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TEXTE icône théophanie

L’Icône de la Théophanie
            Les icônes de la Théophanie sont la reproduction fidèle des textes évangéliques relatant le baptême du Christ
dans le Jourdain. Tout le dogme y est présent, évident.

            L’Occident connaît la fête de l’Epiphanie, c’est-à-dire la manifestation, l’apparition de Dieu au monde dans la
personne des rois mages. Pour l’Orthodoxie, l’Epiphanie serait plutôt la Nativité. Jusqu’au 4°siècle d’ailleurs, la
Nativité et la Théophanie se célébraient en même temps (ce qui est encore le cas dans l’Eglise arménienne grégorienne).
Ce témoignage de l’Eglise primitive est toujours présent dans l’Orthodoxie, car les douze jours séparant les deux fêtes
apparaissent liturgiquement comme une seule solennité, une sorte d’extension du temps que les Russes nomment
d’ailleurs sviatki  - “les saints jours”. Pendant toute la durée de cette période, fait unique dans l’année liturgique, toute
forme de jeûne ou de pénitence est abolie, y compris les mercredis et les vendredis. Cette unité est encore soulignée par
la totale similitude de la structure liturgique des deux offices. Par Son baptême, c’est vérita-blement Dieu qui Se
manifeste au monde, Dieu dans Sa plénitude, Un et Trine. « Dans Sa Nativité, le Fils de Dieu vint au monde de façon
cachée, dans Son Baptême, Il apparaît de façon manifeste » (saint Jérôme). Ailleurs, saint Jean Chrysostome explique :
«  L’apparition n’est pas la fête de la Nativité, mais celle du Baptême. C’est par Son Baptême et non par Sa naissance
qu’Il S’est manifesté au monde. Avant le Baptême, Il était inconnu du peuple ».

Décrivons cette icône : En haut, un  demi-cercle symbolisant les cieux percés par un  rayon par lequel descend la
colombe et  trois éclairs qui tombent en pluie sur la tête du Christ, nu, debout dans une rivière - le Jourdain - qui n’est,
généralement, pas représenté sous forme de fleuve, mais comme une grotte. A gauche, sur la rive, le Précurseur et
Baptiste  Jean, vêtu de peaux de bêtes, impose la  main sur la tête du Sauveur. A droite des anges, dont le nombre varie
selon les icônes, dans les eaux du Jourdain  deux personnages sont souvent représentés, le tout sur un fond de
montagnes  escarpées.

La signification en est double car, comme tout récit évangélique, comme toute parabole, cette icône présente une double
lecture. Tout d’abord, et très simplement, c’est la figuration de la réalité du baptême comme condition essentielle du
salut. Ce nouveau sacrement de l’Eglise néo-testamentaire est, en quelque sorte, “inauguré” par le Christ qui, en tant
que Dieu, n’en avait, évidemment, pas besoin. Mais étant vrai Dieu et vrai Homme, Il assume Son humanité dans sa
totalité et, en tant qu’Homme, Il nous montre - de façon quasi cathéchétique - par où l’homme doit passer pour obtenir
le salut. Il  est le salut et Il nous montre la voie du salut.

Inaugurant Sa mission sur terre par le mystère du Baptême, Il nous introduit dans le mystère de l’Eglise et nous montre
la façon dont nous devons entrer dans la vie. Son exemple est un enseignement qu’Il nous lègue : par le mystère du
Baptême, l’homme devient membre de l’Eglise et reçoit donc la possibilité du salut. Point de christianisme, point de
vraie vie ni de salut en dehors de l’Eglise, et donc point de salut sans baptême. Mais tout “baptême” n’est pas pour
autant salutaire : dès le III° siècle, Saint Cyprien de Carthage, un des plus grands Pères de l’Eglise et chantre de l’unité
de l’Eglise, affirmait que “le baptême des hérétiques n’est que de l’eau vide”.

            Notons qu’au début du christianisme, l’âge des chrétiens était souvent calculé, non à partir de leur naissance
dans la chair, mais à partir du moment où ils naissaient à la grâce. A cette époque, le baptême s’effectuait à un âge
adulte, il s’agissait de conversion. Ce fait explique que, dans certaines catacombes romaines, des tombes de chrétiens
portent des âges enfantins qui ne correspondent pas aux dimensions du sarcophage : l’âge indiqué est leur âge dans
l’Eglise et non celui dans la chair.

              La deuxième signification est dogmatique : c’est la manifestation néo-testamentaire du dogme trinitaire tel
que le confesse le tropaire de la fête qui suit fidèlement le texte évangélique. “Pendant Ton Baptême dans le Jourdain, O
Christ, fut manifestée l’adoration due à la Trinité : car la voix du Père Te rendit témoignage en Te nommant le Fils bien-
aimé et l’Esprit, sous forme de colombe, confirmait la vérité de cette parole. Christ-Dieu, qui es apparu et qui as
illuminé le monde, gloire à Toi!”.

            Cette fête est une manifestation néo-testamentaire de la Trinité,  ce qu’illustre l’icône : du haut des cieux, le
Père nomme Celui qui Se baptise dans le Jourdain Son Fils bien-aimé, et l’Esprit-Saint, sous forme de colombe,
authentifie cette parole. C’est donc la participation distincte des trois hypostases du Dieu Unique à une scène donnée,
d’où l’appellation de Théophanie attribuée à cette fête. C’est non seulement le Christ qui apparaît comme Dieu, mais la
manifestation de la Trinité Divine.

            La matérialisation de l’Esprit-Saint sous forme de colombe, est interprétée par les saints Pères comme une
analogie avec l’apparition de la colombe portant un rameau d’olivier à la fin du déluge. L’analogie entre les deux
événements est amplifiée du fait que, dans les deux cas, c’est l’élément aquatique qui lave les péchés du monde : l’eau
est image de la mort-déluge d’une part, et source de vie d’autre part. La préfiguration vétéro-testamentaire trouve son
explication et son aboutissement dans le baptême néo-testamentaire.

            Cet Esprit-Saint qui descend sur le Christ, c’est aussi le mouvement du Père vers Son Fils, c’est aussi Dieu qui
descend, qui couvre chaque homme de Sa protection. Ce que les théologiens nomment la “kénose”  : l’abaissement,
l’amoindrissement volontaire de Celui qui, étant Créateur, prend forme de créature, de Celui qui étant infini se
circonscrit. Le Baptême, consécutif à la Nativité, est une étape de cette kénose qui se poursuivra par la mort en Croix, la
descente en vainqueur dans les enfers et trouvera son aboutissement dans la Résurrection. Mourir avec le Christ pour
ressusciter avec Lui, tel est le symbolisme de la triple immersion baptismale.

            Sur certaines icônes, ce mouvement descendant peut être amplifié  par le Christ qui incline Sa tête en signe
d’humilité et d’acceptation, dans une attitude rappelant celle de la Vierge dans l’icône de l’Annonciation. Ce même
mouvement descendant est également figuré par le saint Baptiste Jean - tout à la fois témoin, symbole et instrument -
qui se penche sur Celui qu’il baptise, en reproduisant le geste sacramentel de l’officiant à chaque fois que celui-ci
invoque l’Esprit par l’imposition des mains. Il s’agit là d’un procédé iconographique fréquent où l’on voit tout se plier,
se conformer au souffle, au mouvement contenu et représenté par l’icône. Cela peut être observé, par exemple, dans
l’icône de la Trinité de Roublev où l’on voit tout se plier, se conformer au souffle, au mouvement imprimé par la
signification même du dogme exprimé : les personnages, les éléments, la nature, les montagnes même sont infléchis
dans le sens de la composition.

Dieu étant entré dans les eaux du Jourdain, celles-ci se sont immédiatement sanctifiées. Mais si le Christ est vrai Dieu,
Il est aussi vrai Homme et Son acte est avant tout didactique, comme à chaque fois où Il “inaugure” pour nous un
sacrement. En effet, cette sanctification des eaux du Jourdain, et des eaux en général, s’effectue chaque année pour la
Théophanie par le prêtre qui, invoquant l’Esprit-Saint procède à la grande bénédiction des eaux. Sur l’icône, le Christ-
Dieu, Grand-Prêtre, bénit Lui-même de Sa main droite les eaux du Jourdain.

            Le Baptême a été pour le Christ le premier acte de Sa vie publique, la naissance à une nouvelle vie, tout
comme l’est le baptême pour tout chrétien qui reçoit ce sacrement.

            L’icône de la Théophanie montre généralement un Jourdain très particulier. Ce n’est pas une rivière qui
traverserait l’icône de part en part, mais une sorte de grotte, de caverne emplie d’eau, à l’intérieur de laquelle semble se
tenir le Christ. A cela, deux significations :

            Il existe une analogie frappante entre ce “Jourdain-grotte”, la grotte de Bethléem et le “trou noir” de l’enfer
représenté sur l’icône pascale de la descente du Christ dans les enfers. Les eaux dans lesquelles entre le Christ lors de
Son Baptême sont appelées “tombeau liquide” dans les écrits patristiques. Ce Baptême est donc une préfiguration de la
mise au tombeau.

            Ce procédé iconographique a, en outre, l’avantage de montrer que le Baptême doit s’effectuer par   immersion
(ce que signifie d’ailleurs étymologiquement le mot “baptême”) totale, ce qui est évidemment la seule pratique admise
et reconnue par l’Eglise orthodoxe, quant à la validité de ce sacrement. Par cette immersion préfigurant la mise au
tombeau, chaque chrétien recevant le baptême est appelé à la résurrection : “Ensevelis avec Lui dans le baptême, vous
avez été dans le même baptême ressuscités avec Lui par votre foi en la puissance de Dieu, qui L’a ressuscité d’entre les
morts” /Col. 2, 12/.

            De plus, la triple immersion suivie de l’émersion lors du rite du baptême, symbolise tout à la fois les trois jours
passés par le Christ au tombeau ainsi que cette descente aux enfers avec le Christ-vainqueur et la remontée avec Lui. La
mort à l’ancienne vie et la naissance à une Vie nouvelle. Se dépouiller du vieil-homme pour revêtir l’Homme-Nouveau.
Ce même symbolisme  se retrouve dans les métanies si fréquemment pratiquées dans l’Orthodoxie, par lesquelles  nous
inclinons  notre  corps  jusqu’à terre  pour  le  relever vivement en signe de résurrection. Cela permet d’expliquer que la
position à genoux, forme de piété traditionnelle en Occident, ne l’est pas dans l’Orthodoxie, et n’est pratiquée que dans
des circonstances très précises.

            Des poissons sont parfois représentés dans l’eau afin d’attester qu’il s’agit bien d’un élément aquatique.
Certaines icônes représentent un ou deux petits personnages, dans l’eau, aux pieds du Christ. Des deux, l’homme, qui
semble reculer sur lui-même, symbolise le Jourdain et la femme s’enfuyant symbolise la mer. Ces détails sont là en
réponse à la préfiguration vétéro-  testamentaire: La mer le vit et s’enfuit, le Jourdain retourna en arrière ! (Ps. 113, 3).
Ce verset est d’ailleurs repris en guise de prokimenon dans la célébration des matines de la fête. La traversée de la Mer
Rouge était elle aussi une préfiguration du baptême.

            Enfin, sur la rive se tiennent des anges, dont le nombre varie selon les icônes. Les évangiles n’en parlent pas,
les textes liturgiques les mentionnent sans préciser leur rôle. Sans doute est-ce d’assister le Christ dans leur fonction
habituelle de prière et de doxologie. Sur certaines icônes, ils ont un rôle qui pourrait s’apparenter à celui des diacres. Ils
tiennent dans leurs mains les vêtements qui serviront à habiller le baptisé. Plus souvent, ils tiennent simplement leurs
mains tendues couvertes par leur propre vêtement.

            Cette coutume de se couvrir les mains devant un objet sacré, de ne jamais le toucher avec les mains nues, est
une constante en iconographie. Ainsi, un des attibuts d’un saint évêque est de tenir sur sa poitrine le livre des Evangiles,
qu’il tient de ses mains toujours couvertes par son étole. C’est ainsi, d’ailleurs, que le prêtre porte lui-même une icône
ou le livre des Evangiles. Pour cette même raison, lors d’une procession, les fidèles ne doivent jamais porter une icône
les mains nues, mais toujours couvertes d’un linge. Suivant le professeur Léonid Ouspensky, assurément le plus grand
iconologue contemporain, cette tradition proviendrait d’une cou-tume existant à la cour de Byzance, selon laquelle les
objets transmis à, ou par, l’empereur devaient l’être, en signe de respect, les mains couvertes, … à moins que l’étiquette
impériale n’ait imité la norme liturgique.

            Certaines icônes, enfin, représentent une hache posée au pied d’un arbre sur la rive.«Déjà la cognée est à la
racine des arbres;tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu »(Mat.  3, 10 et Luc 3, 9). Ce thème
est repris dans les offices de l’avant-fête de la Théophanie.

               En résumé, cette icône, de même que celles de toutes les grandes fêtes de l’année liturgique, est d’une
insondable richesse d’enseignements dogmatique et pratique. Lors de la fête de la Théophanie, ainsi qu’à chaque
baptême, l’Eglise chante avec allégresse : “Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ”. Le
baptême confère la nature d’incorruptibilité du Christ, il lave l’homme de son iniquité afin de lui permettre de revêtir
cette nouvelle nature.

            “Dieu s’est fait homme, afin que l’homme puisse devenir dieu”, formule fréquemment employée par de
nombreux saints Pères. Cela est suggéré de façon manifeste sur l’icône : les cieux s’ouvrent car la désobéissance
d’Adam les avaient fermés, pour lui et pour toute l’humanité. La venue du Christ et tout Son ministère ont pour finalité
de “réouvrir” pour l’homme l’accès au Royaume de Dieu. Dorénavant, l’homme peut réintégrer sa patrie céleste.
Iconographiquement, cette “réouverture” est exprimée par le demi-cercle (les cieux, le Paradis) en haut de l’icône percé
par un rayon unique (Dieu Un) qui se scinde en trois rayons (Dieu Trine). Similitude totale avec l’icône de la Nativité,
sauf que dans un cas c’est une étoile, dans l’autre une colombe, qui sont à l’origine du triple rayon. Ces cieux qui se
déchirent sont comme une digue qui cède : il n’y a plus de barrière entre le Ciel et la Terre. C’est ce même symbolisme
que confesse l’Eglise en ouvrant les portes royales de l’iconostase à certains moments de la célébration, et tout
spécialement lors de la nuit pascale où  toutes les portes sont ouvertes et le restent durant toute la semaine lumineuse,
permettant, en quelque sorte, une osmose totale entre le Ciel (sanctuaire) et la Terre (nef).

            «L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’Il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle, pour annoncer aux
captifs la délivrance» (Luc 4, 18 et Isaïe 61, 1-2 et 63, 6). Pour commencer Son ministère,   le Christ  a  attendu que
l’Esprit soit sur Lui.  C’est Sa “pentecôte personnelle” : de même que les apôtres n’ont réellement  entamé  leur 
ministère  apostolique qu’après que l’Esprit-Saint,  sous  forme  de  langues  de  feu, fut descendu sur eux.   Ce 
symbolisme  est  loin  de  n’avoir  qu’un  aspect  historique:  c’est également la préfiguration de l’imposition des mains 
et  l’invocation  de  l’Esprit  sur toute  personne recevant le ministère du sacerdoce pour qui c’est, de même, une
“pentecôte personnelle”. De façon encore plus large, toute fonction à l’intérieur de l’Eglise ne peut se réaliser qu’après
l’obtention de la grâce de l’Esprit par la bénédiction.
            Enfin, saint Jean Damascène note que l’onction ou chrismation (le Christ est l’Oint du Seigneur) fait suite au
baptême proprement dit, c’est-à-dire à la triple immersion. Le grand héraut de l’icône fait remarquer qu’à la fin du
déluge c’est une colombe (Saint-Esprit) qui portait un rameau  d’olivier, d'où est tirée l'huile pour l'onction (Exposé
précis de la Foi orthodoxe, Livre IV, chap. 9). Nous avons donc là, une préfiguration vétéro-testamentaire de plus qui
trouve sa signification dans le Nouveau Testament.

Protodiacre Germain Ivanoff-Trinadtzaty

Dessin Anne Malko

 
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L'icône de l'Epiphanie représente symboliquement le baptême du Christ au Jourdain, et illustre également


certains textes scripturaires concernant le rôle de l'eau comme instrument et de la création du monde, et du
salut de l'humanité.
En la personne de Jésus-Christ, qui n'a pas connu le péché, le baptême n'est évidemment pas octroyé,
comme dans notre cas " pour la repentance ", " en vue de la rémission des péchés" (Actes 2/38).
Traversant la croûte terrestre, le Christ pénètre dans un "tombeau liquide", ce trou noir, lieu du "schéol" ou
séjour des morts. Son baptême est essentiellement un passage dans la mort et la résurrection, comme le
sera, à sa suite, notre propre baptême, ainsi que l'explique saint Paul : "Nous avons donc été ensevelis avec
lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père,
de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie " (Rom. 6/4). De plus, l'entrée du Christ dans le
Jourdain a déclenché une véritable Pentecôte personnelle, la première manifestation du Dieu trinitaire.
"Dans ton baptême au Jourdain, Seigneur, s'est manifestée l'adoration de la Trinité... "
On peut faire, de l'icône, d'abord une lecture verticale : la déchirure du ciel, toujours en arc de cercle,
annonce le mouvement théophanique, la présence du Père qui désigne le Fils ("Celui-ci est mon Fils bien-
aimé en qui j'ai mis toute mon affection", Mat. 3/18), et laisse filtrer le triple rayon, avec la colombe à mi-
course, porteuse de l'amour du Père envers le Fils, comme de l'amour du Fils envers le Père. La colombe
nous reporte au début de la Genèse, où l'Esprit se mouvait sur les eaux à l'aube de la création, tout comme
ici, elle descend à l'aube de la création d'une humanité nouvelle.
Le baptême a des répercussions cosmiques : " Le Christ est baptisé ; il sort de l'eau, et avec lui il relève le
monde " (hymne liturgique). Ce jour-là, se fait dans l'Eglise la grande bénédiction des eaux : mer, rivières,
lacs, sans parler de l'eau que les fidèles emporteront chez eux pour la consommer à des occasions
particulières.
Une lecture horizontale de l'icône est également possible. Elle part de la tête de saint Jean, qui résume à lui
seul la présence de l'humanité. Le " dernier des prophètes " dut se faire violence (Mat. 3/14) pour accepter
de baptiser celui dont il n'était pas digne de délier la courroie des souliers. A droite, le monde céleste et
angélique, les trois anges aux mains voilées en signe d'adoration. Au milieu, enfin, le Christ, qui, d'un geste,
bénit l'univers aquatique, au point de croisement, sur un plan horizontal, des mondes humain et angélique,
et, vertical, du ciel, de la terre et de l'enfer. Tous les éléments de la création sont ainsi rassemblés, réunis, en
vue de l'œuvre du salut.
D'après " Lumière d'Orient " Michel Evdokimov, Ed. Droguet et Ardant, Paris 1981
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La Théophanie manifestation de Dieu

Le ciel s’est ouvert… le monde s’ouvre


Une monde fait de rochers escarpés qui semblent se fissurer et s’ouvrir…

Le baptême du Christ (nom en grec et arabe)


icône contemporaine
collection du monastère de Chevetogne
Une végétation étrange d’où surgit un arbre ; à son pied, une hache…

Ni perspective, ni réalisme dans cet univers où des créatures célestes ont les pieds sur terre…

Un arbre, à son pied une hâche


L’arbre planté non loin de l’eau a des pousses bien vertes

• L.’arbre porte aussi les traces d’une taille récente, les parties mortes ont été coupées.
• Le travail est en cours, la hache reste fichée au bas du tronc.
• L’arbre est parcouru de traits lumineux qui courent le long du tronc : il est nourri de sève
divine.
« L’arbre conserve un espoir, une fois coupé, il peut renaître encore » (Job 14,7)

« Je cueillerai un rameau et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée (.. ) Il poussera des
branches et produira du fruit et deviendra un cèdre magnifique. Toutes sortes d’oiseaux habiteront sous lui
(…) Et tous les arbres des champs sauront que c’est moi, Yahvé, qui humilie l’arbre élevé et qui élève l’arbre
humilié, qui fait sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Moi, Yahvé, j’ai dit, je fais » (Ézéchiel, 17, 22-24)

« Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé »
(Matthieu, 3,10)

« Tout sarment qui donne du fruit, mon Père le nettoie, pour qu’il en donne davantage » (Jean, 15,3)

Des êtres célestes sur la terre

• Des anges établissent une relation entre le monde des cieux et la terre.
• Leurs mains sont voilées en signe de soumission et de respect.
• Leur corps s’incline devant Jésus, maître du ciel et de la terre.
• Ils semblent accompagner Jésus dans sa mission de Sauveur.
« Il a pour toi donné ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies » (Psaume 91)

Une terre aride et assoiffée

• De chaque côté du fleuve, le sol est aride.


• De chaque côté du fleuve, les rochers s’élèvent, formant des montagnes.
• A bien les regarder, les rochers semblent se fissurer, s’ouvrir , l’eau y creuse son chemin.
Jean dans le désert de Judée aplanit les sentiers des cœurs pierreux pour que la Bonne Nouvelle de Jésus
Christ puisse y fleurir !

« Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle ! changez de vie, croyez que Dieu vous aime » (cantique
G 162)

« Je vais faire du nouveau… je vais tracer une route dans le désert, des sentiers dans la solitude » (Isaïe,
43,19)
« Que la terre s’entrouvre pour que mûrisse le salut ! Qu’elle fasse aussi germer la délivrance que moi,
Yahvé, je vais créer » (Isaïe, 45,8)
« Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais, devant ta Face fondraient les monts » (Isaïe 63,19)

Jean Baptiste annonce :


« Je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham »(Matthieu,
3,9)

Traçons une croix sur cette icône…


? Une verticale va du haut, ……...siège de la lumière et de l’or
……..….. vers le bas

Le Baptême de Notre Seigneur


icône contemporaine
(atelier orthodoxe Saint Jean Damascène, France)

? Une horizontale va, «naturellement», des anges


………..vers Jean le Baptiste
Au centre le Christ

I
i

Jésus est au centre de l’icône

Il est debout…..
hors de l’eau dans laquelle il a été immergé par Jean.
Il est nu, humble, dépouillé et donné.
I
i

Les eaux vives du Jourdain

L’Esprit Saint plane sur les eaux du Jourdain d’où émerge le corps de Jésus.

Dans ses eaux, la vie foisonne.

Ses eaux s’écoulent.


I
Jean devient le Baptiste

Dernier des prophètes, il porte en lui l’espoir du peuple de Dieu.

Premier des chrétiens, il fait confiance à Dieu qui lui confie une mission déroutante : baptiser son propre Fils,
le Messie, l’envoyé.

Prêtre, il célèbre le baptême.

Prophète, il annonce la venue de l’Agneau de Dieu.

Roi, il revêt le rôle du serviteur.

I
i
Nous sommes à l’étude de l’icône de la cinquième grande fête du calendrier liturgique orthodoxe : La
Théophanie ou le Baptême du Christ. Elle est célébrée lundi le 6 janvier 2020 pour les Églises (orthodoxes
grecs) qui suivent le calendrier grégorien et le dimanche le 19 janvier pour celles qui ont conservé le
calendrier julien (orthodoxes russes). Notons que jusqu’au IV e siècle, la nativité et le Baptême de Jésus
étaient fêtés le même jour [1].

Un peu d’histoire
Chez les chrétiens catholiques, cette fête est jumelée à celle de l’Épiphanie qui commémore la visite
des mages à la crèche. Le mot Épiphanie par son origine grec epphanios signifie « ce qui apparaît »,
et pour l’Église de Rome cette fête célèbre la reconnaissance de l’avènement de l’enfant Dieu par
les hommes. D’ailleurs les mages sont venus de contrées lointaines et différentes pour connaître et
reconnaître le Roi des cieux.
Tandis que pour l’Église d’Orient, la fête de la Théophanie – mot qui a en partie la même origine
étymologique grec phanios et signifie apparition de Dieu – célèbre la reconnaissance de Jésus
comme le Fils de Dieu lors de son baptême, moment où s’est produit une des rares manifestations
sur terre, la manifestation trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit. Et pour les orthodoxes la fête de
la Grande Théophanie est plus importante que celle de Noël car elle célèbre la révélation divine de
Jésus Christ. En peu de mots, l’Église chrétienne d’Occident fête l’Homme-Dieu tandis que celle
d’Orient fête le Dieu-Homme. On peut comprendre la Nativité comme la fête de la Sainte Famille,
et la Théophanie comme celle de la Divine Famille, la Trinité. Disons pour faire le point d’une
façon un peu humoristique que dans les temps de Noël, les rencontres familiales sont de tradition
chrétienne. « Dans sa Nativité, dit saint Jérôme, le Fils de Dieu vint au monde de façon cachée, dans
son Baptême, il apparut de façon manifeste [2]. »

Un peu de technique
Chaque icône reçoit un nom (son baptême) qui est inscrit généralement sur la bordure supérieure de
l’icône. Les appellations de celle-ci sont très significatives de son histoire et de sa symbolique : « la
Théophanie ; l’Épiphanie ; la Fête des lumières ; l’Abaissement, la Mort [3]. »
Il est à remarquer que les deux premières font référence aux Écritures. La troisième, Fête des
lumières, se rapporte à l’histoire car elle rappelle, comme nous l’avons déjà dit, la symbolique de la
fête chrétienne de Noël et de celle païenne, plus ancienne, du solstice d’hiver. Par-contre, les deux
dernières appellations ont plutôt de quoi nous surprendre. Mais si nous lisons attentivement l’icône,
on peut faire un rapprochement par leurs symbolismes entre les récits de la mort et la résurrection
de Jésus et celui de son baptême. Comme sur la croix, Jésus « s’anéantit en descendant dans les
eaux du fleuve […] et, dans la nudité de son corps, il se révèle comme le Nouvel Adam [4]. » 
Par le bleu-noir des eaux du Jourdain flanqués de hautes montagnes de chaque côté on comprend
dans quel abîme Il est entré. Il est placé au milieu de l’eau, à la fois immergé et émergé, entre la rive
du monde céleste où quatre anges se tiennent et celle du monde terrestre où se trouve Jean. Cette
mise en scène démontre ses deux hypostases : vrai Dieu et vrai homme. Dans cette représentation
Jésus se présente en vainqueur des forces maléfiques et des puissances habitant les abîmes
symbolisés par les deux créatures que l’on aperçoit dans ses profondeurs. « Quand il descend dans
le Jourdain pour être baptisé par Jean le Précurseur, il purifie l’eau, substance de base à l’origine de
la vie et infiltrée par Satan [5]. »
Le fond de l’icône est entièrement doré ce qui symbolise et reflète la lumière divine. Au milieu, les
cieux s’ouvrent devant la préséance de la voix du Père. On voit l’Esprit qui descend sur Jésus sous
forme d’une colombe. Il n’est écrit dans aucun texte évangélique que l’Esprit était une colombe
mais bien « tel ou comme une colombe » et c’est pourquoi plusieurs iconographes préfèrent ne pas
la représenter dans leur travail.
Jean, à gauche sur l’icône, désigne du doigt Jésus objet et sujet de la scène : « Voici l’agneau de
Dieu. » (Jn 1,29) À droite les quatre anges, les mains couvertes en signe de vénération, se tiennent
en adoration comme au moment de sa naissance. « Les anges reconnaissent le Fils de Dieu en ce
Jésus qui s’humilie [6]. »
La hache au pied de l’arbre rappelle la prophétie du Baptiste : « Déjà la cogné [la hache] se trouve
à la racine des arbres … » (Mt 3, 14), qui invite à la conversion, au baptême.

Un peu de théologie
Le Jourdain devient le bain de la nouvelle Alliance. « Parut un homme envoyé de Dieu, il se
nommait Jean, il vint comme témoin, pour rendre hommage à la lumière, afin que tous crussent en
lui. » (Jn 1,6-7) Cette phrase résume assez bien toute l’icône du Baptême du Christ. Deux grands
Pères et Docteurs de l’Église, saint Cyrille de Jérusalem et saint Jean Damascène, soulignent que la
Théophanie est « le point culminant de la maturité, la manifestation de l’humanité du Seigneur dès
lors déifiée [7]. »
Jésus est déclaré ici vrai Dieu et vrai Homme. De sa main droite Il bénit l’eau préfigurant l’eau
baptismale. Devenue sanctifiante, de source de mort elle devient source de vie. « Le vieil homme
(l’ego, avec ses programmations archaïques) doit mourir pour que vive l’homme nouveau [8] »
ouvert sur l’amour de Dieu et du prochain.
Les Écritures et l’icône de la Théophanie nous présentent Jésus d’une double manière. En Sauveur :
« Voici que vient dernière moi celui qui est plus puissant que moi » (Mc 1,7) et en Serviteur du
Père : « Celui-ci est mon Fils bien aimé » (Mt 3,17).
Luc Castonguay est iconographe et étudiant à la maîtrise en théologie à l’Université Laval
(Québec).
[1] Paul Evdokimov, L’art de l’icône, théologie de la beauté, Desclée De Brouwer, 1990, p. 225.
[2] Paul Evdokimov, L’art de l’icône …, p. 239.
[3] Alfredo Tradigo, Icônes et saints d’Orient, Paris, Hazan, 2005, p. 122.
[4] Alfredo Tradigo, Icônes et …, p. 122.
[5] Michel Quenot, Les clefs de l’icône, Saint-Maurice, Éd. Saint-Augustin, 2009, p. 106.
[6] Michel Saint-Onge et Mireille Éthier, Parole pour nos yeux, Sainte Foy, Éd. Anne Sigier, 1992,
p. 52.
[7] Paul Evdokimov, L’art de l’icône …, p. 240.
[8] Jean-Yves Leloup, L’Icône, Une école du regard, Paris, Éd. Le Pommier-Fayard, 2000, p. 55.
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L'icône est composée comme une croix dont le Christ est le centre. Un plan vertical dont la partie centrale
rappelle le passage des "eaux inférieures" (Genèse) au monde des cieux représenté au sommet par
l'amorce d’une sphère bleue saphir (Exode. 24, 10) d'où descend un rayon de la lumière de Dieu. Un
mouvement horizontal dans lequel le Christ, venant du monde céleste représenté par les trois anges,
descend dans les eaux du Jourdain et se dirige vers le monde humain personifié par saint Jean-Baptiste,
dernier prophète de l'ancienne Alliance.
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Tous les évangélistes accordent une grande importance au Baptême du Christ et décrivent la scène en
détail.

Jésus a trente ans au moment de son Baptême, et jusqu’à ce jour, rien dans sa vie ne transparaissait
de sa nature divine. Au bord du Jourdain, Dieu se révèle. Comme toujours, le texte de Marc a ma
préférence : « Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans
le Jourdain. À l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit, comme une
colombe, descendre sur lui. Et des cieux vint une voix :   » Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te
choisir « » (Mc, 1, 9-11)
Le terme de Théophanie signifie « manifestation », ou « apparition de Dieu » et donne le sens de
l’évènement. J’aime beaucoup ce texte en raison, encore une fois, du double mouvement de
descente et de remontée sur l’axe vertical. L’eau, associée à l’Esprit, est l’élément indispensable à la
vie. Mais le baptême est le moment où l’immersion dans les eaux fait vivre jusque dans son corps
une sorte de « petite mort », dont on resurgit renouvelé. C’est le même mouvement que celui qui
régit la composition de l’icône de l’Anastasis, et aussi le même thème : descendre (vers la mort)
pour renaître. C’est ce qu’on vit à une minuscule échelle à chaque respiration : « expirer » conduit à
un instant de nuit, de « petite mort » (on peut l’appeler « la pause poumons vides ») qui appelle à
« l’inspiration », le retour à la vie. 
C’est le rythme et la danse de toute vie, à toute échelle : la nuit et le jour, l’hiver et l’été, l’expir et l’inspir, la
tristesse et la joie… 

L’icône du Baptême représente pour moi l’archétype de ce rythme naturel et éternel, la respiration
du monde et des marées, sa palpitation. À notre échelle , c’est la confiance dans la remontée, l’appel
à la vie qui peut nous aider à sortir des toutes les « crises » , de toutes les petites morts qui
parsèment nos vies.
Jean-Baptiste lève le regard vers le ciel dans une tension de tout son être, sa main droite posée sur la
tête de Jésus. Un arbuste se trouve à ses pieds, flanqué d’une hache, en référence au texte de
Matthieu (3, 10) : « Déjà, la hache est prête à attaquer la racine  ». 
Les anges, debout sur l’autre rive, colorés de joie, ont le corps courbé et les mains couvertes en
signe de respect.
En PS, je rajoute cet extrait du Guide de la peinture de Denys de Fourna, p 163 (Deuxième partie)
«  Le Christ debout, nu, au milieu du Jourdain. Le Précurseur sur le bord du fleuve, à la droite du
Christ et regardant en haut; sa main droite est sur la tête du Christ, et il étend la gauche vers le
ciel. Au- dessus, le ciel, d’où sort l’Esprit saint sur un rayon qui descend vers la tête du Christ. Au
milieu du rayon, on lit ces mots : «Celui-ci est mon fils bien aimé, dans lequel j’ai mis toutes mes
complaisances.» Sur la gauche, des anges debout avec respect et les mains étendues. Au bas, sont
des vêtements. Au-dessous du Précurseur, dans le Jourdain, un homme nu, couché en travers et
regardant derrière lui le Christ avec crainte; il tient un vase d’où il verse de l’eau. Autour du
Christ, des poissons. »
Cette fête est célébrée le 6 janvier.
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l’Icône du Baptême du Christ ou Théophanie
Tropaire de la fête ton 1
"A ton baptême dans le Jourdain , Seigneur, s’est révélée l’adoration due à la Trinité / car la
voix du Père te rendait témoignage en te nommant Fils bien -aimé/ et l’Esprit sous forme de
colombe confirmait la vérité de cette parole /Christ Dieu Tu es apparu/ Tu as illuminé le monde/
Gloire à Toi  ! "
Le baptême du Christ est encore appelée Théophanie. Comme le nom l’indique en grec, il s’agit
d’une "manifestation "de Dieu. Le tropaire cité plus haut et l’icône reprennent les éléments du récit
des Evangiles ( Mt 3/13-17, Mc 1/9-11,Lc 3/21-22 et Jn 1/32-34) en insistant sur les trois Personnes de la
Trinité qui se manifestent à ce moment là de manière sensible : la voix du Père se fait entendre
signifiée par les rayons lumineux descendant des cieux, l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe
( dans les triple rayon de lumière) et le Fils de Dieu qui est aussi Fils de l’homme,  debout dans les
eaux du Jourdain reçoit le baptême des mains du prophète Jean .
On notera la forme particulière des rives escarpées du fleuve formant une grotte sombre au centre
de la quelle se tient le Christ comme dans la Descente aux Enfers ; grotte que l’on retrouve
également sur l’icône de la Nativité . Dans tous ces cas il s’agit de la préfiguration ou de la
réalisation de la mort-résurrection du Christ. En effet, en descendant dans les eaux du Jourdain et en
acceptant le baptême de repentance prêché par Jean, le Christ, qui lui est sans péché, prend le péché
du monde sur Lui et inaugure la transfiguration de la matière déchue. Les eaux sont représentées
dans un mouvement tourbillonnant en référence à plusieurs passages de l’Ancien
Testament ,notamment au psaume 77 : "les eaux te virent, ô Dieu et furent bouleversées" ou au ps
114 " qu’as-tu mer à t’enfuir et toi Jourdain à retourner en arrière ?"
Rappelons que lors de notre baptême par immersion, nous descendons avec le Christ
symboliquement dans la mort et en remontons avec Lui pour renaître à une vie nouvelle en Lui.
Qui dit icône théophanique dit lumière. Celle-ci émane du Fils de Dieu debout dans la lumière
divine qui descend du ciel et baigne tout l’environnement tandis que les anges se tiennent
invisiblement présents sur la rive, les mains recouvertes en signe de respect. Le kondakion de la
fête reprenant l’idée de la fin du tropaire et poursuit : "Tu es apparu aujourd’hui au monde entier,
Seigneur, et ta lumière nous as marqués de son empreinte nous qui te chatons en toute
connaissance : Tu es venu, Tu es apparu, Lumière inaccessible ".
En ce jour de fête majeure, l’ Eglise orthodoxe procède à la bénédiction des eaux en y plongeant la
croix et invoquant sur elles la descente de l’Esprit saint. Puis des fidèles aspergés de cette eau, en
emportent une petite quantité chez eux pour bénir à leur tour leurs maisons et pour la sanctification
et la guérison des âmes et des corps.
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TROPAIRE
(Ton 1)
Dans le Jourdain lorsque, Seigneur, tu fus baptisé,
à l’univers fut révélée la sainte Trinité ;
en ta faveur se fit entendre la voix du Père
te désignant comme Fils bien-aimé,
et l’Esprit sous forme de colombe
confirma la vérité du témoignage.
Christ notre Dieu qui t’est manifesté,
illuminateur du monde, gloire à toi.

KONDAKION
(Ton 4)
En ce jour de l'Épiphanie l'univers a vu la gloire,
car, Seigneur, tu t'es manifesté
et sur nous resplendit ta lumière ;
c'est pourquoi en pleine connaissance nous te chantons ; tu es venu et t'es manifesté, Lumière inaccessible.

ÉPÎTRE DE LA LITURGIE
DE L'AVANT-FÊTE
(1 CORINTHIENS, 19-27)
Frères, libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave de tous, afin de gagner
le plus grand nombre. Je me suis fait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs
; sujet de la Loi avec les sujets de la Loi - moi, qui ne suis pas sujet de la Loi -
afin de gagner les sujets de la Loi. Je me suis fait un sans-loi avec les sans-loi -
moi qui ne suis pas sans une loi de Dieu, étant sous la loi du Christ - afin de
gagner les sans-loi. Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les
faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns.
Et tout cela, je le fais à cause de l'Évangile, afin d'en avoir ma part. Ne savez-
vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le
prix ? Courez donc de manière à le remporter. Tout athlète se prive de tout ;
mais eux, c'est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable.
Et c'est bien ainsi que je cours, moi, non à l'aventure ; c'est ainsi que je fais du
pugilat, sans frapper dans le vide. Je meurtris mon corps au contraire et le
traîne en esclavage, de peur qu'après avoir servi de héraut pour les autres, je
ne sois moi-même disqualifié.

ÉVANGILE DE LA LITURGIE
DE L'AVANT-FÊTE
(Luc 3, 1-18)

L'an quinze du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de


Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays
d'Iturée et de Trachonitide, Lysanias tétrarque d'Abilène, sous le pontificat
d'Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans
le désert. Et il vint dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême
de repentir pour la rémission des péchés, comme il est écrit au livre des
paroles d'Isaïe le prophète : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le
chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ; tout ravin sera comblé, et
toute montagne ou colline sera abaissée ; les passages tortueux deviendront
droits et les chemins raboteux seront nivelés. Et toute chair verra le salut de
Dieu. Il disait donc aux foules qui s'en venaient se faire baptiser par lui : "
Engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la Colère prochaine ?
Produisez donc des fruits dignes du repentir, et n'allez pas dire en vous-
mêmes : "Nous avons pour père Abraham. " Car je vous dis que Dieu peut,
des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham. Déjà même la
cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de
bon fruit va être coupé et jeté au feu. " Et les foules l'interrogeaient, en disant :
" Que nous faut-il donc faire ? " Il leur répondait : " Que celui qui a deux
tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger
fasse de même. " Des publicains aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent : "
Maître, que nous faut-il faire ? " Il leur dit : " N'exigez rien au-delà de ce qui
vous est prescrit. " Des soldats aussi l'interrogeaient, en disant : " Et nous, que
nous faut-il faire ? " Il leur dit : " Ne molestez personne, n'extorquez rien, et
contentez-vous de votre solde. " Comme le peuple était dans l'attente et que
tous se demandaient en leur cœur, au sujet de Jean, s'il n'était pas le Christ,
Jean prit la parole et leur dit à tous : " Pour moi, je vous baptise avec de l'eau,
mais vient le plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de
ses sandales ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Il tient en sa main
la pelle à vanner pour nettoyer son aire et recueillir le blé dans son grenier ;
quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s'éteint pas. " Et par bien
d'autres exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

ÉVANGILE DES MATINES


(Marc 1, 9-11)

En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth de Galilée, et il fut baptisé dans le


Jourdain par Jean. Et aussitôt, remontant de l'eau, il vit les cieux se déchirer et
l'Esprit comme une colombe descendre vers lui, et une voix vint des cieux : "
Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur. "

À LA LITURGIE DE LA FÊTE :

ANTIENNES
PREMIÈRE ANTIENNE (Ps 113, 1-3 et 5)
Quand Israël sortit d'Égypte,
la maison de Jacob de chez un peuple barbare.

Refrain : Par les prières de la Mère de Dieu,


ô Sauveur, sauve-nous.
Juda devint le sanctuaire du Seigneur,
Israël devint son royaume. (Refrain)

La mer à cette vue, s'enfuit,


le Jourdain retourne en arrière. (Refrain)

Qu'as-tu, mer, à t'enfuir,


et toi, Jourdain, à retourner en arrière ? (Refrain)

Gloire au Père... Maintenant... (Refrain)

DEUXIÈME ANTIENNE (Ps 115, 1-3 et 9)

J'aime le Seigneur qui écoute le cri de ma prière.


Refrain : Sauve-nous, ô Fils de Dieu,
toi qui fus baptisé par Jean dans le Jourdain,
nous qui te chantons, alléluia.

Il incline son oreille vers moi


au jour où je l'appelle. (Refrain)

Les tourments de la mort m'enserraient,


les périls de l'enfer m'environnaient. (Refrain)

En présence du Seigneur je marcherais


sur la terre des vivants. (Refrain)

Gloire au Père... Maintenant...


Fils unique et Verbe de Dieu...

TROISIÈME ANTIENNE (Ps 117, 1-4)


Rendez grâce au Seigneur, car il est bon ,
éternel est son amour.

Refrain :
Dans le Jourdain lorsque, Seigneur, tu fus baptisé,
à l’univers fut révélée la sainte Trinité ;
en ta faveur se fit entendre la voix du Père
te désignant comme Fils bien-aimé,
et l’Esprit sous forme de colombe
confirma la vérité du témoignage.
Christ notre Dieu qui t’est manifesté,
illuminateur du monde, gloire à toi.(Le Tropaire)

La maison d'Israël peut le dire :


car il est bon, éternel est son amour. (Refrain)

La maison d'Aaron peut le dire :


car il est bon, éternel est son amour. (Refrain)

Ceux qui craignent le Seigneur peuvent le dire :


car il est bon, éternel est son amour. (Refrain)

ENTRÉE ET PROKIMENON

CHANT D'ENTRÉE
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ;
le Seigneur est Dieu, il nous est apparu.
Sauve-nous, ô Fils de Dieu,
toi qui fus baptisé par Jean dans le Jourdain,
nous qui te chantons, alléluia.

PROKIMENON (Ps 117, 26 et 1)


Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ;
le Seigneur est Dieu, il nous est apparu.

Verset : Rendez grâce au Seigneur, car il est bon ,


éternel est son amour.

 
ÉPÎTRE ET ALLÉLUIA

ÉPÎTRE (Tite 2, 11-14 et 3, 4-7)


Tite, mon enfant, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s'est manifestée, nous enseignant à renoncer à l'impiété et aux convoitises de ce
monde, pour vivre en ce siècle présent dans la réserve, la justice et la piété, attendant la bien-heureuse espérance et l'Apparition de la gloire de notre grand
Dieu et Sauveur, le Christ Jésus - qui s'est livré pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un peuple qui lui appartienne en propre, zélé
pour le bien. Mais le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s'est pas occupé des œuvres de justice que
nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l'Esprit Saint. Et cet
Esprit, il l'a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l'héritage
de la vie éternelle.

ALLÉLUIA (Ps 28, 1 et 3)


Rendez au Seigneur, fils de Dieu,
rendez au Seigneur gloire et louange.
Verset : La voix du Seigneur retentit sur les eaux,
le Dieu de gloire fait gronder le tonnerre,
le Seigneur siège au-dessus des grandes eaux.

ÉVANGILE
(Matthieu 3, 13-17)
En ce temps-là, Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. Celui-ci l'en détournait, en disant : " C'est moi qui ai besoin d'être
baptisé par toi, et toi, tu viens à moi ! " Mais Jésus lui répondit : " Laisse faire pour l'instant : car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. "
Alors il le laisse faire. Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l'eau ; et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une
colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux disait : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. "

MÉGALINAIRE ET COMMUNUION

MÉGALINAIRE
Magnifie, ô mon âme, magnifie
la toute-sainte et immaculée,
plus vénérable et plus glorieuse
que toutes les Puissances des cieux,
la Mère de Dieu.
Toute langue hésitera
à prononcer l'éloge de toi,
et l'esprit le plus subtil éprouve le vertige
à te chanter, Mère de Dieu ;
mais dans ta bonté reçois l'hommage de notre foi
et l'élan de notre amour, qui monte vers toi ;
car tu es la protectrice du peuple chrétien :
nous te magnifions.

CHANT DE COMMUNION (Tt 2, 11)


La grâce de Dieu s'est manifestée à nos yeux,
pour tous les hommes elle est la source du salut. Alléluia.

MÉDITATION SUR LA FÊTE


AVEC LE PÈRE LEV GILLET
Le 6 janvier, jour de la Théophanie ou de l’Épiphanie, est – après Pâques et la Pentecôte – la plus grande fête du calendrier des Églises de rit byzantin. Elle est même
supérieure à la fête de la Nativité du Christ. Elle commémore le baptême notre Seigneur par Jean dans les eaux du Jourdain et, plus généralement, la manifestation publique
du Verbe incarné au monde.

La Théophanie est la première manifestation publique du Christ. Lors de sa naissance à Bethléem, notre Seigneur avait été révélé à quelques privilégiés. Aujourd’hui, tous
ceux qui entourent Jean, c’est-à-dire ses propres disciples et la foule venue aux bords du Jourdain, sont témoins d’une manifestation plus solennelle de Jésus Christ. En
quoi consiste cette manifestation ? Elle comporte deux aspects. D’une part, il y a l’aspect d’humilité représenté par le baptême auquel Notre Seigneur se soumet. D’autre
part, il y a un aspect de gloire représenté par le témoignage humain que le Précurseur rend à Jésus et, sur un plan infiniment plus élevé, le témoignage divin que le Père et
l’Esprit rendent au Fils. Nous considérerons de plus près ces deux aspects. Mais retenons immédiatement ceci : toute manifestation de Jésus Christ, aussi bien dans
l’histoire que dans la vie intérieure de chaque homme, est une manifestation d’humilité et de gloire tout à la fois. Quiconque sépare ces deux aspects du Christ commet une
erreur qui fausse toute la vie spirituelle. Je ne puis m’approcher du Christ glorifié sans m’approcher en même temps du Christ humilié, ni du Christ humilié sans
m’approcher du Christ glorifié. Si je désire que le Christ soit manifesté en moi, dans ma vie, ce ne peut être qu’en étreignant celui qu’Augustin appelait avec prédilection
Christus humilis et en adorant d’un même élan celui qui est aussi un Dieu, un Roi, un Vainqueur. Tel est le premier enseignement de la Théophanie.

L’aspect d’humilité de la Théophanie consiste dans le fait que Notre Seigneur se soumet au baptême de pénitence de Jean. Celui-ci refuse tout d’abord, mais Jésus insiste  :
Laisse. Il faut que toute justice s’accomplisse (Mt 3, 13-15). Sans doute Jésus n’avait pas à être purifié par Jean, mais le baptême que conférait le Précurseur, ce baptême de
repentance pour la rémission des péchés [1], préparait au royaume messianique ; et Jésus, avant de proclamer l’avènement de ce royaume, a voulu passer lui-même par
toutes les phases préparatoires dont il devait être le "consommateur". Étant la plénitude, il a voulu assumer en lui-même tout ce qui était encore incomplet et inachevé.
Mais, en recevant le baptême johannique, Jésus a fait plus qu’approuver et confirmer solennellement un rite avant de le transformer, plus que consommer l’imparfait dans
le parfait. Lui qui était sans péché, il s’est fait porteur de nos péchés, du péché du monde ; et c’est au nom de tous les pécheurs que Jésus a fait un geste public de
repentance. D’autre part, Jésus a voulu nous enseigner la nécessité de la pénitence et de la conversion ; avant même de nous approcher du baptême chrétien, nous devons
recevoir le baptême de Jean, c’est-à-dire passer par un changement d’esprit, par une catastrophe intérieure. Nous devons éprouver une vraie contrition de nos péchés. La
repentance est, en ce qui nous concerne, l’aspect d’humilité de la Théophanie.

Et ici nous devons dépasser l’horizon limité du baptême johannique pour nous rappeler que nous avons été baptisés en Christ. Le baptême chrétien nous a lavés et purifiés.
Il a aboli en nous le péché originel et fait de nous une nouvelle créature. Nous étions probablement enfant lorsque nous avons reçu le baptême ; la grâce baptismale a été
une réponse divine donnée, non à notre demande personnelle, mais à la foi de ceux qui nous présentaient au baptême et â la foi de toute l’Église qui nous accueillait. Cette
grâce baptismale a été alors en quelque sorte provisoire et conditionnelle : il fallait que, grandissant et devenus conscients, nous confirmions par un libre choix l’acte de
notre baptême. La Théophanie est, par excellence, la fête du baptême, non seulement du baptême de Jésus, mais de notre propre baptême. Elle est une merveilleuse
occasion pour nous de renouveler en esprit le baptême que nous avons reçu et de raviver la grâce qu’il nous a conférée. Car les grâces sacramentelles, même interrompues
et suspendues par le péché, peuvent revivre en nous si nous nous tournons sincèrement vers Dieu. En cette fête de la Théophanie, demandons à Dieu de nous laver de
nouveau — spirituellement, non d’une manière matérielle [2] — dans les eaux du baptême ; noyons-y l’ancienne créature pécheresse, car le baptême est une mort mystique
[3] ; traversons la Mer Rouge qui sépare la captivité de la liberté et plongeons-nous avec Jésus dans le Jourdain pour y être lavés, non par le Précurseur, mais par Jésus lui-
même.

L’aspect de gloire de la Théophanie consiste dans les deux témoignages qui furent alors rendus solennellement à Jésus. Il y eut le témoignage de Jean. Nous n’en parlerons
pas maintenant ; nous y reviendrons le lendemain de la Théophanie. Et il y eut le témoignage divin du Père et de l’Esprit. Le témoignage du Père était la voix venue du ciel
et disant : Tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma complaisance (Lc 3,22). Le témoignage de l’Esprit était la descente de la colombe : Et l’Esprit Saint descendit
sur lui sous une forme corporelle, tel une colombe (Lc 3,22). Voilà le véritable baptême de Jésus. La parole prononcée par le Père et la descente de la colombe [4] sont plus
importants que le baptême d’eau que Jean donne à Jésus. Le baptême d’eau n’était qu’une introduction à cette manifestation divine. C’est avec raison que, dans l’ancienne
liturgie chrétienne, la fête du 6 janvier est appelée, non pas "Théophanie", mais "Théophanies", au pluriel, car il ne s’agit pas d’une seule manifestation divine : il s’agit de
trois manifestations.

Le Père, le Fils, l’Esprit sont tous trois révélés au monde lors du baptême de Jésus ; le Père et l’Esprit se révèlent dans la relation d’amour qui les unit au Fils. Nous
touchons ici à ce qu’il y a de plus profond et de plus intime dans le mystère de Jésus. Si grand que soit le ministère rédempteur du Christ en faveur des hommes, la vie
d’intimité du Fils avec le Père et l’Esprit est une réalité plus grande encore. Jésus ne nous est vraiment manifesté que si nous entrevoyons quelque chose de cette intimité
divine, et si nous entendons intérieurement la voix du Père : Voici mon Fils bien-aimé..., et si nous voyons le vol de la colombe sur la tête du Sauveur. La fête de la
Théophanie ne sera vraiment une épiphanie, une manifestation du Christ, qu’à cette condition. Il faut que notre piété atteigne, dans le Fils, le Père et l’Esprit. Il faut que,
comme Jean-Baptiste, nous puissions nous souvenir et témoigner : J’ai vu l’Esprit descendre… (Jn 1,32). C’est là la gloire de la Théophanie. Et c’est pourquoi la
Théophanie n’est pas seulement la fête des eaux. L’ancienne tradition grecque l’appelle "la fête des lumières". Cette fête nous apporte, non seulement une grâce de
purification, mais aussi une grâce d’illumination (ce nom même d’illumination était jadis donné à l’acte du baptême). La lumière du Christ n’était, à Noël, qu’une étoile
dans la nuit obscure ; à la Théophanie, elle nous apparaît comme le soleil levant ; elle va croître et, après l’éclipse du Vendredi Saint, elle éclatera, plus splendide encore, le
matin de Pâques ; et enfin, à la Pentecôte, elle atteindra le plein midi. II ne s’agit pas seulement de la lumière divine objective manifestée dans la personne de Jésus Christ
et dans la flamme pentecostale. Il s’agit aussi, pour nous, de la lumière intérieure, sans une absolue fidélité à laquelle la vie spirituelle ne serait qu’illusion ou mensonge.

Dieu qui avait envoyé le Précurseur baptiser avec de l’eau lui avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, baptisera dans l’Esprit Saint (Jn 1,33). Le
baptême d’eau n’est qu’un aspect du baptême total. Jésus lui-même dira à Nicodème : À moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu (Jn 3,5).
Le baptême d’Esprit est supérieur au baptême d’eau. Il constitue un don objectif et une autre expérience intérieure. Nous en reparlerons mieux à l’occasion de la Pentecôte.

On pourrait dire que la Théophanie — première manifestation publique de Jésus aux hommes — correspond dans notre vie intérieure à la "première conversion". Il faut
entendre par là la première rencontre consciente de l’âme humaine avec son Sauveur, le moment où nous acceptons Jésus comme Maître et comme ami et où nous prenons
la résolution de le suivre. Pâques (à la fois la mort et la résurrection du Seigneur) correspond à une "deuxième conversion" où, confrontés avec le mystère de la croix, nous
découvrons quelle mort et quelle vie nouvelle celle-ci implique et nous nous consacrons d’une manière plus profonde — par un changement radical de nous-mêmes — à
Jésus Christ. La Pentecôte est le temps de la "troisième conversion", le temps du baptême et du feu de l’Esprit, l’entrée dans une vie d’union transformante avec Dieu. Il
n’est pas donné à tout chrétien de suivre cet itinéraire. Ce sont là cependant les étapes que l’année liturgique propose à notre effort [5].

LE PRÉCURSEUR

Le lendemain de Noël est consacré à la "synaxe" de la bienheureuse Vierge Marie : tous les croyants sont invités à s’assembler en l’honneur de celle qui a rendu
l’Incarnation humainement possible. De même, le lendemain de la Théophanie (7 janvier) est consacré à la "synaxe" de Jean le Précurseur, qui baptisa Jésus et le présenta
en quelque sorte au monde. Dans les chants des Vêpres et des Matines de cette fête, l’Église multiplie les louanges du Précurseur : "Ô toi qui est lumière dans la chair...
rempli de l’Esprit..., hirondelle de la grâce... qui est apparu comme le dernier des prophètes... et qui est le plus grand parmi eux...". La richesse même de ces louanges nous
rend peut-être difficile de discerner avec clarté ce que nous, hommes, avons à apprendre de Jean. Nous aurons, au cours de l’année liturgique, l’occasion de revenir sur la
personne et le ministère de celui qui fut non seulement le Précurseur et le Baptiste, mais l’Ami de l’Époux, le nouvel Élie, le martyr qui donna sa vie pour la loi divine.
Aujourd’hui, qu’il nous suffise de mettre en relief deux aspects du ministère de Jean indiqués par l’Évangile et l’Épître lus à la Liturgie.

L’Épître (Ac 19,1-8) raconte la rencontre de Paul, à Ephèse, avec des disciples qui n’avaient reçu que le baptême de Jean. Paul leur expliqua que Jean avait conféré au
peuple un baptême de pénitence, afin que le peuple crût en celui qui viendrait après Jean. Mais Paul baptisa ces Ephésiens au nom du Seigneur Jésus. Ces paroles de Paul
indiquent avec exactitude la grandeur et les limites du ministère de Jean. D’une part, nous devons recevoir de Jean le baptême de pénitence, c’est-à-dire écouter Jean nous
dire quelles sont les conditions d’accès au royaume messianique et nous laisser toucher par son appel au repentir. D’autre part, le baptême de Jean ne suffit pas. Nous
devons aller à Jésus lui-même. Nous devons être baptisés au nom de notre Sauveur et dans le Saint-Esprit. Il ne s’agit pas seulement ici des rites sacramentels. Il s’agit de
notre constante attitude intérieure. Je ne puis aller à Jésus si je n’ai pas écouté la voix de Jean et si je ne me suis pas repenti. Mais je ne puis pas m’en tenir à la repentance
prêchée par Jean : la nouvelle justice que je dois acquérir est celle que Jésus seul procure.

La nature de cette nouvelle justice se trouve indiquée dans l’Évangile lu à la Liturgie (Jn 1,29-34). Ce passage de l’Évangile, qui décrit le baptême de Jésus par le
Précurseur, commence par la phrase suivante : Voyant Jésus venir à lui, il dit : Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. Voici le deuxième aspect du ministère de
Jean. Non seulement Jean prêche la conversion et confère un baptême de pénitence, mais il nous montre Jésus en tant qu’Agneau de Dieu et propitiation pour toutes nos
fautes ; Jean déclare que Jésus accomplit ce que le baptême de pénitence ne pouvait faire : le Sauveur prend sur ses propres épaules le péché du monde et purifie ainsi les
hommes. Le ministère de Jean sera donc efficace pour nous s’il obtient ces deux résultats : d’abord nous stimuler au repentir ; puis nous montrer l’Agneau qui s’offre en
sacrifice pour réparer nos péchés. Le ministère, ou, comme nous pourrions dire, l’Évangile du Précurseur,a un troisième aspect qui nous sera révélé plus tard : la relation
entre l’Époux et l’ami de l’Époux. Mais cet aspect n’est pas encore explicité dans la fête de la Théophanie. Ce que la "synaxe" du Précurseur nous suggère aujourd’hui,
c’est ce brisement de coeur que doit être la repentance, et l’acte de foi par lequel nous chargeons de nos péchés l’Agneau de Dieu et faisons l’expérience intérieure de la
rédemption.

NOTES
[1] Les théologiens se sont demandés quelles étaient, du point de vue chrétien, la signification et la valeur du baptême de Jean. Ce baptême, cela est clair, se distinguait du
baptême chrétien et lui demeurait inférieur. D’autre part, il y avait dans le baptême de Jean autre chose et plus que dans le baptême juif des prosélytes et dans les
purifications de la loi mosaïque. C’était un rite temporaire et divinement inspiré, un rite de préparation messianique qui appartenait à la Nouvelle Alliance plutôt qu’à
l’Ancienne ; ce rite était impuissant à produire par lui-même la rémission des péchés, mais il provoquait les dispositions intérieures de pénitence et de justice qui obtiennent
directement le pardon. Il prédisposait au baptême en Christ.

[2] L’acte baptismal ne peut pas être renouvelé, mais la grâce baptismale peut demeurer, ou revivre, ou croître dans notre âme, même si l’élément matériel — ici l’eau —
ne joue aucun rôle. Un homme qui n’a pas reçu le baptême d’eau peut cependant recevoir la grâce baptismale (baptême de sang ou martyre, baptême de désir, explicite ou
même implicite). Il est remarquable que les Évangiles demeurent silencieux sur la question : les apôtres ont-ils été baptisés ? Où et quand ? Jésus, le souverain maître de la
grâce baptismale, ne conférait pas lui-même le baptême d’eau. Dans les rites de la Théophanie, l’eau bénite par l’Église, sans être la matière d’un sacrement, est
"sacramentelle" ; le contact avec cette eau peut nous aider à former en nous les dispositions intérieures par lesquelles nous raviverons la grâce de notre baptême. Mais nous
pouvons obtenir ce dernier résultat sans faire intervenir aucun signe matériel. Notre propre descente dans le Jourdain, à la Théophanie, peut se passer purement "en esprit".

[3] Le baptême a un symbolisme à la fois de vie et de mort, qui ne se manifeste complètement que dans le baptême par immersion. Le néophyte est plongé dans l’eau :
c’est la mort de la créature pécheresse. Le néophyte sort de l’eau : c’est la résurrection, la naissance à la vie nouvelle.

[4] Rappelons-nous la signification symbolique de la colombe, d’après l’Écriture. La colombe, dans l’histoire du déluge, représente la fidélité et la paix ; dans le Cantique
des Cantiques, elle représente l’innocence et l’amour ; dans l’Évangile, sa simplicité nous est donnée en modèle par Jésus. Des colombes pouvaient, selon la loi mosaïque,
remplacer un agneau pour le sacrifice, et telle fut l’offrande des parents de Jésus, lorsqu’ils le présentèrent au Temple : cette équivalence entre la colombe et l’agneau
prend, aux yeux du chrétien, un sens profond. De même que la colombe descendit du ciel vers le Jourdain, ainsi, lors de la création du monde, l’Esprit se mouvait sur les
eaux.

[5] Ce thème des trois conversions a été développé par plusieurs maîtres de la vie spirituelle. Quoiqu’il s’accorde dans l’ensemble avec le thème classique
des trois voies — vole de purification, voie d’illumination, vole d’union — il ne s’y superpose pas exactement.

Extrait du livre L'An de grâce du Seigneur ,


signé "Un moine de l'Église d'Orient",
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.

Étonnante est cette première manifestation publique de Jésus! Dans cet


épisode du début de sa vie, se révèle également la manifestation du Père et
de l’Esprit, d’où l’appellation de “Théophanie” à cette fête liturgique.
Une Théophanie, du grec théos “Dieu” et phainein “briller”, est une
manifestation visible de Dieu.
En recevant le baptême de Jean, Jésus nous ouvre la voie vers un esprit
filial. Lire l’icône du Baptême de Jésus sous cet angle trinitaire permet de
plonger dans le mystère de notre propre baptême.

Plongé dans l’eau


Jésus est debout dans le Jourdain. Dans l’icône de Novgorod (ci-haut), le
Jourdain n’est pas représenté comme une rivière ordinaire, mais plutôt
comme une grotte, rappel de la grotte de la Nativité et celle du tombeau
dans lequel Jésus sera enseveli. Le baptême est un passage par la mort vers
la vie. Rester sous l’eau causerait évidemment la mort; mais en ressortir
avec le Christ, l’Eau Vive, procure la vie en son Esprit.
Les petits personnages, en bas dans l’eau, représentent les forces de la mort,
terrorisées par l’annonce de leur défaite. Elles seront définitivement
vaincues par la mort et la résurrection du Christ. On retrouvera ces mêmes
personnages dans l’icône de la Descente de Jésus aux enfers.
« Voici l’Agneau de Dieu »
Jean Baptiste, debout à gauche de l’icône sur la rive du fleuve, baptise le
Christ, mais le désigne également avec sa main, comme il l’avait désigné à
ses disciples: « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du
monde » (Jn 1,29). Dans le récit biblique de Matthieu et de Jean, Jean
Baptiste est étonné du geste de Jésus. Il sait que Celui qui vient vers lui est
sans péché. Pourquoi vient-il donc recevoir son baptême? Jésus répond:
« Laisse faire: c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice »
(Mt 3,15).
Après son baptême, l’Esprit descendit sur lui et la voix du Père se fait
entendre: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Mt 3,17). Jean Baptiste avait
pleine conscience que son baptême dans l’eau n’était qu’une préparation à
la manifestation du Christ, qui lui, baptise dans l’Esprit Saint (Jn 1,31-33).
Et ce n’est qu’après sa résurrection, lors de la Pentecôte où le Christ donne
son Esprit, que son baptême devient effectif. Car l’Esprit Saint efface nos
péchés en nous prodiguant l’amour miséricordieux du Père obtenu par le
Christ. Et l’Esprit nous enseigne à appeler Dieu, « Père, Abba »! Il rétablit
cette confiance filiale brisée par le péché. Par le baptême, le lien avec notre
« vieil homme » est tranché, pour que nous vivions comme fils et filles du
Père. N’est-ce pas l’accomplissement de la vraie justice?
Baptême de Jésus de sr Jacqueline Poirier r.m.

Les anges
Les Évangiles ne parlent pas des anges au moment du baptême du Christ,
mais les mentionnent seulement à la fin du séjour de Jésus au désert: « Et
voici que des anges s’approchèrent de Jésus pour le servir » (Mt 4,11). À
droite sur cette icône, les anges sont en posture d’adoration et tiennent en
main les vêtements dont sera revêtu le Christ, prêts à l’accueillir à la sortie
des eaux. En langage iconographique, les anges représentent la création
invisible au service de son Créateur.

La montagne
La stylisation de la montagne en gradins, ainsi que l’absence de végétation,
exprime le désert de Judée. Un seul petit arbuste illustre l’arbre de vie
nouvelle qu’est le Christ, racine de Jessé.
L’ouverture de la montagne, rappel de la victoire du Christ sur
l’enfermement du péché, ouvre sur le ciel figuré par un arc de trois cercles,
duquel se détachent trois rayons, symboles des Trois Personnes de la
Trinité. Si Jean Baptiste reconnaît en Jésus, l’Agneau de Dieu, c’est grâce à
Celui qui l’a envoyé baptiser dans l’eau. L’on peut reconnaître le Père lui
ayant dit: « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui
qui baptise dans l’Esprit Saint » (Jn 1,33).
Ce jour-là, Dieu se montre tel qu’il est: le Père se fait entendre, Jésus entend
cette voix qui le désigne Fils grâce à l’Esprit sous forme d’une colombe, lui
ouvrant l’esprit pour entendre le Père. Demandons au Christ de nous donner
son Esprit afin que nous puissions aussi entendre le Père nous dire dans son
amour:
Celui-ci, celle-ci est mon fils, ma fille bien-aimé/e.

Le Baptême du Christ ou Théophanie


Fête le 6 janvier
« Dans le Jourdain
lorsque, Seigneur, tu fus baptisé,
à l’univers fut révélée la sainte Trinité;
en sa faveur
se fit entendre la voix du Père te désignant
comme son Fils bien-aimé;
et l’Esprit
sous forme de colombe
confirma
la vérité du témoignage.
Christ notre Dieu
qui t’es manifesté,
illuminateur du monde, gloire à toi. »
(Tropaire, t.1)I

Icône du Baptême du Christ


Le Christ se relève sur les rives du Jourdain, le fleuve qui descend des monts de l’Hermon et coule
entre Israël et la Jordanie pour se jeter dans la grande dépression de la mer Morte.
Pour l’Orient Chrétien, la fête du Baptême du Christ est plus importante que celle de la Nativité en
ce qu’elle est la grande Théophanie, pleine manifestation de la divinité du Christ.

L’iconographie
L’iconographie du Baptême du Christ est fidèle au texte des Evangiles.
En descendant dans les eaux du fleuve pour recevoir le baptême, une voix  venue des cieux le révèle
au monde comme le Fils de Dieu. La descente dans le  » Sépulcre liquide » du Jourdain annonce la
Descente aux enfers, et sa signification est identique.
Par sa mort, le Christ sauve l’homme et, dans la nudité de son corps, il se révèle comme le Nouvel
Adam.
Le paysage rocheux s’ouvre en un gouffre. Le Précurseur se penche vers le Christ, qui domine les
eaux et les sanctifie; à côté de Jean-Baptiste sont représentés un tronc et une cognée (image du
Christ) selon la prophétie d’Isaïe : « Déjà la cognée est proche de la racine de l’ arbre ». Trois
anges , image de la Trinité, les mains couvertes en signe de respect, sont prêts à recevoir le corps
dénudé du Christ comme s’il s’agissait de l’eucharistie.
Icône issues des 12 fêtes des tablettes de Novgorod XVème siècle.
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La Théophanie : Révélation du Dieu trinitaire fêté le 6 janvier
La fête de la Théophanie dans l’église orthodoxe est en rapport avec le baptême du Christ au
Jourdain et en constitue l’événement central. Jusqu’au 4ème siècle d’ailleurs, la Nativité et la
Théophanie se célébraient en même temps. Ce témoignage de l’Eglise primitive est toujours présent
dans l’Orthodoxie, car les douze jours séparant les deux fêtes apparaissent liturgiquement comme
une seule solennité, une sorte d’extension du temps que les Russes nomment d’ailleurs sviatki –
“les saints jours”. Pendant toute la durée de cette période, fait unique dans l’année liturgique,
toute forme de jeûne ou de pénitence est abolie, y compris les mercredis et les vendredis. Cette
unité est encore soulignée par la totale similitude de la structure liturgique des deux offices. Par
Son baptême, c’est véritablement Dieu qui Se manifeste au monde, Dieu dans Sa plénitude, Un et
Trine. « Dans Sa Nativité, le Fils de Dieu vint au monde de façon cachée, dans Son Baptême, Il
apparaît de façon manifeste » (saint Jérôme).

L’icône de la Théophanie
L’icône du baptême du Christ, dite icône de la Théophanie, exprime d’abord l’action de la Trinité
qui opère en Jésus. Pour le manifester le sommet de l’icône peut prendre des formes diverses.
Parfois un demi cercle symbolise les cieux qui sont ouvert par un rayon, parfois on voit la main de
Dieu. L’Esprit, sous forme de colombe, est porté par ce rayon de lumière qui vient du ciel. Ce
rayon se divise habituellement en trois branches qui signifient les trois personnes de la Trinité.

La descente dans le Jourdain : la bénédiction des eaux


En descendant dans le Jourdain le Christ sanctifie l’eau. Jésus est venu au Jourdain, a demandé
d’être baptisé, mais Lui le seul sans péché, n’avait pas besoin de baptême de repentance, mais
néanmoins en s’y soumettant et en descendant dans les eaux du Jourdain Il a sanctifié les eaux. Par
cet acte, toute la nature a été régénérée et le baptême prend un nouveau sens (mort et résurrection).
La bénédiction des eaux qui a lieu à la Théophanie renouvelle et actualise la sanctification des
eaux : le prêtre appelle l’Esprit Saint, plonge par trois fois la croix dans l’eau. Cette eau sainte est
très précieuse pour les fidèles, ils la boivent et l’emportent dans leurs maisons.
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La fête qui nous réunit en ce jour est la Théophanie du Seigneur: sa manifestation divine. Nous
célébrons que le Seigneur Jésus vint au Jourdain, qu’Il fut baptisé par Jean le Baptiste dans les
eaux du Jourdain, qu’au moment où Il sortit et monta de l’eau les Cieux se déchirèrent au-dessus
de Lui pour laisser passer l’Esprit Saint qui descendit sur Lui, tandis qu’une voix retentit qui disait:
“Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur”.
Ce n’est donc pas simplement le Baptême du Christ dont nous faisons mémoire mais le mystère tout
entier de sa personne – qui est une Théophanie – dont le Baptême proprement dit, geste rituel qui
relève du langage et de la symbolique des hommes, est le point de départ. Oui, la Théophanie est
bien un mystère et tout ce qu’elle touche, tout terrestre que cela puisse être, devient mystère aussi.
Car un mystère n’est pas seulement une chose secrète, mais un secret dans sa révélation, un secret
que se révèle à ceux qui l’accueillent avec foi et qui s’en font imbiber. Dans l’événement du
Baptême du Christ, le mystère de sa personne se donne en communion au monde à travers la
manifestation de la présence du Dieu-fait-homme au sein de sa propre Création. Nous ne célébrons
donc pas un événement ponctuel, le Baptême, ainsi que l’on célèbre un anniversaire. Non, dans la
mémoire du Baptême du Christ se rassemblent toutes les réminiscences bibliques ou non-bibliques
où l’eau, les cieux ouverts, l’Esprit de Dieu, une voix du ciel, une colombe ont joué un rôle dans
l’Histoire du Salut. Pensons, par exemple, au Livre de la Genèse où, après la création du ciel et de
la terre, l’Esprit de Dieu plane sur les eaux en une toute première Théophanie, annonce de l’oeuvre
créatrice de Dieu qui aboutira dans la création de l’homme, Adam, qui a toute la faveur de Dieu:
car “Dieu vit que c’était très bon”. L’Esprit de Dieu qui plane sur les eaux y apparaît donc comme
le principe d’harmonie entre le ciel et la terre, la présence divine qui est immanente à tout et dans
la force duquel toute créature dans le ciel ou sur la terre est façonnée. Dans l’histoire du déluge, la
colombe qui porte un rameau d’olivier à Noé dans l’arche est l’icône de la réconciliation entre
Dieu et les hommes: elle est la manifestation de ce que Dieu renouvelle sa présence au sein de sa
Création, qu’Il veut la restaurer en renouvelant son Esprit dans ses créatures. Lors du Baptême du
Christ les cieux se déchirent et l’Esprit de Dieu, le même qui planait sur les eaux, descend sur le
Fils de Dieu – qui est tout autant le Fils d’Adam – et le mystère de la présence de Dieu au sein de
sa propre Création est révélé à celui qui a des oreilles pour entendre et l’intelligence pour
comprendre: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur”. L’Esprit de Dieu, Force et
Sagesse divines, n’est pas une force brute ou primitive qui serait à l’œuvre, de façon mécanique,
dans le chaos, mais il est le principe de la Création, exécuteur de la Parole de Dieu, qui s’incarne
dans sa propre créature – dans l’homme – pour que celui-ci devienne pour ses co-créatures
Pneumatophore (‘transporteur’ de l’Esprit), Theotokos (‘enfanteur’ de Dieu) et Theophanie, icône
et présence de Dieu, immanence d’Être et d’Amour qui se communique.
Ce mystère de la Théophanie, nous l’avons célébré, de façon proprement sacramentelle, par la
bénédiction des eaux. Or, en Orient, un sacrement est appelé un ‘mystère’, indiquant que la
présence et la grâce divines dans les sacrements sont avant tout objet d’une révélation, d’une
théophanie, au sein de laquelle la grâce est répandue et l’Esprit de Dieu donnée en communion.
Nous nous sommes rendus près de l’eau et nous y avons lu les prophéties de l’Ancien Testament qui
la concernent et qui préparent notre entendement pour bien cueillir le sens du Baptême du Christ.
Ensuite, nous avons prié sur l’eau: nous avons loué Dieu pour sa Création et pour la Sagesse qui
se manifeste dans toutes ses œuvres; nous nous sommes rappelés la fête passée de la Nativité du
Christ et nous avons fait mémoire – nous nous sommes ‘insérés’ dans la mémoire – du Baptême du
Christ par Jean, pour que cette mémoire-ci soit l’étincelle qui allume le feu de notre prière et de
notre fête; nous avons béni l’eau, nous avons invoqué sur elle l’Esprit de Dieu qui est descendu et
qui l’a sanctifiée; comme Jean le Baptiste nous avons baptisé le Christ – nous avons immergé la
Croix dans l’eau – et ainsi le mystère du Christ tout entier, mort et ressuscité, monté au cieux, assis
à la droite du Père et qui reviendra dans la gloire mais qui dès à présent est au milieu de nous par
l’Esprit qui habite en nous, nous a précédé dans l’eau, s’est fait baptiser avec nous, nous a montré
que nous avons en partage le même Esprit de Dieu. Ensuite, nous avons été aspergé avec cette eau
du Baptême du Christ et de notre propre Baptême, nous en avons bu, nous en avons pris avec nous
pour continuer à en boire ou pour asperger à notre tour la part de la Création qui nous a été
confié; nous avons été confirmés et fortifiés dans notre être théophanique de Pneumatophore et de
Théotokos.
L’eau et le mystère ont beaucoup en commun: on pourrait dire que l’eau est le prototype du
mystère, du sacrement. En effet, comme l’eau garde sa consistance dans ses plus petites parties,
restant tout entier ‘eau’, ainsi le mystère est entièrement présent dans ses plus petites
manifestations. Il existe peut-être une foi petite et faible, mais le mystère est toujours le grand
mystère de Dieu qui s’est fait homme pour restaurer en l’homme l’image et la ressemblance de
Dieu. Tout comme l’eau, le mystère reste toujours entier, mais il se révèle et se communique à la
mesure de notre foi et de notre disponibilité. De la même façon, le Christ en qui nous avons été
baptisé est toujours le Christ tout entier, l’Esprit de Dieu qui habite en nous est toujours l’Esprit
tout entier, la mémoire dans laquelle nous sommes insérés est toujours la mémoire toute entière, la
vie qui est la nôtre est toujours la vie toute entière: le mystère ne peut pas être fractionné mais il est
manifesté en divers degrés de profondeur selon notre foi et notre disponibilité. Il n’y a pas de vie
insufflée par Dieu différente de celle de notre naissance, il n’y a pas de mémoire sur cette terre qui
n’est pas notre mémoire à nous tous, vivants maintenant ou déjà partis, pas d’événement qui ne
constitue pas notre histoire commune, il n’y a pas d’Esprit de Dieu autre que celui qui planait sur
les eaux, qui est descendu sur le Christ lors de son Baptême et qui nous a été donné en partage, il
n’y a pas de Christ en dehors de celui dans lequel nous avons été baptisés, dont nous sommes
devenus les membres et qui est notre Tête.
Seigneur, donne-nous la foi et la disponibilité pour que notre manifestation soit vraiment ta
Théophanie, pour que notre vie ne soit pas en dehors de la tienne, pour que notre mémoire ne soit
pas parallèle à la tienne. Renouvelle en nous, Seigneur, l’Esprit de Dieu pour que nous puissions
entendre la voix du ciel: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur”. Amen.
P. Thomas Pott

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