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Sommaire
Avant-propos 3
Contexte 6
Objectifs 13
Défis 19
Résultats 27
Annexe 29
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Avant-propos
Cette étude de cas vise à mettre en avant des synergies - insoupçonnées - entre différents
acteurs privés et la société civile. L’expérience que nous avons tentée à grande échelle, et que
nous relatons ci-après, démontre que la mise à disposition de compétences métier rares et
précieuses au service du bien commun permet de réellement changer les règles... et, dans
notre cas précis, de lutter efficacement contre la précarité menstruelle.
Avant d’aller plus loin, il est bon de faire quelques rappels. La précarité menstruelle désigne
l’incapacité de se procurer des protections périodiques, ou de s’en procurer en quantité
suffisante, afin de vivre ses règles dignement et sans risque. En France, en 2020, nous
estimons que près de 2 000 000 de femmes souffrent de la précarité menstruelle et
manquent cruellement de produits d’hygiène intime, ce qui peut provoquer de graves
troubles physiques (infections, maladies allant jusqu’au syndrome du choc toxique qui peut
entraîner la mort) et psychologiques (gêne, sentiment de honte, perte de confiance en soi).
Ces conséquences très concrètes sont autant d’obstacles supplémentaires sur la voie de la
réinsertion et de l’égalité des genres.
C’est pour faire face à ce problème de santé publique que Tara Heuzé-Sarmini, alors
étudiante, lance en novembre 2015 Règles Élémentaires qui devient référence en la matière.
La mission de l’Association est double : lutter contre la précarité menstruelle et briser le
tabou des règles. Depuis sa création il y a tout juste 5 ans, l'Association comptabilise :
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Au cœur de Règles Élémentaires, se trouve une plateforme digitale qui permet la mobilisation
citoyenne, partout et tout le temps, et convertit l'activisme en ligne à la vie réelle en
seulement quelques clics.
Par le choix de son cheval de bataille - la précarité menstruelle, à l’heure où la majorité n’a
jamais entendu ces deux termes juxtaposés -, son modèle de fonctionnement - autour d’une
plateforme qui permet de démultiplier l’impact -, sa structuration très légère - dite
“asset-light” -, et son positionnement - dans l’activisme et non le militantisme -, Règles
Élémentaires affiche son caractère résolument disruptif et s’impose dès le début comme un
OVNI dans le paysage associatif français.
Tara Heuzé-Sarmini
fondatrice et directrice générale
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Contexte
En janvier 2020, Règles Élémentaires a l’opportunité de recevoir un don de 2
millions de serviettes hygiéniques de la part d’un industriel leader du secteur.
Ce don, bien que très généreux, a tout d’un cadeau empoisonné. Pour notre jeune
association pionnière de la lutte contre la précarité menstruelle, il s’agit d’une véritable
reconnaissance de notre impact et d’une opportunité de répondre un peu plus à des
besoins toujours plus importants. En effet, plusieurs facteurs expliquent l’accroissement
des besoins, notamment : la visibilité grandissante de notre association, la prise de
conscience du caractère de première nécessité des protections hygiéniques, et enfin -
malheureusement - l’augmentation de la précarité en France.
Dans la mesure où le don du fabricant est un “don nu” (sans aucune aide financière ou
logistique associée) et où la livraison (plusieurs centaines de palettes) doit se faire en une
seule fois avant le mois de juin, il est très compliqué, de manière réaliste, - voire quasiment
impossible - pour Règles Élémentaires d’accepter le don dans ces conditions.
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“Soyez réalistes : demandez l’impossible”
Le défi est donc de changer ces conditions et d’en faire advenir des propices à la réalisation
de ce don qui marquera définitivement le passage à l’échelle de l’Association.
Tara Heuzé-Sarmini, alors présidente, fait une recherche sur LinkedIn avec les mots-clés
suivants : “supply chain management”. Elle contacte “à froid” les premiers profils résultant
de cette recherche avec le message ci-dessous :
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Plusieurs personnes répondent à l’appel : des responsables logistiques qui travaillent aussi
bien dans des start-ups D2C que dans des grandes multinationales… Parmi elles, Stéphanie
Rott, la directrice logistique et production du groupe LVMH.
Une rencontre est organisée quelques jours plus tard et, au bout d’une heure d’entretien,
sur la base des synergies observées entre les 2 organisations, Mme Rott propose une mise
en relation avec son homologue chez Sephora. Nous sommes fin janvier.
Rendez-vous est pris pour rencontrer les équipes “supply chain” de la Maison et de Deret,
partenaire logistique historique de Sephora, à Saran - au cœur de la “Cosmetic Valley”.
Fin février, un accord est trouvé entre Sephora, Deret et Règles Élémentaires pour
épauler l’Association dans la gestion logistique de dons industriels, posant ainsi la
première pierre d’un partenariat absolument unique.
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Interview Tara Heuzé-Sarmini
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Tara Heuzé-Sarmini, j’ai 26 ans, je suis la fondatrice et directrice générale
de Règles Élémentaires.
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5. Pourquoi ce partenariat est-il important pour vous ?
Ce partenariat est essentiel car il nous permet d’accueillir des dons en quantités
industrielles. Plus de dons signifient plus de réponses aux besoins, une meilleure
réactivité et, à moyen terme, cela signifie aussi un passage à l’échelle plus serein. En
effet, Règles Élémentaires grandit très vite, mais dans l’associatif on peut très vite se
retrouver dans une fuite en avant, et c’est très important de pouvoir compter sur des
partenaires solides dans la durée.
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Interview Jacques Pellissier
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Jacques Pellissier, je suis en charge de la supply chain pour Sephora Europe
et Middle East : je m’occupe donc de l’approvisionnement des magasins et de faire en
sorte que les produits soient bien distribués dans les Sephora de la région Europe et
Moyen-Orient.
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5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
À titre personnel, je l’ai beaucoup fait, et je le fais encore souvent. Dans la sphère
professionnelle chez Sephora, nous menons beaucoup d’actions : je ne pourrais pas
tout citer, et ce serait dommage d’en oublier, mais il existe la volonté d’agir sur la
protection de l’environnement et de contribuer à l’amélioration du bien-être de la
société. Nous sommes une entreprise qui vend des produits cosmétiques, dont l’un des
objectifs est de donner ou redonner confiance à beaucoup de personnes : nous
sommes donc sensibles à la notion de bien-être.
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8. Quelle suite espérez-vous pour ce partenariat ?
Je voudrais que ce partenariat s’inscrive dans notre réalité et notre pensée quotidienne,
qu’on le normalise en quelque sorte. J’espère que cet accord pourra résonner et
encourager d’autres initiatives.
J’aimerais également que l’on crée une antenne de Règles Élémentaires à Orléans. En ce
moment, nous sommes très occupés par l’actualité et la fin d’année, mais dès l’année
prochaine, j’aimerais que la prochaine étape soit la création de cette nouvelle antenne.
Nous avons installé une boîte à dons dans le hall du bâtiment Sephora, mais je pense
qu’il faut aller beaucoup plus loin.
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Objectifs
Les objectifs de ce partenariat à court, moyen et long terme sont multiples.
Dans un premier temps, il s’agissait de créer les solutions pour ne pas laisser passer
l’opportunité du plus gros don jamais proposé à Règles Élémentaires. La livraison entrante
étant assurée par le donateur, cela impliquait de mettre en place un partenariat nous
permettant de gérer la réception, le reconditionnement (et l’aspect “dépalettisation”) et
enfin les nombreuses livraisons sortantes.
En effet, depuis le début, Règles Élémentaires a fait le choix éthique et moral de ne pas
assurer directement la redistribution auprès des femmes dans le besoin, mais de passer
par des partenaires redistributeurs spécialisés, à l’instar du Samusocial, de la Croix Rouge,
du Secours Populaire et de nombreux autres acteurs (épiceries solidaires, centres
d’hébergement, accueils de jour, etc.) répartis sur tout le territoire. Ce choix s’explique par
deux raisons principales :
Ces partenaires redistributeurs, plus de 200 à date, sont répartis sur l’ensemble du
territoire, en lien avec notre volonté d’avoir l’approche la plus locale possible. Dans cette
optique, il était encore plus intéressant pour nous de collaborer avec Sephora - enseigne
nationale présente avec des centaines de magasins dans tout le pays - et Deret, qui
dispose d’un maillage territorial fin avec une plateforme logistique centrale à Saran et 20
plateformes régionales d’où partent les marchandises vers l’ensemble des magasins. Cette
organisation laissait présager la régularité et la multiplicité des trajets, et même, si besoin,
la possibilité de les coupler à des livraisons vers des partenaires redistributeurs de Règles
Élémentaires dans l’incapacité de se déplacer vers la plateforme régionale la plus proche.
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principalement composée de bénévoles, comme la nôtre. Et pourtant nous opérons sur un
segment où les besoins se répètent inlassablement... tous les mois. Optimiser notre
logistique - et a fortiori la gestion des stocks - nous permet plus de réactivité face aux
sollicitations toujours plus importantes de nos partenaires redistributeurs eux aussi
toujours plus nombreux.
Enfin, en affichant une volonté de nous accompagner sur la durée, Sephora et Deret nous
permettent un passage à l’échelle plus serein.
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Interview Tarana Duhaut-Brown
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Tarana Duhaut-Brown, j’ai 32 ans, je suis responsable des partenariats de
redistribution pour Règles Élémentaires.
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tous ravis de leur expérience avec Deret. Une grande attention a été donnée à la qualité
du partenariat.
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Interview Nathalie Renaudeau
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Nathalie Renaudeau, je suis directrice opérationnelle de Deret Transporteurs. Je
travaille chez Deret depuis 35 ans, et je suis à la direction depuis 2013. Je m’occupe de
notre client Sephora depuis qu’ils sont rentrés chez Deret il y a 25 ans de cela ! Nous
avons grandi avec eux au fur et à mesure qu’ils ouvraient des boutiques en France : au
début il y avait 50 magasins, aujourd'hui il y en a 330.
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5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
Non, ce n’est pas la première fois que je travaille avec et pour des associations. Chez
Deret, nous collaborons souvent avec des associations, nous souhaitons être
disponibles pour aider les uns et les autres comme nous le pouvons : nous avons par
exemple récemment aidé à récupérer des masques. Ce genre d’actions fait partie des
valeurs de Deret.
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Défis
De par son caractère radicalement nouveau, ce partenariat, couplé à la crise
sanitaire, a présenté un certain nombre de défis structurels et conjoncturels, plus
ou moins prévisibles.
L’accueil de ces dons, dans des entrepôts ne recevant pas ce type de produits
habituellement, a représenté un challenge en lui-même. En effet, en amont, la
communication avec le fabricant était très compliquée, et il a été très difficile d’obtenir des
informations claires sur le colisage. À l’arrivée, plusieurs palettes étaient incomplètes, ce
qui complexifiait les efforts de reconditionnement et de répartition.
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pas une communication fluide : de nombreux allers-retours ont été nécessaires pour
comprendre les besoins de tous nos partenaires et y répondre au mieux.
Par ailleurs, la faible - ou mauvaise - maîtrise des outils digitaux habituellement utilisés par
Règles Élémentaires du côté de nos partenaires a mené à la création de nouveaux process,
requérant une formation et un suivi souvent chronophages (explications par mails,
doublées d’appels, etc.).
Enfin, des défis propres au caractère pro bono de notre partenariat étaient à prévoir. En
effet, n’étant pas un “client” comme les autres, dans la mesure où l’Association n’est pas
facturée pour les services qui lui sont rendus, il est normal - et parfois nécessaire - que nos
demandes - et commandes - soient dépriorisées et que nous nous adaptions aux
contraintes de calendrier de Deret. Avec le reconfinement, ces contraintes sont devenues
encore plus importantes dans la mesure où l’ensemble des chaînes logistiques du pays ont
été impactées suite à la fermeture des commerces dits “non-essentiels”. Ce changement
brutal dans l’organisation de l’activité a ralenti certaines opérations liées à notre
partenariat, et notamment des livraisons.
***
Afin de faire face à ces défis de différente nature, plusieurs solutions ont été trouvées :
Toutefois, les plus grandes ressources pour assurer le bon déroulement des opérations
ont été les équipes de Deret et de Sephora, qui ont toujours su faire preuve d’une extrême
bienveillance et compréhension, eu égard aux problématiques que nous pouvions
rencontrer. Nos échanges et partages nous ont également permis de monter en
compétences sur nos sujets respectifs.
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Interview Kathryne Roger
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Kathryne Roger, j’ai 39 ans. Je travaille chez Sephora depuis quatre ans, et je fais
partie de l’équipe master data : nous gérons la base de données “articles et
fournisseurs” pour toute l’Europe, l’Asie du Sud-Est, le Mexique et le Brésil.
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qui pour la Banque Alimentaire achètent des couches pour bébé et des savons, j’aurais
donc très bien pu être sensible à la précarité menstruelle, et pour autant je n’y avais
jamais pensé. Je n’ai jamais fait face à ça, mais comme Tara nous l’avait dit lors de notre
rencontre, c’est une réalité qui pourrait nous toucher elle comme moi ! Parce qu’un jour,
un dimanche, nos règles peuvent arriver sans qu’on ait le nécessaire chez nous, tous les
magasins sont fermés, et il n’y a pas de distributeurs de produits d’hygiène intime. La
précarité menstruelle peut, d’une manière ou d’une autre, toucher absolument toutes
les femmes.
Au niveau professionnel, j’ai beaucoup appris sur les actions nécessaires pour une
distribution efficace et dans des endroits un peu inattendus puisque ces livraisons ne
sont pas toutes dans le planning habituel de Deret. Le fonctionnement du prestataire
m’est plus clair désormais, puisque je ne travaille finalement que très peu avec eux au
quotidien.
5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
J’ai été très longtemps bénévole à la Croix Rouge, et j’ai fait partie de plusieurs
associations. En revanche, en ce qui concerne ma vie professionnelle et ma vie chez
Sephora, c’est le premier engagement de cette taille que je connais. Nous faisons
régulièrement des dons à des associations, mais ce sont des dons financiers ponctuels
motivés par notre souhait de soutenir le tissu associatif local. Je n’avais jamais participé
à de grands partenariats comme celui-ci.
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7. Avez-vous observé un changement des mentalités depuis la mise en place
du partenariat ?
On ne leur a pas vraiment laissé le choix. En interne, au sein des équipes, nous avons
beaucoup parlé de ce partenariat, des règles et de la précarité menstruelle, nous
montrions les photos prises à l’entrepôt. Nous avons même mis une boîte à dons ! Le
sujet est donc devenu inévitable (rires). C'est la petite pierre qui fait que quelques
femmes quelque part pourront bénéficier de ces dons. L’engagement n’est pas
incroyable chez tout le monde, nous avons tous·tes nos sensibilités personnelles, mais
tout le monde connaît désormais le concept et le principe de Règles Élémentaires. Lors
de la réunion de présentation, Tara a exprimé son envie d’ouvrir une antenne à Orléans,
et déjà deux, trois personnes m'ont dit qu’elles aimeraient donner de leur temps ! On
sent qu’il y a des gens qui ont envie de s’intéresser et de s'investir.
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Interview Alexandre Passilly
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Alexandre Passilly, je suis directeur général de Deret Logistique, et j’ai rejoint
l’entreprise en 2003.
5. Est-ce la première fois que vous mettez vos compétences métier au service
d’une association ?
C’est la première fois que je mets mes compétences métier au service d’une association
du type de Règles Élémentaires. Deret, étant une entreprise fortement implantée sur le
territoire orléanais et étant un employeur important, a de fait un certain rayonnement :
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nous avons l’habitude de soutenir des associations plutôt locales, qui n’ont pas
forcément la mission et le rayonnement qu’a Règles Élémentaires.
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10. Quelque chose à ajouter ?
Nous tirons une réelle satisfaction d’avoir pu traiter cette première opération avec
Règles Élémentaires, et les choses sont allées très vite. C’est une relation simple qui a
prouvé son efficacité, et aujourd’hui la satisfaction est là.
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Résultats
Suite à la crise du COVID19 et au premier confinement, Règles Élémentaires a
organisé la redistribution de près de 1 500 000 de produits via des livraisons en
direct, afin de répondre à l’urgence sanitaire et sociale tout en limitant les points
de contact. Dès lors, 560 000 produits “seulement” ont été fléchés vers les
entrepôts Deret à l’été 2020.
Entre juin et octobre 2020, ces produits ont pu être acheminés dans 15 entrepôts situés
dans 14 départements, bénéficiant à 44 associations et structures médico-sociales venant
en aide concrètement à plus de 12 500 femmes.
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Ensemble, on peut changer les règles.
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Annexe
Annexe 1- Liste des structures bénéficiaires (par ordre alphabétique)
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32. Plateforme d'entraide du Mc Donald's Sainte Marthe et membre du syndicat des
quartiers populaires de Marseille (SQPM renommé “le Sel de la Terre”)
33. Restos du Coeur de Charente Maritime
34. Restos du Coeur de Gironde
35. Restos du Cœur de l'AD45 - Centre de Saran
36. Restos du Coeur du Rhône
37. Secours Catholique Nice
38. Secours Populaire - antenne de Nantes
39. Secours Populaire de Paris
40. Secours Populaire français fédération de Gironde
41. Secours populaire français - Fédération de Maine et Loire
42. Service des Maladies Infectieuses et Tropicales - Hôpital AVICENNE
43. SOS Mamans-Bébés
44. Tarmac
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Merci pour votre attention.
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