999; Goodyer, Herbert, Tamplin, Secher & Pearson, 1997; Keitner,
Miller, Epstein, Bishop & Fruzzeti, 1987; Boily, 2009; Nomura, Wickramatne,
Warner, Mufson & Weissman, 2002). (Laflamme, 2012)

Parmi les courants existants, certains insistent sur l’implication des membres
de la famille amenés à consulter, sur leurs motivations, leurs aptitudes à se
remettre en question et à changer leurs modes de fonctionnement, ceux-là,
rendent certes des services aux familles présentant des ressources suffisantes pour
une telle épreuve. Mais bien souvent, dans les situations schizophréniques, une
telle implication directement orientée sur les représentations que la
famille a d’elle-même se révèle inadéquate, dans la mesure où elle risque
d’amplifier les sentiments de culpabilité et de honte, ou de déplacer les
symptômes et la souffrance sur les membres de la famille présumés sains.
Certains auteurs comme Bowen (1978) ont bien souligné l’existence de triangles
reliant la famille à des instances sociales, correspondant à des projections de
conflits à l’extérieur de la famille, lorsque celle-ci devient incapable de les gérer
en son sein. De même, en décrivant les phénomènes de « metabindings » qui
affectent les relations des membres des équipes thérapeutiques, Wynne (1978) a
repéré l’intérêt d’une prise en compte des implications institutionnelles dans le

85
CHAPITRE II Dynamique Familiale

traitement des schizophrénies. Pour Andolfi (1977), la thérapie familiale devient


ainsi une thérapie avec la participation active de la famille, plutôt qu’une thérapie
de la famille. D’autres modélisations, distinctes de la démarche éco-systémique,
se sont également développées en considérant la famille comme un partenaire
thérapeutique, non responsable ni coupable des maladies qui peuvent atteindre tel
ou tel de ses membres. (Miermont, 2001)

Du reste, il se trouve que l’on a souvent opposé thérapie et psychoéducation


familiales. La thérapie met l’accent sur la résolution des problèmes et
l’apprentissage de solutions, et exclut toute interprétation ou intervention
individuelle ou familiale en raison des sous-entendus dévalorisants ou anti-
parentaux dont elles procèdent. Comme nous l’avons dit plus haut, cette dernière
accusation n’est pas sans fondement. Il nous semble toutefois assez vain
d’opposer radicalement les deux approches, et ceci pour plusieurs raisons :

– d’une façon générale, aucune psychothérapie n’est exempte d’apprentissage, par


imitation du thérapeute ou l’apprentissage de solutions générales (alternatives à
l’hospitalisation, prévention des rechutes, etc.). Les approches stratégiques ou
structurales ou de thérapie brève comportent aussi l’aspect « résolution de
problèmes ». Quant à la simplification de la communication, on la retrouve sous
sa forme de « digitalisation » de l’information, comme limitation des aspects de
confusion hiérarchique ou communicationnelle dans les interventions stratégiques
(Haley, 1979; Kannas, 1988 et 1990).

– A l’opposé, il nous semble que les tenant de l’approche psycho-éducative


travaillent de façon plus riche que ce qu’ils présentent eux-mêmes. Une
intervention « purement » pédagogique dans une durée aussi maintenue et pour
des contextes émotionnellement aussi prenants ne peut pas ne pas susciter des
mouvements transférentiels, même au sens le plus basique du terme, ni s’exonérer
des aspects relationnels, paradoxaux ou confusionnants, sauf à y engloutir leur

86
CHAPITRE II Dynamique Familiale

pédagogie (conflits parentaux-conjugaux, coalitions transgénérationnelles,


élargissement à l’institution des règles familiales, etc.). (Kannas, 2001)

Synthèse

Il est bien conçu que le groupe familial dans sa dynamique constitue un


élément fondateur de la pratique systémique. Cette notion véhicule un rôle
primordial et central à profit de l’organisme familial, notamment lorsqu’il s’agit
du traitement d’un membre de la famille infectée par une maladie psychiatrique
tel que la schizophrénie.

87
Problématique et
Hypothèse
Problématique et Hypothèse

Chamans, guérisseurs et herboristes se sont chargés d’entretenir le bien-être de


leur communauté. Les alchimistes, eux, sont allés jusqu’à promettre de trouver la
recette de la vie éternelle. Présentement, les médecins et spécialistes leur ont
succédé dans la plus grande partie du globe, la finalité reste pourtant la même : La
santé. La santé occupe une place fondamentale dans la vie de tout un chacun. Elle
est un complet bien-être qui nait de la symbiose du physique, du mental et du
social. Ainsi, il n’y a pas de santé sans santé mentale. Selon l’OMS, la santé
mentale serait un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de
faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière
productive et d'être en mesure d'apporter une contribution à la communauté.

À l’inverse de la santé mentale, son altération, le trouble mental est définit


dans le DSM-5 (2015) par l’APA comme étant : « un syndrome caractérisé par des
perturbations cliniquement significatives dans la cognition d’un individu, sa
régulation émotionnelle, ou de son comportement, et qui reflètent l’existence d’un
dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou
développementaux sous-tendant au fonctionnement mental. Les troubles mentaux
sont le plus souvent associé à une détresse ou une altération importante des
activités sociales, professionnelles ou des autres domaines importants du
fonctionnement ». (DSM-5, 2015, p.22)

Depuis l’Antiquité, les médecins s’emploient à nommer, répertorier, expliquer


et prendre en charge les troubles mentaux. Mais l’espoir de classer les maladies
mentales selon une typologie unique et clairement établie est vain. On disait
naguère « folie », « démence », ou encore « aliénation ». On parle aujourd’hui de
« trouble mental ». Autant de mots qui couvrent une réalité multiple, dans laquelle
l’on a rangé toute une classe de troubles divers : de l’arriéré mental qui fait figure
d’« idiot du village » au délirant qui se prend pour le Christ, du criminel
psychopathe au dépressif, de l’irascible « fou furieux » à l’autiste qui vit replié sur
soi, de la démence sénile aux troubles obsessionnels…etc.
89
Problématique et Hypothèse

Le trouble mental le plus répandu et exploré en psychiatrie est sans aucun


doute la schizophrénie. La schizophrénie, pathologie complexe avec de lourdes
répercussions, se caractérise par de sérieux dysfonctionnements aux niveaux
cognitif et émotionnel dans lesquels on retrouve généralement des hallucinations,
des délires, un discours et un comportement désorganisés et des émotions
inappropriées. En fait, ce trouble peut affecter chaque aspect du fonctionnement
quotidien de la personne qui en souffre. La schizophrénie met en cause des facteurs
génétiques, biologiques, psychologiques et sociaux (Caron, 2006). C’est un trouble
grave et généralement chronique. Elle toucherait 50 millions de personnes à travers
le monde. Selon l’OMS, elle figure parmi les 10 pathologies les plus invalidantes
et 1% de la population, quelles que soient les régions du globe, en serait affectée.

En Algérie, d’après le journal El Watan du 27 juin 2010, la santé mentale des


Algériens laisse à désirer. Ainsi, ils seraient près de 3 millions à souffrir de
schizophrénie, l'un des troubles mentaux les plus extrêmes. « L'on estime
globalement que près de 1% d'une population en est atteinte. Ce chiffre est
universel, sous toutes les latitudes et dans tous les contextes », explique le Pr.
Tedjiza, chef du service psychiatrie à l'hôpital Drid Hocine et président de la
Société médico-psychologique algérienne.

La prise en charge des maladies mentales a bien sûr connu plusieurs


changements dans l’Histoire. Notamment l’arrivée des neuroleptiques avec Delay
et Deniker dans les années 50. En effet, leurs effets anti-délirants et sédatifs ont
considérablement modifié les modes de traitement des troubles mentaux, en
particulier ceux de la schizophrénie, permettant ainsi le grand mouvement de
désinstitutionalisation des patients psychiatriques. Avec un traitement adéquat, les
personnes souffrant de troubles mentaux peuvent relativement vivre des vies
productives et jouer un rôle essentiel dans leur communauté, bien que certaines de
ces pathologies soient chroniques ou de longue durée. Les soins médicamenteux ne
suffisent pourtant pas : « Si nous disposons, aujourd’hui, de moyens

90
Problématique et Hypothèse

(hospitalisation et médicaments efficaces) pour réduire le délire, l’agitation ou


encore pour résoudre le problème de l’urgence, nous n’avons pas les dispositifs
indispensables pour offrir aux sujets – inscrits dans la chronicité de la maladie –
un projet à même de lui éviter une évolution vers l’handicap mental et le
glissement vers la désinsertion sociale. Autrement dit, la prise en charge des
malades mentaux, dans notre pays, est prise au piège dans l’ornière de la cure.
L’offre d’accompagnement durant la « post-cure » est pratiquement inexistante.
Rares sont les structures hospitalières qui proposent aux malades hospitalisés
durant de longues périodes des activités thérapeutiques qui préparent à la
réinsertion sociale. A la sortie, le malade est livré à lui-même », fait savoir le Dr.
Boudarene dans le mensuel algérien de la santé en janvier 2015. Sans tenir compte
des manques thérapeutiques en matière de réinsertion sociale, il est à noter que les
rechutes peuvent disparaître pour plus de 80% des schizophrènes après un an de
traitement par des neuroleptiques associé à une intervention familiale. Les patients
qui connaissent le meilleur pronostic sont en effet ceux qui sont entourés par leur
famille, son implication est donc non négligeable.

La situation des proches aidants suite à la désinstitutionalisation s’est, en effet,


considérablement modifiée (Lauber & al., 2003) : ces derniers partagent, depuis
lors, plus souvent le quotidien des patients. Actuellement, un grand nombre des
personnes atteint de schizophrénie vivent avec leur entourage familial (Heider &
al., 2007). De surcroît, au regard de la diminution des durées d’hospitalisation et
des restrictions de traitements involontaires, les proches se retrouvent impliqués
dans le fait de fournir un soutien important également dans des périodes marquées
par une plus grande instabilité psychique. Le rôle majeur joué par les proches dans
le système d’aide à la personne atteinte de schizophrénie participe à augmenter leur
fardeau (Papastavrou, Charalambous, Tsangari, & Karayiannis, 2010). Ce fardeau
peut-être objectif comprenant tous les événements observables ayant un impact sur
le bien-être de la famille, par exemple la perte financière ou les comportements

91
Problématique et Hypothèse

perturbateurs du patient, tandis que le fardeau subjectif se réfère aux réactions


émotionnelles et cognitives des proches (Hoenig & Hamilton, 1966). Le soutien et
l’aide ainsi fournis par les proches aux malades peut conduire à une diminution de
leur qualité de vie (Papastavrou & al., 2010) et à un sentiment de détresse
(Mitsonis et al., 2010).

Composante importante donc et indissociable de son proche schizophrène, la


famille se retrouve, le plus souvent, sur la ligne de mire en qualité de cible du
désordre mental du malade. La schizophrénie est une pathologie ayant de lourdes
répercussions sur l’entourage, de par la charge que l’état de celui-ci impose
(Traitements, soins, attention…) mais aussi, et surtout, par la manifestation de ses
troubles (Paranoïa et délires de persécution…) qui sont souvent dirigés vers et sur
l’entourage. La symptomatologie et les perturbations du fonctionnement
psychosocial de la personne schizophrène peuvent en conséquence entraîner un
fardeau très élevé pour l’entourage de personnes atteintes de cette maladie (Koukia
& Madianos, 2005).

En somme, pour la famille, microsociété organisée dont l’objet est la


transmission des valeurs d’appartenance et l’établissement de lien étroit avec
l’environnement, avec un fonctionnement, des modes de communications
particuliers et des règles propres, le malade schizophrène, dont la pathologie est
mentale, est source de perturbations. Et c’est toute l’attitude de la communication,
l’interaction et le comportement qui prennent une tournure pathogène ; l’ensemble
est bouleversé et l’atmosphère familiale détériorée. En 1963, c’est Wynne et Singe
qui en l’occurrence mettent l’accent sur le concept de « communication déviante »
qui mesure, au cours d’interactions familiales, la capacité des interlocuteurs à
échanger des informations tout en prenant en compte le point de vue de chacun.
Dans les familles des patients atteints de schizophrénie, la communication déviante
[CD] se présente sous forme d’une communication vague, ambiguë et illogique.
Une année auparavant, Brown, Monck, Castairs et Wing émettent le concept d’«

92
Problématique et Hypothèse

Emotions Exprimées » qui est en faveur de mesurer la manière dont un membre de


la famille s’exprime en des termes critiques ou en montrant des signes de
surimplication émotionnelle à l’égard d’un autre membre souffrant d’un trouble
psychiatrique, sachant qu’un haut niveau d’émotions exprimées augmente le risque
de rechute chez le patient. Plus précisément, l’E.E. est une mesure du degré de
critique, d’hostilité, de surimplication émotionnelle exprimée par un proche quand
il parle d’un membre de sa famille souffrant d'une psychopathologie lors d’un
entretien standardisé. Cette mesure est considérée comme reflétant les
perturbations et le climat émotionnel présents dans tout le système familial. Dans
une revue des études sur l’E.E., il est relevé que 50% des patients atteints de
schizophrénie vivant dans un climat d’E.E. élevé rechutent dans l’année suivant
leur dernière hospitalisation, alors que seuls 21% des patients habitant avec des
proches ayant une E.E. basse rechutent (Bebbington & Kuipers, 1994). Un haut
niveau de détresse est significativement associé avec l’E.E. élevée (Boye & al.,
2001).

L’impact majeur de la maladie apparaît pour lors clairement sur les proches et
leur vie commune avec le schizophrène mais leur implication (celle des proches)
aussi. Et dans ce sens, bon nombre de recherches avec pour sujets les malades
schizophrènes et leurs familles ont été menées. Parmi elles, les recherches qui
incriminent la famille, cas de figure où les parents en général, et les mères plus
particulièrement endossent le rôle de coupable pour l’apparition de la maladie chez
leur enfant. Nous avons les travaux de Pankow qui, en 1977, constate que les
parents ont besoin de leur enfant pour se sentir rassurés, pour combler leur manque
d’identité. L’enfant est ainsi soumis au désir de la mère, la relation se caractérise
par une double contrainte, c’est-à-dire que la mère répond à l’inverse de ce que
l’enfant pourrait attendre. Bien avant encore, 1956, Bateson évoque un mode de
communication intrafamilial fondé sur le paradoxe ou les « doubles contraintes ».
Selon lui, les mères de futurs patients schizophrènes auraient tendance à donner

93
Problématique et Hypothèse

une double information (ou ordre) contradictoire entraînant un état de confusion


chez l’enfant. Le schizophrène serait alors le résultat d’une famille déjà malade.
D’ailleurs, Spiegel émet en 1957 l’hypothèse que le malade est un symptôme de la
pathologie familiale et que par conséquent, sa prise en charge en dehors de la
famille donne de mauvais résultats. La famille doit être traitée comme une unité
bio-sociale, de façon à établir un nouvel équilibre. Haley, lui, résume l’évolution
des concepts relatifs aux familles de sujets atteints de schizophrénie en ce qui suit
« une évolution semble s’effectuer dans l’étude de la schizophrénie, de cette
première idée que les difficultés rencontrées dans ces familles étaient dues au
schizophrène lui-même, à cette autre idée que la mère était pathogène, puis à la
découverte que le père était inadéquat, jusqu’à l’accent porté aujourd’hui sur les
trois membres de la famille impliqués dans un système pathologique d’interaction
». (Haley, 1959, p. 357-374)

Dans la continuité des recherches associées aux schizophrènes et à leurs


familles citées précédemment, et dans le soucis de cerner le fonctionnement et
l’univers relationnel spécifiques aux familles de malades atteints de schizophrénie
suite à notre stage pratique au CHU- Frantz Fanon de Béjaïa, nous avons consacré
notre travail de fin d’étude – à une moindre échelle et de manière beaucoup plus
modeste – à l’exploration des interactions au sein des familles de patients
schizophrènes en Algérie, soit à la dynamique familiale qui régit ces groupes.

Pour se faire, nous avons opté pour l'approche systémique ; approche qui se
distingue des autres par sa façon d’appréhender les relations humaines. Dans cette
démarche, l’individu n'est pas le seul élément à être analysé, de telle manière que
le systématicien accorde une importance toute aussi grande aux différents systèmes
dont il fait partie (familial, professionnel, social,…). En effet, l’individu est
influencé à la fois par ses intentions, celles des autres, et celles des possibilités du
milieu et/ou du système, autant d’éléments à ne pas écarter. La famille, dotée d’une
organisation, une structure, des rôles, des règles, des buts et des finalités est perçue

94
Problématique et Hypothèse

comme un système relationnel. Il s’agit d’un système capable d’autorégulation,


constitué d’individus ayant des échanges continuels et circulaires entre eux. La
famille est un tout dynamique disposant d’une vie propre à elle. L'interaction entre
ses membres ainsi que les diverses relations qui peuvent exister en son sein
constitue ce qu’on appelle la dynamique familiale. Tous les membres d'une famille
s'influencent mutuellement par la force des choses. Les événements, heureux ou
malheureux, qu'ils vivent ensemble leur permettent de parvenir à des ententes, de
créer des alliances, des complicités entre eux ; et inversement, instaurer des
tensions, briser des liens et ériger des mésententes. Le systématicien, lui, tente
d’identifier les règles qui définissent l’organisation familiale ; règles qui sont
implicites et transparentes aux membres de la famille. Ce sont des indifférences ;
c'est-à-dire des abstractions, qui permettent de rendre compte des comportements
relationnels redondants observés dans une famille. Ces abstractions nous donnent
une représentation de la façon dont ces comportements s’autorégulent à l’intérieur
du système familial.

Par la présente recherche et dans le cadre d’une démarche systémique, nous


allons tenter de décoder la structure et la cohésion des familles, leurs rôles et
implication dans la vie des patients schizophrènes en Algérie. Pour répondre à nos
questions et vérifier nos hypothèses, nous avons choisi d’adopter un guide
d’entretien pour les familles (le sujet y compris) et de faire passer le test du Five
Minutes Speech Sample (discours de cinq minutes) [F.M.S.S.] qui a été développé
afin de spécifier la nature de l’environnement du patient en tant que membre de la
famille en mettant en exergue les émotions, sentiments et attitudes exprimées par le
proche à propos du malade de la famille, pendant un monologue de 05 minutes.

95
Problématique et Hypothèse

À partir de ce que nous avons énoncé ci-dessus, nos questions et hypothèses de


recherche sont formulées de la manière suivante :

Question :

- Comment se présente la dynamique familiale des familles ayant un membre


atteint de schizophrénie ?

Hypothèses :

- La dynamique familiale chez les familles ayant un membre atteint de


schizophrénie est dysfonctionnelle.

Opérationnalisation des concepts clés de la recherche :

Schizophrénie : La schizophrénie est une psychose universelle,


habituellement chronique, qui touche majoritairement l’adulte jeune. Elle se
manifeste globalement par une discordance affective (ambivalence), une
dissociation mentale d’où des modifications de la pensée, du langage et du
comportement, et une activité délirante souvent accompagnée d’hallucinations.
Tout ceci entraînant une perte du contact avec la réalité, un retrait social voire un
repli autistique. Il en découle donc une invalidité, un handicap et,
malheureusement, une stigmatisation causée par la méconnaissance de la maladie
du grand public.

Dynamique familiale : La famille est un groupe dynamique dont les


membres sont en liens et interagissent au quotidien. Sur le plan psychologique, on
ne peut parler que de dynamique familiale. Une famille dite « normale » n’existe
pas. En vérité, il existe une infinité de familles dont la réalité ne peut être
appréhendée qu’au travers d’outils d’évaluation. Découvrir les relations peut aider
à mieux comprendre une famille et son fonctionnement. Chaque famille a sa propre
dynamique ; elle se manifeste à sa manière. Cette dynamique peut être affectée par

96
Problématique et Hypothèse

de nombreux facteurs, notamment le nombre d'enfants ou la culture de la famille.


On peut parler de dynamique familiale psychopathologique des familles qui sont
confrontées à toutes sortes de maladies psychiatriques.

- Famille fonctionnelle ou « Famille saine »; « Saine » renvoyant à santé, il


s’agit donc d’une absence de maladie, et il est possible de se représenter la santé
d’une famille comme un certain état d’équilibre. Une famille saine peut rencontrer
des difficultés, l’état d’équilibre sera alors menacé mais au lieu de le conserver à
tout prix (en faisant par exemple comme si tout allait bien), une famille
fonctionnelle sera capable de surmonter ses problèmes en entrant dans une
dynamique qui la mènera vers un nouvel équilibre. Il n’y a pas une seule manière
d’être une famille saine, chacune trouvant ses propres solutions et son propre
modèle.

L’approche systémique a permis d’assimiler la famille fonctionnelle à un


système en perpétuel recherche d’équilibre : un équilibre dynamique entre
stabilité/homéostasie (fermeture) et flexibilité/adaptabilité (ouverture).

- Famille dysfonctionnelle ; la famille devient dysfonctionnelle quand elle n’est


plus capable d’assumer les changements et quand la rigueur de ses règles
l’empêche de s’ajuster à son cycle et au développement de ses membres. Le
dysfonctionnement familial est dû à l’incompétence de celle-ci et à
l’inaccomplissement de ses fonctions basiques.

Les familles qui identifient un membre comme problématique impliquent


une structure dysfonctionnelle, caractérisée en général par des limites diffuses ou
rigides, par une absence d’alliance parentale, par une incohérence hiérarchique, des
conflits entre les différents membres.

- Relation ; désigne la nature du lien qui unit deux personnes (un couple, des
ami(e)s, un père et sa fille, un frère et sa sœur... etc.). Cette relation peut être
« bonne » ou « mauvaise ».
97
Problématique et Hypothèse

- Communication ; est un des modes d’expression de la relation. C’est l'action


de communiquer, c'est-à-dire, d'établir une relation avec autrui, de transmettre
quelque chose à quelqu'un.

- Émotions Exprimées [EE] ; ce concept constitue l’ensemble des attitudes et


réactions des proches vis-à-vis d'un schizophrène. Le niveau d’EE d’une famille
peut influencer le pronostic de la maladie d’un patient souffrant de schizophrénie :
Un niveau élevé d’EE augmenterait le risque de rechute et à l’inverse, un effet
favorable observé lors d’une estimation du niveau d’EE faible.

98
PARTIE
PRATIQUE
CHAPITRE III
Méthodologie de la Recherche
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

« La méthodologie de la recherche englobe à la fois


la structure de l’esprit et de la forme de la recherche et les
techniques utilisées pour mettre en pratique cet esprit et
cette forme (méthode et méthodes) ». (Gauthier, 2009, p.8)

Préambule

Tout travail de recherche nécessite de suivre une méthodologie lui assurant un


bon déroulement et permettant d’aboutir à un résultat objectif et rationnel. Cette
partie sert à expliquer l’enchaînement de la recherche et à présenter la méthode
ainsi que les outils utilisés tout au long du processus de recherche sur le terrain.
Afin de vérifier les hypothèses de notre problématique de recherche, nous avons
sélectionné un certain nombre d’outils méthodologiques qu’il convient de présenter.

À travers ce chapitre, nous allons donc présenter la méthodologie adoptée.


Dans un premier temps, nous présenterons la méthode utilisée. Nous nous
attarderons ensuite sur le lieu et le groupe de notre recherche. Suite à cela, nous
mettrons en avant les outils de recherche que nous avons employés pour cerner la
dynamique familiale des malades et leurs analyses. Enfin, nous évoquerons le
déroulement de la pré-enquête et de l’enquête et terminerons avec la synthèse du
chapitre.

1) Méthode utilisée dans la recherche

Le choix d’une méthodologie de recherche appropriée pour mener à bien le


processus de recherche n’est pas une tâche facile. Etant donné la diversité
importante des méthodes, le choix d’une procédure demande une réflexion, une
compétence « car la valeur des résultats dépend de celle des méthodes mises en
œuvre » disaient Festinger et Katz (1974). (Angers, 1997, p.97) En effet, le
chercheur dispose d’une panoplie de méthodes pour bien diriger sa recherche, il les
compare et finit par choisir celle qui convient le mieux à ses objectifs.

101
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Dans le cas de la recherche sur terrain en sciences humaines et sociales, le


recours aux méthodes qualitatives est très fréquent, de par leurs atouts. En effet,
ces sciences font beaucoup appel aux matériaux discursifs (discours) et aux
approches qualitatives pour tenter de mieux comprendre les processus à l’œuvre
dans la dynamique psychique, interactionnelle ou sociale. Dans ce sens, nous
avons retenu la démarche qualitative dans notre recherche « car la recherche en
science humaines et sociales curieuse des expériences humaines et des interactions
sociales se conduit tout naturellement de manière qualitative ». (Paillé, 2006, p.5)
De cette manière, la recherche qualitative s’efforce de mettre en valeur le monde
tel qu’il est vécu par les acteurs. La méthode qualitative se caractérise par le
recours à des approches et techniques d’approche directe du sens des phénomènes
humains et sociaux sans le passage par la mesure et la quantification. (Paillé, 2006)

Les défenseurs de l’approche quantitative appuient le fait que leur approche


est plus objective et plus rigoureuse étant donné les procédures employées pour
étudier le phénomène. Les partisans de l’approche qualitative, eux, insistent sur les
atouts de celle-ci ; certaines enquêtes ne peuvent être réalisées que si on opte pour
l’approche qualitative. Et en effet, les données liées aux familles ne sauraient être
quantifiées. Nous estimons ainsi qu’adopter une approche qualitative dans notre
travail exploratoire serait la meilleure façon pour nous d’atteindre notre objectif
principal de recherche qui est de connaitre, comprendre et décrire la dynamique
familiale des patients schizophrènes.

Etant dans le domaine de la psychologie clinique qui place la signification,


l’implication et la totalité au centre de ses préoccupations et ne souhaite pas dé-
subjectiver la situation, nous nous sommes penchés sur la « méthode clinique » qui
vise donc à établir une situation de faible contrainte, pour recueillir des
informations de la manière la plus large et la moins artificielle en laissant à la
personne des possibilités d’expression. Celle-ci refuse, en effet, d’isoler ces
informations et tente de les regrouper en les replaçant dans la dynamique
102
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

individuelle. (Pedinielli, 1999) Cette méthode « envisage la conduite dans sa


perspective propre, relever aussi fidèlement que possible la manière d’être et
d’agir d’un être humain concret et complet aux prises avec cette situation,
chercher à en établir le sens, la structure et la genèse, déceler les conflits qui la
motivent et les démarches qui tendent à résoudre ces conflits ». (Chahraoui &
Bénony, 2003, p.11) La méthode clinique est avant tout destinée à répondre à des
situations concrètes de sujets souffrants et doit se centrer sur le cas, c’est-à-dire
l’individualité, mais sans pour autant s’y résumer. La « méthode clinique » s’insère
dans une activité pratique visant la reconnaissance et la nomination de certains
états, aptitudes, ou comportements. Elle est une méthode à la fois pour la pratique
et pour la recherche cliniques, quelque soit leur objet ; un sujet, un groupe, une
famille, une institution. Une telle méthodologie impose des exigences et requiert
une discipline importante.

La méthode clinique peut également avoir recours à l’étude d’objets


complexes, comme en l’occurrence celle du système familial (couple, fratrie,
grands-parentaux,…etc.). Ainsi, la recherche clinique fait apparaître des
phénomènes dans leur aspect concret en tentant de mettre à l’épreuve des
hypothèses et de fournir une interprétation. Ainsi, elle comporte deux niveaux
complémentaires : le premier correspond au recours à des techniques (tests,
échelles, entretiens…) de recueil in vivo des informations (en les isolant le moins
possible de la situation « naturelle » dans laquelle elles sont recueillies et en
respectant le contexte) alors que le second niveau se définit par l’étude approfondie
et exhaustive du cas. La différence entre le premier et le second niveau ne tient pas
aux outils ou aux démarches mais aux buts et aux résultats : le premier niveau
fournit des informations sur un problème, le second vise à comprendre un sujet, ce
que n’impliquent pas toutes les situations cliniques, notamment celles qui
concernent la recherche sur des faits psychopathologiques ou d’adaptation…
(Fernandez & Pedinielli, 2006)

103
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Dans ce cadre, nous avons choisi l’étude de cas, car celle-ci va nous permettre
d’observer, de comprendre, de décrire et d’analyser l’état actuel de nos sujets, en
tenant compte de leur histoire de vie et de leur situation. Cette méthode ne s’arrête
pas à l’analyse de sujets individuels, on peut aussi considérer un système familial
comme un cas, chose qui va permettre d’estimer ou bien d’appréhender la nature
du fonctionnement familial caractérisant des cellules familiales de sujets
schizophrènes. De ce fait, les données concernant un sujet que l’étude de cas
permet de recueillir doivent être riches, diversifiées, subjectives et étendues. Il en
résulte la production d’une représentation ordonnée, explicative, qui rende compte
des éléments déterminants de l’histoire et de la subjectivité de la personne
concernée. Cette représentation doit satisfaire aux principes de totalité et de
singularité. (Fernandez & Pedinielli, 2015)

Aussi, « selon Lagache, l’étude de cas est comme une observation inspirée
par le principe de l’unité de l’organisme et orientée vers la totalité des réactions
d’un être humain concret et complet aux prises avec une situation ». (Pedinielli &
Fernandez, 2005, pp.59-61)

Par ailleurs, on peut parler d’étude de cas lorsque le cas s’agit d’un groupe.
« C’est une approche méthodologique qui consiste à étudier une personne, une
communauté, une organisation ou une société individuelle. L’étude de cas se
penche sur une unité particulière quelconque. Elle fait plus souvent appel à des
méthodes qualitatives, dont l’entrevue (entretien) semi-dirigé. Cependant, il n’est
pas rare que les informations soient recueillies par différents types d’instruments,
y compris par des outils quantitatifs ». (Gauthier, 2009, pp.199-200)

104
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

2) Lieu de recherche

Nous avons effectué notre travail de recherche au Centre Hospitalo-


Universitaire Frantz Fanon, ancien hôpital de la wilaya, construit en 1896 et se
situant au centre ville de la commune de Béjaïa. Le service psychiatrique de
l’établissement est actuellement sous la direction de professeur Adja. Grâce à un
affichage disponible dans les couloirs du service, nous avons pu réunir quelques
informations sur celui-ci.

Il est divisé en deux unités : Le service « Homme » ; Il se compose du dortoir


de 12 lits appelé « grande salle » pour les malades calmes ; une salle pour les
visites ; une salle pour les soins et une autre, disposant, elle, d’une salle d’attentes
pour les urgences. De l’autre coté nous trouvons le bloc d’isolement avec 06 lits
pour les malades agités ; le bureau du chef service ; et un autre bureau pour les
urgences, doté d’une salle d’attente. Le service « Femme » ; Il comporte 08 lits ;
une petite cour, une cuisine ; 03 chambres d’isolement ; un bureau de consultation ;
et un autre pour le professeur.

Personnel de travail du service : On a pu avoir une liste du personnel


travaillant au service grâce à un affichage dans les couloirs menant au bureau du
Professeur : 01 Professeur ; 03 Maitres assistants ; 02 Assistants santé publique ;
01 Généraliste ; 09 Médecins résidents ; 02 Psychologues ; 08 Infirmiers pour le
service homme et 06 infirmières pour le service femme ; 04 Agents d’entretien
pour le service homme et 03 pour le service femme.

Les activités principales du service : Consultations d’urgence ;


Hospitalisations ; Ergothérapie (réhabilitation) ; Enseignement, formation
pédagogique (médecins, résidents paramédicaux et psychologues).

105
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

3) Groupe de recherche

Notre travail de recherche s’est effectué auprès de sujets schizophrènes


hospitalisés au niveau du service psychiatrique du CHU Béjaïa ainsi que leur
famille. Notre groupe de recherche est composé 6 patients hospitalisés (Lucrèce
Borgia, Bill Gates, Charles Darwin, Sweeney Todd, Branwel Brontë, et Alfred
Douglas). Pour se conformer au droit d’anonymat des patients, leurs noms ont été
changés et remplacés par ceux de personnalités connus partageant certaines
caractéristiques avec eux. Nous avons obtenu le consentement du sujet et de sa
famille. « Un consentement éclairé implique que le participant doit être informé
des buts de la recherche, des risques qu’il encoure (les désagréments possibles) ».
(Pedinielli & Fantini, 2009, p.387)

Tableau n° 2 : Caractéristiques du groupe de recherche.

Nom Âge Niveau Profession Situation Famille / Participants


d’instruction matrimoniale vivants avec (famille)

Lucrèce 23 1e année Célibataire Parents + Parents


Borgia moyenne deux frères

Bill 22 Terminal Célibataire Mère + Mère + sœur


Gates [CAP] 4 sœurs

Sweeney 34 2e année Coiffeur & Célibataire Parents + Mère +


Todd lycée commerçant 2 sœurs + 2 sœurs
frère

Charles 26 3e année Célibataire Parents + Parents


Darwin universitaire 3 frères +
cousine

Branwell 31 Moyen Célibataire Parents + Parents +


Brontë 4 sœurs 1 sœur

Alfred 37 Terminal Pâtissier Célibataire Parents + Frère


Douglas 2 sœurs +
1 frère

106
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

A partir de ce tableau, nous constatons que : les 6 patients du groupe ont tous
entre 22 et 37 ans. Le niveau d’instruction et la profession sont variables : de
l’école moyenne à l’université et de sans-emploi à coiffeur/commerçant ou
pâtissier. Ils sont néanmoins tous célibataires et vivent tous en famille. Nous avons
eu droit à la participation de certains membres de la famille de chacun. Pour le cas
de la famille de Lucrèce Borgia, ce fut ses parents. Pareillement pour le cas la
famille de Charles Darwin. Pour Sweeney Todd, ce fut sa mère et ses deux sœurs.
Pour Bill Gates, sa mère et sa jeune sœur. Pour Branwel Brontë, ses parents et une
de ses sœurs. Et seulement le frère pour Alfred Douglas.

Remarque : Un génogramme pour chaque famille de patient sera présenté


par la suite. L’outil lui-même sera également présenté plus bas dans ce chapitre.

Critères de sélection

Les critères sur lesquels on s’est reposé pour la sélection des cas constituant
notre groupe de recherche sont les suivants :

 Tout type de schizophrénies.

 Malade hospitalisé au service psychiatrique de Béjaïa.

 Patient ayant une famille (présence bi-générationnelle)

 Famille prête à coopérer à notre recherche.


Nous n’avons pas pris en considération : ni l’âge du sujet schizophrène, ni le
sexe, ni le niveau d’instruction, ni le niveau socio-économique, ni l’état
matrimonial, ni le type de famille (nucléaire, agrandie, etc.), ni la langue du sujet et
de son groupe familial. Nous expliquons ce choix pour une éventuelle comparaison
des résultats de la recherche selon ces caractéristiques. En effet, ces points vont
représenter de potentiels facteurs de dysfonction ou de résilience des cas.

107
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Les critères d’exclusion qu’on a prit en considération pour constituer notre


groupe de recherche sont :

 Schizophrènes errants, sans famille.

 Patients agités, agressifs durant leur séjour à l’hôpital.

4) Outils de recherche

Dans ce qui suit nous allons présenter les outils que nous avons appliqués
dans notre travail recherche.

4.1) L’entretien de recherche

Au sens commun, s’entretenir avec quelqu’un c’est discuter avec lui,


échanger des propos sur un ou plusieurs thèmes, il peut être réalisé entre amis,
avec la famille ou bien au travail. Au sens scientifique, l’entretien est une méthode
d’investigation préparée et planifiée. Par cette technique l’enquêteur cherche des
informations sur les opinions, les attitudes, les comportements d’un ou plusieurs
individus. (Hamel, 2011)

En effet, il permet de recueillir les informations recherchées en étudiant les


faits dont la parole est le vecteur principal. Il est clair que le langage est un objet
privilégié de l’observation car il véhicule du sens. Il transmet aussi du sens latent,
inconscient vers lequel va s’orienter beaucoup plus l’observation clinique.
(Ciccone, 1998) Le clinicien se doit également d’appliquer l’observation flottante
consistant en une observation directe de tout contenu verbal ou non verbal.
L’observation systémique, autre exemple de modalités d’observation directe, vise
elle aussi l’analyse des comportements, des interactions verbales et non verbales
(les formations corporelles, les communications affectives, etc.). Elle permet
l’établissement d’une typologie des interactions. L’observation systémique peut
être plus proche de l’éthologie expérimentale vue précédemment, ou plus proche

108
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

du courant « interactionniste » ci-après. Si elle utilise un dispositif et un protocole


de type expérimental […]. L’observation systémique visera la communication
manifeste, verbale et non verbale, les conduite interactives, la réalité
comportementale des sujets observés. Elle cherchera, par exemple, a mettre en
évidence les « communications paradoxales », responsables de réponses et
développements de type psychotique (Bateson & al. 1971-1972 ; Selvini-Palazzoli,
1975).

Nous avons donc adopté l’entretien de recherche, souvent utilisé comme


méthode de production de données dans la recherche en psychologie clinique, et
jugé comme l’outil le plus adéquat à notre travail et sa thématique. « Il représente
un outil indispensable pour avoir accès aux informations subjectives des individus.
L’entretien de recherche, n’a pas d’objectif thérapeutique ou diagnostique mais il
vise l’accroissement des connaissances dans un domaine choisi par le chercheur.
Il est produit à l’initiative du chercheur, contrairement à l’entretien thérapeutique
où c’est le sujet qui est en situation de demande ». (Chahraoui & Bénony, 2003,
pp.141-142)

Pour en revenir à notre entretien de recherche, il s’agit d’un entretien semi-


directif. Dans ce type d’entretiens la parole de la personne est commandée et
délimitée par des réponses à donner, parfois des consignes à respecter et, dans ce
cadre contraignant pour les deux locuteurs, « l’écoute » orientée par les
informations que le chercheur veut recueillir dans le but, préétabli, de sa recherche.
(Douville & Jacobi, 2009) Le chercheur dispose, de ce fait, d’un guide contenant
des questions préparées à l’avance mais non formulées d’avance, ce qui constitue
une trame à partir de laquelle le sujet déroule son récit.

Notre guide d’entretien semi-directif se compose de 30 questions. Un premier


groupe de questions pour le recueil d’informations générales sur le sujet et sa
famille, d’abord. Puis, deux autres axes : le premier, contenant un ensemble de

109
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

questions concernant les informations de la maladie et le second, des questions


liées aux informations sur la dynamique familiale. (Voir : annexe n°1) Notons,
toutefois, que la première partie sert surtout au démarrage de l’entretien et à mettre
à l’aise le sujet ; les informations en question sont généralement déjà disponibles
sur son dossier. Nous demandons quand même certaines précisions au sujet de la
composition de la famille ; des détails nécessaires à l’élaboration du génogramme.
Le 1e axe, lui, est là pour récolter des informations sur le parcours de la maladie
jusque-là, si elle date d’il y a longtemps ou non et éventuellement, connaitre les
motifs de rechutes. Mais surtout, il nous permet de savoir si le patient et son
entourage sont conscients et/ou connaisseurs du trouble et s’ils s’impliquent dans
la prise en charge. Enfin, le 2e axe a pour objectif de s’informer sur le mode de vie
de la famille, de voir s’ils ont l’habitude d’être ensemble, d’interagir de
communiquer et de constater les rôles de chacun et relations entre eux.

Puisque notre recherche implique la passation d’un entretien, d’abord avec le


sujet schizophrène hospitalisé, puis sa famille, nous allons aborder ici quelques
particularités retrouvées lors d’entretiens avec eux.

L’entretien avec les sujets souffrants de schizophrénie ; Dans l’entretien


en clinique, l’entretien de recherche répond le plus souvent à un projet planifié et
un objet de recherche précis : par exemple des sujets hospitalisés pour motif, la
perspective d’une amélioration de la prise en charge. Un clinicien (médecin,
psychiatre, psychologue clinicien, psychanalyste) peut faire un entretien avec un
patient dans une institution de soin, un lieu clinique. C’est à ce titre que des sujets
peuvent être rencontrés dans un ou des entretiens qui sont semi-directifs.

Dans le champ de la psychologie clinique et psychopathologique ce qui est


saisi sous le terme d’entretien clinique peut référer à des pratiques dans les services
de l’hôpital général, des entretiens d’ordre divers (avec des sujets hospitalisés, leur
entourage, les membres de l’équipe médicale ou paramédicale) constituent une part

110
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

non négligeable de l’activité du clinicien. (Douville & Jacobi, 2009) Dans les
institutions psychiatriques, les jeunes ou les adultes en placement, ou en soins
imposés, ou lors d’un internement, sont pris en charge par des équipes soignantes
pluridisciplinaires. « Leur besoins relationnels s’expriment souvent « en coulisse »,
alors que les entretiens individuels qui leur sont proposés paraissent pauvres et
peu utiles ». (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, & Kannas, 1988, p.151) En
effet, comme ce fut le cas où on était affecté, dans le service des urgences
psychiatriques on croisait beaucoup plus des patients en pleine décompensation qui
partagent un contenu délirant ou ne verbalise pas du tout. Les spécialistes se
concentrent alors essentiellement sur l’évaluation de l’urgence et de la conduite à
tenir.

L’entretien avec personne atteinte de schizophrénie est une chose très délicate.
Fédida (2007) nous dit : « Je ne peux pas me faire la moindre idée de ce que le
psychotique a vécu, mais je peux tenter d’imaginer le plus effrayant comme une
preuve. » Il nous semble qu’envisager le plus effrayant est une des mesures à
prendre en présence du discours d’un sujet psychotique. Il convient d’ailleurs de
distinguer : imaginer l’ampleur d’une souffrance, l’horreur d’une situation et en
assurer le partage empathique avec un patient. (Douville & Jacobi, 2009)

L’entretien avec les familles ; il est rare que nous ayons à travailler avec la
famille du patient lorsque celui-ci est un adulte. La plupart du temps, il est même
souhaitable de ne pas connaitre les personnes avec lesquelles il vit. Les
informations qu’elles peuvent nous apporter risquent de conduire à une sorte de
confrontation entre leur « vérité » et celle du patient. Il en va différemment en
thérapie familiale ou c’est la famille elle-même qui est « le patient », ou dans les
médiations familiales ou c’est en quelque sorte le conflit qui est « le patient ».
(Poussin, 2005) Il ne faut cependant pas totalement exclure l’entretien avec la
famille, car s’entretenir avec elle peut se révéler à la fois supplémentaire et
indispensable à la prise en charge hospitalière. En effet, les entretiens de famille
111
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

accompagnent bien souvent l'hospitalisation psychiatrique apportant à


l'intervention hospitalière sa légitimité et donnant à l'équipe de soins le droit de
prodiguer un traitement suivant des normes et des idéaux négociés autant que
possible. Ils permettent également le partage des informations vitales pour
comprendre ce qui se passe et pour prévenir ce qu'il serait préférable qu'il ne se
passe plus. Il peut également s’agir de recevoir les proches lors des visites à
l'hôpital, de leur faire préciser un point, de répondre à une anxiété qu'ils amènent,
de donner un conseil, de réunir des informations sur ce qui s'est passé durant une
permission au sein de la famille, de coordonner la recherche d'un patient en fugue,
d'insister sur des précautions à prendre pendant un congé, etc. (Barrelet, Strasser,
Grossenbacher, Mancuso, 2017) Les entretiens avec la famille peuvent avoir pour
visée la recherche, comme en l’occurrence, une recherche sur la dynamique
familiale où la participation de la famille est demandée afin récolter des
informations sur son fonctionnement, éventuellement constater ses failles et les
facteurs de rechutes de leur proche.

Berger (1990) donne la définition des entretiens familiaux suivante: « l’outil


des entretiens familiaux consiste en un cadre sur-mesure, adapté au niveau de
difficultés du groupe familial et permettant l’accès à la compréhension de logique
éducative et à l’histoire des deux parents. (...) ». (Berger, 2003, p.34) C’est en
grande partie grâce à la construction de ce genre de cadre groupal, que l’on trouve
la possibilité d’explorer la problématique du « vivre avec », s’informer sur tout ce
qui se rapporte à des instants banals et partagés de la vie de tous les jours : on
mange ensemble, on se lave dans la même salle de bain, on dort entre les mêmes
mûrs, on respire le même air. L’observation du groupe constitue un élément
indispensable aussi pour la recherche. Quel que soit le contexte institutionnel, elle
concerne tout autant les participants présents, que le chercheur qui a su se faire
accepter dans le but couramment d’en explorer le fonctionnement. (Bittolo &
Laxenaire, 2014)

112
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Dans notre démarche d'analyse de l'entretien de recherche, nous avons retenu


l'interprétation qualitative des données recueillies en essayant de donner sens au
discours du sujet et cela, en adoptant une terminologie systémique et en nous
aidant des concepts relevant de la psychiatrie. « L’analyse de contenu du verbatim
d’entretiens est une étape nécessaire du traitement des données verbales en
science humaines ». (Blanchet, Bromberg, & Trognon, 2004, p.173) C’est une
analyse qui procède par segmentation du texte puis re-catégorisation de ces
segments en fonction de leurs caractéristiques particulières (thématiques)
lesquelles sont établies en fonction des objectifs de l’analyse. L’analyse de contenu
thématique consiste à ranger les éléments de discours des individus dans des
catégories thématiques. Les catégories doivent être exhaustives et mutuellement
exclusives. Dans cette démarche l’exhaustivité est un objectif jamais atteint mais
toujours recherché. (Blanchet, Bromberg, & Trognon, 2004) L’entretien nous
permettra à travers lui de cerner les indicateurs cliniques et opérationnels de la
dynamique, c’est-à-dire tout ce qui concerne la communication et interactions dans
le système familial ainsi que les attitudes.

4.2) Le génogramme

Il s’agit d’un graphique représentant une constellation familiale sur plusieurs


niveaux générationnels. Ce génogramme peut donner des informations concernant
les noms, les prénoms, la filiation ; il peut également indiquer des dates de
naissances, de mariages, de maladies ou de décès. Certains événements particuliers
peuvent ainsi ressortir clairement, notamment pour tout ce qui concerne le patient
désigné. (Benoit, Malarewicz, Beaujean, Colas, & Kannas, 1988)

Cet instrument de travail est très utile au tout début d’une thérapie familiale :
les alliances, les frontières générationnelles, les phases du cycle de vie ainsi que
différents corrélats peuvent être mis en évidence sous la forme d’une carte
familiale. Ces données, qu’il est possible de recueillir à l’aide d’un questionnaire

113
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

familial, peuvent alors aider le thérapeute à affiner ses interventions face au


système familial tout entier ou face à certains sous-systèmes qui le composent.
L’indication des relations est donnée dans l’item carte familiale. (Voir : annexe n°2)
Son objectif peut être multiple : simple partage d’information entre professionnels,
réflexion personnelle sur son histoire, compréhension du système familial dans le
cadre d’une thérapie… Chacun est amené à adapter cet outil à son objectif, sa
pratique, au public rencontré. Le dossier qui suit permet d’illustrer la richesse de
cet outil à travers des expériences et des réflexions issues de différentes approches
avec différents publics. (Compagnone, 2010)

Le génogramme est d’autant plus utile dans la recherche étant donné qu’il
nous permet de construire un rapport avec la famille sur la base de solutions aux
problèmes spécifiques de celle-ci. C’est un fait très important. Les questions du
génogramme vont au cœur des expériences familiales : naissances, maladies, mort
et relations chargées émotionnellement. Sa structure fournit un canevas précis pour
discuter de toute la gamme des expériences familiales, dépister et soumettre à
l’esprit des situations difficiles comme une maladie, des pertes et des conflits.
(McGoldrick & Gerson, 1985)

Dans le cas présent, celui-ci a été utilisé afin d'illustrer les informations
recueillies lors des entretiens, d’avoir une vue globale sur les familles et de
remarquer/déceler les particularités de chaque système de manière imagée et
concise.

4.3) The Five Minute Speech Sample [FMSS]

Le FMSS a été crée par Magana en 1986. Il consiste en un enregistrement où


le proche parle des pensées et des affectes que lui inspire le patient pendant 05
minutes de manière ininterrompue. L’enregistrement est écouté puis codé en
fonction des attitudes critiques et du degré de surinvestissement émotionnel. (Bout,
2015) On analyse à la fois le contenu et le ton de l’échantillon du discours.
114
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Le système comporte quatre catégories : L’énoncé initial ; la relation ; les


critiques ; la surimplication émotionnelle. Les deux dernières catégories sont
largement fondées sur celles utilisées dans le « Camberwell Family Interview »
[C.F.I]. Des études ont montré que le F.M.S.S. est fidèle et qu’il donne des
évaluations comparables à celles dérivées du C.F.I. (Hendrick, 2002)

Consigne

« J’aimerais vous entendre parler de vos pensées et de vos sentiments


concernant (nom du membre de la famille) en vos propres termes et sans aucune
interruption de ma part par des commentaires ou des questions. Lorsque je vous
demanderai de commencer, j’aimerais que vous me parliez pendant 05 minutes en
me disant quel genre de personne est (nom du proche) et comment vous vous
entendez avec lui/elle. Une fois que vous commencez à parler, je préfère ne
répondre à aucune question avant la fin des 05 minutes. Avez-vous des questions
avant que l’on commence ? ».

Une fois que le sujet a commencé son discours, l’examinateur ne pourra faire
qu’un seul commentaire : « S’il vous plaît, racontez-moi n’importe quoi
concernant (nom du proche) pendant quelques minutes encore. » (Magana, 1993)

Enregistrement

Seul l’examinateur et le sujet devraient être présents dans la salle d’entretien.


Il est important que personne d’autre ne soit présent, afin d’éviter que le sujet ne
soit inhibé et qu’il ne soit distrait ou interrompu. Afin de limiter toute interruption
lorsque l’entretien a lieu à domicile, il faut demander que le téléphone soit
débranché pendant les 05 minutes d’enregistrement. La réduction de toute
distraction ou interruption permettra d’assurer des données constantes et précises.
(Magana, 1993)

115
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Cotation des E.E.

Voici comment le corpus ainsi enregistré est coté.

L’énoncé initial se base sur la première pensée ou idée exprimée par le sujet
concernant son proche. Cette déclaration est cotée indépendamment du reste du
discours comme étant positive, négative ou neutre. Exemple : « Omar est
insupportable ».

La relation est basée sur les déclarations qui décrivent la relation entre le
sujet et son proche. Ces déclarations sont prises en considération lors de
l’évaluation globale de « la qualité de la relation ». L’évaluation de la relation sera
faite sur la totalité de l’enregistrement et est positive, négative ou neutre. Exemple :
« On ne s’entend pas ».

Les critiques sont des commentaires indiquant que le sujet n’aime pas, qu’il a
du ressentiment, désapprouve ou se sent contrarié, voir fâché par le comportement
ou les caractéristiques de son proche. Les critiques sont évaluées à partir du
contenu et/ou de l’intonation. Leur fréquence est cotée pendant toute la durée de
l’enregistrement. La présence d’une seule critique engendre un profil de haut
niveau d’E.E. Exemple : « Cela me rend furieuse quand il agit ainsi ».

Le mécontentement. Les commentaires de mécontentement – mais qui ne


sont pas assez forts pour remplir les critères d’une critique (exemple : absence de
ton critique) – indiquent que le sujet est gêné, irrité ou contrarié par le
comportement ou les caractéristiques de son proche. Ces commentaires sont
évalués à partir du contenu et leur fréquence est comptée pendant toute la durée de
l’enregistrement. Exemple : « je préférerais qu’il soit différent. »

La surimplication émotionnelle (SIE) est signalée par des commentaires


indiquant que le sujet est excessivement impliqué dans la relation avec son proche.

116
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Il existe 05 sous-classes pour la cotation de la SIE. Le ton de la voix est également


coté. (Magana, 1993)

Critères permettant de situer le niveau d’E.E.

Sur base de critères précis, la famille peut être rangée dans deux, voir trois
catégories : Un niveau d’Emotion Exprimée haut, bas ou limite. Un haut niveau
d’E.E. est attribué quand on relève au moins une critique, une surimplication ou
une combinaison de ces paramètres. On classe le protocole à un bas niveau d’E.E.
lorsqu’aucun des éléments décisifs pour un haut niveau d’E.E. n’est présent. Un
discours-échantillon est coté comme étant « limite » lorsqu’il contient certains
éléments de haute E.E. sans pour autant en remplir les critères. En final, cette
catégorie est cependant considérée comme un bas niveau.

Cette manière dichotomique de classer les données a un impact évident sur la


sensibilité et la spécificité de l’épreuve. (Hendrick, 2002)

Notant, en fin, que la méthode d’analyse des résultats obtenus par l’utilisation
de tous ces outils est celle de l’interprétation avec l’adoption d’une approche
théorique dite systémique et l’emploi de son jargon spécifique de même que celui
de la psychiatrie (adéquat notre thème et lieu de la recherche).

5) Déroulement de la recherche

5.1) Pré-enquête

La pré-enquête est une phase cruciale dans la recherche. A cette étape, le


chercheur tente de se familiariser de la façon la plus complète possible avec son
sujet et lieu de recherche ainsi qu’avec l’équipe de travailleurs qui s’y trouve.
« Elle constitue une procédure assez pertinente dans la recherche scientifique,
puisque elle nous permet d’explorer notre terrain qui veut dire la population
d’étude sur laquelle va porter notre recherche. C’est l’une des étapes les plus

117
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

importantes dans toutes les recherches scientifiques, elle s’appelle phase


exploratoire où il y a un déplacement sur le terrain, elle doit conduire à construire
la problématique au cours de laquelle s’épanouira la recherche, dans une
stratégie de rupture épistémologique permanente ». (Cario, 2000, p.11)

Nous avons réalisé notre pré-enquête au service psychiatrique du CHU Frantz


Fanon de Béjaïa. Nous nous y sommes présentées fin juin 2017, en tant
qu’étudiantes en Psychologie Clinique avec une vague idée du thème que nous
souhaitions aborder lors de notre travail de fin d’étude, à savoir : Les familles de
schizophrènes. Nous avons d’abord été accueillies par le Dr. Leulmi, l’un des
psychiatres du service, à qui nous avions été présentées au préalable par une
psychologue clinicienne de titre libéral. Il nous a ensuite dirigées vers le nouveau
professeur en charge du service, le Professeur Adja. Ces derniers, en plus des
autres psychiatres du service, nous ont reçues pour leurs exposer notre idée de
thème de recherche et en discuter. Ils ont tout de suite paru intéressés et nous ont
donné leur approbation pour entamer la pré-enquête. Il nous aura fallu quatre jours
pour obtenir les papiers nécessaires et nous débutâmes enfin notre stage le 6 août
2017. Profitant de la période des vacances estivale, nous nous sommes présentées
sur les lieux tous les jours, un mois durant.

Le professeur du service a, pour commencer, mis à notre disposition la


documentation liée à notre thématique - encore très abstraite à ce moment – qu’il
avait en sa possession. Nous nous sommes alors investies dans la lecture de tous
ces ouvrages de psychiatrie - qui ne manquaient pas de citer les familles de
schizophrènes quelques fois – dont : Les deux éditions du célèbre manuel de
psychiatrie signé Guelfi ; un texte de Desclin « La schizophrénie. Ce que la famille
et les proches des malades devraient savoir » ; « Les schizophrénies. Des avancées
théoriques à la pratique clinique » signé Spadone,… etc.

118
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Nous avons alors consacré du temps à nous familiariser avec les lieux,
notamment avec les deux services « Hommes » et « Femmes », les urgences
psychiatriques, le personnel soignant et les patients qui y viennent. Nous avons
rencontré des patients de différentes tranches d’âges et souffrant de différents
troubles psychiatriques (Schizophrénies, bipolarité, dépression…). Nous avons
aussi assisté aux visites médicales qui se déroulent chaque dimanche et mercredi et
qui consistent à s’entretenir avec chacun des patients hospitalisés dans le service, à
observer leurs évolutions et leurs réponses aux traitements afin de procéder
éventuellement au prolongement des séjours ou à des sorties. Les admissions,
quant à elles, se faisaient au niveau des urgences face à des cas en pleine
décompensation, présentant un danger envers eux-mêmes ou leurs entourages.
Nous avons également eu la possibilité d’assister aux visites des familles à leurs
malades internés ; chose qui nous a permis d’être en contact direct avec les
concernés et de leur parler.

Nous avons donc pu observer, lors de ce stage préliminaire, les échanges et


les comportements des malades avec les médecins et avec leurs familles. Ainsi, il
nous a été donné de constater une certaine variété au niveau des familles de
schizophrènes : Une partie d’entre elles se montrait très impliquée, se présentait
souvent et en grand nombre durant les consultations et les visites de leurs malades.
D’autres, à l’inverse, étaient plus discrètes et venaient moins souvent, voire jamais.
Ce pouvait être les parents qu’on voyait, parfois la fratrie, des amis ou des voisins.
Nous sentions la bonne entente entre eux certaines fois, d’autres fois pas.

Les troubles du schizophrène sont souvent dirigés vers sa famille, les délires
peuvent alors viser un membre en particulier ou tout le système familial et
provoquer ainsi la pagaille au sein du groupe. La famille peut même, du point de
vue de certains cas, représenter le persécuteur, un facteur aggravant ou déclencheur
de la maladie.

119
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

Au fil des lectures et des observations sur le terrain, notre curiosité s’est vue
agrandie ; nous voulions en savoir plus sur le fonctionnement de ces familles et
leur dynamique. Cela nous a amené aussi à nous poser des questions et à formuler
des hypothèses. Pour tenter de les vérifier nous avons commencé à chercher des
outils qui pourraient nous permettre d’y répondre. Les psychiatres du service ainsi
que notre encadreur ont chacun contribué à l’élaboration de notre guide d’entretien.
Nous nous sommes inspirées d’une échelle Quality of Life Scale [QLS] qui évalue
le fonctionnement et la qualité de vie des patients atteints de schizophrénie pour
quelques unes des questions (notamment les questions n° : 20, 21, 22, et 23). Plus
tard encore, deux psychiatres systémiciennes nous ont conseillé par leurs
expérience et pratique avec les familles de beaucoup plus proposer des exemples
concrets d’événements qu’on passe généralement en famille pour en discuter avec
eux et ainsi en ressortir le type d’interactions et relations caractéristiques de chaque
milieu.

En tout, cette pré-enquête a duré un mois et nous a servi à prendre nos repères
sur les lieux du stage, à nous familiariser et nous entraîner à l’application les outils
retenus ainsi qu’à avoir un aperçu des patients et familles représentants en parti les
futurs cas de la recherche.

5.2) Attitude du clinicien chercheur

Afin de mener à bien notre travail de recherche, une attitude adéquate et


fonctionnelle nous était indispensable. « La posture du chercheur, est caractérisée
principalement par la réflexivité sur sa propre attitude, sur celle de son ou ses
interlocuteurs, sur la théorie, la prise en compte des effets suscités par les
instruments utilisés sur les données recueillies et sur les personnes qui les
produisent. Elle consiste aussi dans la prise en compte de la situation et de la
signification des protocoles et des dispositifs de recherche dans la culture dans
laquelle se situent les pratiques de recherche ». (Giami, 2009, p.33)

120
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

En effet, dans le cadre d’une recherche telle que la notre qui se veut être
scientifique, nous avons été amenées à adopter une attitude de neutralité, et donc à
ne pas suggérer de réponses, ni influencer nos sujets. Nous n’intervenions que pour
relancer, et encourager l’autre à développer. Il nous a fallu aussi adopter une
partialité multidirectionnelle: devoir être là pour les uns et pour les autres. Et ainsi
ne pas prendre de parti, mais être présents pour tous les membres: faire accepter sa
personne ; être prêt à s’allier avec l’un ou l’autre, sans prendre parti. Tout en
faisant attention au fait que la partialité multidirectionnelle ne signifie pas prendre
parti de tout. C’est plutôt un engagement pour chaque membre du système, ce qui
fait que chaque membre comprenne et se sent compris. (Darwick, 2012) Il est
donc important aussi pour nous chercheurs de nous allier avec la famille (patient
compris) et instaurer un climat de confiance afin de s’assurer leur coopération.
Selon Debraye, « le clinicien doit accompagner les associations si elles’ existent et
les stimuler si c’est possible et d’essayer de revitaliser la relation si le contexte
d’association est absent ou fragile ». (Debray, 1996, p.40)

Nous étions principalement focalisées dans l’écoute du discours de chacun


tout en respectant les moments de silence et l’éthique de la recherche. « Du coté de
l’écoute, le principe fondamental est la neutralité bienveillante, ce qui implique
que le psychologue ne donne pas son avis ou ses propres jugements pendant
l’entretien, son attitude ne doit être ni distante, du coté de la facilitation de la
parole. Il doit en effet se laisser mener un temps aux rythmes de l’autre, adopte et
module selon les contenus et de son discours. Une attitude systématiquement
muette de l’investigateur ou cette attitude peut être nuisible qu’une activité
d’intervention pour un autre ». (Marty, 1990, p.72)

Concilier position de chercheur et position dans une relation avec des


personnes en souffrance est loin d’être aisé. L’insertion dans un travail de
recherche en psychopathologie clinique peut être l’occasion pour le sujet de
verbaliser son expérience, plaçant alors le psychologue à la fois chercheur et
121
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

clinicien dans une position de recueil de ce qui se dit, mais avec le paradoxe de
n’en pouvoir rien faire (...) mais la position de chercheur n’exclut pas d’entendre la
souffrance à la condition d’en considérer la portée sur l’objet d’étude. (Pedinielli &
Fantini, 2009)

5.2) Enquête

« L’enquête, est l’ensemble des opérations par lesquelles les hypothèses vont
être soumises à l’épreuve des faits, et qui doit permettre de répondre à l’objectif
qu’on s’est fixé ». (Blanchet & Gotman, 2014, p.35)

L’enquête s’est déroulée du 24 janvier 2018 jusqu’au 24 mai 2018 au CHU -


Franz Fanon de Béjaïa. Nous nous y rendions jusqu’à quatre fois par semaine de
9h00 à 15h00, dans le but de récolter un maximum d’informations sur les patients
schizophrènes hospitalisés, leurs familles et la dynamique spécifique à ces groupes.

Lorsque nous nous sommes retrouvées en présence des patients, certains se


montraient coopératifs dès le début, d’autres restaient méfiants jusqu’au bout mais
nous avons quand même constitué un groupe de recherche. Nous respections la
volonté des concernés à prendre part ou pas à la recherche, garantissant par là le
consentement éclairé des participants. Nous expliquions notre travail et notre
objectif avec le plus de clarté possible à ceux qui avaient accepté d’y participer ;
tous étaient informés. Nous ne leur soumettions cependant pas nos hypothèses afin
d’éviter tout biais dans leurs réponses. Nous avons également insisté sur le fait que
les informations qu’ils nous fourniraient resteraient confidentielles et
demeureraient anonymes ; qu’elles ne serviraient que dans le but d’une recherche
scientifique.

Le groupe de recherche aurait du être constitué de dix cas. Seulement, quatre


d’entre eux ont dû être écartés pour plusieurs raisons ; ils ne répondaient
finalement plus à nos critères d’inclusions. Deux des patients sont sortis du service

122
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

sans que nous puissions garder contact avec eux, une autre n’était pas clairement
diagnostiquée schizophrène et la dernière, quant à elle, s’est désistée et a refusé de
répondre à nos questions.

Pour recueillir les informations nécessaires à notre travail, nous avons


commencé par passer l’entretien semi-directif aux patients avec pour consigne : «
nous allons vous poser quelques questions vous concernant vous et votre famille
pour savoir un peu comment ça se passe entre vous et comment vous vivez
ensemble ».

La durée de l’entretien varie d’un patient à un autre avec une moyenne de


vingt minutes environ. Ce fut quand même moins long avec certains patients un
peu moins bavards, essentiellement pour ce qui a trait à leur maladie. Les détails
manquant dans leurs discours ont alors été puisé directement sur leurs dossiers
médicaux.

La langue employée dans notre guide d’entretien est le français. Les sujets de
notre groupe de recherche, patients et familles comprises, sont des personnes
maîtrisant la langue mais qui ont le plus souvent répondus avec un mélange de
français, kabyle et arabe.

L’autre outil phare de notre travail de recherche a été le discours de cinq


minutes (The Five Minutes Speech Sample). Il nous a été proposé et recommandé
par le professeur Adja, et fut soumis à certains membres des familles des patients
dans le but de mesurer les Emotions Exprimées et d’en dégager ainsi les attitudes
des proches envers leur malade.

Afin de bien illustrer les informations que nous avons obtenues au sujet des
familles, nous avons jugé bon d’utiliser la figure du génogramme.

Le premier entretien semi-directif que nous avons passé était celui de lucrèce,
une patiente du service femme. Il s’est déroulé dans la salle des visites. Nous avons

123
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

également tenté de parler avec la maman et de fixer un rendez-vous avec toute la


famille.

Le second entretien fut celui de Charles, un patient de service homme on lui a


posé les questions directement en français vue que c’est un étudiant à l’université.
Trois jours plus tard, ses parents se présentent et passent le test des Five Minutes
Speech Sample [FMSS].

À la fin de chaque passation de l’entretien et du test, nous avons témoigné


notre reconnaissance aux patients et familles pour nous avoir accordé de leur temps
et permis de nous entretenir avec eux.

5.4) Limites et difficultés de la recherche

 Adoption des approches systémique et psychiatrique.

 Difficulté à se procurer les outils désirés pour mener la recherche.

 Durée d’hospitalisation des patients parfois trop courte pour nous permettre de
maintenir le contact avec eux et leurs familles.

 Difficulté à constituer un cadre adéquat pour les entretiens avec la famille et la


passation des autres outils.

 Difficultés à réunir la famille au complet pour les entretiens.

Synthèse

La méthodologie, présentée dans ce chapitre, nous a permis une bonne


organisation dans la recherche et ce, à travers le respect de certaines règles et
étapes du déroulement et enchainement du travail. La recherche en question étant
tout à fait faisable grâce aux outils présentés là-haut. C’est en effet, à travers ces
trois outils de recherche retenus, à savoir : l’entretien de recherche, le génogramme
et l’échelle des émotions [FMSS] que nous parviendrons au recueil d’informations

124
CHAPITRE III Méthodologie de la Recherche

nécessaires concernant les indicateurs cliniques et opérationnels de la dynamique


familiale et arriver à des résultats que nous pourrons par la suite analyser et
interpréter dans le but de confirmer ou d’infirmer les hypothèses émises au début
de notre recherche. Et c’est dans le chapitre suivant, le chapitre IV de ce mémoire
que nous présenterons les résultats issus de cette démarche, leurs analyses et
discussions.

125
CHAPITRE IV
Présentation, Analyse et
Discussion des Résultats
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

« Qui suis-je pour interpréter ? » (Paillé, 2006)

Préambule

Dans cette partie du travail, nous allons faire la présentation et l’analyse des
résultats obtenus par l’utilisation de l’entretien, le génogramme et du Five
Minutes Speech Sample sur notre groupe de recherche, ces outils dont la
pertinence n’est plus à prouver et dont l’analyse va nous permettre de confirmer
ou d’infirmer les hypothèses émises à notre problématique de recherche.

Pour se faire, nous allons procéder cas par cas, c’est-à-dire en présentant et
analysant les résultats de tous les outils utilisés sur untel cas d’abord puis celles
des résultats des outils d’untel autre cas et ainsi de suite jusqu’à présenter les 6
cas de notre groupe de recherche. Notant aussi que nous avons favorisé les 3
premiers cas pour la richesse des informations récoltées sur eux. Et enfin, nous
allons discuter les résultats par rapport à nos hypothèses.

I) Présentation et analyse des résultats

Cas N°1 : Famille de la patiente Lucrèce Borgia

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec la patiente Lucrèce, le 13 mars 2018

L’entretien avec la patiente s’est déroulé dans la mâtinée du 13 mars 2018


dans la salle des visites et a duré une vingtaine de minutes. Une semaine
d’hospitalisation avait passée et la patiente, Lucrèce, s’était stabilisée ; selon le
personnel soignant, celle-ci était enfin apte à répondre à nos questions. Nous
avons donc entamé l’entretien en essayant de la mettre le plus à l’aise possible

127
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

tout en lui expliquant brièvement nos motifs. Celle-ci était de bonne humeur,
souriante et assez coopérative. Nous avons simplement dû lui traduire quelques
une des questions lorsqu’elle ne comprenait pas ou les lui reformuler autrement.
Sinon, globalement, nous n’avons pas eu de soucis avec la patiente et l’entretien
s’est plutôt bien passé (sans agitation de la patiente).

Informations générales

La patiente est une femme âgée de 23 ans, pourvue d’un niveau d’instruction
1e année au collège d’enseignement moyen, sans qualification ni profession.
Célibataire, elle ajoute qu’elle ne veut pas d’un homme dans sa vie. Elle vit
actuellement avec ses parents et ses deux frères, vivants et bien portants. Le père
retraité, âgé de 73 ans, était entraineur de football. La mère a 54 ans et travaille
comme agent d’entretien dans un commissariat. Lucrèce est la deuxième de sa
fratrie. L’ainé est âgé de 28 ans. Le plus jeune a 18 ans. Leur situation socio-
économique est jugée moyenne.

Axe 1) : Information sur la maladie

La patiente reconnait être malade mais ne sait pas exactement de quoi elle
est atteinte ; « j’ai un cancer du cerveau » suppose-t-elle. Il s’agit ici de la
méconnaissance par la patiente de sa maladie, or l’OMS (1999), cite «
l’éducation du patient à sa maladie » qui travaille à la prévention des
complications et rechutes de la maladie. Il n’existe, selon ses dires, aucun
antécédent psychiatrique dans la famille. Mais nous savons, d’après son dossier,
que sa tante maternelle a déjà été suivie en psychiatrie pour épilepsie post-
traumatique, celle-ci étant une épilepsie due à une lésion provoquée par un
traumatisme crânien et apparaissant après un certain temps d’incubation (...)
avec, notamment, risque génétique. (Amérie & Timsit, 1997) Pour ce qui est des
signes liés à sa maladie, il est surtout question d’un état de stress permanent dont
elle se plaint. En consultant son dossier, nous en apprenons plus ; les premiers

128
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

signes sont apparus à l’âge de 15 ans, marqués par une instabilité avec tendance
au retrait et à l’isolement ; elle se disputait régulièrement avec ses camarades,
parlait toute seule et vérifiait souvent l’intégrité de son visage dans la glace.
Tout ceci avait inquiété et motivé les parents à consulter chez des thérapeutes
traditionnels et psychologues, sans résultats. Après l’aggravation de son trouble
en 2014 (elle dit entendre des voix lui ordonnant de faire du mal à sa mère et son
petit frère, conformément au critère A-2 du DSM-5 concernant la schizophrénie,
les parents décident de consulter pour la première fois chez un psychiatre du
secteur libéral. Son état se stabilise mais elle rechute en 2017, suite à un arrêt du
traitement sous l’influence de son grand frère. La rechute après un premier
épisode de schizophrénie correspond à la réapparition d’une symptomatologie
aiguë après une phase de rémission partielle ou complète. (Thomas, 2013) Et
pour réduire ces rechutes, il est fondamental d’inclure la famille dans
l’éducation au traitement. (Chaplin & Kent, 1998; Faloon, 1984; Favre,
Huguelet, Vogel & Gonzalez, 1997; Franck, 1997; Smith, Barzman, & Pristach,
1997; cités dans Bureau, 2001) Elle est alors amenée au service psychiatrique du
CHU Frantz Fanon par sa famille : « c’est ma mère qui m'a ramenée ici, elle
veut me tuer » (Traduction de : nettath idiwin gherdayi, tebgha aytnegh) où elle
est hospitalisée. Elle sort mais se fait ré-hospitaliser le 13 février 2018.
Actuellement, l’observance de la prise de médicaments se fait par le personnel
soignant au sein du service tandis que les parents prenaient soin de s’en charger
dans leur foyer. Il semblerait que ce soit la maman qui s’investisse le plus dans
le traitement de sa fille. En effet, Lucrèce répond que c’est elle qui a pris
l’habitude de lui donner ses médicaments : « c’est elle, oui, des fois c’est elle
des fois mon grand frère ; je les recrachais comme ça et puis elle s’énervait
pour rien du tout. Elle me jette ces médicaments et me dit prends-les toute seule,
et je les prenais seule (…) Je ne les prenais pas comme il le fallait » (Traduction
de : dnettath ih, mindak dnettath mindak dgma amekran ; tteyiregh akken
oumba3d ttnarvi pour rien du tout, oumba3d aytteger dwa nni aydiyini swouthen

129
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

wahdem oumba3d ttetteghthen iwahdi (…) ounttettegh ara akken idiwi lhal).
(Cette situation nous confirme que lorsque la famille « jette l’éponge » et
renonce à toute aide à l’égard du patient, cela favorise la non-observance du
traitement) Elle nous confie aussi que sa vie a complètement changé depuis sa
maladie « je me sens malade et je me sens pas bien, je suis stressée » (tthusugh
imaniw qelqegh, utthoussugh ara bien, teqeliqegh). En effet, l’anxiété est un
symptôme fréquent et majeur de la schizophrénie. (Baylé et al., 2011)

Axe 2) : Informations sur la dynamique familiale

À la première question, la patiente nous répond directement qu’elle ne se


sent vraiment proche que de son grand frère. Il est la personne qu’elle va voir en
premier en cas de souci et celle à qui elle se confie. Elle affirme du reste de sa
famille qu’il s’est ligué contre elle, voulant lui faire du mal : « ils veulent me
jeter de la maison sous ordre de ma mère. Mon petit frère me frappe et moi je ne
dis rien. Maman pointe des couteaux vers moi, elle est tout le temps entrain de
créer des conflits à la maison surtout au moment de la prière du maghreb ».
(Traduction de : bghan aydtiychen. Abestou7 nni ikathiyi, nekki ttsusumegh.
Nettath thettadam idjenwiyen ghuriw umbe3dik tesskarayit le3cha mara adilhek
le Maghreb kan attssekrit wahid papa d wayethema teqarassen ututla3imara
uhadermara didess) Ces propos témoignent d’un délire de persécution (c’est-à-
dire, la croyance que l’on peut être agressé, harcelé, etc. (DSM-5, 2015, p. 103)
En effet, malgré les soins apportés à la patiente durant toute cette semaine
d’hospitalisation on note tout de même une persistance du délire de persécution
envers la mère et le jeune frère. Ce qui explique la nécessité du prolongement de
son séjour à l’hôpital.

Elle rapporte aussi que la maisonnée échange et discute plus ou moins


souvent, chose qu’elle aime et apprécie mais à laquelle elle ne prend pas part, se
contentant seulement de les observer, retirée (Nous remarquons ici un
détachement des relations sociales caractéristique de son trouble) Lorsque nous
130
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

lui demandons la raison de ce retrait, elle répond par la description des tensions
qui règnent, dont celles qui suivent les plaintes qu’elle adresse à son aîné au
sujet des violences que lui fait subir le cadet, qui nie les faits. La patiente ne
supporte pas de voir son petit frère démentir ses dires et ajoute : « Mon grand
frère se dispute tout le temps avec le petit parce qu’il fait des choses illégales
(drogue, mauvaise fréquentation) » (Traduction de : u gma ame9ran ittenagh
wahid gma abstuh akhater ikhedem lehwayedj ndiri).

En période de fêtes religieuses, elle nous dit que cela se déroule comme dans
n’importe quel autre foyer de notre société ; les visites avec son grand frère aux
membres de la grande famille, la grande famille qui vient à son tour. C’est elle
qui prépare les gâteaux et témoigne : « Mon père ne participe à rien c’est
maman qui fait les courses. (...) Mon frère m’achète des vêtements des fois »
(Traduction de : papa ugkhedem kra d mama idi9ten. (...) u gma ittaghiyd l9ech
mindak). Elle se remémore avoir jeté, une fois, les vêtements offerts par son
grand frère à la suite d’une dispute avec lui lors de laquelle il aurait tenté de la
raisonner au sujet de leur mère. Souvent, elle s’isole et s’enferme dans sa
chambre. Elle relate beaucoup de disputes au sein du foyer (conflits qu’elle ne
parvient plus à supporter).

Concrètement, c’est sa mère qui l’accompagne pour les consultations et les


contrôles médicaux, c’est elle aussi qui s’occupe de son traitement
médicamenteux. Pourtant, pour Lucrèce, la personne lui apportant le plus de
soutien reste son frère.

Entretien avec la mère et Lucrèce, le 4 avril 2018

Nous nous entretenons ce jour, avec la patiente, de retour de sa permission,


accompagnée de sa mère, toutes deux, bien habillées et de très bonne humeur.
En psychiatrie, les permissions consistent en des autorisations d'absence
comprises entre 12 heures et 48 heures consécutives, augmentées

131
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

éventuellement des délais de route. C’est surtout la mère qui verbalise, la fille
quant à elle, reste assise dans son ombre, souriante tout de même et affirmant les
propos de sa mère tout au long de l’entretien en hochant de la tête lorsque nous
sollicitions son avis.

La mère rapporte que la permission s’est bien déroulée malgré le délire de


persécution qui régnait encore envers elle durant l’hospitalisation. L’accueil à la
maison fût chaleureux et un diner a même été donné pour l’occasion. La patiente
aurait, par ailleurs, mis la main à la pâte en cuisine toute heureuse de revoir sa
famille, son foyer. À son retour, Lucrèce s’est naturellement dirigée vers son
favori pour l’embrasser mais se serait montrée hésitante envers son cadet qui
avait choisi de faire le premier pas pour la saluer. Elle avoue néanmoins que son
jeune frère lui a manqué aussi.

La mère dit avoir fait au mieux pour éviter toute altercation avec son époux
malgré la tension qui s’est installée entre eux deux suite aux accusations
délirantes de leur fille (à savoir que la mère faisait entrer des hommes chez eux
en l’absence du père) dans le souci de ne point gâcher ou de perturber le retour
de la patiente chez elle. Nous notons l’effort de la mère pour éviter les disputes
malgré le fait que la schizophrénie de sa fille ait engendrée un sérieux quiproquo
(durant l’hospitalisation de Lucrèce, ses deux parents s’étaient séparés un
moment).

La mère rapporte aussi que le jeune frère qui avait pour habitude d’embêter
sa sœur (jalousie quant aux vêtements qu’on lui offrait à elle plutôt qu’à lui, et
pareillement avec la nourriture ou autre…) a changé de comportement avec sa
sœur. Il s’est proposé, par exemple, de lui payer un vêtement de sport pendant
ladite permission et commence à s’investir quelque peu dans la prise en charge
de la malade (s’enquit de si elle a prit ses médicaments ou pas).

132
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

L’aîné ne montre pas d’intérêt particulier envers sa sœur malgré son statut de
favori. À l’inverse, il profite de sa confiance pour l’avoir de son côté lors des
conflits qui surviennent avec les parents (chose qui renforce le délire de
persécution qu’a la patiente envers sa mère). Il s’avère même avoir déjà poussé
Lucrèce à arrêter son traitement.

D’après la mère (toujours en présence de sa fille), dès qu’il y a une tension


dans la famille (conflits entre les deux frères), la patiente va mal et s’enferme
dans sa chambre.

Les deux femmes mentionnent aussi des visites chez la grande famille (méta
système/famille élargie) et des sorties pour du shopping ou casser la croute en
ville (selon le désir de Lucrèce : manger du chappattis). Elle s’est même rendue
seule au Hammam.

La permission s’étant bien déroulée, Lucrèce obtient l’autorisation de


sortir. Cependant, à peine quelques jours plus tard, elle est ré-hospitalisée en
date du 8 avril 2018.

Entretiens avec les deux parents de Lucrèce, le 6 mai 2018

Les parents venus cet après-midi rendre visite à leur fille sont en avance et
nous consacre donc une heure de leur temps pour nous parler de leur enfant et de
leur quotidien familial. Vu les tensions apparentes existant entre eux deux, nous
préférons d’abord nous entretenir avec chacun des parents séparément avant de
les voir ensemble. Nous prétextons la passation du FMSS pour cela mais
passons une vingtaine de minutes avec le père, et une quinzaine de minutes avec
la mère (que nous connaissions déjà) pour enfin passer exactement 15 minutes
avec les deux réunis. S’enclenche alors une dispute et nous avons tout juste le
temps de calmer la situation et laisser le père rejoindre sa fille pour la visite
tandis que la mère préfère ne pas s’y rendre sous prétexte que sa fille est
toujours délirante vis-à-vis d’elle.
133
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Chacune de nous s’entretient alors avec un des parents : Le père nous dit que
sa fille est « abîmée » (Traduction de : thettwagh), puis raconte des anecdotes de
quand il l’emmenait à l’hôpital et que celle-ci le lui reprochait : « Tu m’emmènes
encore là-bas, l’hôpital pour les fous ? » (Traduction de : ayttawit daghen dinna
gh sbitarr nimahbal ?) Ou encore : « Ce n’est pas ma place ici » (Traduction
de : machi damkaniw dayi).

Refusant d’admettre la maladie de sa fille, il confie ne pas apprécier les


traitements médicamenteux qu’on lui prescrit et se charge même de diminuer les
doses à sa manière : « Tu prends seulement une le matin et une le soir ».

Il nous avoue être en conflit avec la mère qui, selon lui, exagère dans ses
réactions avec les enfants (il la traite même d’« hystérique »). La mère, elle, se
qualifie plutôt de « maman poule » ; elle aime ses enfants, surtout sa fille malade
et souhaite plus que tout son bonheur. Elle nous fait savoir qu’elle a travaillé dur
pour offrir à sa fille le nécessaire pour son trousseau et qu’elle aurait aimé la
voir mariée et épanouie. Aussi, elle décrit son époux comme un père absent et
négligeant ; dit qu’il n’a aucune autorité sur ses enfants et qu’il ne joue pas son
rôle de père. Il n’accepte pas la maladie de Lucrèce et l’accuse, elle (la mère),
d’en être responsable ; le père avoue implicitement ne pas pouvoir accepter la
maladie de sa fille et reproche à sa femme d’être la responsable du mal-être de
sa fille.

En tout, et en plus d’avoir discuté avec Lucrèce et ses parents à plusieurs


reprises, nous avons fait passer une première fois l’entretien semi-directif à la
patiente seule en une vingtaine de minutes. Puis, un deuxième entretien d’une
demi-heure à son retour de permission accompagnée de sa mère et enfin, un
dernier entretien avec le couple parental qui nous a accordé une heure.

134
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Synthèse des entretiens

D’après les données que nous avons recueillies à travers l’ensemble des
entretiens que nous avons fait passer à la patiente et à sa famille, nous pouvons
constater l’ignorance/la méconnaissance de Lucrèce par rapport à sa maladie.
Même chose pour sa famille qui, du coup, tâtonne et s’y prend mal dans la prise
en charge de leur proche, surtout lorsque que le grand frère ou le père qui sont
contre le « dopage » médicamenteux des psychiatres suscitant ainsi une prise
anarchique du traitement. Et ceci est notamment démontré par la fréquence
importante de rechutes de la patiente.

La famille présente beaucoup d’autres anomalies, des tensions voire des


disputes au quotidien. Une relation conjugale et parentale altérée ainsi qu’une
instabilité et une dégradation de la relation fraternelle au sein de la famille. Les
interactions sont pauvres, rigides et sous tension. Il y a un inversement des rôles
du fait que c’est la mère qui assure la plupart des taches et une absence
d’harmonie voire d’homéostasie dans cette famille, une cohésion moindre, ce
qui laisse deviner une dynamique familiale perturbée.

135
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°1 : Génogramme du cas N°1, la famille Borgia.

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

Concernant la structure (Minuchin), la famille de Lucrèce est constituée du


père, de la mère et de 3 enfants (une fille et deux garçon) vivants tous ensemble.
Le pattern relationnel de ce système familial laisse paraître un sous-système
conjugal et parental conflictuel. Pareillement pour les membres du sous-système
de la fratrie. Il y a également des traces de conflits intergénérationnel entre les
deux sous-systèmes (le parentale avec celui des enfants). Ces conflits fréquents
sont souvent accompagnés de violences entre les membres de la famille. Les
tensions interpersonnelles sont aussi jugées importantes. Il existe aussi un
mécanisme d’enchevêtrement et la communication est surabondante et
destructrice voire nocive pour la patiente.

136
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

3) Présentation et analyse des données du FMSS

Passation du test au père de Lucrèce :

L’énoncé initial : « elle est perturbée » (déclaration négative)

La relation : « très bien » (positive)

Les critiques : « elle est susceptible »

Le mécontentement : Aucun.

La surimplication émotionnelle : « c’est difficile ! » ; « thettghit... »

NIVEAU DE E.E. = Haut.

Passation du test à la mère de Lucrèce :

L’énoncé initial : « ma relation avec ma fille est très très bien » (déclaration
positive)

La relation : « très très bien » (positive)

Les critiques : « elle est influençable »

Le mécontentement : « elle ne veut pas faire de stage, elle me crée des


problèmes, j’aurai aimé qu’elle se marie comme tout les filles et qu’elle ai des
enfants »

La surimplication émotionnelle : « il faut que j’accepte ça... (pleurs) »

NIVEAU DE E.E. = Haut.

Synthèse du FMSS

On retrouve dans la famille de Lucrèce un haut niveau d’EE, à compter au


moins une critique négative et une surimplication émotionnelle et ce, pour
chacun des parents questionnés. Ce qui répond aux critères incluant la famille

137
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

dans un taux élevé des EE. Pour la mère on note un investissement excessif
envers sa fille. On note également un signe d’engagement émotionnel important
du père envers sa fille. Selon les études antérieures, il y a une relation entre une
association significative entre les niveaux élevés d’EE et le taux de rechute des
patients. (Hooley, 1998)

Synthèse du cas N°1, la famille Borgia

Selon les données obtenues de nos entretiens de recherche semi-directifs


avec Lucrèce et sa famille, et la passation du test FMSS sur les parents, on en
vient à conclure que la dynamique familiale chez cette famille est
dysfonctionnelle. On remarque aussi la présence de la notion du double lien ou
double contrainte (Bateson) : On s’est retrouvé avec une maman qui éduque sa
fille, dans la visée de la marier (préparant tout le nécessaire) mais d’un autre
côté, elle lui déconseille de se marier à cause de sa maladie (au risque de se faire
« marcher-dessus »). On remarque un couple parental « dévié » (Lidz), avec un
père passif qui ne s’investit pas dans l’éducation de ses enfants, et n’acceptant
pas la maladie de sa fille, il en altère sa prise en charge. Nous décrivons aussi un
grand frère idolâtré par sa sœur mais qui l’influence en mal ; un frère plus jeune
« violent » envers elle et, en tout, une famille si conflictuelle que cela pousse la
patiente à sombrer encore plus dans sa maladie.

138
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Cas N° 2 : Famille du patient Bill Gates

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec le patient Bill, le 6 mai 2018

C’est durant l’après-midi du 6 mai 2018, une semaine après son


hospitalisation, que nous nous entretenons, dans la salle des visites, avec le
patient que nous avons surnommé Bill Gates. Le personnel soignant nous assure
que son état est stable et qu’il est apte à répondre à nos questions. Sa mère et sa
plus jeune sœur -présentes comme toujours durant la visite- venaient de nous
quitter ; le contact entre elles et leur proche fut assez froid. Bill sortait de la
douche et était un peu fatigué mais accepte volontiers de passer l’entretien dans
une attitude décontractée. Nous lui expliquons brièvement nos motifs et
l’encourageons à nous parler de sa situation. Seulement, Bill nie
catégoriquement être malade et affirme ne pas être « fou ». Arrivés aux
questions concernant la dynamique familiale, il paraît brusquement gêné, dit que
ça le dérange d’en parler et demande à mettre fin à l’entretien. L’échange aura
duré une dizaine de minutes.

Informations générales

Le patient est un homme âgé de 22 ans, titulaire d’un diplôme français


d'études secondaires et d'enseignement professionnel, le Certificat d'Aptitude
Professionnelle [CAP] ; il est sans profession actuellement mais a déjà effectué
des stages professionnels en France. Célibataire, il vit avec sa famille en France,
mais a passé les derniers mois seul, ici, en Algérie, dans la maison paternelle. Sa
famille est composée de 6 membres dont une mère âgée de 47 ans, sans emploi
mais qui reçoit une pension d’invalidité, et 4 sœurs âgées entre 18 ans et 26 ans.
Bill est l’avant dernier enfant et l’unique garçon. On nous rapporte aussi que le

139
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

père, beaucoup plus âgé que la mère, est décédé en 2010, de mort naturelle. Nos
observations quant à leur mode de vie (dépenses pour le fils notamment) nous
laissent penser que la situation socio-économique de la maisonnée est bonne.

Axe 1) : Informations sur la maladie

Le patient n’a pas voulu répondre aux questions de cet axe vu qu’il ne se
considère pas comme étant atteint de quoi que ce soit : « Malade ? Je suis pas
malade, moi… » (Anosognosique). Chez toute personne souffrant d’un trouble
mental majeur, telle la psychose, coexistent le plus souvent une conscience et un
déni du trouble et ce dernier est associé à la méconnaissance générale dont font
l’objet les maladies mentales. (Chaltiel, 2009) Il s’agit de sa 1e hospitalisation ;
il nous dit : « ils m’ont pris et m’ont ramené ici. » Lorsque nous demandons :
« Qui ça ? », il nous répond : « Les gendarmes, je crois… avec une ambulance »
ne sachant pas trop pourquoi d’ailleurs. D’après son dossier, le début des
troubles semble remonter à plus de 4 mois, marqué par l’apparition progressive
de troubles du comportement, retrait et isolement, insomnie et agressivité (avec
bris d’objet) dirigée vers sa mère et ses sœurs qui rapportent l’avoir entendu
sérieusement parler au chat de son oncle persuadé que ce dernier lui répond.

Axe 2) : Informations sur la dynamique familiale

Bill décrit sa famille en ces termes : « bien, on est bien ». Il nous dit qu’ils
discutent entre eux mais qu’ils ne sont pas tout le temps ensemble ; « c’est des
filles et moi je suis un garçon ». Il rapporte que les « filles » s’entendent bien
entre elles et qu’une bonne ambiance règne chez eux.

Nous tentons d’aborder sa relation avec sa mère et lui demandons, après lui
avoir fait remarquer qu’elle l’aime beaucoup et qu’elle s’inquiète, si ce n’est
pas, à certains moments, trop étouffant, Bill rétorque : « Non, pas du tout ! »

140
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Durant les évènements tels que les fêtes religieuses « à l’aïd bah on mange
du mouton, c’est tout… ». Il précise seulement que c’est sa mère qui prépare
tout, que ses sœurs ne sont pas du genre à aider en cuisine.

Mal à l’aise, il souhaite que nous arrêtions. ; nous demandons si cela le


dérange, ce à quoi il répond : « Ouais, un peu quand même…»

Entretien avec la maman et la sœur, le 6 mai 2018

C’est toujours dans la journée du 6 mai, durant l’heure des visites, que nous
avons la possibilité de nous entretenir avec la mère et la petite sœur du patient.
Bill, après avoir fumé plusieurs cigarettes au seuil de la porte, est allé se doucher
(sous la consigne de sa mère). Nous profitions donc de l’occasion pour tenir
compagnie à la petite famille et échanger avec elle.

La jeune fille de 18 ans commence par nous expliquer la situation de son


frère : « Il est venu là (Algérie) pour passer son permis à la base, pas’que il
avait trouvé un travail mais il fallait le permis, comme il l’avait raté en France
bah il s’est dit "J’vais rester là 6 mois, ça va passer vite etc." Ben en fin de
compte il lui est arrivé ce qu’il lui est arrivé maintenant ». Sa mère ajoute qu’«
Après, petit à petit, des fois il y allait, des fois non (…) à l’auto-école (…)
jusqu’à tout abandonner ».

Bill aurait habité seul pendant la période s’étendant de Août 2017, qui
coïncide avec la venue de la famille en Algérie pour célébrer le mariage d’une
de ses sœurs (moment où il décide de rester dans la maison paternelle pour
repasser son permis de conduite), à Mars 2018, date approximative de la venue
de la mère spécialement pour son fils après avoir été alertée du comportement
étrange de celui-ci.

« Il y a la maison de son oncle (paternel) à côté » nous dit-on, c’est à lui


(son oncle) qu’on aurait confié la mission de chaperon. La maman affirme, par

141
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

ailleurs, qu’elle venait très souvent voir son fils et pour les grandes occasions à
l’exemple du nouvel an.

Au fil des mois, Bill a commencé à se comporter bizarrement, sortait moins,


passait moins de temps avec ses cousins, jetait les affaires de la maison
(assiettes, ampoules…) sans raison apparente. La mère se plaint du fait que son
fils ait complètement changé d’attitudes envers elle et ses filles ; il lui porte un
regard « menaçant », nous confie-t-elle. Elle raconte aussi qu’auparavant ils
s’entendaient tous très bien entre eux, mais qu’à présent, il a tendance à s’isoler
et à se mettre en colère. Durant la première partie de son séjour, il aurait passé
plus ou moins de temps avec ses cousins, mais aurait complètement changé et ne
sortait plus au cours des derniers mois.

La sœur nous décrit la transition : « il est calme d’ailleurs, ce n’est pas un


garçon qui parle, qui rigole avec tout le monde mais des fois il rigole avec nous
quand y a des trucs marrants. Là, y a plus rien, il s’énerve… J’le reconnais pas
quoi ! C’est pas comme d’habitude, même avec ma mère, il… il était trop doux
avec elle et tout… maintenant il est devenu agressif, même avec nous. »

Elle ajoute : « On avait une relation frère et sœur normale. On était pas non
plus complice mais… quand il en avait besoin il me demandait, quand j’avais
besoin je lui demandais aussi. Et après, petit à petit bah… Quand j’étais en
France et lui là, il m’appelait, il m’envoyait des messages, etc. Et après, plus les
mois passaient moins il m’appelait… Juste quand il avait besoin d’argent ou de
quelque chose, il m’appelait, sinon, il m’appelait pas… J’le reconnais pas. C’est
pas lui, c’est pas sa personne. »

Et finit par nous dire : « Après, chais pas moi… Y a que ça à dire. J’ai pas
vraiment vécu avec lui quand il a eu ça »

142
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Quant aux rapports qu’il entretient avec sa mère, elle nous avoue que son fils
n’est pas particulièrement attaché à contrairement à la très bonne relation qu’il
avait avec son défunt père. On nous rapporte que Bill était tout le temps collé à
lui ; ils passaient toutes leurs vacances ensemble soit en France ou ici, en
Algérie. Mais malheureusement, le père décède et laisse son fils alors âgé de 12
ans. La maman lui délègue « maintenant t’es l’homme de la maison, tu
remplaces ton père, tu dois être responsable ». C’est ainsi que dès qu’il obtient
son diplôme, Bill commence à chercher du travail et effectue des stages
professionnels.

De son côté la sœur nous dit : « justement après le décès de mon père on a
toujours été soudés et on s’est toujours entre-aidé quand quelqu’un en avait
besoin, on s’est toujours entre-aidé. J’ai une sœur aussi qui est mariée et c’est
pareil. On s’appelle tout le temps. Entre filles on est vraiment soudées après
c’est le seul garçon on essaye de pas le mettre de coté à la maison et tout. Il a sa
chambre, voilà… quand il a besoin on a de très bonne relations après on n’est
pas non plus complices mais quand il y a des choses il nous le dit et nous
aussi ». La sœur rapporte qu’avec son frère, ils avaient l’habitude de s’entre-
aider, qu’ils étaient très proches lorsqu’ils étaient plus jeunes mais « il s’est
installé un petit peu de honte. ‘fin voilà quoi ! Il a grandi, j’ai grandi… On
s’appelle pour se rendre service, on rigole, c’est frère et sœur quoi ! »

Encore la sœur pour décrire un peu plus la famille : « l’atmosphère de la


maison est très agréable, après y a des disputes comme ça entre sœurs mais
c’est pas plus. »

« On mange ensemble, on sort ensemble, quand on va au restaurent, c’est en


famille (…) on a de la famille en France, y a mon oncle aussi qui vit ici… quand
il y a des événements on est toujours ensemble. On est pas une famille divisée ».

143
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Entretien de la mère et du patient avec les psychiatres, le 13 mai 2018

Il s’agit ici d’un entretien qui a eu lieu dans la salle des consultations avec
les psychiatres du service qui ont demandé à voir la mère du patient Bill pour
s’informer de l’évolution de ses troubles d’après les propos de chacun en tentant
une confrontation entre la mère et le fils. Nous profitons de l’occasion pour
assister, observer la chose et en tirer des informations. Il s’est déroulé en deux
parties ; la première avec la mère, seule (une douzaine de minutes) la deuxième
avec la mère et son fils.

La mère déclare que les premiers signes de la maladie de son fils remontent
au 1e janvier 2018. Les psychiatres l’interroge alors quant au déroulement de la
soirée qui a précédé le premier janvier de l’année, soupçonnant une ingestion de
substances psychoactives ; elle ne précise rien mais certifie que Bill était avec
elle et qu’il n’a, par conséquent, rien fait de « mal ». Depuis ce jour donc, sa
famille remarque un changement et un comportement très étrange : « Ca lui
arrive de passer des semaines à pointer du doigt, comme un bébé, des objets
invisibles sur les mûrs (…) il parle seul (…) il rit seul » Elle relate ensuite
l’épisode du Raki qu’elle a fait venir tout exprès : « ça s’est très mal passé »
Depuis, les choses ont empiré entre eux ; Bill a commencé à douter de sa mère,
Furieux, il serait même allé jusqu’à renverser toutes les bassines d’eau de la
maison en s’imaginant que le Raki les avait bénites.

Elle fond en larmes : « Je n’arrive pas à croire que mon fils il a ça » +


« mais moi aussi je suis sous traitement ça fait deux mois que je suis pas allé
chez le médecin (…) pour le diabète et j’ai de la tension aussi » gémit-elle.

Lorsque l’on fait entrer le patient dans la salle, nous remarquons une certaine
froideur vis-vis de sa mère, celle-ci tente de le saluer mais il esquive son contact
(quand elle essaie de l’embrasser) et ne lui répond pas tandis qu’elle lui
demande : « t’es fatigué ? ». Les psychiatres encouragent la mère à énoncer ce

144
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

qui l’a inquiété à propos de son fils pour qu’elle en vienne à l’amener à l’hôpital.
Elle nous rapporte alors qu’il a passé 4 jours enfermé, sans parler à personne,
sans boire ni manger « je te ramène à manger, tu la jettes à la mosquée. Le
plateau complet tu le renverses… et y a tes cousins qui sont témoins » Bill nie :
« 4 jours ? C’est impossible… même le ramadan c’est pas comme ça »
l’échange continue sur cette lancée et il ajoute : « Si j’étais malade, elle
m’aurait dit va voir un psychiatre, il me fait une piqûre et je m’endors
voilà…» Au même moment, nous entendons la mère, dire à voix basse : « Oui,
mon chéri, je te l’ai dit… » (Traduction de : Oui, amaaziz, nighak…) En effet, la
maman avait pris rendez-vous chez un psychiatre mais Bill n’avait pas voulu y
aller et c’est par ailleurs avec une lettre dudit médecin qu’elle l’a fait
hospitaliser. Comme la mère s’emballe, les psychiatres demandent à Bill s’il
préfère la voir elle ou son oncle, il répond alors : « Elle, c’est ma mère, mais je
la connais… » Ce à quoi la mère réplique : « C’est moi qui te connais bien !
Déjà tu me regardes même pas dans les yeux, qu’est-ce que je t’ai fait ? J’ai
tout fait pour toi. T’auras jamais une autre mère comme moi ! Pourquoi t’es
contre moi ? Qu’est-ce que j’t’ai fait ? J’t’ai fait rien que ce qui y a de mieux
pour toi. Pourquoi tu veux pas rentrer en France ! Tu veux rester ici ? Qu’est-ce
que tu vas faire ici ? T’as ton stage là-bas… pour quelle raison ? Qu’est-ce qu’y
a ? J’t’ai laissé de l’argent, Bill. J’t’ai dit de faire c’que tu veux pour te rendre
heureux » Le patient n’a pas l’air de se rendre compte qu’il a passé autant de
temps enfermé chez lui et affirme : « Moi j’suis pas fou hein ! » Sa mère insiste :
« Si, t’es fou, Bill ! Toi tu te sens pas fou mais moi… »

Quand les psychiatres questionne Bill sur les évènements du nouvel an pour
avoir sa version, il dit ne pas s’en souvenir ; même en insistant pour savoir ce
qu’il fait les soirs de 31 décembre en général (en France) : « Je ne suis pas un
fêtard ».

145
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

La maman, toujours aux abois, lance : « ça fait deux semaine que j’suis chez
ton oncle, je dors pas, Bill. Je mange pas, Bill. Même ta sœur. On s’inquiète
pour toi ! »

Lorsque les médecins lui recommandent de ne pas se présenter aux visites


pour au moins quelques temps, elle s’insurge : « J’arrive pas à dormir… je l’ai
pas vu une journée, je suis devenue folle ! »

Synthèse des entretiens

D’après les données qu’on a recueillies à travers ces entretiens, on remarque


en premier lieu que la maladie est récente chez ce patient, et qu’il y a une
méconnaissance totale du trouble chez lui.

Le patient semble avoir subi un choc vers l’âge de 14 ans suite à la mort de
son père dont il était particulièrement proche. Il se retrouve alors seul parmi les
figures féminines que sont ses sœurs et sa mère. Notre patient s’est crée un coin
à lui et s’isole du reste de la famille. Et la mère lui complique la situation en lui
mettant la pression, disant que maintenant il est l’homme de la maison et qu’il
remplace le père. La mère est une mère étouffante véhiculant des paradoxes
(entre le fait de le laisser seul en Algérie, et de ne pas pouvoir se séparer de lui
ou encore lorsqu’elle lui demande « va faire ton permis » et « fait c’que tu
veux »).

146
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°2 : Génogramme du cas N°2, la famille Gates.

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

La famille Gates est composée de la mère et de 5 enfants (4 filles et 1


garçon). Le père, à qui Bill était très attaché, est décédé en 2010. Les frontières
sont diffuses selon les propos de la jeune sœur « on n’est pas une famille
divisée ». Il n’empêche que depuis le début des troubles, une rupture s’est crée
entre Bill et sa jeune sœur. Et avant même l’apparition de ses troubles Bill, étant
le seul garçon de la maisonnée, avait évoqué lors de son entretien une certaine
distance entre lui et elles due à ça.

147
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

3) Présentation et analyse des données du FMSS

Passation du test FMSS à la jeune sœur de Bill

L’énoncé initial : « Je ressens de la peine, il était pas comme


ça…» (déclaration négative)

La relation : Positive.

Les critiques : « il s’énerve, il est devenu agressive »

Le mécontentement : « je le reconnais plus »

La surimplication émotionnelle : Aucune.

NIVEAU D’E.E = Bas.

Synthèse du FMSS

On note de la part de la sœur envers son frère une absence de critique et de


surimplication émotionnelle de celle-ci, ce qui permet d’évaluer un bas niveau
d’EE dans cette famille. Ce bas niveau d’EE témoigne de même d’une
insatisfaction de la famille concernant le malade.

Synthèse du cas N°2, la famille Gates

D’après les résultats obtenus à partir de nos trois outils de recherche, la


famille de Bill Gates semble perturbée notamment par rapport à la mauvaise
stratégie de coping qui s’est faite depuis le décès du père, à savoir la
responsabilisation du fils trop jeune. Il est a noté aussi une distance apparente
qui sépare essentiellement Bill de sa famille. Depuis le début de son récent
trouble, il y a eu diminution jusqu’à néant de la communication entre lui et les
« filles».

148
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Cas N° 3 : Famille du patient Sweeney Todd

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec le patient Sweeney Todd, le 26 avril 2018

C’est après l’heure des visites, plutôt tard dans l’après-midi que nous avons
retenu Sweeney Todd afin de nous entretenir avec lui. Le patient est jugé calme,
et son état suffisamment stable pour permettre l’échange. Curieux, il nous
questionne avec un certain intérêt quant à nos motivations - que nous lui
expliquons. Pas très sûr de lui, il nous promet de faire de son mieux « Je vous
dirai juste ce que je sais, juste ce que je sais » (Traduction de : Ayen isnegh kan,
ayen isnegh) ; nous le rassurons, lui demandons s’il ne voit pas d’inconvénients
à ce que les questions soient en français et entamons alors le questionnaire.

Informations générales

Le patient est un homme âgé de 34 ans ayant un niveau d’instruction 2e


année lycée. Coiffeur de formation, il a longtemps exercé dans son propre salon
(une location) et fait plusieurs petits boulots, notamment celui de vendeur dans
un kiosque multiservices. Todd est célibataire et vit avec sa famille. Celle-ci est
composée de 8 membres dont les deux parents (le père et la mère) et 6 enfants. Il
est le deuxième de sa fratrie, avec une sœur aînée handicapée. Les parents,
d’environs 57 ans chacun, sont vivants et bien portant. Le père, à la retraite, a
étudié en français à l’époque coloniale, la mère, au foyer, reçoit une petite
pension pour sa fille handicapée. Les frères et sœurs travaillent de leur côté
aussi. La situation socio-économique de la famille est donc jugée moyenne.

149
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Axe 1) : Information sur la maladie

Le patient ne sait pas de quelle maladie il est atteint, lorsque nous lui
demandons de quoi il souffre, il émet un petit rire et répond : « Comme
quelqu’un qui… » en mimant le geste de porter un verre à sa bouche. En fait,
Todd compare son état à celui d’une personne consommant beaucoup d’alcool,
ou autres substances psychoactives. Au sujet des antécédents psychiatriques
dans la famille, il évoque un oncle et une tante, du coté maternel, suivis en
psychiatrie et ajoute qu’eux deux se portent mieux aujourd’hui. Il ne se rappelle
pas distinctement des premiers signes de sa maladie, ni de quand ils datent, et
suppose qu’ils coïncident avec l’époque où il travaillait dans le petit kiosque :
« Exactement, je ne sais pas… Je le jure… peut-être lorsque je travaillais dans
ce petit magasin d’affaires scolaires, de bonbons... il y avait un primaire juste à
coté, ils se précipitaient tous de là-bas… Mais je ne sais pas vraiment si ça
remonte à là-bas, ou à ailleurs (…) Je ne me rappelle pas, je ne me rappelle
vraiment pas…» (Traduction de : Exactement, ouaalimegh ara… wellah ma
aalmegh… ligh khademegh g tehanout enni... les affaires n’ledjamaa, wahi
d’lehlawath, illa l’primaire juste à coté… hemlen ikkel fellanegh… Nekki
ouaalimeghara est-ce que dinna est-ce que ailleurs (…) Ouchefigh ara, wellah
ma chefigh…) Après un petit moment de réflexion, il ajoute que c’est sa mère
qui, en 2013 « à peu près », a pris conscience de sa maladie et l’a emmené
consulter chez un psychiatre, « Ma mère, ma mère avait deviné ». Le patient
rapporte alors qu’il a plutôt bien pris l’annonce de sa maladie mais que son
premier médecin traitant lui prescrivait de mauvais médicaments et n’était pas à
la hauteur.

C’est sa première hospitalisation, avant « c’était ma sœur qui me donnait


mes médicaments mais maintenant elle est mariée et vit à Constantine. Ma petite
sœur aussi prend soin de moi et elle me comprend, mais elle est fiancée

150
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

maintenant » (Traduction de : deweltema iyditaken dowa mi tura tzwedje a


qessemtina, ultema tamezyant daghen, tfahmiyi mi t’fiancée tura).

Axe 2) : Informations sur la dynamique familiale

« On est proche, proche..» nous dit-il, quand nous le questionnons sur la


maisonnée. Il précise, ensuite et par sa seule initiative, que sa mère prend
exclusivement soin de sa sœur handicapée et qu’elle ne lui accorde pas, à lui,
beaucoup d’attention ; il ajoute, toujours au sujet de sa mère : « elle n’aime pas
qu’on lui parle et préfère qu’on la laisse tranquille… » (Traduction de : dacho
kan ima uthibi ara asnahder, djemmiyi kan tranquille) Nous lui demandons
alors si le manque de prévenance qu’a sa mère envers lui le dérange ou le
chagrine, à quoi il répond : « Ce n’est pas question ça dérange » et ajoute que
lui-même se propose de l’aider, parfois, en donnant ses médicaments à sa sœur.
Après tout : « elle ne peut pas s’occuper de deux malades en même temps »
(Traduction de : outezmir ara atelt’ha g’sin imotan).

Le patient rapporte qu’ils sont souvent réunis à la maison, tous ensemble :


« à part mon frère, il part... je ne me rappelle pas très bien où, chez la famille,
une tante… C’est psychique un peu… il est étourdi/désinvolte, et quand il rentre
il se plaint beaucoup des douleurs de son pied » (Traduction de : mi guma khati,
itruhu gher la famille (…) itriyii imaniss… ma adiwelli itechekthay bezzaf g
leqrih g tariss).

Quand nous abordons les grandes occasions et les fêtes religieuses Todd
nous confie : « ça me rend heureux » (Traduction de : Nekki ferhegh, iaajbiyi el
hal) Il ajoute : « Actuellement, si je pouvais sacrifier un mouton en guise de
don/charité pour guérir de ma maladie, je le ferais » (Traduction de : tura aka
loukan adafegh adzlegh kra aka fi sabil allah adiji yewen). Nous lui proposons
de nous raconter le déroulement d’une journée de fête, celle de l’aïd par
exemple, il nous parle alors de la prière à la mosquée, des embrassades dans la

151
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

rue… « Ca me rappelle mon grand-père, c’est un peu à cause de lui que je


continue toujours à prendre mon traitement. Il avait l’air méchant mais il ne
frappait pas. Il était toujours là, à nous conseiller “Faites comme ça, foncez,
attention ! travaillez !” à chaque fois que je pense à lui j’ai envie de pleurer…»
(Traduction de : smekthaygh djeddi, athirhem rebbi, tekhemimegh toujours
felass, winna toujours à cause yness mazal tettegh dowa, ittebin iw’aar mi
ourikathara inhayegh kan. Beghigh ad’trugh à chaque fois tkhemimegh felass…)

Quand nous cherchons à savoir qui de ses proches s’investit le plus dans sa
prise en charge, il assimile mal la question et répond de façon à éclaircir l’aspect
financier de la chose, à savoir qu’il travaillait auparavant et qu’il s’occupait lui-
même de ses frais médicaux. Nous clarifions donc la question numéro 26 de
notre guide à laquelle il finit par répondre qu’il est autonome dans son
traitement (achat et prise des médicaments) et qu’il se présente seul à ses
rendez-vous chez son médecin traitant. « ce n’est pas normal, hein ? » nous dit-
il, avec une pointe d’ironie. Il avoue, d’ailleurs, qu’il aimerait bien être
accompagné, mais n’ose pas le demander. Il relate ensuite certaines anecdotes
liées à ses premiers délires (Sa moto qui le pousse en arrière, les persécutions
des gens du quartier). Todd en parle comme des moments de grande solitude où
il n’ose, encore une fois, pas importuner ses proches et traverse seul les
difficultés. Il pense que les signes d’agressivité sont apparus un peu plus tard ; il
ne se les explique pas.

A nos interrogations quant à la personne vers qui il se dirige lorsqu’un


problème se présente à lui, qu’il a un souci, il songe d’abord « Psychologue ? »
puis répond vaguement : « Ma petite sœur, ma mère… » (Traduction de :
ouletma tamezyant, ima) et ajoute : « Bof, ce n’est pas utile, ça ne suffit pas… »
Elles ne lui accordent pas vraiment d’attention : « chacun s’occupe de lui-même,
le temps passe vite » (Traduction de : koul yewen illetha delaameriss, lweqth
itt’aaday rapide).
152
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

L’évènement vécu en famille le plus récent et l’ayant marqué : « L’été passé


il y a eu les fiançailles de ma sœur. C’était un événement heureux. J’étais
heureux et content pour elle » (Traduction de : cif enni iaadan taada lekhtoubiya
n’weltma. Delhadja l’aalit, ferheghass) Il nous rapporte ce soit disant bonheur
mais paraît vraiment triste à ce sujet et ca se comprend vu sa proximité avec elle.

Entretiens avec la mère et deux sœurs de Sweeney Todd, le 2 mai 2018

La mère, très affectée par l’état de son fils qu’elle ne reconnait plus souhaite
sincèrement le voir réintégrer la maison familial ; toutefois, elle se rend bien
compte de l’instabilité de Todd : « Il est ici, hospitalisé, et je ne me sens pas
bien, je ne dors pas bien… Ce n’est pas la même chose, entre l’hôpital et la
maison de son père…» (Traduction de : Ouganegh ara bien… machi kif kif
sbitar, d’axxam babass mi…) Elle nous confie que le comportement de Todd,
son attitude et toute sa personne ont changé depuis sa maladie. C’était un fils
prévenant, attentionné, toujours prêt à satisfaire ses parents : « Dans le passé,
c’était quelqu’un de tendre » (Traduction de : Zik enni dahnin) Colérique et
agressif désormais, il menace et effraie toute la maisonnée, son petit frère se
retrouve même obligé de crécher le plus souvent chez des oncles ou des
tantes pour éviter de se frotter à lui : « Je vais t’arracher la tête » (Traduction
de : akkeksegh aqerouyik) lui lance-t-il, le plus sérieusement du monde. Elle
nous révèle que Todd ne communique pratiquement plus du tout avec sa famille,
surtout avec son père. Il aurait même abandonné son travail de coiffeur par
dégoût et prétextant des douleurs dans les mains « S’il avait vraiment mal aux
mains, il ne frapperait pas, il ne frapperait pas ; lui non… » (Traduction de :
Loukan qerhenth ifasniss, loukan ourikathara, ourikathara. Netta khati…), se
plaint-elle.

Elle nous livre, terrifiée, ses inquiétudes quant à la future sortie du patient :
« Ils ne doivent pas le sortir juste comme ça, alors qu’il n’est pas guéri, juste
pour faire de le place aux autres ». La plus jeune des deux sœurs appuie : « Tel
153
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

que je le vois, je sais. Je sais que ça ne va pas… J’espère qu’il va guérir, je prie
dieu pour ça mais je viens le voir ici et comme je le vois, ça ne va pas. »
(Traduction de : Akken izareghth aalmegh mazal chuiya, ça va pas ‘nshallah
addiji mais taseght zareghth dayi et akken izaregh mazal, ça va pas.)

La mère souhaite revoir son fils avec son caractère d’antan, avec la douceur
qu’il avait auparavant et qu’il se remette à travailler aussi : « Il refuse de
travailler, il tourne en rond à la maison et cherche les problèmes » (Traduction
de : Ourikhedmara, itgama adhikhdhem, idewir kan akham itthouf el machakil)
Elle nous confie aussi que gérer cette situation est très difficile et qu’elle a déjà,
en tant que mère, de lourdes responsabilités : « si au moins j’avais encore la
santé ! Et je dois encore marier mes filles, Il n’y a que moi qui travaille pour
ça ». Nous abordons également le sujet des médicaments : « Je lui propose de
lui donner ses médicaments » (Traduction de : assinigh akdefkegh dowa ynek)
Seulement, Todd lui rétorque : « c’est toi qui refuse de me donner mes
médicaments » (Traduction de : d’kemmi igouman aytefket dowa ynew) Toujours
apeurée, elle jure : « Avant le repas, je lui suggère “prends tes médicaments,
Sweeney”, parce que c’est lui qui les garde… Si je devais les prendre par moi-
même, il en ferait toute une histoire » (Traduction de : Wellah maaqbal el fatour
“assinigh ssou dowa, a Sweeney” netta aghouress ittijmouaay laboud, loukan
astedmegh aydikhdhem hala) (C’est au demeurant la prise anarchique de son
traitement jusqu’à son arrêt dont les répercussions sont désastreuses conduisent
sa famille à user de la force pour le conduire à l’hôpital)

Du reste, les paroles des deux jeunes sœurs du patients font écho à celles de
la mère ; c’est un sentiment de profonde peur qui enveloppe les membres du
foyer de Todd : « J’ai vraiment peur de lui, dès que je le vois, j’ai peur. »
(Traduction de : s’iigh el khouf mlih didhess, athezregh kan ad khelegh) Le
malade aurait, en effet, tendance à porter des armes blanches sur lui. Par ailleurs,

154
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

tous s’enferment à clé dans leurs chambres à la nuit tombée : « Quand il est
dehors, il est bien, dès qu’il rentre à la maison, avec nous, il n’est pas bien »
(Traduction de : Ma ad yili g’berra bien, ma adikchem axxam dhidhnegh machi
bien) La sœur précise que « Surtout, surtout avec papa, il a vraiment un
problème avec papa » (Traduction de : Surtout, surtout wahid baba, i’saa un
problème mlih wahid baba)

« Il s’isole, il aime rester seul, il évite les gens, il est pensif ; on ne sait
absolument pas à quoi il songe, et il refuse de parler... Nous, on aimerait bien
savoir ce qui le préoccupe, à quoi il pense, mais jamais il n’en parle (…) Il aime
bien déplacer les objets, c’est l’une de ses principales occupations »

Les trois femmes, très émues, parfois au bord des larmes, se répètent
beaucoup, et formulent à plusieurs reprises leurs souhait de voir Todd guéri :
« On souhaite qu’il guérisse maintenant, qu’il quitte l’hôpital bien… On ne se
sentira que mieux, nous aussi, la peur disparaîtra… Il s’entendra à nouveau
avec papa, avec maman aussi (…) que le Sweeney d’avant revienne »
(Traduction de : N’temenni addiji toura, adifegh bien… Même nekni anhouss
bien, aghtekess el khelaa ‘nshallah, admisfham surtout wahid baba, même
ima… addiqel Sweeney enni n’zik)

« Je veux vivre avec lui à l’aise, qu’il puisse à nouveau aimer sa famille,
aimer ses sœurs, qu’il plaisante et discute avec son père, comme avant… Ce qui
est passé est passé » (Traduction de : loukan a rebbi an’iich bien dhidehss à
l’aise, loukan a rebbi adihmel isetmass, adihmel babass, adiqesser d’babass,
adihedher d’babass… ayen i aada, i aada)

Synthèse des entretiens

- Méconnaissance du trouble.
- Peur qui règne envers le patient.

155
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

- Communication pauvre (le patient ne trouve personne à qui parler


lorsqu’il en ressent le besoin ou du moins il n’ose pas déranger et il n’insiste
pas. La famille évite d’interagir avec lui de peur qu’il s’emporte contre eux. Les
seuls membres dont il se sent proche en occurrence sont deux de ses sœurs mais
elles sont allées construire leurs propres foyers).
- Relations (mère absente, c’est tendu entre le père et le petit frère).

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°3 : Génogramme du cas N°3, la famille Todd.

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

La famille Todd est composée d’un père, d’une mère et de 6 enfants (3 filles
et 2 garçons). Les frontières paraissent souples (on sent que chacun se sent libre
de parler ou d’exprimer un désaccord avec les autres). Tous sauf le malade qui
s’isole et fait peur aux autres. On note aussi chez Sweeney une hostilité dirigée
vers son cadet. Et ce, essentiellement depuis sa rechute. Ce qui fait que la
communication soit désormais assez pauvre entre le malade et sa famille. Celui-
ci ressent un certain désengagement de sa famille vis-à-vis de lui ; il existe

156
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

néanmoins des alliances dans la famille notamment celle entre lui et deux de ses
sœurs. Mais déjà l’une d’elle s’est mariée quittant ainsi le foyer familial, et
l’autre s’apprête à faire de même.

3) Présentation et analyse des données du FMSS

Passation du FMSS à la mère de Sweeney Todd

L’énoncé initial : « J’ai peur de lui » (Ougadeghth) (déclaration négative)

La relation : Négative.

Les critiques : « Il s’est retourné contre nous, il a complètement changé »


(ineqlab fellangh, inbbedel ak)

Le mécontentement : « J’ai envie qu’il redevienne comme avant » (beghigh


addiqel am zik’nni)

La surimplication émotionnelle : « C’est moi qui travaille pour eux tous,


s’il » (d’nekki kan igkhedemen felassen, toura loukan aysekhelaa azouh kan
akka, adegheligh) (pleure)

NIVEAU DE E.E = Haut.

Passation du FMSS à la sœur (27 ans) de Sweeney Todd

L’énoncé initial : « C’est mon frère, je l’aime » (d’gma tthibikhth)

La relation : Positive.

Les critiques : « il a changé complètement » (in’beddal complètement)

Le mécontentement : « à chaque fois il cherche une raison/un prétexte pour


se bagarrer » (à chaque fois ithufed sebba akken adinagh)

La surimplication émotionnelle : Aucune.

157
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

NIVEAU DE E.E = Haut.

Passation du FMSS à la sœur (22 ans) de Sweeney Todd

L’énoncé initial : « On s’entend bien » (Netmissfham)

La relation : Positive.

Les critiques : « il a changé, il stresse, il aime rester seul » (in’bbedal,


ittqelliq, it’hibbi adiqqim imanis )

Le mécontentement : « il faut se comporter comme il le veut, ou alors il se


met en colère et » (illaq astudut akken kan ibegha)

La surimplication émotionnelle : « On aurait jamais pu penser qu’il en


arriverait là » (La vérité kan, ounenwara ikkel adyawet a daradja ayi) (émotion)

NIVEAU DE E.E = Haut.

Synthèse du FMSS

On note au moins une surimplication émotionnelle ou une critique chez


chacune des ces femmes envers le patient. Ce qui nous suffit pour évaluer un
haut niveau d’EE dans cette famille. Ce niveau élevé d’EE témoigne d’une
implication émotionnelle excessive de la famille concernant le malade. C’est sa
1e hospitalisation depuis 2013 et c’est la première fois qu’il se montre hostile
voire agressif envers eux, ce qui les affectent beaucoup.

Synthèse du cas N°3, la famille Todd

D’après les résultats obtenus par l’utilisation de chacun des outils retenus
pour la recherche, la famille Todd présente une dynamique familiale perturbée
caractérisée par une incapacité ou refus du réseau familial de répondre au besoin

158
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

d’attention du patient et une difficulté des membres à communiquer avec le


malade dû à la peur qui leur inspire.

Cas N° 4 : Famille du patient Charles Darwin

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec le patient Charles Darwin, le 26 avril 2018

L’entretien s’est déroulé le 26 avril 2018, dans la salle des visites, il a duré
une vingtaine de minutes. Charles s’est montré très coopératif.

Informations générales

Le patient est un homme âgé de 26 ans, de niveau d’instruction 3e année


universitaire (spécialité : biologie végétale). Célibataire et sans emploi, il vit
actuellement avec sa famille. Celle-ci est composée de sept membres, dont les
deux parents, une sœur, trois frères et une cousine qui vit sous leur toit. Tous
vivants et bien portants. Le père est âgé de 63 ans. Il occupait un poste de
directeur mais est à présent en retraite. La mère, au foyer, a 54 ans. Charles est
le troisième de sa fratrie avec un frère aîné, une grande sœur et un petit frère.
Leur situation socio-économique est jugée moyenne.

Axe 1) : Information sur la maladie

Le patient décrit sa maladie comme un état de stress mais ne donne pas le


nom de schizophrénie ; « je ne sais pas exactement de quoi il s’agit » et nous dit
avoir consulté plusieurs médecins avant d’atterrir en psychiatrie, notamment un
cardiologue, un neurologue et d’autres spécialistes dans le domaine de la santé.
Il a d’ailleurs suivi un traitement médicamenteux chez chacun d’eux.

Pour les antécédents psychiatriques familiaux, il nous répond que la mère a


déjà consulté un psychiatre mais n’en est pas vraiment sûr. Pour les premiers
159
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

signes, il nous parle surtout de ses tremblements de tête qui remontent au 28-29
mai 2011, « Tu te lèves comme ça un matin…Tu as la tête qui tourne/tremble et
tu te dis : comment affronter le regard des gens ? Ils vont se moquer de moi et
tout… » (Traduction de : t’noudh sebbah haka telqa rassek yerdjef, tqoul kifach
neqabbel ness ? Ydahkou aaaliyya, kamel…) D’après lui, c’était le seul signe « à
part ça, j’ai des douleurs comme pour tous les êtres humains ».

C’est sa deuxième hospitalisation, survenue suite à l’arrêt de son traitement


après une prise régulière de 6 mois. Alors que son psychiatre lui avait bien
expliqué qu’il devait continuer à le prendre pendant encore un moment, il arrête
quand même au bout de 6 mois. Il nous explique : « J’ai arrêté parce que je
ressentais un manque en moi… comme une personne qui a perdu sa jambe, elle
continuera à vivre et à rire mais elle ressentira toujours un manque »
(Traduction de : hebesste parce kent nhess rouhi naqess kima wahed rahett’lou
redjelou ykemel yaaich yedehek mi yhess toujours belli naqess) il considère le
fait d’être suivi en psychiatrie comme un handicap, comme si une partie de lui
manquait. Charles prenait ses médicaments seul. Et ce serait son père la
personne l’aidant le plus dans la prise en charge ; le papa l’accompagne chez le
médecin et lui achète ses médicaments.

Par rapport aux changements qu’il a vécu depuis le début de sa maladie


jusqu’à maintenant, il nous raconte : « J’ai passé des années très difficile, à un
moment j’étais affaibli, je ne pouvais même plus me lever de mon lit, et quand tu
vois les gens qui courent qui continuent leurs études, obtiennent leur licence,…
et toi tu ne peux même pas te lever de ton lit. Je ne pouvais pas prendre le
contrôle de mon corps, ça m’énervait vraiment mais petit à petit avec les
médicaments je me suis senti mieux et ça m’a redonné espoir, espoir de pouvoir
redevenir la personne que j’étais il y a 7 ans, mais ça n’allait pas toujours… des
fois quand je pars jusqu’à la gare routière pour aller étudier mais je fais demi-
tour. En ce moment, je me sens mieux. El hamdoulillah ». (Traduction de : fatou

160
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

aaliya des années s’aab vraiment kount affaibli maneqderch nodh hetta men
lefrach, ki tchouf nass kamel rah tedjri, kamel teqra teddir des licence, wenta
rak qaaoud felfrach , maneqderch… cheghel je ne pouvais prendre le contrôle
de mon corps, ça m’a vraiment énervé, oumbaa beddit bechwiya chwiya maa
dowa hadi beddit nehess rouhi.. we qelt balak neweli kima kount qbel 7 senin ,
oumbaa beddit neruh hetta la gare routière umbaa nerdjaa, mankemelch…
maneqderch nkemel neqrra, je fais demi-tour… En ce moment, je me sens
mieux. El hamdoulilah)

Axe 2) : Information sur la dynamique familiale

Le patient nous dit qu’ils sont une famille unie « ma sha’Allah ». Quoique
« dans le temps présent, la société a changé et chacun a tendance à s’isoler,
surtout avec l’avènement technologique » (Traduction de : lweqth li rana fih la
société tebdlet, nass kamel tizoli roh ha surtout maa la technologie) nous dit-il.
Il raconte : « quand je rentre de l’université je trouve chacun dans son coin. Ma
mère met un casque pour écouter de la musique, elle ne sait même pas si j’existe
ou non. Elle me dit débrouille-toi pour faire à manger. Bien sûr ça reste ma
mère, je l’aime et je l’adore, j’aime aussi mes frères et sœur même tous les gens
d’ailleurs. Je ne suis pas rancunier envers les autres » (Traduction de : ki nedji
men l’université nelqa koul wahoud fel coin ta3o yema darut le casque tesme3
fel la musique,me3lblahch biya,te9li debr rassek bach takel ,biensur t93ed
yemma nehobha w n3zeha même khoutati w nass kamul m3endich leh9ed le
nass) et ajoute : « Ah non.. on ne mange pas ensemble… Et puis on n’est pas
tout le temps ensemble parce que mon frère travaille au CFPA et ma sœur dans
un truc pour autiste, depuis une semaine à peu près ».

Quand nous lui demandons de quel membre il se sent le plus proche, il dit,
comme pour lui-même : « Vraiment, vraiment proche ? euh… » (Traduction de :
melih, melih.. bezzaf.. euh…) et finit par réponde : « Je ne sais vraiment pas.. Je

161
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

les aime tous. Même les membres de la grande famille, mes tantes, mes
oncles… » (Traduction de : Wellah ma aalabali… n’habhoum kamel…)

Il nous dit aussi : « Je m’entends avec tout le monde, quand j’ai un


problème soit je me défoule sur mon ordinateur, ou je fais un footing, j’aime
bien la nature aussi, j’aime voir la nature. » (Traduction de : kamoul netfahem
meaahom we ki ykoun aandi mouchkil je me défoule sur l’ordinateur neta3i,
negh nedir footing nehob la nature) Nous tentons alors de l’amener à nous
répondre d’un point de vue relationnel, pour tenter d’apprendre s’il lui arrive de
se confier à quelqu’un : « Je n’aime pas parler de mes problèmes avec les
autres » (Traduction de : bessah manhebech nahder aala les problèmes taai
lenass) Nous précisons « Pas les autres, les gens, ta famille ? Peut-être des amis
intimes ? » il répond : « Chacun ses secrets. On ne peut pas les dire à n’importe
qui » koul wahed les secrets netaa’ou, mayeqderch iqoulhoum l’n’importe qui)

Il prend ses médicaments seul mais précise qu’en général il y a quelqu’un à


ses côtés. Il ajoute, avec une touche d’humour : « j’ai déjà vu dans Dr House
des gens qui faisaient semblant et n’avalaient pas les médicaments ».

Durant les fêtes, l’aïd el kbir en l’occurrence «Je vais à la mosquée pour la
prière… j’aide mon père et mon grand frère à égorger le mouton…» Il nous fait
remarquer qu’il s’est rappelé automatiquement de cet aïd-là, et pas de l’autre,
parce que c’est son préféré : « Vous devinez sûrement pourquoi (rire) »

Dans la lignée des événements malheureux ce serait le décès de son grand-


père qui l’aurait le plus marqué ; « c’est quelque chose qui m’a vraiment fait
pleurer » (Traduction de : hadi lehadja li khelatni nebki bezzaf) Il ne sait
cependant pas quoi dire concernant les évènements heureux et déclare : « On
attend encore (rire) Non mais vraiment, quand je fais du sport je suis
heureux, j’aime aussi le calme surtout quand je rentre de l’université »
(Traduction de : Nestenaw encore (rire) Non mais wellah, ki ndir sport n’hess

162
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

rouhi melih w ferhan, n’heb tani le calme surtout ki nedji men la fac) Lorsque
nous insistons pour qu’il nous parle de souvenirs d’événements passés en
famille, de choses partagées en famille : «Des fois, je reçois des cadeaux. Ça me
rend heureux aussi » (Traduction de : Des fois ydjibouli des cadeaux, yferhouni
aussi) C’est en fait pour sa mère qu’ils fêtent son anniversaire, ils ne le faisaient
pas auparavant, mais maintenant : « Je ne peux pas lui dire non, elle se sent
obligée de le faire alors... “Allez, vas-y maman, fais-toi plaisir” (rire) »
(Traduction de : Haya rouhi yemma, bsahteuk ! a ferhi aala rouhek !)

Nous lui faisons remarquer qu’il a tendance à beaucoup s’isoler, il


confirme : « Oui, j’aime être seul, c’est-à-dire qu’on me laisse calme, qu’on me
laisse tranquille.. que je pense positif » (Traduction de : ih, nheb n’koun wahdi,
c’est-à dire tkhellini nkoun calme, nkoun tranquille… ttsema n’feker positif)

Comme il est de nature calme, nous lui demandons s réfléchit puis nous dit :
«La maison ? Euh… calme, calme. Des fois seulement, pour des petites choses :
Pourquoi tu as bougé la table comme ça, pourquoi… » (Traduction de :
Ddar ?Calme, calme. Des fois berk hakka.. pour des petites choses : “Waalach
harektt tabla hakda, waalach…”)

En dehors de la famille, le patient n’a pas d’ami.

Entretien avec les parents de Charles Darwin, le 29 avril 2018

Les deux parents s’accordent à dire que leur fils est autoritaire ; Charles
change difficilement, voire jamais, de position. Le père : « C’est un enfant un
peu réservé, il a une conduite assez autoritaire aussi (…) il bascule vers… en
arabe nous appelons ça ‘el annaniya’ (l’égoïsme) (…) Il est courageux, il est
studieux. Il est correct. Bien éduqué. Wesh houwa, il a toujours son mot à dire et
maintient ses positions » La mère : « il a arrêté ses médicaments alors que le

163
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

médecin lui a demandé de les prendre pendant au moins deux ans,


mayesmaalnech (il ne nous écoute pas), quand il se met quelque chose en tête ».

« Il est difficile à convaincre, aandou des positions, il ne fléchit pas. Il n’est


pas très... soi-disant il écoute ses parents, yaani.. même dans son intérêt.
Généralement les parents ils ne cherchent que l’intérêt de leurs enfants. »

Le père, bien qu’il soit convaincu que son fils ait bénéficié de certains
privilèges, un confort, émet un doute ; l’éventualité que cela ait pu être mauvais
pour son fils : « Il a eu la chance de ne manquer de rien, les faveurs (sa
chambre, un ordinateur, internet…) peut-être elles ont été bénéfiques, et elles
ont eu aussi leur coté négatif. Une utilisation exagérée de n’importe quelle
situation dans la vie fait que ça bascule dans le mauvais sens »

Il pointe du doigt la mère et l’accuse des tensions qui apparaissent dans le


foyer : « Entre nous, hakda en gros… sa maman est autoritaire à la maison, Y a
toujours hadik euh... les confrontations, les discussions et les oppositions dans
les idées. Donc quand y a opposition fréquente, ça crée des tensions w’les
tensions hadouk, nul ne dira belli elles sont bénéfiques pour le développement
de l’enfant ou la stabilité des parents » Après la critique, il préconise la méthode
douce : « kayna f’la famille, des agitations fréquentes, il n’y a pas un climat
hakda de paix de.. hiya elle veut faire ce que personne n’a fait pour ses enfants
mais elle le fait… mal (et elle est en train de m’écouter d’ailleurs, et je le dis)
c’est pas avec la force qu’on va faire passer les messages, c’est avec la bonne
parole douce, la conviction, on peut pas faire passer had les messages avec la
force »

La maman ne voit toujours pas de quoi souffre son fils : « maranich fahma..
w’kanet chuiya amradh hakda, à chaque fois yedkhel el djamiaa, maalabalich
anna, mafhamtch, dernalou roukia, ça allait mieux chuiya » Et pense, d’une
certaine façon, que c’est un stress (lié aux études/l’université) qu’il s’est lui-

164
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

même imposé : « il est gâté, on l’a laissé avec le micro et tout, il voulait refaire
son bac, il voulait faire Mathématique Informatique, pas la biologie (…) il s’est
rendu malade.. » Le père est un peu du même avis : « problème concernant le
stress des études, mais à cause de son vouloir de bien fait ttsema.. il a basculé
dans le stress. »

« Je le surveille, on se confronte quand il ferme la porte à clef, je lui


demande ce qu’il fait sur son ordinateur, parce que j’ai peur qu’il fasse des
choses liées à la religion (délires mystico-religieux), c’est un pratiquant, il prie
mais je ne veux pas qu’il aille plus loin.. Une fois il parlait du messie et ce genre
de choses. Je n’aime pas quand il ferme la porte à clef… »

Quand nous lui demandons des détails sur l’atmosphère de la maison, sa


relation avec son fils : « Sinon, c’est comme chez les autres familles, la relation
est bonne, ça va, à part pour la chambre fermée, il y a des confrontations…
C’est que, vous voyez.. je suis une maman » (Traduction de : sinon kima el
aailat, el aalaqa mliha labass, ca va, à part pour la chambre fermée, il y a des
confrontations… wesh, taaref el oum..)

« il n’a pas d’amis, c’est une mauvaise chose. Il n’a pas pu s’acclimater et
ces choses aussi (liées à la religion) lui ont fait du mal… » (Traduction de : il
n’a pas d’amis, hadja machi mliha. Il n’a pas pu s’acclimater et ces choses
aussi (liées à la religion) dherouh…) nous dit-elle. Elle nous explique alors
qu’il n’a pas réussi à s’en faire (des amis) du fait de leurs nombreux
déménagements mais aussi à cause du problème de langue. En effet, étant
originaire de Constantine, celui-ci ne parle pas kabyle (langue la plus répandue à
Béjaïa)

165
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Entretien de Charles Darwin et ses parents avec les psychiatres, le 16


mai 2018

Le patient revient, accompagné de ses deux parents, pour une consultation ;


leurs visages expriment de l’inquiétude et de l’anxiété. Les parents s’accaparent
la parole et ne laisse aucune occasion à Charles de s’exprimer. Il reste là, à
regarder ses parents décider, à sa place, quant à la possibilité, pour lui, de passer
ses examens. La mère s’y oppose ; c’est la cause de ses rechutes, sa santé lui
importe plus. Le père souhaite voir son fils réussir et relate sa visite chez le chef
de département de la faculté de son fils, dans le but de lui arranger un emploi du
temps particulier lui permettant de passer ses examens à son rythme. Quand le
patient arrive enfin à prendre la parole, c’est pour exprimer son souhait de passer
les examens « comme les autres ».

Synthèse des entretiens

D’après les données qu’on a recueillies à travers ces entretiens, Charles nie
sa maladie et ne l’accepte pas. Dans sa famille, le degré de communication est
jugé pauvre ou de basse qualité. Il reproche à sa mère son manque d’attention
envers lui et son attitude à la maison. Par contre il est plus proche de son père
malgré il s’oppose toujours a lui. Pour finir on remarque que notre patient
ressent vraiment sa maladie comme un manque, et ses parents n’arrive pas
comprendre la souffrance de leur fils pour eux le plus important c’est que leur
fils fasse des études est construit son avenir.et lui dans tout ça veux juste avoir
une vie comme les autre.

166
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°4 : Génogramme du cas N°4, la famille Darwin

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

La famille Darwin est composée du père, de la mère et de 4 enfants (3


garçons et 1 fille). Une cousine du côté maternel vit avec eux.

Nous décrivons des parents proches l’un de l’autre mais qui s’opposent quant
à la manière d’aborder leur fils. La mère préconisant la manière forte, le père, la
manière douce. Il y a des tensions qui règnent dans le foyer. Pas d’information
sur la fratrie mais la relation semble plutôt distante « chacun dans son coin ».

3) Présentation et analyse des données du FMSS

Le père de Darwin :

L’énoncé initial : « C’est un enfant un peu réservé » (déclaration négative)

La relation : « Entre nous…il y a ‘opposition’ » (Négative)

Les critiques : Aucune.

167
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Le mécontentement : « Il a toujours son mot à dire », « difficile à


convaincre »

La surimplication émotionnelle : Aucune.

NIVEAU D’E.E = Bas.

La mère de Darwin :

L’énoncé initial : « menn ki kan sghir chaterr » (déclaration positive)

La relation : « l3ala9a mli7a, labess yaani » (positive)

Les critiques : Aucune.

Le mécontentement : « khela chwiya le9raya ta3ou, 3awed le bac »

La surimplication émotionnelle : Aucune.

NIVEAU D’E.E = Bas.

Synthèse du FMSS

La passation du FMSS aux deux parents de Darwin n’a révélé aucune


critique ni surimplication émotionnelle. On cote alors un niveau d’EE bas.

Synthèse du cas N°3, la famille Darwin

D’après toutes les informations recueillies des outils avec Charles et de celui
avec ses parents, nous apprenons à leur sujet : Tout d’abord que Charles est du
genre à s’isoler dans des activités de solitaire (sport) au lieu de se risquer à aller
vers les autres ; il n’a pas d’amis. Ensuite que les parents sont là mais décident
trop souvent à la place de leur fils et ne l’écoutent pas assez ; la mère est
intrusive et le surveille tout le temps.

168
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

A partir du génogramme, nous décrivons des parents proches l’un de l’autre


mais qui s’opposent quant à la manière d’aborder leur fils. La mère préconisant
la manière forte, le père, la manière douce. Il y a des tensions qui règnent dans le
foyer. Pas d’information sur la fratrie mais la relation semble plutôt distante
« chacun dans son coin ».

Cas N°6 : Famille du patient Branwell Brontë

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec le patient Branwell Brontë, 15 mai 2018

L’entretien avec le patient s’est déroulé dans l’après-midi du 15 mai 2018


dans la salle des visites et a duré une quinzaine de minutes. Une semaine
d’hospitalisation avait passée et le patient Branwell Brontë, était stable selon le
personnel soignant, et apte à répondre à nos questions. Nous avons donc
entamé l’entretien en essayant de le mettre le plus à l’aise possible tout en lui
expliquant brièvement nos motifs. Il était un peu anxieux et méfiant au début
mais a fini par se détendre. On lui a reformulé autrement quelque question.
Sinon, globalement, nous n’avons pas eu de soucis avec le patient et l’entretien
s’est bien passé.

Informations générales

Le patient Branwell Brontë est un homme âgé de 31 ans, célibataire, de


niveau d’instruction 1e année secondaire et sans emploi. Il vit chez ses parents
actuellement. Celle-ci est composée de 7 membres, dont les 2 parents, 4 sœurs
et lui, l’unique garçon, 2e de sa fratrie. Son père, âgé de 62 ans, a occupé un
poste de travail dans une usine de carrelage, il est en retraite a présent. La
mère, au foyer, a 56 ans, leur situation économique est jugé moyenne.

169
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Axe 1) : Information sur la maladie

Le patient dit qu’il n’est pas malade, « moi je ne suis pas malade, des fois
je pique des crises de colère pendant deux ou trois heurs puis je reviens à mon
état normal c’est tout sinon je ne suis pas malade » (Traduction de : nekki uhlik
ara tisa3tin amken tisa3thin aka amaken dhed aydidemen ad3ytegh sneth
neswye3 umba3di at9legh normal um lehlak uhlik ara).

Pour les antécédents psychiatriques familiaux, nous retrouvons un cousin


du père déjà suivi en psychiatrie. Il y a une consanguinité entre le père et la
maman. Pour les premiers signes, le patient dit que ils ont commencé le 26 juin
2017 : « c’était l’aïd ». Il confie aussi que tout a commencé par des pleurs sans
raison : « Je pleure, des fois je regarde la télévision et je pleure, pleure sans
aucun motif, même si le programme à la télévision que je regarde n’est pas
triste » (Traduction de : ttrugh aka des fois mara atfrijdegh la télé ttrugh
imaniw méme si machi lehadja lehzen)

Le patient est hospitalisé depuis le 9 mai 2018. C’est sa deuxième


hospitalisation « je suis resté 31 ou 40 jours hospitalisé ici la première fois »
(Traduction de : Qimegh 31 a 40 youm hospitalisé dayi abrid amenzu)

C’est la maman qui remarque que son fils n’est pas bien, Branwell est ré-
hospitalisé actuellement suite à l’arrêt des médicaments.

« C’est ma sœur qui me donne les médicaments, elle s’appelle Anne, elle
me donne des gouttes. Mais je ne pars jamais au contrôle médical »
(Traduction de : deweltema iyditaken dowa isemiss Samia tetakiyd les gouttes .
Mais utruhgh ara ikoul al contrôle)

Par rapport aux changements qu’il a vécu depuis le début de sa maladie


jusqu'à maintenant, il nous dit que « Rien n’a changé, je suis toujours la même

170
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

personne » (Traduction de : k’ra uybeddel zyi, kimegh akken illigh, dewin,


dewin)

Axe 2) : Information sur la dynamique familiale

Le patient nous raconte que la personne avec laquelle il s’entend le mieux


c’est sa sœur : « Anne, c’est ma sœur, avec elle je m’entends très bien »
(Traduction de : Anne deweltma didhes itmisefhamegh melih) il ajoute : « On
est toujours ensemble, on rigole tout le temps » (Traduction de : nettili lewahi
toujours nettatta tout le temps) par contre le patient dit avoir une mauvaise
relation avec ses deux parents : « je m’entends pas avec les deux, même si ils
font tout pour moi, je vais dire la vérité ils font les choses comme je veux mais
comme ça, je m’entends pas avec eux » (Traduction de : utmissefhamegh ara
didhssen isnin, aadleniyi akken beghigh mi akka utmisefhemgh ara
didesen) Pour ce qu’est de la personne qui voit dès qu’il a un problème. « J’ai
jamais eu de problème dehors tout le monde me respecte, rien ne me stresse, je
suis toujours bien » (Tradcution de : us’iigh ara el machakil g berra, ikkel
teqadharniyi, uyitqeliq kerra, tiligh toujours bien)

Le patient dit ne pas aimer l’aïd : « je n’aime pas adghaferegh, d’ailleurs je ne


pars pas voir les gens moi, s’il vient normal, sinon moi je n’aime pas ça »
(Traduction de : utthibigh ara adghafregh, utreh ara adzregh le3ibad, mayela
ussand uyte93 ara lem3na mi nekki uthbighara ancheta)

Il dit que tout la famille est réunie la nuit mais qu’ils ne mangent pas
ensemble, « Moi par exemple, je rentre a 22h, je mange seul. Tout le monde
mange à l’heure à laquelle il rentre » (Traduction de : nekki tewelyghed fe
l3chrayit tetugh imaniw, kel yewen itete gesa3 iditewela)

Pour ce qui est d’événements l’ayant marqué, le patient dit ne pas en avoir
vécu de particulier, il ajoute qu’il a deux sœurs mariées. A la fin, Branwell dit

171
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

qu’il ne veut pas d’amis dans sa vie : « Je n’ai pas d’amis et jamais je n’en
aurais » (Traduction de : uss’iigh ara imdoukal et jamais addes’uugh)

L’entretien avec quelques membres de la famille, le 16 mai 2018

La maman rapporte ce jour que c’est son seul garçon et qu’elle lui a tout
donné : « je me suis très bien occupé de lui. D’ailleurs, c’est le seul garçon que
j’aie, donc tout mon attention étais focalisée sur lui. On lui a toujours offert
tout ce qu’il nous a demandé, il ne manquait de rien ».

Le père, lui, pourrait faire l’impossible rien que pour que son fils soit
heureux. Il lui a construit une maison, il fait tout pour lui ; l’essentiel est qu’il
ne manque de rien.

Sa sœur dit que son frère est quelqu’un de bien, il est très gentil il aime
aider les autres. Il n’a jamais été agressif avec eux, au contraire, il est aux petits
soins. Eux aussi le gâte que c’est le seul garçon de la maisonnée. Elle nous
confie que c’est elle, la personne la plus proche de Branwell ; ils sont attachés
l’un à l’autre. Ils parlent d’avenir et rigole tout le temps. Son souhait le plus
cher et de le voir guéri et à nouveau comme avant.

Synthèse des entretiens

- Le patient refuse de reconnaitre sa maladie et ne prend pas son traitement.

- Hostilité du patient envers ses parents

- Forte complicité entre le patient et sa plus jeune sœur

172
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°5 : Génogramme N°4, la famille Brontë

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

La famille Brontë est composée du père, de la mère et de 5 enfants (1 garçon


et 4 filles). Selon les informations recueillis lors des entretiens avec la famille
nous y décrivons des parents dont l’union est consanguine, tout deux focalisés
sur leur fils unique schizophrène qu’ils gâtent et surprotègent mais qui ne leur
rend pas la pareille. Celui-ci se voit au contraire hostile envers les deux. Il existe
également un lien fusionnel entre le patient et sa plus jeune sœur.

3) Présentation et analyse des données FMSS

Passation du test sur la sœur

L’énoncé initial : « ogu3irara dahnine il est bien » (déclaration positive)

La relation : « on s’entends très bien » (relation positive)

Les critiques : Aucune.

Le mécontentement : « il pleure kan quand il est malade » (négatif)

173
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

La surimplication émotionnelle : « je rêve de le voir comme avant (larmes


aux yeux) »

NIVEAU DE E.E = Haut.

Synthèse du FMSS

Avec une surimplication émotionnelle, la sœur obtient un haut niveau


d’EE.

Synthèse du cas N°5, la famille Brontë

Son statut de garçon unique dans la famille fait qu’il occupe une place
privilégiée. L’ensemble des membres de la famille lui accorde beaucoup
d’attention. Relation fusionnelle avec la plus jeune sœur.

Cas N°6 : Famille du patient Alfred Douglas

1) Présentation et analyse des données de l’entretien clinique


semi-directif

Entretien avec le patient Alfred Douglas, le 7 mais 2018

C’est un entretien d’une quinzaine de minutes, dans la salle des visites, que
nous avons eu avec le patient Alfred Douglas. C’était le 7 mai 2018, soit cinq
jours après son hospitalisation. Le personnel soignant nous assure au préalable
qu’Alfred est calme, dans un état stable et qu’il est en mesure de répondre à nos
questions. Sachant que, lors de son admission, le malade était tellement agité
qu’il avait dû passer quelque temps en isolement. Nous lui exposons alors nos
motivations et demandons son autorisation quant à l’enregistrement audio de
l’échange ; il accepte gentiment, informé du fait que cela nous facilitera la
retranscription. Alfred s’est montré très aimable et souriant, un peu timide sur

174
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

les bords, il a répondu aux questions l’une après l’autre calmement sans trop
élever la voix et étant bon francophone, nous n’avons eu nul besoin de traduire
les questions.

Informations générales

Le patient est un homme âgé de 37 ans ayant une instruction de niveau


terminal (3e année lycée). Il exerce le métier de pâtissier mais est actuellement
en arrêt de travail, en raison de sa maladie. Célibataire, il vit avec sa famille
composée de 6 membres dont le père, la mère, et 4 enfants. Ils sont deux garçons
et deux filles, Alfred est le dernier de sa fratrie. Le père, âgé de 75 ans, a étudié
en France ; il est maintenant à la retraite. La mère, au foyer, est âgée de 60 ans ;
elle n’a pas fait d’études. Leur situation socio-économique est jugée bonne. Son
frère, lui, nous dit qu’ils sont « très riches ».

Axe 1) : Informations sur la maladie

Le patient pense qu’il souffre uniquement de stress et d’un manque de


sommeil (insomnies), il nous dit : « je suis stressé, je ne dors pas » et un petit
détail : « J’ai des petites phobies, de la peur comme ça… et puis elle part, toute
seule, comme ça… » (Traduction de : del’khelaa, akka kan… ttetassed imanis
umbaa ttetruh, akka kan…) Alfred n’évoque à aucun moment la schizophrénie
ou l’un de ses principaux symptômes. Pourtant, sur son dossier l’on note bien
une activité délirante de persécution. Pour ce qui est des antécédents
psychiatriques familiaux, il cite sa mère, soi-disant suivie en psychiatrie pour de
l’angoisse, voire phobie ; nous n’avons, néanmoins, pas eu la possibilité de
confirmer la chose. Lui-même nous suggère que ses phobies et son mal-être
doivent être « génétiques » et « héréditaires », qu’il souffre de la même chose
que sa mère. Alfred est suivi chez un médecin psychiatre à titre privé depuis
déjà quelques années. Lorsque nous lui demandons de nous décrire les premiers
signes de sa maladie, il évoque uniquement son stress : « j’étais entrain de

175
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

travailler puis j’ai arrêté, après c’est le vide et le stress », ceux-ci remontent,
selon lui, à 2 mois (il veut en fait parler de sa dernière rechute et non pas des
signes prodromiques). Ainsi, nous constatons que le patient est en partie
anosognosique et n’insistons donc pas plus sur le sujet de sa maladie.

C’est sa première hospitalisation, il fut admis le 30 avril 2018 pour trouble du


comportement, instabilité psychomotrice, agressivité dans le milieu familial, et
refus thérapeutique, le tout sous-tendu par une activité délirante. Sur son dossier,
nous apprenons qu’il a déjà consulté un psychiatre (chez qui, comme il nous le
dit plus haut, il est encore suivi) et même un psychologue. Il est alors sous
traitement médicamenteux depuis un moment.

La personne qui l’aide le plus dans sa famille, que ce soit dans sa prise en
charge ou autre, c’est définitivement son père, mais finit par ajouter son frère et
son neveu à la liste : « l’essentiel c’est vraiment mon père qui m’aide beaucoup,
beaucoup... Mais mon frère aussi, et mon neveu aussi. Surtout mon neveu, il
essaye de m’aider de son mieux » (Traduction de : l’essentiel d’babva
iyitaawanen melih, melih… illa daghen gma, wahi miss negma. Surtout miss
negma ittazal melih feli)

Quand nous le questionnons sur comment il voit et réagit à sa situation, son


état, il nous dit, en ces termes : « c’est une galère… un vrai cauchemar… ».

Il affirme que « Oui, bien sûr. » cela a occasionné un gros changement dans
sa vie et qu’en ce moment, il se sent perdu : «Je suis bien, je vais bien, je vois
tout clair… Et quand le stress enni commence, d’un seul coup je vois flou. Je
vois tout flou… Genre… je ne peux pas expliquer ça (…)»

Axe 2) : Informations sur la dynamique familiale

Au sujet de sa famille : « Aweh, bien, on est proche » déclare-t-il. Alfred


rapporte que les membres de la maisonnée discutent souvent ensemble mais

176
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

jamais de leur problèmes : « ah non, ça non… Personne ne parle de ses


problèmes à l’autre, chacun règle ses problèmes seul. Moi, j’ai des amis
intimes à qui j’en parle, dehors » (Traduction de : Aweh, akken khati,
koulyewen imaniss, se’iigh des amis intimes n’hekkou akka g berra)

Il se sent beaucoup plus proche de son père que des autres membres de sa
famille. En dehors de lui : « Non, personne… ». Quand nous lui demandons ce
qu’il en est avec sa mère précisément, il nous répond d’un simple « ça va… ».

Durant les fêtes religieuses (ou autres occasions du même ordre), la famille
est réunie, les membres prennent part aux festivités ensemble : « Amm el
mouloud, amm le 1e janvier… L’aïd, je le passe bien, parfaitement bien… à la
maison, en famille… Moi, je me lève le matin, je prends une douche, je me
rase, m’habille bien… On se salue, on s’embrasse… On va voir les proches,
tout ça… » Du reste, le patient préfère ne pas répondre concernant les
événements importants (heureux ou malheureux) vécus par la famille : « Je
passe. » dit-il, d’un air triste et les larmes aux yeux.

En dehors de la famille, le patient rapporte qu’il a des amis : « j’ai des amis à
qui raconter mes problèmes, et avec qui je discute, c’est tout à fait normal. »

Entretien avec le frère, le 10 mai 2018

Trois jours après notre entretien avec Alfred, nous avons l’occasion de
rencontrer son frère, venu en visite, et d’échanger avec lui. Celui-ci accepte
naturellement de répondre à nos questions mais refuse d’être enregistré.

Anxieux et plutôt nerveux, il nous avoue être sous traitement (anxiolytique)


et blâme son proche malade de l’état dans lequel il est. Il nous rapporte que leur
famille est aisée et que personne ne manque de rien. Les membres du foyer
s’entendent très bien entre eux et n’ont jamais eu de problèmes, hormis cette
fois-ci, avec Alfred. Le malade est source de tourments, et ce, malgré tous les

177
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

efforts qu’ils fournissent pour améliorer son état et faire en sorte qu’il aille bien.
Il donne alors l’exemple de la voiture « très chère » qu’ils lui ont offert.

Dans une profonde perplexité, il nous dit qu’il ne comprend absolument pas
la maladie de son petit frère et soupçonne qu’elle est de l’ordre de la sorcellerie.
Par ailleurs, la famille aurait emmené son malade au Maroc pour des thérapies
traditionnelles, sans résultats. Préoccupé, son frère serait même allé jusqu’à
payer un des amis d’Alfred pour que celui-ci le surveille et lui rapporte les
moindres de ses faits et gestes.

Il nous livre par ailleurs que son unique rêve est de voir Alfred se marier et
procréer : « Je veux juste qu’il se marie et qu’il ait des enfants. A la fin, s’il veut
mourir, qu’il meurt, je m’en fiche. Il va nous laisser ses enfants. » et déclare être
prêt à payer « des millions » à quiconque pourra soigner efficacement son petit
frère.

Synthèse des entretiens

Il y a une méconnaissance évidente du trouble par le malade et sa famille


(son frère en l’occurrence). Il est seulement question d’un stress passager et
d’anxiété pour le malade ; et d’un comportement étrange (retrait, délires de
persécution…) aux yeux de la famille.

C’est une famille traditionnaliste et rigide dans son fonctionnement, ses


membres veulent le bien de leur proche mais pensent que la solution se trouve
dans un confort matériel et dans le mariage.

La communication est pauvre, les besoins de chacun ne sont pas clairement


formulés. Le patient préfère parler de ses problèmes avec ses amis plutôt
qu’avec sa famille.

178
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Ainsi, la dynamique familiale semble dysfonctionnelle, notamment par


rapport à la pauvreté de la communication. Une tendance à expulser le malade,
« qu’il meurt » est observée.

2) Présentation et analyse des données du génogramme

Figure N°6 : Génogramme du cas N°6, la famille Douglas.

(Pour la clé de lecture du génogramme, voir Annexe N°3)

La famille d’Alfred est constituée du père, de la mère et de 4 enfants (deux


filles et deux garçons). Selon les informations recueillies lors de l’entretien avec
Alfred et de celui avec son frère, on ne peut se prononcer quant à la typologie de
la famille. Nous pouvons néanmoins souligner que les frontières sont rigides ; le
mécanisme prévalent est l’enchevêtrement ; le sentiment d’appartenance est
insuffisant ; la communication est pauvre ; les tensions interpersonnelles sont
importantes ; et on suppose une réaction lors des crises qui serait violente vu que
le frère du patient s’est déjà montré agressif à l’hôpital.

179
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

3) Présentation et analyse des données du FMSS

Passation du test FMSS au frère d’Alfred Douglas

L’énoncé initial : « il est devenu une tout autre personne d’un seul coup
» (déclaration négative)

La relation : Négative.

Les critiques : « il a abandonné son travail, il fait rien de la journée, il


m’aide pas quand je lui demande un service… »

Le mécontentement : « il me dit oui puis il ne fait pas ce que je lui


demande, il ne veut pas se marier »

La surimplication émotionnelle : « je dors plus la nuit à cause de lui, je


donne de l’argent à son ami pour qu’il découvre la cause de son mal-être, je
veux qu’il se marie pour que je sois à l’aise »

NIVEAU DE E.E = Haute.

Synthèse du FMSS

On constate après avoir passé le test du FMSS au frère du malade,


représentant ainsi toute la famille selon les principes de l’FMSS, encore une fois
un haut niveau d’EE.

Synthèse du cas N°6, la famille Douglas

D’après les données obtenues de la pratique des entretiens semi-directifs, des


informations retrouvées dans son dossier, des résultats du génogramme et du
FMSS, la famille de ce patient se révèle une fois de plus dysfonctionnelle.

180
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

On ne peut néanmoins pas se prononcer sur le type exact du


dysfonctionnement étant donné le manque d’informations dû au fait de n’avoir
pu rencontrer que le frère du patient.

On notera tout de même, un sentiment d’appartenance fragile (on sent que le


patient a une certaine réserve vis-à-vis de sa famille et a du mal à se confier à
elle). Le monde extérieur est alors ressenti comme source majeure de
satisfaction pour le patient. Les frontières à l’intérieur du système sont très
marquées, rigides, même si les membres peuvent apparaître instables
(notamment le frère, souvent agité pendant ses visites au sein de l’établissement
hospitalier).

C’est aussi une famille qui agit et pense à la place du malade (le patient n’a
pas son mot à dire concernant son avenir et son mariage).

II) Discussion des résultats de la recherche

Après avoir présenté et analysé les résultats de nos six cas de recherche,
nous arrivons enfin à l’étape de la discussion de ces résultats.

Notre unique hypothèse sera donc ici éventuellement confirmée ou infirmée


et ce, en partant de l’analyse des entretiens cliniques semi-directifs effectués sur
les 6 cas de notre groupe de recherche, ainsi que celle du génogramme et celle
du test FMSS.

Notre objectif, étant de déterminer et de décrire la dynamique familiale des


personnes schizophrènes hospitalisées en psychiatrie, en décrivant et évaluant le
niveau d’EE de leurs proches.

Hypothèse : « La dynamique familiale chez les familles ayant un membre


atteint de schizophrénie est dysfonctionnelle ».

181
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Pour vérifier cette hypothèse, nous nous sommes étayés sur les résultats des
entretiens semi-directifs de recherche avec les patients et leurs familles ainsi que
ceux du génogramme et ceux du FMSS.

CAS N°1) : Famille de la patiente Lucrèce Borgia

D’après la théorie sur laquelle on s’est basé et l’analyse des informations


recueillies de l’entretien semi-directif, on a constaté que la famille Borgia était
mal informée de la maladie de Lucrèce avec notamment des membres qui sont
en conflits permanent. On remarque aussi la présence de la notion de double
contrainte (Bateson).

Le génogramme nous a permis de décrire un couple parental « dévié »


(Lidz), dont le père, passif, ne s’investit pas dans l’éducation de ses enfants, et
n’acceptant pas la maladie de sa fille, en altère sa prise en charge. Nous y
décrivons aussi un grand frère idolâtré par sa sœur mais qui l’influence en mal ;
un frère plus jeune « violent » envers elle et, en tout, une famille si conflictuelle
que cela pousse la patiente à sombrer encore plus dans sa maladie.

Dans le FMSS les parents ont tout deux obtenus un Haut niveau d’EE ce qui
n’est pas bon signe quant à l’évolution de la maladie de Lucrèce. En effet, nous
avons vu que selon les auteurs Leff et Vaughn (1985) et d’autres encore, les
familles avec de hauts niveaux d’EE sont davantage enclines à l’intolérance, à
l’intrusion et à l’utilisation de stratégies inappropriées et rigides pour gérer les
difficultés du patient. Comme on le remarque dans cette famille.

Ainsi, on en vient à conclure que la dynamique familiale chez cette famille


est dysfonctionnelle. Ce qui confirme notre hypothèse de base.

182
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

CAS N°2) : Famille du patient Bill Gates

D’après l’analyse des données de l’entretien semi-directif qu’on a effectué


avec Bill et sa famille (mère et petite sœur), nous constatons d’abord la récence
de la maladie du jeune patient, son anosognosie ainsi que la récente perte du
père de famille dont Bill était particulièrement proche et qui se retrouve
maintenant seul homme dans le foyer. Il se trouve aussi que ce foyer partagé
entre la France et l’Algérie voit ses membres parfois séparés comme en
l’occurrence l de Bill seul quelques mois en Algérie.

Sur le génogramme s’affichent des relations distantes entre Bill et ses sœurs.
Le patient se trouvait être proche de sa plus jeune sœur mais plus depuis qu’ils
ont grandis et surtout depuis le début de ses troubles. Une mère focalisée sur son
fils (avec encore la notion de double bind) ainsi que l’hostilité de celui-ci envers
sa mère.

Nous expliquons l’obtention d’un bas niveau d’EE par la jeune sœur du
patient (qui, par extension, c’est l’ensemble de la famille qui est affilié à cette
même catégorie) du fait que la parente nous a exprimé des sentiments neutres
(du genre « on s’entend assez bien ») voire positifs (du genre « nous
communiquons facilement et nous passons beaucoup de temps ensemble »).

Cela n’empêche pas de dénoter chez cette famille une grosse perturbation au
niveau relationnel (distante voire hostile) et communicationnel (pauvre voire
absente). Ce qui donne regrettablement un mauvais pronostic à Bill dans sa
maladie.

Ainsi, pour conclure l’étude qu’on a menée sur cette famille, nous nous
arrêtons sur le fait que la dynamique familiale du patient Bill Gates semble
dysfonctionnelle. Et ceci confirme une 2e fois notre hypothèse de recherche.

183
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

CAS N°3) : Famille du patient Sweeney Todd

En se référant aux résultats de l’entretien avec le patient et celui d’avec sa


famille (mère et deux sœurs), une incapacité ou refus du réseau familial de
répondre au besoin d’attention du patient et une difficulté des membres à
communiquer avec le malade dû à la peur qui leur inspire.

Dans le génogramme, on a constaté que la communication était pauvre entre


le malade et sa famille. Le patient partage peu de chose avec eux et surtout pas
avec ses deux parents et son petit frère qu’il dispute et va jusqu’à le menacer.
Celui-ci ressent un certain désengagement de la part de sa famille envers lui. Il
vit le mariage de ses sœurs comme un abandon mais nie la chose et dit être
heureux pour elles.

Dans le FMSS, les parentes du malade ont toutes obtenus un Haut niveau
d’EE. Représentant ainsi un engagement émotionnel excessif (dont la peur
ressenti à l’égard du proche et d’un autre côté leur souhait de guérison pour lui).

On en vient à conclure que la dynamique familiale chez cette famille est


dysfonctionnelle. Ce qui confirme notre hypothèse de base.

CAS N°4) : Famille du patient Charles Darwin

D’après les informations que nous avons obtenues de l’entretien avec


Charles et de celui avec ses parents, nous apprenons à leurs sujets : Tout d’abord
que Charles est du genre à s’isoler dans des activités de solitaire (sport/footing)
au lieu de se risquer à aller vers les autres ; il n’a pas d’amis. Ensuite que les
parents sont là mais décident trop souvent à la place de leur fils et ne l’écoutent
pas assez ; la mère est intrusive et le surveille tout le temps.

A partir du génogramme, nous décrivons des parents proches l’un de l’autre


mais qui s’opposent quant à la manière d’aborder et éduquer leur fils. La mère
184
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

préconisant la manière forte, le père, la manière douce. Il y a des tensions qui


règnent dans le foyer, mère étant plutôt sévère et autoritaire. Pas d’information
sur la fratrie mais la relation semble plutôt distante « chacun dans son coin ».

Dans le FMSS les parents ont tout deux obtenus un bas niveau d’EE. En
effet les deux parents ont tout deux fait paraît une certaine neutralité et beaucoup
de calme dans leurs discours.

A partir de toutes ces données recueillies, on en vient à conclure que la


dynamique familiale chez cette famille semble dysfonctionnelle. Ce qui
confirme, une nouvelle fois, notre hypothèse de recherche.

CAS N°5) : Famille du patient Branwell Brontë

Les résultats de l’entretien avec le patient révèlent son hostilité envers ses
parents. Et bien que ses relations soient bonnes avec le reste des membres de la
famille, les relations conflictuelles avec ses parents suffisent à instaurer des
tensions au sein de la maison. La passation du FMSS à la sœur du patient révèle
un haut d’EE chez cette famille. On en vient à conclure que la dynamique
familiale chez cette famille est dysfonctionnelle. Ce qui confirme, encore une
fois, notre hypothèse de recherche.

CAS N°6) : Famille du patient Alfred Douglas

A la suite des données récoltées à partir des entretiens semi-directifs


effectués avec le patient puis son grand frère, on constate chez cette famille que
celle-ci manque d’empathie vis-vis de Charles. C’est une famille rigide et
traditionnaliste qui a tendance à penser et agir à la place du malade. La
communication y est pauvre. Plus l’obtention d’un haut niveau d’EE dans le
FMSS par le proche.

185
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

Nous concluons alors d’après tout ceci pour ce cas, qu’il s’agit d’une famille
dysfonctionnelle confirmant notre hypothèse de recherche.

Tableau n° 3 : Tableau récapitulatif des résultats.

Famille /
Participants Niveau
Nom Âge vivants Commentaires
(famille) d’EE
avec

Parents + Absence d’alliance parentale, des conflits entre les


Lucrèce différents membres, père désengagé/absent, mère
23 deux Parents Haut
Borgia sur-impliquée, fratrie hostile, disputes fréquentes,
frères traitement interrompu.

Mère + 4 Bas Limites rigides, membres distants, communication


Bill Gates 22 Mère + sœur
sœurs (sœur) pauvre.

Parents + Limites diffuses, peur des proches envers le


Sweeney Mère + 2 patient, communication pauvre, relation distante
34 2 sœurs + Haut
Todd sœurs entre le patient et sa mère et tendue entre lui et
frère son père voire hostile envers le jeune frère.

Parents + Limites rigides, relations distantes entre les


Charles
26 3 frères + Parents Bas membres, parents en conflit (éducation) et
Darwin
cousine focalisés sur le patient, communication pauvre.

Branwell Parents + Parents + 1 Hostilité du patient envers ses parents qui sont
31 Haut
Brontë 4 sœurs sœur focalisés sur lui.

Parents +
Alfred
37 2 sœurs + Frère Haut Limites rigides, absence de communication.
Douglas
1 frère

Synthèse

A partir des résultats obtenus grâce aux outils utilisés dans la recherche,
l’hypothèse stipulant que « La dynamique familiale chez les familles ayant un
membre atteint de schizophrénie est dysfonctionnelle » a été confirmée pour la
totalité des cas de notre groupe de recherche.

186
CHAPITRE IV Présentation, analyse et discussion des résultats

En effet, les familles Borgia, Gates, Todd, Darwin, Brontë et Douglas


semblent toutes avoir une dynamique familiale dysfonctionnelle avec
notamment dans chacune des familles :

- Des relations tendues voire conflictuelles entre les membres de la famille.


- Une pauvreté voire absence de communication.

Et ces résultats concordent avec les études qui ont déjà été faites sur ce type
de famille c’est-à-dire, les familles ayant un membre atteint de schizophrénie.

187
Conclusion

Nous arrivons donc à la fin de ce mémoire ; fruit d’une modeste recherche qui
aura duré près d’un an. Nous destinant à une carrière en psychologie, c’est
pourtant, par la force des choses, sur un trouble psychiatrique, et non des
moindres, que nous nous arrêtons. Ce travail n’a évidemment pas de visée
psychiatrique puisqu’il ne s’intéresse pas à la schizophrénie pour ce qu’elle est, à
savoir une maladie mentale, mais plutôt à ce qu’elle engendre dans l’univers
relationnel de la famille d’une personne qui en souffre.

En effet, les troubles psychiatriques s’avèrent être le plus souvent


contraignant et éprouvant pour l’entourage familial qui peut avoir du mal à les
appréhender, à les comprendre et à y faire face, faisant naître ainsi les sentiments
d’impuissance, de désespoir ou de colère. L’on peut généraliser la problématique
de la famille en psychiatrie à tous les troubles mentaux. Néanmoins, nous nous
sommes limitées dans notre travail à l’étude de la famille du patient schizophrène
et ce, pour plusieurs raisons, à noter : le nombre important de schizophrènes
admis dans les services psychiatriques, leur tendance au retrait social, leurs
délires généralement projetés sur la famille… etc.

Notre attention s’est alors portée sur les patients hospitalisés dont les
membres de la famille se présentaient plus ou moins souvent, et plus ou moins
nombreux au service du CHU de Béjaïa (Pour les visites, des contrôles, des
renseignements…) dans l’optique de pouvoir les consulter et les questionner.
Aussi, nous souhaitions avoir une certaine diversité dans notre groupe de
recherche : différentes tranches d’âges, genres, positions dans la famille (mère,
père, enfant…), etc. mais nous sommes contentés de six cas (tous des patients
célibataires et vivant avec leur famille) en raison des courts séjours de certains
malades, ou encore le non-consentement à la participation de certains autres. Nos
objectifs étaient d’observer, cerner et décrire quelque peu la dynamique familiale
spécifique aux patients schizophrènes ; notre problématique de recherche

188
Conclusion

débouchait donc sur la question d’une présentation de la dynamique familiale des


patients schizophrènes en Algérie, suivie d’une hypothèse supposant que cette
dernière était dysfonctionnelle.

Les résultats obtenus nous ont permis de constater que la dynamique des
familles constituant notre groupe de recherche (à savoir, les familles : Borgia,
Gates, Todd, Darwin, Brontë et Douglas) semble dysfonctionnelle. Avec
notamment, une pauvreté voire absence de communication, et des relations
tendues voire conflictuelles entre les membres de la famille. De ce fait, notre
hypothèse notifiant la dysfonction de la dynamique familiale des patients
schizophrènes fut confirmée.

Pour obtenir les informations qui nous importaient et que nous avons
analysées pour la recherche, nous avons usés de trois principaux outils :
l’entretien semi-directif, le génogramme et le FMSS ; sans, toutefois, nous en
remettre uniquement et exclusivement à ceux-ci. En effet, bon nombre des
données amassées l’ont été lors d’entretiens entres les familles, les malades et les
psychiatres. D’autres, sont le fruit d’observations directes des interactions entre
les patients et leurs proches (Lors des visites, contrôles…). Pour le reste, des
détails ont pu être récupérés directement depuis les dossiers de suivi des
participants.

Du fait de notre inexpérience, et avec un peu de recul, certains manques sont à


dénoter. Les entretiens ont, pour quelques uns, été assez mal dirigés, nous avons
manqué de fermeté et évité de trop solliciter les familles, par crainte de les
importuner (Contexte hospitalier) Autrement, c’est un nombre bien plus
important d’entretiens que nous aurions pu passer. Aussi, nous pensons avoir mal
exploité, pas suffisamment insisté sur quelques unes des questions du guide. Le
génogramme nous a permis d’illustrer le fonctionnement des familles choisies –
dans la limites des informations récoltées – et d’en avoir une vue d’ensemble.

189
Conclusion

Malgré les lacunes que l’on pourra leur trouver, leur choix est justifié. Nous
avons délibérément opté pour ces trois outils du fait de leur apport descriptif des
relations dans la famille. Notre démarche visait moins l’évaluation que la
description de la dynamique des familles de schizophrène en Algérie. Nous
souhaitions être au plus près des participants et échanger avec eux de manière
claire et simple ; il aurait été contraignant d’user d’une échelle d’évaluation à la
manœuvre complexe. Et malgré la rigueur des psychiatres quant à leur
vocabulaire tendant à standardiser les patients selon leur trouble, nous avons tenu
à garder l’aspect humain de nos cas notamment lors de la présentation des cas.

Nous nous sommes également heurtées à un certains nombres d’obstacles, qui


nous ont, à un moment ou à un autre, freinées. L’approche choisie en est un : La
systémie. A nos yeux, elle s’est révélée comme l’approche par excellence pour
notre sujet de recherche. En dépit de la documentation que nous avons consultée,
la maîtriser est une chose bien moins évidente. Par ailleurs, nous doutons,
aujourd’hui encore, de sa bonne mise en œuvre dans notre travail. Cela reste
toutefois une humble tentative et une première expérience très enrichissante.

Nous avons également pu constater qu’étudier un système, en l’occurrence la


famille, était tout aussi compliqué que de la réunir. Sur nos six cas, nous n’avons
réussi à voir ni à nous entretenir avec aucune des familles au complet (nous
entendons par là, tous les membres de la maisonnée en relation directe avec le
patient schizophrène). Il ne nous fut pas possible de fixer des rendez-vous avec
les proches des malades de manière organisée et avons dû nous entretenir avec
eux, quand eux le voulaient bien, et qu’ils acceptaient de nous accorder de leur
temps au moment des visites ou quand ils se présentaient pour les besoins du
malade (lui apporter des affaires, des repas). Le programme chargé du service ne
nous a pas facilité la tache (nous devions attendre pour qu’une salle se libère pour
les entretiens sans pouvoir l’occuper trop longtemps à notre tour).

190
Conclusion

Il nous fallait ensuite attendre que les patients soient dans un état stable et
aptes à participer. Notons que les patients admis au service le sont justement
parce qu’ils ne sont pas au mieux de leur forme ; ils sont perturbés et affaiblis.
Beaucoup ne consentent d’ailleurs pas à participer à notre recherche. Hormis le
consentement, il y a aussi les séjours à l’hôpital dont les durées varient
aléatoirement (Plusieurs cas ont quitté l’hôpital alors que nous avions déjà entamé
le travail avec eux sans pouvoir jamais le développer).

Les personnes rencontrées lors de cette recherche, que soit les malades
schizophrènes ou leurs proches, tous ignoraient l’existence du trouble et ses
particularités. Nous tenons alors à pointer du doigt l’absence de psychoéducation
(familiale notamment). Or, l’efficacité de la psychoéducation du patient et de sa
famille sur l’observance thérapeutique et le fonctionnement social est aujourd’hui
démontrée. Il serait donc réellement bon d’investir dans cette pratique pour
diminuer la fréquence des rechutes du patient.

En effet, la schizophrénie ne devrait pas être un sujet tabou, tout le monde


gagnerait à ce qu’elle soit mieux médiatisée ; le malade, comme sa famille. La
méconnaissance du trouble entrave sa prise en charge et entraine des
perturbations au sein de la famille du malade d’abord, et de la société à une plus
grande échelle.

Pour terminer, notre recherche est certes modeste ; elle a, cependant, la


prétention de vouloir être authentique. Nous avons tenté d’ouvrir une fenêtre
aussi fidèle que possible sur la réalité des familles de schizophrène et leur
dynamique en Algérie. Nous ambitionnons sérieusement de poursuivre sur cette
lancée et encourageons de surcroît les autres étudiants et chercheurs à explorer la
famille plus en profondeur.

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199
Annexes

Annexe N°1 : Guide d’entretien clinique semi-directif.

Informations générales sur le sujet et sa famille

1- Quel âge avez-vous ?


2- Quel est votre niveau d’instruction ?
3- Exercez-vous un travail ? Si oui, lequel ?
4- Quelle est votre situation matrimoniale ?
5- Vivez-vous seul(e) ou avec votre famille ?
6- Combien êtes-vous dans la famille ? Quelle est votre position parmi ses
membres ?
7- Quels âges ont vos parents ? Quel est le niveau d'instruction de chacun ?
Leur situation socio-économique ? Et leurs professions ?

Axe 1) : Informations sur la maladie et l’implication de la famille

8- De quelle maladie souffre-t-elle/il ? Si oui : Connaissiez-vous déjà ce qu’est


la schizophrénie ? Si oui : Que connaissez-vous au sujet de la schizophrénie ?
9- Y a-t-il des antécédents psychiatriques familiaux ?
10- Quels ont été les premiers signes de la maladie ?
11- Quand et par qui ont-ils été constatés ?
12- A quand remonte le diagnostic de schizophrénie ?
13- Quelle a été votre réaction face à ce diagnostic ?
14- Y a-t-il eu des hospitalisations ?
Si, oui : Combien ? Où ? Quand ? Comment ? Et pour quel motif ?
15- Actuellement quel type de prise en charge suit-elle/il ?
16- Y a-t-il une bonne observance thérapeutique ? Le patient s’en charge-t-il
seul ?
17- Qui dans la famille aide le plus souvent la/le patient(e) dans sa prise en
charge ?
Annexes

18- Comment votre mode de vie a-t-il évolué depuis le début de la maladie à
maintenant ?
19- Y a-t-il eu un changement (progrès) depuis ?

Axe 2) : Informations sur la dynamique familiale

20- Est-ce que vous vous sentez particulièrement proches les uns des autres ?
21- Pouvez-vous discuter de problèmes personnels entre vous ?
22- Parlez-vous souvent entre vous ?
23- Etes-vous souvent ensemble ?
24- Est-elle/il plus proche d’un membre de la famille en particulier ?
25- Qui va-t-elle/il voir en premier s’il a un souci ?
26- Quelle est la contribution de chacun vis-à-vis du malade ? Qui
l’accompagne à la consultation ? Qui lui donne son traitement ? Qui est le
plus présent pour elle/lui ?
27- A quelles occasions se réunit la famille généralement ?
28- Comment se déroulent les fêtes religieuses généralement ? Que fait chacun
de vous ?
29- Quels ont été les évènements importants vécus par la famille ? (notamment
les événements de vie douloureux, malheureux, échec, maladies, séparations,
deuils, pertes, etc.) Comment cela s’est passé ?
30- En dehors de la famille, y a-t-il une personne proche vis-à-vis du malade ?
Des amis ?
Annexes

Annexe N°2 : Iconographie du génogramme.


Annexes

Annexe N°3 : Clé de compréhension du génogramme.


RESUME

La présente recherche porte sur la « dynamique familiale des patients


schizophrènes ». Elle s’est déroulée au CHU – Frantz Fanon de Béjaïa, auprès d’un
groupe de recherche constitué de 6 patients schizophrènes hospitalisés au service
psychiatrique et de leur proche famille. Nous avons adopté une démarche clinique,
celle de l’étude de cas et utilisé trois principaux outils : l’entretien semi-directif, le
génogramme et le test du Five Minutes Speech Sample. Cette recherche tente
d’apporter une modeste contribution à l'étude des familles de patients schizophrènes
en psychiatrie avec pour objectif de connaitre, comprendre et décrire leur
fonctionnement et émotions exprimées des familles de schizophrènes. En faisant
référence à l’approche systémique, cette étude a révélé pour la totalité de nos cas, la
présence d’une dynamique familiale dysfonctionnelle avec haut niveau d’EE pour 4
d’entre eux.

Mots clefs : Dynamique Familiale – Schizophrènes – Hospitalisés – Emotions


Exprimées – Approche systémique.

ABSTRACT

This research focuses on the “family dynamics of schizophrenic patients”. It


took place at the UHC – Frantz Fanon of Bejaia, with a research group composed of
6 schizophrenic patients hospitalized in the psychiatric ward and their close family.
As part of this research, we adopted a clinical approach, the case study and used
three tools: the semi-directive interview, the genogram and the test of the Five
Minutes Speech Sample. From then on, this research attempts to make a modest
contribution to the study of families in psychiatry. The objective of this research
was to know, understand and describe the functioning and expressed emotions of the
families of schizophrenic patients. Referring to the systemic approach, this study
revealed for all of our cases, the presence of a dysfunctional family dynamics with
high level of EE for 4 of them.

Keywords: Family Dynamics – Schizophrenic – Hospitalized – Expressed


Emotions – Systemic approach.

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