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LE MANAGEMENT

DU NON-MARCHAND
Economie contemporaine

Economie contemporaine réunit des réflexions con-


tribuant à éclairer les problèmes économiques majeurs.
Dans l'antichambre du 21e siècle, les mutations de la
demande sociale, les innovations technologiques et les
transformations des ressources disponibles relativisent
les connaissances acquises en même temps qu'elles
posent de nouveaux défis aux acteurs sociaux, aux
structures productives, aux économies territoires. Les
ouvrages français ou étrangers de la collection écono-
mie contemporaine s'inscrivent dans cette perspective.

O u v r a g e s déjà p u b l i é s

AMENDOLA M. et GAFFARD J.L., La dynamique


économique de l'innovation.
BURGENMEIER B., Plaidoyer pour une économie
sociale.
CROS R., La double imposition des dividendes.
GREFFE X., Décentraliser pour l'emploi, des muta-
tions locales de développement.
PAUL J.-J., La relation formation-emploi, un défi pour
l'économie.
PETIT P., La croissance tertiaire.
Collection Economie C o n t e m p o r a i n e
dirigée p a r Xavier Greffe

LE MANAGEMENT
DU NON-MARCHAND

B a u d o u i n MEUNIER

Avec la collaboration de
Isabelle van der Brempt

Préface de Philippe MAYSTADT


Ministre des Finances de Belgique

ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
@ Ed. ECONOMICA, 1992

Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d exécution


réservés pour tous les pays.
Préface

Pourquoi écrire un livre sur le «management» du secteur non-


marchand ?
Tout d'abord, y a-t-il matière ? Peut-on parler de management dans le
cas d'administrations et de services publics, ou encore des «métiers du cœur» :
services sociaux, de santé, d'enseignement, d'encadrement des familles ? N'est-
ce pas dénaturer ces prestations qui devraient être guidées simplement par
quelques règles et beaucoup d'intuition ?
Je ne le crois pas. Ces règlements ne sont pas le fruit du hasard, mais de
décisions, c'est-à-dire d'actes de gestion. L'évolution des techniques, des com-
portements et des attentes des usagers les rendent rapidement obsolètes. Les
organisations humaines corrigent rarement leur mode de fonctionnement sans
une démarche volontariste.
Quant à l'intuition, elle n'est pas infaillible. Quand il y va de prestations
aussi essentielles que la sécurité et la justice, les transports et les communica-
tions, la santé et la formation, il s'impose d'évaluer son action de la manière la
plus systématique possible.
Si l'on répond positivement à la première question et si l'on admet que le
secteur non-marchand doit «professionnaliser» son approche de la gestion, vient
la seconde question : pourquoi faut-il que ce soit selon des méthodes spéci-
fiques ?
Le livre de B. Meunier y répond de manière convaincante : parce que
leurs prestations sont différentes de la production de biens ou services
marchands et que les démarches et techniques qui ont fait leurs preuves dans la
gestion de cette production ne sont pas transposables directement dans leur
domaine d'activités.
Bien sûr, les fonctions de base sont identiques : gestion financière, tech-
nique, du personnel, des achats, des ventes,... Mais le produit lui-même est très
particulier et pas seulement parce qu'il s'agit d'un service plutôt que d'un bien.
La finalité dans laquelle il s'inscrit dépasse largement la préoccupation de
surplus ou même simplement d'équilibre financier.
La révolution managériale que ce livre appelle de ses vœux m'apparaît
désirable non seulement pour le secteur non-marchand lui-même, dont le
personnel a tout à gagner d'une «professionnalisation», mais aussi pour la
société dans son ensemble.
Considérons un problème majeur de notre temps : la pauvreté, qui n'est
pas encore vaincue. Même en relevant le niveau de ses aides financières, l'Etat-
Providence ne parvient pas à sortir les pauvres de la misère et ne peut même
plus enrayer la croissance de leur nombre. Un quart-monde se développe, en
marge de notre système de protection sociale, pourtant très développé — et,
aussi, très coûteux.
Or, ma conviction est que si l'on veut lutter plus efficacement contre la
pauvreté, il convient de développer une approche beaucoup plus intégrée des
impacts de la politique sociale sur les différents groupes sociaux, une approche
qui mette en évidence les inéquités, les fraudes, les gaspillages, les avantages
inutiles, les rentes injustifiées, les protections insuffisantes et qui permettrait
ainsi d'intensifier l'effort à l'égard des groupes qui cumulent les handicaps. Une
telle approche nécessite un effort considérable d'amélioration des techniques de
management.
Plus largement, il ne s'agit plus de fournir des services identiques à tous
les individus et à toutes les familles : il faut pouvoir rencontrer des demandes
multiples et diversifiées. C'est toute une tradition à changer, de nouvelles solu-
tions à imaginer.
Un secteur non-marchand particulier qui a besoin d'une révolution
managériale est celui de l'enseignement. Nos systèmes éducatifs sont en effet à
la traîne par rapport aux attentes des jeunes, à l'évolution des connaissances et
aux besoins des entreprises.
Le mal provient notamment de ce que, très tôt, l'enfant expérimente
l'échec. Il convient de revoir les méthodes d'enseignement pour s'orienter vers ce
que l'on appelle «la pédagogie de la réussite».
Or, Michel. Rocard rappelait que «traiter tout le mçnde de la même
manière revient à ne bien traiter qu'une minorité et à n'orienter les autres que
par l'échec». C'est à l'école de, s'adapter à la diversité des enfants et non
l'inverse. III faut accepter l'hétérogénéité des situations de départ, coller au
terrain, faire éclater le modèle unique pour ajuster l'enseignement à la diversité
des élèves. Si l'objectif doit rester de délivrer des diplômes de niveau équivalent
— et le meilleur possible —, pourquoi exiger que les méthodes utilisées pour. y
parvenir, le temps nécessaire pour l'obtenir soient rigoureusement les mêmes
pour tous les enfants, pour toutes les classes ? Comment peut-on soutenir qu'une
même pédagogie, un même programme, un même rythme conviennent aux élèves
doués et à ceux qui rencontrent des difficultés peut-être temporaires, aux enfants
bien intégrés et aux exclus ?
Il ne suffit donc pas de mieuxformer les enseignants, c'est tout le système
qu'il faut assouplir, dans l'optique d'une individualisation de l'enseignement. Il
faut laisser une autonomie pédagogique aux institutions, laquelle postule
l'autonomie financière. Il faut favoriser le développement de projets pédago-
giques au niveau le plus décentralisé possible, de manière à ce que les
ressources soient affectées librement selon les spécificités locales et les choix de
la communauté éducative.
Un autre défi que l'on ne peut ignorer est celui de la santé. De son coût,
tout d'abord, qui croît de manière rapide alors que l'on ne ressent pas encore
l'impact maximal du vieillissement de nos populations. Peut-être devons-nous
réfléchir à nos méthodes de financement des soins et chercher à nous inspirer de
l'exemple de l'empereur chinois qui ne payait son médecin que lorsqu'il se
sentait en bonne santé...
Il existe aussi un problème croissant de l'adéquation des techniques. Les
Américains se sont rendus compte récemment qu'ils consacraient près de 12%
de leur produit national aux dépenses da santé sans guère investir dans
l'évaluation de leur efficacité. Or, à un diagnostic peuvent correspondre
plusieurs traitements possibles. Sans mentionner la multitude de méthodes de
diagnostic !
Il y a enfin le problème de l'accès aux soins de santé. Problème social,
problème humain, le système de prestations ayant tendance à se disloquer et à
rendre son usage de plus en plus complexe et élitiste.
Tous ces défis sont formidables. Ils engagent sans doute plus le devenir
de nos sociétés que les évolutions futures dans la production de biens
marchands. L'Occident (et une partie de l'Orient !) est passé maître dans la mise
à disposition du plus grand nombre des biens de consommation. Que de progrès
il doit encore réaliser dans celle des services non-marchands !
Or, le potentiel humain disponible dans ce secteur est à la hauteur des
défis qui lui sont adressés. La performance y est pour une large part déterminée
par le degré d'engagement personnel de ceux qui y travaillent. Et, comme le
suggère B. Meunier dans ce livre, les organisations sans but de lucre attirent un
personnel qui accepte de renoncer à un système fondé sur la récompense finan-
cière pour travailler dans un environnement qui permette la production de
services hautement teintés d'une connotation sociale ou morale.
La terre est donc fertile. Il reste à y semer, avec foi, mais aussi avec
méthode. C'est ce que propose B. Meunier dans un ouvrage au travers duquel
transparaissent ses qualités scientifiques, mais aussi humaines.

Philippe MAYSTADT
Ministre des Finances de Belgique
Novembre 1991
Sommaire

INTRODUCTION 1
PARTIE I : LE CADRE DES DECISIONS 5
Chapitre 1. Délimitation et finalité du secteur non-marchand 7
Chapitre 2. Les objectifs des décideurs dans le secteur non-marchand. 43
Chapitre 3. Les processus de décision 69
PARTIE II : LA PREPARATION DES DECISIONS : L'EVALUATION. 89
Chapitre 4. Les concepts de base 91
Chapitre 5. L'évaluation de l'efficience : l'analyse des coûts 123
Chapitre 6. L'évaluation de l'efficacité directe : l'analyse de la demande 187
Chapitre 7. L'évaluation de l'efficacité indirecte 263
PARTIE III : LA PRISE DE DECISION ET SA MISE EN ŒUVRE 309
Chapitre 8. Les méthodes de synthèse des résultats de l'évaluation 313
Chapitre 9. L'utilisation des résultats de l'évaluation dans le management... 367
CONCLUSION. 405

Index 411
Liste des figures 417
Liste des tableaux 421
Bibliographie 423
Table des matières ............................................................................................. 439
Remerciements

Mes remerciements vont tout d'abord à Isabelle VAN DER BREMPT dont
la collaboration a été déterminante pour la réalisation de cet ouvrage : elle a
corrigé le manuscrit initial, rédigé certaines illustrations, suggéré maintes
améliorations de toute nature et n ' a laissé à personne d'autre le soin de la frappe
et de la mise en page. Le résultat final doit beaucoup à ses qualités intellectuelles
auxquelles se sont joints sa capacité de travail, son sens du détail et son achar-
nement à terminer un travail qui a dû parfois paraître sans fin.
La méthodologie présentée dans ces pages s'est développée au cours
d'applications successives, selon un processus interactif. Aussi, les chercheurs
avec lesquels j'ai eu la chance de collaborer dans le cadre de ces applications ont
contribué non seulement à la réussite de celles-ci — et, donc, aux illustrations de
cet ouvrage —, mais aussi à l'élaboration de la méthode elle-même. Leur nom
est cité à l'occasion de la présentation de leur travail et la bibliographie tente de
rendre justice à leur apport. Chacun d'entre eux sait cependant ce que je lui dois.
Qu'il trouve ici l'expression de toute ma gratitude.
Les tests de la méthode — sans lesquels celle-ci ne serait rien — auraient
été impossibles sans l'accord et, souvent, la collaboration active de responsables
du secteur non-marchand. Ce faisant, ils prenaient des risques : évaluer, c'est
produire de l'information nouvelle, susceptible de remettre en question l'action
en cours. La plupart de ces applications ont d'ailleurs donné lieu à des utilisa-
tions concrètes des résultats. Qu'ils sachent à quel point j'ai apprécié leur sens
de la mission «d'intérêt général» au nom de laquelle ils entreprenaient une telle
démarche et en acceptaient les conséquences.
De même, ce livre doit beaucoup à ceux qui ont financé les recherches
méthodologiques et pratiques qui en sont à la base. Responsables au niveau poli-
tique, administratif ou gestionnaires de services, ils ont assumé le risque
d'investir dans un domaine de l'économie et du management qui en est encore à
ses premiers balbutiements. Le plus souvent, ils y ont joint le soutien personnel
aux analyses en cours, l'intérêt pour le contenu des résultats et l'aide à leur
diffusion et utilisation. Ces remerciements s'adressent en tout premier lieu aux
Facultés universitaires de Namur qui ont accueilli ces recherches et les ont
souvent soutenues de leurs propres deniers.
A l'origine de ce livre et de la démarche scientifique qui le porte, il y a un
homme dont quelqu'un qui le connaît bien m'a dit un jour qu'il était un «maître»
au sens moyenâgeux de ce terme — comme un maître-sculpteur ou un maître de
musique : Charles JAUMOTTE, professeur aux Facultés universitaires de Namur,
doit pouvoir accepter la paternité des qualités de cet ouvrage — s'il y en a — et
m'en laisser les défauts. Qu'il agrée en tout cas l'expression de ma profonde
reconnaissance.
Enfin, ce livre n'aurait pas existé sans la patience infinie et le soutien
constant de mon épouse Nadette et de mes deux fils, Olivier et Jonathan. Philip
KOTLER a écrit un jour que sa famille constituait le premier exemple
d'organisation non-marchande. L'exemple de mes parents — à qui je rends
également hommage — et celui de mes proches m'ont convaincu que les asso-
ciations sans but de lucre peuvent s'avérer les plus performantes, au sens le plus
fort du terme : productrices de bonheur.
Avertissement

Mode d e lecture d e l'ouvrage

La démarche d'analyse développée dans cet ouvrage est abondamment illustrée


par des exemples et cas d'application présentés sous encadré. Certains d'entre eux sont
relativement longs. Le lecteur pressé pourra cependant en faire l'économie sans risquer
de perdre le fil de l'exposé
En outre, certaines recherches effectuées par l'auteur, en collaboration avec lui
ou sous sa direction font l'objet de plusieurs illustrations, chacune d'entre elles conservant
sa propre autonomie en termes exempiatifs. Une note de bas de page permettra cepen-
dant au lecteur de rassembler rapidement les divers éléments d'une même étude. Il
trouvera également en fin de volume, dans la bibliographie, les références complètes des
publications issues de ces recherches et, dans l'index, la liste des pages où chaque
secteur d'application est abordé.
Enfin, en guise de conclusion à chaque chapitre, un guide de lecture ou mode
d'emploi de celui-ci est proposé au lecteur, sous la forme de «conseils pratiques au mana-
ger». Ces rubriques sont présentées sur un fond grisé afin de les rendre aisément repé-
rables par le lecteur.
Introduction

Le secteur non-marchand est en crise. Après des années de forte crois-


sance, les politiques de compression des dépenses budgétaires, pratiquées dans la
plupart des pays industrialisés depuis le début des années 80, ont tari la source
principale de son financement.
Or, les causes structurelles de sa croissance sont toujours à l'œuvre,
notamment dans le secteur social : le développement économique a entraîné
l'éclatement progressif des structures familiales et locales traditionnelles; les
générations se sont séparées, les femmes ont été plus nombreuses à exercer une
profession, les communautés de base se sont dispersées. Ces transformations ont
créé le besoin, surtout pour les personnes les moins autonomes, de services
nouveaux d'encadrement et de santé, prestations qui étaient autrefois fournies
par la famille ou par la communauté locale. Le vieillissement de la population
tend à renforcer encore l'importance de ce besoin.
Ensuite, le rapide accroissement de la productivité de la main-d'œuvre
n'a pu être réalisé que grâce à l'amélioration du capital humain, essentiellement
par l'extension des services de santé et d'enseignement. En outre, ce dévelop-
pement de la productivité a permis l'augmentation du temps libre et a ainsi
encouragé le développement d'infrastructures sportives et culturelles. Enfin, la
satisfaction progressive des besoins primaires d'alimentation, de logement et
d'équipement a sans doute stimulé l'émergence de nouvelles demandes, relatives
à l'épanouissement du corps et de l'esprit.
Pour résoudre cette contradiction entre évolutions des moyens et des
besoins, plusieurs tendances se manifestent. La première propose de chercher
des moyens supplémentaires auprès des bénéficiaires directs, c'est-à-dire les
consommateurs des services. C'est le cas notamment des soins de santé et de
l'enseignement supérieur où «tickets modérateurs» et «minervals» augmentent.
Une autre tendance consiste à s'adresser aux personnes physiques et morales
privées, en développant le «sponsorship», éventuellement encouragé par des
incitants fiscaux. Enfin, on tente également d'améliorer la gestion du secteur lui-
même et des institutions qui le composent, en recourant à des méthodes qui
s'inspirent de celles en vigueur dans le secteur marchand.
Ces trois démarches procèdent d'options politiques différentes. Quoi qu'il
en soit, insister sur la dernière ne peut être nuisible aux deux premières, mais au
contraire les renforce : l'accroissement des performances qui est susceptible d'en
résulter stimule probablement celui de la «disposition à payer» des bénéficiaires
et des donateurs. A terme, c'est même la disposition à payer l'impôt qui peut
croître si le contribuable acquiert le sentiment qu'il en a «pour son argent».
Accroître la qualité du management du secteur non-marchand devient
donc prioritaire.
Cet objectif concerne en premier lieu les gestionnaires et les prestataires
de services eux-mêmes. Peut-être peuvent-ils craindre que meilleure gestion
rime avec rationalisation et pertes d'emplois. Cependant, comme dans le secteur
marchand, il convient de distinguer les effets à court terme de ceux à moyen
terme. Les restructurations opérées en Belgique depuis le début des années 80
n'ont pas empêché l'emploi global dans le secteur non-marchand de continuer à
croître, parce que les besoins augmentent plus vite que la productivité.
Mais la qualité du management est aussi cruciale pour la société dans son
ensemble. Le monde des affaires sait à quel point il dépend des performances de
l'administration centrale, des sociétés de transport et de communication, des
services d'éducation et de santé. Bien plus fondamentalement, les progrès de la
culture et de l'humanisme en dépendent étroitement. Par définition, les activités
non-marchandes sont celles dont les finalités transcendent l'objectif économique
traditionnel de rentabilité. On dira que les critères de succès ne sont pas seule-
ment «introvertis» — surplus financier, part de marché, etc. —, mais aussi
«extravertis» — effet sur la santé, les connaissances, etc. des bénéficiaires du
service et, parfois, de leurs proches.
Dès lors, même si les tâches du manager du secteur non-marchand sont
très proches de celles de son homologue des organisations commerciales —
marketing, gestion financière, du personnel, etc. —, le concept de performance
qui y est développé acquiert une dimension spécifique.
C'est ce concept de performance dans le secteur «nonprofit» qui est au
centre de cet ouvrage : nous verrons comment le définir, comment le mesurer,
comment l'intégrer dans le management
La première partie porte sur le cadre particulier de la prise de décision
dans le secteur non-marchand, non seulement en matière de services sociaux,
mais aussi dans l'administration et les entreprises publiques. Après avoir tenté de
définir ces différents champs d'application, nous étudions les objectifs et les
processus de décision qui leur sont propres et, ce, à la lumière des théories éco-
nomiques et managériales (chapitres 1 à 3).
La deuxième partie est consacrée à la mesure de la performance, c'est-à-
dire à l'évaluation. Après avoir donné une définition opérationnelle aux concepts
d'analyse (chapitre 4), nous abordons successivement l'analyse de l'efficience,
centrée sur les coûts (chapitre 5), de l'efficacité directe, c'est-à-dire la satisfac-
tion de la demande (chapitre 6) et de l'efficacité indirecte, qui se définit comme
le degré de réalisation des objectifs de politique économique et sociale (chapitre
7). Chaque démarche méthodologique est illustrée par des cas d'application,
issus principalement de recherches effectuées par le département d'Economie
publique de la Faculté des Sciences économiques et sociales de Namur et ayant
trait au secteur social.
Enfin, la troisième partie du livre montre comment ces mesures de la
performance peuvent être utilisées dans la prise de décision. Il convient, d'une
part, d'en envisager la synthèse et d'en faire l'analyse de sensibilité, ce qui nous
amène aux méthodes d'analyse de système et de simulation (chapitre 8); il faut,
d'autre part, les intégrer dans le management, en particulier dans le design de
systèmes de financement et dans le contrôle de gestion (chapitre 9). A nouveau,
chacune de ces étapes fait l'objet d'illustrations concrètes.
Dans l'ensemble de la démarche qu'il propose, ce livre tente d'éviter
deux travers fréquents de la gestion du secteur non-marchand. Le premier tient à
la thèse selon laquelle les résultats ne sont pas mesurables et qu'ils ne se laissent
pas appréhender par un raisonnement économique. Cette optique, qui limite les
efforts d'évaluation au domaine des coûts, renforce évidemment le travers des
responsables politiques lorsqu'ils réduisent les déterminants de leurs décisions
aux seuls aspects budgétaires : les données relatives aux autres éléments consti-
tutifs du choix ne sont alors tout simplement pas disponibles. A l'inverse,
d'autres pêchent souvent par excès d'optimisme : ils s'imaginent que les spéci-
ficités du non-marchand sont à ce point ténues que les méthodes qui ont fait
leurs preuves dans la sphère commerciale y sont applicables telles quelles. Leurs
analyses risquent alors de heurter les praticiens qui connaissent l'importance du
qualitatif et refusent le réductionnisme de certaines techniques d'évaluation.
L'ambition est ici de tailler un habit sur mesures, plutôt que d'essayer
d'imposer un modèle de confection, tout en sachant que la réussite d'un vête-
ment dépend pour beaucoup de celui qui le porte. Bien plus que par ses
techniques d'évaluation et de gestion, le manager du secteur non-marchand doit
s'imposer par ses qualités humaines, la clarté de sa vision et sa capacité à
combiner de manière harmonieuse des intérêts souvent opposés.
I

Le c a d r e des décisions

Introduction

Pour évaluer la performance de biens et services non-marchands, il


convient tout d'abord d'en identifier les caractéristiques et, plus particuliè-
rement, de discerner en quoi cette production se différencie de celle de biens et
services marchands. Sur cette base, il est alors possible d'évaluer dans quelle
mesure les représentations traditionnelles du processus de production sont
d'application dans le secteur non-marchand et en quoi elles s'avèrent insuffi-
santes pour éclairer la mise en œuvre d'une démarche managériale dans ce
secteur.
C'est dans cette perspective que nous tentons, dans la première partie de
cet ouvrage, de décrypter trois volets essentiels de la prise de décision en matière
de production non-marchande : son champ d'application, les objectifs qui la
motivent, ainsi que le processus qui la sous-tend.
La définition du secteur non-marchand, par opposition au secteur mar-
chand, ne peut être dissociée de l'analyse des finalités qui leur sont reconnues
(chapitre 1). Ce critère des finalités apparaît en effet plus discriminant que les
particularités liées à la nature des produits, à la structure de propriété ou au statut
juridique des institutions.
Cependant, la théorie économique nous enseigne que les objectifs effecti-
vement poursuivis par les responsables politiques, les gestionnaires et les presta-
taires de services non-marchands (chapitre 2) peuvent diverger de ceux qu'ils
seraient supposés mettre en œuvre dans un contexte de concurrence.
Enfin, l'examen des processus de décision en présence dans le secteur
non-marchand (chapitre 3) montre combien la multiplicité des décideurs et des
objectifs tend à encourager la prise de décision sur un mode cybernétique, au
détriment d'une procédure analytique, ainsi que les conséquences de cet état de
fait.
Des solutions partielles et intuitives sont suggérées dans cette première
partie. Elles trouveront approfondissement et formalisation dans les parties II et
III de cet ouvrage.
1

Délimitation e t finalité
du secteur n o n - m a r c h a n d

Introduction
La définition précise et, sur cette base, la délimitation fine entre secteurs
marchand et non-marchand ne sont pas aisées.

Illustration 1.1

Peut-on classer dans le secteur non-marchand :


1. une entreprise sidérurgique dont les pouvoirs publics détiennent la majorité des
parts ?
2. les institutions publiques de crédit ?
3. la Régie des Télégraphes et des Téléphones, appelée à être transformée en
BELGACOM, société anonyme de droit public ?
4. les universités libres dont le pouvoir organisateur est privé ?
5. les maisons de repos à caractère commercial ?
6. l'industrie pharmaceutique dont les pouvoirs publics contrôlent les produits ?
(suite de l'illustration p. 38)

Les réponses aux questions posées par l'illustration 1.1 ne sont pas tou-
jours simples à formuler et elles n'obtiennent pas aisément le consensus des
spécialistes. Plusieurs critères de classification peuvent en effet être envisagés,
dont aucun ne s'avère parfaitement satisfaisant.
Considérons tout d'abord la nature du propriétaire de l'institution — ou
de son pouvoir organisateur —, selon qu'il soit public ou privé. Peut-on établir, à
la lumière des exemples listés ci-dessus, que Cockerill-Sambre (entreprise
sidérurgique nationalisée), la C.G.E.R. (institution publique de crédit), la Régie
des Télégraphes et des Téléphones (entreprise publique de télécommunications),
l'Université de Liège (université d'Etat) et les maisons de repos communales
appartiennent au même secteur économique, à l'exclusion de Sidmar, la Société
Générale de Banque, British Telecom, l'Université Libre de Bruxelles et les
maisons de repos érigées en sociétés à caractère commercial ou en A.S.B.L. ?
Poser la question, c'est déjà y répondre : on sait que l'Etat a créé, racheté ou
même confisqué des organismes pour des raisons sociales ou politiques, parfois
en dehors de toute rationalité économique.
Le statut juridique constitue un autre critère que l'observation des faits
conduit à juger insatisfaisant : dans un même domaine d'activité, des associa-
tions sans but de lucre et des sociétés à caractère commercial se font concur-
rence 1.
Aussi, notre hypothèse est qu'il convient de discriminer les institutions —
en même temps que leurs domaines d'activité — sur la base de la finalité pre-
mière qui leur est socialement reconnue2 :
1. les organisations non-marchandes sont supposées «extraverties» parce
qu'on attend d'elles qu'elles changent un état de l'environnement ou le
préservent s'il est menacé : il s'agit d'améliorer la formation ou la santé,
de faciliter les communications, d'éviter les agressions militaires exté-
rieures, de contenir le chômage, etc.
2. les entreprises marchandes sont «introverties» au sens où elles ne sont, en
principe, intéressées que par leurs performances économiques propres,
exprimées en termes de croissance du chiffre d'affaires, de cash-flow, de
profit, etc.
Cette distinction ne peut cependant pas être poussée trop loin. D'une part,
les critères de rentabilité ne sont pas absents des préoccupations des gestion-
naires du secteur non-marchand. Ils doivent éviter d'accuser un déficit s'ils
veulent assurer la viabilité de leur organisation; ils doivent même dégager un
surplus, s'ils veulent la développer3. D'autre part, les effets sur l'environnement
sont de plus en plus souvent pris en compte par certaines grandes sociétés,
soucieuses de leur image auprès du public auquel elles vendent des biens ou

1 Voir plus loin, l'illustration 1.9, p. 31.


2 Voir GIBERT (1986).
3 Voir le chapitre suivant concernant le comportement des gestionnaires du secteur non-
marchand, pp. 49-57.
services, ou auprès des gouvernements auxquels elles s'adressent pour des aides
en tout genre.
Il reste que l'intensité avec laquelle ces deux types de critères de perfor-
mance influencent le discours, sinon le comportement effectif des gestionnaires
et de ceux dont ils dépendent (actionnaires, gouvernements, etc.) différencie
nettement les deux secteurs considérés.
Notons cependant que, comme cette délimitation procède d'un consensus
social, elle est susceptible de se modifier selon les lieux (les Etats-Unis, l'Europe
de l'Ouest, centrale ou de l'Est, par exemple) et les époques (de l'immédiat
après-guerre à aujourd'hui, par exemple). L'argumentation qui suit n'a donc
aucun caractère définitif : elle tente de déceler les caractéristiques qui conduisent
à attribuer aux biens et services une finalité dont les critères de performance
produits par le marché ne peuvent rendre compte.
Nous envisageons successivement ce que la théorie économique a
dénommé les biens et services collectifs purs, ceux produits en monopole
naturel, ceux enfin mis sous tutelle, ces termes étant définis au fur et à mesure de
leur introduction dans l'analyse.

1. Les b i e n s e t s e r v i c e s c o l l e c t i f s p u r s

1.1. Les caractéristiques d e s biens et services collectifs

Les économistes ont l'habitude de distinguer biens (et services) privés et


collectifs à partir de la caractéristique dite de «divisibilité», laquelle comporte
elle-même deux propriétés : la rivalité et l'exclusion.
Ainsi, les caractéristiques du bien collectif sont, d'une part, la non-riva-
lité : la consommation d'un bien collectif par un individu n'entrave en rien celle
des autres individus; d'autre part, la non-exclusion : il est techniquement impos-
sible ou exagérément coûteux d'exclure certains individus de la jouissance du
bien, par exemple par un prix.
La consommation de biens privés, quant à elle, se caractérise par la riva-
lité : la consommation d'une unité de bien privé par un individu enlève toute
possibilité de consommation de cette même unité par d'autres personnes; et par
l'exclusion : l'accès au bien peut être subordonné au respect de certaines condi-
tions, le plus souvent au paiement d'un prix, et les individus non disposés à les
satisfaire sont irrémédiablement exclus de sa jouissance.
Remarquons que ces propriétés sont envisagées ici d'un point de vue
strictement technico-économique : le choix politique qui consisterait à renoncer
à la possibilité d'imposer un prix alors même que l'exclusion est techniquement
possible et peu coûteuse ne change en rien le classement du bien ou du service
considéré en bien ou service collectif.

Illustration 1.2.a

Au regard des économistes, le réseau routier est un équipement collectif,


tandis que la voiture qui l'emprunte est un bien privé.

En effet, le réseau routier se caractérise par :

— la non-rivalité : l'utilisation d'une route par un automobiliste n'empêche pas les


autres conducteurs de la fréquenter; cependant, chacun sait par expérience
que cette propriété ne se vérifie plus lorsque la route est saturée : il arrive alors
que le nième automobiliste empêche effectivement le n+1ième d'y avoir accès;
cette caractéristique de non-rivalité connaît donc une limite, à tout le moins
dans le cas d'une route considérée isolément;

— la non-exclusion : l'installation de péages n'est possible que par exception, sur


les tronçons d'autoroute qui ne connaissent que peu d'entrées et de sorties.

L'automobile, par contraste, vérifie :

— la rivalité ; chaque voiture est appropriée par une personne, physique ou


morale;

— l'exclusion : son acquisition est subordonnée au paiement d'un prix (souvent


très élevé).

Illustration 1.2.b

La télévision se caractérise sans aucun doute par la non-rivalité des services


qu'elle preste, puisque tous les postes peuvent capter simultanément la même
émission. Par contre, elle connaît l'exclusion ou pas selon le mode de transmission
utilisé ;

— par l'usage de l'antenne, il y a non-exclusion, puisqu'il n'est alors pas possible


techniquement d'empêcher un individu de capter les émissions relayées à
proximité : les gouvernements non démocratiques de l'Est en ont fait
l'expérience;

— la distribution par câble rend l'exclusion possible, soit pour l'ensemble des
chaînes proposées, via le paiement de la redevance auquel est soumis le
raccordement, soit pour un seul canal, par la technique du décodeur, soit
encore pour une seule émission via le système de la «pay T.V.» qui ne facture
que les films effectivement «consommés».
Illustration 1.2.b (suite)

Cet exemple illustre l'impact de la technologie sur le classement d'un bien ou


d'un service et donc, comme nous le verrons, sur le rôle des pouvoirs publics à son
égard.

En principe, les caractéristiques des biens collectifs les rendent inadaptés


au mécanisme du marché concurrentiel : ils sont mis à la disposition de tous dès
qu'ils le sont pour un individu, sans qu'un prix leur soit applicable. Or, aucune
entreprise ne peut fournir un produit à titre gratuit.
De plus, il n'est théoriquement pas possible de substituer valablement à la
tarification un système de contributions volontaires des usagers. En effet, chaque
citoyen, comprenant qu'il peut bénéficier du produit sans avoir à le payer, comp-
tera sur la contribution des autres membres de la société et refusera toute partici-
pation au financement de cette production : «Qu'il contribue peu ou beaucoup
affectera si légèrement la production de biens ou services collectifs qu'à toute fin
pratique, il ne s'en rendra même pas compte». Comme tous risquent d'adopter le
même comportement de «passager clandestin» (ou «free rider»), le système de
marché libre est incapable de fournir les biens et services en quantités corres-
pondant aux véritables préférences1. Il faut donc que l'Etat s'en charge, tradui-
sant d'une manière ou d'une autre les préférences individuelles différenciées en
une fonction collective, et finance les biens et services produits par l'impôt.

1.2. La production d e biens e t services collectifs

SAMUELSON a établi les bases normatives pour la détermination de la


quantité de biens et services collectifs à produire2. A sa suite s'est développée
une école d'économistes «du bien-être» qui a précisé et affiné sa théorie. Le
principe en est simple : la valeur de cette quantité doit représenter la somme des
valeurs attribuées par les individus à la consommation de ces biens et services.
Le financement de la lutte contre la pollution peut illustrer ce principe :
soit trois propriétaires habitant le long d'une rivière polluée; le premier (A) n'en
est guère importuné parce qu'il n'aime ni la pêche, ni la natation; le troisième

1 C e c o m p o r t e m e n t d e « f r e e r i d e r » e s t é n o n c é d è s 1 8 9 6 p a r WICKSELL. V o i r TERNY
( 1 9 7 1 ) ; WEBER ( 1 9 7 8 ) ; HANNEQUART e t GREFFE (1985), c h a p . V. C e t t e a r g u m e n t a t i o n
diminue considérablement l'attrait d ' u n secteur privé n o n - m a r c h a n d financé exclusi-
v e m e n t p a r d e s d o n a t i o n s e t q u i s e s u b s t i t u e r a i t à l ' E t a t . V o i r aussi, à c e p r o p o s , JAMES
e t ROSE-ACKERMAN ( 1 9 8 6 ) .

2 V o i r SAMUELSON ( 1 9 5 4 e t 1955).
(C), par contre, est très demandeur d'une réduction des polluants parce qu'il
pratique ces deux sports avec ferveur; l'attitude du deuxième individu (B) se
situe entre celles des deux autresl.
Cette situation est présentée à la figure 1.1 sous la forme d'une fonction
D pour chaque individu, représentant la relation entre le prix par unité de
polluant éliminé et le taux de dépollution demandé. Pour un même prix Pl,
l'individu A demande une réduction des polluants de 10%, B souhaite qu'elle
soit de 20% et C, de 30%. A l'inverse, on voit que l'individu C est prêt à payer
davantage pour une réduction de 10% que l'individu B, lui-même étant prêt à
payer plus que A. Il s'agit donc d'une fonction de demande ou de «disposition à
payer» («willingness to pay»).

Fig. 1.1 Equilibre dans la production de biens et services collectifs


Cas d'équilibre compatible avec un mécanisme de vote

Etant données les caractéristiques de non-rivalité et de non-exclusion de


la pollution, la demande totale ne s'obtient pas par addition horizontale des
demandes individuelles, comme dans le cas de biens et services marchands, mais
par addition verticale : il ne s'agit pas de chercher la quantité totale que les indi-
vidus demandent sur le marché, mais bien le montant total qu'ils sont disposés à
payer pour chaque quantité, afin d'identifier la quantité unique que tous vont
consommer de manière indivisible.

1 Cet exemple s'inspire directement de celui proposé par HANNEQUART et GREFFE


(1985), pp. 27-35.
Pour la facilité de l'exposé, on suppose que la réduction de la pollution
implique un coût constant par pourcentage de dépollution. Les coûts moyen et
marginal sont donc identiques et représentés, sur la figure 1.1, par la droite hori-
zontale C.
L'équilibre idéal est évidemment le point E, point de rencontre entre la
disposition totale à payer des trois individus et le coût marginal. En effet, un taux
de réduction de 20% sera préféré à un taux inférieur, par exemple 10%, parce
que ce que les individus sont disposés à payer pour cet accroissement de taux est
supérieur au coût qu'il occasionne; un taux de réduction de 30% sera également
rejeté, pour la raison inverse cette fois.

Illustration 1.3

La somme à allouer par une commune à l'achat, l'entretien et l'amélioration de


ses parcs devrait, selon l'approche normative des économistes du bien-être, être
déterminée par une enquête auprès d'un échantillon représentatif de ses habitants.
La question à poser à chaque interviewé serait : «Combien êtes-vous disposé à
payer pour les parcs communaux ?". La somme des réponses, multipliée par
l'inverse du taux de tirage de l'échantillon dans la population, donnerait le montant
à accorder à ce poste dans le budget communal.

Du fait que le mécanisme de marché est incapable d'engendrer ce résultat,


l'Etat s'y substitue en finançant la dépollution par l'impôt et en procédant à un
vote pour déterminer l'équilibre : en l'absence de tout critère objectif de
discrimination entre les trois individus, on peut supposer que le coût est partagé
équitablement (Pl sur la figure 1.1); et, en ce qui concerne le mécanisme de vote,
on peut imaginer que chaque individu propose une option et que celles-ci sont
soumises deux à deux au vote de l'ensemble des membres de la collectivité,
c'est-à-dire, dans notre exemple, aux trois individus.
Etant données ces hypothèses et les demandes individuelles illustrées à la
figure 1.1, ce mécanisme aboutit à l'équilibre idéal E. En effet, supposons
seulement trois niveaux de dépollution techniquement possibles : 10, 20 et 30%.
Supposons, en outre, que le classement des préférences de chacun des trois
individus soit le suivant (un choix arbitraire est fait pour B quant à son classe-
ment des taux de 10 et 30% 1) :

1 Ce choix ne change pas le résultat : si l'ordre des préférences de B était 20-30-10, la


solution 20% resterait l'élue du vote.
Sous ces conditions, quel que soit l'ordre dans lequel les choix possibles
sont présentés au vote, la solution de 20% sera choisie : en effet, 10% sera pré-
féré à 30%, mais 20% sera préféré à 10% et à 30%. On aboutit ainsi à l'équilibre
idéal symbolisé à la figure 1.1 par le point E.
A priori, ce type d'approche est applicable à tout bien ou service collectif
et quelle que soit la taille de la collectivité.
Cependant, ce mécanisme pose au moins quatre types de problèmes.
1. Même si la solution est optimale du point de vue de la collectivité, elle ne
satisfait pas chaque individu. Dans le cas envisagé plus haut, en contre-
partie de leur participation au coût, A souhaiterait une quantité plus faible
et C, plus élevée. Seul B est pleinement satisfait. Les autres souffrent
d'une «coercition» qui peut s'exprimer comme la différence entre leur
contribution financière obligatoire (Pi) et leur disposition à payer, étant
donnée la quantité produite. Une solution théorique consisterait à faire
payer chacun en fonction de sa disposition à payer, mais, outre les pro-
blèmes pratiques qu'elle pose, cette solution accentue encore le problème
suivant.
2. L'estimation de la disposition à payer est difficile parce qu'elle se heurte
au problème déjà cité du «free rider» (passager clandestin). Si les indivi-
dus doivent payer leurs impôts en fonction de leur estimation des valeurs
des biens et services produits par la collectivité, ils auront tendance à
sous-estimer leur disposition à payer. Si leur réponse n'est liée à aucune
demande de contribution financière et s'ils accordent beaucoup
d'importance à un service, ils peuvent être tentés de surestimer
l'approximation qu'ils donnent de leur disposition à payer.
3. En chiffrant les estimations d'utilité par des valeurs monétaires, on donne
aux détenteurs de hauts revenus davantage de «bulletins de vote» qu'aux
autres, comme sur un marché concurrentiel : à satisfaction égale, la
disposition à payer d'un individu fortuné sera probablement supérieure à
celle d'une personne au revenu faible. Dans l'agrégation des résultats, le
poids des «riches» sera plus important, comme s'il s'agissait d'un vote
censitaire.
4. Dans certains cas, le mécanisme de vote ne va pas aboutir à un résultat
optimal. Ainsi, dans la situation illustrée par la figure 1.2, les préférences
individuelles sont telles que les options proposées au vote seront de 10,
12 et 40%, étant donné le montant de la contribution financière (Pi).

Quel que soit l'ordre des options proposées au vote, la majorité se portera
sur le taux de 12% alors que l'optimum pour la collectivité reste de 20%.

Fig. 1.2 Equilibre dans la production d e biens et services collectifs


Cas d'équilibre Incompatible avec un mécanisme de vote

Dans d'autres situations, le résultat du vote est incertain parce qu'il dif-
fère selon l'ordre dans lequel les options sont soumises au vote. C'est ce
qu'illustre le «paradoxe de CONDORCET»!. Imaginons que les préfé-
rences des trois individus soient telles que les options puissent être
classées comme l'indique le tableau ci-après.
En faisant d'abord voter la paire 10%-40% et, ensuite, la paire 40%-12%,
c'est la solution 12% qui est retenue; par contre, si les paires présentées
au vote sont successivement 12%-40% et 12%-10%, c'est la solution 10%

1 Cette situation est susceptible de se produire chaque fois que la structure de préférence
n ' e s t pas unimodale. Pour une étude des conditions de réalisation du paradoxe, voir
notamment BROWN et JACKSON (1986), pp. 78-84.
qui se dégage du vote; enfin, présentant les paires 10%-12%, puis 10%-
40%, la solution 40% sera retenue ! Il existe donc des situations
(heureusement guère fréquentes, à notre avis) où n'importe quelle option
peut devenir motion de majorité.

Aussi, les travaux des économistes du bien-être se sont focalisés pour une
large part sur les moyens de dépasser une ou plusieurs de ces limites1.
Il reste cependant que la définition donnée des biens collectifs ne
s'applique qu'à quelques cas extrêmes, appelés «purs», comme la défense, la
protection de l'environnement ou la promotion de la recherche scientifique de
base. Dès lors, entre les biens (et services) que l'on qualifie de «privés» et les
«collectifs purs», il existe une gamme très importante de biens et services dits
«mixtes» parce qu'ils ne répondent pas aux critères de ces deux catégories :
1. Certains sont mixtes, parce que la communauté qu'ils touchent de
manière indivisible est limitée géographiquement; c'est le cas d'un phare
ou d'une station d'épuration d'eau, par exemple.
2. D'autres sont caractérisés à la fois par la non-rivalité et la possibilité
d'exclusion, comme les ponts, tunnels ou autoroutes. Tant que leur
saturation n'est pas atteinte, la jouissance du service par un individu ne
diminue en rien celle d'un autre. Cependant, l'exclusion est en général
économiquement rentable : les bénéficiaires sont repérables; leur
consommation est mesurable et un prix applicable2.
3. D'autres enfin sont mixtes parce que leur production ou consommation
s'accompagne d'«effets externes» ou «externalités», c'est-à-dire
d'avantages ou inconvénients ressentis par les non-consommateurs. Un

1 A titre d ' i l l u s t r a t i o n : KURZ ( 1 9 7 4 ) , NEWBERRY ( 1 9 7 4 ) e t GREEN e t LAFFONT ( 1 9 7 6 ) ,


p o u r é c h a p p e r au p r o b l è m e du «free rider», e n v i s a g e n t des j e u x avec r é c o m p e n s e s et
s a n c t i o n s d o n t l a l o g i q u e e s t telle q u e les i n d i v i d u s i n t e r r o g é s , s ' i l s v e u l e n t o p t i m i s e r
leurs gains, n ' o n t plus intérêt à mentir. Ces m o d è l e s se basent sur u n e vision q u e l q u e
p e u i d é a l i s t e d e l ' h o m m e , p a r f a i t e m e n t r a t i o n n e l e t m a n i a n t c o n v e n a b l e m e n t le c a l c u l
d e s p r o b a b i l i t é s . N o u s v e r r o n s au c h a p i t r e 3 q u e c e t y p e d e c o m p o r t e m e n t s n ' e s t p a s
d o m i n a n t , au c o n t r a i r e .

2 L e s b i e n s et s e r v i c e s c a r a c t é r i s é s p a r l a r i v a l i t é e t l a n o n - e x c l u s i o n sont, q u a n t à eux,
d e s c a s d ' e x c e p t i o n . L e seul e x e m p l e p r i s e n c o m p t e d a n s la l i t t é r a t u r e é c o n o m i q u e est
celui de la pêche en haute mer.
service de vaccination, par exemple, diminue les risques d'être contaminé
par une maladie contagieuse, non seulement de ceux qui sont vaccinés,
mais aussi de leurs proches. Il y a donc appropriation individuelle du bien
ou service qui enlève aux autres individus toute possibilité de consommer
la même unité (élément de rivalité), mais certains effets de la consom-
mation ou de la production sont aussi ressentis par les non-consom-
mateurs (élément de non-rivalité) et il serait généralement très coûteux,
voire techniquement impossible, de les empêcher de bénéficier des exter-
nalités liées à la consommation de certains d'entre eux, ou de les subir
(élément de non-exclusion).
Le caractère d'indivisibilité limitée des biens et services mixtes ne justifie
pourtant pas nécessairement leur prise en charge par les pouvoirs publics.
1. Ainsi, lorsque la communauté touchée de manière indivisible est limitée à
un petit nombre, il est souvent possible d'arriver à un accord satisfaisant
sur la production du bien ou service et son financement, par négociation
libre entre individus1. Par exemple, on imagine que les pêcheurs d'un port
de taille modeste peuvent s'entendre entre eux pour la construction et
l'entretien de certaines infrastructures, tel le phare.
2. De même, dès qu'il y a exclusion, la livraison du bien ou service par les
pouvoirs publics n'est plus strictement nécessaire puisqu'un lien direct est
possible entre utilisation et financement, via la tarification. Dans de tels
cas, l'intervention de l'Etat peut cependant se justifier sur d'autres bases,
en particulier lorsque la non-rivalité débouche sur une situation de mono-
pole naturel, ainsi que nous le verrons plus loin.
3. Enfin, lorsque les externalités sont clairement identifiables, une taxe ou
une subvention peuvent suffire pour corriger l'équilibre spontanément
atteint par le marché. Pour reprendre l'exemple cité plus haut, le vaccin
peut être délivré à un prix inférieur à son coût de production grâce à une
intervention financière des pouvoirs publics à l'avantage des prestataires.

2. Les m o n o p o l e s n a t u r e l s

2.1. Les caractéristiques d e s m o n o p o l e s naturels

L'argumentation développée jusqu'ici en matière de biens et services col-


lectifs s'est essentiellement articulée sur leurs effets dans le domaine de la
consommation. Or, le pendant de la non-rivalité au niveau de l'offre est la

1 Voir BUCHANAN (1968), pp. 29-32.


faiblesse du coût marginal, c'est-à-dire du coût occasionné par la mise à disposi-
tion du bien ou du service à un individu supplémentaire : il est quasi nul et tou-
jours inférieur au coût moyen, ce qui fait décroître sans cesse ce dernier.
En d'autres termes, la production de biens et services collectifs se carac-
térise par des rendements d'échelle croissants. Aussi, la solution qui apparaît
comme la plus souhaitable, si l'on veut minimiser les coûts, est celle du produc-
teur unique. Lorsque cette situation s'accompagne d'une possibilité d'exclusion,
elle sera identifiée comme un «monopole naturel».
On ne peut la confondre avec d'autres cas de monopoles, dus à une situa-
tion de marché géographiquement très parcellisée ou à l'émergence d'une
entreprise dominante. Dans ces situations, la mise en œuvre d'une réglementa-
tion adéquate1, la suppression des barrières à l'entrée2 ou le recours à d'autres
instruments de promotion de la concurrence peuvent venir à bout du monopole
ou en empêcher la survenance.

Illustration 1.4

Parmi les biens et services que l'on classe communément dans la catégorie
des monopoles naturels, on peut citer :

— la distribution d'eau, de gaz et d'électricité;


— l'installation et l'entretien de l'infrastructure de télécommunication et de télédis-
tribution;
— l'installation et l'entretien de l'infrastructure de chemins de fer;
— la distribution régulière du courrier.
Cependant, dans ces domaines aussi, l'évolution de la technologie modifie le
champ d'application des définitions. En ce qui concerne les télécommunications,
par exemple, l'étendue du monopole naturel s'est considérablement restreinte du
fait que, d a n s divers segments du processus de production, les économies
d'échelle réalisables sont apparues trop faibles pour justifier la prise en charge par
un fournisseur exclusif3.

1 Voir la loi belge sur la protection de la concurrence.


2 Par exemple, l'achèvement du grand marché européen prévu pour la fin de 1992.
3 Voir le «livre vert» sur le développement du marché commun des services et équipe-
ments des télécommunications, communication de la Commission européenne (1987).
2.2. La production d e biens et services en monopole naturel
Selon la théorie économique, l'équilibre entre l'offre et la demande atteint
en situation de concurrence parfaite constitue la référence privilégiée : aucun
autre état du marché n'est plus efficace, car toute autre choix en matière de
production diminue la satisfaction des consommateurs1. Par contre, les condi-
tions de concurrence parfaite permettent à l'économie d'atteindre une situation
optimale dite «de PARETO», du nom du statisticien qui l'a caractérisée le
premier.
C'est donc à la situation de concurrence parfaite qu'il convient de compa-
rer celle du monopole naturel.

Fig. 1.3 Production de biens et services en monopole naturel

— Si les courbes de coût et de demande sont celles indiquées à la figure 1.3,


les prix et quantité de concurrence parfaite (PI et Ql) seront déterminés
par l'équilibre entre l'offre — qui dérive du coût marginal de production
— et la demande, au point El.

1 En termes économiques, à l'équilibre, le taux marginal de transformation entre les


biens produits est égal au taux marginal de substitution entre les mêmes biens
lorsqu'ils sont consommés.
— L'objectif du monopoleur étant de maximiser son profit, il tend à produire
une quantité telle que son coût marginal égale sa recette marginale (au
point E2). En effet, intuitivement, toute quantité supplémentaire lui coûte
plus cher qu'elle ne lui rapporte; tandis que s'il produisait moins, il
renoncerait à une quantité qui lui rapporterait plus que ce qu'elle lui
coûterait et il perdrait ainsi une part de son profit. Dès lors, la quantité à
produire (Q2) se lit à la verticale de E2 et le prix auquel il la vendra (P2)
est déterminé par la courbe de demande.
— On remarque que le prix du monopole (P2) est supérieur à celui de la
concurrence parfaite (PI) et que la quantité est inférieure (Q2 < Ql).
Du point de vue de la collectivité, ce choix représente une perte de bien-
être puisque la quantité Q1-Q2 pourrait être fournie pour un coût marginal infé-
rieur au prix que certains consommateurs sont disposés à payer pour l'obtenir,
tel qu'indiqué par la courbe de demande.
De plus, la situation de monopole présente d'autres désavantages : d'une
part, le monopoleur dégage un profit permanent, appelé «rente», qui n'est pas
susceptible d'être remis en cause par le jeu de la concurrence; d'autre part, la
mainmise d'une seule entreprise privée sur la production de biens ou services
stratégiques peut constituer une menace pour un régime démocratique.
Par rapport à cette situation, les pouvoirs publics disposent de trois types
d'interventions :
1. Ils peuvent fixer un prix maximum, en principe celui qui correspond à
l'équilibre de concurrence parfaite (PI sur la figure 1.3). Cette solution a
pour avantages évidents de mener à l'équilibre optimal du point de vue de
la collectivité, de réduire la rente du monopole, voire de la supprimer, et,
enfin, de diminuer l'étendue du pouvoir du monopoleur, celui-ci n'étant
plus maître de cette variable essentielle qu'est le prix.
Elle possède cependant deux handicaps majeurs. Le premier réside dans
la difficulté, pour les représentants de l'Etat, de déterminer El. Si la
demande peut être estimée par une étude de marché, le coût marginal, lui,
ne se laisse connaître qu'avec la pleine collaboration de l'entreprise. Or,
celle-ci a évidemment tout avantage à présenter un coût marginal le plus
élevé possible.
Le second handicap tient au fait que cette approche peut conduire à un
déficit de l'entreprise lorsque le coût marginal, au point de rencontre avec
la courbe de demande, est inférieur au coût moyen. En effet, celui-ci est
alors supérieur à la recette moyenne, comme c'est le cas à la figure 1.3,
au point d'équilibre El.
2. Les pouvoirs publics peuvent aussi taxer l'entreprise, soit forfaitairement,
soit en pourcentage du profit. La rente du monopoleur en est réduite
d'autant, mais son équilibre ne changera pas : dans le premier cas, seul le
coût moyen augmente (le coût marginal, par définition, n'inclut pas de
coûts fixes); dans le second, la courbe de profit «s'écrase», mais la quan-
tité qui correspond à son maximum ne change pas. Enfin, on notera
qu'une taxation en fonction de la quantité ou du chiffre d'affaires entraî-
nerait un glissement de la courbe de coût marginal vers le haut, un dépla-
cement de l'équilibre du monopoleur vers la gauche et, donc, un écart
encore plus grand par rapport à l'optimum pour la collectivité.
3. Ils peuvent nationaliser l'entreprise, c'est-à-dire en acheter les parts. En
principe, les avantages en sont évidents : les pouvoirs publics étant
propriétaires, ils sont à même de fixer le prix de concurrence parfaite
grâce à leur connaissance, acquise «de l'intérieur», de la fonction de coût
marginal. Dans le cas où, comme à la figure 1.3, le prix fixé serait infé-
rieur au coût moyen, ils peuvent verser une subvention à l'entreprise,
d'un montant égal à sa perte, représentée par le rectangle hachuré de la
figure. Cependant, l'équilibre de concurrence parfaite constitue la réfé-
rence privilégiée pour les économistes, mais pas nécessairement pour les
responsables politiques : ceux-ci peuvent décider de s'en départir, soit
pour des raisons sociales, en pratiquant des tarifications qui avantagent
certaines catégories de consommateurs, soit pour des raisons industrielles,
en imposant la production de quantités minimales de biens ou de services,
même si leur rentabilité n'est pas assurée, ou en obligeant à acheter des
facteurs de production prioritairement aux producteurs nationaux (ou
européens), même s'ils sont plus chers que leurs concurrents étrangers.

Illustration 1.5

De telles obligations sont prises en compte dans la loi portant réforme de


certaines entreprises publiques économiques que le Parlement belge a approuvé
le 21 mars 1991. En effet, la loi organique de chaque entreprise concernée (Régie
des Télégraphes et Téléphones, Régie des Postes, Société Nationale des
Chemins de Fer Belges et Régie des Voies Aériennes) définit s a «mission de
service public», c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs, le champ d'application de
ses activités de service public.

Ainsi, en ce qui concerne BELGACOM, anciennement dénommée Régie des


Télégraphes et Téléphones, les missions de service public qui lui sont confiées
consistent, d'une part, en la mise à disposition du public des télécommunications
Illustration 1.5 (suite)

publiques 1, accordées en concession exclusive à BELGACOM, d'autre part, en


prestations de nature sociale ou humanitaire à effectuer en matière de télécom-
munications publiques et définies dans le contrat de gestion.

Dans le même esprit, les missions de service public qui reviennent à LA


POSTE, précédemment appelée Régie des Postes, concernent la collecte, le
transport et la distribution du courrier dans toute l'étendue du royaume, le débit de
timbres-poste, les services financiers postaux, ainsi que certaines prestations
spécifiques telles que le paiement à domicile des pensions de vieillesse et de
survie.
Quant à la S.N.C.B., elle s e voit attribuer les missions de transport intérieur de
voyageurs assuré par les trains du service ordinaire, la construction, l'entretien, la
gestion et l'exploitation de l'infrastructure, ainsi que certaines prestations néces-
saires à la défense du pays.

Enfin, la, Société Nationale des Voies Aériennes (S.N.V.A.), anciennement


dénommée Régie des Voies Aériennes, est chargée, dans le cadre de s a mission
de service public, de la construction, l'aménagement, l'entretien et l'exploitation de
l'infrastructure nécessaire à l'atterrissage, au stationnement et au décollage des
aéronefs sur l'aéroport de Bruxelles-National, ainsi que des mesures nécessaires à
la sécurité aérienne civile dans l'espace aérien dont l'Etat belge assume la respon-
sabilité.

Les règles et conditions spéciales selon lesquelles l'entreprise exerce les mis-
sions de service public qui lui sont confiées par la loi sont arrêtées dans un
«contrat de gestion» conclu entre l'Etat et l'entreprise concernée. Ce contrat
précise notamment les tâches que l'entreprise publique a s s u m e en vue de
l'exécution de ses missions de service public, appelées «tâches de service public».

De plus, le contrat de gestion règle :


— les principes gouvernant les tarifs pour les prestations fournies dans le cadre
des tâches de service public;
— la fixation, le calcul et les modalités de paiement des subventions éventuelles à
charge du budget de l'Etat, que ce dernier accepte d'affecter à la couverture
des charges, nettes des recettes, qui découlent, pour l'entreprise, de s e s
tâches de service public;

1 Ces «télécommunications publiques» couvrent l'établissement, la maintenance, la


modernisation et le fonctionnement de l'infrastructure publique de télécommunications
et des installations accessibles au public et situées dans le domaine public, ainsi que la
fourniture à des tiers de services réservés (téléphonie, mobilophonie, télex, télégraphie,
télégramme et, jusqu'au 31 décembre 1992, commutation de données).
. Illustration 1.5 (suite)

— la fixation, le calcul et les modalités de paiement des indemnités éventuelles à


verser par l'entreprise à l'Etat en contrepartie des avantages liés à des droits
exclusifs ou à des droits d'usage sur des biens concédés par l'Etat;

— des règles de conduite vis-à-vis des usagers des prestations de service public;
— les matières d'intérêt économique stratégique pour lesquelles la passation des
marchés est soumise à l'approbation du Ministre dont relève l'entreprise, ainsi
que le seuil de dépense à partir duquel cette approbation est nécessaire.

Cependant, les inconvénients de la nationalisation sont de deux types :


. d'une part, le prix à payer pour acquérir la firme peut être très élevé,
sans contrepartie équivalente pour les pouvoirs publics, puisque la
gestion du monopole n'aura pas pour objectif, comme nous l'avons vu,
de maximiser le profit de l'entreprise; on peut en outre s'interroger sur
les conséquences, en termes de redistribution des revenus, d'une
ponction faite sur l'ensemble des contribuables pour rémunérer les
anciens actionnaires;
. d'autre part, la gestion de l'entreprise en monopole va se heurter à
certaines difficultés particulières qu'il convient d'expliciter quelque
peu.
La première difficulté de gestion propre à une entreprise publique en
monopole naturel consiste à décider si la poursuite de chacune de ses activités se
justifie !

Fig. 1.4 Production de biens et services en monopole naturel


Cas où le surplus social est négatif
Dans le cas représenté à la figure 1.3, la réponse est nettement positive :
le surplus social, représenté par la surface comprise entre la disposition à payer
des consommateurs et le coût marginal, est important. Ce n'est pas le cas,
cependant, pour le produit dont la demande et les coûts sont représentés à la
figure 1.41. Si nous comparons les surfaces sous les courbes de demande et de
coût marginal, nous devons constater que la disposition à payer des consom-
mateur est largement inférieure au coût des ressources mises en œuvre pour pro-
duire la quantité idéale Q.
La deuxième difficulté surgit lorsque la détermination du prix idéal con-
duit l'entreprise publique à connaître un déficit, comme c'est le cas à la figure
1.3.
1. Avant de décider de couvrir ce déficit par les finances publiques, il faut
en principe comparer, du point de vue de la collectivité, le coût de
l'obtention de fonds publics par diverses formes de taxation avec celui
qui résulte de l'application d'un prix supérieur au prix optimum du bien
ou service produit par l'entreprise.
2. Un écart positif entre prix et coût marginal peut se justifier sur le plan
théorique : alors que les entreprises opérant sur des marchés concur-
rentiels sont supposées égaliser leur coût marginal au prix du marché, on
sait que, du fait des structures imparfaites de marché qui prévalent dans la
réalité (oligopoles, concurrences monopolistiques, voire monopoles), les
prix sont, dans une certaine mesure, supérieurs aux coûts marginaux. Or,
la théorie du «Second Best»2 enseigne que, dans ce cas, il est préférable,
du point de vue de la collectivité, de maintenir dans le secteur public le
même écart entre prix et coûts marginaux que dans le secteur privé.
3. Il est possible, dans une certaine mesure, de réduire le déficit de
l'entreprise par des structures de prix qui tentent de rapprocher le prix
payé par chaque individu de sa disposition à payer. On peut, en effet,
penser à différencier les tarifs :
. selon les différences d'intensité de la demande entre consommateurs,
en fonction de leurs revenus ou de leurs caractéristiques de consom-
mation : ce sont, par exemple, les première et deuxième classes dans
les trains; ou en fonction de la quantité qu'ils consomment, les petits
utilisateurs payant un prix plus élevé par unité que les grands : c'est le
principe de l'abonnement;

1 Voir HANNEQUART et GREFFE (1985), pp. 169-172.


2 Voir notamment BROWN et JACKSON (1986), pp. 19-20.
. selon les périodes de consommation, le prix étant le plus élevé au
moment où la demande est maximale et le plus faible au moment où
celle-ci est faible; cette procédure s'applique, par exemple, dans le cas
de l'électricité, du téléphone et, parfois, des transports en commun1.
Outre les difficultés pratiques liées, d'une part, à l'estimation de la dis-
position à payer des divers individus et des périodes de forte et faible
demande et, d'autre part, à l'application effective de structures de tarifs
qui en tiennent parfaitement compte, les responsables seront aussi,
souvent, confrontés à un problème de principe : ces discriminations tari-
faires sont, en effet, généralement, en contradiction avec le principe
d'équité. Dans le premier exemple cité ci-dessus, l'existence même de
différentes classes dans les transports publics peut heurter certaines
sensibilités; dans le deuxième cas, les plus petits utilisateurs sont souvent
les plus pauvres; enfin, en ce qui concerne le dernier cas, les navetteurs
utilisant les transports publics au moment des heures de pointe peuvent
voir d'un mauvais œil que les prix soient plus faibles à d'autres heures de
la journée, du fait qu'ils sont eux-mêmes captifs du service qu'ils
consomment.
La troisième difficulté consiste à trouver un équilibre entre degré
d'intervention des autorités publiques et degré d'autonomie des gestionnaires.
Un système où le Ministre responsable gère directement l'entreprise, comme s'il
s'agissait d'une administration, risque d'introduire des biais biens connus des
sociologues sous les vocables de politisation et bureaucratisation2. A l'inverse,
une autonomie trop large des gestionnaires leur permettrait de reprendre à leur
compte le comportement des monopoleurs privés.
Illustration 1.6

Comme le laisse percevoir l'illustration 1.5, la loi du 21 mars 1991 portant


réforme de certaines entreprises publiques économiques cherche à atteindre un tel
équilibre : l'intervention du Ministre dont l'entreprise relève est, pour l'essentiel,
limitée à la négociation du contrat de gestion qui précise les tâches de service
public et détermine la subvention qui en est la contrepartie; le «Commissaire du
Gouvernement», qui le représente au sein des organes de gestion, ne peut porter
recours contre une décision que si elle est en contradiction avec ledit contrat de
gestion (ou, évidemment, la loi et les statuts de l'entreprise). Pour tout ce qui n'est

1 Notamment, les chemins de fer de Grande-Bretagne.


2 Pour une description des dysfonctionnements des bureaucraties, voir SAINSAULIEU
(1987), cité par NIZET (1989).
Illustration 1.6 (suite)

pas prévu par le contrat de gestion, les gestionnaires de l'entreprise sont auto-
nomes : ils peuvent notamment développer tous les biens et services compatibles
avec l'objet social de l'entreprise — éventuellement en prenant des participations
dans des entreprises privées ou en créant des filiales en collaboration avec de
telles entreprises —, tarifer ces produits librement, acheter les facteurs de produc-
tion où ils le souhaitent, etc.

3. Les b i e n s e t s e r v i c e s t u t é l a i r e s

3.1. Les c a r a c t é r i s t i q u e s d e s biens et services tutélaires

Dans les développements économiques qui envisagent les biens et ser-


vices collectifs purs, l'Etat n'est qu'un moyen d'action à la disposition des indi-
vidus qui restent les sujets économiques fondamentaux : ils l'utilisent comme un
simple instrument qui leur permet de poursuivre leur intérêt personnel par un
autre arrangement institutionnel que le marché. Ainsi, ils s'adressent à lui
comme à une entreprise privée pour obtenir les biens et services collectifs,
puisque le marché n'est pas en mesure de les leur fournir.
Dans le cas des monopoles naturels, l'Etat joue un rôle spécifique, au-
delà du simple rétablissement du prix du marché, par le biais des missions qu'il
peut imposer ou négocier avec les entreprises, les «missions de service public».
Dans d'autres cas, l'intervention de l'Etat se justifie non sur la base d'un
mode de production, mais bien sur celle de pratiques de consommation, même si
celle-ci ne présente aucun caractère de non-exclusion, et rarement de non-riva-
lité. Les pouvoirs publics en encouragent ou, au contraire, en freinent l'offre ou
la demande et, cela, en interférence avec les préférences individuelles. On parle
généralement, dans ce cas, de biens et services «sous tutelle»1.
Les économistes avancent deux arguments pour justifier une telle inter-
vention de l'Etat :
1. Il s'agit de biens ou services pour lesquels l'information mise à la disposi-
tion du consommateur est généralement incomplète. Cela peut être dû à la
complexité du produit (par exemple, les soins de santé); à l'éloignement
ou au caractère indirect de la satisfaction qu'il procure (l'enseignement);

1 «The merit goods»; voir MUSGRAVE (1959), pp. 13-14; HEAD (1966), pp. 1-29.
à sa faible fréquence d'acquisition (les services de garde d'enfants); enfin,
au coût d'obtention d'informations sur sa qualité (les maisons de repos
pour personnes âgées). Ces facteurs montrent qu'il y aurait, sans
l'intervention des pouvoirs publics, divergence entre la satisfaction atten-
due par les consommateurs avant le choix et celle qu'ils obtiendraient au
moment où ils disposent d'une information plus complète.
2. Cependant, il est possible que, même en cas d'information parfaite, les
consommateurs ne fassent pas de ces biens ou services l'utilisation adé-
quate, parce qu'ils négligeraient leur propre intérêt à long terme au profit
de satisfactions plus immédiates, ou qu'ils ne tiendraient pas assez
compte des effets de leurs choix sur le corps social dans son ensemble.
C'est ainsi que les pouvoirs publics justifient leur intervention de tutelle,
considérant les choix individuels comme irrationnels.
Ces aspects ont été largement commentés et mis en lumière dans les sec-
teurs tels que la santé, l'enseignement ou la garde des enfantsl. C'est moins la
présence d'externalités que la «myopie» du consommateur qui fait problème :
l'individu, laissé à lui-même, n'utiliserait pas autant les services sociaux que ne
le nécessiterait son propre intérêt à long terme ou celui de la collectivité. L'Etat
joue donc le rôle de «big brother» en rendant gratuites certaines prestations
médicales, en contrôlant la qualité des soins et même en obligeant ses admi-
nistrés à certaines consommations jugées indispensables : vaccinations, méde-
cine scolaire, etc.
De plus, dans son action, l'Etat tient compte du fait que les consom-
mateurs ne sont pas égaux du point de vue de leur accès à l'information et de
leur capacité à poser des choix rationnels. Son rôle de tutelle va donc s'exercer
particulièrement en faveur des classes sociales défavorisées : sa politique de
prix, par exemple, cherche, dans de nombreux cas, à assurer l'égalité d'accès à
tous, soit par la gratuité totale, soit par un tarif variable, proportionnel aux
revenus.
Enfin, l'Etat soumet le système de production de services sociaux à
certaines contraintes précises qui traduisent ses options en matière de contenu
des services à prester. Par exemple, les normes imposées aux crèches expriment
la préoccupation quant à l'hygiène et la santé des jeunes enfants; de la même
façon, en matière d'enseignement, le principe de cohésion du corps social tout
comme celui d'égalité ont été à la base des propositions émises, à la fin du siècle
dernier, par les partisans de l'instruction obligatoire, qui considéraient nécessaire
d'inculquer des valeurs communes à tous les futurs citoyens. De tels principes

1 Voir en particulier CULYER (1973 A et B); BLAUG (1970); STROBER (1975).


justifient donc non seulement une intervention financière de l'Etat, mais aussi
son droit de regard sur la nature des services offerts. Dans cette optique, il en
prend souvent le contrôle effectif, soit en le gérant lui-même ou par organisme
public interposé, soit en subordonnant son aide financière au respect de normes
strictes de fonctionnement.
C'est ce concept de mise sous tutelle qui peut faire comprendre le rôle
que joue l'Etat dans certains domaines, en particulier les secteurs sociaux. Il y
apparaît comme une réalité supérieure aux individus et totalement distincte
d'eux. Poursuivant des objectifs d'équité et de cohésion sociale, il détermine son
action en fonction de «l'intérêt général», qui ne correspond pas à la simple agré-
gation des préférences individuelles : il impose aux individus des choix qu'il
estime préférables à ceux auxquels ils auraient procédé sans son intervention.

3.2. La production d e biens e t services tutélaires

La mise sous tutelle de certains biens et services par les pouvoirs publics
s'explique donc par le manque d'information ou l'irrationalité du consommateur.
Traduite en termes de prix et de quantités, cette déficience de comportement
peut s'exprimer par une courbe de demande pour ces biens ou services généra-
lement inférieure à celle de consommateurs bien informés et prêts à tenir compte
de leur intérêt à long terme et de celui de leur communauté. Appelons «privée»
la demande spontanée et «sociale» celle que les experts peuvent juger souhai-
table.

Illustration 1.7

— La consommation spontanée de vaccins peut être inférieure à celle que les


épidémiologistes jugent souhaitable : d'une part, les consommateurs ne sont
pas toujours bien informés des risques qu'ils courent eux-mêmes, moins
encore de ceux qu'ils font courir à leurs proches dans le cas de maladies
contagieuses; d'autre part, même lorsqu'ils disposent de cette information, ils
n'en tiennent pas nécessairement compte dans leur consommation de vaccins.
— Les parents ne sont pas toujours conscients des effets bénéfiques de
l'enseignement sur les chances d'insertion professionnelle de leurs enfants et,
plus largement, sur l'attractivité de leur région pour les investissements. Cette
ignorance, et ses effets négatifs sur l'assiduité scolaire des enfants, apparaît
plus fréquente dans les milieux plus défavorisés.

La demande sociale détermine une quantité d'équilibre plus élevée que la


demande privée : Q2 au lieu de Q 1 sur la figure 1.5. Pour stimuler une consom-
mation supérieure à la demande spontanée, les pouvoirs publics usent de
diverses stratégies.

Fig. 1.5 Production de biens et services sous tutelle

1. Ils peuvent rendre la consommation obligatoire à raison d'une quantité


égale à Q2, mais ils jugent souvent nécessaire, dans ce cas, de la livrer
gratuitement. Ceci a pour effet d'accroître la demande en Q3, sauf s'il est
techniquement possible, et jugé opportun, de la rationner et de la mainte-
nir ainsi en Q2. Dans ce dernier cas, le coût pour les pouvoirs publics
(sous la forme d'une subvention aux producteurs) est symbolisé, sur la
figure 1.5, par le rectangle P2-E2-Q2-0. Il est beaucoup plus important en
l'absence de contingentement : P4-E4-Q3-0.
2. Ils peuvent subsidier l'offre, de manière à ce que l'équilibre entre la nou-
velle courbe d'offre et celle de demande privée se situe en E3, à la verti-
cale de Q2. Dans ce cas, la dépense des pouvoirs publics est représentée
par P2-E2-E3-P3.
3. Ils peuvent subsidier la demande, par exemple par une diminution de
taxation directe subordonnée à la consommation du bien ou service, de
manière à ce que la demande privée se confonde avec la demande sociale.
La dépense pour l'Etat ne change pas par rapport au cas précédent.
4. Enfin, ils peuvent informer et sensibiliser le consommateur par des cam-
pagnes d'opinion, de manière, à nouveau, à ce que la demande privée se
déplace vers la demande sociale. Le coût de cette démarche dépend bien
sûr de la sensibilité des consommateurs à la campagne.
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