05/02/2021 Création d’entreprises et investissement en Côte d’Ivoire | Cairn.

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Création d’entreprises et investissement en Côte d’Ivoire

Amy Fanny-Tognisso, Teddy Roux
Dans Afrique contemporaine 2017/3-4 (N° 263-264), pages 230 à 232

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L e rôle des entreprises, et notamment des petites et moyennes entreprises

(PME) [1], dans la création d’emplois, de valeur ajoutée et dans la redistribution
de la richesse n’est plus à démontrer [2]. Dans les pays de l’OCDE, les PME
1

représentent près de 99 % du nombre total d’entreprises et contribuent à près de

70 % des emplois et à 50-60 % de la valeur ajoutée [3]. En Côte d’Ivoire, les PME ne
contribuent quant à elles qu’à 20 % du PIB [4]. Ce « Repère » analyse la création
d’entreprises et les di ficultés de financement de l’investissement en Côte d’Ivoire,
avec un focus particulier sur les PME.

En Côte d’Ivoire, la volonté de densifier un tissu de PME formelles et compétitives 2

figure au premier rang des priorités des autorités et des partenaires de
développement ; mais de nombreux défis persistent. Le pays a accompli
d’importants progrès au cours des cinq dernières années, notamment dans
l’amélioration du climat des a faires et, en particulier, de l’indicateur « Création
d’entreprises » du rapport « Doing Business 2017 » de la Banque mondiale.

De la création d’entreprises… Selon ce rapport, la Côte d’Ivoire se classe au 3

cinquantième rang sur 190 économies dans le monde au regard de l’indicateur
« Création d’entreprises » [5]. L’ouverture du Guichet unique des formalités
d’entreprises, chargé de faciliter les formalités administratives relatives à la
création, à l’exploitation, à la transmission ou à l’extension des entreprises, la
simplification des procédures et la réduction des coûts et des délais, liés à la création
[6]
d’entreprises,
Suivrea joué un rôle important dans la facilitation du processus .
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Sur la période allant de janvier à décembre 2016, le Centre de promotion et des 4

investissements de Côte d’Ivoire (CEPICI) rapportait ainsi la création de
12 166 entreprises [7]. Par ailleurs, le pays enregistre un développement rapide de
l’écosystème entrepreneurial avec une croissance au cours des trois dernières années
des structures d’incubation, d’accélération et d’accompagnement des PME [8].
Toutefois, la grande majorité des PME demeure encore informelle ou semi-
formelle [9] et de nombreuses di ficultés entravent toujours la création d’entreprises
formelles.

La première di ficulté est l’absence de données et une concentration des 5

programmes et des facilités de création d’entreprises autour d’Abidjan. Compte
tenu, entre autres, de l’importance du secteur informel, il n’existe pas de
recensement complet et à jour du nombre de PME à travers le pays. En outre très
peu de données existent sur le taux de survie des entreprises créées. Enfin, en dépit
des e forts de régionalisation et de décentralisation, il persiste un « syndrome de la
République d’Abidjan » avec une très forte concentration des programmes et des
facilités de création d’entreprises autour de la capitale économique.

La deuxième di ficulté correspond à une sensibilisation insu fisante et peu e ficace 6

autour des mesures de soutien aux PME et d’incitation à l’immatriculation fiscale
des entreprises. Le gouvernement ivoirien a mis en place une série de mesures
concrètes visant à inciter à la création d’entreprises et à la formalisation, dont une
prise en 2016 pour permettre aux entreprises jusque-là non déclarées de régulariser
leur situation en faisant une déclaration fiscale, valant annulation de toutes leurs
dettes fiscales antérieures [10].

Cependant, souvent mal informés et compte tenu d’un cadre fiscal et réglementaire 7
parfois complexe, les acteurs du secteur privé, et en particulier les PME informelles,
demeurent plutôt méfiants vis-à-vis de l’administration fiscale. Dans la continuité
des mesures existantes et à l’instar d’autres pays, la Côte d’Ivoire pourrait renforcer
son action publique autour de la sensibilisation au sujet des mesures existantes et
considérer la création d’un statut des PME incluant des exonérations fiscales au
cours des deux-trois premières années d’activités.

La troisième et dernière di ficulté réside dans le manque d’informations concernant 8

les structures d’accompagnement. Les PME ont principalement besoin
d’information et d’accompagnement, afin de faciliter leur création et leur
développement. Cependant, selon une enquête [11] nationale réalisée par le cabinet de
conseil et d’investissement Entrepreneurial Solutions Partners (ESP) auprès de plus
de 4 000 entreprises dans dix villes du pays en 2016, 75 % des entreprises interrogées
a firment ne pas connaître d’institutions fournissant du renforcement de capacités.

… aux di ficultés du financement de l’investissement. Passés les obstacles de la 9

création, l’entrepreneur se trouve fréquemment confronté au problème de l’accès au
financement
Suivrede l’investissement. En e fet, en dépit de la présence d’un secteur
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bancaire et financier diversifié – institutions de microfinance, banques, assurances,

fonds d’investissement et institutions de développement financier, dont la Banque
africaine de développement (BAD), basée à Abidjan –, peu de PME ivoiriennes
bénéficient d’un financement extérieur.

L’enquête citée révèle que seule la moitié des entreprises ayant soumis une demande 10
de financement auprès d’une institution financière (banque ou établissement de
microfinance) a reçu une réponse favorable. Elle met en relief un autre fait
surprenant : seul un tiers des entreprises exprimant un besoin de financement a
e fectivement fait une demande de financement. Ces données démontrent à quel
point les relations entre les entreprises et les organismes financiers sont faibles, car
en dépit d’énormes besoins de financement (3 574 milliards de francs CFA pour les
PME formelles, soit 21 % du PIB), peu d’entreprises déposent des demandes.

Les raisons de ce décalage sont multiples : une méfiance réciproque entre 11

entreprises et banques du fait de la crainte des entreprises de ne pouvoir remplir les
exigences des établissements financiers en terme de garanties ; le coût du crédit jugé
trop élevé par les entreprises ; le manque de transparence sur la santé financière des
entreprises selon les prêteurs ; ou la mauvaise qualité des dossiers de crédit ; mais
également une méconnaissance des di férents produits financiers disponibles. Le
crédit-bail, les fonds d’investissement et les business angels sont autant d’alternatives
au crédit bancaire classique encore mal connus des entreprises.

Ainsi, les PME, plus fragiles et moins informées que les grandes entreprises, 12
constituent le maillon manquant de la chaîne de valeur du financement.

Financement, investissement et produits financiers en Côte d’Ivoire

Quelles solutions permettraient de bénéficier d’un meilleur accès au

financement ?

Moyenne sur une échelle de 1 à 7 où 1=pas du tout approprié et 7=très approprié

Quels sont vos principaux besoins en matière de renforcement de
capacités ?

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Moyenne sur une échelle de 1 à 7 où 1=pas du tout important et 7=extrêmement important

— Source : Enquête et analyse ESPartners - CFSP 2016, n°4212. EdiCarto, 06/2018.
L’espoir est permis. Malgré ce constat, les perspectives s’avèrent encourageantes
pour les entreprises, et notamment pour les PME. Ces dernières années, une
attention particulière a été portée aux PME dans le cadre des programmes publics de
développement. En Côte d’Ivoire, le Plan national de développement (PND) 2016-
2020 [12] identifie clairement les investissements privés, comme un relais de
croissance fondamental pour l’atteinte de ses objectifs.

Plus particulièrement, le gouvernement ivoirien a multiplié les initiatives ciblant les 14

PME : réformes pour améliorer l’environnement des a faires, création d’un fonds de
86 milliards de francs CFA dans le cadre du plan Phoenix dédié aux PME, création de
l’Agence de promotion des PME, etc. Bien que nous ne disposions pas encore
su fisamment de recul pour juger de l’e ficacité de ces initiatives, elles confirment
que le rôle capital des PME, comme outil de création de richesse, fait consensus tant
leur impact sur le développement est significatif au-delà du nombre d’emplois créés,
des richesses produites et des retours sur investissement.

En outre, l’engouement pour des initiatives comme la « Finance S’Engage ! » – lancée 15

en 2016 par le cabinet ESP avec le soutien de la Confédération générale des
entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) et la BAD [13], initiative qui associe le secteur
financier et les PME dans la recherche de solutions – atteste du regain d’intérêt du
secteur financier pour ce segment de marché en pleine croissance et jusqu’à présent
sous-évalué.

Enfin, les PME disposent de leviers sous-utilisés comme le crédit-bail (mode de 16

financement des investissements permettant à une entreprise d’acquérir un bien à
l’issue d’un contrat de location assortie d’une promesse de vente), la fintech
(combinaison de la finance et de la technologie pour faciliter l’accès aux services
financiers), les réseaux de business angels (personnes physiques qui investissent à
titre individuel au capital d‘une entreprise innovante) et les fonds d’investissement,
qui ont le potentiel de transformer structurellement l’o fre de financement et
d’élargir le spectre des options adaptées aux demandes et aux caractéristiques des
PME. Les fonds d’investissement, par exemple, dont le mode de fonctionnement les
incite à prendre plus de risques que les acteurs traditionnels, constituent un mode
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de financement alternatif primordial dans l’émergence des PME.  Ajouter
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Cependant, cette méthode de financement a été jusqu’à présent réservée au haut de 17

la fourchette des PME en ciblant des investissements au minimum de trois à cinq
millions de dollars par société. Sur ce point, l’apparition de nouveaux fonds visant
des sociétés plus petites est un fait très encourageant.

Les trois préalables nécessaires au changement. Si tous les éléments de réponse au 18

problème du financement des entreprises sont présents, l’élément déclencheur d’un
réel changement n’est pas encore arrivé. Il apparaît nécessaire de s’attacher à
résoudre trois préalables. Tout d’abord, il conviendrait d’améliorer la qualité des
entreprises en général et des PME en particulier à travers des programmes de
renforcement de capacité adaptés et accessibles (figure 2).

Ensuite, les institutions de financement, en particulier les banques, souhaitant 19

accroître leurs engagements en faveur des PME, devraient également mieux former
leurs équipes à l’évaluation du risque PME, en prenant en compte les spécificités des
di férents secteurs, et leurs clients.

Enfin, les fonds d’investissement devraient jouer leur rôle en ne se limitant pas aux 20
investissements dans de grandes entreprises établies, mais en intégrant également
dans leurs cibles des PME, certes plus risquées mais avec un potentiel de croissance
plus important. Cet engagement des fonds d’investissement sera d’autant plus
salutaire qu’il induira des e fets positifs, tel le renforcement des fonds propres des
PME et de leur capacité d’endettement, l’application de normes de gestion
rigoureuses, l’amélioration de leur gouvernance et l’émergence d’une classe de
« champions » capables de transformer durablement l’économie. Ces trois préalables
seraient nécessaires pour transformer le boom de la création des PME en un réel
facteur de développement et de stabilité pour la Côte d’Ivoire.

Notes

[1] Une PME est une entreprise ayant un chi fre d’a faires annuel inférieur à un
milliard francs CFA selon la définition de l’Institut national de la statistique (INS)
de Côte d’Ivoire.

[2] Ayyagari, M., Demirguc Kunt, A., Maksimovic, V. (2011), “Small vs. Young Firms
across the World. Contribution to Employment, Job Creation and Growth”, Policy
Research Working Paper Series 5631, The World Bank.

[3] “Enhancing the Contributions of SMEs in a Global and Digitalised Economy”,

Meeting of the OECD Council at Ministerial Level, juin 2017.

[4] Plan national de développement 2016-2020.

[5] Voir le site : http://francais.doingbusiness.org/data/exploretopics/starting-a-

business.

[6] Voir le site : http://www.cepici.gouv.ci/?tmp=image-top&p=reformes.

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[7] le site : http://news.abidjan.net/h/608180.html.  Ajouter
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[8] Évaluation de l‘écosystème entrepreneurial en Côte d’Ivoire, Dutch Good Growth

Fund (DGGF), novembre 2017.

[9] Benjamin, N., Mbaye, A.A. (2012), “The Informal Sector in Francophone Africa.
Firm Size, Productivity and Institutions”, Washington DC, The World Bank. La
littérature existante sur l’informalité pointe le fait que cette notion n’est pas un
concept binaire. Dans le contexte ivoirien nous considérons comme informelle les
entreprises ne disposant d’aucun document relatif à son activité ; comme
formelles les entreprises disposant d’un registre de commerce et d’une déclaration
d’existence fiscales (DFE) ; et comme semi-formelles les entreprises disposant d’au
moins un document en lien avec leur activité économique.

[10] Annexe fiscale à la loi n° 2015-840 du 18 décembre 2015 portant budget de l’État
pour l’année 2016, Direction générale des impôts. Voir :
http://www.dgi.gouv.ci/site/ressources/pdf/annexe_fiscale_2016.pdf.

[11] Enquête « Données pour la croissance ».

[12] Plan national de développement 2016-2020,

http://www.gcpnd.gouv.ci/fichier/doc/pnd2016-2020.pdf.

[13] La première édition de la FSE a enregistré la participation de treize banques, cinq

institutions de microfinance et un fond d’investissement. Au total, les participants
se sont engagés à financer les PME à hauteur de 1 276 milliards de francs CFA en
2017.

Auteurs
Amy Fanny-Tognisso

Directrice de l’investisse et Directeur Afrique de l’Ouest, Entrepreneurial Solutions Partners (ESP),

Abidjan.

Teddy Roux

Mis en ligne sur Cairn.info le 18/09/2018

https://doi.org/10.3917/afco.263.0230

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