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Allons plus loin - Episode 2

L’analyse du besoin correspond à une étape que nous connaissons bien en pédagogie : on dit souvent
que 50% de la solution se trouve dans l’énonce de la question.

En effet pour pouvoir donner une bonne réponse à une question, il faut que cette question soit
correctement posée.

L’entrepreneur devra donc faire une analyse d’opportunité, complétée, si une partie de son activité est
marchande, par une analyse du marché.

1/ Commençons par l’analyse d’opportunité

Ne pas analyser le besoin pour un entrepreneur, c’est comme pour un médecin, prescrire un traitement
à un patient sans l’avoir ausculté, sans avoir réalisé tous les examens nécessaires pour avoir une
compréhension fine de son état, en se fiant juste aux propos du patient et aux idées et intuitions qu’il
peut avoir du fait de son expérience.

Même le meilleur professionnel doit en permanence contre-assurer son intuition. Qu’il en ait une est une
bonne chose car cela accélère les choses et renforce ensuite la solidité de la solution proposée. Mais il
doit se garder de s’y fier aveuglément.

L’entrepreneur social veut changer le monde à son échelle.

S’il s’engage c’est qu’il est convaincu du bien-fondé de son action.

Il reste néanmoins essentiel pour lui de faire partager cette conviction aux autres acteurs. Il lui faut donc
qualifier, préciser et délimiter ce besoin. Il doit ainsi déterminer et faire partager à tous les acteurs
concernés l’ampleur et l’urgence du besoin.

Pour cela, l’entrepreneur doit répondre aux 5 questions suivantes :

1/ Quel est le problème ?

2/ Pourquoi est-ce un problème ?

3/ Quelles sont les causes de ce problème ?

4/ Quelle est l’ampleur du problème ?

MOOC "L'entrepreneuriat social : de l'envie au projet" - octobre 2018

Thierry SIBIEUDE, professeur ESSEC, titulaire de la chaire Innovation et Entrepreneuriat Social


5/ Dans quelle mesure est-il urgent de trouver une réponse à ce problème ?

Pour répondre à ces questions, n’hésitez pas à donner quelques chiffres significatifs.

Il ne s’agit pas de noyer votre interlocuteur de données, mais de choisir quelques chiffres
particulièrement pertinents par rapport à la réalité.

Dans le cas de Cover Dressing, qui propose une labellisation des articles de mode « bien à porter »,
c’est-à-dire adaptés à des personnes à mobilité réduite, on peut donner 2 chiffres :

- 2 millions de personnes rencontrent des difficultés pour s’habiller du fait de leur handicap
- Pourtant, 3 à 8% des collections des vêtements en rayon sont adaptés à leurs contraintes

Lors de cet exercice veillez à bien citer vos sources, c’est un facteur de crédibilisation de votre
proposition. Veillez également à retenir les données les plus récentes possibles.

C’est dans cette phase que vous définirez l’ambition de votre projet, en déterminant le territoire sur
lequel vous entendez agir

Ceci est structurant à deux titres :

1/ vous pourrez ainsi identifier l’écosystème déjà présent,

2/ et définir la complexité de votre projet et les moyens qui seront nécessaires pour mener à bien votre
action et créer votre entreprise.

Pauline Chatin, qui dirige la SCIC Vigne de Cocagne du domaine Mirabeau, explique bien comment elle
a choisi comme territoire d’expérimentation le département de l’Hérault : terre viticole, l’Hérault a un
taux de chômage de 15% et un taux de difficulté de recrutement des ouvriers viticoles de 40%. Le
besoin social d’insertion sur le marché de l’emploi est donc présent et le besoin de main d’œuvre des
exploitations agricoles également.

Prenons à présent l’exemple de Siel Bleu :

- D'ici 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 50 ans aura augmenté de 35 % en Europe
et celui des personnes de plus de 85 ans aura triplé (Europe 2020 Flagship Initiative) ; selon
l’INSEE, le nombre de personnes dépendantes en France métropolitaine sera multiplié par 2
entre 2010 et 2060, passant de de 1 150 000 à 2 300 000
- Selon l’OMS, les maladies chroniques sont la toute première cause de mortalité dans le monde
et on estime que la sédentarité est la cause principale de 21 à 25% des cancers du sein ou du
colon, de 27% des cas de diabète et d'environ 30% des cas de cardiopathie ischémique
- Toujours selon l’OMS, les personnes âgées devraient augmenter la durée de leur activité
d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine afin d'améliorer
leur état de santé

Vieillissement et augmentation du nombre de personnes dépendantes d’une part, poids des maladies
chroniques d’autre part, montrent l’ampleur du problème et le bien-fondé de l’activité de Siel bleu pour
prévenir dépendance et maladies chroniques s’appuie sur de nombreuses études.

MOOC "L'entrepreneuriat social : de l'envie au projet" - octobre 2018

Thierry SIBIEUDE, professeur ESSEC, titulaire de la chaire Innovation et Entrepreneuriat Social


Une entreprise sociale n’émerge pas ex nihilo et la création d’une entreprise sociale s’intègre dans une
réalité qu’il convient d’analyser et de caractériser de la façon la plus fine et rigoureuse possible. C’est
aussi l’occasion d’identifier la complexité de l’écosystème que j’ai évoquée précédemment.

Là encore il ne faut pas hésiter à multiplier les rencontres avec les acteurs déjà présents : vous n’êtes
pas concurrents puisque vous voulez vous attaquer à un problème qui n’est pas résolu. Même si vous
connaissez bien la question, c’est le moyen d’enrichir votre compréhension du sujet.

Ainsi, Eva Sadoun, qui a créé 1001PACT aujourd’hui Lita.co qui est la première plateforme de crowd
equity, explique très bien que c’est en allant à la rencontre des fonds d’impact investing qu’il a été
possible de trouver le bon positionnement pour Lita.co, en complémentarité des acteurs présents sur le
marché. Et aujourd’hui, certains projets sont financés sur Lita.co en partenariat avec d’autres fonds.

2/ Venons-en à l’étude de marché

Mais si l’entreprise sociale, comme Lita.co, Siel Bleu ou Cover ou la SCIC Vigne de Cocagne du
domaine Mirabeau, développe une activité marchande pour financer en tout ou partie sa mission sociale,
il faut compléter cette analyse d’opportunité qui traite des bénéficiaires, par une étude de marché.

L’entrepreneur doit en effet vérifier qu’un marché existe pour le produit ou service qu’il veut vendre. Il
doit déterminer son public cible, constitué de ses clients potentiels et positionner son offre par rapport à
la concurrence.

Le public cible est donc constitué de ceux qui paient et ce public ne recouvre donc pas forcément ni
complètement le public des bénéficiaires.

Pour se résumer, une entreprise sociale doit savoir clairement identifier :

- son public bénéficiaire : celui qui est servi par sa mission sociale
- et son public cible, c'est-à-dire ceux qui pourront financer l’activité, en en étant ou pas les
bénéficiaires directs

Elle doit connaître les autres acteurs cherchant à répondre au même problème social qu’elle et être en
capacité de positionner sa mission et ses activités par rapport à celles de ces autres entités, qu’elles
soient privées (associations, prestataires de services publics) ou publiques.

Elle doit identifier ceux qui pourront générer les ressources nécessaires au développement de l’activité
et ceux qui pourront lui faire de la concurrence, si son activité comporte un volet marchand.

Il s’agit de ce qu’on appelle les parties prenantes de l’entreprise sociale c'est-à-dire selon Freeman, père
de la théorie du même nom : « un individu ou un groupe d’individus en relation avec l’entreprise, qui peut
affecter ses décisions ou être affecté par elles ».

A ce stade, il est important de dresser une première cartographie des Parties Prenantes du projet.

Il s’agit de déterminer les échanges entre les acteurs constitutifs de trois grands flux : qui sait quoi (c’est
un flux de données), qui fait quoi (flux de biens et de services), qui paie quoi (flux financiers) en plaçant
l’entreprise sociale au cœur du système.

MOOC "L'entrepreneuriat social : de l'envie au projet" - octobre 2018

Thierry SIBIEUDE, professeur ESSEC, titulaire de la chaire Innovation et Entrepreneuriat Social

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