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Sommaire
Avant-propos 3

Contexte 6

Interview Tara Heuzé-Sarmini 8

Interview Jacques Pellissier 10

Objectifs 13

Interview Tarana Duhaut-Brown 15

Interview Nathalie Renaudeau 17

Défis 19

Interview Kathryne Roger 21

Interview Alexandre Passilly 24

Résultats 27

Annexe 29

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Avant-propos
Cette étude de cas vise à mettre en avant des synergies - insoupçonnées - entre différents
acteurs privés et la société civile. L’expérience que nous avons tentée à grande échelle, et que
nous relatons ci-après, démontre que la mise à disposition de compétences métier rares et
précieuses au service du bien commun permet de réellement changer les règles... et, dans
notre cas précis, de lutter efficacement contre la précarité menstruelle.

Avant d’aller plus loin, il est bon de faire quelques rappels. La précarité menstruelle désigne
l’incapacité de se procurer des protections périodiques, ou de s’en procurer en quantité
suffisante, afin de vivre ses règles dignement et sans risque. En France, en 2020, nous
estimons que près de 2 000 000 de femmes souffrent de la précarité menstruelle et
manquent cruellement de produits d’hygiène intime, ce qui peut provoquer de graves
troubles physiques (infections, maladies allant jusqu’au syndrome du choc toxique qui peut
entraîner la mort) et psychologiques (gêne, sentiment de honte, perte de confiance en soi).
Ces conséquences très concrètes sont autant d’obstacles supplémentaires sur la voie de la
réinsertion et de l’égalité des genres.

C’est pour faire face à ce problème de santé publique que Tara Heuzé-Sarmini, alors
étudiante, lance en novembre 2015 Règles Élémentaires qui devient référence en la matière.
La mission de l’Association est double : lutter contre la précarité menstruelle et briser le
tabou des règles. Depuis sa création il y a tout juste 5 ans, l'Association comptabilise :

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Au cœur de Règles Élémentaires, se trouve une plateforme digitale qui permet la mobilisation
citoyenne, partout et tout le temps, et convertit l'activisme en ligne à la vie réelle en
seulement quelques clics.

Par le choix de son cheval de bataille - la précarité menstruelle, à l’heure où la majorité n’a
jamais entendu ces deux termes juxtaposés -, son modèle de fonctionnement - autour d’une
plateforme qui permet de démultiplier l’impact -, sa structuration très légère - dite
“asset-light” -, et son positionnement - dans l’activisme et non le militantisme -, Règles
Élémentaires affiche son caractère résolument disruptif et s’impose dès le début comme un
OVNI dans le paysage associatif français.

Action, ambition, data et optimisme résument le caractère de Règles Élémentaires et


expliquent les trésors de créativité que l’équipe déploie pour trouver des solutions aux défis
auxquels elle est confrontée. Le partenariat dont nous allons vous parler en est le parfait
exemple.

Tara Heuzé-Sarmini
fondatrice et directrice générale

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Contexte
En janvier 2020, Règles Élémentaires a l’opportunité de recevoir un don de 2
millions de serviettes hygiéniques de la part d’un industriel leader du secteur.

Ce don, bien que très généreux, a tout d’un cadeau empoisonné. Pour notre jeune
association pionnière de la lutte contre la précarité menstruelle, il s’agit d’une véritable
reconnaissance de notre impact et d’une opportunité de répondre un peu plus à des
besoins toujours plus importants. En effet, plusieurs facteurs expliquent l’accroissement
des besoins, notamment : la visibilité grandissante de notre association, la prise de
conscience du caractère de première nécessité des protections hygiéniques, et enfin -
malheureusement - l’augmentation de la précarité en France.

Toutefois, à ce moment, l’équipe de l’Association se compose d’une seule salariée et d’une


vingtaine de bénévoles. Le seul espace de stockage dont Règles Élémentaires dispose est
une cave d’environ 25 m² aux Grands Voisins, tiers-lieu qui doit alors fermer ses portes à
l’été.

Dans la mesure où le don du fabricant est un “don nu” (sans aucune aide financière ou
logistique associée) et où la livraison (plusieurs centaines de palettes) doit se faire en une
seule fois avant le mois de juin, il est très compliqué, de manière réaliste, - voire quasiment
impossible - pour Règles Élémentaires d’accepter le don dans ces conditions.

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“Soyez réalistes : demandez l’impossible”

Le défi est donc de changer ces conditions et d’en faire advenir des propices à la réalisation
de ce don qui marquera définitivement le passage à l’échelle de l’Association.

Tara Heuzé-Sarmini, alors présidente, fait une recherche sur LinkedIn avec les mots-clés
suivants : “supply chain management”. Elle contacte “à froid” les premiers profils résultant
de cette recherche avec le message ci-dessous :

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Plusieurs personnes répondent à l’appel : des responsables logistiques qui travaillent aussi
bien dans des start-ups D2C que dans des grandes multinationales… Parmi elles, Stéphanie
Rott, la directrice logistique et production du groupe LVMH.

Une rencontre est organisée quelques jours plus tard et, au bout d’une heure d’entretien,
sur la base des synergies observées entre les 2 organisations, Mme Rott propose une mise
en relation avec son homologue chez Sephora. Nous sommes fin janvier.

Rendez-vous est pris pour rencontrer les équipes “supply chain” de la Maison et de Deret,
partenaire logistique historique de Sephora, à Saran - au cœur de la “Cosmetic Valley”.

Fin février, un accord est trouvé entre Sephora, Deret et Règles Élémentaires pour
épauler l’Association dans la gestion logistique de dons industriels, posant ainsi la
première pierre d’un partenariat absolument unique.

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Interview Tara Heuzé-Sarmini
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Tara Heuzé-Sarmini, j’ai 26 ans, je suis la fondatrice et directrice générale
de Règles Élémentaires.

2. Comment avez-vous pris conscience de la précarité menstruelle ?


La précarité menstruelle m’a sauté aux yeux lorsque j'étais étudiante en Angleterre et
que j’ai moi-même été sollicitée pour participer à une collecte de produits d’hygiène
intime à destination des femmes sans-abri de la ville. C’est à ce moment-là que j’ai
réalisé que je ne m’étais jamais posé la question de savoir comment faisaient les
femmes dans la rue quand elles ont leurs règles. Ça a été ma première prise de
conscience de la précarité menstruelle.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
J’ai impulsé ce partenariat quand l'Association s’est retrouvée face à un goulot
d'étranglement logistique avec, d’un côté, une superbe opportunité de dons, et, de
l’autre, un espace de stockage extrêmement limité qui allait bientôt disparaître et très
peu de ressources humaines ou financières pour “gérer” ce don. Comme on dit,
nécessité fait loi, et c’est comme ça que, par la magie des réseaux, j’ai contacté des
personnes expertes dans le secteur, ce qui a donné lieu à la mise en place de ce
partenariat

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


À ma connaissance ce partenariat est unique : je n’ai rien vu de tel que cette
collaboration tripartite d’une association, d’un grand groupe et d’un logisticien. Cela
nous permet de capitaliser sur les forces et expertises de chacune des parties et de
mettre des compétences métier rares et chères au service du bien commun. De telles
initiatives existent peut-être ailleurs, mais c'est du jamais vu en ce qui concerne notre
secteur et Règles Élémentaires en est très fière. Je dis souvent qu’il ne faut pas
réinventer la roue quand les choses fonctionnent bien et, en l'occurrence, Sephora et
Deret sont deux acteurs qui maîtrisent extrêmement bien toutes les questions de ​supply
chain​ et c’est extraordinaire de pouvoir bénéficier de leur expertise à notre niveau.

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5. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?
Ce partenariat est essentiel car il nous permet d’accueillir des dons en quantités
industrielles. Plus de dons signifient plus de réponses aux besoins, une meilleure
réactivité et, à moyen terme, cela signifie aussi un passage à l’échelle plus serein. En
effet, Règles Élémentaires grandit très vite, mais dans l’associatif on peut très vite se
retrouver dans une fuite en avant, et c’est très important de pouvoir compter sur des
partenaires solides dans la durée.

6. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?


À court terme, j’espère que nous pérenniserons ce partenariat de manière
pluriannuelle, en augmentant petit à petit les quantités de dons traitées. Grâce à ce
partenariat, une antenne orléanaise devrait également voir le jour, ce qui serait très fort
symboliquement et très utile pour que l’Association poursuive toujours plus son
implantation territoriale.
À long terme, j’espère évidemment que ce partenariat n’aura plus lieu d’être et que le
besoin de distribution de tampons et serviettes disparaîtra.

7. La clef pour changer les règles selon vous ?


Pour changer les règles, il faut oser et il faut agir. Par là j’entends mener des actions,
aussi petites soient-elles : c’est l’accumulation des actions individuelles qui permettra de
durablement faire bouger les lignes. On le voit avec Règles Élémentaires qui a eu une
approche très ​bottom up depuis sa création : ce sont d’abord des citoyen·nes partout
dans le pays qui se sont mobilisé·es pour organiser des collectes, puis des collectivités
ont rejoint le mouvement, puis ce fut au tour de très grosses entreprises jusqu'à ce que
le Gouvernement s’empare du sujet. Je suis convaincue que les gouttes d’eau forment
les rivières et les océans.

8. Quelque chose à ajouter ?


Ensemble, on peut changer les règles !

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Interview Jacques Pellissier
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Jacques Pellissier, je suis en charge de la ​supply chain pour Sephora Europe
et Middle East : je m’occupe donc de l’approvisionnement des magasins et de faire en
sorte que les produits soient bien distribués dans les Sephora de la région Europe et
Moyen-Orient.

2. Comment avez-vous connu Règles Élémentaires et quand avez-vous pris


conscience de la précarité menstruelle ?
Je suis sensible à la cause de la précarité menstruelle depuis assez longtemps de par
mon entourage, même si en réalité je ne la connaissais pas vraiment. C’est quand j’ai
rencontré Tara au début de l’année 2020 que j’ai découvert en détails à la fois
l’Association et la cause pour laquelle celle-ci se bat.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
J’ai un rôle finalement assez simple, qui est celui de mise en relation : Tara a d’abord
contacté le groupe LVMH pour lequel je travaille et qui nous a mis en contact. On
pourrait dire que j’ai joué un rôle de facilitateur : il fallait bien comprendre les besoins,
mettre en lien les bonnes personnes, rassembler, motiver et essayer de communiquer
autour de nos actions.
Très concrètement, j’ai reçu Tara, puis nous avons élaboré le projet ensemble, en
construisant le partenariat logistique. Deret est le partenaire logistique de Sephora, que
nous avons rencontré pour ce projet, et c’est de là qu’est né ce partenariat tripartite.

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


Je crois savoir que le partenariat est original, même si je trouve ça un peu dommage
qu’il le soit. En effet, nous parlons d’une association qui défend une cause, d’une
entreprise logistique possédant des moyens et d’une entreprise largement répandue
sur le territoire français avec 330 magasins disposant d’un maillage géographique très
fin. Les conditions idéales sont réunies pour pouvoir recevoir des produits d'hygiène
intime, les stocker, les répartir un peu partout en France et assurer leur redistribution
vers les différentes associations. Au final, sur le papier tout semble assez simple.
C’est un peu dommage que ce partenariat soit original, unique, car je suis convaincu
que beaucoup de choses pourraient être faites, partout en France et dans le monde, en
mettant en relation des savoir-faire et des moyens. J’espère que cet accord pourra
inspirer d’autres initiatives et pourra avoir un effet boule de neige.

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5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
À titre personnel, je l’ai beaucoup fait, et je le fais encore souvent. Dans la sphère
professionnelle chez Sephora, nous menons beaucoup d’actions : je ne pourrais pas
tout citer, et ce serait dommage d’en oublier, mais il existe la volonté d’agir sur la
protection de l’environnement et de contribuer à l’amélioration du bien-être de la
société. Nous sommes une entreprise qui vend des produits cosmétiques, dont l’un des
objectifs est de donner ou redonner confiance à beaucoup de personnes : nous
sommes donc sensibles à la notion de bien-être.

6. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?


Je trouve ce partenariat important car il a une réelle utilité. Dans cette première
opération, nous pouvons compter 137 palettes, qui contiennent des milliers de
produits, qui ont transité par le réseau logistique que nous avons mis en place et dont
des milliers de femmes ont pu bénéficier.
D’autre part, c’est un partenariat qui a du sens : en effet, il contribue à son échelle à
rendre la société un peu plus harmonieuse, équitable, plus juste.
Dans cet accord, nous avons mis en commun un certain nombre de compétences
spécifiques et techniques : selon moi, il s’agit principalement d’intelligence collective. Il y
a d’abord Règles Élémentaires qui impulse, puis Sephora qui rayonne sur l’ensemble du
territoire, puis Deret, un partenaire logistique qui nous met à disposition ses moyens
logistiques. Il n’y a pas de modèle plus efficace qu’une addition de compétences utiles et
porteuses de sens.

7. Avez-vous observé un changement des mentalités depuis la mise en place


du partenariat ?
En communiquant sur ce partenariat au sein de Sephora, nous avons réalisé à quel
point ce sujet déclenche de l’intérêt. En interne, beaucoup de personnes se sont
intéressées à Règles Élémentaires et au sujet de la précarité menstruelle.
L’intérêt qui a été montré témoigne peut-être de la méconnaissance de ce problème :
on ne connaît pas nécessairement l’ampleur, les chiffres. Ce partenariat a donc permis
de faire un pont entre des mondes parfois clos et d’amener le sujet auprès de
personnes qui ne sont pas forcément dans les sphères de Règles Élémentaires.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières : c’est un commencement qui a permis à la
notoriété de Règles Élémentaires de grandir. Quelques dizaines de personnes sont
désormais au courant au sein de Sephora, et demain tout devrait se propager très vite.
Ce n’est pas nouveau chez Sephora que d’embrasser et de travailler pour des causes
humanitaires et sociales. Nous soutenons depuis très longtemps un certain nombre
d’associations, auxquelles nous faisons chaque année des donations financières.

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8. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?
Je voudrais que ce partenariat s’inscrive dans notre réalité et notre pensée quotidienne,
qu’on le normalise en quelque sorte. J’espère que cet accord pourra résonner et
encourager d’autres initiatives.
J’aimerais également que l’on crée une antenne de Règles Élémentaires à Orléans. En ce
moment, nous sommes très occupés par l’actualité et la fin d’année, mais dès l’année
prochaine, j’aimerais que la prochaine étape soit la création de cette nouvelle antenne.
Nous avons installé une boîte à dons dans le hall du bâtiment Sephora, mais je pense
qu’il faut aller beaucoup plus loin.

9. La clef pour changer les règles selon vous ?


Tout passe par l’éducation, pas seulement pour les règles et la précarité menstruelle.
L’axe numéro 1 de développement de Règles Élémentaires est de rentrer dans les
programmes scolaires, d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas acceptable que des
jeunes filles n’aillent pas à l’école car elles n’ont pas accès à des protections périodiques,
on ne peut pas accepter qu’il y ait des complexes ou une gêne qui s’entretiennent chez
les jeunes filles ou chez les femmes. On ne peut plus accepter que les règles restent
taboues et pas comprises comme quelque chose de naturel.
Je suis quelqu’un de très optimiste, et je pense que la société évolue petit à petit dans le
bon sens : les processus prennent du temps, mais quand les mentalités sont prêtes, les
choses peuvent changer.

10. Quelque chose à ajouter ?


Le mot de la fin serait que tout est parti de l’Association Règles Élémentaires : à chaque
fois que je rencontre des membres de cette association, je trouve de quoi être
optimiste. Je voudrais remercier Règles Élémentaires, mais aussi toutes ces associations
et cette jeunesse qui s’engagent pour des causes importantes. Je trouve ça formidable !

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Objectifs
Les objectifs de ce partenariat à court, moyen et long terme sont multiples.

Dans un premier temps, il s’agissait de créer les solutions pour ne pas laisser passer
l’opportunité du plus gros don jamais proposé à Règles Élémentaires. La livraison entrante
étant assurée par le donateur, cela impliquait de mettre en place un partenariat nous
permettant de gérer la réception, le reconditionnement (et l’aspect “dépalettisation”) et
enfin les nombreuses livraisons sortantes.

En effet, depuis le début, Règles Élémentaires a fait le choix éthique et moral de ne pas
assurer directement la redistribution auprès des femmes dans le besoin, mais de passer
par des partenaires redistributeurs spécialisés, à l’instar du Samusocial, de la Croix Rouge,
du Secours Populaire et de nombreux autres acteurs (épiceries solidaires, centres
d’hébergement, accueils de jour, etc.) répartis sur tout le territoire. Ce choix s’explique par
deux raisons principales :

● la volonté de ne pas démultiplier les points de contact pour les femmes


dans le besoin,
● la réalité d’un sujet qui a trait à l’intime et qui entraîne bien souvent un
grand nombre de questions liées à la santé sexuelle et reproductive
nécessitant un véritable accompagnement médical.

Ces partenaires redistributeurs, plus de 200 à date, sont répartis sur l’ensemble du
territoire, en lien avec notre volonté d’avoir l’approche la plus locale possible. Dans cette
optique, il était encore plus intéressant pour nous de collaborer avec Sephora - enseigne
nationale présente avec des centaines de magasins dans tout le pays - et Deret, qui
dispose d’un maillage territorial fin avec une plateforme logistique centrale à Saran et 20
plateformes régionales d’où partent les marchandises vers l’ensemble des magasins. Cette
organisation laissait présager la régularité et la multiplicité des trajets, et même, si besoin,
la possibilité de les coupler à des livraisons vers des partenaires redistributeurs de Règles
Élémentaires dans l’incapacité de se déplacer vers la plateforme régionale la plus proche.

Plus généralement, l’objectif du partenariat avec Sephora et Deret est de professionnaliser


et fluidifier notre chaîne logistique. En effet, acheminer des produits - volumineux - d’un
point A à un point B représente forcément un challenge pour une organisation ​asset-light​,

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principalement composée de bénévoles, comme la nôtre. Et pourtant nous opérons sur un
segment où les besoins se répètent inlassablement... tous les mois. Optimiser notre
logistique - et a fortiori la gestion des stocks - nous permet plus de réactivité face aux
sollicitations toujours plus importantes de nos partenaires redistributeurs eux aussi
toujours plus nombreux.

Enfin, en affichant une volonté de nous accompagner sur la durée, Sephora et Deret nous
permettent un passage à l’échelle plus serein.

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Interview Tarana Duhaut-Brown
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Tarana Duhaut-Brown, j’ai 32 ans, je suis responsable des partenariats de
redistribution pour Règles Élémentaires.

2. Comment avez-vous pris conscience de la précarité menstruelle ?


Lorsque j’ai connu Règles Élémentaires sur les réseaux sociaux, j’avais déjà pris
conscience de la précarité menstruelle, en travaillant notamment avec des personnes
en situation de précarité dans des pays en voie de développement. C’est par ce biais
que j’ai réalisé à quel point il peut être difficile de se fournir en protections périodiques
mais aussi à quel point ces mêmes protections sont parfois inexistantes dans ces
régions. Je réfléchis depuis un certain temps à des solutions pour offrir des protections
qui soient plus durables, meilleures pour l’environnement et meilleures pour nos corps.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
Je suis le point de contact de Règles Élémentaires avec Deret. J’ai beaucoup travaillé en
partenariat avec Nathalie, pour la répartition et l’acheminement des palettes dans les 16
entrepôts régionaux de Deret. Nous avons fait la cartographie de ces différents
entrepôts, et en amont j’ai recensé les besoins de nos partenaires : il a fallu quantifier
ces besoins mais aussi les localiser, puis réaliser une association adaptée entre les
besoins des partenaires et les entrepôts.

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


Tout d’abord je pense qu’il faut souligner le fait qu’une entreprise comme Sephora ait
voulu soutenir Règles Élémentaires, d’une façon ou d’une autre, et que leur logisticien
ait été mobilisé dans ce cadre. C’est assez unique de voir un partenaire donateur qui
soit à l‘écoute et qui s’adapte à notre besoin plutôt que de faire un don qui l’arrange.
L’originalité de cette opération réside aussi dans la projection sur la durée : nous
sommes en effet en cours de signature d’une convention tripartite dans laquelle
Sephora insiste sur la création d’une antenne orléanaise de Règles Élémentaires. Je
trouve ça très beau de voir qu’il ne s’agit pas d’un accord ponctuel, mais plutôt d’un
partenariat qui s’annonce être de longue durée et qui a une ambition énorme. Je pense
qu’il faut également souligner l’implication très sincère de nos deux partenaires sur ce
projet : tout a été pris très au sérieux, et le service rendu est d’une qualité
exceptionnelle. Tous les retours sont très positifs, et les partenaires redistributeurs sont

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tous ravis de leur expérience avec Deret. Une grande attention a été donnée à la qualité
du partenariat.

5. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?


Ce partenariat nous donne accès à des zones géographiques que nous n'aurions pas la
possibilité d’atteindre autrement. Il nous permet de répondre à des besoins dans des
villes où nous n’avons pas d’antennes, et de fournir des protections là où les besoins
nous ont été communiqués comme plus importants. Ce partenariat a permis d'accroître
la portée de Règles Élémentaires, puisque nous avons touché des populations qui ne
pensaient pas pouvoir bénéficier de notre aide, notamment la population étudiante.
Avoir eu accès à ces immenses espaces de stockage a été très avantageux, puisque
nous avons pu stocker et redistribuer des dons en grande quantité à une période où les
besoins sont très importants.
Il ne faut pas oublier que l’on parle de 44 structures et de 560 000 produits : il s’agit d’un
partenariat d’une ampleur conséquente.

6. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?


J’espère que le partenariat se poursuivra en 2021, et que nous pourrons avancer avec
plus de clarté maintenant que nous connaissons mieux les modes de fonctionnement
de chacun·e. J’espère que le partenariat se poursuivra et que les relations se
consolideront, et je suis reconnaissante d’avoir pu participer à une telle opération qui
m’a aussi beaucoup appris d’un point de vue personnel.

7. La clef pour changer les règles selon vous ?


Je pense qu’il faut parler des règles : en parler tout le temps, à tout le monde, sans
limites et sans inhibitions. Nous avons animé notre atelier de bilan avec Sephora, et les
hommes présents étaient non seulement très contents de pouvoir parler des règles,
mais ils connaissaient déjà beaucoup de choses. En animant des ateliers, en parlant des
règles, je me rends compte que nous sommes prêts et que le sujet trouve sa place
même dans des milieux plus fermés : nous nous rendons de plus en plus compte qu’il
s’agit d’un sujet central dans la vie des femmes et que la précarité menstruelle est un
réel problème. Parler, c’est la meilleure chose à faire pour briser les tabous et changer
les règles, et peut être qu’un jour les protections périodiques seront gratuites.

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Interview Nathalie Renaudeau
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Nathalie Renaudeau, je suis directrice opérationnelle de Deret Transporteurs. Je
travaille chez Deret depuis 35 ans, et je suis à la direction depuis 2013. Je m’occupe de
notre client Sephora depuis qu’ils sont rentrés chez Deret il y a 25 ans de cela ! Nous
avons grandi avec eux au fur et à mesure qu’ils ouvraient des boutiques en France : au
début il y avait 50 magasins, aujourd'hui il y en a 330.

2. Comment avez-vous connu Règles Élémentaires et quand avez-vous pris


conscience de la précarité menstruelle ?
C’est par le biais de cette opération que j’ai découvert Règles Élémentaires. En revanche,
j'ai toujours été très sensible à la précarité de manière générale et à la précarité
menstruelle également. Évidemment, rencontrer des membres de l’Association Règles
Élémentaires et être plongée dans ce partenariat a rendu cette problématique encore
plus réelle, puisque j’y étais confrontée de manière plus directe que j’en ai l’habitude.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
Après une première réunion en juillet, nous avons tout de suite sauté dans
l’opérationnel.
Du côté Deret, il fallait gérer la préparation des commandes, mais nous devions
également dresser le planning de récupération des palettes et de leur acheminement.
Nous devions également penser leur répartition sur nos agences, en fonction des
besoins et des demandes des associations préalablement identifiées par Tarana.

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


Tout d’abord le produit en lui-même est original. Chez Deret, nous n’avons pas
l’habitude de traiter des serviettes hygiéniques : nous travaillons souvent avec des
denrées, et, même si plus récemment nous avons alimenté des hôpitaux avec des dons
de savons, c’était nouveau que d’avoir ces cartons de protections périodiques. Je pense
également que tout un chacun ne pense pas nécessairement à ce type de produit : nous
ne pensons pas qu’avoir accès à des protections d’hygiène intime puisse être un
problème, et ne pas y penser prouve une méconnaissance globale de cette
problématique.

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5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
Non, ce n’est pas la première fois que je travaille avec et pour des associations. Chez
Deret, nous collaborons souvent avec des associations, nous souhaitons être
disponibles pour aider les uns et les autres comme nous le pouvons : nous avons par
exemple récemment aidé à récupérer des masques. Ce genre d’actions fait partie des
valeurs de Deret.

6. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?


Ce partenariat est important déjà parce que je suis une femme. Je défends toutes les
femmes et le respect de leur dignité, et, par cette opération, nous avons essayé d’aider
des personnes en situation de précarité, en leur donnant accès à des produits dont elles
ont besoin. Mettre notre pierre à cet édifice a beaucoup de sens : c’est très beau et très
fort de savoir que, par notre petite participation, quelques femmes peuvent sortir au
moins un temps de cette précarité.

7. Avez-vous observé un changement des mentalités depuis la mise en place


du partenariat ?
L'environnement dans lequel nous évoluons ici, le transport, c’est un monde d’hommes.
Le sujet des règles reste donc assez lointain. Toutefois, nos équipes ont participé à cette
opération avec plaisir, et les exploitants, les chauffeurs, tout le monde était au courant
de ce partenariat et a donc été sensibilisé au sujet.

8. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?


Si Règles Élémentaires veut mener d'autres opérations comme celles-ci dans le futur,
nous serons très heureux de répondre à l’appel ! C’est avec grand plaisir que nous
avons participé à ce premier partenariat. Du côté de Deret logistique, qui s’est occupé
de la préparation des commandes, les retours sont très positifs aussi.

9. La clef pour changer les règles selon vous ?


J’ai bien peur que l’avenir ne soit pas très optimiste avec tout ce que nous traversons
actuellement en tant que société. Un nombre croissant de personnes a recours aux
diverses aides, et j’ai peur que nous ne prenions une direction dans laquelle la précarité
menstruelle ne fera que s’accentuer. Je pense qu’il faut rester vigilants et continuer de
soutenir des associations comme Règles Élémentaires, dont on a énormément besoin.

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Défis
De par son caractère radicalement nouveau, ce partenariat, couplé à la crise
sanitaire, a présenté un certain nombre de défis structurels et conjoncturels, plus
ou moins prévisibles.

Tout d’abord, la crise du COVID 19 et le confinement décrété en mars, soit quelques


semaines après la conclusion de notre accord de partenariat, ont profondément
chamboulé l’organisation de toutes les parties prenantes. Du côté du fabricant à l’origine
du don, les livraisons ont finalement pu - et même dû - être échelonnées. Ainsi, près de 1,5
million de produits ont pu être acheminés directement à nos partenaires redistributeurs
pour limiter les contacts (à une époque où nous ne disposions pas encore de suffisamment
de masques ni de gel hydroalcoolique) afin de répondre à l’urgence du terrain. Les 560 000
produits restants sont quant à eux arrivés dans les entrepôts Deret à Saran à la fin du
premier confinement, dans le courant du mois de juin 2020.

L’accueil de ces dons, dans des entrepôts ne recevant pas ce type de produits
habituellement, a représenté un challenge en lui-même. En effet, en amont, la
communication avec le fabricant était très compliquée, et il a été très difficile d’obtenir des
informations claires sur le colisage. À l’arrivée, plusieurs palettes étaient incomplètes, ce
qui complexifiait les efforts de reconditionnement et de répartition.

Les produits ont finalement pu être redistribués à 44 structures. La diversité des


partenaires, en termes de taille et de ressources, a demandé une forte capacité
d’adaptation de la part de Deret et de Règles Élémentaires. Tandis que des associations à
rayonnement national telles que la Croix Rouge française ou les Restos du Coeur ont des
véhicules à disposition, d’autres, plus petites (à l’instar des associations étudiantes, centres
d’hébergement ou associations luttant pour les droits de femmes), n’ont souvent pas la
possibilité de se procurer un véhicule. Ces disparités se traduisent également dans les
ressources humaines et donc dans la communication avec les différents partenaires
redistributeurs. Beaucoup de structures reposent sur des bénévoles, dont la disponibilité
et la réactivité varient fortement. De plus, la multiplicité des interlocuteur·rices ne facilite

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pas une communication fluide : de nombreux allers-retours ont été nécessaires pour
comprendre les besoins de tous nos partenaires et y répondre au mieux.

Par ailleurs, la faible - ou mauvaise - maîtrise des outils digitaux habituellement utilisés par
Règles Élémentaires du côté de nos partenaires a mené à la création de nouveaux process,
requérant une formation et un suivi souvent chronophages (explications par mails,
doublées d’appels, etc.).

Enfin, des défis propres au caractère ​pro bono de notre partenariat étaient à prévoir. En
effet, n’étant pas un “client” comme les autres, dans la mesure où l’Association n’est pas
facturée pour les services qui lui sont rendus, il est normal - et parfois nécessaire - que nos
demandes - et commandes - soient dépriorisées et que nous nous adaptions aux
contraintes de calendrier de Deret. Avec le reconfinement, ces contraintes sont devenues
encore plus importantes dans la mesure où l’ensemble des chaînes logistiques du pays ont
été impactées suite à la fermeture des commerces dits “non-essentiels”. Ce changement
brutal dans l’organisation de l’activité a ralenti certaines opérations liées à notre
partenariat, et notamment des livraisons.

***

Afin de faire face à ces défis de différente nature, plusieurs solutions ont été trouvées :

● limitation du nombre de références stockées pour faciliter leur gestion


● arrondi au carton près (pour ne pas avoir à ouvrir les cartons) et arrondi à
des palettes complètes pour 90% des retraits pour ne pas devoir
dépalettiser systématiquement
● autorisation du “pick-up” à titre exceptionnel sur les différentes
plateformes
● souplesse sur les délais de mise à disposition et livraison des produits

Toutefois, les plus grandes ressources pour assurer le bon déroulement des opérations
ont été les équipes de Deret et de Sephora, qui ont toujours su faire preuve d’une extrême
bienveillance et compréhension, eu égard aux problématiques que nous pouvions
rencontrer. Nos échanges et partages nous ont également permis de monter en
compétences sur nos sujets respectifs.

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Interview Kathryne Roger
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Kathryne Roger, j’ai 39 ans. Je travaille chez Sephora depuis quatre ans, et je fais
partie de l’équipe ​master data : nous gérons la base de données “articles et
fournisseurs” pour toute l’Europe, l’Asie du Sud-Est, le Mexique et le Brésil.

2. Comment avez-vous connu Règles Élémentaires et quand avez-vous pris


conscience de la précarité menstruelle ?
J’ai entendu parler par deux fois de Règles Élémentaires. Nous avons un réseau au sein
de Sephora qui est très engagé sur des valeurs écologiques, sociales, sociétales,
environnementales : je fais partie de ce comité depuis sa création. Une collègue très
sensible à la cause des femmes m’a présenté Règles Élémentaires. Quelques semaines
après, Tara est entrée dans nos vies. Elle a contacté notre groupe pour essayer de
trouver une solution à cet énorme don de serviettes hygiéniques qui est arrivé cette
année : le groupe a dit “quoi de mieux qu’un ​retailer​, et quelqu’un qui a des commerces
et un réseau de distribution dans toute la France !” La relation s’est faite naturellement
entre la ​supply chain logistique de Sephora et Règles Élémentaires. Nous nous sommes
donc rencontré·es en février, et depuis on ne s’est plus vraiment laché·es ! C’est donc
surtout à ce moment-là que j’ai été sensibilisée aux problématiques de la précarité
menstruelle.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
Le rôle de Sephora est assez particulier puisque nous sommes un prestataire logistique,
ce qui fait de nous des donneurs d’ordres en quelque sorte pour cette distribution,
même si les directives viennent de Règles Élémentaires pour savoir où doivent aller
quels produits, pour qui et comment. Nous avons vérifié que tout se passait bien entre
Deret et Règles Élémentaires, ce dont nous n’avions aucun doute puisqu’il y a d’un côté
Règles Élémentaires qui sait ce qu’elle veut et de l’autre un prestataire extrêmement
professionnel qui a l’habitude, qui connaît son réseau, sait comment faire au mieux et
qui a été très très arrangeant sur cette redistribution.

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


D’un point de vue personnel, ce partenariat m’a fait plein de choses. J’ai été sensibilisée
à quelque chose que je n’avais pas forcément envisagé : je fais partie de ces personnes

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qui pour la Banque Alimentaire achètent des couches pour bébé et des savons, j’aurais
donc très bien pu être sensible à la précarité menstruelle, et pour autant je n’y avais
jamais pensé. Je n’ai jamais fait face à ça, mais comme Tara nous l’avait dit lors de notre
rencontre, c’est une réalité qui pourrait nous toucher elle comme moi ! Parce qu’un jour,
un dimanche, nos règles peuvent arriver sans qu’on ait le nécessaire chez nous, tous les
magasins sont fermés, et il n’y a pas de distributeurs de produits d’hygiène intime. La
précarité menstruelle peut, d’une manière ou d’une autre, toucher absolument toutes
les femmes.
Au niveau professionnel, j’ai beaucoup appris sur les actions nécessaires pour une
distribution efficace et dans des endroits un peu inattendus puisque ces livraisons ne
sont pas toutes dans le planning habituel de Deret. Le fonctionnement du prestataire
m’est plus clair désormais, puisque je ne travaille finalement que très peu avec eux au
quotidien.

5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
J’ai été très longtemps bénévole à la Croix Rouge, et j’ai fait partie de plusieurs
associations. En revanche, en ce qui concerne ma vie professionnelle et ma vie chez
Sephora, c’est le premier engagement de cette taille que je connais. Nous faisons
régulièrement des dons à des associations, mais ce sont des dons financiers ponctuels
motivés par notre souhait de soutenir le tissu associatif local. Je n’avais jamais participé
à de grands partenariats comme celui-ci.

6. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?


La démarche et le but sont des raisons qui rendent ce partenariat important. Je trouve
le but extrêmement louable, bien que malheureusement peu de gens le connaissent. Je
vois que la démarche fleurit un peu partout sur le territoire français, on entend de
temps en temps la voix de Tara sur France Inter, mais c’est surtout la finalité qui est très
enrichissante.
Lors de leur présentation, Tara et Tarana nous ont toutes les deux remercié·es
vivement, en nous expliquant le nombre d’associations qui ont pu bénéficier de
serviettes hygiéniques grâce à cette opération, et d’un coup nous nous sommes rendu
compte que nous avions participé à quelque chose de génial, simplement en se disant
“on se donne la main et on y va”. C’est évidemment une démarche qui a demandé des
moyens chez notre prestataire, du déploiement d’énergie pour chacun·e, mais la finalité
est belle et humainement enrichissante.

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7. Avez-vous observé un changement des mentalités depuis la mise en place
du partenariat ?
On ne leur a pas vraiment laissé le choix. En interne, au sein des équipes, nous avons
beaucoup parlé de ce partenariat, des règles et de la précarité menstruelle, nous
montrions les photos prises à l’entrepôt. Nous avons même mis une boîte à dons ! Le
sujet est donc devenu inévitable (rires). C'est la petite pierre qui fait que quelques
femmes quelque part pourront bénéficier de ces dons. L’engagement n’est pas
incroyable chez tout le monde, nous avons tous·tes nos sensibilités personnelles, mais
tout le monde connaît désormais le concept et le principe de Règles Élémentaires. Lors
de la réunion de présentation, Tara a exprimé son envie d’ouvrir une antenne à Orléans,
et déjà deux, trois personnes m'ont dit qu’elles aimeraient donner de leur temps ! On
sent qu’il y a des gens qui ont envie de s’intéresser et de s'investir.

8. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?


Je n’espère qu’une chose, c’est qu’un jour Règles Élémentaires puisse être autonome,
indépendante et puisse se développer au maximum, mais le jour où il y aura besoin je
serai là. J’espère que les dons pourront grossir et que Règles Élémentaires pourra avoir
sa propre logistique, mais d’ici là on aidera l’Association tant que c’est possible.

9. La clef pour changer les règles selon vous ?


Je pense qu’il y a beaucoup d’éducation à faire à l’école. Il y a des choses dans les cours
d’éducation sexuelle, mais qui ne sont pas forcément faites au bon moment dans la vie
des élèves. Je pense faire partie d’une génération peut-être plus à même de parler des
règles et de ne pas avoir de tabou autour de la vie intime. Le fait d’en parler et de libérer
la parole est crucial ; c’est aussi mon rôle de mère d’instruire mes filles et de leur dire
que les règles sont normales et pas sales, qu’elles peuvent en parler, qu’elles ne sont
pas obligées de se cacher pour changer leurs protections : les règles ça arrive quand
même à la moitié des gens sur Terre. Et il faut aussi revoir les publicités !

10. Quelque chose à ajouter ?


Je suis vraiment ravie d’avoir pu participer à ce partenariat. Je me sens grandie, je trouve
que c’est un bel engagement que vous avez tou·tes ; il y a de belles choses à faire et à
venir, et c’est très chouette !

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Interview Alexandre Passilly
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Alexandre Passilly, je suis directeur général de Deret Logistique, et j’ai rejoint
l’entreprise en 2003.

2. Comment avez-vous connu Règles Élémentaires et quand avez-vous pris


conscience de la précarité menstruelle ?
C’est au travers de LVMH et de Sephora que j’ai rencontré Tara, dans le cadre de la
démarche qu’elle avait engagée auprès d’eux. Sephora nous a impliqué·es avec eux,
puisque nous sommes leur prestataire logistique, et nous a invité·es à découvrir Règles
Élémentaires. C’est à ce moment-là que j’ai pris connaissance de cette association et de
son action.

3. Quel est votre rôle dans le partenariat tripartite Règles Élémentaires x


Sephora x Deret ?
Personnellement, j’ai donné l’engagement de Deret à accompagner et assurer la
livraison des produits. Sephora a utilisé son réseau pour faire connaître Règles
Élémentaires et Deret a ensuite agi en tant qu'entrepôt réceptionnaire des
marchandises. Nous avons mis le réseau de distribution qui est en place pour Sephora
au profit de Règles Élémentaires pour acheminer les produits jusqu’aux associations.
Mon action a été de donner notre accord pour accompagner gracieusement Règles
Élémentaires, et de mettre à disposition nos moyens d'entrepôt et de transport pour
pouvoir distribuer les produits dans un certain nombre de régions françaises.

4. Quelle est, selon vous, l’originalité de ce partenariat ?


Je pense que cet accord a été un levier important, qui a permis d’offrir à Règles
Élémentaires un rayonnement plus important et un accès à un plus grand territoire.
Pour nous c’était une petite action, puisque nous avons fait ce que nous faisons
quotidiennement, mais nous l’avons fait pour aider Règles Élémentaires et pour
soutenir leur action. Quand tout le monde peut s’associer, des synergies vertueuses se
créent.

5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
C’est la première fois que je mets mes compétences métier au service d’une association
du type de Règles Élémentaires. Deret, étant une entreprise fortement implantée sur le
territoire orléanais et étant un employeur important, a de fait un certain rayonnement :

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nous avons l’habitude de soutenir des associations plutôt locales, qui n’ont pas
forcément la mission et le rayonnement qu’a Règles Élémentaires.

6. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?


Ce partenariat est important parce que la cause défendue par Règles Élémentaires est
méconnue alors que c’est pourtant une vraie réalité, quelque chose de concret. C’est un
sujet méconnu par beaucoup, et je pense qu’on ne fait pas forcément le lien entre la
précarité et les femmes : lorsqu’on pense aux personnes en situation de précarité, on
les met souvent dans la case de SDF, et on s'arrête assez souvent aux conditions
d’hygiène de base, alors que pour les femmes tout est plus compliqué. La prise de
conscience autour de la précarité menstruelle en fait un sujet sur lequel nous avons
souhaité accompagner l'Association. Nous n’oublions pas qu’il y a d’autres facettes de la
vie humaine, auxquelles il faut aussi participer.

7. Avez-vous observé un changement des mentalités depuis la mise en place


du partenariat ?
En ce qui concerne les collaborateur·rices Deret, tout le monde a été motivé par l’action
et s’est montré sensible au sujet. Toutefois, c’est un choix pour Deret que cet accord ne
devienne pas un “sujet de communication” : nous nous sommes engagé·es auprès d’une
cause pour laquelle nous croyons qu’il est important d’agir, pas pour notre image. Les
personnes qui ont été intégrées à cet accord ont été très contentes de l’être et ont
montré un attachement au sujet.

8. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?


La suite, ce serait que la précarité menstruelle se réduise, qu’on ait moins de palettes à
transporter : ce serait peut-être un bon indicateur pour savoir que les choses avancent.
Nous resterons aux côtés de Règles Élémentaires s’il le faut pour réitérer ce type
d'opérations. Nous répondons à l’appel puisque nous avons les capacités de le faire et
que cela permet de décupler l’action en termes d’efficacité.

9. La clef pour changer les règles selon vous ?


Si la question était simple, on l’aurait déjà soldée. Je crois qu’aujourd’hui
malheureusement nous vivons dans un monde qui n’est pas forcément attentif aux
différents types de difficultés qui peuvent être rencontrées. Je pense qu’il faut faire
évoluer les valeurs de la société. La clé pour changer les règles passe par des politiques,
des actions plus responsables, mais il faut en régler la cause. La cause de la précarité en
général est un vaste sujet. Chez Deret nous sommes proches de ces problématiques et,
en tant que plus gros employeur de la région, nous sommes sensibles à ces
problématiques et essayons d’agir à notre échelle.

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10. Quelque chose à ajouter ?
Nous tirons une réelle satisfaction d’avoir pu traiter cette première opération avec
Règles Élémentaires, et les choses sont allées très vite. C’est une relation simple qui a
prouvé son efficacité, et aujourd’hui la satisfaction est là.

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Résultats
Suite à la crise du COVID19 et au premier confinement, Règles Élémentaires a
organisé la redistribution de près de 1 500 000 de produits via des livraisons en
direct, afin de répondre à l’urgence sanitaire et sociale tout en limitant les points
de contact. Dès lors, 560 000 produits “seulement” ont été fléchés vers les
entrepôts Deret à l’été 2020.

Entre juin et octobre 2020, ces produits ont pu être acheminés dans 15 entrepôts situés
dans 14 départements, bénéficiant à 44 associations et structures médico-sociales venant
en aide concrètement à plus de 12 500 femmes.

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Ensemble, on peut changer les règles.

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Annexe
Annexe 1- Liste des structures bénéficiaires (par ordre alphabétique)

1. Accueil et Réinsertion Sociale Nancy


2. Accueil Fraternel Roubaisien
3. AFED 66
4. AFGES
5. AGORAé Amiens
6. AGORAé Paris
7. Amicale du Nid 93
8. Association pour la Solidarité Active
9. Aurore - épicerie solidaire
10. Aurore - Siège IDF
11. BANTA !
12. Cent pour un toit Oise
13. Centre Communal d’Action Sociale de Cugnaux
14. Centre d'Accueil et de Soins Hospitalier de Nanterre - Hôpital Max Fourestier
15. Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris
16. CHU Ney Alteralia
17. Croix Rouge française - Antenne de Château Thierry
18. Croix Rouge française - Unité de Marseille
19. Croix-Rouge française Unité Locale de Toulouse
20. Entraide & Solidarités
21. ESI Familles - Bonne Nouvelles (CASP)
22. FAGE Paris
23. Fédé B
24. FÉDÉLOR
25. FEDER Rouen
26. GAELIS
27. Halte Aide aux Femmes Battues
28. Humanity Diaspo
29. InterAsso
30. INTERcampus
31. Oeuvre Normandes des Mères

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32. Plateforme d'entraide du Mc Donald's Sainte Marthe et membre du syndicat des
quartiers populaires de Marseille (SQPM renommé “le Sel de la Terre”)
33. Restos du Coeur de Charente Maritime
34. Restos du Coeur de Gironde
35. Restos du Cœur de l'AD45 - Centre de Saran
36. Restos du Coeur du Rhône
37. Secours Catholique Nice
38. Secours Populaire - antenne de Nantes
39. Secours Populaire de Paris
40. Secours Populaire français fédération de Gironde
41. Secours populaire français - Fédération de Maine et Loire
42. Service des Maladies Infectieuses et Tropicales - Hôpital AVICENNE
43. SOS Mamans-Bébés
44. Tarmac

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Merci pour votre attention.

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