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UNIVERSITE DE TUNIS

INSTITUT SUPERIEUR DE GESTION

MEMOIRE DE MASTER PROFESSIONNEL


SPECIALITE
MANAGEMENT DES ORGANISATIONS SOCIALES ET SOLIDAIRES

Les entreprises sociales à l'épreuve de la crise sanitaire:


quels impacts sur l'agilité organisationnelle ?

SIRINE CHERIF

SOUS LA DIRECTION DE:

YASMINE BOUGHZALA, MAITRE ASSISTANT, ISG TUNIS


LOBNA SAIDI, PRESIDENTE, SHANTI

ASSOCIATION SHANTI

ANNEE UNIVERSITAIRE 2019/ 2020


1
Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de mon stage et qui m’ont
aidée lors de la rédaction de ce mémoire.

Je voudrais dans un premier temps remercier ma directrice de mémoire Mme Yasmine Boughzala,
pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils qui ont contribué à alimenter ma
réflexion.

Je remercie également toute l’équipe de SHANTI pour la merveilleuse année que j’ai passé avec eux.
Merci de m’avoir formé, de m’avoir accueillie, de m’avoir traitée comme membre de la famille dès le
premier jour et surtout, de m’avoir donné l’opportunité d’apprendre un peu plus sur notre beau
pays.

Je tiens à témoigner toute ma reconnaissance à ma famille et mes ami.es pour leur soutien constant
et leurs encouragements.

2
Sommaire

Introduction 5

Partie I 7

Concepts fondamentaux 7
Introduction générale 31

Partie II 36
Objectifs et méthodologie 36
Contexte de la recherche 39
Résultats et discussion 59

Conclusion 73

Liste des figures 75


Liste des tableaux 76
Bibliographie 77
Table des matières 81

3
4
INTRODUCTION

La découverte du coronavirus (SARS-Cov-2) et la propagation du Covid-19 ont poussé plusieurs


gouvernements à prendre des mesures contraignantes. Avec plus de 104,950,571 cas et 2,279,690
décès enregistrés le 4 février 2021 dans le monde entier, le confinement et la distanciation sociale
s’étaient imposés à notre quotidien, causant un choc exogène sur plusieurs acteurs du tissu
économique. Les économistes entrevoient le déclenchement d’une crise financière identique à l’année
2008 avec des pertes d’emplois et de faillites. Certaines entreprises ont su s’adapter à cette crise
sanitaire tandis que d’autres ont vu leurs activités freiner subitement.

Néanmoins, les organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS) et la société civile se


sont montrées proactives dès l’annonce des mesures particulières par le gouvernement et ont joué le
rôle de catalyseur entre les différentes parties prenantes. Comme tout autre acteur économique de la
société, ces organisations particulières ont dû subir elles aussi les conséquences de la propagation du
coronavirus.

L’entreprises sociale, une des diverses structures de l’économie sociale et solidaire, est une
entreprise hybride qui fait union entre l’utilité sociale et la durabilité économique avec la primauté de
la mission sociale. Elle peut opter pour l’un des plusieurs statuts juridiques selon ses besoins de
gestion. En Tunisie, les entreprises sociales prennent souvent la forme d’association, de coopérative,
de mutuelle ou de fondations. Avec la loi de l’ESS votée le 17 juin 2020, il est possible pour une société
d’avoir le statut d’entreprise sociale.

Comme toute structure de l’économie, les entreprises sociales subissent aussi les impacts de
la pandémie du coronavirus. Pourtant, les échos qu’on reçoit prouvent que ce type d’organisations
s’est, au contraire, prouvé être très résilient contre la crise sanitaire. En effet, les entreprises sociales
ont énormément contribué pour lutter contre le Covid-19.

Plusieurs initiatives portées par des associations ont vu le jour durant cette période. On a vu
des entreprises sociales contribuer à la fabrication et la distribution de masques hygiéniques dans les
régions, de combinaisons destinées au personnel soignant aux hôpitaux et à la sensibilisation des
populations sur le danger du virus. On les a aussi vu se mobiliser pour distribuer des aides aux familles
les plus vulnérables et même user de la technologie d’impression 3D pour fabriquer du matériel de
protection qui n’était pas aussi accessible en Tunisie comme il est ailleurs dans le monde.

Ces entreprises se sont très vite réadaptées aux nouvelles conditions de vie et se sont prouvées
être indispensables à leurs communautés locales. Elles étaient venues en aide à l’Etat déjà fragilisée
par le manque de moyens et la mauvaise gestion des gouvernants.

Mais comment est-ce qu’elles ont pu faire ça ? Comment est-ce que ces entreprises ont résisté
à l’impact du coronavirus et qu’est-ce qui a fait qu’elles se sont adaptées très rapidement au
changement de nos modes de vies ?

Dans ce mémoire, nous commencerons d’abord par définir notre cadre conceptuel. Nous
explorerons avec plus de détails le concept d’entrepreneuriat social, apparu au cours des années 90
en Europe et aux Etats-Unis. Ce phénomène international a suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs
en raison de ses particularités, surtout en ralliant entre mission sociale et gain économique.

Nous allons faire l’étude des entreprises sociales, évoquer ses caractéristiques
organisationnelles et ses pratiques de management particulières. Les entreprises sociales se
distinguent des entreprises classiques par leur mode de gestion des ressources, par leur gouvernance
qui est participative et par l’importance qu’elles accordent à l’impact social. Les entreprises sociales
5
sont aussi considérées innovantes non seulement pour les solutions qu’elles offrent à nos problèmes
de société moderne mais aussi dans leurs façons de faire avec ce qu’elles disposent.

Nous allons aussi caractériser le profil d’entrepreneur social, profil distinct de l’entrepreneur
classique qu’on connaît et dont les objectifs se limitent au gain et à la maximisation des profits.
L’entrepreneur social joue un rôle important au sein de sa structure. C’est grâce à sa présence et aux
valeurs qu’il porte et qu’il transmet aux autres que son entreprise puisse évoluer.

Dans la dernière partie du cadrage conceptuel, nous allons définir l’agilité organisationnelle,
concept récent introduit au cours des années 1990 et qui définit la capacité d’une entreprise de croître
dans un environnement turbulent et imprévisible. La définition de ce concept nous permettra de
comprendre les caractéristiques qui font qu’une entreprise puisse être réactive et flexible aux
fluctuations environnementales et par quelles mesures elle le fait.

Malheureusement, la littérature nous nous ne permet pas d’avoir des réponses par rapport à
la réactivité des entreprises sociales. Pour nous, l’objectif de cette recherche est d’étudier l’agilité des
entreprises sociales pour comprendre qu’est-ce qui a fait qu’elles soient parmi les structures les plus
résilientes durant la crise sanitaire que nous subissons. Quelles sont les caractéristiques qui ont fait
que ces entreprises soient agiles ?

Pour atteindre notre objectif, nous allons étudier les associations que SHANTI, une des
organisations sociales et solidaires les plus établies sur l’écosystème tunisien, accompagne à travers
son programme d’accompagnement des organisations de la Société Civile OBROZ. Nous présenterons
cette structure, sa mission et ses programmes avec plus de détails.

Nous avons mené une série d’entretiens avec 5 entrepreneurs sociaux qui nous ont permis de
voir comment leurs organisations ont été touchées par la crise sanitaire et comment elles avaient
réussi se réadapter. Nous avons aussi mené un entretien à part avec le co-fondateur de SHANTI sur
leurs pratiques optées pour faire face à la crise. En effet, on pouvait à peine ressentir l’impact de la
crise sur cette entreprise.

Nous allons ensuite analyser les résultats obtenus de ces entretiens, des rapports narratifs
d’OBROZ et de l’observation sur terrain qu’on avait pratiqué lors de la période de stage. Dernièrement,
nous allons essayer de tirer des conclusions, de sortir les caractéristiques qui constituent l’agilité et la
réactivité de l’entreprise sociale et de faire le lien avec la littérature.

Mots-clés : entreprise sociale, coronavirus, crise, agilité organisationnelle

6
PARTIE I:

1. Concepts fondamentaux

a. Entrepreneuriat social

Apparu au cours des années 90 en Europe et aux Etats-Unis, l’entrepreneuriat social est un
phénomène international qui se propose comme une nouvelle stratégie pour résoudre les problèmes
sociaux et économiques à travers un état d’esprit mettant l’Homme au cœur de l’économie et des
outils de gestion adaptés.

Depuis longtemps maintenant et partout à travers le monde, des entrepreneurs montent des
projets et des entreprises en cherchant avant tout à combler des besoins sociaux insatisfaits. Ces
entrepreneurs démontrent qu’il est possible d’entreprendre tout en poursuivant un objectif social : ce
qui les fait avancer n’est pas la recherche d’un rendement maximal pour les actionnaires mais la
réalisation de la mission sociale qu'ils se sont donnée.

Plusieurs cas d’entreprises sociales se multiplient dans tous les secteurs : santé, éducation,
chômage...etc., aussi bien dans les pays développés que les pays en développement. L’entrepreneuriat
social est en croissance autant que l’entrepreneuriat classique et provoque ainsi une grande mutation
au niveau de l’économie. On peut remarquer l’émergence de nouveaux secteurs, la naissance de
nouveaux modèles d’affaires, l’allocation de ressources par le secteur public et le secteur privé pour la
résolution de problèmes sociaux…etc.

La notion d’entrepreneuriat social apparaît en Amérique du Nord, plus précisément aux Etats-
Unis à travers le lancement de la « Social Entreprise Initiative » à Harvard Business School en 1993. Le
concept continue à se développer des deux côtés, en Europe et en Amérique du Nord.

En Europe, l’entrepreneuriat social s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire et prend racine
dans la tradition coopérative des débuts de 1990. En effet, l’Italie, dans un contexte récession
économique, crée un statut spécifique de « coopératives de solidarités sociales » qui se développent
rapidement pour répondre aux besoins mal satisfaits par les services publics. C’est ensuite que de
nouvelles dynamiques entrepreneuriales à finalité sociale émergent dans d’autres pays européens
(AVISE, 2018).

L’entrepreneuriat social continue à se répandre partout dans le monde. La notion connaîtra


un vrai succès qui sera trônée en 2006 par le prix Nobel accordé à Muhamed Yunus, entrepreneur
social et inventeur du microcrédit pour lutter contre la pauvreté.

On peut appréhender l’entrepreneuriat social comme une prolongation du domaine de


l'entrepreneuriat, il constitue en effet un domaine particulier qui se distingue de l’entrepreneuriat
classique (Almog-Bekeret, 2012).

Selon S. Bacq et F. Janssen, l'entrepreneuriat social est le processus d'identification,


d'évaluation et d'exploitation des opportunités visant à la création de valeur sociale au moyen
d'activités commerciales basées sur le marché et de l'utilisation d'un large éventail de ressources (S.
Bacq & F. Janssen, 2011).

Il existe deux écoles différentes donnent deux approches distinctes de l’entrepreneuriat social
: une approche anglo-saxonne et une approche européenne.

7
TABLEAU 1- APPROCHES ANGLO-SAXONNE ET EUROPÉENNE DE L'ENTREPRENEURIAT SOCIAL
Approche anglo-saxonne Approche européenne
Cette approche stipule que les entreprises Selon l’approche européenne, l’entrepreneuriat
sociales sont le fruit de l’évolution des social est un des dérivés d’un concept plus
associations. Cherchant l’indépendance vis-à-vis global : l’économie sociale et solidaire.
du secteur public limitant, elles développent En France, l’entrepreneuriat social prend
elles-mêmes de façon novatrice des activités plusieurs autres formes que celui de l’entreprise
marchandes pour répondre ainsi à leurs besoins sociale : entreprises d’insertion, entreprises
de financement. adaptées aux personnes handicapées, nouvelles
Cette approche valorise la professionnalisation formes de coopératives (Scic, coopératives
de la gestion des associations pour faire face à d’activité et d’emploi), services aux personnes,
la rude compétitivité du marché aux Etats-Unis. activités liées aux champs de l’environnement et
Cette notion se développera plus tard pour de la solidarité… (AVISE, 2020).
donner naissance au terme « Social Business » Ces formes diverses s’inscrivent comme faisant
développé par Muhamed Yunus. Selon lui, le partie du tiers secteur, le secteur qui a émergé
Social Business fournit des biens et des services suite aux échecs du secteur public et du secteur
à un segment du marché souvent oublié par les privé pour répondre aux besoins insatisfaits de
entreprises classiques : the bottom of the la société.
pyramid. Selon l’approche européenne, une entreprise
Muhamed Yunus pense, que grâce au Social sociale est « une activité commerciale ayant
Business, les populations les plus pauvres essentiellement des objectifs sociaux et dont le
peuvent eux aussi intégrer le marché auquel surplus sont principalement réinvestis en
elles n’avaient pas accès auparavant. fonction de ses finalités dans l’activité ou dans la
L’entreprise sociale, dans l’approche anglo- communauté plutôt qu’en fonction d’un besoin
saxonne, doit se soumettre aux règles du de maximisation des profits pour des
marché et ainsi produire de la richesse pour actionnaires ou des propriétaires » (Hewitt,
couvrir ses charges, assurer sa durabilité et 2020).
réaliser sa mission sociale. L’EMES1 propose des indicateurs pour
Elle opère comme une entreprise classique et caractériser l’entreprise sociale basé sur le
doit ainsi permettre aux investisseurs de projet économique (prise de risque
récupérer leur capital initial. Elle peut aussi économique), la primauté de la finalité sociale et
réinvestir les bénéfices dégagées pour renforcer un mode de gouvernance participatif (un
son impact social sur la société. homme = une voix, un degré élevé d’autonomie,
Le courant anglo-saxon met aussi l’accent sur des parties prenantes impliquées, processus de
l’importance de l’innovation sociale comme décision non fondé sur la propriété du capital).
moteur de changement et de développement L’entreprise sociale est donc considérée comme
des Social Businesses. une entité économique qui mobilise un
L’innovation sociale est définie comme de ensemble de ressources matérielles et humaines
nouvelles solutions apportées aux besoins dans un cadre collectif pour résoudre un
sociétaux. Elle peut apparaître dans n’importe problème social.
quel secteur (public, privé capitaliste, privé non La gouvernance participative est un critère
lucratif). prévalent dans l’approche européenne de
Dans un marché concurrentiel, il est important l’économie sociale et solidaire, chose qui n’est
pour les entreprises sociales d’être innovatrices pas très vue dans l’approche anglo-saxonne. Il
dans leur manière à aborder le changement est très important d’impliquer toutes les parties
social qu’elles souhaitent réaliser. prenantes concernées dans la conception et le
L’innovation et l’impact social sont au cœur de développement de l’entreprises sociale.
cette approche.

1
Réseau Européen EMES : premier programme de recherche sur l’émergence des entreprises sociales 1996-
2020.
8
La conception anglo-saxonne considère que EMES met en avant les interactions entre les
l’innovation sociale se propage grâce à la entreprises sociales et les politiques publiques.
croissance de l’entreprise dans une perspective Les entreprises sociales apportent parfois des
de changement d’échelle. réponses novatrices à des problèmes sociaux et
les politiques publiques peuvent constituer dans
ce cas un canal majeur de diffusion de
l’innovation.

Ces deux approches de l’entrepreneuriat social, quoique très proches, divergent clairement
sur certains points tels que la question de la gouvernance, la diffusion de l’innovation et la conception
du risque. L’approche européenne prône la gouvernance participative, là où chaque « homme = une
voix » alors que dans l’approche anglo-saxonne, l’entreprise sociale adopte plutôt une gouvernance
plus ou moins classique et capitaliste. La conception du risque aussi diffère puisque le marché anglo-
saxon est beaucoup plus concurrentiel et libéral que le marché européen : la viabilité de l’entreprise
grâce à la vente des produits apparaît comme un point majeur.

Ce qui distingue l’entrepreneuriat social de l’entrepreneuriat classique est la prédominance du


besoin de créer de la valeur sociale plutôt que de la valeur économique (Santos, 2012). Le phénomène
de l'entrepreneuriat social remet en question les hypothèses sur le comportement humain et l'action
économique, il remet en question nos croyances sur le rôle de l’entrepreneuriat dans la société.
L’entrepreneuriat social est un processus d’innovation qui est basé sur la création de valeur et opère
par ses propres règles et logique (Santos, 2012).

Adam Smith définit le capitalisme comme une main invisible qui opère notre système
économique. L’entrepreneuriat social met en marche une deuxième main invisible de ce système, une
qui est basée sur le bien-être des autres plutôt que l’intérêt individuel (Santos, 2012).

On peut donc considérer l’entrepreneuriat social comme étant une opportunité pour la société
pour transformer un besoin social en une entreprise sociale durable. Il constitue en sortes un
mouvement social dont la finalité est l’émancipation de tous et permet ainsi d’intégrer les populations
pauvres dans le marché mondial des marchandises.

b. Entreprise sociale

Dans ce contexte d’émergence et de développement de l’entrepreneuriat social, un nouveau


type d’organisation naît : l’entreprise sociale.

Une entreprise sociale est une organisation qui fait du commerce, non pas pour un gain privé,
mais pour générer des externalités sociales et environnementales positives (Santos, 2012).

Les définitions de l’entreprise sociale sont nombreuses et différent d’une approche à l’autre.
Par exemple, aux Etats-Unis, le discours sur l'entreprise sociale est dominé par des approches fondées
sur le marché pour la génération de revenus et le changement social (Nyssens et Defourny, 2010). En
Europe, l'entreprise sociale s'inscrit dans la tradition coopérative de l'action sociale collective (Nyssens
et Defourny, 2010)

Ces définitions nous permettent de tirer deux caractéristiques propres à l’entreprise sociale.
La première étant l’adoption d’une certaine activité commerciale pour générer des revenus et la
deuxième est la poursuite d’une mission sociale.

L’émergence et la multiplication des entreprises sociales peut être expliquée par quatre
tendances sociales, économiques et politiques :
9
 Des organisations, auparavant très dépendantes des dons philanthropiques,
cherchent dorénavant plus d’indépendance économique et plus de sources de revenus
(Dees, 1998).
 De nouveaux modèles de prestation de services publics ont créé des opportunités sur
le marché pour les nouveaux entrants dont les entreprises sociales (Bob Doherty,
2017).
 L’intérêt naissant pour des systèmes économiques alternatifs et des nouvelles formes
de capitalisme a orienté l'attention et les ressources vers le potentiel de marché des
entreprises sociales (Bob Doherty, 2017).
 Les politiques pour répondre aux déficiences du système économique actuel et à la
montée des inégalités dans les sociétés se tournent de plus en plus vers les entreprises
sociales comme une solution à l'échec du marché (Bob Doherty, 2017).

Dans les chapitres qui suivent, on définira d’avantage les caractéristiques et les pratiques de
management d’une entreprise sociale et l’innovation sociale.

i. Caractéristiques organisationnelles

Le réseau EMES est parvenu à dégager neuf caractéristiques principales que l’on retrouve en
tout ou partie dans chaque entreprise sociale. Elles se répartissent en trois sous-ensembles avec trois
indicateurs pour chaque dimension (Nyssens et Defourny, 2010).

TABLEAU 2- CARACTÉRISTIQUES D'UNE ENTREPRISE SOCIALE COMME DÉFINIE PAR EMES (NYSSENS ET DEFOURNY,
2010)
Dimension Economique 1. La production continue de biens et/ou la prestation
continue de services constitue(nt) l’activité principale de
l’entreprise sociale.
2. L’entrepreneur social assume un niveau significatif de prise
de risque économique. Sa viabilité financière dépend des
efforts de ses salariés.
3. Bien qu’elle puisse faire également appel à des ressources
non monétaires et à des bénévoles, l’activité de l’entreprise
sociale repose sur un niveau minimum d’emploi rémunéré.
Dimension Sociale 4. L’un des principaux objectifs de l’entreprise sociale est le
service au public ou à un groupe spécifique de personnes.
5. L’entreprise sociale est le fruit d’une dynamique collective,
initiée par les membres d’un groupe ou d’une communauté
partageant un besoin ou un objectif précis.
6. Les bénéfices obtenus par l’entreprise sociale ne sont pas
(modèle associatif), ou seulement de manière limitée
(modèle coopératif), redistribués vers ses membres mais
réinvestis dans le développement de l’activité économique
et de l’objectif social qui la sous-tend.
Structure de gouvernance 7. L’entreprise sociale appartient à son ou ses fondateur(s) et
bénéficie d’un haut degré d’autonomie. Elle n’est dirigée ni
directement ni indirectement par les pouvoirs publics ou
une organisation privée tierce.
8. Le pouvoir de décision au sein de l’entreprise sociale n’est
pas fondé sur la détention de capital mais est
équitablement partagé entre ses membres selon le principe
« un membre, une voix ».
10
9. L’entreprise sociale promeut la représentation et la
participation démocratique de ses usagers ou de ses clients
au processus de décision.

Ces indicateurs peuvent être utilisés pour identifier les nouvelles entreprises sociales
émergentes et désigner les organisations sociales qui se sont transformées à travers des dynamiques
internes en des entreprises sociales.

Un tableau comparatif entre les caractéristiques d’une entreprise sociale et celle d’une
entreprise classique nous permettra de mieux comprendre les particularités de l’entreprise sociale.

TABLEAU 3- COMPARAISON ENTRE ENTREPRISE CLASSIQUE ET ENTREPRISE SOCIALE


Entreprise Classique Entreprise Sociale
 La mission principale d’une entreprise  Contrairement aux entreprises
classique est la maximisation des profits commerciales dont l’objectif essentiel
et des gains pour les actionnaires. La est le profit, les entreprises sociales
finalité est la rémunération des s’efforcent de parvenir à des
actionnaires et du capital. transformations sociales qui vont au-
 Les entreprises classiques font partie du delà de problèmes primaires. L’impact
secteur privé à but lucratif (Almog- social devient le critère central à la place
Bekeret, 2012). de la génération de capital (Almog-
 Les valeurs de l’entreprise classique sont Bekeret, 2012). La finalité est la justice
fondées généralement autour de la sociale.
compétitivité, l’innovation, la conquête  Les entreprises sociales représentent en
des marchés…etc. fait la société civile et sont un
 Le modèle de gouvernance des intermédiaire entre le secteur étatique
entreprises classiques est actionnarial. et le secteur privé (Almog-Bekeret,
Une hiérarchie « top-down » est très 2012).
commune dans ce type d’entreprises.  Les valeurs d’une entreprise sociale sont
Les actionnaires sont appelés « généralement liées à une sensibilité par
shareholders » et l’entreprise se doit de rapport aux injustices sociales, la
redistribuer le capital à ces actionnaires solidarité, le bien-être de tous et des
(Younès et al., 2016). génération futures (Social Enterprise
 Les investissements des actionnaires et Knowledge Network, 2006).
les profits générés par l’activité  L’entreprise sociale adopte le modèle de
commerciale de l’entreprise classique gouvernance participatif. Le terme «
permettent à celle-ci d’évoluer dans le shareholders » est remplacé par «
marché. stakeholders », c’est-à-dire parties
 Les entreprises classiques n’ont pas prenantes qui sont impliqués dans le
besoin de répondre à des problèmes processus de décisions. L’entreprise
sociaux mais peuvent quand même sociale est redevable auprès de toutes
adopter des stratégies de responsabilité ses parties prenantes et pas uniquement
sociétale et environnementale (RSE) aux actionnaires comme c’est le cas pour
pour assurer le bien-être de leurs les entreprises classiques. La
employés et/ou de leur clientèle cible. collaboration et la participation priment
(Younès et al., 2016).
 Le financement des entreprises sociales
est particulier. Comme la finalité de
celle-ci est sociale et que les gains
financiers sont limités et rapidement

11
réinvestis pour assurer la continuité de
l’entreprise, des mécanismes de
financement différents sont mis en
place. La contrainte économique est
souvent relevée grâce aux fonds acquis à
travers des fondations, des subventions
publiques, d’appels aux dons…etc.
(Almog-Bekeret, 2012)
 Les entreprises sociales doivent faire
preuve d’un idéal moral qui associe la
préoccupation et l’empathie pour les
plus faibles à l’éthique et à l’intégrité
(Almog-Bekeret, 2012).

Les entreprises sociales ont donc des caractéristiques très différentes des entreprises
classiques et commerciales. La caractéristique la plus distinctive reste la double vocation sociale et
économique : la production d’une valeur économique et d’une valeur sociale en même temps.

Les entreprises sociales se soumettent aussi aux lois du marché et s’autorisent donc à utiliser
des outils de gestion performants et de manière légitime (Almog-Bekeret, 2012) ce qui leur permet de
piloter leurs stratégies et d’assurer leur survie sur le long terme.

Selon S. Bacq et F. Janssen, une entreprise sociale doit répondre à trois critères. Premièrement,
sa mission sociale doit être explicite et centrale. Elle peut être initiée par des citoyens, individuellement
ou en groupe. Deuxièmement, son orientation marché doit être cohérente avec sa mission sociale. Elle
prend la forme d'une activité productive continue de biens et/ou de services qui génèrent un revenu
d'activité. Troisièmement, les entreprises sociales ne doivent pas être définies par leur cadre juridique.
Certaines formes d'entrepreneuriat social peuvent être trouvées dans le secteur privé à but lucratif et
dans le secteur public (S. Bacq & F. Janssen, 2011).

Dans le chapitre qui suit, on se permet d’explorer plus les pratiques de management des
entreprises sociales.

ii. Pratiques de management

Une étude collaborative menée par le Social Enterprise Knowledge Network (SEKN)2 nous
permet de mieux comprendre les pratiques de management des entreprises sociales.
Le processus de recherche a été guidé par un cadre général composé de ce qui est considéré comme
les principaux facteurs sous-jacents à la gestion des entreprises sociales. Le cadre général se consiste
en 4 éléments (Social Enterprise Knowledge Network, 2006) :

 Objectif : L'objectif principal de l'entreprise sociale est de créer de la valeur pour


l'amélioration de la société. Cet objectif est au centre de ce cadre et est la fin vers
laquelle tous les autres éléments du cadre doivent y contribuer. Un alignement
optimal de ces éléments avec l'objectif central produit une plus grande cohérence
organisationnelle qui contribue à une performance supérieure de l’entreprise sociale.

2
SEKN est un réseau académique intégré par les principales écoles de commerce d'Ibéro-Amérique dont le but
est de générer et de diffuser des connaissances sur les initiatives d'entreprise et sociales inclusives et durables
en Ibéro-Amérique.
12
 Pilotes d’intégration : La recherche indique 3 composantes qui ont pour rôle primaire
de créer une cohérence organisationnelle avec l’objectif social de l’entreprise : le
leadership, la stratégie et la culture organisationnelle.

 Mécanismes d’implémentation : La recherche a identifié des pratiques dans 5


différents domaines de management qui sont considérées vitales pour la mise en
œuvre de la stratégie de l’entreprise sociale : structure organisationnelle et processus,
gestion des ressources humaines, finance, gouvernance and la mesure de la
performance.

 Forces de contextualisation : Le contexte dans lequel opère l’entreprise sociale crée


des opportunités et des menaces. La performance de celle-ci est définie par sa capacité
à comprendre et à s’adapter aux dynamiques politiques, sociales, économiques,
environnemental et démographiques du contexte dans lequel elle s’inscrit.

SEKN se focalise dans cette étude sur ce qu’elle appelle les pilotes d’intégration (le leadership,
la stratégie et la culture organisationnelle) et les mécanismes d’intégration ou pratiques de gestion
(structure organisationnelle, gestion des ressources humaines, financement, gouvernance et la
mesure de performance).

TABLEAU 4- PRATIQUES DE MANAGEMENT DES ENTREPRISES SOCIALES (SOCIAL ENTERPRISE KNOWLEDGE NETWORK,
2006)
Leadership Le leadership joue un rôle très important dans les entreprises
sociales. C’est à la fois un set de skills, de rôles et de tâches que
doivent ajuster au fur et à mesure les entrepreneurs au sein de
leur organisation pour que celle-ci puisse voir le succès.
Le style de leadership évolue avec l’entreprise social.
Au stade initial, les entreprises sociales sont généralement
fondées par une seule personne qui devient souvent le
manager du projet en mobilisant des ressources pour mettre
en œuvre son idée, utilisant son réseau de contacts et sa
position hiérarchique. Pour réussir cette étape, le leader se doit
d’être un entrepreneur. Le style de leadership opté ici est
charismatique ; l’entrepreneur social aura besoin de mobiliser
les parties prenantes concernées et les bailleurs de fonds
nécessaires pour lancer son idée.
Une fois l’entreprise sociale mise sur les roues, son leader se
doit d’institutionnaliser ses initiatives sociales pour s’assurer
que son organisation reste viable même après son retirement.
Le style évolue pour être plus directif, le leader devra
construire une équipe motivée, développer la structure et
garantir la durabilité économique de son organisation. Il doit se
doter de la capacité à motiver et à harmoniser les autres autour
de sa vision sociale.
L’organisation pourra ainsi continuer à se développer et à
s’agrandir de plus en plus. Le pouvoir devra donc se
décentraliser plus et le leader doit déléguer à autrui le
management de l’organisation. Il adopte un style de leadership
participatif et donne la chance aux nouveaux leaders de diriger
l’entreprise sociale qu’il a créé.

13
Stratégie La stratégie établit à travers des objectifs, des politiques et des
plans ce que l'organisation est et veut être, ainsi que le type
d'entreprise ou d'activité dans laquelle elle veut être.
La particularité de l'entreprise sociale est qu'elle vise à créer
valeur sociale. Une proposition de valeur claire doit indiquer à
la fois qui l'entreprise sert et comment elle les sert. Cela
déterminera en grande partie la stratégie de l’entreprise
sociale.
Adopter une stratégie qui s’aligne avec les valeurs et les
compétences de l’organisation permet à celle-ci d’avoir des
caractéristiques propres à elle qui lui permettent d’avoir des
avantages compétitifs sur le marché.
Par contre, une faiblesse des organisations sociales est leur
instabilité dans l’orientation stratégique. Ceci est
généralement causé par leur manque de ressources financières
et le fait que leur mission principale est sociale.
Le manque de ressources financières oblige souvent les
organisations sociales à revisiter leurs stratégies. Elles doivent
assurer leur survie en tant qu’entités sans oublier leur raison
d’être et assurer une certaine consistance entre la stratégie, la
mission et les ressources disponibles.
Le fait que certaines entreprises sociales dépendent des
financements externes les poussent à altérer leurs stratégies
pour satisfaire les besoins des bailleurs de fonds. Pour assurer
la survie de l’entreprise, le leader est souvent confronté à
l’obligation de faire plus attention à l’aspect commercial qu’aux
fins sociales.
Se doter d’une vision à long terme augmente les chances de
succès de l’entreprise sociale. Cette vision doit être adaptée
sous la forme d’un planning stratégique tout en gardant une
relation dynamique avec l’environnement et en intégrant les
parties prenantes dans la réflexion stratégique.
Un autre élément stratégique important pour l’entreprise
sociale est la création d’un avantage concurrentiel durable en
créant une synergie entre la création de valeur sociale et valeur
économique et en renforçant les liens avec ses salariés, ses
bénéficiaires, ses fournisseurs et sa communauté locale. Cet
avantage peut aussi être atteint en diversifiant les sources de
revenus ou en créant des services innovants pour les
communautés.
Il est aussi important de définir le périmètre d’activités de
l’entreprise sociale, ceci lui permet de ne pas rajouter des
activités secondaires qui ne font pas partie de la mission sociale
définie et de ne pas perdre en vue la stratégie de
développement de l’organisation.
Culture organisationnelle La culture est un élément clé pour comprendre la performance
de tout type d’organisation. Elle se manifeste à travers les
comportements des employés dans l’espace de travail et dans
la relation entre les managers et leurs équipes.
La culture dans les entreprises sociales se base souvent sur des
valeurs liées à la religion ou un sens développé d’humanité. Le

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projet social est souvent déclenché par l'indignation face à
l'injustice sociale, ainsi que par la mobilisation autour d'un
ensemble d'idées ou de visions du monde partagées. Certaines
valeurs se solidifient au cours de l’évolution de l’entreprise
tandis que d’autres deviennent moins importants et finissent
par disparaître dans le temps.
Les valeurs portées par l’organisation sociale ; telles que la
solidarité, l’éthique, la confiance, la transparence, la
mobilisation pour la justice sociale et/ou environnementale ;
contribuent vastement à sa survie, les encouragent à adopter
une performance efficiente dans le temps en gérant et en
communiquant les changements organisationnels aux
concernés.
La gestion des entreprises sociales révèle deux modèles
culturels prédominants: l'informalité dans les opérations
quotidiennes et la participation active aux réseaux
d'organisations sociales. Tous deux reflètent une
compréhension selon laquelle des structures de gestion trop
rigides ne conviennent pas à ce type d'organisation au quelle
les gens s'identifient en raison des idées et des valeurs
partagées inhérentes à la cause à laquelle elle se consacre.
La culture organisationnelle de l’entreprise sociale influence
son mode de communication interne (avec ses salariés, ses
volontaires…etc.) et externe (bénéficiaires, bailleurs de
fonds…etc.) et son mode de prise de décisions qui peut être
centralisé si le leader est autoritaire ou décentralisé quand un
mode de gestion participatif est mis en place.
La culture organisationnelle peut être gérée dans les
entreprises sociales à travers l’influence positive du leader,
l’amélioration des canaux de communication et le
développement de systèmes de mesures de performances
pour les parties prenantes. Une bonne gestion de la culture
permet à l’entreprise d’atteindre une phase de maturation qui
ensuite, lui permettra d’améliorer sa performance et d’aligner
plus ses objectifs sociaux et économiques.
Gestion des ressources humaines L'un des plus grands défis auxquels sont confrontées les
entreprises sociales est de renforcer leurs ressources
humaines. Travailler avec diverses parties prenantes nécessite
des capacités personnelles et des compétences qui doivent
être développés au fil du temps afin que, à mesure que
l'organisation acquiert de l'expérience, ces compétences sont
transférées à tous les employés et deviennent des capacités
organisationnelles.
Les entreprises sociales ayant maîtrisé la gestion de leurs
ressources humaines atteignent des niveaux élevés de
performance.
La gestion des ressources humaines se divise en trois
composantes :
 Le processus de recrutement, de rétention et de
développement qui permet de créer des équipes

15
expertes dans le développement des entreprises
sociales.
 Le développement des compétences : rassembler des
personnes ayant des compétences de gestion avec des
personnes dont les compétences sont liées à l'action
sociale dans un cadre d’échange de compétences.
 Mécanismes organisationnels qui promeuvent
l’apprentissage organisationnel de l’entreprise sociale
qui renforcent la conscience individuelle et collective
sur l’importance de la création de valeurs sociale et
économique.
Pour les entreprises sociales, l’être humain est au cœur de sa
stratégie sociale. Le capital humain est donc très important. Le
recrutement s’effectue généralement en se basant sur les
valeurs de l’organisation. En effet, il est important de recruter
des personnes qui s’identifient aux valeurs portées par
l’entreprise pour améliorer les performances de cette dernière.
Le volontariat est particulièrement très développé au sein des
organisations sociales. En effet, par manque de ressources
financières et donc dans l’incapacité de recruter du personnel
qualifié, elles recourent au recrutement de volontaires
motivées par la cause sociale portée par l’organisation.
Certains de ces volontaires finissent souvent recrutés par
l’entreprise une fois leurs compétences améliorées à travers
les programmes de développement de compétences mis en
place par l’entreprise.
Pour atteindre cet objectif sans menacer sa survie, l’entreprise
doit créer un équilibre entre le recrutement des personnes
ayant des compétences en gestion et d’autres plus douées
dans tout ce qui en rapport avec le travail social.
L'une des conclusions les plus significatives concernant la
gestion des ressources humaines dans les entreprises sociales
est la capacité des organisations à mettre en place des
politiques innovantes qui ne nécessitent pas obligatoirement
un investissement de ressources importantes, mais qui
reflètent le penchant de l'organisation à valoriser les personnes
avec lesquelles elle travaille et cherche à développer leurs
compétences afin que leurs contributions à l'organisation soit
valorisée.
Finance La mobilisation des ressources financières pour une entreprise
sociale peut être décisive. Le terme « financement » réfère à la
mobilisation des ressources financières nécessaires pour
l’implication sociale. Ces ressources constituent le moyen par
lequel les entreprises sociales atteignent leur objectif
principal : la création de valeur sociale.
Il existe plusieurs mécanismes de financement qu’on peut
classifier dans deux catégories majeurs : le financement par le
biais du marché et le financement par des moyens hors du
marché.
Le financement basé sur le marché utilise des moyens de
financement tels que : vente de biens et de services au grand

16
public, paiement des bénéficiaires de l'entreprise sociale et le
marketing lié à la cause.
Le financement qui n’est pas basé pour une approche marché
utilise des moyens tels que : les donations, les ressources
publiques (crédits, subventions, contributions…etc.) et
l’utilisation d’un budget interne.
Les entreprises sociales sont souvent confrontées à la
dépendance au financement et/ou la diversification des
sources de financement.
Les deux options peuvent présenter des opportunités et des
menaces aux organisations sociales. La diversification des
ressources financières est généralement la stratégie préférée
des entreprises sociales puisqu’elle lui rapporte de la stabilité,
même si elle n’est pas souvent sans risques.
La dépendance financière pour les entreprises sociales réfère à
un nombre limité de mécanismes et de ressources financières.
Cette limite présente une faiblesse et un risque considérable
pour cette dernière. En effet, un nombre limité de ressources
financières veut généralement dire que l’entreprise a un
potentiel d’action très limité et peut donc conduire à la faillite
de cette entreprise. Elle peut aussi conduire à la déviation de
l’entreprise de sa mission sociale initiale.
La diversification des ressources financières a été reporté
comme étant une meilleure option pour une meilleure
performance des organisations sociales.
Une stratégie de financement durable combine entre la
diversification des ressources et la minimisation de la
dépendance envers une seule source, réduisant ainsi la
vulnérabilité de l’entreprise.
La génération de ressources par le biais marché présente
plusieurs bienfaits pour une entreprise sociale. Elle permet de
créer une synergie permettant à l’entreprise de profiter
pleinement de ses compétences clés et de ses ressources pour
atteindre sa mission sociale. Elle permet aussi de créer un
surplus financier qui peut être réinvesti dans l’entreprise. Les
servies et les biens offerts par cette dernière sont donc de
meilleure qualité dans un milieu assez compétitif.
Pour d’autres entreprises incapables de recourir au marché, les
moyens de financement qu’elle opte pour lui permettent de
mobiliser des ressources locales et internationales
(financement public ou privé, donateurs ou bailleurs de fonds).
Ceci peut présenter un avantage en termes de support et de
transfert du savoir mais peut présenter des limites à
l’entreprise qui doit subir les règles imposées par le financeur.
La dépendance consiste donc une menace sur le long terme
plutôt qu’un avantage pour l’organisation sociale et peut nuire
à sa capacité de survie.
Gouvernance La gouvernance, le leadership et le management figurent parmi
les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises
sociales. Plusieurs études de recherche révèlent que les
conseils d'administration jouent un rôle crucial dans le succès

17
des entreprises sociales, car ils fournissent une direction
stratégique, un contrepoids au pouvoir des personnes en
charge de la mise en œuvre du programme et une vision qui à
la fois inspire et guide les personnes impliquées et mobilisées
pour soutenir ces entreprises
Le terme « gouvernance » est associé à deux sens différents:
l'un qui se rapporte à la définition de qui a la responsabilité
finale et est légalement autorisé à prendre des décisions et à
clarifier les droits et devoirs de l'entité, et l'autre qui se
concentre sur la répartition du pouvoir réel de prendre les
décisions fondamentales d'une organisation. Le rôle des
organes de gouvernance implique de prendre les décisions
fondamentales qui déterminent les buts, les stratégies et les
objectifs des organisations, ainsi que de permettre l’allocation
de leurs ressources collectives pour atteindre ces objectifs.
Une vaste bibliographie fait référence aux responsabilités de
gouvernance des organisations sociales, qui peuvent être
résumées comme suit:
 Définir et réviser la mission, les objectifs et les
principales stratégies des organisations et analyser
leurs réalisations et leurs résultats ;
 Établir des politiques institutionnelles clés ;
 Assurer la formulation d'un plan stratégique adapté ;
 Approuver et surveiller les principaux programmes et
services fournis par l'organisation ;
 Allouer des ressources adéquates et assurer la
durabilité économique ;
 Surveiller la performance financière et protéger la
valeur nette de l’organisation ;
 Assurer le respect des exigences légales ;
 Recruter, soutenir et évaluer la personne qui aura des
responsabilités managériales globales ;
 Promouvoir l’image publique de l’organisation, agir
comme un lien entre la société et les organisations, et
être responsable des actions de l’organisation ;
 Renforcer et évaluer sa propre performance.
L’analyse révèle 4 aspects significatifs des modèles de
gouvernance implémentés par les entreprises sociales.
Premièrement, les formats de gouvernance des entreprises
sociales dépendent de la proximité entre les entreprises et la
mission et la stratégie des organisations.
 Deuxièmement, il y a une continuité significative dans
la composition de la gouvernance - les membres du
conseil occupent leurs fonctions pendant de
nombreuses années et leur taux de rotation dans les
structures de gouvernance est faible.
 Troisièmement, les membres des organes de
gouvernance ont tendance à ajouter de la valeur à
leurs entreprises sociales en contribuant à la légitimité,
la crédibilité, les capacités et les ressources
économiques nécessaires à leur développement.

18
 Finalement, les membres de l'organe de gouvernance
peuvent être impliqués dans des tâches exécutives,
tandis que les dirigeants et/ou les managers de
l'organisation peuvent être impliqués dans des tâches
de gouvernance. Il est noté que dans les entreprises
sociales, la gouvernance est souvent confondue avec
l'administration ou la gestion.
La littérature normative sur les organisations sociales convient
généralement qu'une gouvernance efficace est basée sur un
effort collectif pour établir des processus adéquats pour les
actions qui permettent de progresser vers des objectifs
communs cohérents avec la mission de l'organisation. Une
perspective plus large reconnaît que les organes de
gouvernance devraient également répondre à d'autres parties
prenantes, telles que les investisseurs, les régulateurs, les
employés, les clients et les communautés.
Dans les organisations sociales, il est habituel que le groupe
fondateur ou les entrepreneurs sociaux qui ont lancé l'initiative
restent longtemps dans l'organe de gouvernance, fournissant
ainsi un cadre stable pour les politiques et stratégies majeures.
En effet, ceci garantit la stabilité de la structure qui est souvent
perçue comme étant bénéfique. Des mandats plus longs
garantissent que les membres capitalisent sur l'apprentissage
requis pour opérer dans ce type d'entreprises et utilisent au
maximum le bassin limité de candidats potentiels intéressés à
assumer des fonctions de gouvernance dans ces organisations.
Plusieurs effets organisationnels de la continuité apparaissent
comme pertinents pour les entreprises sociales.
Premièrement, le mandat prolongé des membres de l’organe
de gouvernance peut contribuer à une connaissance plus
approfondie et spécifique des questions centrales des
organisations. Deuxièmement, la continuité des membres
donne un sentiment de stabilité et de perspectives à long
terme aux entreprises sociales. Troisièmement, la composition
inchangée des organes de gouvernance peut effectivement
améliorer la mobilisation des ressources économiques vers les
entreprises sociales en renforçant la confiance des donateurs
quant à une allocation transparente.
Les membres de l’organe de gouvernance améliorent la
performance de l’entreprise sociale en apportant légitimité,
crédibilité ou capacités critiques, ainsi qu’un accès à des
réseaux qui fournissent des ressources économiques ou un
soutien politique.
La légitimité est un attribut intangible, il s’agit de la
reconnaissance par un tiers (le gouvernement, les
investisseurs, les partenaires…etc.) des décisions, positions et
convictions des organisations comme étant valides. La
légitimité garantit le support et la collaboration des parties
prenantes nécessaires à l’implémentation de l’organisation.

19
Amener des chefs d'entreprise, sociaux, politiques et
universitaires renommés à rejoindre les organes de
gouvernance peut améliorer la crédibilité de l'organisation.
Quant aux capacités critiques, l’organe de gouvernance peut
inclure des membres qui contribuent avec des capacités
techniques et professionnelles spécifiques qui peut augmenter
la performance de la structure. Ces membres peuvent aussi
donner accès à un réseau personnel et/ou professionnel riche
et donc à des ressources économiques et politiques
inestimables pour l’entreprise sociale.
SEKN insiste aussi sur l’implication des membres de l’organe de
gouvernance dans les tâches managériales et administratives
de l’entreprise sociale. Elle divise cette implication selon deux
degrés : faible et élevé. L’engagement d'au moins certains
membres de l'organe de gouvernance dans les tâches de
direction et de gestion aide à articuler les politiques, les
stratégies, les plans opérationnels et les activités, et favorise
une plus grande cohérence interne et une performance
institutionnelle plus efficace. En outre, la participation de
personnes occupant des postes de direction aux réunions des
organes de gouvernance enrichit généralement les processus
de prise de décision relatifs aux politiques et aux stratégies
d'entreprise sociale.
Mesure de performance Pour les initiatives sociales, il n’existe toujours pas un
consensus sur les moyens d’estimation de la valeur créée pour
les bénéficiaires et les parties prenantes.
Les résultats financiers restent toujours plus faciles à calculer
pour les organisations.
La question de mesure de performance est une question qui
reste à aborder tôt ou tard par l’entreprise sociale.
Traditionnellement, la mesure de performance des initiatives
sociales implique l’évaluation de quatre éléments basiques : les
inputs, les activités ou processus, les outputs et les résultats.
Le souci reste souvent dans la distinction entre les outputs (par
exemple nombre de ressources déployées pour atteindre X
objectif) et les résultats (l’impact sur les communautés cibles),
les résultats étant plus difficiles à appréhender et à mesurer.
Avec l’absence de consensus, chaque entreprise sociale se
trouve dans l’obligation de créer ses propres outils de mesure
de l’impact. Elles peuvent reprendre des outils de mesure
définies par les entreprises classiques et les adapter à leur
cause sociale.
La mission sociale de l’entreprise et ses parties prenantes sont
souvent un facteur influent dans la création des indicateurs de
mesure. Mais la mesure de la performance ne doit pas être
approchée dans l’isolation, au contraire, elle doit être intégrée
dans le processus de management de l’organisation.
Si la mesure est isolée des autres aspects managériaux de
l’entreprise, celle-ci continue certes à créer de la valeur mais
elle perd tout moyens de justification face à ses parties
prenantes, à sa communauté et à l’environnement externe.

20
Un cadre de mesure de la performance cohérent permet à
l’entreprise de se focaliser sur ses objectifs et d’évaluer son
progrès à travers la réalisation de ses objectifs spécifiques.
La mesure de performance se fait aussi à travers l’évaluation
continue des parties prenantes et de leur satisfaction.
Certains outils comme les enquêtes, les analyses comparatives
et les mesures de reconnaissance externe (par exemple à
travers la communauté) permettent de mieux appréhender la
performance de l’entreprise sociale.

L’étude réalisée par SEKN met en valeur les pratiques de management optées par les
entreprises sociales. Quoique l’étude a été réalisée en Ibéro-Amérique, les pratiques sont tout
applicables ici et ailleurs et nous donnent une idée plus claire sur le mode de fonctionnement des
entreprises sociales.

iii. Innovation sociale

L'innovation sociale peut être définie comme le développement et la mise en œuvre de


nouvelles idées (produits, services et modèles) pour répondre aux besoins sociaux et créer de
nouvelles relations sociales ou collaborations. Elle représente de nouvelles réponses à des demandes
sociales pressantes, qui affectent le processus des interactions sociales (European Commission, 2013).

Elle s’appuie sur l'inventivité des citoyens, des organisations de la société civile, des
communautés locales, des entreprises et des fonctionnaires et des services. Elle est une opportunité
tant pour le secteur public que pour les marchés (European Commission, 2013).

Le processus de l’innovation sociale est composé de quatre éléments principaux :

 Identification des besoins sociaux insuffisamment ou non satisfaits ;

 Développement de nouvelles solutions en réponse à ces besoins sociaux ;

 Évaluation de l'efficacité des nouvelles solutions pour répondre aux besoins sociaux ;

 Mise à l'échelle des innovations sociales efficaces (European Commission, 2013).

L’innovation sociale vise également à habiliter les gens au niveau local à inventer ensemble
des solutions aux problèmes économiques et sociaux. En général, les approches de l'innovation sociale
sont:

 Ouvertes plutôt que fermés en ce qui concerne le partage des connaissances et l'appropriation
des connaissances;

 Multidisciplinaires et plus intégrées à la résolution de problèmes;

 Participatives et responsabilisant les citoyens et les utilisateurs plutôt que « top down » et
dirigées par des experts.

 Axées sur la demande plutôt que sur l'offre;

 Sur mesure plutôt que produites en masse, car la plupart des solutions doivent être adaptées
aux circonstances locales et personnalisées aux individus (European Commission, 2013).

21
Aujourd'hui, les tendances sociétales sont de plus en plus perçues comme des opportunités
d'innovation. De plus, les tendances de la démographie, des réseaux sociaux et communautaires, de
la pauvreté, de l’environnement, de la santé et du bien-être ou des biens et services éthiques sont de
plus en plus considérés comme étant des marchés porteurs (European Commission, 2013).

L’innovation sociale peut être un outil pour atteindre ces objectifs :

 Elle peut apporter des réponses nouvelles et plus efficaces aux besoins sociaux croissants ;

 Elle peut apporter des réponses locales à des défis sociaux et sociétaux complexes mobilisant
les acteurs locaux ;

 Elle est capable d'intégrer différentes parties prenantes pour trouver une solution à cela
conjointement, à travers de nouvelles façons de travailler ensemble et d'impliquer les
utilisateurs ;

 S'elle est bien appliquée, elle peut produire des résultats en utilisant moins de ressources, ce
qui est particulièrement important à une époque dans laquelle l’accès aux ressources
financières publiques est réduit et les fonds privés en diminution (European Commission,
2013).

L’innovation sociale peut prendre place dans le secteur public, le secteur privé et dans les
organisations du tiers secteur. Le plus souvent, les innovations les plus fructueuses naissent à travers
la collaboration entre différent secteurs (European Commission, 2013).

Lorsque les innovations sociales proviennent des entreprises sociales ou de l'économie sociale,
il est plus utile de considérer comme ces deux concepts comme des concepts qui se chevauchent mais
qui restent à la fois distincts. En effet, pas toutes les entreprises sociales sont innovantes (European
Commission, 2013).

L’innovation sociale ne requiert pas l’entrepreneuriat social. En effet, plusieurs innovations


sociales émanent d’entreprises classiques (Dankbaar, 2014).

L’innovation sociale ne se limite pas au champ des entreprises sociales, néanmoins ce type
d’entreprise est avancé comme un acteur central de l’innovation sociale. L’innovation sociale peut
être, d’abord, caractérisée essentiellement par son impact. Dans cette perspective, une innovation est
sociale parce qu’elle répond, avant tout, à certains besoins non satisfaits palliant ainsi aux limites du
marché et de l’action publique. Cette vision de l’innovation sociale est en phase avec une certaine
conception de l’entreprise sociale, celle où la poursuite d’impacts sociaux voir « d’une double bottom
line », l’innovation sociale, et l’usage de méthodes managériales, en sont ses éléments constitutifs
(Nyssens, 2015).

Les entreprises sociales innovent certes dans :

 Les biens et les services qu’elles offrent : on a vu apparaître de nouvelles activités : création
de produits financiers éthiques et/ou solidaires, production d'énergie alternative, etc. On
a également assisté au développement de services mieux adaptés aux besoins des
personnes, que ce soit dans l'insertion socioprofessionnelle des exclus du marché du
travail, l'accueil de la petite enfance, les services aux personnes âgées ou l’aide à certaines
catégories défavorisées.

 Les nouvelles méthodes d’organisation : Ce qui frappe le plus dans les générations
actuelles d'entreprises sociales et leur est, dans une certaine mesure, spécifique, c'est
22
l'implication de différents partenaires, de plusieurs catégories d'acteurs : travailleurs
salaries, bénévoles, usagers, organismes d'appui et pouvoirs publics locaux se retrouvent
souvent associes dans un même projet.

 Les nouveaux facteurs de production : Le bénévolat est considéré comme étant une des
spécificités majeures mais anciennes du tiers secteur, ce dernier a profondément changé
de nature au cours des dernières années. Le bénévole est moins caritatif et moins
« militant ». Aujourd'hui, il est plus orienté vers des finalités "productives", vers des
activités répondant à des besoins ciblés. Il n'est d'ailleurs pas rare que la fonction
entrepreneuriale au sens le plus habituel du terme (lancement de l'activité) soit assurée
par des bénévoles ». On peut aussi noter que le travail rémunéré fait l'objet d'innovations
en sens divers. Les postes de direction se sont largement professionnalisés. Dorénavant,
les dirigeants doivent faire aussi preuve de véritables capacités gestionnaires à côté de
leur engagement social.

 Les nouvelles relations sur le marché : On peut nommer ici le développement de véritables
filières de commerce équitable qui peut être envisagé comme la création de nouvelles
relations sur le marché. En effet, la notion de prix juste façonne des nouvelles relations
entre producteurs du Sud et consommateurs du Nord en internalisant dans le prix, de
manière volontaire, des critères de rémunérations justes. Ces filières, ont été le plus
souvent portées par des acteurs de la société civile au sein d’entreprises à finalité sociale
(Nyssens, 2015).

c. Entrepreneur social

L’entrepreneuriat social, alliant étroitement les deux dimensions économiques et sociales, fait
émerger une nouvelle figue d’entrepreneur appelé « entrepreneur social ».

Ce type d’entrepreneurs démontre qu’il est possible d’entreprendre tout en poursuivant un


objectif social : ce qui les fait avancer n’est pas la recherche d’un rendement maximal pour les
actionnaires mais la réalisation de la mission sociale qu'ils se sont donnée.

Pour comprendre les comportements de l’entrepreneur social, il est nécessaire d’identifier les
caractéristiques de l’entrepreneur apparues au cours des siècles. On distingue trois grandes phases
dans l’évolution de la société faisant apparaître des caractéristiques spécifiques de l’entrepreneur en
lien avec les évolutions sociétales (GOMEZ-BREYSSE, 2016) :

 La modernité : Les premiers écrits sur l’entrepreneuriat datent du 18ème siècle, l’entreprise
existait alors sous forme de groupements d’artisans. L’arrivée de la raison et du progrès,
notamment développé par Kant annonce l’entrée dans la modernité ancrée dans ces
valeurs clés : « humanisme, matérialisme, étatisme, capitalisme, rationalisme, scientisme,
progressisme, hédonisme et individualisme ». Cette période est marquée par le
développement rationnel des entreprises. L’entrepreneur est caractérisé par deux
dimensions durant cette période : la prise de risque et la recherche de profits.
 Le postmodernisme : donne naissance à la société managériale. Dans un contexte de
révolution industrielle, du développement d’une économie mondialisée et de l’évolution
sociétale du 20ème siècle, imposant de plus grandes économies d’échelles sur une grande
production, intensifiant la concurrence et modifiant les comportements du consommateur,
l’entrepreneur est présenté comme un créateur et un « moteur de l’évolution
économique ». L’entrepreneur est un créateur d’organisations qui exploitent une
innovation mais qui intègre aussi l’environnement économique dans lequel il est inscrit
23
dans sa prise de décision. Il a une vision claire qui lui octroie une projection pour se
positionner durablement sur le marché et faire face à la concurrence. Trois dimensions clefs
caractérisant l’entrepreneur apparaissent au cours du postmodernisme : la prise en compte
de l’environnement, l’innovation et l’organisation.
 L’hypermodernité : L’hypermodernité est définie comme une phase où la société est
marquée par un retour en force du passé, une quête de construction identitaire, une quête
de reconnaissance et la pleine réalisation de soi. Ces mutations sociétales entraînent quatre
modifications au niveau de l’entreprise : le désir de satisfaire le besoin de développement
personnel du salarié (l’accomplissement de soi), une qualité irréprochable indispensable
face à une concurrence accrue (l’hyper-compétition), la recherche d’un progrès continu de
l’entreprise (la modernité réflexive) et une contribution citoyenne (intégration des valeurs).
C’est dans ce contexte qu’est apparu le concept d’entrepreneur « lifestyle ». (GOMEZ-
BREYSSE, 2016)

Le terme « lifestyle » a été popularisé dès 2002 aux Etats-Unis et est utilisé pour définir tout
entrepreneur qui est à la recherche d’un style de vie (projet personnel, valeurs familiales et sociales),
s’assure par la création d’entreprise un revenu suffisant pour atteindre cet objectif. L’entrepreneur «
lifestyle » par l’acte entrepreneurial met en place une stratégie de vie facilitant la réalisation de soi à
la fois sur le plan professionnel et personnel, en respectant leurs valeurs familiales, sociales et
environnementales. Il est en quête d’une réalisation personnelle et aspire à une qualité de vie. Il n’a
pas pour ambition de devenir Microsoft ou Apple, mais cherche à dégager la valeur nécessaire pour
sous-tendre le projet de vie qu’il a défini (GOMEZ-BREYSSE, 2016).

Une comparaison a été réalisé par Marie Gomez-Breysse entre l’entrepreneur classique et
l’entrepreneur « lifestyle » pour comprendre les points de divergence entre ces deux profils. Le tableau
ci-dessous illustre les différences entre eux :

TABLEAU 5- IDÉAL-TYPE CLASSIQUE VS "LIFESTYLE" (GOMEZ-BREYSSE, 2016)


Caractéristiques de Idéal-type classique Idéal-type « lifestyle »
l’entrepreneur
Gagnant Gain économique Gain existentiel
Risqueur Pari sur capacité à détecter Pari sur la capacité à combiner
l’opportunité passion et expertise
Encastré Recherche capital social Recherche cadre de vie
Organisateur Combinaison de ressources Transformation de ressources –
Croissance effet-taille Sans effet-taille
Développeur Capter l’opportunité – Local puis Expertise singulière – Global
développement incrémental
Réseauteur Relations inter-organisationnelles Relations interpersonnelles
Créateur Innovation Offre singulière

L’entrepneur « lifestyle » recherche un gain (sans cependant rechercher la maximisation du


profit), il prend des risques, il est encastré dans un environnement économique et social (qui ne se
réduit pas à un marché concurrentiel), il combine et transforme ses ressources pour être performant
(tout en cherchant à maintenir une certaine qualité de vie), il développe son activité sur la base d’une
offre innovante et construit ses propres réseaux de relations sociales. Il construit son offre à partir
d’une passion et parie d’avantages sur sa singularité ancrée dans ses compétences individuelles ou

24
dites d’expertise que sur sa capacité à saisir une opportunité. Il privilégie les partenariats plutôt que la
croissance par l’emploi. (GOMEZ-BREYSSE, 2016)

Désormais, les entrepreneurs ne s’engagent plus dans des projets pour des buts purement
économiques mais plutôt pour donner du sens à leur vies en combinant passion et travail. Ces
entrepreneurs acceptent un niveau de rendement financier faible mais affichent une préférence pour
les réseaux construits sur un partage de valeurs qu’ils se créent au fil de leur conquête
entrepreneuriale. Ce type d’entrepreneur est preneur de risque pour atteindre un gain existentiel et
mène une vie basée sur des valeurs d’humanisme.

L’entrepreneur social est aussi un entrepreneur qui s’engage dans un projet de vie basé sur
des valeurs mettant l’Homme au cœur de ses actions, d’éthique et d’équité, ce qui le pousse à repenser
son mode d’organisation et de croissance (GOMEZ-BREYSSE, 2016).

L’entrepreneur social opère d’une manière assez particulière et différente d’un entrepreneur
classique dont l’objectif principal est le gain de profits. Il s’efforce à parvenir à des transformations
sociales qui vont au-delà des solutions aux problèmes primaires (Almog-Bekeret, 2012). L’atteinte de
l’objectif social que cet entrepreneur s’est mis est primordiale, l’impact social devient donc le critère
central à la place de la génération du profit d’un entrepreneur commercial.

L’entrepreneur social peut être défini comme étant lui-même un entrepreneur « lifestyle »
mettant comme projet de vie la réalisation d’une mission sociale dans le but de créer des changements
dans la société.

On peut même dire que l’entrepreneur social est guidé par une sorte de militantisme.
Le militantisme est une forme d'engagement collectif à une cause de nature morale, religieuse,
sociale, politique, associative ou syndicale souvent en vue de protester contre ce qui est perçu comme
une injustice.

En effet, l’entrepreneur social s’implique souvent dans des projets dont les missions sont des
causes qui le pousse à s’impliquer et à s’engager avec passion et acharnement. Qu’ils soient rémunérés
ou non, les militants trouvent leur satisfaction dans la cause qu’ils défendent (Rousseau, 2006).

Rousseau décrit l’entrepreneur social comme étant un militant-gestionnaire guidé par une
passion pour une cause quelconque qu’il défend ayant aussi une capacité de mobilisation et
d’implication des acteurs. Le réseau et l’implication des parties prenantes est important pour un
entrepreneur social.

Une des caractéristiques mise en évidence dans l’entrepreneur social militant et sa capacité
dans la mobilisation et l’implication des acteurs, celle-ci nécessite un projet fort de type altruiste et
l’engagement de l’individu qui le portent (Rousseau, 2006). Rousseau met aussi en évidence la capacité
à l’entrepreneur social de tirer les meilleures leçons de l’apprentissage de crises : pour assurer la survie
de l’organisation, il revendique le sens de son action.

Les entrepreneurs militants « se sont donnés une exigence de résultats et des moyens
spécifiquement dédiés à l'établissement d'une dynamique collective. L'ensemble de la démarche est
centré sur le projet de l'association, ses valeurs, ce qui renvoie au militantisme mais également sur la
mise au jour de ses savoir-faire, de ses domaines d'activité et de son métier qui sont plutôt la marque
de la gestion entrepreneuriale ». Pour eux, « le chaud du débat et de la passion semble cohabiter avec
le froid de la gestion et de la production ». (Rousseau, 2006)

25
Une force managériale de l’entrepreneur social est que son projet fait récit. Avant d’être un
projet il s’agit d’histoires fortes qui visent à susciter l’implication ou l’engagement des participants
dans des aventures collectives mises au service d’un but commun, tout en permettant à chacun que
construire sa propre histoire. (Rousseau, 2006)

Une autre rupture est observable dans la manière de gestion des organisations des
entrepreneurs sociaux, celle-ci est le renforcement de la tradition orale par le passage par l’écrit
(Rousseau, 2006). Ces derniers sont doués pour impliquer les autres dans leur cause mais n’ont pas
toujours le réflexe de mettre noir sur blanc les résultats de leurs rencontres et/ou de leurs actions. Ils
doivent apprendre à conceptualiser leurs pratiques et d’en déduire des idées nouvelles qui serviront à
développer la sphère d’influence de l’organisation. (Rousseau, 2006)

Les entrepreneurs sociaux ont une approche prônant une innovation radicale dans la sphère
sociale. Ils font preuve de créativité pour redéfinir les ressources ou les services que leurs organisations
offrent dès que c’est nécessaire et ce en faveur des groupes démunis (Almog-Bekeret, 2012). Ils font
preuve de beaucoup d’inventivité pour gérer les ressources limitées d’une entreprise sociale.

Les entrepreneurs sociaux peuvent donc se définir par plusieurs caractéristiques (Dart, 2004):

 Ils représentent des acteurs de changement ;


 Engagement total envers leur mission pour créer de la valeur sociale ;
 Inventivité et recherche continuelle de nouvelles occasions pour faire progresser la mission
sociale ;
 Dynamique de l’organisation comprenant des cycles périodiques d’adaptation, d’innovation et
d’apprentissage ;
 Action créative et courageuse même à défaut de ressources ;
 Responsabilité vis-à-vis des groupes que l’organisation sert et des résultats des activités de
l’organisation.

L’entrepreneur social, dit aussi manager social, est aussi le garant du respect des valeurs de
l’économie sociale et solidaire au sein de son organisation. « Le sentiment d’appartenance et de fierté
aux valeurs de l’ESS est fondamental : il constitue un socle de cohésion entre ses activités économiques
et sa mission sociale, et ce sentiment est particulièrement important lorsque la raison d’être de
l’entreprise sociale tend à disparaitre en situation de croissance d’activités. » (Szostak et al., 2018)

L'entrepreneur social est un individu visionnaire, dont l'objectif principal est de créer de la
valeur sociale, capable à la fois de détecter et d'exploiter des opportunités, de mobiliser les ressources
nécessaires à sa mission sociale et de trouver des solutions innovantes aux problèmes sociaux de sa
communauté qui ne sont pas correctement satisfaites par le système local. Ceci le fera adopter un
comportement entrepreneurial. (S. Bacq & F. Janssen, 2011)

d. Réactivité et agilité de l’entreprise

Ce chapitre qui se consacre à la définition de la notion d’agilité organisationnelle et aux


caractéristiques d’une entreprise agile, spécialement les PME, nous sera plus tard utile pour
comprendre d’avantage la réactivité des entreprises sociales face à la crise sanitaire que nous vivons
aujourd’hui.

La notion de l’agilité a été introduite comme une réponse stratégique et organisationnelle aux
fluctuations environnementales (BARZI, 2011). Elle a été développée essentiellement dans les grandes
entreprises mais reste toujours très peu étudiée au sein des petites et moyennes entreprises (PME)
alors que plusieurs auteurs ont souligné la spécificité des PME en termes de centralisation des
26
décisions, de non-formalisation des stratégies, de tendance à la réduction des niveaux hiérarchiques
et de la taille de la structure (BARZI, 2011).

L’agilité est un concept récent puisque son introduction remonte au début des années 1990
(BARZI, 2011) et il existe aujourd’hui plusieurs définitions du concept. L’agilité est présentée comme
la capacité d’une entreprise à croître dans un environnement marqué par un changement continu et
imprévisible d’un marché global, caractérisé par une demande de qualité supérieure, de haute
performance, de faible coût et de produits et services correspondant aux exigences des
consommateurs. Les notions de flexibilité, de réactivité et d’adaptabilité sont au cœur du concept
(BARZI, 2011).

La réactivité correspond à la vitesse à laquelle une entreprise, ayant des processus discontinus,
répond à l’évolution des demandes de son environnement, y compris les demandes non anticipées. La
réactivité est le temps de réaction suite à une évolution inattendue. La flexibilité mesure la capacité
d’une entreprise à s’ajuster, à technologie équivalente, à un niveau de production donné alors que
l’adaptabilité est une caractéristique de la flexibilité de l’entreprise (BARZI, 2011).

L’agilité organisationnelle apparaît comme l’aptitude d’une entreprise à répondre avec


flexibilité, réactivité et différenciation aux différentes fluctuations de son environnement et à proposer
des services et des produits de qualité correspondant aux exigences de ses clients (BARZI, 2011).

L’agilité organisationnelle est toujours mise en relation avec l’environnement et le marché. Elle
correspond à la capacité d’une organisation à faire face efficacement à des conditions de marché
changeantes et à un environnement cahoteux (Charbonnier-Voirin, 2011).

Certains auteurs mettent en lumière la face proactive de l’agilité en tant qu’aptitude à


exploiter le changement comme une opportunité. Il s’agit en effet d’anticiper et de saisir des
opportunités nouvelles ou de provoquer des « ruptures » par le biais de l’innovation (Charbonnier-
Voirin, 2011).

On peut aussi définir l’agilité organisationnelle comme une capacité de réponse


intentionnellement recherchée et développée par l’organisation qui lui permet d’agir efficacement
face à un environnement changeant caractérisé par la complexité, la turbulence et l’incertitude. Elle
correspond à une capacité d’adaptation permanente de l’organisation, permise non seulement par
une réaction rapide au changement, mais également par un potentiel d’action destiné à anticiper et
saisir les opportunités offertes par le changement, notamment par le biais de l’anticipation, de
l’innovation et de l’apprentissage (Charbonnier-Voirin, 2011).

Le schéma ci-dessous résume les importantes caractéristiques d’une entreprise agile. Les
capacités agiles représentent les capacités stratégiques nécessaires permettant à l’entreprise de
répondre au changement. La première capacité correspond à l’aptitude de l’organisation à mobiliser
une réponse rapide face aux changements. Elle se fonde sur la flexibilité réactive et l’optimisation des
ressources existantes. La deuxième est l’aptitude à lire le marché. Elle permet d’explorer et de déceler
les développements émergents ou potentiels au travers de capacités de veille. Elle représente
également la capacité de l’organisation à transformer les informations disponibles en des projets
créateurs de valeur grâce à une capacité d’improvisation et d’innovation suffisante. Enfin, la troisième
capacité est l’aptitude à intégrer l’apprentissage organisationnel. Cette capacité à gérer et mettre en
œuvre le savoir efficacement correspond notamment à la possibilité d’ajuster qualitativement les
capacités humaines aux perspectives stratégiques, grâce aux échanges d’expériences, aux transferts
de connaissances et au développement des compétences dans des délais raccourcis (Charbonnier-
Voirin, 2011).
27
L’infrastructure de l’entreprise est constituée de leviers reconfigurables et stables qui doivent
permettre au développement de l’agilité organisationnelle et pour assurer le succès des pratiques
agiles. Les leviers favorisent l’élaboration, la mise en œuvre et l’ajustement des pratiques agiles qui
représentent le niveau le plus opérationnel de l’agilité organisationnelle.

Les pratiques sont divisées en quatre grandes catégories comme indiqué sur le schéma. Les
pratiques orientées vers la maîtrise du changement visent essentiellement à donner aux équipes les
moyens de développer leur réactivité et leur proactivité, au travers de dispositifs de veille,
d’innovation, mais également des possibilités de fonctionner « en temps réel », grâce à la
communication des informations et connaissances liées à la vision de l’organisation, son
environnement et les plans d’actions stratégiques sous-tendant les objectifs individuels et collectifs
(Charbonnier-Voirin, 2011). Les pratiques de valorisation des ressources humaines privilégient
l’empowerment qui permet d’octroyer aux salariés l’autonomie et les responsabilités nécessaires pour
faire face rapidement et efficacement aux multiples aléas rencontrés et au volume des informations à
traiter et des décisions à prendre (Charbonnier-Voirin, 2011). Les pratiques de coopération, aussi bien
internes qu’externes, occupent également une place cruciale au sein de l’entreprise agile afin de
réduire les temps de réponse, d’améliorer l’offre et d’accroître le potentiel d’innovation de
l’entreprise. Les pratiques de création de valeur pour les clients se focalisent sur la satisfaction du client
et en particulier sur ses perceptions de la valeur de la solution proposée (Charbonnier-Voirin, 2011).

Leviers agiles Pratiques agiles Capacités agiles

•Reconfigurables •Pratiques •Mobiliser une


•Structure et orientées vers la réponse rapide
organisation maîtrise du
•Processus changement
•Technologie •Lire le marché
•Ressources •Pratiques de (veille et
humaines valorisation des innovation)
ressources
humaines

•Stables et •Intégrer
•Pratiques de l'apprentissage
partagés
coopération organisationnel
•Vision
•Valeurs
•Pratiques de
•Mersures de création de valeur
performance pour les clients

FIGURE 1- LES CARACTÉRISTIQUES DE L'AGILITÉ ORGANISATIONNELLE (CHARBONNIER-VOIRIN, 2011)


Agilité des PME

L’agilité des PME reste toujours peu étudiée. Les recherches sont toujours à un stade
embryonnaire. Une étude auprès des PME anglaises démontre que la constitution de partenariats
stratégiques et de réseaux d’apprentissage développe les capacités dynamiques et assure une agilité
durable (BARZI, 2011).

L’étude menée par Barzi en 2011 sur des PME marocaines de l’habillement met en évidence
des attributs d’agilité regroupés en quatre dimensions : la flexibilité, la réactivité, la différenciation et
la proximité.
28
TABLEAU 6- LES ATTRIBUTS DE L'AGILITÉ DES PME (BARZI, 2011)
Dimensions de l’agilité Facteurs Attributs
d’agilité
Proximité Flexibilité Orientation « ressources Formations continues
(relationnelle, humaines » Personnel polyvalent
culturelle, Mobilisation facile des ouvriers
géographique, Participation du personnel
hiérarchique) Fortes relations interpersonnelles
Très bonne communication
dirigeant/personnel
Equipes interentreprises
Ambitions raisonnables Investissement prudent
Taille raisonnable de l’entreprise
Production flexible (zéro stocks,
flux tendus)
Différenciation Orientation « clients » Bon relationnel
Fidélisation
Services irréprochables
Orientation « créativité » Nouveaux produits
Création des besoins - clients
Réactivité Engagement « délais » Délais courts de production et de
livraison
Rapidité dans la satisfaction des
clients
Stratégies souples Orientations non formalisées
Orientations à moyen terme

La flexibilité concerne tout ce qui est en relation avec les ressources humaines et les ambitions
de l’entreprise. En effet, les entreprises agiles bénéficient d’une grande facilité de mobilisation de leur
personnel. Elles bénéficient aussi d’une grande polyvalence des salariés que les dirigeants développent
avec une grande attention compte tenu des effets sur la productivité. La communication ascendante
et descendante est encouragée au sein des PME par les dirigeants dans le but d’intégrer le personnel,
de le responsabiliser et de l’intégrer dans la vie de l’entreprise. Ceci contribue à la création d’un climat
social stable au sein de l’entreprise favorable à l’apprentissage et à l’épanouissement des salariés. Les
PME se distinguent par une taille raisonnable et des structures plates privilégiées pour assurer la
circulation de l’information. Les PME suivent aussi une politique prudente d’investissements et de
production. (BARZI, 2011)

Les PME optent souvent pour des stratégies de différenciation des services proposées et de
création de valeur au sein de leurs clients. Ces stratégies proactives développent des capacités
dynamiques et stimulent l’agilité dans le temps. (BARZI, 2011)

En ce qui concerne la réactivité, sous l’angle stratégique, les PME poursuivent des stratégies
non écrites, transmises par voie orale. Ce faible degré de formalisation des stratégies permet une
adaptation permanente aux changements de l’environnement. Les stratégies mises en œuvre sont
souvent moyen terme visant les deux à trois années à venir. Ceci peut être expliqué par la nécessité
de réactivité face aux concurrents, la levée de toute contrainte dans le temps et le manque de visibilité
par rapport à l’évolution de l’environnement. (BARZI, 2011)

La proximité a trait à la position géographique des entreprises, aux rapports humains et à la


démarche commerciale mise en œuvre (BARZI, 2011). La proximité géographie, culturelle, relationnelle
et hiérarchique contribue à la création de relations de confiance, à la fidélisation des clients et à
29
l’apaisement du climat social (BARZI, 2011). La proximité apparaît comme étant la dimension centrale
de l’agilité des PME. C’est cette proximité qui permet la flexibilité, la différenciation en renforçant les
liens avec les clients et la réactivité grâce à un mode de communication peu formalisé qui permet la
prise de décisions rapides. (BARZI, 2011)

Les facteurs développés par Barzi se rapprochent des facteurs d’agilité des développés par
Yusuf et al. pour les grandes entreprises détaillés dans le tableau ci-dessous. Les PME et les grandes
entreprises sont appelées à innover de façon continue pour se différencier. Ces entreprises ont aussi
intérêt à former leur personnel et à augmenter leur degré de polyvalence pour favoriser leur flexibilité
face aux aléas. Cependant, certains attributs restent spécifiques aux structures à taille humaine que
sont les PME tels que la « mobilisation facile des ouvriers », les « fortes relations interpersonnelles »
et la « très bonne communication entre les dirigeants et le personnel ». Ces structures propres aux
PME favorisent les échanges et permettent de tisser des liens amicaux, voire familiaux, indispensables
pour une gestion flexible du personnel. Les PME tiennent aussi à maîtriser leur taille pour une gestion
autonome et indépendante (BARZI, 2011).

« La souplesse des orientations stratégiques, en termes de non formalisation et d’horizon


temporel réduit, est un autre facteur d’agilité qui caractérise les PME. En effet, contrairement aux
grandes entreprises qui recourent à la planification formelle sur le long terme, les PME bénéficient
d’une forte culture orale et d’un horizon stratégique orienté vers le moyen terme, évitant ainsi toute
inertie organisationnelle. De plus, les structures plates des PME et la rapidité de circulation de
l’information permettent une plus grande marge décisionnelle, nécessaire dans un contexte mouvant. »
(BARZI, 2011)

TABLEAU 7- LES ATTRIBUTS DE L'ORGANISATION AGILE


Niveau de décision Attributs
Technologie Grande attention accordée à la technologie
Longueur d’avance dans l’utilisation de la technologie actuelle
Compétences et connaissances développant les technologies
Technologie de production flexible
Compétence Capacités associant plusieurs entreprises
Pratique d’affaires développée et difficilement copiée
Construction d’équipe Individus participatifs « empowerment » travaillant en équipe
Équipes multifonctionnelles
Équipes multi-entreprises
Décisions décentralisées
Bien-être Satisfaction du personnel
Formations Organisation apprenante
Personnel flexible et multi-compétences
Compétences de la force de travail mises à jour régulièrement
Formations et développement continus
Changement Amélioration continue
Culture du changement
Marché Introduction de nouveaux produits
Innovations selon les besoins des clients
Satisfaction des clients
Réponses aux exigences changeantes du marché
Qualité Qualité plus importante que la durée de vie du produit
Produits avec une valeur ajoutée pour les clients
Cycles de développement courts
30
Partenariat Formation rapide de partenariats
Relations stratégiques avec les consommateurs
Relations étroites avec les fournisseurs
Relations avec les fournisseurs / clients basées sur la confiance
Intégration Exécution simultanée des activités
Information accessible aux employés
SOURCE: ADAPTÉ DE YUSUF ET AL., 1999, 41
Quoique l’agilité organisationnelle des PME se rapproche de celle des grandes entreprises, les
PME restent quand même uniques dans leur approche de ce concept. Elles se distinguent par des
caractéristiques organisationnelles et managériales (comme la taille, la structure, les moyens
financiers, les rapports interpersonnels, etc.) qui appellent de nouvelles sources d’agilité, différentes
de celles des grandes entreprises (BARZI, 2011).

2. Introduction générale

Avant de passer à la deuxième partie, nous présentons dans ce chapitre SHANTI, sa mission,
ses objectifs et ses programmes. Nous décrivons aussi notre mission au sein de l’organisation tout au
long de la période du stage. Nous allons aussi présenter le programme d’OBROZ avec plus de détails.

a. Présentation de SHANTI

L'équipe de SHANTI souhaite donner les moyens aux acteurs du changement d’identifier et
de construire des solutions aux défis rencontrés par leurs communautés.

Cofondée en 2016, SHANTI est une entreprise sociale qui a pour mission de promouvoir la co-
conception de solutions innovantes et créatives aux problématiques sociales, économiques,
culturelles et environnementales de la Tunisie d’aujourd’hui.

FIGURE 2- SHANTI EN CHIFFRES


SHANTI développe sa mission à travers deux grands axes :

 Le renforcement des capacités et l’accompagnement des acteurs dans la mise en place de


leurs stratégies d’innovation sociale
31
 La création, la co-création et le portage de projets d'innovation sociale à fort potentiel sur le
terrain, pour répondre aux défis identifiés par les communautés.
La formation et l'accompagnement constituent un fil conducteur dans l’action de Shanti, que
l’on retrouve dans ses deux axes d’activité, qu’elle concerne des étudiants, des associations, des
entreprises sociales ou des institutions.

SHANTI accompagne la montée en compétences du secteur associatif. L’association


contribue à :

 RENFORCER les acteurs associatifs tunisiens et plus particulièrement portés par et pour des
jeunes dans les régions.
 CONSTRUIRE des projets dont les plus innovants seront ensuite accompagnés et structurés
jusqu’à un financement par les partenaires.
 ACCOMPAGNER la mise en œuvre de ces projets pendant leur implémentation, grâce à un
suivi de proximité, garantissant une montée en compétences continue.
 FAVORISER la mise en réseau des jeunes acteurs associatifs entre eux et avec de nombreux
partenaires.

L’accompagnement des acteurs associatifs se fait à travers 3 programmes principaux, ce qui


fait plus de 60 organisations de l’ESS accompagnés :

TABLEAU 8- PROGRAMMES D'ACCOMPAGNEMENT DES ASSOCIATIONS À SHANTI: PRÉSENTATION ET CHIFFRES

En partenariat avec l’Institut BLADI est un projet mis en Obroz est un programme de
Français de Tunis de 2017 à œuvre depuis 2018 par formation en stratégie de
2019, 3 Forums Jeunesse de 3 AMIDEAST en partenariat avec communication au profit des
jours chacun ont vu le jour SHANTI et Jamaity visant à Organisations de la Société
pour accompagner les jeunes renforcer les capacités des Civile tunisienne.
acteurs associatifs. associations tunisiennes.
En 2018, FJ a vu 800 candidats, Le programme offre 3 mois Nous allons présenter ce
200 sélectionnés, 45 projets d’incubation et a vu 20 projet avec plus de détails
déposés, 13 projets incubés, 7 associations sélectionnées et dans les chapitres qui suivent.
financés d’une valeur de 20K formées avant leur
DT par l’IFT, 1 an financement sur des projets
d’accompagnement à la mise intégrant les communautés
en œuvre. marginalisées dont 4 financées
à 100K et 13 à 20K DT.
L’accompagnement post-
financement dure un an.

SHANTI prépare aussi les générations d’acteurs de demain en repensant la formation


académique et ce à travers :

32
TABLEAU 9- PROGRAMMES DE FORMATION ACADÉMIQUE EN PARTENARIAT AVEC SHANTI
A la rentrée 2018, SHANTI est en partenariat avec l’Institut Supérieur de
Gestion au niveau du un Master professionnel co-construit Management des
Organisations Sociales et Solidaires.
C’est le premier Master en Tunisie co-construit entre une association et une
université. Il a pour objectif de former les futurs cadres des organisations de
l’ESS en Tunisie.
SHANTI est le partenaire tunisien de Processmediterranée, un programme de
coopération en entrepreneuriat social sur les 3 rives de la Méditerranée, avec
des partenaires Tunisiens, Français et Libanais, proposant une nouvelle
approche de la formation académique en entrepreneuriat social.

SHANTI appuie le maintien des métiers traditionnels et leur durabilité économique :

TABLEAU 10- PROGRAMMES DE MAINTIEN DES MÉTIERS TRADITIONNELS DE SHANTI


SHANTI a lancé El Mensej, une initiative qui travaille avec les artisans de la
ville de Nefta, dans le sud-ouest de la Tunisie, afin de les accompagner à
repenser leur produit, valoriser leur savoir-faire et les aider à
commercialiser.
Le premier groupe d’artisanes tisse des tapis à partir de fripes détricotées
et réutilisées, faisant ainsi voyager le savoir-faire tunisien aux 4 coins du
monde.
L’artisanerie est la vitrine des petits réseaux d’artisans tunisiens, elle les
appuie dans le développement de leurs activités et la préservation de
leurs savoir-faire. L’artisanerie offre à ses clients tunisiens et
internationaux un service de co-création de collections adaptées aux
tendances du marché, tout en assurant la gestion de la chaîne de
production avec les artisans et en garantissant l’origine des produits.
Ce modèle permet de donner aux artisans les moyens de vivre dignement
de leur travail grâce à des rémunérations justes et pérennes, et d’appuyer
le renforcement de leurs compétences et l’équipement des ateliers.
L’artisanerie soutient par ce biais la revalorisation du patrimoine tunisien
et la conservation des savoir-faire des artisans des régions.

SHANTI a aussi lancé 2 autres initiatives dans la région de Nefta, Tozeur :

TABLEAU 11- INITIATIVES DE SHANTI À NEFTA


Développé en partenariat avec l’association des anciens fidèles au lycée
de Nefta et la Fondation Orange, le Hub Social a pour vocation de
contribuer à la création d’opportunités pour les jeunes et les habitants de
Nefta et d’impulser une dynamique locale nouvelle.
La mise en place de la maison digitale et la réhabilitation du bâtiment qui
accueillera les activités de l’association constituent une première étape
vers l’atteinte de cet objectif.
À terme, le hub social assurera ses services autours des 4 axes suivants:
 L’artisanat et micro-entrepreneuriat
33
 L’Insertion professionnelle des jeunes
 L’appui aux lycéens
 L’école des parents
La maison digitale de Nefta, fruit du partenariat entre SHANTI et la
La Maison Fondation Orange s’intègre à notre vision sur le territoire de Nefta.
Digitale Cette espace a pour vocation de permettre aux femmes artisanes de tirer
profit des outils numériques pour la commercialisation de leurs produits.
Ce sera aussi un espace permettant aux jeunes de Nefta d’avoir accès à
des formations orientées vers le développement des compétences
numériques .

SHANTI se mobilise pour la mise en place d’une loi de l’ESS en Tunisie à travers le plaidoyer.
Un groupe d’action nommé « tounessolidaire » a été créé dans ce cadre avec la participation de
plusieurs acteurs de l’ESS en Tunisie et une lettre ouverte a été envoyé aux présidents de la
République, du Gouvernement et de l’Assemblée des Représentants du Peuple le 9 avril 2020. Suite à
cette mobilisation, la loi de l’ESS a été votée le 17 juillet 2020. Nous allons détailler plus sur ce
mouvement dans les chapitres qui suivent.

b. Mission au sein de SHANTI

Mon stage à SHANTI avait duré environs un an. J’ai rejoint l’équipe de L’artisanerie en juillet
2019. L’année que j’ai passé à SHANTI m’avait permis d’acquérir de la connaissance sur terrain et de
faire l’expérience de l’économie sociale et solidaire en Tunisie.

J’ai eu la chance d’être présente lors des déplacements sur terrain de l’association et de faire
connaissance des acteurs locaux.

J’ai rejoint l’équipe de SHANTI en tant qu’assistante de projet dans le cadre de son projet
financé par OXFAM visant à imaginer une nouvelle dynamique pour l’artisanat tunisien et afin de
structurer sa nouvelle marque L’artisanerie.

Ma mission est articulée autour de ces activités :

1) Contribution à la mise en place des activités projet:

 Participer à la mise en place des formations au profit des artisan.es ;


 Préparer les activités terrain du projet ;
 Assurer les liens avec les partenaires du projet ;

2) Participation à la gestion de l’espace:

 Garantir l’inventaire fourniture atelier ;


 Gestion des caisses ;
 Garantir le reporting chiffres de vente ;
 Assurer la gestion stocks ;

3) Appui à l’aspect commercial:

 Assurer le suivi des commandes clients (particuliers locaux) ;


 Vis-à-vis de L'artisanerie auprès des clients ;
 Répondre aux mails/téléphones/sollicitations/demandes de devis/demande d'information ;
34
4) Appui à l’organisation des Ateliers/Evénements:

 Gérer les inscriptions ateliers ;


 Co-assurer la mise en place des ateliers ;
 Gestion de la base de contacts (nouveaux clients/participants/artisans).

Même si je faisais partie de l’équipe de L’artisanerie, j’étais néanmoins présente dans d’autres
activités de SHANTI. Les réunions mensuelles d’équipe me permettaient d’être à jour avec
l’avancement des autres programmes.

c. OBROZ

Obroz est un programme de formation en stratégie de communication au profit des


Organisations de la Société Civile tunisienne. Ce programme est mis en place par le British Council avec
le soutien de l'Union européenne et en partenariat avec Jamaity et la Jasmine Foundation.

Il cible les associations qui travaillent dans les régions/zones suivantes :

 La périphérie du Grand Tunis : Cité Ettadhamon, Kabbaria, Mourouj, Sidi Hssine, Cité Hlel, Bhar
Lazreg, Douar Hicher, Fouchena, M’hamdia, Sidi Thabet, Mornaguia, Oued Ellil, Jdaida ;

 Bizerte : Menzel Bourguiba, Mateur ;

 Médenine : Médenine ville, Ben Guerdene.

Le programme s’articule en trois phases :

 FORMATION : Une semaine de formation intensive de mise en place de stratégie de


communication. Elle sera assurée par des praticiens expérimentés dans la communication.

 CAMPAGNES DE COMMUNICATION : Lancement de campagnes de communication réelles par


les associations participantes. Ces campagnes seront conçues pour accroître leur capacité de
communiquer sur leurs activités dans leurs domaines respectifs.

 PARTAGES DE BONNES PRATIQUES : Un atelier final auquel les associations et l'équipe du


programme évalueront l'efficacité des campagnes individuelles.

Le programme a incubé 17 associations dans les régions de Tunis, Bizerte et Médenine et


incube couramment 20 nouvelles associations dans les régions du Kef, Kairouan et Sousse. Ces
associations sont formés et financés avec un montant allant jusqu’à 25 000 DT par association avec un
appui spécial sur la communication.

35
PARTIE II

La deuxième partie du mémoire est consacrée à la présentation de nos objectifs de recherche,


de la méthodologie adoptée, du contexte de la recherche et finalement, des résultats obtenus.

1. Objectifs et méthodologie

a. Objectifs

L’objectif de ce mémoire est d’analyser et de comprendre l’agilité des entreprises sociales à


travers nos cas d’étude et ce durant cette période de crise sanitaire.

La littérature nous offre des informations et des données sur l’agilité et la réactivité des
grandes entreprises et des PME mais il n’existe pas de données sur les entreprises sociales. Ces
dernières se caractérisent par l’hybridité, c’est-à-dire qu’elles poursuivent deux objectifs en
simultané : une mission sociale et un gain économique pour garantir sa durabilité dans le temps. Elles
opèrent différemment des entreprises classiques et ont souvent accès à des ressources plus limitées.

La crise sanitaire a bouleversé l’économie Tunisienne mais on remarque une certaine résilience
particulière des entreprises sociales qui, malgré les ressources limitées, ont su s’adapter aux nouvelles
conditions et continuer à opérer tandis que plusieurs entreprises classiques se sont vues suspendre
leurs activités.

Ce mémoire a pour buts de :

 Lister et catégoriser les impacts de la crise sanitaire sur les entreprises sociales étudiées ;
 Faire le lien entre la théorie et la pratique en analysant l’agilité des entreprises sociales ;
 Tirer les attributs qui font qu’une entreprise sociale puisse être qualifiée d’agile.

Nous espérons qu’à la fin de ce mémoire, les apprentissages tirés puissent être utiles plus tard
pour ceux qui souhaitent comprendre plus comment les entreprises sociales peuvent développer leur
agilité face aux changements brusques.

b. Méthodologie

La démarche optée pour atteindre notre objectif est une démarche qualitative à caractère
exploratoire qui repose sur les trois méthodes de collecte suivantes : l’observation, l’analyse
documentaire et les entretiens en profondeur.

La première phase a consisté en une étude par observation sur le terrain. L’absence d’un cadre
théorique qui permet de décrire et de comprendre comment les OESS réagissent face aux crises nous
mènent à observer les interactions entre les acteurs pour pouvoir comprendre le phénomène.

L’analyse documentaire des rapports d’activités de OBROZ et des initiatives permet elle aussi
de dégager des informations et de comprendre avec plus de profondeur comment ces organisations
ont réagi face à la crise et comment elles avaient géré les ressources dont elles disposaient pour mener
à bien leurs activités. Les rapports nous permettent aussi de voir les actions qu’a entrepris OBROZ en
tant que programme d’accompagnement pour guider ces associations dans cette phase de
changement depuis l’annonce du confinement jusqu’à la période d’août-octobre 2020.

La dernière phase de la recherche est la conduite d’entretiens semi-directifs. Deux types


d’entretiens ont été menés. Le premier est un entretien destiné aux managers des associations
accompagnées par le programme OBROZ. Celui-ci est divisé en 5 grandes parties. La première partie
est consacrée à la présentation de l’organisme, de ses activités et du rôle de son manager. La deuxième
36
se porte sur l’impact de la pandémie sur les activités de l’organisation. L’informant tentera ici de lister
les différents impacts qu’a subi son organisation lors du confinement. La troisième partie se focalise
plus sur le rôle du manager dans la gestion de crise sur les deux niveaux : l’organisationnel et le
managérial. La quatrième partie tente d’explorer le rôle d’OBROZ et de SHANTI dans le processus de
gestion de crise de l’organisation : comment était la relation entre les deux organismes et quels
apports pour l’association accompagnée ? Dans la cinquième et dernière partie de l’entretien, on
essaye de tirer les apprentissages assimilés par l’entreprise sociale suite à la période dure du
confinement.

Le deuxième entretien est destiné au co-fondateur de SHANTI. A travers celui-ci, on essaie de


voir comment SHANTI définit l’agilité organisationnelle et quelles pratiques elle adopte pour faire face
à la crise. Cet entretien, inspiré par une étude menée par Charbonnier sur l’agilité des entreprises, est
divisée en 3 grandes parties. La première porte sur les pratiques orientées vers la maîtrise du
changement, celle-ci est divisée en 3 sous-catégories :

 Clarté de la vision stratégique : Dans cette section, on essaie de voir si les actions de
SHANTI s’alignent avec leur stratégie et si cette dernière est comprise par l’ensemble des
salariés de l’organisation.
 Efficacité de réponse de l’organisation au changement, c’est-à-dire si elle est bien équipée
pour faire face aux changements en termes de prise de décisions et mise en place
d’actions rapides.
 Vision du changement ou si l’organisation considère le changement comme une menace
ou une opportunité, et si elle dispose de pratiques de veille et de capacités de créativité
et d’innovation.

La deuxième partie se focalise sur les pratiques de valorisation des ressources humaine. Ici, on
aborde :

 La responsabilisation des membres de l’organisation : est-ce la délégation est pratiquée ou


non et est-ce que les salariés sont-ils inclus dans le processus de prise de décisions ?
 L’impact des individus sur la performance : est-ce que les contributions des salariés à la
performance globale sont-elles prises en considération ?

Dans la troisième et dernière partie, on pose des questions relatives aux les pratiques de
coopération, en interne avec les salariés et les équipes et en externe avec l’environnement et les
partenaires.

Finalement, on demande à SHANTI commet ils visualisent la crise sanitaire : est-ce une menace
ou une opportunité selon eux.

TABLEAU 12- LISTE DES INFORMANTS INTERROGÉS


Caractéristique Caractéristiques de l’organisation Rôle au sein
de l’entrepreneur de
Initiales Sexe Région Date de Statut Objectifs l’organisation
du nom création juridique
M.B M Tunis 2016 Association -Le renforcement des Co-fondateur
capacités et
l’accompagnement des
acteurs dans la mise en
place de leurs
37
stratégies d’innovation
sociale
-La création, la co-
création et le portage
de projets d'innovation
sociale à fort potentiel
sur le terrain, pour
répondre aux défis
identifiés par les
communautés
A.K M Le Kef 2019 Association Acteur de Co-fondateur
développement et un et président
levier de l'économie
sociale et solidaire au
Nord-Ouest
D.D F Médenine 2012 Association Contribuer à la Chargée de
réalisation du trésorerie
développement
durable et diffuser la
culture de la
citoyenneté et les
valeurs des droits de
l'homme
M.S F Sousse 2012 Association -Participation à Coordinatrice
l’implémentation d’une de projets
culture
environnementale pour
la protection de
l’environnement et le
développement
durable.
-Participation à la
sauvegarde de la
spécificité
géographique et la
biodiversité régionale
-Optimisation de
l’utilisation de l’énergie
et des ressources
naturelles et l’appui en
matière d’orientation
vers les énergies
nouvelles et
renouvelables.
-Etablissement des
relations avec les
associations et les
organisations non
gouvernementales
similaires au niveau
38
national et
international.
A.BS F Sousse 2018 Association Organisation Chargée de
d’évènements à timbre trésorerie
culturel, social et
environnemental
destinés pour les
jeunes de la région
F.D F Manouba 2014 – Association Développement de Présidente
Début jeunes groupes par la
d’activité science et le travail et
2018 réhabilitation de
groupes impliqués dans
plusieurs spécialités de
développement
Pour protéger les identités des interviewés, nous allons utiliser les initiales de leurs noms tout
au long des parties qui suivent. Ces initiales seront utilisées pour faire référence à chaque association
sans réellement dévoiler son nom.

2. Contexte de la recherche

a. Entrepreneuriat social en chiffres

Inégalités, changements climatique, exclusion sociale… Les enjeux auxquels nos sociétés font
face sont multiples, et l’entrepreneuriat social continue de s’affirmer comme un vecteur de solutions.
En effet, il redonne du sens à l’économie et réconcilie entre rentabilité économique et mission sociale.
(Convergences, 2019)

L’AVISE3, Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques en France, illustre les


champs de l’entrepreneuriat social comme suit :

3
L’Avise a pour mission de développer l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’innovation sociale en France, en
accompagnant les porteurs de projet et en contribuant à structurer un écosystème favorable à leur
développement. https://www.avise.org/presentation
39
Prendre des initiatives... ...pour une utilité sociale!

Envie d'entreprendre et de Répondre à des besoins


développer sociaux, santé, éducation,
culture, transports, énergie,
environnement
Prise de risque économique ES
et innovation
Lutter contre l'exclusion, la
pauvreté,la précarité
Recherche de modèles
économiques viables
Implication des parties
prenenates

FIGURE 3- L'ENTREPRENEURIAT SOCIAL PRÉSENTÉ PAR L’AVISE


L’AVISE présente les entreprises sociales comme étant des initiatives citoyennes combinant
trois dimensions : un projet économique, une finalité sociale et une gouvernance participative ;
l’entreprise sociale étant toujours considérée comme une continuité pour l’économie sociale et
solidaire.

L’entrepreneuriat social est considéré comme étant un secteur potentiellement porteur. Il


représente à travers le monde une force économique et sociale considérable. L’économie sociale et
solidaire, considérée économie porteuse de l’entrepreneuriat social selon l’approche européenne, est
placée au sixième rang mondial en termes de valeur ajoutée, après les Etats-Unis, le Japon, la Chine,
l’Allemagne et la France. En 2015, les 300 premières coopératives et mutuelles ont réalisé un chiffre
d’affaires d’environ 2500 milliards de dollars USD. Le secteur coopératif a créé au moins 250 millions
emplois à temps plein ou partiel, représentant 12% de l’emploi total dans l’ensemble des pays du G204.
(PNUD, 2016)

Selon une estimation récente, quelques 28 millions emplois à plein temps dans l’Union
Européenne sont créés par l’ESS, soit près de 12,9 % de l’emploi total. En France, l’ESS rassemble 221
325 établissements employeurs et 2 370 301 salariés, soit 10,5 % du total de l’emploi dans l’économie.
78% pour cent des emplois sont fournis par les associations, 13 % par les coopératives et 6 % par les
mutuelles. Avec une valeur ajoutée de 100 milliards d’Euro, l’ESS contribue pour près de 10 % au PIB.
Dans des pays comme le Luxembourg et le Pays Bas, la contribution du secteur dépasse même les 20
% de l’emploi total. (PNUD, 2016)

En Europe, l’entrepreneuriat social s’est imposé dans les agendas politiques suite aux mesures
prises dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Une étude menée par CIRIEC5 montre qu’en 2015,
l’emploi salarié dans l’économie sociale comptait pour 9 à 10% de la population active en Belgique, en
France, en Italie, au Luxembourg ou aux Pays-Bas, alors que ce chiffre est inférieur à 2% en Croatie,
Lituanie, Slovaquie, Slovénie ou encore en Roumanie. En Europe de l’Est, un intérêt nouveau pour

4
Le G20 regroupe 20 membres (19 États et l'Union européenne) : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite,
Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon,
Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne.
5
Centre International de Recherches et d'Information sur l'Economie Publique, Sociale et Coopérative.
40
l’entrepreneuriat social se remarque, notamment de la part des décideurs politiques, ce qui favorise
une évolution positive des écosystèmes. (Convergences, 2020)

L’entrepreneuriat social a également intégré les agendas politiques en Amérique du Nord et


en Asie. Cela se manifeste par l’effort conjoint des pouvoirs publics et des acteurs du terrain pour
consolider des écosystèmes favorables. Au Québec, on peut compter en 2016 11 200 entreprises
d’économie sociale qui employaient 220 000 salariés. En Corée du Sud en 2016, les entreprises sociales
employaient 39 195 travailleurs soit 1,5% de l’emploi total. En Afrique et en Amérique Centrale et du
Sud, la question entre aussi dans les préoccupations politiques et de la société civile, mettant
notamment en lumière le rôle que l’entrepreneuriat social peut jouer pour renforcer les dynamiques
communautaires, ou face à des problématiques sociales et écologiques. (Convergences, 2020)

Plusieurs initiatives contribuent à documenter l’entrepreneuriat social mais il reste beaucoup


de défis à soulever tel que le manque de données statistiques fiables et comparables à l’échelle
mondiale sur l’ampleur du phénomène et sa contribution à la création de valeur économique et
sociale. (Convergences, 2020)

Une enquête menée par OpinionWay pour le compte d’Ashoka dévoile la perception des
entrepreneurs, des entrepreneurs sociaux et du grand public sur l’entrepreneuriat social en France.
Selon l’enquête, les termes « économie sociale et solidaire » et « entrepreneuriat » enregistrent une
hausse de notoriété en 2018. En 2020, cette notoriété connaît une baisse mais les entrepreneurs
sociaux restent identifiés comme étant des acteurs pertinents face aux problèmes de société : 78% des
sondés considèrent que les entrepreneurs sociaux jouent un rôle important pour répondre aux
problèmes sociaux. Le secteur de l’entrepreneuriat social reste toujours attractif, particulièrement
chez les jeunes : 45% des 18-24 ans sont intéressés par l’économie sociale et solidaire. L’enquête
démontre aussi que la collaboration avec les autres acteurs de l’économie est importante pour les
entrepreneurs sociaux : 85% collaborent avec les entreprises classiques et 72% avec les pouvoirs
publics. En effet, les collaborations permettent d’impacter positivement le développement des
activités des entreprises sociales. (Convergences, 2020)

Cette enquête démontre l’ampleur que prend l’entrepreneuriat social en France.


Convergences souligne quand-même sur l’importance des collaborations entre différents secteurs et
sur le rôle que peuvent jouer les pouvoirs et les entreprises privés dans le soutien et le développement
de ce secteur afin de diffuser les bonnes pratiques et de répondre aux problèmes sociaux. On peut
citer l’Union Européenne qui contribue pour le développement de l’entrepreneuriat social à travers la
diffusion des bonnes pratiques politiques et juridiques des Etats membres, un soutien financier pour
l’entrepreneuriat social européen et l’amélioration des perspectives de marché des entreprises
sociales (Convergences, 2019). En juillet 2019, suite au sommet de lancement de Pact for Impact ;
alliance mondiale pour l’économie sociale et inclusive ; la signature du Manifeste mondial Pact for
Impact a abouti. Politiquement, cette alliance entre plusieurs acteurs (Etats, organisations
internationales, collectivités locales, experts et universitaires, médias, entreprises et organisations de
l’économie sociale et inclusive) vise à porter l’économie sociale et inclusive au plus haut de l’agenda
international, et à démontrer que cette économie peut contribuer à la réalisation des Objectifs de
développement durable. Enfin, elle travaillera à l’adoption d’une résolution à l’ONU afin de reconnaître
le concept d’économie sociale et ainsi permettre son développement à travers des outils
règlementaires mais aussi financiers. (Convergences, 2020)

On peut aussi dénombrer près d’une centaine de structures spécialisées dans


l’accompagnement des entreprises sociales en France : incubateurs, accélérateurs, générateurs de
projets, espaces de coworking, etc. Les écosystèmes d’appui à l’entrepreneuriat social se densifient
41
dans les territoires et rassemblent nombre d’acteurs pluriels (Convergences, 2020). Cette prolifération
d’organisations d’appui ne fait que confirmer la valeur que porte ce secteur prometteur.

Le développement du secteur de l’entrepreneuriat social passera également par l’utilisation


du numérique. En offrant la possibilité de réduire les coûts, de proposer de nouveaux produits et
d’augmenter la portée d’un service, il peut constituer un atout pour les entreprises sociales.

b. L’entrepreneuriat social en Tunisie

La crise économique et sociale que connaît la Tunisie depuis janvier 2011 et les revendications
sociales conséquentes laissent davantage de champ libre à l’initiative des organisations de l’économie
sociale et solidaire, notamment pour la fourniture de services sociaux, point faible des secteurs public
et privé, à l’évidence en difficulté (PNUD, 2016). L’entrepreneuriat social est donc un choix stratégique
pour la Tunisie et ce pour diverses raisons.

Les secteurs public et privés n’arrivent plus à satisfaire une demande sociale qui est de plus en
plus forte. Avec un taux de croissance de 5%, certains groupes sociaux ; notamment les jeunes et les
femmes et certaines régions géographiques surtout les régions d’intérieur ; sont exclus des fruits de la
croissance. Les disparités régionales et les vulnérabilités sociales sont accentuées et le pays se trouve
confronté à des difficultés économiques et sociales faiblement maîtrisées. (PNUD, 2016)

Le secteur public est de plus en plus en difficulté. Les services publics sont en dégradation
continue et les ressources se réduisent. Pour tenter de remédier aux problèmes de chômage et de
vulnérabilités sociales, le secteur public a procédé à des recrutements massifs entre 2011 et 2016.
Maintenant avec 650 000 fonctionnaires dans l’administration pour une population de 11 millions
d’habitants, l’Etat ne peut plus recruter. L’appareil administratif est de plus en plus bureaucratique. Le
retard d’action, les tiraillements, la résistance aux changements et le manque d’initiative deviennent
couteux et entravent la performance de l’action publique. De multiples programmes actifs ont été mis
en place : chèque d’amélioration de l’employabilité, stage d'initiation à la vie professionnelle (SIVP),
contrat Emploi Solidarité, service civil volontaire (SCV), programme AMAL, programme de partenariat
avec les régions, programme d'appui aux promoteurs des petites entreprises, programme FORSATI, et
aujourd’hui le contrat de dignité. Toutes ces politiques et tous ces programmes sont coûteux et
inefficients. Il suffit d’avancer un seul indicateur : le chômage ne cesse de croitre (PNUD, 2016).

Le secteur privé, quant à lui, est en paralysie face aux besoins pressants de croissance et
d’emploi. Il reste peu performant et manque de dynamisme avec un taux d’investissement entre 12 à
14%. Les entreprises individuelles peu dynamiques et peu performantes prédominent la scène. La
croissance de la productivité, la compétitivité et la dynamique de création d’entreprises sont faibles.
Le taux de croissance annuel du secteur privé est de 3,7% alors que le taux de création est de 4%. Ces
taux restent faibles comparativement à d’autres pays tel que Hong Kong qui a enregistré sur la période
de 2007-2011, un taux de croissance de création nette d’entreprises de 10% par an. Des années 2000
à 2015, 86% des entreprises tunisiennes ne recrutent aucun salarié, elles souffrent de faibles gains de
productivité et d’un développement d’activités à faible valeur ajoutée (PNUD, 2016).

L’entrepreneuriat social semble être la réponse aux maux de société de la Tunisie. Il présente
une autre forme de gestion et un vecteur d’innovations sociales. L’ESS marque le passage de l’action
publique d’une politique d’assistanat vers une politique de participation et de responsabilisation
citoyenne, où chaque citoyen aura sa place et sera acteur du changement économique et social (PNUD,
2016). C’est une économie dans laquelle le citoyen est un acteur actif contribuant au changement.
L’entrepreneuriat social est un secteur en voie d’affirmation et de développement en Tunisie.
Fortement enracinées dans les territoires, les organisations de l’économie sociale et solidaire peuvent
42
pallier l’absence d’implication des acteurs économiques dans les régions défavorisées, à condition que
le secteur soit préalablement institutionnalisé et que les entités fonctionnent selon les critères et les
valeurs de l’entreprise sociale et solidaire (PNUD, 2016).

L’économie sociale et solidaire est définie comme-suit en droit tunisien : « Ensemble des
activités économiques de production, de transformation, de distribution, d'échange et de
consommation de biens ou de services exercées par les coopératives, les mutuelles et les associations
ainsi que par toute personne morale de droit privé et qui respectent les principes cumulatif suivants :

1. La primauté de l’être humain et de la finalité sociale sur le capital ;

2. La liberté d’adhésion et de retrait ;

3. L’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics ;

4. Gestion autonome, transparente et démocratique selon la règle une personne, une voix ;

5. "Lucrativité" limitée assurée par les trois règles suivantes : la répartition limitée des
bénéfices, le réinvestissement de la plus grande part des bénéfices nets pour le maintien ou le
développement de l’entreprise et des réserves obligatoires constituées impartageables ;

6. Les valeurs de solidarité en interne et avec la société, l’égalité, la citoyenneté, la cohésion


sociale, la justice, l'équité, et la responsabilité individuelle et sociale partagée. »

En Tunisie, l’entrepreneuriat social est composée de trois grandes familles qui constituent
l’épine dorsale du secteur : les coopératives, les mutuelles et les associations. Les coopératives
regroupent les unités coopératives de production agricole (UCPA) et les sociétés mutuelles de service
agricole (SMSA). Les associations cumulent celles régies par le droit commun et celles à statuts
particuliers : les associations de micro finance (AMF) et les groupements de développement agricole
et de la pêche (GDAP). Les Mutuelles prennent deux formes : les mutuelles régies par le décret de 1954
et les sociétés d’assurance à forme mutuelle. (PNUD, 2016)

En Tunisie, l’entrepreneuriat social ne représente que 0,6% de la population active occupée et


au moins 1% du PIB. Le secteur est disparate et éparpillé, les acteurs hétérogènes et fragmentaires.
Une pluralité d’acteurs sont sous le signe de l’instrumentalisation : certaines initiatives portées par les
organisations de l’économie sociale et solidaire ont vocation à être instrumentalisées par l’État, dans
la mesure où elles se réduisent à un simple dispositif des politiques publiques. Leur contribution à la
transformation sociale du pays est alors très faible, quand elles ne contribuent pas à la freiner (PNUD,
2016).

L’entrepreneuriat social présente une faible dynamique de création d’emplois. Le rythme de


création d’organisations semble s’accélérer ces dernières années dans l’ESS, surtout pour les
associations. Le secteur associatif en compte en moyenne 1673 de plus chaque année sur la période
2011-2016 contre 248 sur la période précédente (1995-2010). Alors que le nombre des associations
était de 9 561 en 2010, il est passé à 14 729 en 2012 pour aujourd’hui frôler les 23 690 (ifeda, 2020).
La figure ci-dessous met sous la lumière les différents secteurs d’activité des associations en Tunisie.
Les SMSA de base et les GDAP se sont faiblement développés : sur la période 2011-2015 le nombre de
SMSA de base a augmenté de 85 unités, celui des SMSA centrales de 2 seulement. La création de
mutuelles semble stagner également. La plupart des établissements de l’ESS comptent moins de 10
salariés : plus de la moitié des SMSA de base (54,5 %), qui recourent à l’emploi de professionnels,
emploient seulement 1 à 10 salariés et 70 % d’entre elles emploient moins de 20 salariés. Pour les
associations la situation est plus critique. La population active occupée par le secteur est de l’ordre de
43
21 mille emplois, soit environ 0,5 % de l’ensemble de la population active occupée. Le seul secteur
associatif compte 12 368 emplois salarié, soit 58 %, auquel il conviendrait d'ajouter le volume du travail
bénévole. Pour leur part, les coopératives agricoles emploient près de 4900 salariés, soit 2,7 % de
l’ensemble de l’emploi salarié agricole. (PNUD, 2016)

FIGURE 4- RÉPARTITION DES ASSOCIATIONS SELON LE SECTEUR D'ACTIVITÉS (SOURCE : IFEDA.ORG.TN)


Comme mentionné, le poids économique de l’entrepreneuriat social est très faible avec une
contribution de 1% au PIB. La valeur ajoutée des « services fournis par les organisations associatives »
a été estimée à 100 millions de dinars (MD), c’est-à-dire 0,1% du PIB de la Tunisie. Pour les coopératives
(SMSA de base, SMSA centrale et UCPA), le chiffre d’affaires total s’est établi à 828 MD, soit près de
0,9 % du PIB. Pour leur part, les mutuelles ont réalisé un chiffre d’affaires (cotisations acquises brutes)
de 48 million DT, soit 0,05 % du PIB. Au total, si on approxime la contribution au PIB par le chiffre
d’affaires, la contribution totale du secteur de l’ESS au PIB serait au mieux de 1 %. (PNUD, 2016)

L’entrepreneuriat social en Tunisie connaît des défis majeurs. Le secteur a été longuement
privé d’un cadre juridique approprié jusqu’au vote de la loi de l’ESS le 17 juin 2020 par l’Assemblée des
Représentants du Peuple. Des blocages d’ordre institutionnel et juridique, statistique et de
financement ont entravé non seulement son développement mais sa fondation même pour une longue
période. Le secteur est accablé par la bureaucratie administrative. L’un des critères existentiels de
l’entreprise sociale et solidaire, celui de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, échappe à
plusieurs entités du secteur, particulièrement au niveau du secteur agricole. Les coopératives
subissent donc l’ingérence de l’administration publique dans sa gestion interne. (PNUD, 2016)

L’absence de données fiables et d’un système statistique qui produit des données précises et
fiables pour mesurer la performance de l’entrepreneuriat social est un frein au développement du
secteur. Les données disponibles sont disparates, incomplètes et incohérentes. En l’absence d’un
système statistique, e gouvernement est dans l’incapacité d’élaborer des politiques publiques dans ce
domaine. (PNUD, 2016)

Un autre défi auquel fait face l’entrepreneuriat social en Tunisie est l’absence de structures de
financement dédiées à ce secteur particulier, ce qui est un facteur limitant le développement du
secteur (PNUD, 2016). L’accès des PME au financement est difficile et la situation est aggravée pour

44
les entreprises sociales. L’entrepreneuriat social demeure méconnu dans les circuits classiques de
financement, les investisseurs sont donc sceptiques au potentiel porteur de ce secteur. Cinq types de
difficultés peuvent être soulignés : des ressources propres très faibles ou quasi absentes, des
restrictions sévères aux crédits bancaires, des systèmes de microcrédits dont les prestations sont
limitées aux seules personnes physiques, un soutien public en baisse et un financement externes
volatile et aléatoire. (PNUD, 2016)

Dans ce cadre et pour la première fois, Convergences a mené une enquête sur la perception la
perception de l’économie sociale et solidaire et ses évolutions en Tunisie, auprès d'une soixantaine
d'acteurs. Cette enquête présente la perception des secteurs publics (26%), des entrepreneurs sociaux
(19%), du secteur privé (27%), des acteurs associatifs (associations 14% et ONG 5%), des organisations
internationales (5%), et du secteur académique (4%) quant à la capacité de l’ESS et de ses acteurs à
répondre aux problèmes sociétaux et environnementaux du pays (Convergences, 2020). Pour 80% des
sondés, le chômage représente le problème le plus urgent à régler. La pauvreté vient en seconde place
suivie de la santé. Ces problèmes sont plus urgents à résoudre dans les régions intérieures qui souffrent
des inégalités de développement, d’accès aux services essentiels et d’opportunités économiques.
L’enquête permet de dégager une attente très forte des sondés envers les organisations de la société
civile et les acteurs de l'économie sociale et solidaire qui sont identifiées à 83% et à 80%
respectivement comme les plus aptes à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux du pays.
(Convergences, 2020)

L’enquête confirme que les freins au développement des acteurs de l’entrepreneuriat social
sont le manque de moyens financiers et de partenariats leur permettant de développer leurs activités.
Il y a certes une reconnaissance de l’importance du secteur en Tunisie mais la capacité d’action et de
réponse de l’entrepreneuriat social n’est donc plus à prouver mais à renforcer (Convergences, 2020).

L’environnement troublé de la Tunisie, suite à plusieurs crises économiques, fait apparaître


l’entrepreneuriat social comme l’une des meilleures dynamiques libérant l’initiative privée et
répondant au dynamisme des jeunes. Ce secteur, fortement ancré dans les territoires, porte
probablement une réponse à tous les maux de notre société que ce soit dans le chômage, la pauvreté,
la santé, l’éducation, la culture, etc.

c. SARS-COV-2 : Conséquences et mesures de lutte

La pandémie de Covid-19 est une pandémie d'une maladie infectieuse émergente, appelée la
maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19, provoquée par le coronavirus SARS-CoV-2, apparue à Wuhan
le 16 novembre 2019, dans la province de Hubei (en Chine centrale), avant de se propager dans le
monde.

La plupart des personnes infectées par le virus responsable de la COVID19 présenteront une
maladie respiratoire d’intensité légère à modérée et se rétabliront sans avoir besoin d’un traitement
particulier. Les personnes âgées et celles qui ont d’autres problèmes de santé, tels qu’une maladie
cardiovasculaire, un diabète, une maladie respiratoire chronique ou un cancer, ont plus de risques de
présenter une forme grave. (Organisation Mondiale de la Santé, 2020)

La COVID-19 est ‘la’ crise globale de notre époque et le plus grand défi auquel nous ayons été
confrontés depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais la pandémie est bien plus qu'une crise sanitaire,
c’est aussi une crise socioéconomique sans précédent mettant sous pression chacun des pays qu'elle
touche, elle a des impacts sociaux, économiques et politiques dévastateurs qui laisseront de profondes
cicatrices qui tarderont à s’effacer. (PNUD, 2020)

45
i. Conséquences sur l’économie et les entreprises

La pandémie du coronavirus a pesé lourd et a engendré des conséquences à l’échelle globale


qu’on peut diviser dans les catégories suivantes :

Economie :

Difficultés dans l'approvisionnement Au-delà de la propagation de la maladie et des


mesures de quarantaine, des pénuries
d'approvisionnement médico-pharmaceutiques et
manufacturés font suites aux perturbations des
usines en Chine puis en Italie et à Hong Kong. Des
achats de panique ont créé des pénuries.
Les chaînes de logistique ont été perturbés au
milieu de l’épidémie de Covid-19.
Pénurie mondiale de produits médicaux Une des conséquences de cette pandémie, c'est
qu'elle expose la dépendance des pays occidentaux
aux productions venant d'Asie. La Chine elle-même
est obligée de faire appel à l'aide internationale au
début de la pandémie alors même qu'elle produit
la majorité des masques et du matériel médical au
niveau mondial. Au plus fort de la pandémie, tous
les pays sont désespérément à la recherche des
mêmes produits et la pénurie frappe les
établissements de santé au premier chef tandis que
les prix s'envolent.

Les médicaments sont aussi touchés, surtout ceux


de réanimation.

Préoccupés par ces problèmes


d'approvisionnement ou de pénurie, de nombreux
pays interdisent ou limitent à titre temporaire
l'exportation de certains médicaments ou
équipements médicaux, ou de protection médicale.
Secteurs en chute Plusieurs secteurs subissent des retards
d’expédition notamment les produits
électroniques. Des industries vivent des chutes tels
que l’industrie de l’automobile, de l’habillement,
du voyage et le secteur du tourisme.
Conséquences macroéconomiques La crise économique causée par le coronavirus est
considérée comme inédite dans sa nature et sa
violence.
Une chute du PIB dans le monde et une hausse du
nombre de personnes en situation d’extrême
pauvreté est prévue.
Marchés financiers La bourse mondiale chute consécutivement à la
hausse significative du nombre de cas de Covid-19.
Les marchés boursiers du monde entier
connaissent une forte baisse en février 2020.
Environnement

46
Partout dans le monde, la pandémie a eu des effets environnementaux positifs (amélioration
spectaculaire de la qualité de l'air, et localement de l'eau, forte réduction de la pollution sonore...),
neutres (la pollution lumineuse n'a par exemple pratiquement pas diminué) ou négatifs (augmentation
brutale de la production de « déchets d'activité de soin à risque infectieux » par exemple, au moment
où en France la capacité de collecte sélective et de tri a chuté de 40 %).

Usage des technologies de l’information

Les mesures sanitaires visant à limiter les contacts physiques entre personnes mènent
rapidement à un usage accru des technologies numériques de l'information et de la communication.
La pandémie favorise également de manière très significative un passage au travail et à
l'enseignement à distance. De très nombreuses écoles, universités et instituts de formation basculent
rapidement vers un enseignement à distance, avec des fermetures d'écoles dans 191 pays à la mi-avril,
touchant 1,5 milliard d'élèves et 63 millions d'enseignants du primaire et du secondaire. Cet
enseignement recours massivement aux moyens numériques, ce qui crée des problèmes d'accès à
l'éducation pour de très nombreuses personnes, les infrastructures numériques, les compétences et
l'équipement des institutions et des élèves étant très divers. On remarque aussi l’explosion des
webinaires qui viennent remplacer les séminaires car jugés plus sûrs pour garantir la distanciation
sociale.
La pandémie affecte aussi les entreprises. Selon une enquête réalisée début avril par la CCI6 en
France, 63% des entreprises poursuivent leur activité durant la crise, et ce, quels que soient les
secteurs. 77% des industries, 73% des entreprises de services, 51% des commerces de détail mais
uniquement 14% des CHR7 poursuivent leur activité tandis que le reste est en arrêt d’activité. Le
chômage partiel concerne 74% des salariés, le télétravail 40%, 19% sont en absence pour garde
d’enfants et 13% en arrêt d’activités. La pandémie a des conséquences sur l’activité de plusieurs
entreprises. En effet, 85% des répondants selon l’enquête ont des commandes et des ventes en baisse.
25% ont des difficultés de livraison clients, 22% sont en rupture d’approvisionnement en matières
premières, 8% ont des difficultés à régler les fournisseurs, 8% connaissent une baisse d’import/export
et 4% subissent une perte ou une dévalorisation des stocks. (CCI, 2020)

ii. Mesures de lutte contre la propagation

La pandémie du SARS-Cov-2 et la difficulté à trouver un vaccin adéquat a fait que l’humanité


s’est trouvée confrontée à plusieurs défis économiques, sociaux et environnementaux nécessitant le
déploiement d’une série de stratégies pour lutter contre la propagation du virus et atténuer ses
conséquences sur les populations les plus vulnérables et marginalisées.

Deux grandes stratégies de gestion de la crise sanitaire sont possibles :

 L’atténuation (mitigation) : cette stratégie cherche plus à ralentir l’épidémie plutôt que de
l’arrêter, et ce pour réduire la pression sur les services de soin intensifs tout en protégeant les
personnes les plus exposés au virus. Cette stratégie essaye de combiner de manière optimale
entre l’isolement à domicile des cas suspects, la mise en quarantaine à domicile des personnes
vivant sous le même toit que les cas suspects et l’éloignement social des personnes âgées et
des personnes à risque. (Neil M Ferguson, 2020)
 La suppression de la pandémie : cette stratégie est une option politique privilégiée surtout
par les pays capables d’y intervenir, mais qui peut aussi poser des défis majeurs aux

6
CCI : Chambre De Commerce Et D'industrie
7
CHR : Cafés, Hôtel, Restaurants
47
gouvernements. Dans ce cas, il s’agit d’inverser rapidement la croissance épidémique en
diminuant le nombre de cas et la contagion interhumaine jusqu’à la diffusion du vaccin. Cette
suppression nécessitera de combiner judicieusement la distanciation physique dans toute la
population, l'isolement des malades à domicile ou à l'hôpital et la quarantaine pour les proches
et/ou membres de la famille, avec de possibles fermetures d'écoles et d'universités, en sachant
que ces fermetures peuvent avoir des impacts négatifs sur les systèmes de santé. Il faut après
maintenir cette situation indéfiniment jusqu’à l’obtention d’un vaccin efficace sinon les cas de
contagion risqueraient de rebondir rapidement. (Neil M Ferguson, 2020)

Ces deux stratégies ont servi de lignes directrices aux gouvernements qui se sont vu opter pour
l’une ou pour l’autre.

Le 30 janvier, après que 18 pays soient aussi touchés par la Covid-19, l’OMS déclare l’état
d’urgence de santé publique de portée internationale (Organisation Mondiale de la Santé, 2020). Elle
déclare ensuite, le 12 mars 2020 après que plusieurs d’autres pays commencent eux aussi à être
gravement touchés par le virus, que l’épidémie est finalement devenue une pandémie.

Parmi les mesures prises pour limiter la propagation du virus, on peut citer les restrictions de
voyages, la fermeture des frontières par quelques pays ayant subi une montée des nombres de cas
testés positifs et le débordement de leurs systèmes de santé et le confinement total.

Le confinement, quant à lui, devrait permettre d’atteindre deux objectifs :

 Soit ralentir la propagation du coronavirus,


 Soit viser l’extinction du virus comme cela s’est produit en Chine suite à leurs mesures strictes
de confinement et de suivi des cas suspects.

FIGURE 5- POLITIQUE DE CONFINEMENT DURANT LA PANDÉMIE COVID-19 DU 1ER JANVIER AU 21 SEPTEMBRE 2020
Une des mesures prises suite à la propagation de la maladie du coronavirus est l’annulation et
le report de plusieurs manifestations culturelles, politiques, technologiques et sportives. On peut

48
nommer les Jeux Olympiques d’été de 2020 reportés pour 2021 (Libération.fr, 2020) et le secteur du
divertissement qui a vu plusieurs manifestations musicales et théâtrales se suspendre.

Des directives de prévention et de mesures hygiéniques a été publié par l’OMS, la Croix-Rouge
et l’UNICEF à l’intention des autorités locales et nationales pour protéger les écoles et les enfants
(Organisation Mondiale de la Santé, 2020). Ces directives se sont généralisés ensuite partout et avaient
pour priorité de limiter le maximum de contact physique avec autrui et de se laver les mains
fréquemment.

La distanciation sociale s’est aussi imposée comme une mesure cruciale pour la lutte contre la
propagation du virus. Ceci implique l’éloignement physique entre les individus d’au moins 1 mètre de
distance et d’éviter tout contact physique pouvant poser un risque de contamination.

A partir de mars 2020 et s’inspirant du succès qu’a vu la Chine dans sa gestion du Sars-Cov-2,
plusieurs pays ont opté pour la distanciation sociale et le port obligatoire de masques dans les espaces
publics. Ils recommandaient aussi l’auto-isolement et le travail à domicile à ceux qui le pouvaient. Les
déplacements jugées non nécessaires étaient à éviter.

Les établissements scolaires ont dû être fermés périodiquement à partir d’avril 2020 après
avoir remarqué que les enfants aussi pouvaient être porteurs du coronavirus et ainsi infecter leurs
proches adultes et âgés à risque.

Une autre mesure jugée importante est celle du port de masques qui est aujourd’hui devenu
obligatoire dans les espaces publics. L’OMS a déclaré que le port de masques médicaux par les
soignants est nécessaire pour leur protection tandis que l’Académie Nationale de médecine Française
conseillait le grand public à opter aussi pour le port de masques en cas de sortie obligatoire. Les
nouvelles du port de masque ont causé une énorme pénurie et les stocks de masques se sont
rapidement épuisés, poussant ainsi les gouvernements à pousser pour leur production et distribution.

Les technologies de l’information ont été déployés pour aider dans le traçage des cas suspects
portant le coronavirus. En Chine, en France, en Allemagne et en Australie par exemple, des applications
à télécharger sur les téléphones mobiles ont été conçues, en utilisant diverses technologies telles que
le GPS et le Bluetooth, fournissant des données telle que la géolocalisation des utilisateurs et traquant
ainsi les noyaux d’infection. Cette mesure a été largement critiquée comme étant une atteinte au
respect à la vie privée des personnes. En France, en juillet 2020, uniquement 3,1% des Français ont
téléchargé l’application StopCovid (The New York Times, 2020).

Plusieurs fonds d’aide et de soutien financiers ont été mis en place par des organisations
internationales tels que l’OMS et le Fonds Monétaire International. Ces fonds sont surtout destinés
aux pays en voie de développement qui sont considérés être les plus vulnérables face à la pandémie
du coronavirus.

Des mesures ont été décidées au profit des entreprises impactées par la pandémie mondiale
du coronavirus. On peut résumer ces premières mesures économiques prises par quelques grands pays
pour surmonter la crise du coronavirus dans ce tableau :

TABLEAU 13- MESURES ÉCONOMIQUES PRISES PAR QUELQUES GRANDS PAYS


Pays Mesures Prises
France  Un mécanisme exceptionnel de chômage partiel sera mis en
œuvre pour éviter les licenciements. L’État prendra en charge
l'indemnisation des salariés contraints de rester chez eux.

49
 Le gouvernement autorise les entreprises à suspendre le
paiement de certaines charges sociales et taxes et active des
programmes de chômage partiel subventionnés par l'État. Il a
ordonné à la banque d'investissement d'État Bpifrance de
garantir les prêts nécessaires pour surmonter les problèmes de
trésorerie à court terme.
 Le gouvernement a également permis aux entreprises de
déclarer un cas de force majeure en raison de l'épidémie si elles
ne peuvent pas honorer un contrat avec le secteur public, et fait
pression sur les grandes entreprises pour faire preuve de
clémence similaire avec les sous-traitants.
Italie  Le plan de soutien économique prévu par le gouvernement
totaliserait quelque 25 milliards d'euros (28 milliards de dollars)
pour garantir que les entreprises et les travailleurs soient aidés
pendant la crise.
 Le gel des paiements d'impôts et de prêts et l'augmentation des
allocations de chômage pour garantir qu'aucun emploi ne soit
perdu. Le gouvernement a déclaré que les paiements
d'hypothèques seront suspendus dans toute l'Italie et le lobby
bancaire italien ABI a déclaré que les prêteurs offriraient des
moratoires sur les dettes aux petites entreprises et aux ménages
aux prises avec les retombées économiques du virus.
Allemagne  Les mesures adoptées : le chômage partiel doit permettre aux
entreprises, notamment dans le tourisme ou l’organisation de
foires, de voir leurs dépenses allégées sans avoir à licencier.
L’agence pour l’emploi prend en charge 60% du salaire net et les
cotisations sociales pour les heures non travaillées. Des prêts
aux entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie sont
prévus.
 L’État va par ailleurs dépenser 13 milliards d’euros
supplémentaires sur quatre ans pour les secteurs des
transports, le logement ou le numérique.
 Le blocage d'une enveloppe supplémentaire de 12,8 milliards
d'euros (13,5 milliards de francs) sur quatre ans pour des
investissements d'infrastructure.
 Le gouvernement a aussi annoncé des mesures
d'assouplissement fiscal, comme des règles d'amortissement
plus favorables.
 Augmenter les investissements publics de 12,4 milliards d'euros
d'ici 2024 et de permettre aux entreprises de demander plus
facilement des subventions pour soutenir les travailleurs sur la
réduction du temps de travail afin de contrer les effets de
l'épidémie de coronavirus.
La Grande Bretagne  La Grande-Bretagne a lancé un plan de relance économique de
30 milliards de livres sterling (39 milliards de dollars) quelques
heures seulement après que la Banque d'Angleterre a abaissé
les taux d'intérêt à 0,25 %, un programme à double barillet
visant à conjurer le risque de récession du coronavirus. Dans le
détail, 7 milliards aideront les travailleurs indépendants et les
PME, 5 milliards le système de santé, qui s'ajoutent à 18
milliards d'autres mesures pour soutenir l'activité.

50
Etats-Unis  Une réduction des taxes sur les salaires pour aider les ménages
américains à surmonter l'impact économique de l'épidémie de
coronavirus.
 Des mesures d'aides aux entreprises mises en difficultés.
 Le report de la date butoir de paiement des impôts pour certains
individus et entreprises et ainsi réinjecter «200 milliards de
dollars de liquidités supplémentaires dans l'économie.
 Le département du Trésor américain reportera les paiements
d'impôts sans intérêts ni pénalités pour certaines personnes et
entreprises affectées négativement, dans le but de fournir plus
de 200 milliards de dollars de liquidités supplémentaires à
l'économie.
 La Small Business Administration fournira également des
capitaux et des liquidités aux entreprises touchées par le
coronavirus.
 Plus tôt, Donald Trump a signé un projet de loi de dépenses
d'urgence de 8,3 milliards de dollars pour lutter contre la
propagation du virus et développer des vaccins contre la
maladie hautement contagieuse.
Algérie  Lors de sa réunion ordinaire, le Comité des Opérations de
Politique Monétaire de la Banque d’Algérie a « décidé de réduire
le taux de réserve obligatoire de 10% à 8 % et d’abaisser de 25
points de base (0,25 %) le taux directeur de la Banque d’Algérie
pour le fixer à 3,25 % et ce à compter du 15 mars 2020 ».
Maroc  La suspension de la cotisation à la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale (CNSS) pour les entreprises en difficulté, et qui
exprimeraient la demande dans ce sens, et d'examiner, cas par
cas, l'ensemble des entreprises qui seraient également en
difficulté par rapport aux remboursements de leurs crédits et ce
jusqu'à la fin de cette crise.
 Le Roi du Maroc ordonne la création d'un fonds spécial de 1
milliard de dollars.
Les mesures indiquées ci-dessous ont été prises dans le but d’atténuer les répercussions sur
les économies des pays et de limiter les pertes que peuvent subir les entreprises.

On peut constater un changement du mode de fonctionnement des entreprises qui se trouvent


dans l’obligation de recourir au télétravail pour limiter les déplacements et les rassemblements.

d. La crise sanitaire en Tunisie

i. Conséquences de la pandémie en Tunisie

Depuis le début de la pandémie de COVID-19 en Tunisie au printemps dernier, l'une des


principales questions a été de savoir quel impact cette pandémie aurait-elle sur la population du pays.
De nouvelles études suggèrent que la pandémie risque d'exacerber les problèmes de développement
du pays en inversant la tendance récente en matière de réduction de la pauvreté. Davantage de
personnes passeront probablement sous le seuil de pauvreté et la pauvreté existante risque de
s'aggraver par le biais de quatre grands canaux : les revenus du travail, les revenus non liés au travail,
les effets directs sur la consommation et la perturbation de services. (Banque Mondiale, 2020)

L’étude menée par la Banque Mondiale associe les chocs sur le travail et les prix pour simuler
l'impact de la COVID-19 sur le bien-être des ménages selon deux scénarios :
51
 Optimiste : utilise les récentes estimations de la Banque mondiale de -8,8% de croissance du
PIB réel, à prix constants des facteurs ;

 Pessimiste : prévoit une croissance de -11,9% (c'est-à-dire que l'économie réalise la même
croissance que celle du premier semestre 2020). Ce scénario s'appuie sur les enquêtes
téléphoniques auprès des ménages réalisées pendant la COVID-19 (par l'Institut national de la
statistique, en collaboration avec la Banque mondiale) et l'enquête sur le budget des ménages
en Tunisie en 2015.

Les résultats indiquent que la pauvreté devrait augmenter de 7,3 points de pourcentage selon
le scénario optimiste et de 11,9 points de pourcentage selon le scénario pessimiste. Cela signifie une
augmentation de plus de 50 % de la pauvreté dans le premier scénario et un quasi-doublement du taux
de pauvreté dans le second - ce qui inverse la tendance à la baisse de la pauvreté constatée au cours
de la dernière décennie. En outre, on s'attend à ce que davantage de personnes perdent leurs revenus
et deviennent ainsi vulnérables à la pauvreté. L'écart de pauvreté (le déficit de pauvreté de l'ensemble
de la population) passerait de 3,2 % à 4,4 % dans le scénario optimiste, et à 5 % dans le scénario
pessimiste. (Banque Mondiale, 2020)

La propagation du coronavirus, a impacté amplement l’activité économique de la Tunisie


surtout au niveau des entreprises qui ont été considérablement touchées par l’arrivée de cette crise
sanitaire. Suite au confinement qui a été précédé par des mesures préventives l’activité économique
a été impactée à travers des multiples canaux de transmissions, principalement l’arrêt de la
production, la fermeture des points de vente et l’arrêt de recouvrement interentreprises ainsi que la
suspension des opérations du commerce international. (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020)

L’étude menée par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE) sur l’impact du coronavirus
sur les entreprises en Tunisie démontre que ¾ des chefs d’entreprises interrogés ont déclaré que leurs
activités sont impactées par la crise sanitaire. Selon les réponses des chefs d’entreprises, la crise
sanitaire impactera négativement le chiffre d’affaire des 96% des entreprises interrogées. La
perception de ces chefs d’entreprises quant à l’évolution du prix de leurs activités diffère d’un secteur
d’activité à l’autre comme illustré dans le tableau qui suit :

TABLEAU 14- PERCEPTION DES CHEFS D’ENTREPRISES SUR L'IMPACT DU COVID-19 SUR LES PRIX (INSTITUT ARABE
DES CHEFS D’ENTREPRISES, 2020)

Secteur d’activité Estimation moyenne de la Estimation moyenne de


diminution des prix l’augmentation des prix
Industrie 20,52% 33,12%
Bâtiment 30% 40%
Commerce 33,4% 18,57%
Services aux entreprises 37,22% 20%
Services aux particuliers 48% 31,66%
Autre secteurs 58,18% 23,5%
Quant à l’impact de la crise sanitaire sur la demande, la plupart des chefs d’entreprises
interrogés par l’IACE, quel que soit le secteur, s’attendent à une diminution de cette dernière.

TABLEAU 15- PERCEPTION DES CHEFS D’ENTREPRISES SUR L'IMPACT DU COVID-19 SUR LA DEMANDE (INSTITUT
ARABE DES CHEFS D’ENTREPRISES, 2020)
Secteur d’activité Estimation moyenne de la
diminution de la demande
Industrie 44,27%
52
Bâtiment 30,45%
Commerce 26,77%
Services aux entreprises 52%
Services aux particuliers 40%
Autre secteurs 53,33%
L’étude démontre aussi que les entreprises estiment que la crise causera une diminution de
l’approvisionnement tous secteurs confondus.

Comme ailleurs dans le monde, la crise sanitaire a causé plusieurs répercussions négatives sur
la gestion interne des entreprises. Parmi ces répercussions, on peut citer : une tension sur la trésorerie,
un chômage partiel, un risque de fermeture, le report des investissements, un retard voire une
incapacité de réalisation des objectifs, incapacité de couvrir les crédits et autres charges, difficultés à
honorer tous les engagements, réduction du nombre de salariés et arrêt total de l’activité dans certains
cas (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020).

Ces répercussions obligent les entreprises à adopter de nouvelles méthodes de travail et de


trouver des solutions pour garder leur rythme de travail. En effet, 38,6% des entreprises interrogées
ont opté pour un travail partiel, 26,91% pour le télétravail et 32,06% ont gardé les mêmes méthodes
qu’avant la crise (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020). Malgré que plus que la moitié des chefs
d’entreprises interrogés ont opté pour des nouvelles méthodes de travail tel que le travail partiel et le
télétravail, la plupart de ces derniers, 55,12% pensent que cette nouvelle mesure prise aura un impact
négatif sur la productivité des employés (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020). Plus que la
moitié des chefs d’entreprises (61%) interrogés déclarent qu’il est probable ou fort probable de passer
au chômage technique, voire suppression de postes d’emploi (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises,
2020). Plus de la moitié des chefs d’entreprises interrogés (66,67%) déclarent que leurs entreprises
sont confrontées à des difficultés financières (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020).

96,7% des chefs d’entreprises interrogés craignent un impact négatif plus important de
l'épidémie sur votre activité dans les six mois à venir et 88,8% craignent un impact négatif plus
important de l'épidémie sur votre activité dans les douze mois à venir (Institut Arabe des Chefs
d’Entreprises, 2020). C’est ici qu’il est important que la gestion de la crise et les mesures à prendre par
le gouvernement soient bien étudiées pour éviter toutes répercussions négatives sur l’économie du
pays.

ii. Mesures contre le coronavirus en Tunisie

Alors que la crise sanitaire atteignait son pic dans les pays d’Asie, et notamment en Chine, la
Tunisie, comme bon nombre de pays d’Europe et d’Afrique, mettait en place quelques mesures
préventives, dans un climat général où ni les décideurs politiques, ni les citoyens ne semblaient
prendre la mesure de la crise à venir. C’est ainsi que des caméras thermiques ont été installées dans
les aéroports tunisiens dès le 26 janvier. A ce moment-là, un formulaire est administré aux arrivants
visant à renseigner l’Observatoire National des Maladies Nouvelles et Émergentes (ONMNE) sur leur
état de santé, leur pays d'origine ou de transit ainsi que leur domiciliation et coordonnées en Tunisie.
A compter du 29 janvier, le Ministère de la santé lançait également une campagne de sensibilisation
préventive via la diffusion massive de messages relatifs aux mesures d’hygiène via les moyens de
communication aussi bien publics (télévision-radios-réseaux sociaux) que privés (SMS). Cette politique
continua de manière plus intense, notamment suite à la classification de l’Italie comme deuxième pays
le plus touché par l’épidémie après la Chine, le 20 février 2020. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés,
2020)

53
Ce n’est qu’à compter du 2 mars 2020, lorsque le premier citoyen tunisien, en provenance de
Milan, est confirmé positif au Covid-19, que des mesures de prévention et de suivi sanitaire plus
importantes sont prises. Suite à cette première contamination le conseil des ministres après
consultation du conseil de sécurité restreint décrète, le 12 mars, la fermeture de la majorité des
établissements scolaires, le report des manifestations culturelles et des opérations médicales non
urgentes ainsi que la fermeture des frontières maritimes avec l’Italie. (Alliance pour la Sécurité et les
Libertés, 2020)

Ainsi, à compter du 13 mars, les personnes asymptomatiques arrivant de zones à risques sont
soumises à l’obligation d’auto-isolement obligatoire pendant 14 jours, et sont suivies à distance par le
Ministère de la santé via des appels téléphoniques et des SMS. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés,
2020)

Malgré les premières mesures prises, la courbe de contamination s’accentue, portant le


nombre de contamination au 14 mars à 18 personnes. L’Etat tunisien décide alors, ce même jour, la
fermeture totale des frontières, l’interdiction des rassemblements, la fermeture des marchés,
l’application du régime de la séance unique pour la fonction publique, ainsi que la création d’un fond
monétaire de lutte contre l’épidémie. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés, 2020)

L’état d’exception proclamé par le Président de la République le 18 mars 2020 se traduit par
l’instauration d’un couvre-feu. Il vient se superposer à un état d’urgence en vigueur depuis 2015. Le
premier décès lié au coronavirus le 19 mars 2020 accéléra la prise de mesures drastiques,
principalement l’interdiction de déplacement sans autorisation entre les gouvernorats, ainsi que
l’instauration d’un confinement sanitaire général. Parallèlement, des mesures économiques, sous la
forme d’aides financières, sont prises au profit des salariés ayant perdu leur emploi en raison du
confinement. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés, 2020)

La politique de dépistage ne connaît un élargissement modeste qu’à partir du 26 mars


remettant en question l’exactitude du nombre total de contaminations estimé depuis le début de
l’épidémie. Cette réalité pousse l’Etat à prolonger le confinement total à deux reprises les 04 et 19
avril, en réduisant cependant la durée du couvre-feu de quatre heures jusqu’à sa levée le 08 juin. Ces
mesures sont annoncées la veille de leur entrée en vigueur ce qui n’a pas forcément fourni le temps
nécessaire pour que les citoyens s'accommodent et s’organisent avec les circonstances de ces
mesures. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés, 2020)

Le déconfinement progressif du pays a débuté le 04 mai 2020, à la suite d’une décroissance


générale du nombre de contamination et des décès. (Alliance pour la Sécurité et les Libertés, 2020)

Le 21 mars 2020, dans le but d'atténuer certains des impacts de la pandémie, le gouvernement
tunisien a annoncé, promulgué et progressivement mis en œuvre un plan d'urgence sociale et
économique exceptionnel, qui cible les plus pauvres et les plus vulnérables - couvrant près de 1,1
million de personnes comme indiqué dans le tableau qui suit (Banque Mondiale, 2020).

TABLEAU 16- LES MESURES COMPENSATOIRES PRISES PAR LA TUNISIE POUR ATTÉNUER L'IMPACT DE LA COVID-19
Population cible Montant de l'aide Période Nombre cible en
théorie
Familles dans le besoin 50 DT Avril 2020 260 000 ménages
60 DT Mai 2020
200 DT

54
Familles à revenus 200 DT Avril et Mai 2020 370 000 ménages
limités
Familles s'occupant 200 DT Avril 2020 779 ménages
d'une personne sans
soutien familial
Des pensions de 100 DT Avril 2020 140 000 ménages
retraite peu élevées Pension portée à 180
(moins de 180 DT) DT à partir du mois
d’août
Famille " Istimarat " (à 200 DT Mai 2020 301 149 ménages
l'exclusion des familles
aux revenus limités)
SOURCE : DONNÉES OBTENUES AUPRÈS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES. NOTE : MESURES D'URGENCE
ANNONCÉES LE 21 MARS 2020

Selon la Banque Mondiale, ces mesures compensatoires pourraient légèrement atténuer


l’augmentation de la pauvreté. En effet, les familles vulnérables s’en sortiraient mieux avec la prise de
ces mesures que si elles n’étaient pas prises.

Le gouvernement a mis en place, le 21 mars 2020, une panoplie de mesures de soutien


destinées aux entreprises, spécialement celles concernées par l’impact du coronavirus sur leurs
activités. Ces mesures sont réparties sur trois catégories :

TABLEAU 17- PRINCIPALES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES


Des mesures de soutien en faveur de toutes les  Création d'un fonds de soutien aux PME
entreprises d'un montant de 300 MDT,
 Report à fin mai 2020 des dépôts de
déclaration d'impôt sur les sociétés (échéance
du 25 mars), sauf pour les entreprises soumises
à l'IS aux taux de 35%,
 Arrêt de toutes les opérations de
contrôle fiscal et des délais de recours jusqu'à fin
mai 2020,
 Réduction des délais de restitution des
crédits d'impôts et taxes à un maximum d'un
mois,
 Amnistie sur les pénalités et PV
douaniers établis avant le 20 mars 2020 avec
paiement des droits et taxes dus et une pénalité
forfaitaire de 10%.
Mesures à l'attention des entreprises  Possibilité pour les entreprises exerçant
totalement exportatrices dans le secteur de l'industrie alimentaire et de la
santé d'écouler sur le marché local jusqu'à 100%
de leur production au cours de l'année 2020,
 Pour ce qui est des autres entreprises
exportatrices des autres secteurs d'activités,
relèvement du quota de 30 à 50% au cours de
l'année 2020.
Mesures à l'attention des entreprises les plus  Création d'un comité ; composé de
impactées représentants du ministère des Finances, de

55
celui des Affaires Sociales, de la BCT8, de
l’UTICA9, de l’UGTT10, l’APTBEF11 et de l’UTAP12 ;
au sein de la Présidence du Gouvernement,
dédié au suivi des entreprises les plus impactées
par la crise avec possibilité de rééchelonnement
des dettes fiscales de ces entreprises sur une
période pouvant atteindre 7 ans,
 Suspension pour ces entreprises de
l'application des pénalités de retard pour une
période de 3 mois à compter du 1 avril 2020.
SOURCE: TUNISIA INVESTMENT AUTHORITY, HTTPS://WWW.TIA.GOV.TN/COVID19
Le gouvernement a aussi instauré des mesures de soutien destinés aux secteurs d’activités les
plus touchés par la crise sanitaire :

 Pour les activités d’hôtellerie, agences de voyages, restaurants touristiques, artisanats,


transports, activités culturelles : Mise en place de procédures de crédit de gestion
exceptionnelles jusqu’au 31 décembre 2020 avec une possibilité de remboursement sur 7 ans,
dont 2 années de grâce. Un fonds de 500 MDT sera alloué à ces crédits.
 Pour les petites et moyennes entreprises (PME) :
o Création d’un fonds de soutien aux PME d’un montant de 300 MDT,
o Application de la décision de prise en charge par l’Etat jusqu’à 3% d’une partie du taux
d’intérêt sur les crédits d’investissements.
 Pour le secteur de la santé publique :
o Création par la CDC13 d’un fonds spécial de 100 MDT destiné à l’achat d’équipements
pour les établissements de santé publique,
o Exonération des entreprises du secteur de la distribution des médicaments de la TVA.
(Tunisia Investment Authority, 2020)

D’autres mesures de soutien décidées incluent :

 Création par la CDC d’un fonds d’investissement de 500 MDT, dont 100 MDT pour les
souscriptions de création. Ce fonds sera destiné au renforcement des fonds propres des
entreprises pour la sauvegarde des emplois.
 Création par la CDC d’un fonds de relais de 100 MDT destiné au rachat de parts de fonds
d’investissements dans des entreprises stratégiques en difficulté.
 Création d’un fonds de soutien au secteur culturel impacté par l’annulation de leurs
évènements et activités.
 Propagation du délai de paiement de la vignette à fin avril 2020. (Tunisia Investment Authority,
2020)

Toutes ces mesures sont préliminaires et de nature circonstancielle dont le but est de limiter
l’impact de la crise du coronavirus sur les domaines économique et social.

8
BCT : Banque Centrale de Tunisie
9
UTICA : Union Tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat
10
UGTT : Union générale tunisienne du travail
11
APTBEF : Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers
12
UTAP : Union Tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche
13
CDC : Caisse des Dépots et Consignations
56
Suite à l’augmentation des cas testés positifs au coronavirus durant la période d’hiver 2020-
2021, un confinement de 4 jours a été instauré du 14 au 17 janvier et les mesures concernant le
maintien du couvre-feu à 20h00, l’interdiction des déplacements entre les gouvernorats, la poursuite
du travail par alternance et du télétravail, le maintien de l’interdiction des rassemblements et des
manifestations en tous genre seront maintenus jusqu’au 14 février 2021. Les personnes âgées de plus
de 65 ans, sont également appelées à éviter les espaces publics. (webdo, 2021)

Le nombre de cas enregistrés le 24 janvier 2021 est de 195 314 (Worldometer, 2021).
L’efficacité des mesures prises que ce soit sur le niveau social ou économique restent toujours à
vérifier.

iii. Entreprises sociales en période de crise

La crise sanitaire qu'a traversé la Tunisie tout au long de l’année a permis de mettre en exergue
la résilience des entrepreneurs sociaux et leur capacité à apporter des réponses concrètes aux
problématiques actuelles. Ils le font cependant depuis longtemps en s’engageant dans la construction
d’un pays plus durable et inclusif. (Convergences, 2020)

Durant cette période complexe, les entrepreneurs sociaux ont à nouveau répondu présents
notamment par la fabrication de masques, la création de paniers alimentaires pour les plus démunis
(Le coin du bio) ou encore la mise en ligne de tutoriels autour de l’upcycling (Lebra) pour faire du neuf
avec de l’ancien. Ils ont su faire preuve de solidarité et résister en s’adaptant pour continuer à avoir
de l’impact sur leurs territoires et auprès de leurs communautés. Pour autant, certains entrepreneurs
vont effectivement connaître des moments plus difficiles car ils ont dû interrompre leurs activités, par
manque de trésorerie ou d'aide particulière de l’Etat. (Convergences, 2020)

Les entrepreneurs sociaux ont donc su profiter de l’occasion aux côtés d’autres acteurs pour
mener une action de plaidoyer en faveur de l’ESS. Au mois de juin, en phase de déconfinement, la
Tunisie a montré la voie et a promulgé la première loi sur l’ESS dans le monde arabe. Une
reconnaissance tardive mais désormais officielle qui confirme qu’un autre modèle économique est
possible et souhaité. Les décrets d’application devront clarifier rapidement les avantages fiscaux, les
aides financières et le soutien qui sera apporté aux acteurs de l’ESS notamment pour limiter les
conséquences de la crise. (Convergences, 2020)

L’enquête menée par Convergences sur la perception de l’économie sociale et solidaire et ses
évolutions en Tunisie démontre que pour 80% des sondés, le chômage est le problème social et
économique le plus important et le plus urgent à résoudre et donne à voir les répercussions de la crise
sanitaire de la Covid-19. De plus, plus de 47% de ces répondants estiment avoir rencontré des
difficultés économiques dans la gestion de leur organisation du fait de la crise de la Covid-19. Pour
autant, plus de 45% des répondants déclarent avoir eu peu de difficultés. On retrouve dans ces
données le caractère hybride des modèles économiques de l’ESS dans sa capacité de réponse et
d’adaptation à la crise sanitaire. Selon les résultats de cette enquête, plusieurs conclusions peuvent
être dressées. La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en péril de nombreux acteurs de l’ESS mais a aussi
permis leur reconnaissance en tant qu’organisations clés à mobiliser pour résoudre les problèmes
sociaux et environnementaux qui se présentent. (Convergences, 2020)

La crise de la Covid-19 a fait évoluer les modes de travail en les adaptant aux contraintes
imposées par les mesures sanitaires aux échelles nationales et mondiales. Ces changements ont permis
l'émergence d’une nouvelle réflexion en relation avec l’ESS mettant l’accent sur l’innovation
technologique et optimisant le digital pour le compte d'un plus grand rendement professionnel. Elle a
également permis le désenclavement de nombreux projets régionaux et leur reconnaissance grâce à
57
une visibilité améliorée. C’est une opportunité de développement qui se présente pour ces projets
innovants à impact positif dans les régions tunisiennes. (Convergences, 2020)

iv. Loi ESS en Tunisie

Une des conséquences considérées comme positive de la crise sanitaire en Tunisie est le vote
de la Loi de l’ESS. L’Économie sociale et solidaire représente une force économique et sociale
considérable en ce qu’elle apporte des solutions en plaçant les enjeux humains et environnementaux
au centre du développement économique et en étant vecteur de cohésion sociale et c’est dans ce
cadre que le gouvernement tunisien a accordé un intérêt majeur à la promotion de l’ESS qui a constitué
l'un des piliers des orientations stratégiques du développement pour la période 2016-2020 et constitue
l’un des axes de la Stratégie Nationale pour l’Entrepreneuriat en tant que nouveau mode
d’entreprendre capable de créer de la richesse économique et des emplois décents (Convergences,
2020).

L’une des principales difficultés en Tunisie à la fondation et au développement de l’ESS réside


dans la mise en place d’un écosystème favorable qui se base sur cinq piliers essentiels : l’élaboration
d’un cadre juridique et institutionnel, d’un dispositif de financement, d'un système de gouvernance,
de mesures d’accompagnement spécifiques, d'un système d'information et d’un plan national de
communication (Convergences, 2020).

Pour ce faire, la Tunisie a commencé ce travail de structuration dans le cadre du projet


PROMESS mis en œuvre par le Ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi (actuel
Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Insertion Professionnelle), en coordination avec l'Union
générale des travailleurs tunisiens, l’Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat et
l’Union Tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche, avec l’appui de l'Organisation Internationale du
Travail et avec un financement du Royaume des Pays Bas (Convergences, 2020).

Depuis lors, le processus d’élaboration de la loi a été ouvert en adoptant une approche
participative avec toutes les parties concernées et impliquées. Elaborée sur la base de plusieurs
documents de référence, dont l’initiative législative de l’UGTT, la loi ESS a fait l’objet d’une consultation
publique en 2018 à la suite de laquelle des discussions au sein de trois Conseils Ministériels ont été
tenues pour être enfin promulguée lors de l’Assemblée des représentants du peuple les 16 et 17 Juin
2020 (Convergences, 2020).

La loi sur l’ESS vise essentiellement à garantir la reconnaissance juridique de l’ESS comme étant
un troisième secteur économique aux côtés du secteur public et du secteur privé. Elle permet son
cadrage à travers la détermination des entités qui peuvent s’inscrire dans son périmètre et vise la mise
en place d’un système de gouvernance qui rend possible le suivi et le développement du secteur et le
développement de nouveaux dispositifs de financement (Convergences, 2020).

C’est grâce au mouvement collectif de #tounessolidaire et sa mobilisation lors du confinement


en mars et suite au travail conjugué de plusieurs parties prenantes, à différentes étapes du processus,
que la loi n°2020-30 relative à l’ESS a été adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple le 17
juin 2020. En effet, les propositions de la loi avaient été formulées en 2016 mais le sujet n’a été abordé
que suite au plaidoyer du mouvement.

Le collectif #tounessolidaire avait regroupé une centaine d’acteurs et d’actrices de l’ESS en


Tunisie, représentant la diversité des territoires et des formes d’organisations. C’est ensemble qu’ils
ont cosigné une tribune le 7 mai 2020, à destination du Président de la République, du Gouvernement

58
et de l’ARP, pour une reconnaissance institutionnelle de l’ESS, de ses valeurs et de ses pratiques
(Convergences, 2020).

La mobilisation du collectif est née dans le contexte de crise économique et sanitaire de la


Covid-19, et suite à la présentation du projet de loi par le Gouvernement tunisien à l’ARP en janvier
2020. Elle a été opérée dans une volonté de rassemblement et de convergence des demandes des
acteurs du secteur. Avec cette tribune, #tounessolidaire a pu mettre l’accent sur le rôle que peut jouer
l’ESS dans la redynamisation de l’économie et obtenir, en synergie avec les demandes des partenaires
sociaux et d’autres collectifs, l’intégration de modifications importantes au projet de loi, telles que
l’ajout d’une instance tunisienne de l’ESS, d’un registre national des acteurs du secteur ainsi que de la
possibilité de créer des banques coopératives (Convergences, 2020).

Au-delà de l’adoption de la loi, #tounessolidaire illustre la volonté d’un nombre important


d’acteurs d'être reconnus comme appartenant à un secteur capable de s’exprimer par lui-même, et
d’être un interlocuteur identifiable, sérieux, réactif, et offrant une réelle expertise sur son domaine
(Convergences, 2020).

3. Résultats et discussion

Les entreprises sociales tunisiennes étudiées dans notre cas présentent des caractéristiques
spécifiques qui les distinguent d’abord des entreprises classiques. La première distinction qu’on peut
constater concerne le niveau du statut juridique de l’organisation et la raison d’être qui est sociale. Ces
organisations prennent en effet la forme juridique d’une association et sont toutes des petites
entreprises voire très petites entreprises. Les particularités des entreprises sociales influenceront sur
la manière ces dernières réagiraient face à la crise sanitaire.

La Tunisie étant durement touchée par la pandémie, le gouvernement tunisien a dû mettre en


œuvre ses propres mesures pour protéger la population tout en essayant d’assurer une activité
économique continue. Ainsi, les activités collectives ont été interdites par la loi, le couvre-feu a été
imposé progressivement dans tout le pays et les déplacements entre les villes et les régions ont
finalement été limités, sauf pour des raisons jugées nécessaires. Par conséquent, le secteur de la
société civile, SHANTI et le programme OBROZ dans le cadre de celui-ci ont dû s'adapter à ces mesures.

Dans cette partie, nous allons faire un listing des différents impacts qu’ont subi les
organisations étudiées. On essaiera de voire à quels niveaux celles-ci avaient été le plus touché et si
Covid-19 est réellement une menace pour ces entreprises sociales ou plutôt une opportunité pour elles
de se développer et d’évoluer. On fera aussi le lien avec la littérature et on essaiera de tirer les attributs
qui font qu’une entreprise sociale puisse être une entreprise agile.

a. Impact du coronavirus sur les entreprises sociales

Le coronavirus a gravement perturbé le quotidien des tunisiens. L’annonce du confinement en


mars 2020 avait causé un choc aux différentes structures de l’économie tunisienne qui, au début, ne
savaient pas trop quoi faire face à ces changements radicaux et comment s’adapter. Le pays est passé
par un bref moment d’incertitude et d’inactivité durant lequel les entreprises tentaient de nouvelles
méthodes de travail pour ne pas subir la faillite et disparaître du tissu économique.

Ce fut aussi le cas des entreprises sociales étudiées. Suite aux nouvelles du confinement,
SHANTI a été très réactive et le lendemain, la direction a directement envoyé un message, d’une
manière certes informelle, sur le réseau social de Facebook, plateforme utilisée par toute l’équipe, les
informant des nouvelles mesures de travail qui allaient être adoptés au sein de l’organisation. SHANTI
allait passer au télétravail jusqu’à la fin du confinement mais le bureau reste toujours accessible pour
59
ceux vivant à proximité et souhaitant y travailler. L’espace a été équipé en gels désinfectants et est
régulièrement désinfecté. Le planning des activités a été revisité : les évènements planifiés ont été
postulés ou annulés. Les projets ont réadapté leurs objectifs selon les nouvelles conditions. Des
réunions hebdomadaires en équipes par projet sont régulièrement maintenues pour faire le suivi et la
répartition des tâches. A la fin du mois, une réunion est organisée entre tous les membres de SHANTI
pour se partager l’avancement des projets. L’usage des technologies s’est amplifié au sein de l’équipe,
les réunions se font désormais sur ZOOM et les échanges par mail et téléphone se sont multipliés.

Etant implémenté dans le contexte tunisien, le projet OBROZ a également été affecté par cette
crise à plusieurs niveaux. D'un côté, l'équipe du projet s'est trouvée obligée d'arrêter toutes les
activités publiques physiques. D'un autre côté, toutes les organisations de la société civile du réseau
OBROZ ont également été obligées de suspendre la mise en œuvre de leurs projets. De plus, l'équipe
de projet s'est trouvée également obligée de suspendre le processus de paiement de ces dernières
pour les projets nouvellement sélectionnés.

La pandémie a mis tous les écosystèmes en attente et bloqué l'avancement des projets.
Cependant, grâce aux technologies, de nouvelles habitudes de travail ont été établies à travers les
réunions en ligne, les webinaires…etc.

De son côté, l’équipe du projet OBROZ a réagi rapidement à cette situation et a réussi à adapter
ses habitudes de travail à l’ensemble de la situation. Cette adaptation est en fait allée au-delà des
habitudes de travail : l'équipe du projet a décidé d'adapter le format de toutes les activités prévues:
les réunions en ligne ont remplacé les réunions d'équipe physiques, les appels téléphoniques réguliers
avec les associations ont remplacé les sessions de suivi habituelles, les webinaires et les
rassemblements en ligne ont remplacé les événements habituels de rassemblement physique du
réseau. Tous ces ajustements ont été essentiels pour maintenir les activités du projet, et surtout pour
suivre son calendrier et éviter tout retardement.

Grâce aux entretiens avec les associations, on a pu savoir comment elles ont été impactées par
la crise sanitaire du coronavirus. Pour (D.D), l’association avait dû suspendre toutes ses activités : « On
a dû annuler plusieurs engagements vis-à-vis nos artisanes bénéficiaires à nous après les avoir
convaincu et planifié avec eux une visite dans leur région qui est loin. On s’est sentis mal par rapport à
ça puisque ces artisanes avaient travaillé dur pour la foire. On était censés les aider à commercialiser
leurs produits mais ce n’était pas le cas suite aux nouvelles. Ça nous crée une sorte de malaise avec
elles ». L’association avait aussi eu des difficultés financières suite à l’arrêt d’activités lié au
confinement : « L’association n’avait plus de fonds pour lancer de projets durant la période de
confinement » (D.D). La crise sanitaire a aussi poussé cette association à s’engager davantage dans ses
actions, malgré les difficultés, elle continuait de travailler, organisant ses réunions en ligne en utilisant
des plateformes telles que ZOOM.

Selon (F.D), leur association à eux s’est aussi trouvé face à des soucis de gestion financière et
de suspension temporaire des activités : « Avant l’appel à initiatives d’OBROZ, on n’avait pas trop de
fonds dans la caisse. […] On avait 3 projets qui étaient supposés démarrer au mois de mars mais suite
aux nouvelles du confinement, on a pu le faire que durant cette période d’octobre ». Un deuxième souci
pour (F.D) fut le désengagement et la démotivation de leur population cible composée de jeunes
volontaires et d’artisans locaux : « On a eu beaucoup de difficultés surtout pour gérer la motivation et
la conscience de nos populations cibles. Certains ont arrêté de travailler et ne veulent plus porter leurs
masques parce qu’ils pensent que ça ne sert plus à rien de toutes les façons surtout avec les taux de
chômage et de pauvreté qui ont augmenté depuis le début du confinement ». Malgré les difficultés,
l’organisation n’a pas cessé de travailler. Une nette amélioration de la fréquence des réunions
60
organisées a été reportée : « D’habitude, en équipe, on se réunit 1 à 2 fois par semaine pour planifier
nos activités. Durant le confinement, toutes nos réunions ont été faites à travers ZOOM ou Messenger
par groupe. La communication entre nous a beaucoup augmenté ». En tant que manager, (F.D) avait
ressenti de la peur et de l’incertitude vis-à-vis la situation à laquelle elle était confrontée. Ce sentiment
s’est vite dissipé pour être remplacé par un sens de responsabilité et d’engagement envers la
communauté et le territoire dans lequel est ancré l’association, sentiment partagé par (D.D).
L’association de (F.D) a aussi dû faire face à une augmentation du taux d’absentéisme surtout lors ds
réunions organisés avec les comités locaux de la région : « Durant les activités qu’on a menées avec les
comités locaux, on avait eu des problèmes d’absentéisme et certaines personnes ne prenaient pas les
mesures sanitaires trop sérieusement. C’était fatiguant. »

(M.S) déclare : « Par coup de chance, on comptait entamer un nouveau projet en mars qui
coïncide avec les nouvelles du confinement. On a dû suspendre toutes nos activités. […] Nos volontaires,
qui étaient en majorité des salariés, ne pouvaient plus venir participer aux activités et on a dû postuler
plusieurs dates. Tout a basculé. Au début, c’était difficile mais avec le temps on a commencé à
comprendre plus la situation. On a donc pu avancer dans notre nouvelle initiative portant sur le Covid-
19 ». Comme les deux associations précédentes, celle-ci a aussi suspendu ces activités pour un bon
moment, le temps de se réadapter petit à petit aux nouvelles conditions de vie. L’absence physique de
(M.S), qui était la coordinatrice de projets au sein de son association, lui causait des blocages qui ne
lui permettaient pas d’avancer sur ces tâches. C’est grâce à la coordination avec sa collègue qu’elle a
pu remédier à ce problème : « Comme je n’étais pas dans la région d’activité de notre association lors
du confinement, j’ai eu des difficultés pour avancer dans mon travail au début. J’avais quelques
blocages pour réaliser mes objectifs mais grâce à ma collègue qui était sur place, on a réussi à
coordonner ensemble : moi je m’occupais de tout ce qui était faisable en ligne et elle mettait en place
l’activité sur le terrain ». La crise sanitaire l’avait un peu déstabilisé. Suite à ça, elle a décidé de prendre
une petite pause pour réfléchir sur sa mission au sein de l’organisation et d’assimiler ce qui se passait
pour revenir avec une énergie nouvelle. (M.S) nous confirme qu’au sein de son association, la
communication a énormément évolué, qu’ils ont souffert de quelques problèmes de gestion financière
et d’absentéisme des membres de l’association, ce qui l’a au début démotivée en tant que manager.

Dans le cas de l’association d’(A.BS), la pandémie semble avoir tout chamboulé : « Avec
l’arrivée subite de la pandémie et du confinement, et la fermeture de tous les commerces, on s’est
retrouvés bloqués [..] et dans le doute sur tous les aspects. On ne savait pas encore si nous allons
pouvoir poursuivre notre activité et quand la vie reprendra son rythme naturel. On était restés bloqués
pour un bon moment ». Ils avaient besoin de se réorganiser et de s’adapter tout en gardant les activités
initiales : « On a fait de notre mieux pour garder les activités qu’on avait planifié avant le confinement
mais on les a adaptés en changeant les formats et les dates par exemple. On a réduit les durées des
formations de 6 à 2 jours et les participants n’avaient plus besoin de se déplacer puisque c’était fait en
ligne. [..] On a essayé de limiter la présence physique à cause des mesures sanitaires. »

Comme les autres associations étudiées, les membres de l’association d’(A.BS) se sont sentis
engagés et motivés envers leur communauté, la communication s’est digitalisée : « On avait besoin de
bouger et de réagir. On était tout le temps sur nos téléphones et nos ordinateurs, même si on ne pouvait
plus se réunir physiquement, on gardait le même rythme de travail […] La communication au téléphone
et par Messenger a augmenté. [..] On n’a pas arrêté nos réunions que je planifiais personnellement sur
ZOOM. Même pour planifier les activités de l’initiative, on continuait à organiser nos réunions en ligne
». Le président et manager de l’association a été considéré comme étant la principale source de
motivation pour l’organisation. Il faisait le lien entre l’association et son environnement externe et
faisait en sortes d’être toujours à l’écoute. Sa présence durant cette crise était considérée comme
61
vitale pour les membres : « Le président de l’association était le plus déterminé d’entre nous, il
communiquait avec tout le monde et essayait toujours de transformer les énergies négatives qu’on
ressentait en motivation. [..] Il n’a pas arrêté d’être en contact avec tout le monde ». Pour (A.BS), le
Covid-19 et ses conséquences sur la vie quotidienne leur a permis de se réorganiser en interne. Ils ont
su faire face aux problèmes financiers grâce aux relations qu’ils entretenaient avec leurs partenaires :
« On a eu quelques soucis de financement mais pour remédier à ça, on a essayé de négocier avec nos
fournisseurs jusqu’à ce qu’on puisse régler le retard de financement. »

La dernière association qu’on a interviewé affirmait aussi avoir subi les mêmes conséquences
de la crise sanitaire que les autres nous avaient déclaré : « On avait des activités, des cycles de
formations qu’il fallait terminer et des objectifs mais comme tout le monde, on n’avait pas trop compris
ce qui se passait. […] Même avant que le gouvernement annonce les nouvelles mesures sanitaires, on
s’est vite mis d’accord pour passer au télétravail, continuer dans nos activités et voir où tout ceci nous
mènera. Mais au début, on n’avait pas trop de vision sur le futur et on était incertains de ce qu’il faut
faire durant ce confinement. On s’est plutôt focalisé pour protéger notre organisation, notre équipe,
nos partenaires et nos bénéficiaires » (A.K). Contrairement aux autres, cette organisation n’a pas eu à
gérer des problèmes financiers. Selon (A.K), ceci est en partie grâce à la présence d’un membre qui
était expert en finances. Cette expertise au sein de l’association a permis d’éviter ce problème de
gestion assez récurrent dans les entreprises sociales : « Grâce à notre chargée financière, on n’a pas
eu de problèmes par rapport à la gestion financière ». Pour (A.K), la motivation des membres, la
communication et les relations interpersonnelles se sont améliorés davantage durant le confinement :
« Le confinement nous a permis de développer considérablement nos moyens de communication. On
pouvait désormais organiser plus nos réunions en ligne. C’est d’ailleurs la première leçon qu’on a tiré
du confinement. »

(A.K) considère la crise comme une menace mais que pour eux, c’est aussi une expérience
d’apprentissage : « On ne peut pas dire que la crise est une opportunité, elle est au contraire une
menace pour tout le monde. Mais notre avantage est que nous on s’est vite adaptés. [..] Le coronavirus
nous a permis d’apprendre à s’adapter aux conditions de l’environnement qui peuvent changer à tout
moment. »

TABLEAU 18- CATÉGORISATION DES ASSOCIATIONS SELON L’ÉTENDUE DES IMPACTS


Associations ayant eu 0 Associations ayant eu des Associations ayant eu des
impacts impacts mineurs impacts majeurs
 Aucune  D.D  A.BS
 A.K
 M.S
 F.D

Selon les propos mentionnés par les interviewés, on peut faire la distinction entre des
associations ayant eu 0 impacts, celles ayant eu des impacts considérés mineurs et celles ayant eu des
impacts majeurs. On peut clairement noter que la majorité des organisations n’a eu affaire qu’a des
impacts mineurs. Leurs activités avaient certes été perturbées mais ça n’a pas duré pour longtemps et
les entreprises ont vite repris le cours normal de leurs vies. Ce retour à la normale pourrait être
expliquée par l’accompagnement et le soutien du programme d’OBROZ à ces entreprises tout au long
de la période du confinement et post-confinement.

A travers les entretiens, on peut déterminer plusieurs niveaux d’impact du coronavirus sur les
entreprises sociales étudiées. Le premier niveau concerne la productivité des organisations. On
62
constate que le confinement a forcé une diminution voire un arrêt des activités, certes temporaire
mais qui a réussi à déstabiliser les fonctions au sein de l’entreprise.

Le deuxième niveau d’impact concernerait la finance des associations. Selon les interviewés,
presque tous avaient à gérer des difficultés financières au sein de leurs organisations. On pourrait
justifier cette faiblesse par la primauté de la mission sociale sur le gain financier de ce type de
structures. Effectivement, l’entrepreneur social portant l’initiative n’est pas nécessairement un bon
gestionnaire. C’est son militantisme qui le pousse à créer son entreprise sociale et c’est par
l’apprentissage chaotique qu’il réussira à maîtriser les outils de gestion et concilier entre sa mission
sociale et la durabilité économique de l’organisation (Rousseau, 2006).

Le troisième niveau qu’on peut aborder serait le volet de la communication. Visiblement, un


des impacts majeurs de la crise sanitaire sur les entreprises sociales est l’amélioration de leur
communication, que ce soit en interne ou en externe avec leur environnement externe. Assurément,
la distance physique et l’incapacité à se déplacer aux lieux de travail auraient forcé les membres des
associations à repenser leurs moyens de communication pour pouvoir poursuivre leurs activités. C’est
ici qu’on peut mentionner l’usage des technologies qui s’est accru suite aux nouvelles du confinement.
Les moyens de communication tels que les webinaires, la plateforme de ZOOM à travers laquelle la
plupart des réunions ont été organisées, les réseaux sociaux que les associations utilisaient davantage
pour communiquer leurs avancements et garder le contact avec leurs bénéficiaires, représentent un
arsenal d’outils valeureux que l’organisation a remporté et qu’elle peut mobiliser dans le futur pour
optimiser sa productivité.

Le cinquième niveau concernerait le leadership. La crise sanitaire aurait affecté à titre


personnel les managers sociaux. Ces derniers avaient ressenti une sorte d’incapacité face à la crise,
quoique ce sentiment s’est vite dissipé et à sa place, un sens de responsabilité et d’engagement plus
forts se sont manifestés. En effet, l’entrepreneur social est une personne guidée par une cause sociale.
Pour l’entrepreneur social, la poursuite d’une mission sociale est primordiale. Dans notre cas, ces
personnes se sont montrées résilientes malgré les difficultés, toujours à l’affût pour réaliser leurs
objectifs sociaux et guider les membres de leurs organisations. Dans ce cadre, on peut évoquer le
développement du sens de l’engagement et de l’agilité au sein des organisations sociales par rapport
à la culture organisationnelle. La crise sanitaire aurait été une opportunité pour ces associations de
comprendre mieux leurs missions sociales et de réaliser qu’il faut toujours être prêts à faire face aux
changements avec flexibilité. La culture organisationnelle évolue pour intégrer plus concrètement les
valeurs de l’agilité au sein de l’entreprise.

Un des niveaux d’impact du coronavirus sur les entreprises sociales étudiées concernerait la
gestion des ressources humaines. A travers les entretiens menés, on peut constater un désengagement
partiel de certains membres et/ou volontaires des associations. Ce désengagement fait que le taux
d’absentéisme aux activités augmente. Cet absentéisme peut être justifié par le caractère
généralement bénévole des associations. En effet, l’absence de rémunération pourrait être un facteur
majeur pour expliquer pourquoi les membres d’une association ou ses volontaires ne souhaiteraient
plus s’engager à 100% dans les activités. D’un autre côté, la crise sanitaire aurait aussi renforcé les liens
entre les membres de l’organisation grâce à une communication devenue plus fréquente et les valeurs
d’engagement et de de responsabilité partagées par ces derniers.

Finalement, le dernier niveau d’impact porte sur l’aspect stratégique. Effectivement, plusieurs
avaient avoué que cette crise provoquait des incertitudes vis-à-vis le futur de l’organisation. Cette
incertitude peut être liée au fait que, par la taille de ces entreprises, la stratégie de l’association ne

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serait pas clairement définie et par conséquence, moins la stratégie est bien définie plus les lignes
directrices de l’entreprise seront floutées.

TABLEAU 19- NIVEAUX D'IMPACT DU CORONAVIRUS SUR LES ENTREPRISES SOCIALES


Niveaux d’impact du coronavirus sur les entreprises sociales étudiées
Productivité  Diminution ou suspension d’activités
Leadership  Incertitude temporaire du manager
 Sensibilisation du manager sur l’importance de son
rôle au sein de son organisation
Stratégie  Manque de vision et de clarté stratégique
Culture organisationnelle  Développement du sens de l’engagement
 Développement de l’agilité organisationnelle
Gestion des ressources humaines  Démotivation et/ou désengagement des membres
et/ou bénéficiaires
 Développement des relations interpersonnelles
Finance  Manque de fonds
 Difficultés de gestion
Communication  Amélioration de la communication interne
 Amélioration de la visibilité des associations
 Renforcement des liens avec le territoire et les
partenaires
Usage des technologies  Utilisation des réseaux sociaux et des plateformes de
communication amplifiée

La liste des impacts ci-dessus peut ensuite être divisée en impacts positifs et impacts négatifs.
En effet, malgré le fait que la crise sanitaire ait causé un choc sur le tissu économique, on peut
clairement constater que pas toutes les conséquences sont mauvaises pour ce type d’entreprises.

TABLEAU 20- CATÉGORISATION DES IMPACTS EN IMPACTS POSITIFS ET IMPACTS NÉGATIFS


Impacts positifs Impacts négatifs
 Expérience d’apprentissage  Diminution ou suspension d’activités
 Amélioration de l’aspect gestion de  Démotivation et/ou désengagement des
crises membres et/ou bénéficiaires
 Développement du sens de  Manque de vision et de clarté
l’engagement stratégique
 Développement de l’agilité  Problèmes de gestion financière et
organisationnelle manque de fonds
 Développement des relations  Diminution de la productivité
interpersonnelles
 Amélioration de la communication en
interne et en externe
 Amélioration de la visibilité des
associations
 Renforcement des liens avec le
territoire et les partenaires
 Utilisation amplifiée des technologies
de communication

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Il est clair dans ce tableau que les impacts positifs l’emportent sur les impacts négatifs.
Plusieurs informants affirment que pour eux le confinement représente une opportunité de
développement, de restructuration, de réflexion interne et d’apprentissage :

 « Le confinement nous a appris la gestion de risques. L’association doit être toujours prête à
faire face aux risques. On a appris à intégrer la gestion du risque dans notre réflexion. » (D.D)

 « Pour nous, ce confinement était une expérience d’apprentissage. » (M.S)


 « Le confinement nous a permis de se réorganiser en interne. » (A.BS)
 « On ne peut pas dire que la crise est une opportunité, elle est au contraire une menace pour
tout le monde. Mais notre avantage est que nous on s’est vite adaptés. [..] Le coronavirus
nous a permis d’apprendre à s’adapter aux conditions de l’environnement qui peuvent
changer à tout moment. » (A.K)

D’un autre côté, même si avec la diminution des déplacements physiques sur terrain et
l’imposition par l’Etat de mesures sanitaires restrictives, les entreprises sociales, après un très bref
instant de stase sous le choc, a vite repris les rênes sur la situation. Comme on peut remarquer, aucune
de ces organisations n’a mentionné le fait qu’elles risquaient de disparaître par manque d’activité ou
qu’elles comptaient opter pour le licenciement d'employés pour limiter les dégâts financiers sur leurs
trésoreries. Au contraire, la crise les a poussés à être réactifs et flexibles et à repenser leurs méthodes
de travail. La mission sociale de ces entreprises les poussait à avancer et à contribuer dans cette crise :

 « On avait ressenti deux choses durant le confinement : un sens de responsabilité vis-à-vis nos
bénéficiaires et notre responsabilité en tant qu’association active à Médenine. On devait à tout
prix contribuer au bien-être de la communauté. » (D.D)

 « Même durant le confinement, on n’a pas cessé de travailler. On a finalisé le protocole


sanitaire, on a produit 6000 bavettes, on a recruté des volontaires pour la fabrication et la
distribution de ces bavettes, on a contribué à soutenir les soignants dans la région. On a aussi
distribué des aides alimentaires. […] On a aussi lancé des campagnes de sensibilisation sur
l’importance du confinement et des mesures sanitaires. On a essayé d’être présents et actifs. »
(F.D)

 « Malgré les conditions, en tant qu’association, nous étions déterminés à poursuivre notre
activité. » (A.BS)
 « Le confinement et notre travail acharné nous a permis de lancer plusieurs projets en
coopération avec plusieurs organismes. » (A.K)

Du point de vue d’OBROZ, lorsque l'équipe du projet a remarqué la réactivité des membres du
réseau face aux situations de leurs communautés locales et leur implication dans la situation de gestion
de crise, il est devenu à la fois pertinent et évident que le projet devait être adapté pour correspondre
à cette composante importante. Par conséquent, l’équipe a décidé qu’il serait pertinent de soutenir
les associations du réseau dans leurs initiatives locales. Afin de réaliser ce support, il était nécessaire
de créer un cadre pour celui-ci. L'équipe du projet a ensuite dû réajuster le plan d'action du projet. Les
lignes budgétaires d'un événement régional et d'un événement national, autrefois dédiées aux
activités nécessitant une présence physique ; ce qui devenait impossible en raison des contraintes du
confinement ; sont ensuite devenues dédiées au soutien des communautés locales des associations
du réseau pour surmonter la crise. Cette modification est apparue comme la plus efficace, car les
nouvelles circonstances sont devenues contraignantes. De plus, elle met en évidence la flexibilité et
l'adaptabilité du projet OBROZ aux besoins qui ont émergé du fait de la crise du COVID-19.

65
Avec la continuité de la stratégie des sessions collectives en ligne adoptée par OBROZ, l’équipe
du projet a remarqué l’engagement continu des associations qu’elle accompagnait dans ce type
d’activités. En effet, si tous les participants sont pressés par le temps et les conditions sanitaires pour
continuer à mettre en œuvre leurs projets et respecter les délais, beaucoup d'entre eux continuaient
à se présenter à ces sessions. Cet acte de présence en lui-même présente un fort sentiment de
dévouement de la part des associations et de leurs équipes.

En outre, la participation des associations aux sessions d’accompagnement ne se limite pas à


la présence durant les ateliers en ligne mais est accompagnée d’interactions positives et fructueuses
entre les participants, les modérateurs et les autres associations. L'équipe du projet estime que cet
engagement devrait être exploité et suivi d'actions afin de donner lieu à un réseau OBROZ plus durable
et plus efficace.

Une des spécificités de l’entreprise sociale est qu’elle fait sa force à travers ses interactions et
ses collaborations avec le réseau. Les dynamiques d’entrepreneuriat social naissent et grandissent
quand un collectif de forces se rejoint autour d’une mission sociale partagée. En effet, lors des
entretiens, (A.K) affirme que le réseautage informel à travers le réseau de SHANTI en ce temps de crise
sanitaire, qui est assez développé, leur a permis de créer de nouvelles coopérations et dynamiques de
partage et de travail collectif dans sa région. La consolidation de ces partenariats permettrait aux
associations d’accéder à des possibilités de collaboration potentielles.

Comme mentionné avant, on remarque une meilleure interaction des associations


participantes grâce aux outils de suivi en ligne. Outre l'évolution des projets de ces organisations, cet
aspect traduit une success story du projet à différents niveaux:

 Tout d'abord, ça représente une indication pour une meilleure compréhension du


fonctionnement de ces outils en ligne, et ça montre une meilleure maîtrise de leur utilisation.
 Deuxièmement, ça concerne l'amélioration de leur compréhension de l'importance de ces
outils en ligne. En fait, en raison des circonstances actuelles, les associations ont commencé à
se concentrer et à s'intéresser davantage à ces outils en ligne.

Le recours aux technologies de communication représente donc une force pour ces entreprises
sociales. En plus d'être un bon outil pour l'équipe d’OBROZ pour suivre le travail de terrain des
associations, cela représente une bonne opportunité pour les organisations participantes elles-mêmes
d'avoir une meilleure coordination de leurs actions, un flux plus fluide pour l'information circulant au
sein de leurs équipes, et un potentiel pour une bonne capitalisation de leur travail au sein des projets.

Outre la promotion des associations du réseau d’OBROZ à travers les différents outils de
communication, le travail de rue dans les différentes régions a attiré l'attention des communautés
locales sur l'intervention de ces associations. En fait, cela les a aidés à susciter l'intérêt des habitants
de leurs régions pour les organisations et leurs projets. Les différentes interactions ont représenté une
bonne opportunité pour les entreprises de maintenir une forte présence dans leurs villes.

Au fur et à mesure de la mise en œuvre des projets OBROZ sélectionnés, l'équipe du projet a
continué à recevoir des retours très positifs et des nouvelles des associations du réseau expliquant
leurs réalisations tout en travaillant sur le terrain. Néanmoins, ces réalisations sont illustrées à travers:

 La mise en réseau et mise en valeur des résultats des projets: tout en travaillant avec
leurs communautés locales et leurs groupes cibles, certaines des associations du
réseau ont réussi à s'impliquer progressivement dans les réseaux locaux et nationaux,

66
leur permettant non seulement de promouvoir leurs activités, mais aussi de renforcer
leur position dans la société civile locale et nationale.
 L’élargissement de la portée des projets, pour maintenir et développer leurs
impacts: certaines des associations du réseau d’OBROZ ont également réussi à saisir
différentes opportunités qui représentent la capacité de maintenir et de développer
l'impact qu'elles ont eu sur leurs communautés.

La présence d’OBROZ aurait donc permis à ces associations d’avoir accès à un soutien qui leur
était vital pour survivre cette période de confinement. Ensemble, ces entreprises sociales avaient
réussi à s’adapter rapidement et à continuer à progresser sur leurs projets.

La crise sanitaire n’a pas uniquement causé des répercussions négatives sur ces associations
mais elle a été plutôt un catalyseur de développement. La crise sanitaire avait permis à ces
organisations de sortir de leurs zones de confort, de se défier, d’évoluer et de se réorganiser.

On peut schématiser ce changement et cette évolution comme-suit :

Post-confinement
Zone de
croissance

Zone
d'apprentissage

Durant le confinement / la crise

Zone de peur

Zone de confort Pré-confinement / crise

FIGURE 6- DE LA ZONE DE CONFORT À LA ZONE DE CROISSANCE PENDANT LA CRISE


Les entretiens et les rapports d’OBROZ nous ont permis de comprendre davantage comment
la crise avait affecté les entreprises sociales incubées par ce programme. La zone de confort dans
laquelle se trouvaient ces organisations avant l’évolution de la pandémie est caractérisée par la
stabilité, la lenteur et une sensation de contrôle sur la situation. La crise sanitaire aurait forcé ces
entreprises sociales à quitter cette zone pour passer d’abord à la zone de peur qui est caractérisée par
l’incertitude, le manque de visibilité et de vision sur la situation actuelle. Cette peur a paralysé ces
structures au début mais les valeurs sociales qu’elles portaient dans leurs ADN ont fait qu’elles puissent
dépasser rapidement cette zone et entrer dans la zone d’apprentissage. La zone d’apprentissage est la
zone dans laquelle l’agilité de l’entreprise sera mise à l’épreuve. Dans cette zone, l’entreprise doit faire
face aux différents défis imposés par le confinement. Elle aura aussi l’occasion de développer de
nouvelles compétences comme ce fut le cas avec l’utilisation des outils de communication digitale et
la capacité à renforcer les liens en interne avec les membres de l’équipe et en externe avec les

67
communautés, les partenaires, les bénéficiaires, le secteur public…etc. Finalement, le coronavirus a
donné l’opportunité à ces entreprises de finalement atteindre la zone de croissance. Comme
mentionné, ces associations ont réussi à élargir la portée de leurs projets pour maintenir et développer
leurs impacts sur leurs communautés. Ce passage de la zone de confort à la zone de croissance a permis
à ces entreprises sociales de développer leur résilience et leur adaptabilité face aux changements
majeurs de l’environnement.

Dans la partie qui suit, on tentera de déceler les caractéristiques qui font de l’entreprise sociale
une entreprise agile, apte à s’adapter et à réagir face aux crises.

b. Qu’est-ce qu’il faut pour qu’une entreprise sociale soit qualifiée d’agile ?

Dans la partie théorique, on avait défini l’agilité organisationnelle comme étant une réponse
stratégique et organisationnelle aux fluctuations environnementales (BARZI, 2011). L’agilité
organisationnelle apparaît comme l’aptitude d’une entreprise à répondre avec flexibilité, réactivité et
différenciation aux différentes fluctuations de son environnement et à proposer des services et des
produits de qualité correspondant aux exigences de ses clients (BARZI, 2011)

Dans ce cadre, nous avons mené un entretien avec le co-fondateur de SHANTI sur l’agilité
organisationnelle de l’entreprise. Cet entretien a été exclusivement mené avec SHANTI du fait que
cette organisation soit l’une des entreprises sociales les plus structurées de l’écosystème tunisien.

On va aussi utiliser les résultats obtenus des entretiens menés avec les organisations incubées
par le programme OBROZ de SHANTI pour faire une liste des différentes caractéristiques qui
constituent le moteur essentiel de l’agilité de l’entreprise sociale. On fera aussi le lien avec la littérature
pour voir les ressemblances entre l’agilité des entreprises classiques et celle des entreprises sociales.

La première question adressée à (M.B), et donc à SHANTI, portait sur leur définition de l’agilité
organisationnelle. La réponse est comme-suit : « Pour nous, l’agilité c’est plus soucis en termes d’être
plus réactifs, d’être en capacité d’innover, de mettre des processus de travail qui soient flexibles et
adaptés aux besoins es bénéficiaires et des équipes de travail. C’est en reformulant la stratégie qu’on
a sorti cette valeur comme étant importante. »

Pour SHANTI, la crise sanitaire leur a donné le temps et l’opportunité de revisiter leurs valeurs
et d’explorer plus ce concept. Désormais, l’agilité fait partie inhérente des valeurs de l’organisation.
SHANTI définit l’agilité organisationnelle comme-suit :

 « Pour SHANTI, l’agilité consiste à pouvoir établir une relation de confiance et de


réciprocité au sein de ses équipes, entre ses partenaires et avec “bénéficiaires”. L’agilité
permet alors de repenser et réévaluer ses développements et ses processus, de façon à
les améliorer et les rendre les plus qualitatifs possible. L’agilité permet alors à SHANTI
de mettre au cœur de sa démarche d’action la possibilité d’innover afin de toujours
améliorer ses activités et ses méthodologies. L’agilité permet la création, par la
possibilité d’adapter ses actions face au changement. Cette capacité d’adaptation,
couplée à une possibilité constante de créer et d’innover, garantissent l’agilité de
l’action SHANTI. S’ouvrir à ces dynamiques permet d’évoluer en tant qu’organisation,
mais aussi au sein d’un écosystème en Tunisie, facilitant les échanges, l’inspiration et
l’enrichissement. »

De cette définition, on peut constater que SHANTI accorde de l’importance à sa proximité avec
ses équipes, ses partenaires et ses bénéficiaires. La possibilité de créer une relation de confiance avec

68
eux même durant les crises, la capacité à repenser et réévaluer ses processus et à innover rapidement
garantissent son agilité.

Le processus de décisions de SHANTI a aussi évolué durant la période du confinement.


Désormais, les décisions prises sont désormais fondées sur une définition claire et précise de la
stratégie de l’organisation : « Il y a 6 mois, on ne réfléchissait pas à ça mais maintenant oui. [...] Tout
ce qui est fait à SHANTI doit entrer dans le cadre de la stratégie qu’on avait établi. [..] Ceci nous permet
de ne plus avoir des idées à tort et à travers mais de les penser dans le cadre du plan stratégique. […]
Là, on essaie d’organiser tous les 3 mois un atelier stratégique en la présence de toute l’équipe de
SHANTI et de réfléchir ensemble sur ça. »

Selon Charbonnier, un des facteurs de l’agilité d’une entreprise réside dans la capacité des
salariés à comprendre les aspects stratégiques de cette dernière. Cette compréhension de la stratégie
permet aux équipes de prendre des décisions rapides qui soient en même temps cohérents avec la
mission et les valeurs de l’entreprise. Pour SHANTI, cette compréhension n’est pas toute à fait garantie
mais elle est développée au fur e t à mesure : « Je ne peux pas vraiment dire si notre stratégie est
complétement assimilée par l’ensemble de l’équipe mais je pense que ça commence à venir à force de
faire les ateliers stratégiques régulièrement. […] On a réorganisé tous nos dossiers de travail [..] et on
a essayé de faire évoluer nos outils de travail pour qu’ils soient conformes aux objectifs stratégiques et
que tout le monde le comprenne. » (M.B)

PRATIQUES ORIENTÉES VERS LA MAÎTRISE DU CHANGEMENT

• Clarté de la vision stratégique


• Efficacité de réponse de l’organisation au changement
• Vision du changement

PRATIQUES DE VALORISATION DES RESSOURCES HUMAINES

• La responsabilisation des membres de l’organisation


• L’impact des individus sur la performance de l’entreprise

PRATIQUES DE COOPÉRATION

•Coopération interne
•Coopération externe

FIGURE 7- COMPOSANTES DU GUIDE D'ENTRETIEN SUR LES PRATIQUES D'AGILITÉ AU SEIN DE L'ENTREPRISE
(CHARBONNIER-VOIRIN, 2011)
Charbonnier considère aussi que l’agilité émane d’une capacité à agir rapidement et
efficacement au changement. L’entretien avec le co-fondateur de SHANTI démontre la présence de
cette caractéristique au sein de l’entreprise : « On a toujours eu ce côté de prise de décision rapide [..].
La rapidité existe dans notre ADN et on n’a pas de processus lourds de prise de décisions. Après, c’est
une chose qu’on doit améliorer parce qu’il ne faut pas que la décision soit prise entre 2 ou 3
personnes. On essaie de réfléchir à comment intégrer plus de personnes dans ce processus. » (M.B)

69
Selon (M.B), l’agilité de SHANTI prend sa force du fait qu’elle soit une petite organisation qui
manque de structuration. En effet, le manque de structuration et l’absence de processus rigides de
prises de décisions et d’actions permet plus de flexibilité à l’organisation : « On a une forte capacité à
nous adapter selon les besoins de l’environnement, de la communauté et des équipes. Je pense que
c’est une force inhérente et ce n’est pas une chose dû à la structuration mais peut-être que c’est plutôt
dû au manque de structuration. Peut-être que le fait d’être une petite structure flexible nous permet de
prendre des décisions plus rapidement. »

L’implication des employés dans la prise de décisions joue aussi un rôle très important dans le
modelage de l’agilité des entreprises sociales. Les entretiens menés avec SHANTI et avec les
associations incubées par OBROZ ont permis de mettre le doigt sur l’importance relations
interpersonnelles entre les équipes et son impact sur la rapidité d’action de l’organisation. Ces
relations très horizontales et l’implication des membres et/ou salariés dans la prise de décision font
une autre caractéristique à retenir concernant l’agilité des entreprises sociales. « Nous sommes agiles
en tant que personnes et pas seulement en tant qu’organisation. […] Ils ont le droit de s’exprimer et je
pense qu’ils ont la possibilité d’être associés aux décisions prises notamment en termes de partenariats,
de développement des activités...etc. […] On a mis en place un cadre, c’est-à-dire que la stratégie et les
valeurs doivent être respectées mais au milieu de ce cadre, la personne est libre d’agir comment elle le
voit bon. » (M.B)

Charbonnier considère la coopération comme une caractéristique liée à l’agilité


organisationnelle. Pour qu’une entreprise puisse survivre les crises, il faut qu’il existe un niveau
minimal de synergie et de coopération entre les différents départements d’une entreprise. Pour
SHANTI, la restructuration durant le confinement leur a permis de créer une synergie entre les équipes
qui étaient avant divisés en projets et/ou programmes cloisonnés chacun à lui-même : « Comme on
est 3 dans la direction et que chacun est responsable d’un axe de travail, les décisions se prennent
quand même de manière transversale. De même pour les équipes. Le fait d’avoir réparti l’organisation
en axes de travail plutôt que projets cloisonnés, permet de créer une synergie entre les équipes de
travail. » (M.B)

Pour tout ce qui est coopérations externes, pour SHANTI « C’est un chantier qu’on entame
cette année, tout ce qui est en rapport avec l’animation des réseaux. On essaie de formaliser cette
animation de réseaux et avoir une organisation qui nous permet de capitaliser les informations, parce
que c’est un réseau énorme celui qu’on a » (M.B).

Selon les résultats qu’on a eus, l’agilité des entreprises sociales peut être associée à ces
caractéristiques :

 Taille relativement petite de la structure


 Proximité relationnelle, culturelle, géographique, hiérarchique
 Clarté de la vision et de la stratégie de l’entreprise
 Relations interpersonnelles développées
 Implication des parties prenantes dans la prise de décision
 Recours au technologies
 Coopération interne et externe
 Orientations stratégiques à moyen termes
 Capacité d’innovation et de créativité

70
L’orientation stratégique à moyen terme est une caractéristique qu’on relève des associations
étudiées. En effet, ces dernières sont généralement liées à des bailleurs de fonds qui exigent le
déploiement d’une stratégie à court ou moyen terme en raison du budget de financement limité.

On pourrait reprendre les deux tableaux réalisés par Barzi (tableau 6) et par Yusuf et al.
(tableau 7) portant sur les attributs de l’agilité des entreprises et des PME et les revisiter selon nos
résultats pour cadrer les attributs d’agilité d’une entreprise sociale.

On se rend compte au fait que l’agilité organisationnelle ne diffère pas réellement d’une
entreprise classique vers une entreprise sociale. Les deux, quoique très différentes et chacun ayant
des particularités, se partagent plusieurs attributs.

La proximité (relationnelle, culturelle, géographique et hiérarchique) est la première


caractéristique partagée entre une PME et l’entreprise sociale. C’est cette proximité qui permet une
plus grande flexibilité de réponses et une réactivité adaptée au contexte dans lequel l’entreprise est
ancrée. On peut aussi constater que les PME et les entreprises sociales se partagent les attributs
développés par Barzi concernant les orientations « ressources humaines », les ambitions raisonnables
et les stratégies souples. Pour les entreprises sociales, les orientations « ressources humaines »
impliqueraient :

 Des formations continues ;

 Membres / Employés polyvalents ;

 Mobilisation facile des parties prenantes ;

 Participation des employés dans la prise de décision ;

 Fortes relations interpersonnelles ;

 Très bonne communication direction/employés/parties prenantes ;

 Equipes travaillant en synergie.

Les ambitions raisonnables, quant à elles, concernent plutôt la taille de l’entreprise sociale qui est
généralement relativement petite et leur manière d’investir dans leurs projets qui est prudente, bien
calculée et suivie.

Le dernier attribut développé par Barzi et que l’on peut facilement lier aux entreprises sociales est
l’attribut « stratégies souples ». Grâce aux orientations stratégiques à court et moyen termes de ces
organisations et à ses orientations non ou peu formalisés, les entreprises sociales sont donc plus
réactives face aux changements qu’une grande entreprise. Elle n’a pas besoin de passer par des
processus décisionnels rigides pour réagir.

On peut aussi reprendre le tableau développé par Yusuf et al. pour déduire que plusieurs
attributs et caractéristiques de l’agilité sont partagées entre les entreprises classiques et les
entreprises sociales :

TABLEAU 21- ATTRIBUTS D'AGILITÉ COMMUNS ENTRE UNE ENTREPRISE CLASSIQUE ET UNE ENTREPRISE SOCIALE
Niveau de décision Attributs
Technologie Grande attention accordée à la technologie
Compétences et connaissances développant les technologies
Construction d’équipe Individus participatifs « empowerment » travaillant en équipe
Équipes multifonctionnelles
71
Décisions décentralisées
Implication dans le processus de décision avec la direction
Bien-être Satisfaction et motivation continue des membres et/ou salariés
Formations Organisation apprenante
Membres flexibles et multi-compétences
Compétences de la force de travail mises à jour régulièrement
Formations et développement continus
Changement Amélioration continue
Culture du changement
Partenariat Formation rapide de partenariats durables
Relations stratégiques avec les bénéficiaires
Relations étroites avec les partenaires
Relations avec les partenaires / bénéficiaires basées sur la confiance
Intégration Exécution simultanée des activités
Information accessible aux employés
SOURCE: ADAPTÉ DE YUSUF ET AL., 1999, 41
Comme pour les entreprises classiques, la technologie joue un rôle de catalyseur d’agilité. Elle
permet de garder des niveaux de communication garantissant la continuité des activités de
l’organisation, de capitaliser les informations et les données et de rester interconnectés malgré les
difficultés imposées par l’environnement externe.

D’autres similarités résident dans la construction des équipes et des partenariats. En effet,
pour les entreprises sociales le contact humain est très important : des relations interpersonnelles
basées sur les valeurs de partage, de collaboration, voire d’amitié et de solidarité rend l’organisation
plus forte à confronter les crises.

72
CONCLUSION

Ce mémoire avait pour ambition de répondre à cette question : quelles caractéristiques pour
qu’une entreprise sociale soit qualifiée d’agile ?

Il a fallu dans un premier temps définir les notions clés que nous allions traiter :
l’entrepreneuriat social, l’entreprise sociale et ses particularités, l’entrepreneur social et l’agilité
organisationnelle.

Au moyen de l’analyse des entretiens réalisés avec les associations accompagnées par SHANTI,
il a été possible d’entamer ce travail. On a réussi à comprendre comment le coronavirus avait impacté
ces organisations et définir par suite les principales caractéristiques qui ont fait que ces entreprises
soient considérées des entreprises agiles.

On a remarqué que, comme toutes les autres entreprises de l’économie, les entreprises
sociales ont dû elles aussi passer par un moment d’arrêt et de suspension d’activités. Cet arrêt n’a pas
duré longtemps et ces organisations ont très vite repris le travail sans devoir passer par aucune mesure
de licenciement d’employé ou de réduction de dépenses. Elles avaient en fait vite réadapté tous leurs
plans et activités pour correspondre aux nouvelles mesures dictées par le gouvernement.

Le deuxième impact le plus pertinent serait les difficultés de gestion financière que ces
organisations avaient vécues. Cette difficulté est caractérisée par le manque de fonds et la complexité
de gestion financière par la majorité des associations étudiées. Cette difficulté peut être expliquée par
la primauté de la mission sociale sur le gain économique dans ce type d’organisations. L’entrepreneur
social n’est pas nécessairement un bon gestionnaire, il dispose aussi de ressources très limitées. Ceci
peut rendre l’aspect financier de l’entreprise très compliqué.

Le coronavirus avait aussi impacté la communication des entreprises mais d’une manière
positive. Ces organisations déclarent remarquer une nette amélioration de leur communication en
interne et de leur visibilité sur terrain. La crise les aura aussi poussés à opter pour des outils
technologiques. On peut considérer cet impact comme étant positif puisque la technologie permet aux
entreprises sociales de gagner en ressources et de dépenser moins sur les déplacements et les
supports physiques dans une ère dans laquelle presque tout est digitalisé.

On peut aussi constater que la crise avait largement développé les relations interpersonnelles
au sein de ces organisations. Elle avait aussi permis la création de nouveaux partenariats entre les
entreprises sociales et leur environnement externe. Les impacts de la crise sanitaire n’ont pas tous été
négatifs.

Les entretiens menés et nos lectures nous ont ensuite permis de déterminer les
caractéristiques qui font de l’entreprise sociale une entreprise agile. Premièrement, les entreprises
sociales sont fortement ancrées dans leur territoire. Elles connaissent mieux que d’autres les réels
besoins de leurs communautés. Deuxièmement, la petite taille de la structure et son manque de
structuration lui permet une certaine flexibilité et rapidité de réponses face aux changements soudains
qu’il est difficile de trouver dans une entreprise très structurée qui doit passer par des processus rigides
de prise de décisions.

Les relations fortes que l’entreprise sociale maintient avec ses employés et avec ses
partenaires lui permettent de forger des alliances en cas de besoin et de lutter ensemble contre la
crise. En effet, le mode de gouvernance des entreprises sociales encourage l’implication des parties
prenantes, qu’elles soient employées au sein de l’organisation ou uniquement des bénéficiaires de

73
celle-ci, dans le processus de prise de décisions. Comme le dit Henry Ford : “Se réunir est un début ;
rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite.”

L’utilisation des technologies en temps de crises est une autre caractéristique qui permet à
l’entreprise sociale d’être agile. Avec les restrictions sur les déplacements et les rassemblements, on a
vu le nombre de réunions en ligne et de webinaires augmenter. Les entreprises sociales avaient réussi
à mobiliser les technologies pour pourvoir avancer dans leurs activités.

Au final, on constate que les entreprises sociales et les entreprises classiques possèdent des
attributs communs par rapport à l’agilité organisationnelle.

Toutefois, notre recherche n’a porté que sur un petit échantillon d’associations étudiées. Un
plus grand nombre de cas d’études nous aurait peut-être permis de tirer des conclusions qu’on
pourrait généraliser. Les restrictions de déplacement et les mesures sanitaires nous ont empêché de
se déplacer sur terrain afin d’observer concrètement comment ça se déroulait au sein de ces
associations. Malheureusement, les rapports d’activité ne sont pas capables de tout décrire.

Le travail que j’ai réalisé peut certes être développé et étendu au niveau national surtout avec
le vote de la loi de l’ESS. Cette loi va permettre aux entreprises sociales de gagner en visibilité et de
formaliser leurs processus. Nous aurions donc la possibilité d’étudier l’agilité d’un plus grand nombre
d’entreprises sociales ancrées dans le territoire tunisien et ainsi approfondir nos connaissances sur
l’agilité organisationnelle des organisations sociales et solidaires tunisiennes.

74
75
Liste des Figures

Figure 1- Les caractéristiques de l'agilité organisationnelle (Charbonnier-Voirin, 2011) ..................... 28


Figure 2- Shanti en Chiffres ................................................................................................................... 31
Figure 3- L'Entrepreneuriat Social présenté par L’AVISE ...................................................................... 40
Figure 4- Répartition des associations selon le secteur d'activités (source : ifeda.org.tn) ................... 44
Figure 5- Politique de confinement durant la pandémie Covid-19 du 1er janvier au 21 septembre
2020 ....................................................................................................................................................... 48
Figure 6- De la zone de confort à la zone de croissance pendant la crise............................................. 67
Figure 7- Composantes du Guide d'entretien sur les Pratiques d'agilité au sein de l'entreprise
(Charbonnier-Voirin, 2011) ................................................................................................................... 69

76
Liste des Tableaux

Tableau 1- Approches anglo-saxonne et Européenne de l'Entrepreneuriat Social ................................ 8


Tableau 2- Caractéristiques d'une entreprise sociale comme définie par EMES (Nyssens et Defourny,
2010)...................................................................................................................................................... 10
Tableau 3- comparaison entre Entreprise Classique et Entreprise Sociale ........................................... 11
Tableau 4- Pratiques de management des entreprises sociales (Social Enterprise Knowledge Network,
2006)...................................................................................................................................................... 13
Tableau 5- Idéal-type classique vs "lifestyle" (GOMEZ-BREYSSE, 2016) ............................................... 24
Tableau 6- Les attributs de l'agilité des PME (BARZI, 2011) .................................................................. 29
Tableau 7- Les attributs de l'organisation agile..................................................................................... 30
Tableau 8- Programmes d'accompagnement des associations à SHANTI: présentation et chiffres .... 32
Tableau 9- Programmes de formation académique en partenariat avec SHANTI ................................ 33
Tableau 10- Programmes de maintien des métiers traditionnels de SHANTI ....................................... 33
Tableau 11- Initiatives de SHANTI à Nefta ............................................................................................ 33
Tableau 12- Liste des informants interrogés ......................................................................................... 37
Tableau 13- Mesures économiques prises par quelques grands pays .................................................. 49
Tableau 14- Perception des chefs d’entreprises sur l'impact du COVID-19 sur les prix (Institut Arabe
des Chefs d’Entreprises, 2020) .............................................................................................................. 52
Tableau 15- Perception des chefs d’entreprises sur l'impact du COVID-19 sur la demande (Institut
Arabe des Chefs d’Entreprises, 2020) ................................................................................................... 52
Tableau 16- Les mesures compensatoires prises par la Tunisie pour atténuer l'impact de la COVID-19
............................................................................................................................................................... 54
Tableau 17- Principales mesures de soutien aux entreprises ............................................................... 55
Tableau 18- Catégorisation des associations selon l’étendue des impacts ......................................... 62
Tableau 19- Niveaux d'impact du coronavirus sur les entreprises sociales .......................................... 64
Tableau 20- Catégorisation des impacts en impacts positifs et impacts négatifs................................. 64
Tableau 21- Attributs d'agilité communs entre une entreprise classique et une entreprise sociale ... 71

77
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80
Table des matières

Introduction 5

Partie I 7

1- Concepts fondamentaux 7
a. Entrepreneuriat social 7
b. Entreprise sociale 9
i. Caractéristiques organisationnelles 10
ii. Pratiques de management 12
iii. Innovation sociale 21
c. Entrepreneur social 23

2- Introduction générale 31
a. Présentation de SHANTI 31
b. Mission au sein de SHANTI 34
c. OBROZ 35

Partie II 36
1- Objectifs et méthodologie 36
a. Objectifs 36
b. Méthodologie 36
2- Contexte de la recherche 39
a. Entrepreneuriat en chiffres 39
b. L’entrepreneuriat social en Tunisie 42
c. SARS-Cov-2 : Conséquences et mesures de lutte 45
i. Conséquences sur l’économie et les entreprises 46
ii. Mesures de lutte contre la propagation 47
d. La crise sanitaire en Tunisie 51
i. Conséquences de la pandémie en Tunisie 51
ii. Mesures contre le coronavirus en Tunisie 53
iii. Entreprises sociales en période de crise 57
iv. Loi ESS en Tunisie 58
3- Résultats et discussion 59

Conclusion 73

Liste des figures 75


Liste des tableaux 76
Bibliographie 77
Table des matières 81

81

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