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D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE MÉDECINE LÉGALE
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE MÉDECINE L É G A L E
ET
P U B L I É E S SOUS L A DIRECTION DE
A. LACASSAGNE P. DUBUISSON
Pour la partie Biologique Pour la partie Sociologique
Avec la Collaboration de
A. BERTILLON, R. G A R R A U D , LADAME, MANOUVRIER, A. BERTRAND
Secrétaire de la Rédaction : D p
ETIENNE MARTIX
Revue paraissant tous les mois par Fascicule d'au moins 72fçèiges &
Nouvelle Série. — Tome V I I ;£ ' "• -ff *i
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:„ & -3)
TOME VINGT-TROISIÈME
1908
91 LÌ 7 9
E D I T E U R S
I E
A. RE Y ET C MASSON ET C
, RUE GENTIL BOULEVARD ST-GERMAIN, 1 2 0
L Y O N P A R I S
ff
ARCHIVES
MÉMOIRES O R I G I N A U X
LES D E U X D É C A P I T É S DE D U N K E R Q U E
(ij)o5)
Par Ch. D E B I E R R E
P r o f e s s e u r d'Anatomie à l'Université de L i l l e .
M e m b r e c o r r e s p o n d a n t de l'Académie de M é d e c i n e .
long coutelas. Le crime était d'autant plus odieux que ces igno-
bles gredins étaient les obligés de la batelière.
Le lendemain, les deux criminels étaient arrêtés presque en
même temps et mis dans l'impossibilité de nier leur forfait.
Jusqu'au dernier moment ils vécurent dans l'insouciance la
plus absolue, mangeant et buvant bien, s'engraissant comme des
animaux à l'étable et ne perdant pas, jusqu'à l'heure fatale, l'es-
poir en la clémence présidentielle.
Avant la toilette, les deux condamnés ont entendu la messe
en souriant. On ne saurait dire si c'est par inconscience, cynisme
ou forfanterie. Tous deux ont communié.
Ils sortent l'un après l'autre de la prison et, comme machina-
lement, ils regardent le spectacle lugubre qui s'offre à leurs yeux
et qu'éclaire encore faiblement l'aube naissante... Ils sont
blêmes... On les pousse vers la fatale machine... Leur têle
tombe... La vindicte publique est satisfaite.
Telle est l'histoire, en raccourci, du crime des deux décapités
de Dunkerque et de leur mort.
Ces préliminaires nous ont paru nécessaires avant d'exposer
les résultats de l'examen de leurs cadavres.
PHYSIONOMIE D E S D E U X A S S A S S I N S
LE CRANE D E S DEUX A S S A S S I N S
Indices crâniens.
Vandenbogaert :
D. A . P . M . 182
— indice crânien 76,9.
P . T. M . i4o
Zwartwaeger :
D. A . P . M . 180 .
D.T.M. indice crânien 77,2
>9
Capacité crânienne.
Le crâne de Vandenbogaert cube 1.445 centimètres cubes ; celui
de Zwartwaeger i.3o8 centimètres cubes. Ce ne sont pas là des
crânes de première grandeur, mais ils ne viennent pas se classer
non plus parmi les petits crânes. Il est vrai que les deux forbans
étaient de taille moyenne, mais trapus et bien musclés,
4 MÉMOIRES ORIGINAUX
L E S CERVEAUX D E S A S S A S S I N S
Cerveau de Venâenbogaertc
' Le Crâne des criminels, u n vol d e 466 pages, a v e c 137 figures, Lyon-
P a r i s , 1895.
6 MÉMOIRES ORIGINAUX
Scissures.
i° Scissure de Rolando. — Elle est normale des deux côtés.
2° Scissure de Sylvius. — Elle ne présente rien qui nous
paraisse digne d'être signalé.
3° Scissure perpendiculaire externe. — Elle est coupée par les
plis de passage ordinaires.
4° Scissure sous-frontale. — Normale.
5° Scissure sous-pariétale. — Elle continue très nettement la
sous-frontale.
6° Scissure perpendiculaire interne. — Bien tracée, séparant
nettement le lobe pariétal du lobe occipital.
7° Scissure calcarine. — Plus descendue à droite qu'à gauche,
mais ne présente rien de particulier.
8° Sillon limhique. — Ininterrompu d'une extrémité à l'autre.
Normal.
Circonvolutions.
Lobe frontal. — Il est bien développé. Ses trois frontales lon-
gitudinales sont convenablement plissées. La troisième, ou circon-
volution de Broca, développe ses trois segments dans les conditions
ordinaires. La frontale ascendante est limitée par un sillon pré"
central bien tracé. Elle est coupée dans l'hémisphère gauche par
suite de la pénétration du sillon précentral dans la scissure de
Rolando.'
Lobe pariétal. — Les deux circonvolutions sont séparées par
un beau sillon pariétal. La pariétale ascendante est bien déta-
chée et limitée par un sillon postcentral profond. Le pli
courbe et le lobule du pli courbe sont largement développés. Le
lobe carré ne présente rien à noter de spécial.
Lobe occipital. — Les trois circonvolutions de la face externe
sont convenablement dessinées. Il en est de même des trois cir-
convolutions de la face interne de l'hémisphère. Le cunéus est
décomposé par des incisures en plusieurs plis.
Lobe temporal. — Les trois temporales de la face externe
sont normales dans les deux hémisphères. Le sillon parallèle ne
Ch. Debierre. — L E S DEUX DÉCAPITÉS DE DUNKERQUE • 7
Cerveau de Zwartwstegei*.
Scissures.
i° Scissure de Rolando. — Elle est normale dans l'hémi-
sphère droit. Dans l'hémisphère gauche, elle reçoit l'extrémité,
inférieure du segment supérieur du sillon précentral.
0
2 Scissure de Sylvius. — Ne présente rien de particulier ni
d'un côté ni de l'autre.
3° Scissure perpendiculaire externe. — Est coupée par les plis
de passage ordinaires pariéto-occipitaux dans les deux hémi-
sphères.
8 MÉMOIRES ORIGINAUX
Circonvolutions.
PLATON CRIMINALISTE
Par le Dr A . G O R R E
I. L E S P R I N C I P E S G É N É R A U X : L E CRIME E T L E S C R I M I N E L S
D'APRÈS L E S « LOIS »
1
A retenir, après la r e c o n n a i s s a n c e de l'action s u g g e s t i v e h y p n o t i q u e et
p o s t - h y p n o t i q u e s u r la P e r s o n n a l i t é .
2
E t e n e f f e t , l ' h o m m e , s u r l ' é c h i q u i e r t e r r e s t r e , e s t - i l , e n d é p i t de. s e s
orgueilleuses prétentions, autre c h o s e qu'un s i m p l e pion, décidant de l'enjeu
dans telle o u telle partie, arrêtée en d e h o r s de lui, s o u s la p o u s s é e d'une force
dirigeante i n n o m m é e ?
24 MÉMOIRES ORIGINAUX
homme est d'ordinaire tel qu'il lui plaît d'être suivant les inclina-
tions auxquelles il se porte et le caractère de son âme. »
Après la mort, il y a peine ou récompense. « Tous les êtres
animés sont sujets à divers changements dont le principe est en
dedans d'eux-mêmes, et, en conséquence de ces changements,
chacun se trouve dans l'ordre et la place marqués par le destin. »
Selon qu'on éprouve des changements légers ou considérables
vers le mal, on éprouve aussi des déplacements plus ou moins
grands, de la surface du monde, jusqu'aux profondeurs qu'on
appelle enfers ou d'autres noms. « Et lorsque l'âme a fait des
progrès soit dans le mal, soit dans le bien, par une volonté ferme
et une conduite soutenue ; si c'est dans le bien et qu'elle se soit
attachée à la divine vertu jusqu'à devenir en quelque sorte divine
comme elle, alors elle reçoit de grandes distinctions et du lieu
qu'elle occupait elle passe dans une autre demeure toute sainte
et plus heureuse : si elle a vécu dans le vice, elle va habiter une
demeure conforme à son état... Dans toutes les morts qu'on
éprouve successivement, les semblables vont à leurs semblables
et reçoivent tous les traitements qu'ils doivent naturellement en
attendre. » On ne peut se soustraire à cet ordre, « établi par les
dieux », on n'échappe point à leur justice.
De telles prémices, difficiles à concilier avec un libre arbitre,
annoncent une justice toute fataliste, qui atteint chaque âme,
dans chacune de ses étapes : l'une de ces étapes est le séjour ter-
restre, le coupable y rencontrera l'application de la loi « divine »,
qu'il apprendra à connaître par l'intermédiaire des législateurs,
implicitement déclarés les représentants des dieux, les promul-
1
gateurs et les défenseurs de leurs préceptes . L a conséquence,
c'est lïnexorabilité dans la sanction.
« Qu'aucun crime, de quelque nature qu'il soit, ne reste im-
puni, et que nul ne puisse échapper au châtiment par la fuite ;
mais que les coupables soient condamnés ou à la mort ou aux
fers, ou au fouet, ou à se tenir assis ou debout dans un état
2
humiliant à l'entrée des lieux sacrés situés sur la frontière ou à
des amendes pécuniaires. » (L. IX.)
1
A u s s i t o u t e faute entraine-t-elle u n e s o u i l l u r e qui d u c o u p a b l e p e u t m ê m e rejail-
lir jusqu'à c e u x qui l ' a p p r o c h e n t , e n certains c a s , e t e x i g e d e s purifications rituelles.
2
Exposition équivalente à notre pilori.
D' A. Corre. — PLATON CRIMINALISTE 25
avantageux, et que par leur mort ils procurent une double utilité
aux autres, leur supplice étant pour eux un exemple qui les
détourne de mal faire, et purgeant en même temps la Répu-
blique de mauvais sujets, il ne peut se dispenser d'infliger la
peine de mort contre ces sortes de crimes et de criminels ; hors
delà, i l n e d o i t p a s user de ce remède... » (L. IX.)
Platon ne croit pas qu'un homme injuste le soit volontaire-
ment, « parce que personne ne consent à loger chez soi les plus
grands maux qui soient au monde, bien moins encore dans la
partie précieuse de lui-même, » l'âme... « Le méchant et qui-
conque nourrit le mal dans son âme est digne de pitié, mais il
faut surtout réserver cette pitié pour celui qui laisse quelque
espoir de guérison, » agissant avec beaucoup de douceur et de
fermeté tout à la fois.
Un défaut capital, que l'homme apporte en naissant et qui
devient trop ordinairement le générateur des pires injustices, est
Vamour-propre, l'amour excessif de soi-même (L. V ) . C'est une
forme de l'égoïsme, ou plutôt c'est l'égoïsme lui-même, grand
obstacle aux manifestations de la vie sociale régulière. Nous en
avons une trop évidente démonstration à l'heure actuelle, chez
nous, dans cette exubérance de vanités si caractéristique, alliée
à l'ignorance et au dédain de scrupules que découvre la menta-
lité de nos politiciens, foyers de décadence des caractères par
l'immoralité, écoles de véritable criminalité occulte, bien souvent.
Athènes vit éclore chez elle de ces dangereuses mentalités, au
cours de la guerre du Péloponèse (relire Thucydide).
Le défaut s'associe à d'autres qui, d'après les lois, constituent
les trois sources l'es plus immédiates des manquements (L. IX).
La première que Platon désigne sous les noms de colère,
crainte et chagrin, et qui mériterait mieux le nom de passions
violentes ou déprimantes : « Que ce soit une affection ou une
partie de l'âme..., de sa nature aisée à irriter, difficile à apaiser...,
toujours dépourvue déraison; »
La seconde, qui consiste dans le goût du plaisir et « les autres
désirs de cette nature » et qu'on pourrait appeler l'appétit des
jouissances, « exerçant sur l'âme son empire avec une force d'un
caractère tout opposé à la colère, l'engageant par une tromperie
mêlée de violence à faire tout ce qu'il lui suggère ; »
r
£> A. Corre. — PLATON C R I M I N A L I T E 29
1
L ' i g n o r a n c e e s t le f a c t e u r p r i n c i p a l d e l'erreur e t d e l a faute d a n s le b o u d -
d h i s m e . L e c h r i s t i a n i s m e , au contraire, parait s'en a c c o m m o d e r ( H e u r e u x les
p a u v r e s d'esprit, le r o y a u m e d u Ciel e s t à e u x ! ; . Catholiques et protestants dai-
g n e n t aujourd'hui r e c o n n a î t r e q u e l q u e u t i l i t é à la s c i e n c e , à la c o n d i t i o n qu'ils
la p u i s s e n t a s s e r v i r à l e u r s f a ç o n s d e p e n s e r . L e u r s a d v e r s a i r e s s o n t e n t r a i n
d'essayer u n e t r a n s f o r m a t i o n de la S c i e n c e en religion n o u v e l l e indépendante !
Pauvre science ! C o m m e n t sagesse h u m a i n e et vérité arriveront-elles à se
concilier
30 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
M ê m e dans le cas de m e u r t r e par c o l è r e du p è r e o u d e la m è r e p a r leur
e n f a n t , si la v i c t i m e a p a r d o n n é a v a n t d e m o u r i r , la p e i n e a c c o m p l i e , l e m e u r -
trier, frappé s e u l e m e n t c o m m e auteur d'un crime involontaire, « sera déclaré
i n n o c e n t ».
D'A. Corre. — PLATON CRIMINALISTE 31
1
P l a t o n ne recule pas devant les corrections manuelles et les coups de fouet. A
considérer le caractère de certains délinquants incorrigibles, on est tenté d e
r é p u d i e r l e s s e n t i m e n t s d'un h u m a n i t a r i s m e qui t o m b e n t d a n s la sensiblerie p a r
trop naïve. L'animal d o m e s t i q u e c o m p r e n d m i e u x la valeur d'une correction de
c e t t e e s p è c e a p r è s u n e f a u t e c o m m i s e , q u e t o u t a u t r e . . . a r g u m e n t . Il e s t d e s
b r u t e s à figure d ' h o m m e m o i n s i n t é r e s s a n t e s q u e l ' a n i m a l , e t d e v a n t d e p a r e i l s
types on ne trouve pas de critique sérieuse à adresser aux Anglais, pour avoir
repris, dans les prisons, l'emploi correctif du fouet.
32 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
L e s a n i m a u x p r a t i q u e n t l ' e n t r ' a i d e ( K r o p o t k i n e , l'Entr'aide, un facteur de
l'Evolution). L ' h o m m e a c r u m o n t r e r uile s u p é r i o r i t é e n la r e m p l a ç a n t par l'as-
s i s t a n c e ; j e n e p e n s e p a s q u e l'évolutiori sociale y a i t g a g n é autant qu'on l e
suppose.
1
Signalons en passant une page qu'on aurait avantage à relire de n o s jours, à
p r o p o s d e s a v o c a t s . C e r t e s , n o b l e e s t la p r o f e s s i o n e t elle c o m p t e u n grand
n o m b r e d ' h o m m e s é m i n e n t s qui l'honorent. Mais elle a aussi ses déchets. A
vingt-trois s i è c l e s de d i s t a n c e , la p r o f e s s i o n d é c o u v r e l e s m ê m e s t r a v e r s . Elle
38 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
Allusion à des habitudes sexuelles que l'opinion réprouvait, peut-être assez
m o l l e m e n t et contre lesquelles Platon ne fulmine guère d'indignations v é h é m e n t e s .
- A B r e s t , il e s t f r é q u e n t d ' e n t e n d r e d e s é c h a n g e s d e t r è s m a u v a i s p r o p o s , d e
v o i r d e s é c h a n g e s de t r è s m a u v a i s c o u p s , s u r la v o i e p u b l i q u e , e n t r e a d o l e s -
c e n t s o u e n t r e h o m m e s m û r s : la f o u l e s ' a m a s s e , o n rit, p e r s o n n e n ' i n t e r v i e n t ,
p a s m ê m e la police. A u x E t a t s - U n i s , o n l y n c h e d e s nègres surpris en p o s t u r e
irrespectueuse vis-à-vis de femmes blanches, et tout récemment, dans un train
d e c h e m i n d e fer, u n j e u n e h o m m e qui v e n a i t de faire p r e u v e d'insolence à
40 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
N o u s avons toujours des devins et devineresses, tireuses de cartes et diseuses
de b o n n e aventure, mais qui tendent à prendre c o m m e u n couvert scientifique
sous le n o m d e m é d i u m s . Ce sont bien, très f r é q u e m m e n t , d e s intermédiaires o u
des agents immédiats d e délictuosité.
2
On a encore chez nous des jeteurs de sorts s u rl e s bêtes et sur les récoltes,
et, e n t e m p s d ' é p i d é m i e s , d a n s n o s c a m p a g n e s , o n m u r m u r e q u e l e m é d e c i n o u
quelquefois le prêtre o n t jeté u n m a u v a i s sort s u r l e p a y s o u e m p o i s o n n é l e s
fontaines.
3
C o m p a r e r a v e c n o s a n c i e n n e s o r d o n n a n c e s s u r les Magiciens. Devineurs el
Pronostiqueurs (Code de la Police, p a r M . D . . . , P a r i s , 1767, p . 84).
42 MÉMOIRES ORIGINAUX
sera puni pour le meurtre de cet esclave comme il l'eût été pour
celui d'un citoyen. »
Le parricide volontaire est le plus exécrable des forfaits. Le
coupable sera puni de la mort, par la main du bourreau public,
« son cadavre jeté nu hors de la ville, dans un carrefour désigné
pour cela : tous les magistrats, au nom de l'Etat, portant chacun
une pierre à la main, la jetteront sur la tête du cadavre et puri-
fieront ainsi tous les citoyens », car un pareil crime, odieux k la
divinité, souille toute la cité. Le corps sera ensuite porté hors
des limites du territoire et abandonné sans sépulture.
c) Meurtre de soi-même ou suicide (L. IX) : L'antiquité a eu
sur cet acte des idées plus justes que nos sociétés chrétiennes.
Elle n'a pas couvert de blâme le suicide quand il ne se rattachait
à aucun mobile avilissant, et même, sous les couleurs historiques,
elle l'a plus d'une fois présenté à l'admiration de tous. Mais avec
le dogme catholique de la soumission passive et absolue à la loi,
1
déclarée divine , associée à des raisons d'intérêts de castes moins
avouables (toute unité humaine étant de bon rapport pour le
prêtre, le seigneur féodal ou le roi), l'acte a été stigmatisé : on
a osé le déclarer une lâcheté, alors même qu'il découvrait la réso-
lution la plus courageuse. On l'a puni par un opprobre rétro-
spectif. Notre ancien code monarchique ordonnait de traîner nu,
sur une claie, le cadavre du suicidé à travers les rues, et de le
jeter ensuite à la voirie, spectacle plus répugnant que préventif
d'une imitation et qui choquait nos moeurs dès la fin du
e
xvii siècle. Platon ne condamne pas le suicide provoqué par une
grande désespérance, « par un malheur affreux », par un mal
insupportable, etc. ; il réserve la réprobation pour l'acte résultant
d'une faiblesse morale indigne du citoyen, d'une lâcheté extrême.
« Les dieux seuls savent quelles sont les cérémonies nécessaires
pour l'expiation du crime et la sépulture du coupable. » Les plus
proches parents se conformeront aux décisions des interprètes
des lois. Le suicidé sera enterré nu, dans un lieu à part, choisi
en quelque endroit inculte et ignoré dans les confins du territoire,
1
II y a c e p e n d a n t d e s f a i t s o ù l a c a s u i s t i q u e fléchit d e m a n i è r e a s s e z e m b r e -
rassée... et plaisante. Par exemple, celui de sainte Apolline, se jetant volontai-
r e m e n t d a n s l e s flammes d ' u n b û c h e r p o u r m o n t r e r à s e s b o u r r e a u x q u ' e l l e n'a
point peur de leurs menaces.
D' A. Corre. — PLATON CR1M1NALISTE 49
1
D a n s ( a République, P l a t o n a\'ait s u p p r i m é l a p r o p r i é t é i n d i v i d u e l l e .
CONCLUSIONS
En résumé :
Platon part d'une conception du crime et du criminel, peut-
être trop généralisée, mais vraie dans un grand nombre de cas,
conception qui a aujourd'hui sa place dans les théories crimina-
listes, avec une meilleure délimitation, grâce à une accumulation
d'observations scientifiques, ignorées ou méconnues au cours
d'une longue période de siècles.
Le crime est une maladie et le criminel un malade.
Il faut d'abord s'assurer de la curabilité ou de l'incurabilité de
la maladie et du malade.
Cette recherche révèle chez Platon la préoccupation d'une
autre conception, elle aussi dominante à notre époque, celle d'un
objectif d'utilité sociale à atteindre dans la solution.
Si le malade peut être ramené à un état normal, il sera rendu à
la société comme un membre utile. Il importe de lui appliquer
les remèdes. nécessaires pour prévenir le mal et le guérir, en
s'adressant aux causes principales, parmi lesquelles il convient
de reconnaître l'ignorance. L'Education n'a pas réussi à empêcher
la déviation : c'est que, sans doute, elle a été insuffisante. On
répétera aux défaillants les leçons sur le juste et l'injuste; on
s'efforcera de leur faire comprendre les conséquences de l'un et
de l'autre ; on insérera ces leçons dans la loi et l'on arrêtera son
application à l'impression produite sur l'esprit du coupable, s'il
offre une pareille preuve d'amendement possible, et laisse ainsi
l'espoir d'une entière réformation.
Mais le tort causé exige toujours une réparation équivalente,
par l'amende pécuniaire.
Si le malade est incurable, que faire ?
Un criminel non transformable est une charge et pour l u i -
52 MÉMOIRES ORIGINAUX
même et pour les autres, pour lui-même qui doit souffrir d'une
affection de l'âme, susceptible de lui attirer les pires désagré-
ments, et surtout pour les autres ; il est, dans le milieu, un foyer
de nuisance et un fover de nuisance ravonnant par le mauvais
exemple. L'Etat a le droit et le devoir de se défendre, en s'en
débarrassant, tantôt par l'expulsion hors du territoire, tantôt et
plus sûrement par la mort. L a mort est le moyen de suppression
radicale : elle délivre la République d'un danger très réel, et un
malheureux d'une existence très lourde.
C'est une façon... philosophique de concilier la pitié avec
l'utilité !
Ici apparaît la doctrine du châtiment et, avec elle, commencent
des excès et des contradictions que nos législations, même les
plus modernes, n'ont pas toujours su éviter, au moins dans une
mesure désirable.
Pourquoi le châtiment — la peine corporelle unie à la peine
morale — infligé à un malade? Pourquoi ces hors-d'œuvre de
souffrances ajoutés à l'expiation suprême, après cette déclaration
qu'on doit supprimer un malade incurable dans un but de simple
préservation sociale... avec une idée d'hypocrite apitoyance à
l'égard de l'anormal.
C'est que, sur le principe utilitaire, viennent se greffer des
influences fâcheuses et détestables.
Les unes issues de la philosophie métaphysique, les autres de
la philosophie religieuse.
Le libre arbitre, avec la responsabilité — question insoluble ou
résolue par la négative devant le rationalisme — conduit à la
recherche d'une proportion de la peine à la faute.
L'autorité divine, à laquelle on prétend faire remonter la loi,
en même temps qu'elle exige la punition d'un attentat comme
une faute grave à son égard, rappelle à l'homme l'expiation qui
l'attend dans une autre vie. Le mysticisme conduit au symbo-
lisme des peines, amène au talion des sauvages, entraîne aux excès
les plus atroces du fanatisme et, sous l'étiquette païenne comme
sous l'étiquette catholique, les codes nous offrent le tableau des
plus abominables aberrances chez les législateurs.
Puis se dresse la nécessité de l'exemple ! Il y a lieu d'impo-
ser aux mauvais et aux vacillants la crainte du châtiment, si l'on
D* A. Corre. — PLATON CRIMINALISTE 53
1
L'autorité désirable, impersonnelle, collective, constituée de manière à ne
pouvoir être c a p t é e ni par des individualités, ni par des g r o u p e m e n t s
d'individualités, castes, classes, catégories quelconques.
L > Souza-Valladares. — L E SERVICE D'IDENTIFICATION E N PORTUGAL 55
NOTE
sur l'organisation du S e r v i c e d'identification en Portugal
Par le D ' .SOUZA-VALLADARES
L'ACCROISSEMENT DE LA CRIMINALITÉ
Par A . L A C A S S A G N E
;. L e s l o i s r é p r e s s i v e s , p r é c i s é m e n t p a r c e q u ' e l l e s f o r m e n t la p a r t i e e s s e n -
t i e l l e m e n t v a r i a b l e e t p r o g r e s s i v e d e la l é g i s l a t i o n , d o i v e n t d e m e u r e r e n
c o n t a c t p e r m a n e n t , e n rapport intime et i m m é d i a t a v e c l e s m o u v e m e n t s
d e l à c i v i l i s a t i o n . O r , n o t r e c i v i l i s a t i o n é t a n t a s s e z a v a n c é e p o u r q u e la
p e i n e d e mort n e s o i t plus n é c e s s a i r e , et partant pour qu'elle n e soit plus
l é g i t i m e , c ' e s t a u n o m d e l ' h u m a n i t é qu'il f a u t q u ' e l l e d i s p a r a i s s e . E s t - i l
une réformé plus urgente?
• La p e i n e d e m o r t , i s s u e d e s siècles d e barbarie, e s t u n anachronisme;
l ' h i s t o i r e l a c o n d a m n e , l e j u r y l ' é c a r t é , l a j u s t i c e e t l ' h u m a n i t é la r e j e t t e n t ,
l'expérience et l e s statistiques démontrent qu'elle e s t inutile et inefficace;
m a i s surtout elle e s t irréparable, ce qui e s t assez pour qu'elle n e soit pas
a p p r o p r i é e à la j u s t i c e d e s h o m m e s .
L ' h e u r e e s t enfin v e n u e d e f a i r e d i s p a r a î t r e d e n o t r e s y s t è m e r é p r e s s i f
d e s t e x t e s q u e la c o n s c i e n c e p u b l i q u e r é p r o u v e , u n e p e i n e q u i c o n s t i t u e
u n e cruauté injustifiable, survivance d u p a s s é , dernière trace sanglante de
la l o i d u talion.
« P o u r q u o i , s ' é c r i a i t L a m a r t i n e , c o n t i n u o n s - n o u s à p r é c o n i s e r la m o r t
c o m m e u n d o g m e , l'échafaud c o m m e un autel, l e bourreau c o m m e un
expiateur public?
« L e s l o i s s a n g l a n t e s e n s a n g l a n t e n t l e s m œ u r s ; l ' é c h a f a u d n ' e s t p a s et
n é p e u t p a s ê t r e l a d e r n i è r e r a i s o n d e la j u s t i c e . »
En v o u s d e m a n d a n t d'abolir la p e i n e de m o r t , n o u s a v o n s la c o n v i c t i o n
i n t i m e q u e n o u s v o u s c o n v i o n s à u n e réforme qui sera l'honneur d e votre
législature, e n m ê m e t e m p s qu'elle sera un h o m m a g e rendu au progrès
moral d e la France.
PROJET DE LOI
A R T I C L E P R E M I E R . — La p e i n e d e m o r t e s t a b o l i e , e x c e p t é d a n s l e c a s o ù
elle e s t édictée par l e s Codes de j u s t i c e militaire pour l e s crimes commis
en temps de guerre.
A R T . 2 . — Elle e s t remplacée par la peine d e l'internement perpétuel.
A R T . 3. — L e s articles 1 2 , i 3 , 1 4 , 2 5 et 2 6 d u Code pénal sont abrogés.
L e s articles 1 2 et i 3 du Code pénal sont r e m p l a c é s par l e s dispositions
suivantes :
« A r t . 12. — T o u t c o n d a m n é à l ' i n t e r n e m e n t p e r p é t u e l s u b i r a d'abord
s i x a n n é e s d e c e l l u l e d a n s la m a i s o n d e f o r c e o ù i l s e r a d é t e n u .
« A r t . i 3 . — S i p e n d a n t la d u r é e d e sa p e i n e , l e c o n d a m n é à l ' i n t e r n e -
m e n t p e r p é t u e l c o m m e t u n e infraclion e m p o r t a n t l'application d'une peine
c r i m i n e l l e , il s e r a c o n d a m n é à l ' e n c c l l u l e m e n t p e r p é t u e l . »
A R T . 4 . — L'article 2 7 d u C o d e p é n a l e s t m o d i f i é a i n s i qu'il s u i t :
« Art. 2 7 . — Si u n e f e m m e condamnée à l'internement perpétuel déclare,
e t s'il e s t v é r i f i é q u ' e l l e e s t e n c e i n t e , e l l e n e s u b i r a l ' e n c e l l u l e m e n t q u ' a -
p r è s sa délivrance. »
A R T . 5 . — U n règlement d'administration publique déterminera les c o n -
d i t i o n s d ' o r g a n i s a t i o n du t r a v a i l , fixera l e r é g i m e i n t é r i e u r d e s m a i s o n s d e
f o r c e s p é c i a l e s d a n s l e s q u e l l e s sera s u b i l ' i n t e r n e m e n t p e r p é t u e l , d é -
t e r m i n e r a l e s l i e u x 011 s e r o n t é t a b l i e s l e s d i t e s m a i s o n s e t fixera t o u t e s
les m e s u r e s propres à assurer l'exécution e t l'application de la présente
loi.
68 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
Cet article e s t le début d'un livre, qui e s t a c t u e l l e m e n t sous presse, e t qui v a
paraître sous le m ê m e titre dans la Bibliothèque de Criminologie (A. Maloine,
éditeur, Paris).
A. Bertrand. — L E MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE
REVUE CRITIQUE
LE MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE
R
A l f r e d M A R S H A L L , Principes d'économie politique. — D WAYNEAUM, la
Physionomie humaine. — J . G R A S S E T , Introduction physiologique à
l'étude de la philosophie.
I . Q u e l r a p p o r t p e u t - i l e x i s t e r e n t r e l ' é c o n o m i e p o l i t i q u e e t la
p s y c h o l o g i e ? C ' e s t u n e q u e s t i o n q u e n e se p o s e r o n t p a s c e u x q u i o n t
é t u d i é l ' œ u v r e d e G a b r i e l T a r d e ; m a i s si l ' o n p e u t f a i r e la p s y c h o -
logie d e l'économie politique, c o m m e d e t o u t objet d e l'activité intel-
l e c t u e l l e d e l ' h o m m e , o n p e u t n é a n m o i n s se d e m a n d e r si l ' é c o n o m i e
p o l i t i q u e , c o m m e telle e t p r i s e e n s o i , p e u t a p p o r t e r q u e l q u e s
l u m i è r e s à la p s y c h o l o g i e p r o p r e m e n t d i t e . O n n ' e n d o u t e r a p a s si o n
lit avec a t t e n t i o n les Principes d'économie politique d u professeur de
C a m b r i d g e Alfred M a r s h a l l , r é c e m m e n t t r a d u i t s p a r M . S a u v a i r e
1
J o u r d a n , p r o f e s s e u r à l ' U n i v e r s i t é d e B o r d e a u x . N o n q u e l ' a u t e u r soit
s y s t é m a t i q u e m e n t p s y c h o l o g u e : s ' i n s p i r a n t d u c< g é n i e d e C o u r n o t », il
s e r a i t p l u t ô t e n c l i n à f o r m u l e r sa p e n s é e e n s y m b o l e s m a t h é m a t i q u e s
o u p l u t ô t ( c a r s o n o u v r a g e est loin d e r e s s e m b l e r a u x Eléments d'éco-
nomie politique d e M . L . W a l r a s , e x c e l l e n t o u v r a g e , m a i s h é r i s s é d e
f o r m u l e s e t q u i r e s s e m b l e t r o p à u n t r a i t é d ' a l g è b r e ) , à la r é s u m e r
sous forme de diagrammes qui parlent aux yeux en m ê m e temps qu'à
l ' e s p r i t . S a p s y c h o l o g i e n ' e n est q u e p l u s d é g a g é e d e s s o l u t i o n s t r a d i -
t i o n n e l l e s , p l u s s c i e n t i f i q u e e t p l u s a t t a c h a n t e . V o i c i , j e c r o i s , le lien
f o r t é t r o i t q u i e n fait p r e s q u e u n e b r a n c h e d e la p s y c h o l o g i e : c'est u n e
a b s t r a c t i o n , Yhomo leconomicus, q u e l e s é c o n o m i s t e s o n t p r e s q u e
toujours e n vue ; mais c'est l'homme en chair et en os, avec des besoins
e t d e s d é s i r s , c e s o n t m ê m e ces b e s o i n s e t c e s d é s i r s s e u l s q u i s o n t les
s t i m u l a n t s e t les v é r i t a b l e s m o t e u r s d e t o u t e a c t i v i t é é c o n o m i q u e .
D ' a u t r e p a r t , le p s y c h o l o g u e m e s u r e m a l a i s é m e n t la force d ' u n b e s o i n ,
l ' é n e r g i e d ' u n d é s i r . O n s a i t q u e t o u t e u n e s c i e n c e , la p s y c o p h y s i q u e
a é t é c o n s a c r é e p a r F e c h n e r à m e s u r e r l e s s e n s a t i o n s p a r le m o y e n ,
i n d i r e c t , d e la m e s u r e d e s excitations. C e q u ' o n r e m a r q u e m o i n s ,
p e u t - ê t r e p a r c e q u e le fait e s t p l u s familier e t p l u s é v i d e n t , c'est q u e
1
L'ouvrage porte en anglais le litre de Principles of Economies. I! a eu
quatre éditions. Sa traduction française est faite sur la quatrième édition
anglaise, où il est tenu compte de nombreuses corrections manuscrites envoyées
par l'auteur au traducteur. Elle comprendra deux volumes; le premier tome
seul a paru (V. Giard et F. Brière, éditeurs).
76 REVUE CRITIQUE
l ' é c o n o m i e p o l i t i q u e n o u s f o u r n i t aussi u n e m e s u r e q u a n t i t a t i v e d e la
force, d e l ' é n e r g i e d e ces p h é n o m è n e s affectifs. « L ' a v a n t a g e q u e
l ' é c o n o m i e p o s s è d e s u r l e s a u t r e s b r a n c h e s d e la s c i e n c e sociale
s e m b l e t e n i r a u fait q u ' e l l e s ' o c c u p e s u r t o u t d e d é s i r s , a s p i r a t i o n s e t
a u t r e s affections d e l a n a t u r e h u m a i n e q u i se m a n i f e s t e n t a u d e h o r s
c o m m e m o b i l e s d ' a c t i o n s , d a n s d e s c o n d i t i o n s t e l l e s q u e l e u r force e t
l e u r q u a n t i t é p e u v e n t ê t r e m e s u r é e s avec q u e l q u e e x a c t i t u d e , e t q u i ,
p a r s u i t e , se p r ê t e n t p a r t i c u l i è r e m e n t à ê t r e é t u d i é e s p a r d e s p r o c é d é s
s c i e n t i f i q u e s . » L e p s y c h o l o g u e n e p o u r r a i t définir s a n s s o r t i r d e sa
science d e u x p l a i s i r s égaux,' l ' é c o n o m i s t e le t i r e d ' e m b a r r a s e n c o n -
statant q u e , toutes choses égales d'ailleurs, d e u x plaisirs peuvent
être appelés égaux q u a n d , p o u r les atteindre, u n h o m m e consentira
u n m ê m e sacrifice d ' a r g e n t o u d e t r a v a i l .
L'économiste mesure donc u n état mental comme chacun de nous,
p s y c h o l o g u e s a n s l e s a v o i r , l e fait d a n s la v i e o r d i n a i r e , mais il le
m e s u r e s y s t é m a t i q u e m e n t e t s c i e n t i f i q u e m e n t . I l p l o n g e ainsi d a n s
n o t r e i n c o n s c i e n t l e p l u s m y s t é r i e u x , c a r il sait t o u t le p r e m i e r q u e
ces c o m p a r a i s o n s et c e s p r é f é r e n c e s n e s o n t p a s g é n é r a l e m e n t le
r é s u l t a t d ' u n e réflexion o u d ' u n c a l c u l . L e s é c o n o m i s t e s n ' o n t p a s ,
c o m m e o n affecte parfois d e l e c r o i r e , d e s s t a t i s t i q u e s e t d e s chiffres
à la p l a c e d u c œ u r . Q u ' u n C a r l y l e e t u n R u s k i n l e s a c c a b l e n t d e l e u r
dédain o u de leurs railleries sous prétexte q u e leur science n'envisage
pas d'autre mobile q u e l'âpre désir de la richesse et n'inculque p a s
d ' a u t r e s m a x i m e s q u e celle d ' u n é g o ï s m e s o r d i d e , c'est u n e e r r e u r o u
u n e c a l o m n i e : Y économique s p é c u l e s u r l ' h o m m e t o u t e n t i e r . L ' a v a r e
l u i - m ê m e e s t m a l c o m p r i s d e s p s y c h o l o g u e s ; il e n t a s s e , d i s e n t - i l s ,
p o u r e n t a s s e r , t h é s a u r i s e p o u r t h é s a u r i s e r ; mais l e s é c o n o m i s t e s , s a n s
r é h a b i l i t e r l ' a v a r i c e , v o u s m o n t r e r o n t p a r mille e x e m p l e s t i r é s d e
l e u r s c i e n c e q u e « l ' h a b i t u d e d e faire u n e c h o s e s u r v i t a p r è s q u e le
b u t a c e s s é d ' e x i s t e r » e t s u r t o u t q u e « la p o s s e s s i o n d e l a r i c h e s s e
d o n n e à ces g e n s u n s e n t i m e n t d e d o m i n a t i o n s u r l e u r s s e m b l a b l e s e t
l e u r a s s u r e u n e s o r t e d e r e s p e c t m ê l é d ' e n v i e d a n s l e q u e l ils t r o u v e n t
u n e a m è r e m a i s p u i s s a n t e s a t i s f a c t i o n ».
V o i c i u n e x e m p l e d ' u n e loi p s y c h o l o g i q u e t r o u v é e o u t o u t a u m o i n s
r e t r o u v é e et confirmée par l'économie politique. M . Marshall l'appelle
loi de satiété o u d e l'utilité décroissante e t la f o r m u l e ainsi : « L e
bénéfice s u p p l é m e n t a i r e q u ' u n e p e r s o n n e t i r e d ' u n e a u g m e n t a t i o n
donnée du stock d'une chose qu'elle possède, diminue à chaque aug-
m e n t a t i o n de ce stock. » L ' a s t r o n o m e Laplace avait d i t plus b r i è v e -
m e n t q u e la f o r t u n e m o r a l e n e c r o î t q u e c o m m e le l o g a r i t h m e d e la
f o r t u n e p h y s i q u e . E n t e n d e z q u e la j o u i s s a n c e o u l a satisfaction d ' u n
gain d e 1 . 0 0 0 f r a n c s , p a r e x e m p l e , s e r a s i n g u l i è r e m e n t p l u s faible
pour un millionnaire q u e p o u r u n pauvre diable. N o t r e a u t e u r évite
de p a r l e r d e l o g a r i t h m e s , m a i s il e s t clair q u e sa loi p e u t ê t r e s y m b o -
lisée p a r le d i a g r a m m e d e la p r o g r e s s i o n a r i t h m é t i q u e o u d e la s u i t e
A. Bertrand. — L E MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE 77
n a t u r e l l e d e s n o m b r e s o, 1 , 2 , 3, 4... o p p o s é e à l a p r o g r e s s i o n g é o m é -
t r i q u e 1, 10, 100, 1.000... C ' e s t d o n c l a loi d e F e c h n e r m o i n s sa f o r m e
m a t h é m a t i q u e . E t il e s t s i n g u l i è r e m e n t c u r i e u x e t i n s t r u c t i f d e la
r e t r o u v e r ainsi r a p p r o c h é e d e l a l o i , p u r e m e n t é c o n o m i q u e celle-ci,
de la tendance au rendement décroissant q u e l ' a u t e u r formule ainsi :
« L o r s q u e le c a p i t a l e t le t r a v a i l d é j à e m p l o y é s s u r u n t e r r a i n s o n t en
q u a n t i t é insuffisante p o u r p r o d u i r e t o u s l e u r s effets, u n e d é p e n s e
s u p p l é m e n t a i r e faite s u r c e t e r r a i n , alors m ê m e q u e les p r o c é d é s d e
culture n ' a u r a i e n t pas changé, d o n n e r a i t u n r e n d e m e n t plus que p r o -
portionnel. »
B i e n i n t é r e s s a n t e s aussi s o n t l e s c o n s i d é r a t i o n s p s y c h o l o g i q u e s
q u ' i n s p i r e n t à l ' a u t e u r le v ê t e m e n t e t l a p a r u r e . La p s y c h o l o g i e col-
lective p e u t r e c u e i l l i r c e t t e loi : « D a n s t o u s l e s r a n g s i n f é r i e u r s d e la
s o c i é t é o n voit a u g m e n t e r c o n s t a m m e n t , a u p o i n t de v u e de l a v a r i é t é
e t d u p r i x , ce q u e l a c o u t u m e e x i g e c o m m e minimum e t c e q u ' e l l e
t o l è r e c o m m e maximum. » D a n s les r a n g s s u p é r i e u r s , u n s i m p l e c o u p
d ' œ i l n o u s r é v è l e q u e , si l ' h a b i l l e m e n t d e s f e m m e s e s t v a r i é et coû-
t e u x , c e l u i d e s h o m m e s , en c o m p a r a i s o n d e c e q u ' i l était j a d i s e n
E u r o p e et d e ce qu'il e s t encore e n Orient, e s t e x t r ê m e m e n t simple,
uniforme e t peu cher. P o u r q u o i ? L'économiste en trouve cette raison
p s y c h o l o g i q u e : «. L e s h o m m e s q u i s o n t l e s p l u s d i s t i n g u é s p a r e u x -
mêmes o n t u n e aversion naturelle à attirer l'attention p a r leurs
v ê t e m e n t s e t ils o n t d o n n é l a m o d e . » L a s i m p l i c i t é e s t d o n c , c o m m e
la p a r u r e , affaire d e m o d e ; elle e s t e l l e - m ê m e u n e p a r u r e . E c o n o -
m i q u e m e n t p a r l a n t , d i r a i s - j e , si l e m o t n ' é t a i t i c i é q u i v o q u e et
p r e s q u e i r o n i q u e . « U n e f e m m e p e u t , d a n s ses v ê t e m e n t s , faire m o n t r e
d e s a r i c h e s s e ; m a i s , si elle s ' e n t i e n t l à , elle m a n q u e s o n b u t . » Il
faut, e n o u t r e , q u ' e l l e fasse p r e u v e d e d i s t i n c t i o n e t d e g o û t , q u ' o n
voie q u e son élégance est d ' u n a r t personnel e t n o n exclusivement de
l ' a r t d e s o n c o u t u r i e r . U n e f e m m e e s t c e n s é e , d a n s c e r t a i n e s classes,
a v o i r d e s loisirs, t a n d i s q u e l ' h o m m e e s t o c c u p é a u x affaires d u d e h o r s .
O n l u i fait d o n c u n d e v o i r d ' ê t r e belle o u d e v i s e r à l ' é l é g a n c e :
« S a v o i r c o m b i n e r d e s t o i l e t t e s belles p a r e l l e s - m ê m e s , v a r i é e s et
b i e n a p p r o p r i é e s à l e u r u s a g e , e s t u n o b j e t d i g n e d'efforts; il a p p a r t i e n t
à l a m ê m e classe q u e le t a l e n t d e p e i n d r e , t o u t e n n ' y o c c u p a n t p a s le
m ê m e rang. » Notre ingénieux économiste n e cherche pas l'épigramme
d a n s ce r a p p r o c h e m e n t avec l a p e i n t u r e .
Ce c o m p t e r e n d u d ' u n ouvrage d'économie politique peut sembler
b i e n f a n t a i s i s t e et i n c o m p l e t , m a i s j ' a i v o u l u s e u l e m e n t s i g n a l e r , d a n s
u n a u t e u r q u i fait a u t o r i t é , l ' a l l i a n c e t r è s é t r o i t e d e c e t t e s c i e n c e
a v e c l a p s y c h o l o g i e ; ce n ' e s t c e r t e s n i le seul ni le p r i n c i p a l , m a i s c'est
u n g r a n d é l é m e n t d ' i n t é r ê t d u l i v r e q u i v i e n t d ' ê t r e t r a d u i t ; il d o n n e
u n d é m e n t i f o r m e l a u m o t d e T h i e r s q u i délinissait l ' é c o n o m i e poli-
t i q u e « d e l a l i t t é r a t u r e e n n u y e u s e ». L ' é c o n o m i q u e t r o u v e r a i t f a v e u r
e t l e c t e u r s si o n l a définissait, c o m m e le fait M . M a r s h a l l . « u n e é t u d e
78 REVUE CRITIQUE
A l e x i s Bertrand.
BIBLIOGRAPHIE
MARCEL RÉJA, l'Art chez les Fous, le Dessin, la Prose, la Poésie, avec 26 des-
sins, Société du Mercure de France, 3 fr. 0 0 .
T o u r à t o u r , L o m b r o s o , N o r d a u , T o l s t o ï , le d o c t e u r T o u l o u s e , e t
t a n t d ' a u t r e s , i n s i s t e n t s u r le c a r a c t è r e m o r b i d e d e l ' a r t e t a p p a r e n t e n t
v o l o n t i e r s le g é n i e à la folie. M a i s l e u r s o p i n i o n s n e r e p o s e n t le p l u s
souvent que sur des préjugés p e r s o n n e l s .
M . M a r c e l R é j a , q u i a a c q u i s d a n s ce d o m a i n e scientifique s p é c i a l
u n e c o m p é t e n c e professionnelle, a pris, à leur source m ê m e , les carac-
t è r e s q u i se r e n c o n t r e n t chez d e v é r i t a b l e s m a l a d e s , p r o d u c t e u r s de
t e n t a t i v e s a r t i s t i q u e s ; e t , a v e c u n e m é t h o d e d o c u m e n t a i r e p r é c i s e , il
é t a b l i t les p o i n t s de r e p è r e q u i p e r m e t t r o n t d é j u g e r la q u a l i t é d ' a r t i s t e s
p l u s o u m o i n s s u s p e c t s de f o l i e .
C e l i v r e , a v e c ses é t r a n g e s e t c u r i e u s e s i l l u s t r a t i o n s , s ' a d r e s s e à
t o u s les l e c t e u r s a u x q u e l s il r é v é l e r a d e s a p e r ç u s d é c o n c e r t a n t s .
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES 83
SOCIÉTÉ D E M É D E C I N E L É G A L E D E F R A N C E •
Séance d'octobre 1907.
p a r u n m é l a n g e de v a p e u r de p é t r o l e e t d ' a i r , v o i t u r e à c a r r o s s e r i e
f e r m é e . U n e f e m m e e t d e u x j e u n e s filles f o n t d a n s c e t t e v o i t u r e u n
assez c o u r t t r a j e t , a p r è s d î n e r ; à l ' a r r i v é e , d e u x d ' e n t r e elles s o n t
d a n s u n é t a t d e confusion t e l , q u ' e n d e s c e n d a n t d e v o i t u r e , b i e n q u ' o n
l e s s o u t i e n n e , elles t o m b e n t ; la t r o i s i è m e e s t é v a n o u i e . Celle-ci était
atteinte d'une tuberculose pulmonaire, que l'intoxication aggrava au
p o i n t d ' e x i g e r s o n e n v o i d a n s u n s a n a t o r i u m . — R e s p i r a t i o n artifi-
cielle.— Amnésie de plusieurs heures. T i n t e m e n t s , vertiges, nausées.
La p é r i o d e d ' i n t o x i c a t i o n active avait é t é m o i n d r e q u ' u n e d e m i -
h e u r e : e n effet, e n c o u r s de r o u t e , les v o y a g e u s e s a v a i e n t d o n n é
un ordre au mécanicien, d'un ton parfaitement naturel ; et l'arrivée
a v a i t e u lieu m o i n s d ' u n e d e m i - h e u r e a p r è s . L e s t r o i s m a l a d e s a v a i e n t
oublié l'ordre donné au cocher ; leur période amnésique commençait à
ce m o m e n t , p o u r finir d a n s le c o u r a n t d e la n u i t .
L e v é h i c u l e l e u r a v a i t s e r v i m a i n t e s fois d é j à p o u r a c c o m p l i r le
m ê m e trajet, é g a l e m e n t t o u t e s v i t r e s f e r m é e s , s a n s l e m o i n d r e m a l a i s e .
M a i s r é c e m m e n t u n e m o d i f i c a t i o n a v a i t é t é faite à la c a r r o s s e r i e : u n
coffre a v a i t é t é placé à 40 c e n t i m è t r e s d e d i s t a n c e d u t u y a u d ' é c h a p p e -
m e n t d e s gaz p r o d u i t s d e la c o m b u s t i o n : d e s b a n d e s d u p l a n c h e r é t a i e n t
r e s t é e s d i s j o i n t e s , e t p a r les fissures p é n é t r a i e n t les g a z . P a r m i e u x
figurait Yoxyde de carbone. Sa p r é s e n c e fut c o n s t a t é e à l'aide d e
l ' a p p a r e i l d e M i c h e l L é v y e t A . P é c o u l , d a n s l ' i n t é r i e u r d e la v o i t u r e ,
t a n t à l ' é t a t d e d é p l a c e m e n t r a p i d e q u e s a n s d é p l a c e m e n t . — C e cas
n e s e m b l e p a s isolé ; l ' a u t e u r a v u p l u s i e u r s fois d e s m a u x d e t ê t e
c o ï n c i d a n t a v e c l e s m o m e n t s o ù le m o t e u r d ' u n a u t o m o b i l e « r e n d a i t
m a l », c ' e s t - à - d i r e , e n r é a l i t é , r e n d a i t t r o p .
Des cas d'intoxication par l'oxyde de carbone, dans des voitures
r
f e r m é e s , a v a i e n t é t é r a p p o r t é s déjà p a r le D M o t e t . L a s o u r c e d u gaz
r
é t a i t alors d a n s la chaufferette d e la v o i t u r e . — D G . DE C L É R A M B A U L T ,
M é d e c i n A d j o i n t d e l ' I n f i r m e r i e S p é c i a l e d e s A l i é n é s p r è s la P r é f e c -
ture de Police.
1
P . - S . — A la s é a n c e d u 1 0 j u i n 1 9 0 7 , le D ' C h a v i g n y , p r o f e s s e u r
a g r é g é a u V a l - d e - G r â c e , a fait r e s s o r t i r l ' i n t é r ê t c l i n i q u e d e s sillons
unguéaux laissés p a r les p é r i o d e s d e m a l n u t r i t i o n , e t la p o s s i b i l i t é d e
l e u r u t i l i s a t i o n e n m é d e c i n e l é g a l e . A ce s u j e t l e s n o m s d e B e a u e t d e
T i l l a u x o n t été r a p p e l é s . (Voir Progrès Médical, 2 7 j u i l l e t 1 9 0 7 . ) Il e s t
u n autre trouble unguéal qu'il nous paraît intéressant de rapprocher
du t r o u b l e en q u e s t i o n . Il c o n s i s t e e n stries blanches transversales,
r é s i d a n t à l ' i n t é r i e u r d e l'ongle, e t n e s ' a c c o m p a g n a n t d ' a u c u n e m o d i -
fication d u m o d e l é . L e m i c r o s c o p e m o n t r e q u ' e l l e s s o n t d u e s à des
couches d'air i n t e r p o s é e s e n t r e les c o u c h e s c o r n é e s . C e s s t r i e s o n t p u
ê t r e o b s e r v é e s à l ' é t a t de s a n t é ( M o r i s o n ) , p l u s i e u r s a u t e u r s , d o n t
V o g e i , les o n t c o n s t a t é e s chez des typhiques c o n v a l e s c e n t s . B i e l c h o w s k i
les a r e n c o n t r é e s d a n s u n cas d e névrite multiple, à l ' e x c l u s i o n d e s
a u t r e s t r o u b l e s p l u s h a b i t u e l s (friabilité, a s p e c t m a t , r a y u r e s , b o s s e -
86 REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
Ils s e d i v i s e n t e n d e u x v a r i é t é s : la p r e m i è r e c o m p r e n d l e s i n s t a b l e s
p u r s e t les i n s t a b l e s n é v r o p a t h e s ; la d e u x i è m e e s t faite d ' é l é m e n t s p l u s
i n q u i é t a n t s , q u ' i l i m p o r t e r a i t d e s é p a r e r d e l a m a s s e c o m m u n e e t d e la
v a r i é t é p r é c é d e n t e : elle d o i t r é u n i r les v i o l e n t s , l e s impulsifs, les
v i c i e u x . « P a r m i ces m a l h e u r e u x , d i t M. A b a d i e , n o u s a v o n t fait d e
bien tristes découvertes et nous avons eu sous les y e u x plus d'un masque
d e f u t u r c r i m i n e l . U n j e u n e l i b e r t a i r e d e d o u z e a n s e x p o s e à ses p e t i t s
c a m a r a d e s s e s c o n c e p t i o n s sociales, l e u r p r ê c h e l ' a n a r c h i e et t o m b e à
bras raccourcis s u r ceux q u e son é l o q u e n c e n e p e u t convaincre. U n
a u t r e t r a v a i l l e d a n s l e s p o c h e s e t l e s sacs d e s e s v o i s i n s e t , s o l i t a i r e ,
p r a t i q u e le v o l s a n s r e l â c h e m a l g r é les c o r r e c t i o n s l e s p l u s s é v è r e s . U n
t r o i s i è m e a f o n d é u n e a s s o c i a t i o n d e p e t i t s v o l e u r s q u i , s o u s ses o r d r e s
e t s u r s e s i n d i c a t i o n s , o p è r e e n ville e t v o l e , a u x d e v a n t u r e s d e s
m a g a s i n s , d e m e n u s o b j e t s d e s t i n é s à l e u r s j e u x . U n a u t r e enfin, affilié
à u n e s o c i é t é d e p é d é r a s t e s , fait c o m m e r c e d e ses f a v e u r s . »
1 r c
D Jude, aide-major de i' classe, les Dégénérés dans les bataillons d'Afrique
(Vannes, Le Beau).
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES 89
N e s o n t - c e p a s là les « a n o r m a u x a r r i é r é s m o y e n s » d e M . A b à d i e ,
e t , s'il y avait b e s o i n d'affirmer c e t t e i d e n t i t é , n o u s f e r i o n s r e m a r q u e r
q u e M . J u d e d i v i s e ces i n d i v i d u s e n « p a s s i f s » e t e n « a c t i f s » , q u i
c o r r e s p o n d e n t , les p r e m i e r s a u x « d é p r i m é s », l e s s e c o n d s a u x « a g i t é s
o u i n s t a b l e s » de M . A b a d i e .
d) D e s fous moraux, n o t r e j e u n e c a m a r a d e r a p p o r t e t r o i s c a s : l'un
d e ces a l i é n é s a d é s e r t é a p r è s u n vol p a r effraction ; u n a été l i b é r é ;
le d e r n i e r a é t é t u é d a n s u n e r i x e .
e) Trois dégénérés inférieurs o n t été réformés.
r
f) E n f i n le D J u d e d o n n e l ' o b s e r v a t i o n t r è s c o n c l u a n t e d ' u n
dégénéré épileptique.
L e s a n t é c é d e n t s d e ces i n d i v i d u s v i e n n e n t , d u r e s t e , confirmer
qu'il s'agit bien d ' a n o r m a u x .
P r è s de la m o i t i é a v o u e n t ê t r e fils d ' a l c o o l i q u e s . A l ' é c o l e , n o n sur-
v e i l l é s , ils o n t p r i s l ' h a b i t u d e d e m a n q u e r la c l a s s e e t fait la c o n n a i s -
s a n c e de c a m a r a d e s déjà v i c i e u x . « S o u v e n t o n se r é u n i t en b a n d e s
p o u r c o m m e t t r e d e p e t i t s vols à la d e v a n t u r e d e s m a g a s i n s ; le p r o d u i t
d e s l a r c i n s s e r t à a c h e t e r de l ' a b s i n t h e ; on s ' e n i v r e . D è s l'âge de treize
a n s , d a n s les g r a n d s c e n t r e s s u r t o u t , g a r ç o n s e t filles s o n t q u e l q u e f o i s
en m é n a g e , e t d e u x de n o s h o m m e s n o u s o n t a v o u é q u ' à q u a t o r z e a n s
ils é t a i e n t déjà s o u t e n e u r s d e fillettes u n p e u p l u s âgées et q u i ,
d i s a i e n t - i l s , t r a v a i l l a i e n t d a n s les v i e u x . »
P l u s t a r d , c'est « la vie de v a g a b o n d a g e , la r é u n i o n e n b a n d e s de
m a r a u d e u r s , les v o l s , la p r i s o n c o m m u n e o ù ils se s o u i l l e n t m o r a l e -
m e n t , c o n t r a c t a n t d e s h a b i t u d e s c o n t r e n a t u r e . Enfin, l ' a l c o o l i s m e ,
i n t o x i q u a n t l e u r c e r v e a u d é j à si t a r é . »
R é s u l t a t s : s u r u n d é t a c h e m e n t de 5 3 « j o y e u x » , M . J u d e e n a
c o m p t é 42 a y a n t des c o n d a m n a t i o n s d a n s la vie civile — 4 e n m o y e n n e
— e t 1 1 m i l i t a i r e s c o n d a m n é s p o u r d é l i t s de d r o i t c o m m u n !
T e l e s t le r é s u l t a t a u q u e l c o n d u i t l ' i n c u r i e d e la S o c i é t é à l ' é g a r d
d e s é c o l i e r s a n o r m a u x . Ils se d i r i g e n t f a t a l e m e n t v e r s les b a t a i l l o n s
d ' A f r i q u e , e n faisant de n o m b r e u s e s escales d a n s les p r i s o n s ! Il est
d o n c b i e n c e r t a i n q u e la S o c i é t é — t o u t e q u e s t i o n de s e n t i m e n t s et de
devoir mise de côté — aurait u n intérêt réel et considérable à enrayer
u n é t a t d e c h o s e s q u i n e fait q u ' e m p i r e r d ' a n n é e e n a n n é e . Il n o u s
r e s t e à e x p o s e r c o m m e n t ce b u t p o u r r a i t ê t r e a t t e i n t .
r
10 L e s e n f a n t s a n o r m a u x — e t le r e m a r q u a b l e r a p p o r t d u D J u d e
l'a m o n t r é u n e fois de p l u s — s o n t , p o u r la p l u p a r t , fils d ' a l c o o l i q u e s .
D e ce chef la r a c e est m e n a c é e assez g r a v e m e n t p a r l ' a l c o o l i s m e p o u r
q u e la l u t t e c o n t r e ce fléau d e v i e n n e n a t i o n a l e .
0
2 II e s t i n d i s p e n s a b l e d ' o r g a n i s e r le d é p i s t a g e des a n o r m a u x d a n s
l e s é c o l e s , de l e s s o i g n e r e t , p o u r cela, d e les p l a c e r : les a r r i é r é s p r o -
f o n d s d a n s les asiles et h o s p i c e s ; les m o y e n s et l é g e r s d a n s des classes
s p é c i a l e s ; les i n s t a b l e s et v i c i e u x d a n s des é t a b l i s s e m e n t s s p é c i a u x .
3 ° L e s m i n e u r s v a g a b o n d s é t a n t e n m a j o r i t é des a n o r m a u x , l ' e x a m e n
m é d i c a l d e ces d é l i n q u a n t s s ' i m p o s e c o m m e r è g l e e t n o n c o m m e
exception.
4° L e s a n o r m a u x s ' i n f i l t r e n t d a n s l ' a r m é e , s u r t o u t p a r la v o i e d e s
e n g a g e m e n t s v o l o n t a i r e s , a v e c la c o m p l i c i t é d e s p a r e n t s , soit q u ' i l s
e s p è r e n t q u e la d i s c i p l i n e m i l i t a i r e m a t e r a l e u r e n f a n t , s o i t q u ' i l s
v e u l e n t se d é b a r r a s s e r d ' u n ê t r e q u i l e u r c a u s e d e s difficultés, q u e l -
quefois des a p p r é h e n s i o n s .
r
R é s u l t a t s : le D J o u r d i n a m o n t r é q u e , d a n s u n r é g i m e n t d ' i n f a n -
t e r i e , il y a v a i t c o m m e d é s e r t e u r s 4,3p, °/ o p a r m i l e s a p p e l é s e t 8,i3
0
p a r m i l e s e n g a g é s , c ' e s t - à - d i r e le d o u b l e ; e t q u e l e s c o m p a r u t i o n s a u
C o n s e i l d e d i s c i p l i n e é t a i e n t d e 10,28 p o u r les a p p e l é s e t de 1 8 , 3 i
p o u r les e n g a g é s . D a n s u n r é g i m e n t d e c a v a l e r i e , l a p r o p o r t i o n d e s
d é s e r t i o n s é t a i t d e 11,00 p o u r les a p p e l é s , de 3 o , 6 3 p o u r les e n g a g é s ;
p o u r l ' e n v o i a u C o n s e i l d e d i s c i p l i n e , la f r é q u e n c e a é t é d e 8,28 p o u r
les a p p e l é s , d e 43,24 p o u r les e n g a g é s .
C o n s é q u e n c e : d a n s u n e c o m p a g n i e d e d i s c i p l i n e à effectif d e
r
431 h o m m e s , le D U z a c a c o m p t é 2 1 5 a p p e l é s e t 2 1 6 e n g a g é s .
Conclusions : dans l'intérêt de l'armée — c o m m e dans celui des
a n o r m a u x — il f a u t la d é f e n d r e c o n t r e les e n g a g e m e n t s v o l o n t a i r e s d e
c e u x - c i , e t p o u r cela e x i g e r — c o m m e le C o n g r è s d e s a l i é n i s t e s l'a
demandé, sur ma proposition — que tout candidat à l'engagement
v o l o n t a i r e soit p o r t e u r d ' u n c e r t i f i c a t m é d i c a l c o n s t a t a n t q u ' i l n ' e s t
a t t e i n t d ' a u c u n e affection n e r v e u s e o u m e n t a l e ;
5° M a l g r é c e t t e p r é c a u t i o n , m a l g r é le C o n s e i l d e r e v i s i o n , il c o n t i -
n u e r a à e n t r e r d a n s l ' a r m é e d e s a n o r m a u x . E n 1904, il e n a é t é r é f o r m é
s e
1.097 q u i d i v i s e n t ainsi : 194 a l i é n é s , i 5 8 i m b é c i l e s , 97 n e u r a s t h é -
n i q u e s , 376 é p i l e p t i q u e s , 272 h y s t é r i q u e s . E n r é a l i t é , le n o m b r e d e s
a n o r m a u x i n c o r p o r é s est p l u s c o n s i d é r a b l e , c a r il c o m p r e n d la p l u -
p a r t d e s « c a n d i d a t s a u x c o m p a g n i e s d e d i s c i p l i n e ». C o m m e d a n s
ces c o m p a g n i e s d e d i s c i p l i n e il y a, d ' a p r è s la s t a t i s t i q u e d e l ' a r m é e ,
h u i t fois et d e m i e p l u s d ' a l i é n é s q u e d a n s les r é g i m e n t s , il y a u r a i t
i n t é r ê t à r e c o n n a î t r e ces a l i é n é s a v a n t l e u r c o n d a m n a t i o n , à les d é -
pister au régiment m ê m e . Nous avons, pour cela, proposé u n m o y e n
s i m p l e . Il suffirait d e p r o f i t e r d e s p é r i o d e s d ' a p p e l c o m m e m é d e c i n s d e
r é s e r v e , d e s a l i é n i s t e s d e c a r r i è r e , p o u r f o r m e r a v e c les m é d e c i n s d e s
c o r p s d e t r o u p e u n e s o r t e d e c o m m i s s i o n m é d i c a l e q u i a u r a i t à se
p r o n o n c e r s u r la m e n t a l i t é d e s i n d i v i d u s a y a n t a t t i r é l ' a t t e n t i o n ,
soit par leur indiscipline, soit par leurs b i z a r r e r i e s .
E n d e r n i è r e a n a l y s e , si l ' o n v e u t t e n t e r d ' e n r a y e r c e t e x o d e d e s
a n o r m a u x , d e l ' é c o l e a u x c o r p s d ' é p r e u v e , il f a u t o r g a n i s e r à l ' é c o l e le
d é p i s t a g e d e ces m a l a d e s , les p l a c e r là o ù ils n e n u i r o n t p a s a u x a u t r e s
e n f a n t s e t p o u r r o n t g u é r i r ou t o u t au m o i n s s ' a m é l i o r e r .
E n o u t r e , il c o n v i e n d r a d e s o u m e t t r e à u n e x a m e n m é d i c a l les sol-
dats que leur façon d'être désigne c o m m e des c a n d i d a t s a u x c o m p a -
gnies de discipline.
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S S O C I É T É S S A V A N T E S 91
M . V A L L O N . — J e s u i s t o u t à fait de l ' a v i s d e M . . G r a n j u x ; n o t a m -
m e n t , je. c o n s i d è r e c o m m e p r é c i e u x à t o u s les p o i n t s d e v u e q u e l'on
u t i l i s e les p é r i o d e s d ' a p p e l des a l i é n i s t e s p o u r l e u r faire e x a m i n e r les
i n d i v i d u s s u s p e c t s de t r o u b l e s m e n t a u x . M o n a n c i e n i n t e r n e , l e
r
D P a c t e t , a y a n t fait v i n g t - h u i t j o u r s e n A l g é r i e , a p u e x a m i n e r des
h o m m e s a p p a r t e n a n t aux corps d'épreuves et aux ateliers de travaux
p u b l i c s . Il y a t r o u v é n o m b r e d ' a l i é n é s , e t l ' a u t o r i t é m i l i t a i r e lui a
p r o p o s é d e r e c o m m e n c e r de s u i t e u n e n o u v e l l e p é r i o d e d ' a p p e l .
Il y a u n i n t é r ê t de p r e m i e r o r d r e à e n t o u r e r , c o m m e l'a d i t
M . G r a n j u x , les e n g a g e m e n t s v o l o n t a i r e s d e p r é c a u t i o n s p o u r é c a r t e r
les i n d i v i d u s a t t e i n t s de t r o u b l e s m e n t a u x . Il f a u t aussi r é a g i r c o n t r e
le c o u r a n t d ' o p i n i o n q u i c r o i t q u e l a v i e m i l i t a i r e d o i t g u é r i r ces
malades. C'est une erreur désastreuse. J e viens de recevoir dans mon
s e r v i c e u n a l i é n é q u i a u r a i t é t é i n t e r n é q u a t r e fois, ce q u i n e l'a p a s
e m p ê c h é d e s ' e n g a g e r à la l é g i o n é t r a n g è r e , d ' o ù o n l'a é v a c u é , au
b o u t de h u i t j o u r s , s u r l'asile d e M a r s e i l l e , p u i s q u e l ' A l g é r i e n ' a pas
d'asile.!
M . G R A N J U X . — N o u s a v o n s s o u l e v é p o u r la p r e m i è r e fois c e t t e
question des aliénés militaires au Congrès des aliénistes et neurolo-
g i s t e s de M a r s e i l l e , à p r o p o s d u r a p p o r t d e M . T a t y , j e c r o i s , s u r les
a l i é n é s m é c o n n u s et c o n d a m n é s . U n p r e m i e r v œ u a été é m i s , e n v o y é
au M i n i s t r e , e t les c h o s e s s o n t r e s t é e s e n l ' é t a t . N o u s a v o n s r e p r i s ce
s u j e t au C o n g r è s de R e n n e s . N o u v e a u v œ u , t r a n s m i s e n c o r e a u M i n i s -
tre, e t t o u j o u r s avec m ê m e r é s u l t a t . Si j ' a i saisi n o t r e S o c i é t é de la
q u e s t i o n , c ' e s t n o n s e u l e m e n t p a r c e q u e sa v o i x s e r a m i e u x e n t e n d u e ,
m a i s a u s s i p a r c e q u e , a u j o u r d ' h u i , g r â c e a u x t r a v a u x de M M . A b a d i e ,
P a r a n t , J u d e , n o u s a v o n s t o u t e s les d o n n é e s d u p r o b l è m e e t q u ' i l est
d é m o n t r é q u ' i l s o n t b i e n o b s e r v é d a n s t r o i s m i l i e u x différents les
m ê m e s individus aux diverses étapes de l e u r évolution.
M . B R I A N D . — J ' a p p u i e c o m p l è t e m e n t t o u t ce q u ' a dit M . G r a n j u x ;
j e s u i s e n t i è r e m e n t de son avis, m a i s j e c r o i s q u ' u n des m o y e n s qu'il
p r é c o n i s e p o u r e m p ê c h e r les « d e m i - f o u s » d e c o n t r a c t e r u n e n g a g e -
m e n t v o l o n t a i r e ne d o n n e r a p a s g r a n d s r é s u l t a t s . J e v e u x p a r l e r d u
certificat m é d i c a l c o n s t a t a n t l ' é t a t m e n t a l d e ces i n d i v i d u s . Il n ' a u r a i t
d e v a l e u r r é e l l e q u e s'il é t a i t é t a b l i p a r d e s m é d e c i n s a y a n t l ' a u t o r i t é
c o m p é t e n t e . E t , d a n s ce c a s , c o m b i e n v o u d r o n t se p r o n o n c e r s u r des
individus vus dans leur cabinet pendant quelques moments?
M . G R A N J U X . — M . B r i a n d a r a i s o n , m a i s le certificat p o u r r a a r r ê t e r
les i n d i v i d u s à t r o u b l e s m a n i f e s t e s ; l ' a c t e d e le d e m a n d e r p o u r r a faire
h é s i t e r des p a r e n t s a v a n t de d o n n e r l e u r c o n s e n t e m e n t . II y a u r a i t u n
m o y e n p l u s c e r t a i n d e les e m p ê c h e r de se d é b a r r a s s e r de l e u r s e n f a n t s
par l ' e n g a g e m e n t . Quand, à son arrivée au corps, un engagé volon-
t a i r e est r é f o r m é , les frais d e r o u t e s o n t m i s à la c h a r g e d u c o m m a n -
d a n t de r e c r u t e m e n t q u i l'a e n g a g é . E h b i e n , p o u r q u o i , d a n s les cas
de m a l a d i e s n e r v e u s e s ou m e n t a l e s c o n f i r m é e s , de n o t o r i é t é p u b l i q u e ,
92 REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
les p a r e n t s q u i a u r a i e n t d o n n é l e u r c o n s e n t e m e n t e t t e n u c a c h é e l a
maladie de leur enfant, ne seraient-ils pas r e s p o n s a b l e s , pécuniaire-
m e n t , d e t o u t e s les d é p e n s e s faites p o u r l e u r fils j u s q u ' a u j o u r d e sa
r é f o r m e ? Si j e n e v o u s ai p a s p a r l é d e ce m o y e n , c ' e s t q u e sa mise e n
p r a t i q u e n é c e s s i t e r a i t u n t e x t e législatif, t a n d i s q u e t o u t e s les m e s u r e s
indiquées dans m o n travail sont immédiatement r é a l i s a b l e s .
M . B R I A N D . — C e s e r a i t l à u n m o y e n c e r t a i n e m e n t efficace, c a r l e s
p a r e n t s s o n t les c o u p a b l e s : c e s o n t e u x q u i e n g a g e n t l e u r s e n f a n t s , e t
n o n c e u x - c i q u i s ' e n g a g e n t . Il y a, e n effet, p a r m i l e s i n d i v i d u s d o n t
a p a r l é M . G r a n j u x , n o m b r e d ' a b o u l i q u e s . J ' e n ai u n d a n s m o n service
q u i n ' a p a s é t é e n g a g é p a r c e q u ' i l a é t é , a u m o m e n t d e signer, d a n s
l ' i m p o s s i b i l i t é d ' e x é c u t e r ce m o u v e m e n t . Il f a u t , à m o n s e n s , r é p a n d r e
le p l u s p o s s i b l e d a n s l e m o n d e m é d i c a l le t r a v a i l d e n o t r e collègue
Granjux, parce qu'il contribuera p u i s s a m m e n t à d é t r u i r e cette désas-
t r e u s e o p i n i o n , q u e la d i s c i p l i n e m i l i t a i r e r e d r e s s e t o u s c e s i n d i v i d u s
qu'on englobe vulgairement sous l'étiquette d e « demi-fous » e t à
e m p ê c h e r d e s confrères de conseiller cette s o l u t i o n désastreuse.
(Bull, mèd.)
Séance de d é c e m b r e 1 9 0 7 .
q u e le m é d e c i n c e r t i f i c a t e u r p r o d u i s e s o n r a p p o r t d é t a i l l é d a n s le
délai d e d e u x j o u r s . Q u e l m é d e c i n c o n s e n t i r a à u s e r d e la faculté q u e
lui d o n n e la loi, q u a n d il s a u r a q u ' e n n e p r o d u i s a n t p a s son r a p p o r t
d a n s les d é l a i s i m p a r t i s , il p e u t e n c o u r i r u n e p e i n e a l l a n t d e c i n q j o u r s
de prison et u n e a m e n d e de 5 o à 3.ooo francs.
E n r e v a n c h e , u n e m o d i f i c a t i o n q u i est u n p r o g r è s , c ' e s t l ' i n t e r v e n t i o n
d e la j u s t i c e , a u l i e u d e l ' a d m i n i s t r a t i o n p r é f e c t o r a l e , à l ' e n t r é e et à la
s o r t i e d e l'asile. C e t t e i n t e r v e n t i o n d e l a j u s t i c e s e p r o d u i r a , n o n p a s d a n s
la s o l e n n i t é d e la salle d ' a u d i e n c e , m a i s d a n s l ' i n t i m i t é d e la C h a m b r e
d u C o n s e i l . Ce s e r a , e n q u e l q u e s o r t e , u n C o n s e i l s u p é r i e u r de famille.
L a r é f o r m e la p l u s i n t é r e s s a n t e q u e c o n t i e n t l e p r o j e t d e loi est celle
r e l a t i v e a u x « a l i é n é s c r i m i n e l s ». L o r s q u ' u n i n d i v i d u , a y a n t c o m m i s
u n a c t e t o m b a n t s o u s l ' a p p l i c a t i o n de la loi p é n a l e , a u r a é t é , à r a i s o n
de s o n é t a t d ' a l i é n a t i o n m e n t a l e a u m o m e n t d e l ' a c t i o n , et p a r s u i t e
d'une déclaration d'irresponsabilité, l'objet d ' u n e o r d o n n a n c e ou d'un
a r r ê t d e n o n - l i e u , d ' u n j u g e m e n t ou d ' u n a r r ê t d ' a c q u i t t e m e n t , il s e r a
r e n v o y é d e v a n t le t r i b u n a l c i v i l p o u r ê t r e o r d o n n é s u r son i n t e r n e -
m e n t , s o i t d a n s u n é t a b l i s s e m e n t d ' a l i é n é s , s o i t d a n s u n asile o u
un q u a r t i e r de sûreté.
L e T r i b u n a l n ' e s t p a s t e n u d ' o r d o n n e r l ' i n t e r n e m e n t . Il le fera
l o r s q u e l ' é t a t d u m a l a d e s e r a d e n a t u r e à c o m p r o m e t t r e la s é c u r i t é , la
d é c e n c e o u la t r a n q u i l l i t é p u b l i q u e s , sa p r o p r e s û r e t é ou sa g u é r i s o n .
On p e u t s u p p o s e r u n individu e n état de d é m e n c e au m o m e n t de l'ac-
t i o n c r i m i n e l l e , d e v e n u inoffensif e t m ê m e g u é r i a p r è s q u e l q u e s m o i s
p a s s é s d a n s le c a l m e d e la d é t e n t i o n p r é v e n t i v e ; aussi le p r o j e t de loi
e x i g e - t - i l q u ' a v a n t d e s t a t u e r , le T r i b u n a l se r e n s e i g n e s u r l'état a c t u e l
d e c e l u i d o n t il a u r a à o r d o n n e r l ' i n t e r n e m e n t p a r u n e n o u v e l l e
expertise, q u i d e v r a être contradictoire e n t r e l'expert du T r i b u n a l et
c e l u i d e l ' i n t é r e s s é . L e m é d e c i n j o u e d o n c u n r ô l e i m p o r t a n t d a n s le
p r o j e t d e loi : il e s t l ' a u x i l i a i r e c o n s t a n t e t o b l i g a t o i r e d u T r i b u n a l p o u r
p e r m e t t r e l ' e n t r é e d a n s l'asile, la m a i n t e n u e e t la s o r t i e d e l ' a l i é n é .
M . V A L L O N . — C e t t e loi a u n vice r é d h i b i t o i r e p o u r n o u s , m é d e c i n s .
E l l e r e t a r d e le t r a i t e m e n t d u m a l a d e à s o n g r a n d d é t r i m e n t , e n a c c u -
m u l a n t les difficultés p o u r s o n e n t r é e d a n s u n a s i l e . Elle s ' i n s p i r e d e
la c r a i n t e i n s p i r é e p a r c e t t e c o n v i c t i o n r i d i c u l e q u e , si u n e p e r s o n n e
s a i n e p a s s a i t h u i t j o u r s d a n s u n asile, elle d e v i e n d r a i t folle. E n s o m m e ,
c'est u n e loi d é t e s t a b l e .
M . B R I A N D . — D é j à , à l ' h e u r e a c t u e l l e , o n n e t r o u v e p l u s q u e diffici-
lement des médecins osant signer un certificat d'internement. Je con-
nais u n h o m m e q u i a d û s ' a d r e s s e r à 41 m é d e c i n s a v a n t d ' e n t r o u v e r
u n q u i v o u l û t b i e n c o n s t a t e r la n é c e s s i t é d ' e n f e r m e r sa f e m m e , et il
s ' a g i s s a i t d ' u n c a s s i m p l e e t é v i d e n t ! A v e c la loi p r o p o s é e , v o u s
n e t r o u v e r e z p l u s d e m é d e c i n q u i v e u i l l e faire le r a p p o r t d e m a n d é .
M . V A L L O N . — E n s o m m e , la loi e s t f a i t e c o n t r e les aliénistes e t
t o m b e s u r les a l i é n é s . — G R A N J U X . (Bull, méd.)
NOUVELLES 95
NOUVELLES
L a v e r a n et le p r i x Nobel. — L e p r i x N o b e l d e m é d e c i n e a é t é
r
d é c e r n é a u D L A V E R A N . C'est u n h o n n e u r p o u r la m é d e c i n e française
et p l u s e n c o r e p o u r la m é d e c i n e m i l i t a i r e f r a n ç a i s e , à laquelle il a
a p p a r t e n u p e n d a n t d e l o n g u e s a n n é e s e t q u i n ' a p a s é t é p o u r l u i ce
qu'elle aurait d û être.
N é à S t r a s b o u r g e n 1845, L a v e r a n s u i v i t la c a r r i è r e p a t e r n e l l e e t
e n t r a à l'Ecole d e S t r a s b o u r g . Il y f u t i n t e r n e d e s h ô p i t a u x civils e n
1866 e t 1867.
E n 1874, il fut n o m m é p r o f e s s e u r a g r é g é a u V a l - d e - G r â c e , d a n s u n
c o n c o u r s r e s t é f a m e u x e t q u ' o n a a p p e l é le c o n c o u r s d e s trois / , ,
parce que les vainqueurs furent Lacassagne, Laveran, Lereboullet.
S o n t e m p s d ' a g r é g a t i o n é c o u l é , il d e m a n d a à s e r v i r e n Algérie e t
c'est d a n s le m o d e s t e l a b o r a t o i r e d e l ' h ô p i t a l m i l i t a i r e d e B ô n e q u ' i l
fit la d é c o u v e r t e q u i d e v a i t i l l u s t r e r s o n n o m : l ' h é m a t o z o a i r e d u
paludisme.
Si le rôle d e ce m i c r o b e e s t m a i n t e n a n t g é n é r a l e m e n t a c c e p t é , il
n ' e n fut p o i n t ainsi a u d é b u t , e t l ' o n n e s a u r a i t o u b l i e r la t é n a c i t é , la
p e r s é v é r a n c e , la foi q u ' i l fallut à ce m é d e c i n m i l i t a i r e à t r o i s g a l o n s ,
i g n o r é o u à p e u p r è s , p o u r faire p é n é t r e r d a n s l a s c i e n c e u n e d o n n é e
q u i d e v a i t r é v o l u t i o n n e r la p r o p h y l a x i e d u p a l u d i s m e .
Les h o n n e u r s l u i a r r i v è r e n t p a r la s u i t e : u n e c h a i r e de p r o f e s s e u r
a u V a l - d e - G r â c e l u i f u t a t t r i b u é e e n 1884. L ' A c a d é m i e d e m é d e c i n e
l ' a c c u e i l l i t e n 1893 e t l ' I n s t i t u t e n 1901.
La c a r r i è r e m i l i t a i r e d e L a v e r a n n e suivit p o i n t u n e m a r c h e p a r a l -
re
l è l e . Il n e d é p a s s a p a s le g r a d e d e m é d e c i n p r i n c i p a l de i classe e t
p r i t c o m m e t e l sa r e t r a i t e e n 1 8 9 7 , p a r c e q u e , d i t u n e l é g e n d e q u i
s e m b l e b i e n p r è s d e la v é r i t é , à c h a q u e c o m m i s s i o n d e c l a s s e m e n t
p o u r le g r a d e d ' i n s p e c t e u r il p e r d a i t d e s v o i x !
L ' I n s t i t u t P a s t e u r l u i o u v r i t ses l a b o r a t o i r e s et, d e p u i s l o r s , il s'est
a t t a c h é — avec le succès q u e l'on sait — à l ' é t u d e d e s t r i p a n o z o m e s e t
d e la t r i p a n o s o m i a s e .
L a c a r r i è r e q u e n o u s v e n o n s d e r e t r a c e r justifie c o m p l è t e m e n t c e t t e
appréciation d'Horace Bianchon, qui résume complètement notre
pensée :
« C ' e s t u n e b e l l e vie d e l a b e u r p r o b e , a u s t è r e , d é s i n t é r e s s é , p a t i e n t
96 NOUVELLES
et i n g é n i e u x q u e r é c o m p e n s e l e p r i x N o b e l . L e p r o f e s s e u r L a v e r a n
d e m e u r e r a l ' u n e d e s b o n n e s gloires m é d i c a l e s d e c e p a y s e t il n ' e s t
personne aujourd'hui, même parmi ceux q u e sa rudesse militaire n ' a
pas épargnés, qui n'accueille avec joie et respect l a distinction m a g n i -
fique e t p a r f a i t e m e n t m é r i t é e q u i v i e n t d e l u i é c h o i r e t d o n t l a F r a n c e
estfîère. » — GRANJUX. (Bull. mêd,).
Nominations :
Faculté de Droit de Lyon. — N o u s a v o n s l e p l a i s i r d ' a n n o n c e r a u x
r
l e c t e u r s d e s Archives, q u e n o t r e c o l l a b o r a t e u r e t a m i , le D E d m o n d
L O C A R D a é t é r e ç u l i c e n c i é é n d r o i t , à la fin d e l ' a n n é e u n i v e r s i t a i r e .
r
Faculté de médecine de Cagliari. — M . le D C . B I O N D I , p r o f e s s e u r
extraordinaire de médecine légale, est n o m m é professeur ordinaire.
r
Ecole supérieure de médecine de Florence. — M . le D A T T I L I O
C E V I D A L L I , p r i v a t - d o c e n t à la F a c u l t é d e m é d e c i n e d e M o d è n e , e s t
n o m m é privat-docent de m é d e c i n e légale.
Congrès. — L e t r o i s i è m e C o n g r è s i n t e r n a t i o n a l p o u r l'assistance
des a l i é n é s a u r a lieu à V i e n n e l e 7-11 o c t o b r e 1908, sous la p r é s i d e n c e
de M . le professeur OBERSTEINER, conseiller a u l i q u e .
Les d é c l a r a t i o n s d ' a d h é s i o n s , d e s r a p p o r t s e t d e s d é m o n s t r a t i o n s
e r
d o i v e n t ê t r e a d r e s s é e s j u s q u ' a u i j u i l l e t 1908 a u s e c r é t a i r e g é n é r a l
r
D o c e n t , D A l e x a n d r e Pilez, W i e n , I X , L a z a r e t t g a s s e 14, q u i d o n n e r a
tous les renseignements voulus.
Les d é t a i l s d u p r o g r a m m e s e r o n t p u b l i é s p l u s t a r d .
a u j o u r d ' h u i d ' a c c o r d à ce s u j e t . U n e m e s u r e g é n é r a l e , i n t é r e s s a n t
t o u t e s les f e m m e s c o n d a m n é e s à l a r e l é g a t i o n e t d é t e n u e s soit d a n s les
m a i s o n s c e n t r a l e s d e F r a n c e , s o i t d a n s les c o l o n i e s d e la G u y a n e e t d e
la N o u v e l l e - C a l é d o n i e , a é t é p r i s e . C e s p r i s o n n i è r e s s e r o n t r e l a x é e s ,
a p r è s t o u t e f o i s q u e notification a u r a é t é faite à c h a c u n e d'elles d e l'ar-
r ê t é d ' i n t e r d i c t i o n d e s é j o u r la c o n c e r n a n t .
C o n f o r m é m e n t à cette décision, u n e soixantaine d e femmes qui
a t t e n d a i e n t d a n s la m a i s o n c e n t r a l e d e R e n n e s q u ' i l f û t s t a t u é s u r l e u r
s o r t , v i e n n e n t d ' ê t r e r e n d u e s à la l i b e r t é . Q u a n t a u x 400 r e l é g u é e s q u i
se t r o u v e n t a c t u e l l e m e n t d a n s l e s c o l o n i e s p é n i t e n t i a i r e s ( г 5 о à la
G u y a n e e t i 5 o e n N o u v e l l e - C a l é d o n i e ) , elles s e r o n t r a p a t r i é e s p a r le
M i n i s t è r e d e s C o l o n i e s dès q u e l e s f o r m a l i t é s n é c e s s a i r e s s e r o n t r e m -
plies.
L e s sages Hollandais. — L a H o l l a n d e p o u r s u i t p r o g r e s s i v e m e n t
la l u t t e c o n t r e l ' a l c o o l i s m e . A p r è s a v o i r r e s t r e i n t le p r i v i l è g e d e la
v e n t e d e s s p i r i t u e u x a u d é t a i l à u n d é b i t p a r 260 h a b i t a n t s d a n s les
villes d e m o i n s d e 10.000 â m e s , 1 p a r З00 d a n s celles d e 10.000 à
20.000 ; 1 p a r 400 d a n s celles d e 20.000 à S o . o o o ; 1 p a r 5 o o d a n s les
l o c a l i t é s a u - d e s s u s d e So.ooo, elle v i e n t e n c o r e d e d i m i n u e r ce n o m b r e
e t d e p r e n d r e d e s m e s u r e s c o n t r e l e s f r a u d e s e t falsifications : défense
de s e r v i r d e l'alcool a u x j e u n e s e n f a n t s d e m o i n s d e 16 a n s n o n a c c o m -
pagnés d e leur père ; interdiction des serveuses, création d'inspecteurs
de débits et de commissions de surveillance.
P a r i s , d e p r i e r M . L é p i n e d e faire c o n f e c t i o n n e r c e t a p p a r e i l p o u r le
compte du Gouvernement de Saint-Pétersbourg.
Ce d i p l o m a t e v i e n t d ' é c r i r e à ce s u j e t a u P r é f e t d e police q u i a
a u s s i t ô t d e m a n d é à M . B e r t i l l o n d e satisfaire le d é s i r q u i lui était
98 NOUVELLES
e x p r i m é . L e d i r e c t e u r d u service a n t h r o p o m é t r i q u e f a i t é t a b l i r e n ce
m o m e n t l e d é p l i e u r , d o n t l e c o û t e s t d e 1100 f r a n c s .
L e s c o u r s o n t c o m m e n c é h i e r . I l s a u r o n t lieu t o u s l e s a n s a u mois
d ' o c t o b r e et d e n o v e m b r e . O n p e n s e q u e c e t e n s e i g n e m e n t , v é r i t a b l e
t l e ç o n d e c h o s e s , a u r a l e s m e i l l e u r s r é s u l t a t s ; il a u r a s u r t o u t p o u r effet
d e c r é e r des liens p l u s é t r o i t s e n t r e la m a g i s t r a t u r e e t la p o l i c e q u i
n ' o n t peut-être pas toujours marché d'accord dans toutes les circon-
stances. (Le Temps.)
Allemagne. — W i l h e l m F r a n k e n , â g é d e d i x - s e p t a n s , é t a i t la
t e r r e u r d e s m è r e s d e famille d e la ville n e u v e d e C o l o g n e . C e j e u n e
s a t y r e a v a i t v i o l e n t é 20 fillettes. A r r ê t é , o n l'a c o n d a m n é à d i x -
huit mois de prison.
A la foire a u x c h e v e u x d e L i m o g e s , q u i s e t i e n t c h a q u e a n n é e à
la S a i n t - J e a n , l e p r i x m o y e n a é t é d e 100 à 140 francs le k i l o g r a m m e
brut. Quantité en d i m i n u t i o n ; rareté absolue d e s cheveux blancs.
n o r m a l e m e n t . U n e n o u v e l l e d é c h a r g e n ' a p a s e u p l u s d'effet. O n a
décidé alors d'appliquer u n courant plus fort. Sous l'influence de ce
dernier, u n e gerbe de flammes a r e c o u v e r t le corps de W h i t e ; des jets
de f e u j a i l l i s s a i e n t d i s t i n c t e m e n t d e t o u s l e s p o r e s . C e c o u r a n t a é t é
prolongé plusieurs secondes, en dépit des flammes et d'une odeur de
chair grillée. Après arrêt d u courant, les docteurs o n t déclaré q u e
l ' h o m m e n ' é t a i t p l u s . 11 e s t m o r t l i t t é r a l e m e n t r ô t i .
L'Imprimeur-Gérant : A . REY.
O U V R A G E S REÇUS
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE MÉDECINE LÉGALE
ET DE PSYCHX^'Sffi^NpRMÀLE ET PATHOLOGIQUE
/£L %
/mi S- > J) ' .
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ME№ O E M ORIGINAUX
E U G E N E S U E
1
ET LA PSYCHOLOGIE CRIMINELLE
Par Scipio S I G H E L E
I. — UN P R É C U R S E U R
1
E. Sue, Les Mystèresde Paris, p. 6, t. I.
S . Siffhele. — EUGÈNE SUE E T LA PSYCHOLOGIE CRIMINELLE d07
pouvez pas voler. La nature vous a ainsi fait, qu'il vous est impos-
sible de commettre un vol. Et celle-ci est, indirectement, la cons-
tatation la plus limpide de la vérité scientifique que le libre arbitre
n'existe pas. C'est en vain que certains moralistes et philosophes
soutiennent que l'homme est libre de faire ce qu'il veut dans
tous les moments de la vie. Ils sont victimes, eux et ceux
qui les suivent, d'une orgueilleuse illusion. En face de certaines
actions, nous nous trouvons dans un état d'impuissance psycholo-
gique. Notre volonté ne peut pas changer celle qui est, — par
loi héréditaire, à cause du tempérament et des circonstances —
notre fatalité.
Le Chourineur a candidement et parfaitement exprimé cet état
psychologique. Il est dans certains cas impossible de donner la
raison qui vous empêche de voler, comme il est impossible de
dire comment il se fait que l'on a une physionomie plutôt qu'une
1
autre. C'est ainsi, et on ne peut rien ajouter .
Eugène Sue a encore le mérite de mettre en relief un autre côté
de la psychologie criminelle, un côté étrange et contradictoire :
c'est-à-dire que, tandis que les délinquants subissent la fascination
de ceux qui sont les plus célèbres parmi eux, et ils ont un mé-
lange d'admiration et de vénération pour celui qui est coupable
du crime le plus affreux, — ils sont en même temps facilement
suggestionnés par les récits ou les spectacles honnêtes, simples et
bons ; et pendant le récit, ou pendant le spectacle, ils prennent
parti pour le personnage qui est le plus doué de nobles et pures
qualités, et ils frémissent de joie au triomphe de la vertu, tout
autant que le public d'honnêtes gens qui assiste chaque soir, dans
un théâtre populaire, à la représentation d'un drame passionnel.
Il y a quelque chose de mystérieux dans cette double psycho-
logie qui, parfois, agite les couches les plus cruelles et les plus
1
Un assassin auquel on demandait s'il avait volé, répondit dédaigneusement :
— V o l e r ? mais je suis un honnête homme ! — (à noter l'identité de ce fait réel
avec l'épisode imaginaire du Chourineur). Analogiquement, beaucoup de voleurs
ont une répugnance organique pour l'assassinat. Corbière, un célèbre voleur,
refusa de s'évader parce qu'il fallait pour ça tuer les gardiens : « La violence,
dit-il, n'est pas mon système. )> (Voir Dcspinc, Psychologie naturelle, III. 191.)
Ces ombres et ces lueurs de moralité qui existent souvent dans la même
personne autorisent, comme je le disais dans le texte même du livre, à créer les
deux catégories distinctes de délinquants. Cela n'empêche pas, on le comprend,
qu'il y ait les délinquants plus dangereux, lesquels commettent indifféremment
le vol et l'assassinat, les dégénérés complets tels que les escarpes.
S. Sighele. — EUGÈNE SUE E T L A PSYCHOLOGIE CRIMINELLE 111
Dans les six volumes de son long roman, Eugène Sue jette
par ci par là une quantité d'observations, avec la sûreté de
ceux qui ont beaucoup vu et beaucoup étudié avant de com-
poser un ouvrage de fantaisie ; avec la noble prodigalité de celui
qui a emmagasiné une abondante réserve de documents, avant
de faire la description d'une classe sociale peu connue.
Tout le problème de la prostitution, par exemple, est étudié
par lui avec une indulgente poésie qui n'empêche aucunement
la précision sereine du savant, et, souvent aussi, le coup d'aile
du philosophe. Le type — t r o p romantique peut-être, à la fin —
de Fleur de Marie, la jeune fille tombée dans la boue à cause de
l'abandon de ses parents et qui, sauvée du milieu infâme, refleurit
à la moralité, comme une fleur ôtée du bourbier renaît aux rayons
du soleil, est un type délicatement suggestif. Lorsqu'elle est
malade, la jeune fille craint qu'après sa mort son corps devienne
la proie des médecins et des étudiants, et elle se voit sur la table
anatomique, et elle imagine les regards avides et les libres
propos autour de son cadavre, et elle s'écrie en rougissant: —
« J'ai de la honte pour après ma mort. Hélas! on ne m'a laissée
que celle-là! »
De même, tout l'engrenage de la justice, et de la justice civile
aussi, — laquelle, au dire de Pique-Vinaigre, est comme la
viande : trop chère pour que les pauvres puissent en manger, —
est critiqué avec un tour d'esprit enviable, et avec des observa-
tions qui ont été reprises de nos jours par la sociologie moderne.
Mais nous avons hâte, maintenant, d'arrêter l'attention sur un
type créé par Sue et qui, tout en n'étant pas un des principaux
S. Sighele. — EUGÈNE SUE E T . L A PSYCHOLOGIE CRIMINELLE 115
•1 Parmi les plus célèbres assassins récents, je remarque qu'il faut placer
au premier rang les n o m s de S c h u m a c h e r , G é o m a y , A n a s t a y (trois soldats) e t
A v i n a i n (un boucher).
S. Sicjhele. — EUGÈNE SUE ET L A PSYCHOLOGIE CRIMINELLE 119
IV. L E S I N T U I T I O N S SOCIOLOGIQUES
corps que l'on mensure, et les qualités sont les dimensions que
peuvent présenter ces organes ou"régions du corps.
Dans notre méthode de notation, les qualités sont désignées
par des chiffres conventionnels et, chaque fois que, dans le même
examen, une qualité se répète, le chiffre désignant cette qualité,
doit aussi se répéter. Le nombre résultant du groupement de tous
les chiffres exprimant les qualités sera donc nécessairement
composé d'autant de chiffres qu'il y aura de parties examinées.
On connaîtra les qualités par les chiffres, mais il ne suffît pas
pour identifier un individu de savoir que certaines parties de son
corps présentent telles qualités , il faut encore savoir quelles
sont les parties de son corps qui présentent ces qualités. Or,
dans le nombre exprimant les qualités, la partie à laquelle appar-
tient chaque qualité exprimée est désignée par le rang même
qu'occupe dans le nombre le chiffre exprimant la qualité. Ceci
est la conséquence de cette autre loi importante de notre méthode
qui veut que le groupement des chiffres exprimant les qualités
ne se fasse pas suivant un ordre et un rang quelconques,'mais se
fasse toujours suivant l'ordre et le rang suivis par l'opérateur
dans l'examen successif de chacune des parties, ordre et rang
qui seront établis conventionnellement et qui, une fois adoptés,
ne devront jamais plus varier.
Exprimer les qualités par des chiffres et grouper les chiffres tou-
jours suivant le même ordre, telles sont les deux règles fonda-
mentales de notre méthode. Il résulte de l'application de ces
deux règles q u e , si le chiffre exprime la qualité, lerang qu'occupe
ce même chiffre dans le nombre désignera la partie à laquelle
appartient la qualité exprimée.
Cette façon de comprendre la notation des fiches permet
donc, avec le seul aide d ' u n nombre, par le choix et le g r o u -
pement ordonné des chiffres qui composent ce nombre, d'ex-
primer l'identité d ' u n individu, puisque le nombre obtenu désigne
à la fois les qualités et les parties. Mais ce nombre aura encore
un insigne avantage : celui d e s e prêter a une classification par
numérotage, et c'est pourquoi il mérite bien le nom de fiche-
numéro que nous lui avons donné.
Toute la simplicité de la nouvelle méthode sera rendue plus évi-
dente par l'application que nous allons en faire aux deux méthodes
D' S. Icard. — DES FICHES D'IDENTITÉ JUDICIAIRE 131
i V o i r la n o t e ci-aprês (p.i44).
D* S. ïcard. — DÉS FICHES D'IDENTITÉ JUDICIAIRE 139
1.342.123.241 à 1.342.123.414
1.3 4 2 . 1 2 3 . 3 3 2
1.342. J 23.242
1.342.123.333
1.342.1 2 3.243
1 . 3 4 2 . 1 2 3.3 34
1.342.1 23.244
1.342.1 2 3 . 31 1 1.342.123.341
2.3.OS Lvon 31.221.321.132
3.1.09 Nice
5.7.09 Bordeaux
1.342.123.312 1.342.1 23.342
7.4.08 Nancy 12.113.231.132
1.342.1 2 3.343
1.34 2 . 1 2 3 . 3 13
1.342.12 3.344
1.342.1 23.31 4 8.1.08 l'bïladelphie 11.322.113.221
3.3.09 Lyon
1.342.123.321 1 . 3 4 2 . 1 2 3 . 4 11
1 V o i r c i - d e s s u a l a p a g e s p é c i m e n d u r e g i s t r e n ° 1.342.iâ3.241.
S. Ieard. — DES FICHES D'IDENTITÉ JUDICIAIRE 141
§ 3. — L ' a p p l i c a t i o n de l a n o u v e l l e m é t h o d e p e r m e t t r a la création
et le facile fonctionnement d'un s e r v i c e c o m p l e t d'identification
j u d i c i a i r e (services r é g i o n a u x , s e r v i c e s n a t i o n a u x , s e r v i c e inter-
tional). — S i m p l i c i t é dû. f o n c t i o n n e m e n t de c h a c u n de c e s .ser-
v i c e s d é m o n t r é e p a r des e x e m p l e s .
1
II p o u r r a i t a r r i v e r q u e d a n s l a r é p o n s e à l a d e m a n d e d e r e n s e i g n e m e n t s ,
r é p o n s e a d r e s s é e p a r l e s e r v i c e international a u s e r v i c e national e t p a r c e l u i - c i
a u s e r v i c e régional, l e n o m b r e e x p r i m a n t l a f o r m u l e a n t h r o p o m é t r i q u e ( e n l a
c i r c o n s t a n c e l e n o m b r e l a . r i 3 . a 3 i . i?>i) p r é s e n t â t q u e l q u e s v a r i a n t e s . C e t t e c o n s -
t a t a t i o n r é s u l t e r a i t d e c e q u ' u n e dimension-limite intermédiaire, par exemple,
e n t r e l a d i m e n s i o n petite e t l a d i m e n s i o n moyenne a u r a i t p u ê t r e c l a s s é e
petite e t e x p r i m é e p a r i e c h i f f r e 1 p a r l e s e r v i c e régional d e B a r c e l o n e , e t ê t r e
e n s u i t e c l a s s é e moyenne e t e x p r i m é e p a r 2 p a r l e s e r v i c e régional d e N a n c y .
N o u s nous s o m m e s déjà expliqué s u r la possibilité d e c e s variantes dans u n e
m ê m e identification anthropométrique : elles sont sans importance et n e p r o u v e n t
n u l l e m e n t q u e d e u x fiches numéros dactylo-anthropométriques, qui n e diffèrent
q u e p a r u n e o u d e u x v a r i a n t e s d a n s l e nombre anthropométrique et sont sur
t o u s l e s a u t r e s p o i n t s a b s o l u m e n t i d e n t i q u e s , n e s ' a p p l i q u e n t p a s à un seul et
même sujet.
D' S. Ieard. — DES FICHES D'IDENTITÉ JUDICIAIRE 145
Fia t . —- A p p a r e i l d e l a S û i e L é g é n é r a l e ( m o d è l e B e r t i l l o n ) p o u r l a p h o t o g r a -
phie métrique (judiciaire, médico-légale, anthropologique, etc.).
croisés; l'un de ces fils est vertical et l'autre fait avec l'horizon-
tale un angle de i5 degrés et sert à ajuster la ligne oculo-tra-
gienne pour les photographies signalétiques ; l'intersection des
deux fils correspond à l'axe de l'objectif. La partie arrière de la
chambre est surmontée d'un œilleton (E ). ir
m
ron 9. oo, et le n° 3 depuis 5 mètres jusqu'à l'infini.
La lentille d'arrière ne change pas ; la construction de l'objec-
tif est telle que le tirage focal, d'où dépend l'échelle des distances,
reste fixe et égale à 1 0 centimètres;
0
2 Un objectif aplanatdu même constructeur de 25 centimètres
i
de foyer .
Ces deux objectifs suffisent pour répondre à tous les besoins
de la photographie métrique.
Les différents emplacements de la plaque sensible (ou tirages
1
D e s t r o u s s e s à t i r a g e c o n s t a n t d e 10 e t z5 c e n t i m è t r e s , q u i d o n n e n t a u x
images photographiques une précision en quelque sorte topographique, rem-
placent ce dernier aplanat dans les appareils spéciaux de grand format.
ir I.44IS /»in'llii'i. I'iiií'lll!.!'.'.!'!!!!: 4I.T!;n.ìi Г.
1
¡'(•l-.¡u\ ¡ i j i i ;'•!•'• '-si«ijiiici'-i« i l l u n i d i ' l i - r i n i n i ' - à i S"\iiiT-i'. : 4 i m ' i w u
FIG. 3 . — S p é c i m e n d e p h o t o g r a p h i e s i g n a l é t i q u e , p r o f i l e t f a c e à l a r é d u c t i o n
d e i/f e t a u p o i n t d e v u e d e 2 m è t r e s , o b t e n u e a v e c l'appareil d e la Sûreté-
générale.
FIG. 4- — P h o t o g r a p h i e m é t r i q u e d ' u n s u j e t e u p i e d a u p o i n t d e v u e d e 5 m è t r e s :
m
h a u t e u r d e l ' o b j e c t i f a u - d e s s u s du sol. i 5 o . — R e p r o d u c t i o n r é d u i t e d e la
p h o t o g r a p h i e originale prise à l'échelle de i/iio*.
t r è s s i m p l e l a h a u t e u r d e la t a i l l e d u s u j e t q u e l l e q u e s o i t l a r é d u c -
t i o n i n c o n n u e d e la p h o t o g r a p h i e . A i n s i , l e s t r o i s p o s e s ici r e p r o -
d u i t e s s o n t à u n e échelle a r b i t r a i r e q u e le g r a v e u r a o b t e n u e p a r
m
hasard. Mais nous savons que la ligne H, H, passe à i 5o
a u - d e s s u s d u s o l . L a t r a c e de c e t t e l i g n e s u r la figure du sujet
m
r e p r é s e n t e d o n c u n p o i n t s i t u é à i 5 o . Il n e r e s t e p l u s q u ' à faire
u n e p r o p o r t i o n e n t r e la p a r t i e d u c o r p s s i t u é e a u - d e s s o u s d e c e t t e
l i g n e j u s q u ' a u t a l o n et la p a r t i e s i t u é e a u - d e s s u s j u s q u ' a u s o m m e t
d e la t è t e p o u r o b t e n i r la taille e x a c t e .
158 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
P a r t i r a g e f o c a l , 011 e n t e n d la d i s t a n c e q u i s é p a r e l e c e n t r e o p t i q u e d e
l ' o b j e c t i f d e l a p l a q u e s e n s i b l e a u m o m e n t d e l a p h o t o g r a p h i e ; si l a m i s e a u
p o i n t e s t faite s u r l'infini, le tirage f o c a l se c o n f o n d a v e c l e f o y e r a b s o l u .
2
A o i r , d a n s l e Bulletin de la Société française de Photographie d u i 5 j u i l l e t
r
i g o 5 . l ' a p p r é c i a t i o n t r è s c o m p é t e n t e d e M . K. W a l l o n s u r c e n o u v e a u g e n r e
d ' o b j e c t i f e t l e u r a p p l i c a t i o n g é n é r a l e à la p h o t o g r a p h i e m é t r i q u e .
3
L e s p h o t o g r a p h i e s m é t r i q u e s 6, 8 , 9 , q u ' o n t r o u v e r a a u c o u r a n t d e c e t r a v a i l ,
o n t é t é i n t e n t i o n n e l l e m e n t r o g n é e s p o u r l e s faire e n t r e r d a n s le c a d r e d e la
p u b l i c a t i o n . E n r é a l i t é , l e s é p r e u v e s o r i g i n a l e s m e s u r e n t i 5 X 20. N é a n m o i n s ,
les é c h e l l e s n'ont s u b i a u c u n e r é d u c t i o n , de sorte qu'il es possible sur les
reproductions de prendre les mesures exactes.
160 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
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F u ; . С. — S p é c i m e n de p h o t o g r a p h i e m é t r i q u e (Vue d e lVscalier
rie hi ( л и г n ' a s s i s e s eie Pari.- .
162 NOIES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
WÊÊËÈË
mÊÊÊË
%
WÊÊBÊ
WmÊÊ
Il r e p r é s e n t e u n c a d r e p e r p e n d i c u l a i r e a u sol d ' u n e h a u t e u r d e
3o c e n t i m è t r e s qui e n t o u r e r a i t le c a d a v r e et q u i porterait une
graduation eentimétrique verticale ainsi que des horizontales
é c a r t é e s d e 10 c e n t i m è t r e s . L e s t r a i t s d e c e t t e g r a d u a t i o n s o n t
r e p r o d u i t s p a r la p h o t o g r a p h i e e n l i g n e s o b l i q u e s t e l l e s q u ' o n l e s
voit sur l'encadrement.
Ainsi expliqué le principe, donnons un exemple pratique. P o u r
m e s u r e r l'écartement des angles externes des y e u x , on p r e n d r a
a v e c u n c o m p a s l ' é c a r t e m e n t s u r la p h o t o g r a p h i e et o n t r a n s p o r -
t e r a s u r l ' é c h e l l e c o r r e s p o n d a n t à l a h a u t e u r d e s y e u x ; s o i t 20 c e n -
t i m è t r e s . On t r o u v e sur la p h o t o g r a p h i e 2 c e n t i m è t r e s , ce qui,
p o r t é s u r l ' é c h e l l e d e 20 c e n t i m è t r e s d o n n e 10 c e n t i m è t r e s e x a c t e -
ment.
Si l'on avait à m e s u r e r l'écartement extrême des lobes qui sont
s i t u é s à e n v i r o n 10 c e n t i m è t r e s p l u s b a s , o n p o r t e r a i t l'écarte-
m e n t t r o u v é s u r la p h o t o g r a p h i e s u r l'échelle inférieure voisine,
c ' e s t - à - d i r e s u r l e t r a i t m a r q u é 10 c e n t i m è t r e s .
L ' é c a r t e m e n t t r o u v é s u r la p h o t o g r a p h i e est d e 31 m i l l i m è t r e s
q u i , r a p p o r t é à l ' é c h e l l e 10 c e n t i m è t r e s , d o n n e i 6 5 m i l l i m è t r e s .
Les mesures ne sont exactes que pour des lignes horizontales ;
p o u r les l i g n e s o b l i q u e s , on p e u t recourir à u n p r o c é d é g r a p h i -
que très simple, mais qui n'est qu'approché et gui consiste à
reconstituer u n trapèze dont les deux côtés parallèles représente-
r o n t les h a u t e u r s a u - d e s s u s d u sol de c h a c u n e des e x t r é m i t é s de
la l i g n e à m e s u r e r et la b a s e sera p r i s e s u r la p h o t o g r a p h i e . Le
quatrième côté du trapèze donnera, avec u n e approximation
suffisante, la l o n g u e u r v r a i e ; le t o u t à l'échelle m o y e n n e . Par
e x e m p l e , si n o u s v o u l i o n s c o n n a î t r e l a d i s t a n c e d e l ' e x t r é m i t é d u
lobe de l'oreille avec l'angle interne du sourcil droit, n o u s p r e n -
drions p o u r base du trapèze la distance entre ces deux points
m e s u r é s s u r la p h o t o g r a p h i e . L e s d e u x c ô t é s p e r p e n d i c u l a i r e s d e
ce t r a p è z e s e r o n t d o n n é s p a r la h a u t e u r d u l o b e a u - d e s s u s d u
sol, c'est-à-dire e n v i r o n 10 c e n t i m è t r e s , e t p a r l a h a u t e u r d e l a
pointe interne du s o u r c i l g a u c h e , c ' e s t - à - d i r e e n v i r o n 17 c e n t i -
m è t r e s . Le q u a t r i è m e côté oblique donnera l'écartement approxi-
matif des deux points; le tout doit être construit à l'échelle
m o y e n n e . D a n s l e c a s p r é s e n t , o n t r o u v e r a 120 millimètres.
On voit qu'il faut c o n n a î t r e d ' a v a n c e les h a u t e u r s des différents
166 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
p o i n t s d u c o r p s a u - d e s s u s d u sol, ce q u i est c o n n u d é j à p a r t o u t
le m o n d e avec les m o y e n n e s q u ' o n possède. Les écarts indivi-
d u e l s n e s a u r a i e n t e n t r a î n e r u n e différence a p p r é c i a b l e .
S i , d a n s l a p h o t o g r a p h i e , n o u s fixons l e r e g a r d a u m i l i e u d e l a
ligne 00 en a y a n t soin de placer l'œil à u n e d i s t a n c e égale a u
t i r a g e focal, s o i t 4° c e n t i m è t r e s , n o u s o b t i e n d r o n s l a s e n s a t i o n
d u relief exact, en m ê m e t e m p s q u e les p a r o i s de l'encadrement
s e d r e s s e r o n t e t a p p a r a î t r o n t v e r t i c a l e s . U n e fois c e t t e p e r c e p t i o n
acquise, en faisant passer des p l a n s horizontaux virtuels par les
lignes de niveau, on peut retrouver à peu près les hauteurs
successives des différentes p a r t i e s d u c a d a v r e .
N o u s i n v i t o n s le l e c t e u r à e s s a y e r .
Photographie stéréométrique.
A v e c le m ê m e p e t i t a p p a r e i l , on p e u t obtenir des p h o t o g r a -
phies dites stéréométriques, dont l'emploi obvie aux inconvé-
nients signalés plus haut et qui p e r m e t t e n t de p r e n d r e des
m e s u r e s r i g o u r e u s e s s a n s r i e n c o n n a î t r e d e l a h a u t e u r d e s diffé-
rents points du cadavre au-dessus du sol.
Ce p r o c é d é est g é n é r a l e m e n t a p p l i q u é d a n s la p r a t i q u e p o u r la
p h o t o g r a p h i e des cadavres sur les lieux d u crime. Il s'agit donc
ici p l u t ô t d ' u n e v u e d ' e n s e m b l e a v e c l ' a s p e c t d u sol a u t o u r du
c a d a v r e . L a r é d u c t i o n d e v r a d o n c être b e a u c o u p p l u s forte et le
champ aussi étendu que possible.
On p r e n d deux photographies ; l'une vue d'en h a u t avec l'appa-
m
reil en p o s i t i o n r e n v e r s é e et e n p l a ç a n t l'objectif à i 6 5 a u - d e s s u s
d u sol; on emploie la trousse g r a n d a n g u l a i r e de tirage I O centi-
m è t r e s (combinaison i ) . L ' a u t r e p h o t o g r a p h i e est prise de profil:
c'est u n e v u e latérale prise horizontalement en p l a ç a n t l'appareil
m
s u r le sol à i 6 5 d u milieu d u c o r p s . L'objectif d o i t se t r o u v e r
à in c e n t i m è t r e s a u - d e s s u s d u s o l . O n d e v r a p r e n d r e a u t a n t q u e
possible les d e u x profils. L a r é d u c t i o n m o y e n n e d u c a d a v r e v u e
d'en haut sera de i / i o , p a r c e q u ' o n p e u t a d m e t t r e q u e le p l a n
m é d i a n d u c a d a v r e se t r o u v e à e n v i r o n 1 5 c e n t i m è t r e s a u - d e s s u s
m m
d u sol, soit à i 5 o d e l'objectif et q u e i 5 o divisé p a r i o d o n n e
bien i / I 5 .
Les graduations qui forment l'encadrement latéral des deux
168 • NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
exact, o n prend s u r l a g r a d u a t i o n d e d r o i t e d e l a v u e l a t é r a l e l e
coefficient de reconstitution correspondant q u i e s t d e i4, et
nous multiplions la longueur d e la main (soit 6 millimètres) p a r
i4j e e q u i d o n n e environ 84 millimètres. Inversement, pour
r e l e v e r u n e dimension d e f r o n t s u r l a p h o t o g r a p h i e l a t é r a l e , il
faudra r e c h e r c h e r sur l a v u e d ' e n h a u t s a d i s t a n c e à l'objectif, c e
q u ' o n fait e n m e n a n t u n e l i g n e t r a n s v e r s a l e q u i c o u p e r a l a g r a -
d u a t i o n d e g a u c h e s u r l e s chiffres d e l a d i s t a n c e à l'objectif d e
la v u e latérale. O n t r o u v e r a , e n m ê m e t e m p s , s u r l a g r a d u a t i o n
d e d r o i t e les coefficients d e r é d u c t i o n a p p l i c a b l e s à c e t t e m e s u r e .
C o m m e e x e m p l e : soit k m e s u r e r l a l o n g u e u r d e l ' o r e i l l e d r o i t e
d u sujet, o n t r o u v e s u r l a p h o t o g r a p h i e l a t é r a l e 4 m i l l i m è t r e s , e t
l ' é c h e l l e m é t r i q u e a p p l i c a b l e est c e l l e d e i o o q u ' o n t r o u v e s u r
m
la g r a d u a t i o n de g a u c h e d e la v u e d ' e n h a u t e n m e n a n t u n e t r a n s -
versale p a r l'oreille. O n t r a n s p o r t e r a d o n c l e s 4 millimètres s u r
D* Louis Tomellini. — PHOTOGRAPHIE MÉTRIQUE 169
on p r e n d r a l e coefficient d e r e c o n s t i t u t i o n s u r l a g r a d u a t i o n d e
d r o i t e , s o i t 15,5, e t o n m u l t i p l i e r a 4 m i l l i m è t r e s p a r c e chiffre,
c e q u i d o n n e p o u r l a l o n g u e u r d e l ' o r e i l l e 62 m i l l i m è t r e s , chiffre
plus voisin d e l a r é a l i t é . L a m e s u r e d i r e c t e d o n n e , e n effet,
62 m i l l i m è t r e s à ± 1 millimètre près.
Ces mesures ne sont applicables qu'à des dimensions se pré-
s e n t a n t de front, e ' e s t - à - d i r e p a r a l l è l e m e n t à l a p l a q u e s e n s i b l e ;
p a r suite, toute la surface d u sol pourra être m e s u r é e exactement
soit e n s e r e p o r t a n t à l'échelle correspondante, soit e n multi-
p l i a n t l e s d i m e n s i o n s t r o u v é e s p a r 16,5 ( é c h e l l e d u s o l ) .
D a n s l e s a u t r e s cas, il faut recourir à u n e c o n s t r u c t i o n gra-
phique qui conduit directement à u n e transformation de la
d o u b l e p h o t o g r a p h i e s t é r é o m é t r i q u e e n un plan coté à l ' é c h e l l e
de i/i6,5, e t c e l a d a n s d e s c o n d i t i o n s d ' e x a c t i t u d e complète.
C'est l'opération analogue à ce q u e nous avons exposé pour la
photographie métrique des intérieurs.
N o u s croyons, quoique la chose ait u n caractère u n peu tech-
nique, devoir publier cette méthode qui a étéétablie a u Labora-
toire de l'Identité judiciaire de la Préfecture d e Police d e Paris
et q u i r é s o u t u n p r o b l è m e d ' u n e a p p l i c a t i o n u n i v e r s e l l e e n p e r -
mettant de reconstituer a u moyen de deux ou trois photogra -
p h i e s l e s o b j e t s e n relief, p a r e x e m p l e d e s c r â n e s , d e s c a d a v r e s ,
des objets d'histoire naturelle, d e s bas-reliefs, etc. O n obtient k
volonté soit u n p l a n coté, soit u n e é p u r e d e g é o m é t r i e d e s c r i p -
tive. L'objectif ainsi employé apparaît donc c o m m e u n précieux
instrument de mesure q u i permet d'opérer dans des conditions
exceptionnelles d e rapidité et d e précision.
N o u s a l l o n s m o n t r e r c o m m e n t o n r e l è v e u n p o i n t A d e l'espace d o n t
les i m a g e s a a» o n t p u ê t r e identifiées s u r les d e u x p h o t o g r a p h i e s
i
l a q u e l l e doit se t r o u v e r la p r o j e c t i o n h o r i z o n t a l e c h e r c h é e ; o n r e p è r e
e n s u i t e s u r la t r a n s v e r s a l e c e n t r a l e H j H j d e l a v u e d'en h a u t n ° 1, le
p o i n t R q u i se t r o u v e à la m ê m e d i s t a n c e d e la v e r t i c a l e p r i n c i p a l e
Pi P q u e le p o i n t i m a g e ao pris s u r la v u e latLérale n° 2; o n j o i n t le
2
p o i n t d e v u e r a b a t t u O a u p o i n t R ; c e t t e d r o i t e Ch R c o u p e r a la
t
f u y a n t e P ai, e n u n p o i n t A q u i r e p r é s e n t e la p r o j e c t i o n h o r i z o n t a l e
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Fig. g. — P r o c é d é g r a p h i q u e p o u r t r a n s f o r m e r l a p h o -
tographie stéréométrique en un plan coté à échelle
connue.
Point d e v u e r a b a t t u .
p o i n t o n m è n e r a s u r la p h o t o g r a p h i e n" 2 la f u y a n t e P a p a s s a n t p a r
2 2
l'image as e t o n t r a c e r a la v e r t i c a l e p a s s a n t p a r la p r o j e c t i o n A, q u ' o n
v i e n t d e d é t e r m i n e r . L e p o i n t d e r e n c o n t r e A d e s d e u x lignes d o n -
2
n e r a la p r o j e c t i o n v e r t i c a l e d u p o i n t A . L a t r a n s v e r s a l e p a s s a n t p a r ce
p o i n t A i n d i q u e r a s u r la g r a d u a t i o n l a t é r a l e d e g a u c h e la cote du p o i n t ,
2
c ' e s t - à - d i r e la h a u t e u r d u p o i n t a u - d e s s u s d u s o l .
r
£» Louis Tomellini. - PHOTOGRAPHIE MÉTRIQUE 171
O n p e u t r e m a r q u e r q u e l ' e m p l o i d e la p h o t o g r a p h i e métrique
s u p p r i m e l e p l a n d e l ' é t a t d e l i e u x fait p a r u n a r c h i t e c t e e x p e r t
q u i est t o u j o u r s c o û t e u x et i n c o m p l e t , s a n s c o m p t e r q u e d a n s la
suite d'une instruction judiciaire on peut avoir besoin de con-
naître les positions exactes de certains objets d o n t il n e reste
p l u s d e t r a c e s . L e p l a n r e c o n s t i t u é d ' a p r è s la p h o t o g r a p h i e n ' a c -
c o m p a g n e p a s d'ailleurs n é c e s s a i r e m e n t c h a q u e é p r e u v e . M a i s on
e s t t o u j o u r s à m ê m e de le faire si o n e n a b e s o i n à u n e d a t e q u e l -
conque.
Voici u n e m é t h o d e q u ' o n p e u t suivre p o u r cette r e c o n s t i t u t i o n .
P r e n o n s p a r e x e m p l e l a fig. 10.
O n t r a c e s u r u n p a p i e r (fig.i i) u n e série d e p a r a l l è l e s d i s t a n t e s d e
la v a l e u r d u t i r a g e d e l'objectif soit 1 0 c e n t i m è t r e s r é d u i t à Véchelle
choisie ( p a r e x e m p l e 1 / 2 0 ) . C h a q u e i n t e r v a l l e s e r a d o n c d a n s ce cas d e
5 millimètres.
On choisit s u r une des parallèles un point C qui r e p r é s e n t e r a l'em-
p l a c e m e n t d e l'objectif et o n t r a c e p a r ce p o i n t u n e p e r p e n d i c u l a i r e
C X q u i r e p r é s e n t e r a l ' a x e d e l'objectif. S u r c e t a x e o n m e s u r e u n e
l o n g u e u r C O égale a u t i r a g e focal, c ' e s t - à - d i r e d a n s le cas p r é s e n t
1 0 c e n t i m è t r e s et p a r ce p o i n t 0 o n t r a c e la p a r a l l è l e H H , q u ' o n g r a -
due en centimètres.
P o u r r e t r o u v e r la p o s i t i o n d ' u n p o i n t A d u sol (voir la figure 1 0 ) o n
c h e r c h e d ' a b o r d où la t r a n s v e r s a l e p a s s a n t p a r ce p o i n t r e n c o n t r e
l ' é c h e l l e de r é d u c t i o n et on v o i t q u ' e l l e p a s s e u n p e u a u - d e s s u s d e 2 9 ;
cela signifie q u e s u r le p l a n le p o i n t se t r o u v e r a u n p e u a u - d e l à d e la
E
2 9 p a r a l l è l e , c o m p t é e à p a r t i r d e l ' e m p l a c e m e n t C d e l'objectif. O n
m è n e e n s u i t e sur la photographie la v e r t i c a l e p a s s a n t p a r le m ê m e
p o i n t A , e t o n c o n s t a t e q u ' e l l e r e n c o n t r e la g r a d u a t i o n c e n t i m é t r i q u e
d i v e r g e n t e de l ' e n c a d r e m e n t à 1 8 m i l l i m è t r e s à d r o i t e d u o. Se r e p o r -
t a n t s u r le p l a n o n m e s u r e 1 8 m i l l i m è t r e s à d r o i t e d u o d e la t r a n s v e r -
sale g r a d u é e H I I , ce q u i d o n n e le p o i n t y. O n j o i n t a l o r s le p o i n t C
e m p l a c e m e n t d e l'objectif à ce p o i n t y. et on p r o l o n g e j u s q u ' à la r e n -
E
c o n t r e a v e c la 2 9 p a r a l l è l e . Là se t r o u v e la p o s i t i o n v r a i e d u p o i n t A
d e la p h o t o g r a p h i e .
O n p r o c è d e e x a c t e m e n t d e m ê m e p o u r t o u s les p o i n t s d u sol. L ' é c h e l l e
d u p l a n ainsi r e c o n s t i t u é e s t d e 1 / 2 0 . C'est ainsi q u ' o n a r e p é r é la
p o s i t i o n d u p o i n t B p i e d d e la c o l o n n e v i s i b l e s u r la p h o t o g r a p h i e e t
Fio. 10. — S p é c i m e n d e p h o t o g r a p h i e m é t r i q u e d'intérieur
X
- 33
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"XI.
- 32
i.io
• 31
'3,10
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>
i§ 0710 — s
0,00, 0
on p e u t m e s u r e r s u r le p l a n d i r e c t e m e n t l a d i s t a n c e v r a i e d e ces d e u x
p o i n t s A e t B . O n t r o u v e ainsi 7 2 c e n t i m è t r e s , e t c .
Nous ferons encore remarquer que les appareils métriques
ne sont pas plus coûteux et guère plus compliqués que les
appareils ordinaires, et, comme nous venons de le voir, on peut
obtenir, sans presque rien changer aux manipulations photogra-
phiques ordinaires, des clichés qui portent en eux-mêmes les
éléments suffisants à leur mensuration complète et à leur trans-
formation en plan. De plus, les épreuves obtenues peuvent être
aussi soignées et artistiques que les autres.
En terminant, j'adresse mes vifs remerciements à M. Bertillon,
chef, et à M. David, sous-chef du Service de l'Identité judiciaire,
pour la facilité qu'ils m'ont donnée d'étudier à loisir, et dans tous
les détails, l'organisation et le fonctionnement du Service, ainsi
que pour les conseils techniques dont j ' a i été heureux de profiter.
NOUVELLES
r
Nomination. — M . le D P A T O I R , a g r é g é , a é t é n o m m é p r o f e s s e u r
de m é d e c i n e l é g a l e , à la F a c u l t é d e m é d e c i n e d e Lille.
e
La responsabilité du médecin. — L a 9 C h a m b r e c o r r e c t i o n -
nelle a r e n d u , le 20 j u i l l e t d e r n i e r , s o n j u g e m e n t d a n s l e p r o c è s e n
r
blessures p a r i m p r u d e n c e intenté p a r le p a r q u e t au D Cormon. La
r
q u e s t i o n q u i se p o s a i t é t a i t l a s u i v a n t e : le D P i e r r e C o r m o n n ' a - t - i l
pas c o m m i s u n e f a u t e l o u r d e e n p r o l o n g e a n t o u t r e m e s u r e , ' d a n s u n cas
d ' a p p e n d i c i t e , l ' a p p l i c a t i o n d e la g l a c e , c e t t e a p p l i c a t i o n t r o p p r o -
l o n g é e a v a n t d é t e r m i n é u n e e s c a r r e d e f o r t e d i m e n s i o n d o n t la m a l a d e
n'est p a s guérie encore ?
r
Le D C o r m o n a é t é a c q u i t t é . E n r a i s o n d e s p r i n c i p e s qu'il p o s e ,
n o u s d o n n o n s in extenso le t e x t e d e ce j u g e m e n t :
r
« A t t e n d u q u e le D C o r m o n e s t cité s o u s l ' i n c u l p a t i o n de b l e s s u r e s
p a r i m p r u d e n c e , a u p r é j u d i c e d e la d e m o i s e l l e P e y r o n n e t t e , p o u r s ' ê t r e ,
d a n s le t r a i t e m e n t d ' u n e a p p e n d i c i t e d o n t elle é t a i t a t t e i n t e , r e n d u
c o u p a b l e d ' u n e n é g l i g e n c e o u i m p r é v o y a n c e a y a n t c a u s é ou a u g m e n t é
le d é v e l o p p e m e n t d ' u n e e s c a r r e t r è s é t e n d u e s u r l ' a b d o m e n de la m a l a d e ;
« A t t e n d u q u ' i l i m p o r t e d ' a b o r d d e r a p p e l e r e t d e p r é c i s e r les p r i n -
cipes d e la r e s p o n s a b i l i t é i n c o m b a n t a u x m é d e c i n s d a n s l ' e x e r c i c e d e
leur profession :
« Q u e c e t t e r e s p o n s a b i l i t é r é s u l t e d e s articles 3 1 9 e t 3 3 o d u C o d e
pénal, q u i , dérogeant a u x règles générales en matière pénale d'après
NOUVELLES
« 3° La c o n s t a t a t i o n de la t e m p é r a t u r e p a r l ' a p p l i c a t i o n d u t h e r m o -
m è t r e n ' e s t pas n o n p l u s i n d i s p e n s a b l e q u a n d d ' a u t r e s m o y e n s d ' i n v e s -
t i g a t i o n , c o m m e la p a l p a t i o n , p e u v e n t ê t r e e t s o n t effectivement
e m p l o y é s , l ' é l é v a t i o n d e la t e m p é r a t u r e n e c o r r e s p o n d a n t pas n é c e s -
s a i r e m e n t avec la d u r é e d e l'affection e l l e - m ê m e ;
« 4° L a f o r m a t i o n d ' u n e e s c a r r e p e u t ê t r e p l u s ou m o i n s s o u d a i n e e t
n e p e u t ê t r e p r é v u e avec c e r t i t u d e ;
« A t t e n d u q u e la v é r i t é d e ces d i v e r s e s p r o p o s i t i o n s é t a n t a d m i s e il
e n r é s u l t e u n e r é f u t a t i o n suffisante d e s griefs a l l é g u é s à l ' a p p u i d e la
p r é v e n t i o n , m ê m e d a n s la m e s u r e r e s t r e i n t e fixée p a r les c o n c l u s i o n s
c o n t e n u e s au r a p p o r t de l ' e x p e r t ;
ce E t q u e le p o i n t de fait d o i t se r é s u m e r , e n fin de c a u s e , d a n s les
t e r m e s s u i v a n t s : « La d e m o i s e l l e P e y r o n n e t t e a é t é a t t e i n t e d ' u n e a p p e n -
d i c i t e g r a v e m e t t a n t s o n e x i s t e n c e e n d a n g e r et le t r a i t e m e n t q u i lui
r
a é t é a p p l i q u é p a r le D C o r m o n l ' e n a g u é r i , sauf l'effet d e s i n c o n -
v é n i e n t s , i m p o s s i b l e s à p r é v o i r a v e c c e r t i t u d e , s u r v e n u s à la s u i t e
d'un traitement présentant un caractère normal ; »
« A t t e n d u , e n ce q u i c o n c e r n e p l u s s p é c i a l e m e n t le r e p r o c h e de n é g l i -
g e n c e o u i m p é r i t i e a d r e s s é au p r é v e n u p o u r n ' a v o i r p a s su d i s c e r n e r
les s y m p t ô m e s a n n o n ç a n t la f o r m a t i o n de l ' e s c a r r e , q u e , d ' a p r è s la
r
d é p o s i t i o n f o r m e l l e d u D B r é z a r d , e n t e n d u à l ' a u d i e n c e , il est affirmé
q u e le p r é v e n u a v a i t c o n s t a t é l ' e x i s t e n c e de ces s y m p t ô m e s dès l e u r
a p p a r i t i o n et a p p l i q u é u n t r a i t e m e n t a p p r o p r i é ;
« A t t e n d u q u e , d a n s ces c o n d i t i o n s , les a g i s s e m e n t s r e p r o c h é s au p r é -
venu comme délictueux ne doivent pas être considérés comme j u s t i -
fiant u n e s a n c t i o n p é n a l e . . . »
e r
M Félix Decori avait plaidé p o u r le D Cormon.
e m e
M de M o r o Giafferi s'était p r é s e n t é p o u r M Peyronnette mère,
partie civile, qui réclamait û o . o o o francs à titre de d o m m a g e s - i n t é r ê t s .
L'Imprimeur-Gérant : A. REY.
ARCHJTCBS
D'ANTHROPOp&IK fRIMINELLE
DE M ED E CI N E JSE G A L E
MÉMOIRES ORI&INÀUX
i n c o r p o r é e n 1906 à l a P o r t i o n C e n t r a l e d u 46° d e l i g n e e s t d e
haute stature.
L a c o u r b e s u i v a n t e ( p l a n c h e n ° -i) é t a b l i t l a v a r i a t i o n de la
longueur des pieds, pour le m ê m e nombre d'hommes, classés
nl m
é g a l e m e n t e n t r o i s g r o u p e s ; p e t i t s p i e d s d e o 22 à o a 4 ; m o y e n s
r a m m
d e o~-25 à o a 6 ; g r a n d s de o 27 à o 2g et au-dessus. L e point
culminant de la courbe e s t d a n s la zone d e s pieds de longueur
m o y e n n e , ce q u i revient k dire, e n tenant c o m p t e d e s résultats
p r é c é d e n t s , q u e l ' h o m m e m o y e n i n c o r p o r é est grand et a un pied
moyen. Cette disproportion importante entre la longueur de la
taille et celle d u pied a p p a r a î t d o n c déjà p a r u n simple c o u p
d'œil jeté s u r les deux courbes.
Les deux courbes comparées de plus près donnent des résuL
tats n o n m o i n s intéressants. Si elles sont symétriques dans
l ' e n s e m b l e , e l l e s s o n t l o i n , e n effet, d ' ê t r e superposables. Pour
chaque catégorie de pieds, nous voyons q u e la courbe n° 2 a u n
m o u v e m e n t d'ascension ou de descente très régulier, contraire-
Ravâ. — CLASSEMENT DU FANTASSIN SUR LES RANGS 181
m e n t a u x a c c i d e n t s très r a p i d e s et t r è s b r u s q u e s p r é s e n t é s , d a n s
les m ê m e s p h a s e s , p a r la c o u r b e n° i. Le nombre d'hommes
a y a n t u n p e t i t pied, croît m o i n s vite q u e le n o m b r e d'hommes
a y a n t une petite taille: le n o m b r e d'hommes, ayant un pied
moyen, croît également moins rapidement que le nombre
d ' h o m m e s a y a n t u n e taille m o y e n n e . La m ê m e r e m a r q u e s'im-
pose, et de façon plus évidente encore, p o u r les g r a n d e s tailles et
les p i e d s g r a n d s : le n o m b r e d ' h o m m e s , a y a n t u n l o n g pied, aug-
mente bien moins sensiblement, en effet, que le nombre
d ' h o m m e s g r a n d s . A i n s i , se p r é c i s e d o n c , de p l u s en plus, par
les écarts d'ensemble que nous venons d'enregistrer, cette notion
q u e l a l o n g u e u r d u p i e d , et surtout pour les hommes grands,
n ' e s t p a s p r o p o r t i o n n e l l e à la l o n g u e u r d e la t a i l l e .
90
80
75
70
60
35
50
45
40
35
50
25
20
1 c
J
1 0
L e s c o u r b e s ( p l a n c h e n ° 3) n o u s p e r m e t t e n t d ' e n t r e r d a n s p l u s
de détails en l i m i t a n t , de façon p l u s r i g o u r e u s e , les écarts précé-
182 MÉMOIRES ORIGINAUX
55
5° A,
45 / \
>>
40 /
\
35 /
30 /
1
25
20 d y
15 \
/ /
',' \
10
- ji |
5
• ÎP-.T-
c u l m i n a n t d e l a c o u r b e n ' e s t p l u s à s a p l a c e n o r m a l e : il c o r r e s -
m
p o n d à u n p i e d m o y e n de o 2 6 , ce q u i r e v i e n t à d i r e q u e l ' h o m m e
Ravé. CLASSEMENT DU FANTASSIN SUR LES RANGS 183
re
O 22 . . . 2 Oe
Catégorie 1 0
M
22 . . I
•/ Catégorie M
. . 5 M
O 23 . \ O 24. . . . 7
0'"24. 13 Moyennes { 0 20. M
. . .
M
M
O 26. [ O 27. . . . 5
n
o' 2g. 2 M i
1 O 28. . . .
1 LON'GUEUIt DES PIEDS
1 O 24.N ,
. . . 3
E
3 Catégorie | 0 , N
25. . . . . 23
< 0'"26. . . . 54
0'"27. . • • 3
Petits. . 1,
0' 22-0" 24 ,
Grandes Tailles 7
Moyens. M
O 25-0'"2G . . 12
1 o'"28.
Grands . N ,
O 27-O 29 I N M
\ O 20. . • • 9
c e v é r i t a b l e s u r m e n a g e , il n ' e s t p o i n t i l l o g i q u e d ' a d m e t t r e e n c o r e
q u e c e t r a v a i l p e r d u — s'il é t a i t b e s o i n d e l ' u t i l i s e r — pourrait,
mieux employé, servir p e u t - ê t r e , en certaines circonstances, à
a u g m e n t e r , sans plus g r a n d e fatigue, la longueur des étapes. Des
expériences, qu'il serait aisé de t e n t e r en ce sens, confirmeraient
vraisemblablement de telles hypothèses. Donc, en prenant sim-
p l e m e n t e n c o n s i d é r a t i o n le b u t e s s e n t i e l d e l ' i n f a n t e r i e q u i est,
a v a n t t o u t , l a m a r c h e , le c l a s s e m e n t p r o p o s é p e r m e t t r a i t , nous
en avons la certitude, de la r e n d r e p l u s docile, p l u s souple p o u r
l e s efforts q u ' o n p e u t e x i g e r d ' e l l e .
M a i s i n d é p e n d a m m e n t du trajet, le s o l d a t l u i - m ê m e n ' e s t p o i n t
à n é g l i g e r . N o u s a v o n s v u le p a r c o u r s q u e d e s h o m m e s d e t o u t e
catégorie a r r i v e n t à effectuer, p o u r a i n s i dire^, e n p l u s . I l faut
répéter que cette augmentation virtuelle de chemin parcouru
correspond, pour toute allure, à une tension musculaire anor-
male, constamment renouvelée à chaque p a s . E t d e là, tout
le mal.
Souvent, p e n d a n t les g r a n d e s manœuvres d'automne, nous
avons été particulièrement frappé par l'aspect vigoureux de
réservistes ou de soldats de l'armée active, ouvriers agricoles
h a b i t u é s , p e n d a n t la vie civile, a u x exercices de la m a r c h e et
s'arrêtant cependant au bout de quelques kilomètres. D'autres,
d'aspect moins robuste, étudiants ou artisans sédentaires des
grandes villes, moins entraînés, ne venaient pas nous solliciter
pour être débarrassés de leur sac ou être autorisés à prendre
place dans la voiture d'ambulance. Simple différence d'énergie
morale nous dira-t-on? Peut-être. Peut-être aussi les p r e m i e r s
étaient-ils m a l placés sur les r a n g s , se t r o u v a n t en p l u s fâcheuse
condition que les seconds, par hasard m i e u x favorisés. Nous
a v o n s l'habitude de g r o u p e r en ordre, à la g a u c h e du régiment et
d e v a n t n o u s , tous les traînards pour m i e u x les surveiller et leur
d o n n e r a i n s i t o u s s o i n s n é c e s s a i r e s , b i e n s o u v e n t s a n s le? a l l é g e r
de tout ou partie de leur équipement, en raison de la pose p r o -
c h a i n e . Q u e d e f o i s , n o u s a - t - o n fait r e m a r q u e r (la b o n n e v o l o n t é
étant presque mise en doute), que l ' h o m m e pourrait bien rester
à sa place habituelle puisqu'il continuait ainsi à m a r c h e r ! N o u s
p e n s o n s q u e ces h o m m e s , m o i n s r i g o u r e u s e m e n t encadrés, con-
s e r v a i e n t ici l e u r a l l u r e n a t u r e l l e q u ' i l s n e p o u v a i e n t p r é c é d e m -
190 MÉMOIRES ORIGINAUX
m e n t c o n s e r v e r s u r les r a n g s , E t b e a u c o u p , p a r m i eux, n e n o u s
d e m a n d a i e n t p a s a u t r e c h o s e , e n effet, q u e d e l e s g a r d e r p r è s d e
nous en les laissant aller à leur guise.
L'AFFAIRE W A D D I N G T O N - B A L M A C É D A
Par A. DU LAC
C e t t e affaire q u i , e n F r a n c e , e û t p r i s t o u t a u p l u s q u a t r e o u
cinq jours, occupa la Cour d'assises du B r a b a n t p e n d a n t dix
i n t e r m i n a b l e s a u d i e n c e s , d u 25 j u i n a u 5 j u i l l e t 1907.
Ce procès assez banal, s o m m e t o u t e , de séduction et de v e n -
geance, n e se distingue guère des autres crimes passionnels. Il
s e m b l e que les personnalités en j e u a p p a r t e n a n t t o u t e s a u m o n d e
d i p l o m a t i q u e a i e n t suffi à d o n n e r à c e t t e affaire m é d i o c r e m e n t
attachante tout l'intérêt d'une grande cause sensationnelle.
L e cas p s y c h o l o g i q u e était, a u fond, assez v u l g a i r e et fort p e u
compliqué.
L'affaire W a d d i n g t o n - B a l m a c é d a rappelle ces bons vieux
m é l o d r a m e s d e l ' A m b i g u q u i firent c o u l e r t a n t d e l a r m e s à d e s
g é n é r a t i o n s successives d'âmes sensibles et naïves.
M é l o d r a m e , c e r t e s , et, ce q u i p l u s est, m a u v a i s m é l o d r a m e ,
a u x p e r s o n n a g e s a r c h i - c o n n u s , a u x effets u s é s e t a u d é n o u e m e n t
tragique.
A u c u n d e s a c t e u r s de ce d r a m e n e fut d e taille à s'élever a u •
d e s s u s d ' u n e m é d i o c r i t é v a g u e et à se p r é s e n t e r e n pleine l u m i è r e
a u x r e g a r d s d u c r i m i n o l o g u e a t t e n t i f . L ' a c c u s é s'efforça de p a s s e r
inaperçu le plus possible et ne répondit g u è r e que p a r m o n o -
s y l l a b e s a u x q u e s t i o n s d u p r é s i d e n t . C'est t o u t a u p l u s si, de-ci
d e - l à , l e s d é b a t s firent a p p a r a î t r e q u e l q u e s t r a i t s d e m œ u r s r é v é -
l a n t d e s r e s s o r t s d ' â m e différents de c e u x de la vieille E u r o p e .
I l s e r a i t v r a i m e n t difficile d e c o m p r e n d r e c e t t e a f f a i r e d a n s l a
c a t é g o r i e d e s g r a n d s et b e a u x c r i m e s q u i p a s s i o n n e n t le crimi-
n o l o g u e et le p s y c h o l o g u e .
E n j u i l l e t igo5, E r n e s t B a l m a c é d a , n e v e u de l ' a n c i e n P r é s i d e n t
d e l a R é p u b l i q u e d u C h i l i e t fils d e M . R a p h a ë l B a l m a c é d a ,
ancien P r é s i d e n t d u Conseil, arrivait à Bruxelles, en qualité de
secrétaire d e la L é g a t i o n d u Chili en B e l g i q u e .
Il était à p e i n e â g é de v i n g t a n s . M . L o u i s W a d d i n g t o n , le
c h a r g é d ' a f f a i r e s d u C h i l i e n B e l g i q u e , l e r e ç u t e n p è r e . L a fille
192 -NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
U o
de M. W a d d i n g t o n , M Adélaïde W a d d i n g t o n — que l'on
n o m m a i t f a m i l i è r e m e n t Y a y a — fit s u r l e j e u n e h o m m e u n e t r è s
vive i m p r e s s i o n . Il s'éprit d'elle et t é m o i g n a sa p a s s i o n d ' u n e
m e
façon t e l l e m e n t o s t e n s i b l e q u e M W a d d i n g t o n mère prévint
son m a r i . Celui-ci signifia a u j e u n e h o m m e q u ' i l s'opposerait au
m a r i a g e et lui interdit de venir à la L é g a t i o n en d e h o r s des h e u r e s
du bureau.
C e t t e d é f e n s e n ' i n t i m i d a p a s B a l m a c é d a q u i c o n t i n u a à faire à
l a j e u n e fille u n e c o u r a s s i d u e . L ' a m o u r d u j e u n e h o m m e é t a i t
p a r t a g é et b i e n t ô t son a m i e , s o n a m a n t e , n ' e u t p l u s rien à l u i
refuser.
A d é l a ï d e W a d d i n g t o n , n é e e n 1884, f r a n c h e , l o y a l e , s e l o n l e s
u n s , s y m p a t h i q u e et enjouée selon les a u t r e s , n o u s est m o n t r é e
comme une passionnée romanesque, inconsidérée, par une corres-
pondance avec Ernesto. A tort ou à raison, la médisance ne
l'avait pas épargnée au Chili.
D e q u a n d d a t e n t l e u r s r e l a t i o n s i n t i m e s ? C o m m e n t se s o n t -
elles établies? Il y a d e u x v e r s i o n s . D ' a p r è s la p r e m i è r e , B a l m a -
céda aurait eu recours à des violences. Le Ministère public
n ' a d m e t pas cette thèse. Selon l'autre version, les a m o u r e u x
a u r a i e n t , de c o m m u n accord, a c c o m p l i la faute. A d é l a ï d e affirme
q u e l a p r e m i è r e fois B a l m a c é d a e n t r a c h e z e l l e a r m é d ' u n
revolver. Mais ses lettres enflammées à Ernesto témoignent de
l'inexactitude de cette déclaration.
L ' a c t e d'accusation r e p r o d u i t q u e l q u e s l e t t r e s o ù les a m a n t s
c é l è b r e n t u n a m o u r v i o l e n t , f o r c e n é , o ù il e s t f a i t d ' a r d e n t e s
allusions à la n a t u r e d e l e u r s r e l a t i o n s .
— Q u a n d j ' a i m e , j ' a i l ' i m p é t u o s i t é de l'Indien, s'écrie Bal-
macéda.
— M e s l è v r e s v o u s d i r o n t ce q u e j e n e p u i s confier a u p a p i e r ,
écrit la j e u n e fille.
E r n e s t o B a l m a c é d a p r o m i t l e m a r i a g e à Y a y a e t fit a u p r è s d ' u n
de ses oncles habitant Paris, M. Bello de Codecido, une d é m a r c h e
l ' a d j u r a n t d e faire fléchir l ' o p p o s i t i o n d e M . W a d d i n g t o n et
d ' o b t e n i r aussi le c o n s e n t e m e n t d u p è r e B a l m a c é d a .
M . W a d d i n g t o n finit p a r c é d e r , m a i s l e p è r e B a l m a c é d a ,
pressenti par câblogramme répond : « Approbation impossible
telles conditions. M a n q u e de j u g e m e n t et de r e s s o u r c e s . »
D é s e s p é r é e , Y a y a a v o u e à sa m è r e qu'elle se t r o u v a i t d a n s u n e
situation intéressante.
M . W a d d i n g t o n , o u t r é , notifie à l'oncle d ' E r n e s t o qu'il exi^
r
D A. du Lac. — L'AFFAIRE AVADDlNGTON-RALMACÊDA 193
g e a i t c e t t e fois l e m a r i a g e . O n c â b l a a u C h i l i e t l e c o n s e n t e m e n t
arriva.
L e s fiançailles furent alors a n n o n c é e s p u b l i q u e m e n t . Mais
p o u r v o u s faire c o m p r e n d r e qu'il e s t i n d i s p e n s a b l e q u e v o u s m e d o n n i e z
votre consentement.
Vous m e câblerez cette réponse : « Consentirai quand tu auras vingt et
un a n s a c c o m p l i s . »
C'est l ' u n i q u e m o y e n g r â c e a u q u e l j e p o u r r a i m ' é l o i g n e r d'eux c o m m e u n
c a b a l l e r o e n lui l a i s s a n t , à e l l e , l ' e s p o i r d u m a r i a g e .
J'ai la t ê t e t e l l e m e n t t r o u b l é e q u e c ' e s t à p e i n e si j ' a r r i v e à m a n i e r la
p l u m e , c e qui fait q u e v o u s t r o u v e r e z m e s i d é e s u n p e u c o n f u s e s . Mais v o u s
v o u s e x p l i q u e r e z tout tel q u e j e v e u x l e d i r e .
Enfin, il faut q u e v o u s s a c h i e z q u e j e n e m e m a r i e r a i d a n s a u c u n c a s ,
pour aussi forcé que j e puisse l'être.
S o y e z t r a n q u i l l e , il faudra q u e j e m e tire d e c e t t e affaire c o m m e j e l e
veux.
Ma n o m i n a t i o n à L o n d r e s m e plaît b e a u c o u p , car j'irai là à la L é g a t i o n la
p l u s importante peut-être du Chili, à c ô t é d'un Ministre qui m ' e n s e i g n e r a
à travailler.
Je v o u s e m b r a s s e de toute m o n â m e et v o u s serre m i l l e fois dans m e s
bras.
B r u x e l l e s , l e a3 f é v r i e r 1906.
M. J. R a p h a ë l B a l m a c é d a ,
Santiago,
Mon très cher petit papa,
Il y a trois o u q u a t r e j o u r s j e v o u s ai é c r i t , c o n t e n t de v o u s faire c o n n a î t r e
u n e s o l u t i o n à c e d r a m e t e l q u ' i l s ' é l a i t d é v e l o p p é , m a i s , p a r m a l h e u r , il
arrive b i e n s o u v e n t q u e la l o y a u t é s u r l a q u e l l e on a v a i t c o m p t é fait d é f a u t ,
produisant de graves maux.
Dans ma p r é c é d e n t e , je vous racontais c o m m e n t cela s'est terminé, ayant
p u r e s t e r b i e n a v e c e u x . Il a v a i t é t é a r r a n g é e n t r e n o u s q u ' e l l e d i r a i t à s e s
p a r e n t s q u ' e l l e n e v o u l a i t p a s s e m a r i e r e t q u e c o m m e il n e s ' é t a i t r i e n
p a s s é qui put c o m p r o m e t t r e s o n h o n n e u r , e l l e r o m p a i t l e m a r i a g e p a r c e
que m o n caractère ne concordait pas a v e c le s i e n .
L e s c h o s e s é t a i e n t a i n s i d é f i n i t i v e m e n t a r r a n g é e s e n t r e l e s p a r e n t s et
e l l e , e t c ' e s t p o u r c e l a q u e j e v o u s ai a d r e s s é c e t é l é g r a m m e e n v u e
d'obtenir d'être e n v o y é de suite aux E t a t s - U n i s .
C o m m e t o u t é t a i t fini, j e lui r e n d i s s e s l e t t r e s a i n s i q u e l e s p r e u v e s q u e
je p o s s é d a i s contre elle, d é m o n t r a n t qu'elle avait eu d e s relations a n t é -
rieures avec un autre (Pedro Luis Villegas), son cousin, croyant, en pro-
c é d a n t d e la s o r t e , a g i r d e f a ç o n a b s o l u m e n t c h e v a l e r e s q u e e t n i e c o n f i a n t
à e l l e c o m p l è t e m e n t et a v e u g l é m e n t .
E l l e b r û l a e n ma p r é s e n c e t o u t e s l e s l e t t r e s e t l e s p r e u v e s q u e j e
possé'dais.
E n m ê m e t e m p s j e lui r e m i s u n e l e t t r e a d r e s s é e à m o n o n c l e E m i l e , e t
l u i e x p l i q u a n t ma f a ç o n d e p r o c é d e r , f a i s a n t l e s é l o g e s d e la Y a y a et f a i s a n t
r
D A. du Lac. — L'AFFAIRE WADDINGTON-BALMACÉDA 195
r e t o m b e r s u r m o i l e p o i d s d e tout : l e t t r e é c r i t e s e u l e m e n t s u r s e s p r i è r e s ,
j e lui d o n n a i la l e c t u r e e t la l a i s s a i o u v e r t e e n s o n p o u v o i r , p o u r q u ' e l l e
m ê m e la m î t à la p o s t e .
N e craignant rien, je rentrai chez moi, tranquille, pour arranger m e s
malles.
m o
Deux heures après, m e trouvant encore occupé à cela, M Isabelle
ne
(M' W a d d i n g t o n ) , m ' e n v o y a i t u n e c a r t e m e d i s a n t d'aller d e s u i t e la
trouver, parce qu'il s e passait q u e l q u e c h o s e e t que c'était u r g e n t .
M e r e n d a n t à p e u p r è s c o m p t e d e c e qui s e p a s s a i t , d e v i n a n t la m a l i c e
d e la Y a y a et q u e m a c o n f i a n c e en e l l e a v a i t é t é b ê t e , j e m i s m o n r e v o l v e r
d a n s m a p o c h e e t , r é s o l u à d é f e n d r e m o n h o n n e u r a v e c m a v i e , j'arrivai
à la L é g a t i o n .
m c
O n m e r e ç u t d a n s le b u r e a u , M I s a b e l l e arriva a u s s i t ô t et m e m o n t r a
un câblogramme à vous adressé disant : « Mariage annoncé officiellement.
E r n e s t o p a r t i r a p o u r W a s h i n g t o n , m a r i é a v e c Y a y a ».
J e lui d i s q u e j e n e p e r m e t tais p a s q u ' u n p a r e i l t é l é g r a m m e v o u s fût e n v o y é .
E l l e m e d i t q u e la l e t t r e q u e j ' a v a i s l a i s s é e à la Y a y a , e l l e la l u i a v a i t
a r r a c h é e d e s m a i n s , q u ' e l l e s a v a i t tout c e q u i s ' é t a i t p a s s é e n t r e e l l e et m o i .
e t q u e , p o u r c e l a , d o n Louis e x i g e a i t d e m o i l e m a r i a g e e n r é p a r a t i o n d e s o n
h o n n e u r . L e s a n g m e m o n t a à la t ê t e . J e lui r é p o n d i s a v e c v i o l e n c e : J e n e
p u i s é p o u s e r v o t r e fille, p a r c e q u e a v a n t v o t r e h o n n e u r à v o u s a u t r e s , il y
a c e l u i d e m o n p è r e e t c e l u i d e m o n n o m a u x q u e l s j e m e d o i s . Ce n ' e s t p a s
m o i qui d o i s c e t t e r é p a r a t i o n , m a i s b i e n u n a u t r e , e t s i l'on v e u t m e f o r c e r
à faire p a r e i l l e c h o s e , j e p r é f è r e m i l l e f o i s r e c e v o i r u n e b a l l e ; v o u s p o u v e z
d i r e à d o n L o u i s q u e c ' e s t là m o n d e r n i e r m o t d a n s c e t t e affaire.
J e l u i d i s q u e l l e s é t a i e n t l e s p r e u v e s q u e j ' a v a i s e u e s p o u r c o n f i r m e r la
vérité de m e s paroles; que ces preuves je les avais généreusement resti-
t u é e s à la Y a y a , m e fiant à e l l e c o m m e f a ç o n d'agir e t q u e j e n e m e m a r i e r a i s
p o i n t a v e c u n e f e m m e qui s e r é v é l a i t à m o i a u j o u r d ' h u i s o u s d e s f o r m e s
c a n a i l l e s , d e v a n t la g é n é r o s i t é d o n t j ' a v a i s u s é e n v e r s e l l e ; et c e l a m ê m e
d a n s le c a s o ù e l l e aurait un e n f a n t q u i fût d e m o i .
Elle mo déclara qu'elle ne savait rien de l'accusation que je portais contre
la Y a y a ; q u ' e l l e é t a i t sa fille e t q u ' e l l e n'y c r o y a i t p a s ; m a i s q u e p o u r e n
ê t r e s û r e , e l l e irait l e l u i d e m a n d e r , c a r e l l e é t a i t a u lit, m a l a d e -
m e
Un petit m o m e n t après, M I s a b e l l e r e v i n t e t m e dit q u e la Y a y a
v e n a i t d e lui j u r e r q u e r i e n n e s ' é t a i t p a s s é a v e c P e d r o L u i s Y i l l e g a s . E t
m o i j ' a f f i r m e q u e ce q u e j'ai dit e s t la v é r i t é , lui r é p o n d i s - j e , p a r c e q u e , e n
o u t r e d e la c o n f e s s i o n v e r b a l e q u ' e l l e m'a f a i t e , j e l'ai e u e par é c r i t a i n s i q u e
la p r e u v e p h y s i q u e i n d u b i t a b l e . E t , j e v o u s l e r é p è t e , j e n e m e m a r i e r a i p o i n t .
E l l e m e m e n a ç a d e l e d i r e à d o n L o u i s e t , v o y a n t m o n o b s t i n a t i o n e t ma
r é s o l u t i o n , q u a n d j e s o r t i s m o n r e v o l v e r de m a p o c h e , lui d i s a n t : « Y o i c i
l ' a r m e , v o u s p o u v e z l ' a p p e l e r p o u r qu'il f a s s e c e q u e d o i t faire u n p è r e ,
nrais s a c h e z q u e j e n e m e m a r i e r a i p a s p o u r l e s r a i s o n s q u e j e v o u s ai
données! »
E l l e s e m i t à p l e u r e r et m e fit j u r e r d e n e j a m a i s rien d i r e à p e r s o n n e d e
c e qui s ' é t a i t p a s s é e n t r e la Y a y a e t m o i .
Je sais que don L o u i s n'ignore rien et qu'il ne veut pas que j e b o u g e de
B r u x e l l e s j u s q u ' à c e q u e la Y a y a a i t s e s r è g l e s ; e t . q u a n d c e l a a r r i v e r a , il
m e d o n n e r a la v o l é e e t m e l a i s s e r a i t a l o r s partir. Il e s t e n c o r e d a n s l e d o u t e
de m e tuer oui ou n o n .
196 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
Je s a i s é g a l e m e n t q u e s o n frère à e l l e , C a r l o s , v e u t s e b a t t r e a v e c m o i
avant que je parte. Telles sont les c i r c o n s t a n c e s qui m'ont obligé à vous
e x p é d i e r l e t é l é g r a m m e d e c e j o u r qui v o u s d i t : « V i e e n d a n g e r ; e n v o y e z -
moi d o n c i5oo francs pour m'en aller i m m é d i a t e m e n t , c o n g é . Situation
d é s e s p é r é e . R é p o n d e z - m o i c h e z m o i ».
G r a n d e e s t l ' e x c i t a t i o n o ù j e m e t r o u v e a v e c c e d a n g e r i m m é d i a t . J e n'ai
p a s un i n s t a n t d e t r a n q u i l l i t é .
J e p a r t i r a i d è s q u e j'aurai d e l ' a r g e n t . J e n ' é c r i s p a s à m a p e t i t e m a m a n
parce que ma tête ne me le p e r m e t pas. Dites-lui c o m b i e n son souvenir
m ' e s t p r é s e n t e n c e s i n s t a n t s où j e p u i s m o u r i r l o i n d ' e l l e , c o m m e un c h i e n .
Mais l e s a m è r e s é p r e u v e s par l e s q u e l l e s j e p a s s e s e r o n t d o u b l e m e n t
r é c o m p e n s é e s si j e p u i s r e t o u r n e r v e r s m a terre n a t a l e e t v o u s r e v o i r .
Adieu, petit père chéri!
C e t t e l e t t r e s e r a - t - e l l e ma d e r n i è r e ?
J'ai c o n f i a n c e e t c r o i s q u e n o n . J e v o u s e m b r a s s e m i l l e f o i s e t d e tout
mon cœur.
EKNESTO BALMACÉDA BELLO.
L e 21 f é v r i e r , E r n e s t B a l m a c é d a a v a i t d i n é a v e c s a fiancée e t
les p a r e n t s de celle-ci chez L . C a p e l l e , d i r e c t e u r g é n é r a l a u
m i n i s t è r e des Affaires é t r a n g è r e s .
A d é l a ï d e W a d d i n g t o n lui dit : « V i e n s e n c o r e u n e d e r n i è r e
fois, p a s s o n s e n s e m b l e la d e r n i è r e n u i t q u i te r e s t e à p a s s e r e n
Europe. »
I l q u i t t e l e d î n e r , s e d i s a n t i n d i s p o s é ; il v a à l a L é g a t i o n ,
entre c o m m e d'habitude, avec la complicité des domestiques.
e
M " W a d d i n g t o n , e n r e n t r a n t d u d î n e r , l e t r o u v e fidèle a u
r e n d e z - v o u s d a n s s a c h a m b r e . E l l e l e r e t i e n t d e p u i s l e 21, à
11 h e u r e s d u s o i r , j u s q u ' a u v e n d r e d i 23, k m i d i .
L e 24, C a r l o s W a d d i n g t o n , q u i é t a i t é t u d i a n t k l ' E c o l e d u
génie civil de G a n d , r e n t r e chez lui. Il voit sa m è r e et sa s œ u r
en p l e u r s et s ' e n q u i e r t d e s c a u s e s de l e u r d o u l e u r . L a m è r e lui
a p p r e n d t o u t e la v é r i t é .
Carlos W a d d i n g t o n , qui avait u n revolver lui a p p a r t e n a n t ,
s ' e m p a r e é g a l e m e n t d u r e v o l v e r d e s o n p è r e e t se r e n d c h a u s s é e
d e V l e u r g a t o ù l o g e l ' a m a n t d e s a s œ u r . IL l u i r e m e t l e c h è q u e
de ses a p p o i n t e m e n t s m e n s u e l s , a p r è s lui avoir tendu a m i c a l e -
m e n t la m a i n . A u m o m e n t o ù B a l m a c é d a allait signer, C a r l o s
W a d d i n g t o n — c'est sa version — lui d i t : « Oui ou non, voulez-
vous épouser ma sœur ? »
P a r t r o i s f o i s , il l u i p o s e l a q u e s t i o n e t , a u m o m e n t o ù B a l -
m a c é d a r é p o n d n é g a t i v e m e n t , il l u i t i r e par derrière l e p r e m i e r
c o u p d e feu. A p r è s a v o i r d é c h a r g é s u r l u i , t o u j o u r s p a r d e r r i è r e ,
l e s c i n q c o u p s d u p r e m i e r r e v o l v e r , il l u i t i r e e n c o r e t r o i s c o u p s
D<- A. du Lac. — L'AFFAIRE YVADDLS'GTON'-BALîIACÉDA 197
d e s o n a u t r e a r m e , p u i s il s ' é l o i g n e t r a n q u i l l e m e n t et r e n t r e à la
légation.
Balmacéda, blessé à mort par les huit balles, qui toutes
avaient porté dans les parties vitales, succombe aussitôt.
L ' i n s t r u c t i o n a révélé ce détail c u r i e u x qui d é m o n t r e avec q u e l
s a n ° ; - f r o i d C a r l o s W a d d i n " ' t o n a asrï.
A s o n r e t o u r à l a l é g a t i o n , il e n v o y a u n d o m e s t i q u e à l a m a i s o n
du crime avec mission de réclamer son revolver et son chapeau
qu'il avait oubliés à côté du cadavre.
« Si j ' a v a i s eu d'autres revolvers, déclara-t-il au juge d'in-
struction, j'aurais encore tiré. »
Adélaïde W a d d i n g t o n envoya sa femme de c h a m b r e déposer
e n s o n n o m s u r le c a d a v r e d e s o n a m a n t s o n c h a p e l e t e t u n p e t i t
crucifix.
Voici l'accusé à l'audience de la cour d'assises.
C a r l o s W a d d i n g t o n est u n é p h è b e svelte et fluet, d o n t le
visage g l a b r e a c c e n t u e e n c o r e la j e u n e s s e ; les c h e v e u x n o i r s ,
collés à p l a t s u r le c r â n e , s o n t s é p a r é s p a r u n e large raie p a s s é e
a u m i l i e u . L e r e g a r d e s t vif, p e r ç a n t , m a i s l a p r o é m i n e n c e d e l a
lèvre supérieure a t t é n u e ce qu'il p e u t y avoir d'intelligent d a n s
cette physionomie.
Le directeur de l'Institut Saint-Louis de Bruxelles, qui a eu
Carlos W a d d i n g t o n comme élève, a déclaré à l'audience qu'il
n ' a v a i t p a s le c a r a c t è r e t r è s a g r é a b l e . Il é t a i t t r è s i r r i t a b l e d a n s
les questions d ' a m o u r - p r o p r e et d ' h o n n ê t e t é . « U n j o u r que je
l'avais a d m o n e s t é et q u e j e l'avais appelé m e n t e u r , j ' a i v u passer
sur son visage u n e expression extraordinaire. Il m ' a dit qu'il ne
m ' a v a i t j a m a i s p a r d o n n é ce m o t . Carlos était très intelligent, p a s
t r a v a i l l e u r , m a i s il r é u s s i s s a i t f a c i l e m e n t d a n s s e s e x a m e n s .
A v e c u n p e u d ' e f f o r t s , il e û t p u d e v e n i r u n s u j e t b r i l l a n t . »
L o r s q u e l e p r é s i d e n t d e m a n d e a u t é m o i n si l ' i m p r e s s i o n p r o -
duite par le m o t m e n t e u r n e lui a pas p a r u favorable, celui-ci
r é p o n d : « J'ai t r o u v é q u e c'était u n e impression peu belge, plus
c o n f o r m e k l ' i r r i t a b i l i t é d e s S u d - A m é r i c a i n s ».
L e t é m o i n expliquait ainsi, sans s'en douter peut-être, toute
la p s y c h o l o g i e d u d r a m e q u i c o û t a la vie k E r n e s t B a l m a c é d a .
Carlos W a d d i n g t o n s'est conduit en Chilien, avec toute la vio-
lence et l ' i m p é t u o s i t é q u e l q u e p e u s a u v a g e s d e sa race. Cet
enfant des p a y s d u soleil est un impulsif, entiché d u point d ' h o n -
neur, p o u s s a n t l'orgueil familial j u s q u ' à ses e x t r ê m e s limites.
L'avocat g é n é r a l a dit : « U n e seule explication est possible ;
198 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
Le p r é s i d e n t : « V o u s n'auriez p a s p u le t e n i r u n p e u p l u s
é n e r g i q u e m e n t , o u b i e n s o n n e r u n d o m e s t i q u e p o u r l ' a r r ê t e r '? »
L e t é m o i n : « N o n ; a p r è s ce q u e B a l m a c é d a v e n a i t de m e dire,
je ne pouvais appeler un domestique. Je m e suis mise à genoux
pour prier. »
U n autre témoin, agent de change, vient déclarer que B a l m a -
céda h y p o t h é q u a i t g é n é r a l e m e n t le c h è q u e d e s o n t r a i t e m e n t :
><
. D e u x j o u r s a p r è s q u ' i l était p a y é , le c h è q u e était d é p e n s é et
B a l m a c é d a n ' a v a i t p l u s le sou, é t a n t d o n n é q u ' i l faisait la n o c e
avec C a r l o s W a d d i n g t o n : c'est B a l m a c é d a l u i - m ê m e q u i l'a
raconté à m a belle-mère. Je n'attache pas grande importance à
ce d é t a i l . E s t - c e q u e t o u s les j e u n e s g e n s n e font p a s la n o c e ? »
L e s d é b a t s forent e x t r ê m e m e n t a n i m é s et, à d i v e r s e s r e p r i s e s ,
des scènes t u m u l t u e u s e s se produisirent p a r m i le public.
L ' a s s i s t a n c e m o n d a i n e n e se g ê n a i t g u è r e p o u r t é m o i g n e r sa
s y m p a t h i e à la cause de l'accusé et m a n i f e s t e r b r u y a m m e n t en sa
faveur.
L e p a l a i s de j u s t i c e fut t r a n s f o r m é en salle d e s p e c t a c l e .
U n journal bruxellois disait :
« H i e r j o u r n é e de soleil, les toilettes claires d o m i n a i e n t . Il
p l e u t m a i n t e n a n t . P l u s d e c o q u e t t e s b l o u s e s a u x vives, c o u l e u r s
et de boas e m p l u m é s . Gris p r e s q u e p a r t o u t . . .
« U n g e n d a r m e a y a n t r é c l a m é sa carte à u n e d a m e , celle-ci lui
tendit s i m p l e m e n t . . . u n billet de cinquante francs.
« L e g e n d a r m e fronça l e s s o u r c i l s , et, d ' u n g e s t e r e n v o y a la
tentatrice. »
C i t o n s e n c o r e ce détail c u r i e u x et s y m p t o m a t i q u e :
« D a n s les galeries réservées à la presse, des p h o t o g r a p h e s
b r a q u e n t s u r ce t a b l e a u , p l u t ô t p i t t o r e s q u e , de f o r m i d a b l e s a p p a -
reils. C o m m e les o c c u p a n t s de ces tribunes s'étonnent de pareille
intrusion, les p h o t o g r a p h e s r é p o n d e n t :
— M . le P r é s i d e n t est p r é v e n u . »
U n j o u r n a l d é c r i t en ces t e r m e s la p h y s i o n o m i e d e la salle
d'audience :
« E n a t t e n d a n t q u e . . . le r i d e a u se lève, on p a p o t e j o y e u s e m e n t . . .
« P e n d a n t la s u s p e n s i o n , u n g r a n d n o m b r e d e s i n v i t é s q u i
o c c u p e n t la t r i b u n e r é s e r v é e s'installent et d é j e u n e n t . D e s
e m p l o y é s d e la b u v e t t e et des r e s t a u r a n t s e n v i r o n n a n t le palais
a p p o r t e n t des victuailles et des b o i s s o n s . O n c a s s e u n e c r o û t e
en é c h a n g e a n t ses impressions. Ce n'est pas très austère, ni très
c o u r d ' a s s i s e s ; m a i s c h a r m a n t , t o u t à fait g a i . »
200 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
C e t t e fois l e s c a n d a l e d é p a s s a t o u t e s l e s b o r n e s .
L a p r e s s e e l l e - m ê m e s e fit l ' é c h o d e p r o t e s t a t i o n s i n d i g n é e s
e t d e m a n d a q u e l ' o n m î t fin à u n e s i t u a t i o n i n t o l é r a b l e .
U n j o u r n a l bruxellois écrivit à ce p r o p o s ;
« N o u s a v o n s r e v u ce public, — le p u b l i c des g r a n d e s p r e -
m i è r e s , — q u i c o n f o n d la G o u r d ' a s s i s e s a v e c le t h é â t r e , et q u i ,
d a n s sa recherche m a l s a i n e des s e n s a t i o n s d r a m a t i q u e s , c o m -
p r o m e t parfois le p r e s t i g e de la j u s t i c e .
« N o u s avons revu les mondaines en grande toilette, armées
de leur face-k-main, — elles r e g r e t t a i e n t l e u r s j u m e l l e s — et
l e s p h o t o g r a p h e s faufilés d a n s la t r i b u n e d e l a p r e s s e , t o u t e
une é l é g a n t e c o h u e d e c u r i e u s e s e t d e c u r i e u x , e n p r o i e à u n e
agitation fébrile, toujours p r ê t s à p r e n d r e p a r t i , et qui consi-
d è r e n t les m a g i s t r a t s , les d é f e n s e u r s et l ' a c c u s é c o m m e les
acteurs d'un mélodrame.
« C e t t e fois, les c a r t e s o n t été d i s t r i b u é e s a v e c u n e telle p r o -
fusion, et l'affluence a été si g r a n d e , q u e les j o u r n a l i s t e s , q u i
n'étaient pas là p o u r leur plaisir, o n t dû d i s p u t e r leur place à
de belles dames encombrantes et jacassantes. D'audacieuses
spectatrices ont été j u s q u ' à p é n é t r e r d a n s la salle des délibéra-
t i o n s d u j u r y p o u r se p r o c u r e r d e s c h a i s e s .. »
L e s j u r é s s u b i r e n t s a n s d o u t e i n c o n s c i e m m e n t l'influence de
l ' a m b i a n c e m o n d a i n e d a n s laquelle ils a v a i e n t vécu p e n d a n t dix
jours.
L e u r v e r d i c t fut ce q u ' i l d e v a i t ê t r e p o u r a i n s i dire f a t a l e m e n t ,
dans ces conditions, u n verdict mondain.
C a r l o s W a d d i n g t o n fut a c q u i t t é p a r s e p t v o i x c o n t r e c i n q .
C e t t e d é c i s i o n n e se justifie p a s p l u s q u e n e se j u s t i f i e n t e n
général tous les acquittements en matière de crimes p a s -
sionnels.
L ' i n t é r ê t social est g r a v e m e n t lésé p a r de pareilles décisions
qui s e m b l e n t s'inspirer d ' u n r e t o u r a t a v i q u e à la s a u v a g e r i e
ancestrale.
LA F A M I L L E " Z É R O "
r
(Traduction du D Ch. L.MI.UIE, d e Bel-Air, Genève).
1
Arcliic filr Jtnssen uml Gesellschafls-Iiioloc/ie, p u b l i é e s par les docteur
en m é d e c i n e A. Pluetz, docteur en droit, Xordenholz, professeur, Plate et
} ) ' T u r n w a l d ; r é d i g é p a r l e s D™ A . P l o e t z e t E . I l u e d i n ( B e r l i n ) , 2« a n n é e ,
f a s c . i v , j u i l l e t - a o û t ino;";.
1
« F e k e r n » , m o t i n t r a d u i s i b l e d é s i g n a n t u n e h o r d e q u i r ô d e d a n s la S u i s s e
m o y e n n e ( D ' h ).
2
Le • J e n i s c h » e s t un a r g o t , un j a r g o n a n a l o g u e à c e l u i q u e p a r l e n t e n t r e e u x
les c r i m i n e l s et les v a g a b o n d s . Ce l a n g a g e p r o v i e n t du j a r g o n juif a l l e m a n d . A
c o n s u l t e r , s u r c e s u j e t : M i c h e l , Etude de philologie comparée sur Vargot et les
idiomes analogues jiarlés en Europe et en Asie. P a r i s 1886 ( D ' L . ) .
204 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
f é d é r é s p o u r le p r o t é g e r , s a u v e g a r d e r les l i b e r t é s a c q u i s e s et d o m p t e r
ces a v e n t u r i e r s r ô d e u r s « q u i t r o m p e n t les b r a v e s g e n s . »
L a vie des v a g a b o n d s a ses l u m i è r e s c o m m e ses o m b r e s . Elle a en elle
u n e s é r i e de facteurs fortifiants, s a i n s , c a p a b l e s de p r o d u i r e et de c o n -
s e r v e r u n e race r o b u s t e . Bien q u e la vie e r r a n t e d u v a g a b o n d s'éloigne
g r a n d e m e n t de l'idéal des p a t r i a r c h e s e t d e s n o m a d e s b u v e u r s de lait,
elle d o i t c e p e n d a n t , p a r c e l t e e x i s t e n c e a u g r a n d a i r , p a r p l u i e s et p a r
t e m p ê t e s , la n u i t d a n s des g r a n g e s m i s é r a b l e s ou s o u s les s a p i n s , for-
tifier l ' o r g a n i s m e , lui d o n n e r de l ' e n d u r a n c e e t des f o r c e s d ' a c i e r . L e s
p a r t i s a n s de c e t t e école du p l e i n a i r d o i v e n t e n r e t i r e r d e t r è s réelles
joies.
L ' e x i s t e n c e d e s s a n s - p a t r i e et de l e u r s d e s c e n d a n t s fut e x e m p t e de
soucis dès q u ' i l s e u r e n t a c q u i s la c o n s c i e n c e de l e u r f o r c e . C e r t e s , ils
se d e m a n d a i e n t r a r e m e n t ce q u ' i l s m a n g e r a i e n t , ce q u ' i l s b o i r a i e n t , de
quoi, ils se v ê t i r a i e n t ; c a r le b o n D i e u les n o u r r i t « c o m m e les o i s e a u x
d u ciel » et les v ê t « c o m m e les lis d e s c h a m p s ». L e u r s m é t i e r s v a r i é s ,
p r e s q u e sans c o n c u r r e n c e , l e u r a s s u r a i t u n g a i n f r u c t u e u x ; sans c o m p -
t e r la d î m e a s s u r é e de la m e n d i c i t é .
Le c ô t é des o m b r e s est b i e n p l u s g r a n d c e p e n d a n t ; les d a n g e r s d e
t o u t e s s o r t e s e n v e l o p p e n t la h o r d e v a g a b o n d e , les i n f e c t i o n s d é c i m e n t
les e n f a n t s , é p u i s e n t les a d u l t e s . L ' é t a t n e r v e u x et m e n t a l é t a i t c o n -
s t a m m e n t e n d a n g e r , la vie v a g a b o n d e , e n o u t r e , c o n d u i t à u n e l é g è -
r e t é a m o l l i s s a n t e et à la m i s è r e h é r é d i t a i r e q u i t u e n t chez l ' i n d i v i d u
t o u t d é s i r de p o s s e s s i o n .
L ' a b s e n c e de m o r a l e , la l i b e r t é sans f r e i n e t le r e s t e c o n d u i s e n t à la
p l u s l a r g e i m m o r a l i t é . Le g e n d a r m e et le m é p r i s g é n é r a l o n t b i e n v i t e
d é t r u i t les b r i b e s de s e n t i m e n t d ' h o n n e u r q u i , çà e t là, e x i s t a i e n t
e n c o r e . L e d a n g e r le p l u s g r a n d q u i g u e t t a i t les Z é r o , était l ' a l c o o -
l i s m e . Ce d e r n i e r j o u e u n rôle c a p i t a l d a n s m o n h i s t o i r e , il r e v i e n t à
c h a q u e i n s t a n t sous la p l u m e , c o m m e le l e i t m o t i v de la c o m p l a i n t e
n a v r a n t e d u « s c h n a p s ».
D e q u e l p a t r i m o i n e d ' i m b é c i l l i t é m o r a l e i n c u r a b l e , fondé p a r les
a r r i è r e s - a ï e u x , a u g m e n t é p a r les a ï e u x , h é r i t è r e n t ces v a g a b o n d s - n é s ?
Les mêmes causes, c o m m e facteurs exogènes de dégénérescence,
s ' a j o u t e n t à c e t h é r i t a g e , au c o u r s de la vie d e c h a c u n de ces v a g a -
b o n d s . P e u parmi eux é c h a p p e n t à leur influence. Ces m a l h e u r e u x
t o m b e n t d ' a u t a n t p l u s f a c i l e m e n t d a n s l ' i m m o r a l i t é e t le c r i m e q u ' i l s
s o n t p l u s é n e r g i q u e m e n t p o u s s é s d a n s le c o u r a n t p a r l e u r s p r é d i s p o s i -
t i o n s . L a t e n t a t i o n et le m a u v a i s e x e m p l e s o n t d e s c a u s e s c o n c o m i -
t a n t e s d u d é r è g l e m e n t chez celui q u i est déjà s u r la p e n t e de p a r son
h é r é d i t é , ses p r o p r e s t e n d a n c e s à l ' i v r o g n e r i e et sa p o s i t i o n sociale
comme vagabond.
« T o u t c r i m e , dit AschafFenbourg, est le p r o d u i t d e s c i r c o n s t a n c e s
et d e l ' é d u c a t i o n , des f a c t e u r s i n d i v i d u e l s d ' u n c ô t é , de la p o s i t i o n
sociale de l ' a u t r e . »
/> /. Joerger. — LA FAMILLE ZÉRO 205
J e r e m i a s Zero, m e u n i e r .
Ida F i s c h e r d e G r a u s t e i n .
E r n e s t Zero, n é e n 1G70.
P a u l Zéro, n é e n 1666.
Olga Lauter e t Christina Scholler.
Sina Frohmann, de X a n d .
1. P r i m a Z e r o , n é e e n ? à R u s s d o r f , f e n 1817. ( T a b . I.)
P r i m o Z è r o , n é e n 1772, f e n i 8 3 5 .
2. S e c o n d o Z., n é e n 1772 à S a n d e r s h o f e n , 7 e n i 8 5 3 à K o s s i n g e n , ( T a b . II.)
3 . T e r z o Z è r o , n é e n 1774 a Audorf, 7 e n 1849. ( T a b . III.)
4. Q u a r t o Z è r o , n é e n 1777 à T h u n i b a c h , f e n 1866. ( T a b . I V . )
5. Q u i n t o Zero, n é e n 1779 à B e r n a u , f e n ?. ( T a b . V . )
(>. S e s t i n o Zero, n é e n 1785 à Thorberg-, 7 e n ?. ( T a b . VI.)
7. S e t t i m i n o Z è r o , n é e n 1791 à R i n z e l l , f e n i8(ii à O b e r a u . ( T a b . V I I . )
b' j . Joerger. — LA FAMILLE ZÉRO 207
B i e n s o u v e n t , la f e m m e e t les g o s s e s p l u s âgés d e v a i e n t r e m p l a c e r
la b ê t e de t r a i t , t a n d i s q u e le m a r i , la p i p e à la b o u c h e e t le c h a p e a u à
p l u m e s u r l'oreille t e n a n t p a r u n e m e r v e i l l e d ' é q u i l i b r e , s u i v a i t n o n -
c h a l a m m e n t . Les e n f a n t s t r o t t a i e n t n u - t ê t e et p i e d s n u s ; les f e m m e s
é t a i e n t affublées d ' a c c o u t r e m e n t s m i s é r a b l e s et f a n t a s t i q u e s , f o r m é s
p a r des m o r c e a u x d i s p a r a t e s de t o u t e p r o v e n a n c e . L e s f d l e s p o r t a i e n t
d e s t r a î n e s effilochées, d e s c r i n o l i n e s é v e n t r é e s . L e s h o m m e s , t o u t
c o m m e les f e m m e s , a v a i e n t s o u v e n t , à t o u s les d o i g t s , des a n n e a u x
s a n s v a l e u r , m a i s p l e i n s d e s forces les p l u s m y s t é r i e u s e s et o r n é s de
toute espèce d'amulettes.
L e visage d u m a g n i n é t a i t t o u j o u r s n o i r ; il ne se l a v a i t p o u r ainsi
d i r e j a m a i s e t c o m m e clans la r è g l e il d e v e n a i t t r è s v i e u x , il é t a i t u n
e x e m p l e v i v a n t d u fait q u e « la saleté était p l u s saine q u e les Cures
d ' e a u ».
D o n n e r l â c h a s s e a u x c h i e n s des a u t r e s , les v e n d r e ou les b o u c h o y e r ,
é t a i t u n a r t q u ' i l s p r a t i q u a i e n t e n a m a t e u r s . A u s s i l e u r a r r i v é e d a n s les
villages é t a i t - e l l e s i g n a l é e avec r a g e p a r t o u t e la g e n t e c a n i n e . L e m a -
g n i n c o n s i d é r a i t le m é t i e r d ' é c o r c h e u r c o m m e u n e de ses p r é r o g a t i v e s .
Il e n r e c u e i l l i t m ê m e u n e m a u v a i s e r é p u t a t i o n , on p a r l a i t m ê m e de
s o r c e l l e r i e . G r â c e à l e u r h a b i l e t é clans l ' a r t d e t i r e r les c a r t e s , de d i r e
la b o n n e a v e n t u r e e t de g u é r i r , ils a v a i e n t u n e b o n n e c l i e n t è l e . « On
e s p é r a i t ainsi c h a s s e r le diable p a r B e l z é b u t h . » B e a u c o u p p a r m i e u x ,
s u r t o u t les g r a n d ' m è r e s , vieilles c o m m e les p i e r r e s , a v a i e n t la r é p u t a -
tion de s o r c i è r e s . Ou r a c o n t a i t q u ' e l l e s a l l u m a i e n t le feu de la c u i s i n e
à u n gros tas d e foin, s a n s q u e celui-ci en d e v î n t m ê m e n o i r .
Ils p a r c o u r a i e n t les foires et les salles de d a n s e c o m m e m u s i c i e n s et
e n r a p p o r t a i e n t n o n des b i e n s t e r r e s t r e s , m a i s des i v r e s s e s c o p i e u s e s .
L a f e m m e a i d é e d e s e n f a n t s é t a i t la cheville o u v r i è r e p o u r le c o l -
p o r t a g e e t la m e n d i c i t é . E l l e c o n n a i s s a i t à f o n d la g é o g r a p h i e é c o n o -
m i q u e d u p a y s , savait les b o n n e s m a i s o n s e t les b o n n e s p a y s a n n e s ;
s a v a i t q u a n d le m a r i s ' a b s e n t a i t ; elle savait o ù il fallait m e n d i e r , o ù
p r i e r , où m e n a c e r , o ù r u s e r p o u r a r r i v e r à ses fins.
Elle d i s t r i b u a i t les flatteries à b o n e s c i e n t , elle savait ce q u e la maî^
t r e s s e de m a i s o n avait en e x c è s , ce qu'il fallait lui a p p o r t e r .
L ' h o m m e , p e n d a n t ce t e m p s , r e s t a i t é t a l é à l ' o m b r e d e la t e n t e , ou
b i e n il r é p a r a i t la m a r c h a n d i s e , s o u v e n t aussi il se s a u v a i t en t a p i n o i s
v e r s le « s c h n a p s » , t a n d i s q u e la f e m m e et les gosses m e t t a i e n t le p a y s
en c o u p e r a s e .
Ces f e m m e s , c e r t e s , n e p e u v e n t p a s s e r p o u r d e s p a r e s s e u s e s , elles
é t a i e n t au c o n t r a i r e très a c t i v e s , a b a t t a n t u n e r u d e b e s o g n e ; mais pas
d u g e n r e des a u t r e s , c a r elles a v a i e n t u n e sainte h o r r e u r d u travail de
la t e r r e , u n e h o r r e u r i n c u r a b l e .
L ' i n s o u c i a n c e est bien la c a r a c t é r i s t i q u e de la h o r d e v a g a b o n d e , le
g a i n é t a i t i m m é d i a t e m e n t dissipé et les soucis r e n v o y é s au l e n d e m a i n .
I.e s e n t i m e n t de l ' h o n n e u r é t a i t au p o i n t de c o n g é l a t i o n . G r o n d e r i e s
les Z é r o e u x - m ê m e s , n o u s t r o u v o n s q u e l q u e s i n d i v i d u s q u i s o n t
d e v e n u s s é d e n t a i r e s , se s o n t fixés en S o u a b e , et, p o u r a u t a n t q u ' o n le
sait, qui sont restés intègres. Tandis que beaucoup de ceux qui sont r e -
v e n u s dans le p a y s se s o n t d é v o y é s . On p o u r r a i t d o n c d i r e q u e la S o u a b e
fut u n e p l a n c h e de s a l u t p o u r m a i n t Z é r o .
Les m a u v a i s é l é m e n t s n ' o n t j a m a i s p u s ' a c c o m m o d e r d u r u d e l a b e u r
de la t e r r e .
L e s Zéro p r i r e n t f e m m e p r e s q u e e x c l u s i v e m e n t d a n s d e s familles de
l e u r b o r d , ils d o n n è r e n t aussi l e u r s filles a u x familles q u i é t a i e n t d a n s
l e u r s c o n d i t i o n s . Q u a n d u n m a r i a g e a l i e u , p a r e x c e p t i o n , avec u n e
fille de b o n n e famille, l'influence r é g é n é r a t r i c e de la f e m m e se m o n t r e
é v i d e n t e . C'est a u s s i c o m p r é h e n s i b l e . C a r les Zéro m â l e s s o n t d e s
êtres torpides, peu intelligents, p a r t a n t facilement influençables. Les
M a r k u s , E l s t e r , H e i s e r , D o l d e r , B a v i n i , W e i s m a n n , e t c . e t c . , s o n t les
f a m i l l e s d e m ê m e a c a b i t q u e les Z é r o , e t avec l e s q u e l l e s il y a é c h a n g e
de f e m m e s .
Il y a aussi u n e a r i s t o c r a t i e et u n e d é m o c r a t i e chez les v a g a b o n d s .
L e s W o l s e r , p a r e x e m p l e , s o n t c o n s i d é r é s c o m m e des « n o t a b l e s »,
ils n ' a p p a r a i s s e n t q u ' u n e s e u l e fois d a n s m e s t a b e l l e s , bien q u e l e u r
f é c o n d i t é laissait e s p é r e r de m u l t i p l e s u n i o n s a v e c les Z é r o .
L'influence des f e m m e s m e p a r a î t n e t t e m e n t é v i d e n t e s u r la descen-
d a n c e et s u r la vie de famille. N o u s r e n c o n t r e r o n s t r o i s s œ u r s E l s t e r ,
q u i é p o u s e n t des faibles d ' e s p r i t d e m ê m e v a l e u r . La d e s c e n d a n c e d e
la p r e m i è r e est : u n v o l e u r et a s s a s s i n , c i n q p u t a i n s , u n v o l e u r e t u n
a l i é n é . Celle de la s e c o n d e : u n é p i l e p t i q u e i d i o t , d e u x i m b é c i l e s , u n
v a g a b o n d , u n v o l e u r faible d ' e s p r i t , u n faux m o n a y e u r et u n i n t è g r e .
C e l l e de la t r o i s i è m e : d e u x p u t a i n s faibles d ' e s p r i t , d e u x o r i g i n a u x et
u n i n t è g r e . La d e s c e n d a n c e la p l u s c h a r g é e est celle d e la p r e m i è r e
s œ u r , elle é t a i t aussi la p l u s m a u v a i s e d e s t r o i s , elle fut de p l u s
a d o n n é e à la boisson c o m m e s o n é p o u x . La t r o i s i è m e a la m e i l l e u r e
d e s c e n d a n c e , elle était aussi la m e i l l e u r e des t r o i s .
N o u s r e n c o n t r e r o n s p l u s loin d e u x s œ u r s G o l d e r d ' u n e f é c o n d i t é
proverbiale.
Les Z é r o , d u r e s t e , s o n t très f é c o n d s , r e m a r q u a b l e m e n t g r a n d e aussi
est la m o r t a l i t é i n f a n t i l e , p a r t i c u l i è r e m e n t chez les i l l é g i t i m e s . La p e t i t e
v é r o l e y faisait jadis des c o u p e s s o m b r e s . Ils é t a i e n t aussi très r e d o u t é s
c o m m e p o r t e u r s et d i s s é m i n a t e u r s des m a l a d i e s i n f e c t i e u s e s de t o u t
g e n r e . S u r 3oo Z é r o , 74 s o n t m o r t s e n f a n t s : 24 p o u r 1 0 0 . D e m m e
d o n n e les m ê m e s chiffres p o u r la d e s c e n d a n c e des b u v e u r s . On c o m p t e
G2 n a i s s a n c e s i l l é g i t i m e s s u r 3oo Z é r o : 20 p o u r 1 0 0 . 32 s o n t m o r t s
e n f a n l s , ce q u i d o n n e u n e m o r t a l i t é de 5o p o u r 100 p o u r les illégi-
times.
L a b a n d e d e s Zéro fut u n p o i d s étouffant p o u r l e u r p e t i t e c o m m u n e
p e n d a n t p l u s d ' u n siècle. Le d é s i r et les efforts faits p o u r les a m é l i o r e r
d a t e n t d'aussi l o i n . De I 8 6 ' I - I 8 6 3 , le c u r é de l ' e n d r o i t fut u n c a p u -
212 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
cin é n e r g i q u e q u i , a v e c le c o n s e n t e m e n t d e la c o m m u n e s'en p r i t à la
b a n d e a v e c des m o y e n s r a d i c a u x . T o u s les e n f a n t s p a u v r e s d e la c o m -
m u n e , c e u x des Zéro c o m m e c e u x d e s a u t r e s , f u r e n t e n l e v é s à l e u r s
p a r e n t s e t placés e n s o i n s chez de b r a v e s p a y s a n s . Le m o y e n d o n n a les
m e i l l e u r s fruits p o u r les n o n - Z é r o ; les e n f a n t s r e s t è r e n t chez l e u r
n o u r r i c i e r e t d o n n è r e n t de b r a v e s p a y s a n s . Q u a n t a u x Z é r o , les u n s
s ' é v a d è r e n t a u s s i t ô t , les a u t r e s f u r e n t r e t i r é s p a r l e u r s p a r e n t s e u x -
m ê m e s , q u i f u r e n t v i v e m e n t r é v o l t é s d u p r o c é d é e t r e m i r e n t l'affaire
e n t r e les m a i n s d ' u n a v o c a t : « 230ur a t t e n t a t au d r o i t n a t u r e l et fami-
lial ». Fiat juslitia, pereal mundiis. U n s e u l Zéro r e s t a chez son n o u r -
r i c i e r j u s q u ' à la fin d u t e m p s s c o l a i r e , il fut q u a n d m ê m e u n v a u r i e n
p l u s t a r d . Un a u t r e e u t u n e telle f r o u s s e d e l'école e t d e l ' é d u c a t i o n
q u ' i l s'enfuit, se c a c h a d a n s les é t a b l e s p e r d u e s d a n s la m o n t a g n e et ne
p u t à a u c u n p r i x ê t r e r a m e n é d a n s le b o n c h e m i n . L e c o u p d e m a s s u e
d u c a p u c i n n e p o u v a i t , on le c o n ç o i t , t u e r l ' h y d r e d ' u n seul c o u p .
C o m m e la g e n t e d e s Z é r o s'est p o u r r i e g r â c e à sa p é n é t r a t i o n p a r le
v a g a b o n d a g e , ce n ' e s t q u e p a r la d e s t r u c t i o n de c e l u i - c i q u ' e l l e p o u r r a
ê t r e r é g é n é r é e . S e u l le t e m p s t o u t - p u i s s a n t p e u t c o n d u i r e les a m é l i o -
r a b l e s s u r la b o n n e v o i e p a r les m o d i f i c a t i o n s q u ' i l a p p o r t e r a a u x
c o n d i t i o n s d e vie de ces é l é m e n t s , p a r la d e s t r u c t i o n d e s f o r m e s
sociales m a u v a i s e s e t l ' a n é a n t i s s e m e n t d e s i n c u r a b l e s . C e t t e œ u v r e est
déjà e n b o n n e v o i e .
Voici à l i t r e d o c u m e n t a i r e , d ' a p r è s les r e g i s t r e s d e s i n d i g e n t s , les
sacrifices q u e la c o m m u n e s ' i m p o s a p o u r les Z é r o . L a n o t e s ' é t e n d
d e p u i s j u i n 1 8 8 0 , j u s q u ' à la fin d e 1 8 9 0 .
fr. i 3 • 7 9 17 p o u r 555
5 postes
1
Le d i r e c t e u r J o e r g e r d o n n e en a p p e n d i c e d e s r e n s e i g n e m e n t s détaillés sur ce
1
l a n g a g e q u ' i l a p u s ' a p p r o p r i e r . P o u r p l u s d e d é t a i l s , v o i r l ' o r i g i n a l ( D ' h.).
214 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
Pierre Z, intè-
Primo Z., b u - gre.
veur. j Olga A m m a n n ,
Paul J o s . , bu • intègre.
veur, i m b é - ' Paul Jos. Z . , v a -
cile. Prima Z., v a - \ gabond.
gabond. I Olga Markus,
Paid Jos., bu-
veur. \ vagabonde.
Nana Elster, 3?
buveuse,
IG?
anormale.
? 8 ?
Paul Zéro, f
rachitique, Paul Jos. Z , v a -
idiol. SettimoZ.jbu- \ gabond.
V veur. / Olga Markus,
Paul Jos., bu-
veur. \ vagabonde.
/ C. M e i s t e r ,
Eisa Zéro, im-
bécile, pros- \ vagabond.
tituée. G
Nana E l s t e r , [ ° l d e r
' S " v a a 13 vagabond.
buveuse,) b
- o n d
14 ?
anormale. / Lmann, anor- i o vagabond.
mal. IO ?
; Pierre Z., intè-
.' Primo Z., bu- \ gre.
[ veur. I Olga A m m a n n .
Paul Joss., bu- ^
veur, imbé intègre.
eile. Paul Jos. Z., va-
/ Prim. Z.. va- ) gabond.
Paul J o s . . bu- gabond. / Olga Markus,
vagabond.
Nana Elster. ( 3 •> 5 ?
buveuse. ) 0 ?
Elz a Zéro,
anormale. / / ? 7?
m oyen- 8 ?
n e m enl
douée, ca- ; Paul Jos. Z., va-
raclcrf Terzo Z., va- ) gabond.
difficile. gabond. j Olga Markus,
Ida Olga, v a -
gabonde. vagabond.
El za P o l z e r , V ' C. Reinhold.
buveuse,
I 12.'.
i3
\ aliénée. Paul Polzer. ^ intègre . .
buveur, sy- .intègre.
philitique. ( intègre , , 10
(
216 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
L e s p a r e n t s d e s s œ u r s E l s t e r é t a i e n t : !e p è r e , u n S u i s s e é m i g r é , v a n n i e r e t
é c o r c h e u r de s o n m é t i e r , p a s s a n t p o u r u n h o m m e l a b o r i e u x ; la m è r e , d'origine
allemande inconnue, avait, en tous points, une réputation détestable,
D' J. Joercjer. — LA FAMILLE ZÉRO 219
g e n t s , u n h é r i t a g e d e la m è r e ; m a i s m o r a l e m e n t c o r r o m p u s , c o n f o r -
m é m e n t à l ' e x e m p l e d u p è r e et à l ' h é r é d i t é .
J e c o m m e n c e l ' h i s t o i r e de c e t t e famille p a r F r i t z A n t o n , l e p l u s c h a r g é
d e la b a n d e . Né e n i 8 4 3 , il m o u r u t e n i 8 8 3 , ce q u i n e l ' e m p ê c h a
p a s d ' a c q u é r i r u n e g r a n d e c é l é b r i t é . D ' a p r è s son s i g n a l e m e n t j u d i c i a i r e
et une p h o t o g r a p h i e , c'était u a h o m m e de g r a n d e s t a t u r e , cheveux
b r u n s , o r e i l l e s d é t a c h é e s d e la t ê t e , y e u x p r o f o n d é m e n t e n f o n c é s ,
r e g a r d p e r ç a n t , s o u r c i l s é p a i s , nez l a r g e à n a r i n e s d i l a t é e s , b a r b e r a r e ,
b o u c h e l i p p u e , un c o u c o u r t et t r è s é p a i s .
Il p a s s a i t p o u r i n t e l l i g e n t , a p p r i t d e fait q u e l q u e s l a n g u e s . Il s u t lire
et é c r i r e s a n s f r é q u e n t e r l'école, a v a i t u n e b e l l e é c r i t u r e e t u n s t y l e
a g r é a b l e . C o m m e d i t le p r o v e r b e : « se r e c o u r b e de b o n n e h e u r e , q u i
d e v i e n d r a u n c r o c h e t », e t l u i , c o m m e g a m i n e n c o r e , allait déjà t r a i r e
les v a c h e s p e n d a n t la n u i t II affirmait q u ' i l a m e n a i t le lait à la m a i s o n
p a r d e s s o r t i l è g e s , et lui faisait t r a v e r s e r la p a r o i . Il c o u r a i t des l é g e n d e s
s u r s o n c o m p t e et s u r ses c a p a c i t é s , g r â c e à c e s t o u r s - l à e t à b i e n
d ' a u t r e s . Il c r é a i t l u i - m ê m e ces l é g e n d e s p a r ses r é c i t s m e n s o n g e r s .
Ce q u i s u i t p e u t p a s s e r p o u r v r a i , c a r ce fut r e l e v é d a n s les actes
j u d i c i a i r e s . F r i t z a v a i t à p e i n e s e p t a n s q u ' i l d é s e r t e le foyer p a t e r n e l ,
se crée l ' i n d é p e n d a n c e la p l u s a b s o l u e , g a g n e la F r a n c e p a r d e s c h e -
m i n s d é t o u r n é s , p u i s le s u d d e l ' I t a l i e . D e là a t t e i n t le V a l a i s à t r a v e r s
m o n t s . La m e n d i c i t é , les t r o m p e r i e s et les m e n a c e s l u i a p p o r t e n t le
p a i n q u o t i d i e n . U n r i c h e p a r t i c u l i e r a y a n t pitié d e « ce p a u v r e e n f a n t »
le p r e n d chez l u i ; c e t t e vie de b i e n - ê t r e d e v e n a n t i n s u p p o r t a b l e ,
F r i t z s ' e n f u i t . L a p o l i c e d é c o u v r e b i e n t ô t le t h é â t r e d e ses e x p l o i t s e t
le r a p a t r i e , ce q u i n e l u i p l u t g u è r e . Il avait d i x a n s , n ' a v a i t d e sa v i e
vu d e salle d ' é c o l e , ni e n t e n d u p a r l e r de r e l i g i o n . O n le p l a c e chez le
c u r é d e l ' e n d r o i t ; il s'enfuit au b o u t d ' u n e q u i n z a i n e p o u r r e p r e n d r e sa
v i e libre e n I t a l i e . C o m m e il é t a i t d e p l u s e n p l u s h a r c e l é p a r la p o l i c e
il r e v i e n t d a n s les v a l l é e s de sa p a t r i e e t les villes v o i s i n e s où il se m e t
d e s u i t e à l ' œ u v r e . Sa c o m m u n e e s s a y a d e faire d e l u i u n s é d e n t a i r e
e t de lui d o n n e r u n m é t i e r e n le p l a ç a n t chez u n p a t r o n . Ce d e r n i e r
n ' e u t p a s de l o n g s e n n u i s , c a r son a p p r e n t i s'enfuit au b o u t d e p e u d e
j o u r s . D a n s la s u i t e , F r i t z v é c u t en a v e n t u r i e r s u r les t r a c e s d u p è r e ,
il v a g a b o n d a aussi a v e c d e s p a r e n t s ou a v e c des t y p e s de son b o r d , au
hasard du pot, c o m m e magnin, r a m o n e u r , vannier, colporteur, etc.
Il c o n n a i s s a i t b i e n d ' a u t r e s m é t i e r s , m a i s é t a i t s u r t o u t p a s s é m a î t r e
d a n s la s p é c i a l i t é d e la c o n f e c t i o n de c o m p l e t s p o u r h o m m e s faits a v e c
des robes de femmes, volées.
Il visita, c o m m e a p p r e n t i r a m o n e u r , d e n o m b r e u s e s c o n t r é e s , p r i t
d u service c o m m e c h a s s e u r g a r i b a l d i e n , le t o u t e n t r e i85<) et 1 8 6 1 . Il
est d o u t e u x q u ' i l a i t fait t o u s les a c t e s h é r o ï q u e s qu'il s a v a i t si b i e n
r a c o n t e r plus tard à table, a u t o u r du schnaps.
E n i 8 6 3 , il fait son s e r v i c e m i l i t a i r e o b l i g a t o i r e . A p a r t i r d e ce
m o m e n t , c o m m e il le d i t l u i - m ê m e , il n e p u t p l u s agir, c o r r e c t e m e n t
220 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
t r o p bien l a p é , e l , p l e i n d e r e m o r d , le p a y s a n se p e n c h e s u r l ' i n a n i m é .
L e m o r t a p p a r e n t r e m u e , se r o u l e en b o u l e et d é v a l e en b a s la p e n t e ,
p u i s d i s p a r a î t d a n s les b r o u s s a i l l e s , l a i s s a n t le r e n f o r t de s e c o u r s , le
p a y s a n e t s o n fils b é a t s d ' é l o n n e m e n l . F r i t z r a c o n t a p l u s l a r d q u e le
p a y s a n n e l ' a v a i t p a s a t t e i n t e t q u ' i l a v a i t fait le m o r t p o u r é v i t e r la
rossée r e d o u t é e .
F r i t z fit le c o u p s u i v a n t d a n s u n e p e t i t e ville d ' I t a l i e , c o u p q u i fait
g r a n d h o n n e u r à s o n e s p r i t d ' i n v e n t i o n . Il p é n è t r e d a n s un m a g a s i n
d ' o b j e t s d e c u l t e c a t h o l i q u e , t r o u v e le p r o p r i é t a i r e s e u l , se d o n n e
c o m m e a c h e t e u r d ' u n e r o b e d e m e s s e . A y a n t fait s o n c h o i x , il p r i e le
m a r c h a n d d e bien v o u l o i r e n d o s s e r la r o b e afin de j u g e r d e l'effet s u r
1
le vif. Le m a r c h a n d , plein d e b o n n e v o l o n t é , s ' e x é c u t e , enfde la
t u n i q u e et se p r é s e n t e d e v a n t s o n c l i e n t , c e p e n d a n t q u e F r i t z vide la
c a i s s e o u v e r t e à sa p o r t é e , s a l u e e t d i s p a r a î t . L e f a u x p r ê t r e se l a n c e
à sa p o u r s u i t e à t r a v e r s r u e s e t r u e l l e s , la foule s ' a m a s s e , le m a r c h a n d
d e c r i e r : « A r r ê t e z le v o l e u r », e t F r i t z de r é p o n d r e : « Liez le fou » .
T o u t p a r l a n t c o n t r e le m a r c h a n d , il e s t a r r ê t é p e n d a n t q u e son v o l e u r
e t la p r o i e d i s p a r a i s s e n t .
D e t e l l e s a v e n t u r e s , n a t u r e l l e m e n t , lui g â t a i e n t la s i t u a t i o n en
I t a l i e , c'est p o u r q u o i il r e n t r e a u p a y s en 1 8 G 4 . O n le p i n c e e t l ' e n -
f e r m e p o u r les vols d e t r o n c s d ' é g l i s e . Il v o u l u t é m i g r e r e n A m é r i q u e ,
m a i s , c o m m e l'affaire n e s ' a r r a n g e a i t p a s , o n le m i t d a n s u n e m a i s o n
d e t r a v a u x f o r c é s . Il fallait s'y a t t e n d r e , il s'évada d è s la p r e m i è r e
s e m a i n e . Il s ' e x p l i q u a i t s u r ce fait e n d i s a n t qu'il ne p o u v a i t r i e n
a p p r e n d r e d e b o n l à - d e d a n s . Il f r a n c h i t la f r o n t i è r e e t u n e f e n ê t r e
o u v e r t e , s'empare de v ê t e m e n t s et de quelques objets de valeur p o u r
8 0 à 9 0 f r a n c s . A r r ê t é p e u a p r è s , il a v o u e ( c a r il n e m e n t a i t p a s l o n g -
t e m p s ) , r e ç o i t t r e n l e c o u p s d e c a n n e e t l ' e x p u l s i o n . Il p é n è t r e d a n s
u n a u t r e p a y s o ù il a v a i t d é j à é t é e m p r i s o n n é , b â t o n n é et e x p u l s é .
C e l t e e x p é r i e n c e a m è r e n e l ' e m p ê c h a p a s de r e c o m m e n c e r . Il c a m -
b r i o l e le l o n g d e la voie f e r r é e cinq m a i s o n s de g a r d e s - b a r r i è r e , vole
d a n s l ' u n e d ' e l l e s (¡6 f r a n c s , est a r r ê t é e t c o n d a m n é à un an et d e m i
d e p r i s o n et à l ' e x p u l s i o n .
R e m i s en l i b e r t é et t r a n s p o r t é d a n s sa paLrie, e n 1 8 6 6 , F r i t z se r e m i t
d e s u i t e au « travail » d a n s les vallées de sa p a t r i e . Il e n l e v a un t r o n c
d ' é g l i s e , et à m a i n t e s r e p r i s e s il s ' e m p a r a de vaisselle de c u i v r e d o n t il
a v a i t , c e r t e s , b e s o i n p o u r s o n m é t i e r d e c o l p o r t e u r . La j u s t i c e , il va
d e soi, le p u n i t p o u r ces f a i t s ; l u i , d é c o u r a g é p a r ce zèle, s e c o u e d e
ses p i e d s la' p o u s s i è r e de la p a t r i e e t se r e n d en A l l e m a g n e ( 1 8 6 7 )
a v e c la « j e u n e b l o n d e », s o n a m a n t e , u n e lillc clu c ô t é m a t e r n e l . Il
v o y a g e a i t a l o r s a v e c u n p a s s e - p o r l au n o m d ' u n I t a l i e n « q u i va e n
F r a n c e , en S u i s s e et en A f r i q u e », cela p o u r la s i m p l e r a i s o n q u ' e n
A l l e m a g n e on n e c o m p r e n a i t p a s l ' i t a l i e n . On s é p a r a le c o u p l e u n peu
b r u s q u e m e n t , c l , à q u e l q u e s s e m a i n e s d e là, F r i t z é t a i t a r r ê t é seul
q u e l q u e p a r t en S u i s s e . L'an 1 8 6 8 le voit r é u n i à sa b l o n d e d a n s le
222 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
p a y s et h e u r e u x . L e soir de N o ë l , il c a m b r i o l e u n e d e m e u r e , s ' h a b i l l e
de n e u f p o u r ce j o u r de fête e t laisse p o u r a c o m p t e sa vieille défrocpue
-
au v o l é . Il fait u n i n s t a n t p a r a d e , d a n s c e t h a b i t m i l i t a i r e t r o p long et
t r o p l a r g e , d e v a n t le p r o p r i é t a i r e d e l ' é q u i p e m e n t , p u i s d i s p a r a î t a u s -
sitôt, c a r la j u s t i c e est à ses t r o u s s e s . C e v o l r e s t a i m p u n i , c a r , d e u x
ans p l u s t a r d , q u a n d il fut d e v a n t la j u s t i c e , il a v a i t b i e n d ' a u t r e s
c h o s e s d a n s son p a n i e r .
E n 1 8 6 9 , il r ô d e le p a y s en c o m p a g n i e de s o n j e u n e f r è r e , travaille
c o m m e r a m o n e u r ; il d é c o u v r e d a n s la c h e m i n é e d ' u n c a p u c i n de
s u p e r b e s j a m b o n s q u ' i l d é c i d e de d é l i v r e r , la n u i t v e n u e , de l e u r p o s i -
t i o n m a l a i s é e . A u m o m e n t de l ' a c t i o n , t o u s les d e u x , é t a i e n t i v r e s .
L ' u n d ' e u x , c e p e n d a n t , — la c h r o n i q u e n'a p a s g a r d é s o n n o m , —
s ' a v e n t u r e s u r le t o i t , d e s c e n d d a n s la c h e m i n é e . L e c a p u c i n r e m a r q u e
q u e l q u e c h o s e et se t i e n t s u r ses g a r d e s . Le v o l e u r a aussi r e m a r q u é
q u ' i l é t a i t s u r v e i l l é ; il s'éloigne e n e m p o r t a n t u n j a m b o n s u p e r b e , il
t o m b e d u t o i t avec sa p r o i e , sans se faire d e m a l , se t r o u v e d a n s le
j a r d i n de l ' é g l i s e . L e l e n d e m a i n , o n ne r e t r o u v e q u e les r e s t e s o s s e u x
d u f e s t i n , les d e u x v o l e u r s s ' é t a i e n t e n f u i s .
L à - h a u t , s u r la m o n t a g n e , é t a i t u n e p e t i t e a u b e r g e d ' é t é isolée. Nos
d e u x a p a c h e s y p é n è t r e n t en f r a c t u r a n t la p o r t e , s'en d o n n e n t é n e r g i -
q u e m e n t d a n s la c a v e au v i n , p u i s s ' e n v o n t e n l a i s s a n t c o u l e r le r e s t e .
P a r d e u x fois, u n t e i n t u r i e r se vit l é s é d e d e u x b e l l e s p i è c e s de d r a p :
n o t r e h é r o s e n a v a i t besoin u r g e n t p o u r se v ê t i r , p o u r b a b i l l e r sa
f e m m e et p o u r son c o m m e r c e de c o l p o r t e u r . J o u a n t le rôle de c o m m i s -
v o y a g e u r , il r é u s s i t à j e t e r u n b r a v e h o m m e clans le m a l h e u r . Il d o n n a
à cet h o m m e l ' o r d r e de c h e r c h e r s o n coffre q u i se t r o u v a i t à u n e
b o n n e d i s t a n c e , il filait l u i - m ê m e d a n s u n e a u t r e d i r e c t i o n a v e c
l ' a r g e n t et la m o n t r e d u p a u v r e d i a b l e . A p r è s avoir ainsi v é c u les
a n n é e s 1 8 6 9 et 1 8 7 0 , 1 1 se r e n d i t à l ' é t r a n g e r . Il t r a v a i l l a d e u x m o i s
c o m m e r a m o n e u r à la p l u s g r a n d e s a t i s f a c t i o n d e s o n p a t r o n ; il était
p a s s é m a î t r e d a n s la m a t i è r e e t p o s s é d a i t c o m m e r a m o n e u r d e b r i l l a n t s
certificats. S'il s ' o c c u p a d ' a u t r e c h o s e e n m ê m e t e m p s , la c h r o n i q u e
ne le d i t p a s . P u i s il r e v i n t au foyer p a t e r n e l . Il y r e n c o n t r e l ' a m a n t
de sa s œ u r , u n I t a l i e n s a n s p a p i e r s , v a g a b o n d . Il t i r e le c o p a i n d ' e m -
b a r r a s en lui d o n n a n t l'acte d ' o r i g i n e d ' u n a m i . Il a c c o m p a g n e avec
sa j e u n e b l o n d e la p a i r e d a n s le S u d b i e n c o n n u , à t r a v e r s les A l p e s .
Ils se r e n d e n t c h e z u n e s œ u r q u i vit l à - b a s e n u n i o n l i b r e . P e n d a n t
u n c e r t a i n t e m p s , la b a n d e r é u n i e s ' o c c u p e d e v a n n e r i e e t d u trafic
d e s p l a n t e s m é d i c i n a l e s . La j e u n e b l o n d e e u t u n e n f a n t . U n t r o n c
d'église q u i t o m b a e n olfrande à F r i t z t r o u b l a c e t t e d o u c e vie d e
famille. P o u r é v i t e r des d é s a g r é m e n t s , F r i t z p a s s e la f r o n t i è r e , il a v a i t ,
disait-il, q u e l q u e p a r t , clans le S u d , de l ' a r g e n t c a c h é d e p u i s l o n g -
t e m p s e t q u ' i l d e v a i t aller c h e r c h e r . S e s c o m p a g n o n s f u r e n t a r r ê t é s ,
m a i s c o m m e ils a v a i e n t de faux p a p i e r s , ça d o n n a b i e n d u s o u c i , d u
t r a v a i l et des é c r i t u r e s à la p o l i c e , s a n s r é s u l t a t j u d i c i a i r e satisfaisant.
D* J. Joeiyer. — LA FAMILLE ZÉRO 223
A u c o m m e n c e m e n t d e s e p t e m b r e 1 8 7 0 , F r i t z e s t de r e t o u r chez s o n
p è r e , il v a g a b o n d e d a n s le p a y s a v e c son p è r e et sa m è r e , sa j e u n e s œ u r
e t s o n a m a n t . L u i - m ê m e r a m o n e d u r a n t onze j o u r s ; il fait d u t r a v a i l
n o i r , m a i s h o n n ê t e . C o m m e à c ô t é , il d é c o u v r i t u n e p a i r e d e s o u l i e r s
n e u f s p o u r sa s œ u r , u n e m o n t r e , et il vida d e s t r o n c s d'églises. La
p r o i e , c e r t e s , n e fut p a s t r è s g r o s s e , c a r , c o m m e il s'en p l a i g n a i t , il
t r o u v a d a n s l ' u n d e s p i e u x t r o n c s d e s b o u t o n s d e c u l o t t e , des c a i l l o u x ,
d e s c o q u i l l a g e s . Ainsi d o n c , le b o n p e u p l e t r o m p e D i e u e t les v o l e u r s .
Il e s t v r a i q u e F r i t z nia a v o i r c o m m i s t o u t ce q u ' o n m e t t a i t s u r son
compte, mais l'œuvre dénonce l'ouvrier.
F a t i g u é d e telles p e c c a d i l l e s , n o t r e h é r o s , a i d é d e l ' a m a n t d e sa
s œ u r , s ' e x e r ç a à q u e l q u e c h o s e d e p l u s i m p o r t a n t . Il se m i t e n r o u t e
u n b e a u j o u r avec s o n c o m p a g n o n â g é d e d i x - n e u f a n s « p o u r d e v e n i r
r i c h e ». Ils r ô d e n t p a r m o n t s e t p a r v a u x e t a r r i v e n t à u n e m a i s o n
isolée d a n s l a q u e l l e ils p é n è t r e n t s a n s l o n g u e s h é s i t a t i o n s a p r è s a v o i r
f r a c t u r é la p o r t e . Ils se m e t t e n t d e s u i t e à l'aise, a l l u m e n t u n e c h a n -
d e l l e , t i r e n t le v i n , v i s i t e n t c h a q u e c h a m b r e e t c h a q u e r e c o i n , et se
c h a r g e n t c h a c u n à la m e s u r e de ses f o r c e s . Ils en e m p o r t e n t p o u r
200 francs environ, habits d ' h o m m e s , v ê t e m e n t s de femme, literie,
l i n g e d e c o r p s , b a t t e r i e de c u i s i n e , p r o v i s i o n s de b o u c h e . Ils s'en
f u r e n t c a c h e r l e u r b u t i n d a n s le bois v o i s i n . Ils se m e t t e n t e n s u i t e e n
r o u t e p a r m o n t s e t p a r v a l l é e s , p o u r c a m b r i o l e r chez u n r i c h e a v a r e ,
s u r l ' A l p e . Le v i e u x , m a l h e u r e u s e m e n t , a v a i t e m p o r t é s o n b i e n d a n s
la p l a i n e , a u s s i n o s d e u x m a l a n d r i n s d u r e n t - i l s r e v e n i r b r e d o u i l l e en
é v i t a n t les g r o s v i l l a g e s . Ils se r e n d i r e n t à l e u r b u t i n . F r i t z se c h a r g e a
d e la m a r c h a n d i s e e t e x p é d i a son c o m p a g n o n chez son p è r e . Il c o l -
p o r t a e t é c h a n g e a le b i e n volé d a n s lès v i l l a g e s et les f e r m e s r e t i r é e s ,
t o u t e n se r e n d a n t en I t a l i e . La j u s t i c e l ' a t t e i n t a v a n t q u ' i l ait e u le
t e m p s d e g a g n e r la f r o n t i è r e . Il fit des a v e u x s u r - l e - c h a m p . C o n d a m n é
à u n an d e t r a v a u x forcés, il s u b i t sa p e i n e a v e c r é s i g n a t i o n en d i s a n t :
« La l i b e r t é n ' a a u c u n e v a l e u r p o u r m o i ».
D e 1 8 7 2 , sa s o r t i e de p r i s o n , j u s q u ' e n 1 8 7 6 ' , son œ u v r e est p l o n g é e
d a n s les t é n è b r e s . « Qu'a-t-il b i e n p u faire, se d e m a n d a i t p l u s t a r d u n
j u g e , p e n d a n t ces a n n é e s - l à . » S o n s o r t s ' a r r ê t e a v e c l ' a n n é e 1 8 7 6 ;
V é n u s , q u ' i l a v a i t t r o p c u l t i v é e sa v i e d u r a n t , le j e t a d a n s le m a l h e u r ,
il e s t c o n d a m n é à p e r p é t u i t é p o u r a s s a s s i n a t et v i o l .
E1
L e 1 ' j u i l l e t 1 8 7 6 ' , on d é c o u v r i t d a n s u n r u i s s e a u , n o n loin d e la
c h a u s s é e , d a n s la r é g i o n des lacs s u i s s e s , le c a d a v r e h o r r i b l e m e n t m u -
tilé d ' u n j e u n e h o m m e i n c o n n u . Ce c a d a v r e , en d é p i t d e s r e c h e r c h e s
les plus m i n u t i e u s e s , r e s t a celui d ' u n i n c o n n u . O n p e n s a q u e le m e u r -
t r i e r é t a i t aussi u n v a g a b o n d . F r i t z , à c e t t e é p o q u e - l à , r ô d a i t d a n s ces
r é g i o n s a v e c u n e v a n n i è r e v a g a b o n d e . Ils é t a i e n t a c c o m p a g n é s d ' u n
é p i l e p l i q u e , s o u t e n e u r de l a d i t e v a n n i è r e , e t d e la fille d e c e t t e d e r -
n i è r e , â g é e d e i 3 a n s , et violée p a r F r i t z , q u i , avec le c o n s e n t e m e n t
d e la m è r e , vivait a v e c elle en é t a t d e m a r i a g e . U n j e u n e é t r a n g e r ,
224 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
LE MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE
M o n a t t e n t i o n d e p s y c h o l o g u e a été r é c e m m e n t a p p e l é e s u r u n e
collection d e d o c u m e n t s p s y c h o l o g i q u e s d o n t j e n'ai p o i n t e n c o r e p a r l é
dans ces é t u d e s p o u r u n e raison bien s i m p l e , b i e n a b s u r d e e t b i e n
h u m a i n e : ces d o c u m e n t s s o n t l y o n n a i s e t j e les ai v u s p r o g r e s s i v e m e n t
n a î t r e e t se m u l t i p l i e r sous m e s y e u x . E s t - c e q u ' o n r e m a r q u e l e s r u e s
et les m o n u m e n t s d e la ville où l ' o n v i t ? O n p a s s e d i s t r a i t e t p r é o c -
c u p é ; il faut q u ' u n i n c i d e n t p a r t i c u l i e r v o u s t i r e d e v o t r e d i s t r a c t i o n ;
a l o r s on r e g a r d e , e t l ' o n e s t é t o n n é d e v o i r ce q u ' o n n ' a v a i t j a m a i s
a p e r ç u . C ' e s t l ' e x p é r i e n c e d e la c r i s t a l l o m a n c i e : e n c o n t e m p l a n t u n e
s i m p l e b o u l e d e cristal l ' o p é r a t e u r r e t r o u v e au f o n d d e sa m é m o i r e
des c h o s e s oubliées e t qu'il n e savait p a s savoir, p a r c e q u ' a u m o m e n t
où elles se s o n t e m m a g a s i n é e s a u f o n d d e sa c o n s c i e n c e o u p l u t ô t d e
son i n c o n s c i e n c e , il é t a i t a i l l e u r s .
1
La b o u l e d e c r i s t a l a é t é , e n l ' e s p è c e , u n a r t i c l e du j o u r n a l le Temps .
A propos du livre récent de M . Anatole France s u r J e a n n e d'Arc,
l ' a u t e u r d e l'article r e m a r q u a i t q u e n o s voisins, les A n g l a i s , l o r s q u e
l e u r i n t é r ê t n a t i o n a l n ' e s t p l u s e n j e u , s o n t c a p a b l e s d e la p l u s m a g n a -
n i m e é q u i t é , e t q u e c'est chez q u e l q u e s d é v o t s a n g l o - s a x o n s q u e la
b o n n e L o r r a i n e a t r o u v é ses p l u s e n t h o u s i a s t e s p a n é g y r i s t e s . Il citait
m e
u n livre d e M A r v è d e B a r i n e , Névrosés, q u i lui a révélé u n e des
œ u v r e s d e T h o m a s d e Q u i n c e y , le « m a n g e u r d ' o p i u m ». O n sait q u e
ce f u t B a u d e l a i r e q u i le fit c o n n a î t r e a u p u b l i c f r a n ç a i s . O n i g n o r e
g é n é r a l e m e n t q u e T h o m a s d e Q u i n c e y , à p r o p o s d e la J e a n n e d ' A r c
u n e
de M i c h e i e t , écrivit en 1 8 4 7 étude extrêmement curieuse sur
notre héroïne nationale. E l comme T h o m a s de Quincey n'a pas en
h i s t o i r e l ' a u t o r i t é d ' u n M i c h e i e t , p a r c e q u ' i l e s t « le m a n g e u r d ' o -
p i u m », voici c o m m e n t c o n c l u t le c h r o n i q u e u r : « P a u v r e p e t i t
Q u i n c e y ! c o m m e disait C a r l y l e . T r i s t e é p a v e d ' u n n a u f r a g e spiri-
tuel ! 11 c r o y a i t , il voulait c r o i r e q u e sa d r o g u e i n f e r n a l e a v a i t r e s p e c t é
en l u i le sens d e l ' h i s t o i r e : Opium, u justicier qui cites les faux
témoins au tribunal des rêves pour le triomphe de l'innocence calom~
niée! L ' o p i u m e s t u n d a n g e r e u x c o n s e i l l e r p o u r l ' e s p r i t d e j u s t i c e .
Au m o i n s a-t-il d o n n é à son i m p é n i t e n t esclave u n i n s t a n t d e p u r e
r a i s o n . Il a p e r m i s à ce d a m n é d e n t r e v o i r n o t r e S a i n t e en b e a u t é
de p r i è r e . »
Le c h r o n i q u e u r s e r a i t b i e n é t o n n é si j e lui disais q u e c e t i m p é n i t e n t
i N u m é r o d u I 3 f é v r i e r 190S.
A r c h . AnLhr. Crim. 100S
226 REVUE CRITIQUE
BIBLIOGRAPHIE
Le m o n d e civilisé a t o u j o u r s é t é d i v i s é e n d e u x c a m p s , q u i e n c a -
d r e n t et e n t r e m ê l e n t l e u r s i n d i v i d u a l i t é s d a n s d e m u l t i p l e s c a t é g o r i e s
et s'y d e s s i n e n t p a r d e p e r p é t u e l l e s o p p o s i t i o n s : celui d e s M o r a u x o u
des J u s t e s , d e s R é g u l i e r s s u i v a n t l a l o i . d e l a s a i n e r a i s o n ; celui d e s
a m o r a u x o u des i n j u s t e s , des i r r é g u l i e r s o u d e s r é f r a c t a i r e s à la loi g é n é -
r a l e , des c r i m i n e l s .
Le p r e m i e r , s'il n ' a p a s la p r é t e n t i o n d e r a m e n e r l e s e c o n d à u n e
c o n f o r m i t é d e s e n t i m e n t s e t d ' a c t i o n s é q u i v a l e n t e à u n e fusion unifi-
c a t r i c e , s o n g e a u x m o y e n s d e p r é v e n i r o u d ' a t t é n u e r les t o r t s q u ' o n l u i
cause; l'autre s'applique à garder son i n d é p e n d a n c e , dans un système
de p a r a s i t i s m e e t d ' e x p l o i t a t i o n v o u l u .
Le p r o b l è m e s o c i o - c r i m i n o l o g i q u e c o m p o r t e d e s s o l u t i o n s a n t i n o -
miques.
C r o i t - o n à u n e s a n c t i o n l o g i q u e , fatale, d e s a c t e s h u m a i n s , s u r c e t t e
terre, l'habitat commun des créatures qu'a produites u n e Puissance
i n n o m m a b l e , i n c o m p r é h e n s i b l e à n o s m e n t a l i t é s , o u d o i t - o n se confier
à l'œuvre d'une sélection naturelle, dirigée p a r cette puissance, i m m a -
t é r i e l l e o u m a t é r i e l l e , e n t i t é o u force ? I l y a u r a i t à s ' a b a n d o n n e r à u n e
f o r m u l e d e laisser faire. A u x b o n s à s e d é f e n d r e c o n t r e l e s m a u v a i s
p a r tous les m o y e n s q u ' i l s j u g e r o n t l e s m e i l l e u r s , m ê m e p a r l ' a b s t e n -
t i o n d e r é p o n d r e a u x agressifs, a v e c l ' e s p o i r d e les d o m p t e r p a r la
d o u c e u r , la p a t i e n c e e t les c o n c e s s i o n s . O u l e s b o n s v i e n d r o n t à b o u t
des m a u v a i s , o u les m a u v a i s v i e n d r o n t à b o u t d e s b o n s . Vœ viclis! Les
v a i n c u s o n t t o u j o u r s t o r t d a n s la l u t t e p o u r la v i e . L a v i c t o i r e des u n s ,
si elle n e t é m o i g n e p a s n é c e s s a i r e m e n t d e l e u r s u p é r i o r i t é , d é c o u v r e
u n d é f a u t d ' é n e r g i e chez l e u r s a d v e r s a i r e s . S u p p o s o n s le t r i o m p h e d e s
p i r e s : l ' o b l i g a t i o n d e satisfaire à d e s b e s o i n s i n é l u c t a b l e s , q u i e n g e n -
d r e r o n t les m ê m e s o p p o s i t i o n s q u ' a u p a r a v a n t , a m è n e r a p l u s o u m o i n s
vite u n e r e f o r m a t i o n d e s a n c i e n n e s h a b i t u d e s , u n n o u v e a u d é d o u b l e -
m e n t des c a r a c t è r e s e t t o u t s e r a à r e c o m m e n c e r . L ' h i s t o i r e d e B o t a n y -
B a y , celle d e l'île P i t c a i r n s o n t très s u g g e s t i v e s à c e t é g a r d .
Si l'on se p l a c e s u r le t e r r a i n d e s i n t é r ê t s i n d i v i d u e l s et collectifs à
défendre systématiquement, les choses apparaissent sous u n aspect
t r è s différent. U n e S o c i é t é o r g a n i s é e n e s a u r a i t s u p p o r t e r q u ' o n l'at-
t a q u e , q u ' o n la m e n a c e , ni d a n s ses u n i t é s , ni d a n s son b l o c , q u ' o n la
d é s a g r è g e e t q u ' o n l ' u s e , p a r u n e e x p l o i t a t i o n i m m o r a l e . Elle d e v r a
BIBLIOGRAPHIE 231
cissent. » P o u r q u o i m a i n t e n i r la p e i n e la m o r t ? « P o u r p l a i r e à la
i ' o u l e ? » M a i s la foule est si c a p r i c i e u s e , a u j o u r d ' h u i a l t é r é e de v e n -
g e a n c e et d e m a i n d ' i n d u l g e n c e ! L ' i n t e r n e m e n t est p l u s efficace et p l u s
m o r a l q u e fa p e i n e de m o r t .
Les a b o l i t i o n i s t e s i n v o q u e n t les s t a t i s t i q u e s e n faveur de l e u r t h è s e .
Mais que ne fait-on s o r t i r des s t a t i s t i q u e s ? S u r la q u e s t i o n , elles n ' a p -
p o r t e n t p a s de d o n n é e s p r é c i s e s , c a r le p a r a l l é l i s m e ou l ' é c a r t e n t r e
l'évolution d e c e r t a i n e s formes de la c r i m i n a l i t é , la f r é q u e n c e ou
la r a r e t é d e s e x é c u t i o n s c a p i t a l e s , s o n t s u b o r d o n n é s à l ' i n t e r v e n -
t i o n d ' é l é m e n t s t r è s c o m p l e x e s . P o u r t a n t , là o u la p e i n e de m o r t
est le p l u s s é v è r e m e n t a p p l i q u é e , les g r a n d s c r i m e s s e m b l e n t m o i n s
c o m m u n s . L e s s t a t i s t i q u e s a n g l a i s e s le d é m o n t r e n t . D a n s u n c h a p i t r e
t r è s d o c u m e n t é , a c c o m p a g n é de g r a p h i q u e s , L a c a s s a g n e é t u d i e la
m a r c h e g é n é r a l e de la c r i m i n a l i t é et l'influence des p e i n e s s u r c e t t e
m a r c h e . Il r a p p e l l e u n e c o n s t a t a t i o n de F e r r i , en I t a l i e , q u e . « la c r i -
m i n a l i t é a s u b i u n a c c r o i s s e m e n t c o n s i d é r a b l e , alors j u s t e m e n t q u e la
s é v é r i t é d e la r é p r e s s i o n a u g m e n t a i t ». Il p e n s e « q u e la c r i m i n a l i t é
ira t o u j o u r s e n a u g m e n t a n t , aussi l o n g t e m p s q u ' o n n ' a u r a pas p o r t é
r e m è d e aux o r i g i n e s sociales de l ' a t t e n t a t », e t il a a b s o l u m e n t r a i s o n .
Il s ' a p p u i e s u r l ' o b s e r v a t i o n d i r e c t e d e s faits, en p a s s a n t e n r e v u e les
p r i n c i p a u x f a c t e u r s de la c r i m i n a l i t é , t o u s d ' o r d r e s o c i o l o g i q u e , et,
d a n s c e t t e étiologie s o m m a i r e c e p e n d a n t t r è s de relief, n ' a p p a r a î t q u e
t r o p é v i d e n t e la défaillance de l ' a c t i o n l é g i s l a t i v e .
Il c o n v i e n t de ne pas é t u d i e r la q u e s t i o n de la p é n a l i t é à la m a n i è r e
exclusive des j u r i s t e s , au p o i n t de v u e d u d r o i t m o r a l d e c h â t i e r ,
de la n é c e s s i t é de p r é v e n i r p a r l ' i n t i m i d a t i o n . M a i s , au p o i n t de vue
s o c i o l o g i q u e et Utilitaire, en d e h o r s de t o u t e t h é o r i e d o c t r i n a i r e , il
i m p o r t e d e r e c o n n a î t r e u n e n u i s a n c e , de c h e r c h e r le m o d e le p l u s s û r
d e sa s u p p r e s s i o n . Il y a d e s m o n s t r u o s i t é s d ' i m m o r a l i t é et de c r i m i -
n a l i t é , q u i p r o v o q u e n t le d é g o û t e t l ' é p o u v a n t e : il m e p a r a î t naïf de
s o u l e v e r à l e u r p r o p o s d e s p o i n t s de d r o i t s : de tels ê t r e s s o n t de t r o p
d a n s u n e c o l l e c t i v i t é , q u e la c o l l e c t i v i t é les é l i m i n e p a r le p r o c é d é le
p l u s p r o m p t e t le p l u s r a d i c a l .
I c i . j ' o s e r a i é c r i r e u n e r e m a r q u e q u e j e m e p r o p o s e de t r a n s f o r m e r
p l u s t a r d en d i s c u s s i o n .
On ne sait g u è r e ce q u ' e s t ou n ' e s t pas la Responsabilité. On la
p e u t n i e r Lout c o m m e o n la p e u t a d m e t t r e . On p r é t e n d la d o s e r s a n s
b a l a n c e , la m e s u r e r sans c o m p a s , en p é n é t r a n t d a n s le d o m a i n e
o b s c u r de c o n s c i e n c e s , d o n t il est m ê m e t r è s difficile de fixer le r a p p o r t
e n t r e u n é t a t sain et u n é t a t m o r b i d e . A u f o n d , q u e l i n t é r ê t a la
r e c h e r c h e de c e t t e c h o s e m y s t é r i e u s e ou d o u t e u s e ? Q u ' u n n u i s a n t
é m é r i t e agisse, s a n s q u ' o n d e v i n e p a r q u e l l e suite d ' i m p u l s i o n s , q u e
les m o b i l e s de son a c t i o n d é r i v e n t d ' u n e l o g i q u e d é v i é e o u i n c o h é -
r e n t e , c o m m e chez les a l i é n é s , o u q u ' i l s s e m b l e n t é m a n e r d ' u n e m e n -
talité n o r m a l e , si l ' u t i l i t é c o l l e c t i v e r é c l a m e sa s u p p r e s s i o n , j ' e s t i m e
234 BIBLIOGRAPHIE
q u ' e l l e la d o i t p r o n o n c e r . L e s m o y e n s t e r m e s , l e s m e s u r e s b i a i s a n t e s ,
ne s o n t q u ' h y p o c r i s i e s ou a b e r r a n c e s .
T o u t c o m m e l ' e n c e l l u l e m e n t s u b s t i t u é à la p e i n e c a p i t a l e .
Ou c e t e n c e l l u l e m e n t s e r a o b s e r v é avec la m ê m e r i g u e u r q u ' e n
I t a l i e . 11 t r a n s f o r m e r a le c o n d a m n é e n m i s é r a b l e l o q u e a n i m a l i s é e ,
r é d u i t e a u x seuls i n s t i n c t s v é g é t a r i e n s , à c h a r g e à la société, s a n s
profit p o u r p e r s o n n e , o b j e t d ' a t t r i s t e m e n t m ê m e p o u r ses g a r d i e n s ;
a u t o u r d e c e m o r t v i v a n t , q u i n e s e s e n t ni m o u r i r ni v i v r e , où e s t
la leçon m o r a l e , r é f o r m a t r i c e , i n t i m i d a t r i c e , u t i l e ?
Ou l ' e n c e l l u l e m e n t , c o m m e c e l a m e semble t r è s p r o b a b l e d ' a p r è s le
r a p p o r t C r u p p i , é q u i v a u d r a à l ' i n t e r n e m e n t d a n s u n b a g n e , a v e c la
f a v e u r s p é c i a l e d ' u n i s o l e m e n t la n u i t : q u e l a v a n t a g e e n r e t i r e r a la
société e t q u e l p r o g r è s r é a l i s e r a la m e s u r e s u r la p e i n e c a p i t a l e , q u e
le s y s t è m e i m p o n d é r é d e s g r â c e s r e n d d ' a i l l e u r s i l l u s o i r e , m a i s q u i
entretient quelque appréhension d'épée de Damoclès dans l'esprit
d ' u n c e r t a i n n o m b r e d e pervers"?
Il s e r a i t aisé d e r e p r e n d r e u n à u n l e s a r g u m e n t s d e s p r o j e t s d ' a b o -
l i t i o n , d e s o p i n i o n s d e s p h i l o s o p h e s e t d e s légistes d e m ê m e école, e t
d'y d é c o u v r i r les m ê m e s n o t e s f a u s s e s , s e n t i m e n t a l e s , p r é t e n t i e u s e s
souvent, contradictoires plus s o u v e n t encore. Lorsqu'on s'écarte d u
p r i n c i p e u t i l i t a i r e , o n n e p e u t q u e d é v i e r d e la l i g n e sociale r é g u l i è r e .
S a n s d o u t e , le p r i n c i p e offre d e s c o n s é q u e n c e s parfois t r o u b l a n t e s ,
m a i s c e s c o n s é q u e n c e s s o n t i n é v i t a b l e s . D a n s la vie, l u t t e i n c e s s a n t e
et sous t o u t e s les f o r m e s , l ' h o m m e d o i t s ' h a b i t u e r à p e n s e r , à v o i r , à
agir s u i v a n t d e s r è g l e s d r o i t e s , f e r m e s , sous l a vieille f o r m u l e d é v e -
l o p p é e p a r P l a t o n un pour tous, e t c o m p l é t é e d e n o s j o u r s p a r u n
r e n v e r s e m e n t des t e r m e s , tous pour un.
On lira a v e c fruit, d a n s le l i v r e d e L a c a s s a g n e , le s u b s t a n t i e l r é s u m é
d e s o p i n i o n s d e s m o r a l i s t e s e t d e s p h i l o s o p h e s , r e l a t i v e s à la p e i n e d e
m o r t : elles c o n s t i t u e n t b i e n , à c ô t é d e s considérants d u p r o j e t G u y o t -
Dessaignes et d u rapport C r u p p i , u n e « leçon d u passé, dans ses
r a p p o r t s a v e c les q u e s t i o n s d e l ' h e u r e p r é s e n t e ».
A-t-on assez a b u s é d e c e r t a i n e s e x p r e s s s i o n s s o n o r e s , m a i s v a i n e s !
Le r e s p e c t d e la d i g n i t é h u m a i n e ! L e r e s p e c t d e la v i e h u m a i n e !
La d i g n i t é ! o ù la t r o u v e - t - o n c h e z les p l u s d é t e s t a b l e s c r i m i n e l s ?
On c r o i t a p e r c e v o i r d a n s la v i e d ' u n C a r t o u c h e , d ' u n C o g n a r d o u d ' u n
C o l l e t , d ' u n L a c e n a i r e . d ' u n L e b i e z , e t c . , q u e l q u e s t r a i t s q u i les r e l è -
v e n t . D e s gens d u m o n d e e t d u p e u p l e se s o n t p â m é s d ' a d m i r a t i o n ,
aux racontars suspects de semblables traits. On n'a pas voulu penser
qu'ils n ' é t a i e n t q u e c a b o t i n a g e d e v a n i t é , q u ' i l s se r a t t a c h a i e n t à des
rôles de circonstance. Les Clairon, les Sophie Arnould, leurs émules
c o n t e m p o r a i n e s o n t j o u é o u r e p r é s e n t e n t e n c o r e les i n g é n u e s s u r la
scène, ignorantes de l'innocence, mais dans l'existence privée types
de c o r r u p t i o n bien c o m p r i s e . C e u x q u i o n t o b s e r v é l e m o n d e d e s
p r i s o n s s a v e n t à q u o i s ' e n t e n i r s u r la d i g n i t é d ' u n t e l m o n d e . E t
BIBLIOGRAPHIE 235
c'est p o u r ne p o i n t p o r t e r a t t e i n t e à u n aussi n o b l e s e n t i m e n t , chez
d'aussi n o b l e s g e n s , q u ' o n se r é c r i e c o n t r e l ' e m p l o i d u m e i l l e u r c o r -
rectif à l e u r c o n v e n a n c e , le fouet ou le b â t o n . D e v a n t l ' a c c r o i s s e m e n t
f o r m i d a b l e des a t t e n t a t s , à P a r i s et en p r o v i n c e , le r e d o u b l e m e n t de
c y n i q u e a u d a c e des a p a c h e s , la p r o p o r t i o n g r a n d i s s a n t e des a d o l e s c e n t s
d a n s les r a n g s des a n t i s o c i a u x , L a c a s s a g n e se d e m a n d e p o u r q u o i l'on
n e rétablit pas les p u n i t i o n s c o r p o r e l l e s . E n A n g l e t e r r e , le h a r d - l a b o u r
et le chat à neuf queues o n t m u t é les p l u s r é t i f s ; la c r a i n t e de la
correction a dissipé les b a n d e s d e j e u n e s g r e d i n s q u i t e r r o r i s a i e n t L o n -
dres. E n D a n e m a r k , le r é t a b l i s s e m e n t de la b a s t o n n a d e a t r è s vite
1
a m e n é u n e sensible r é d u c t i o n des a t t a q u e s c o n t r e les p e r s o n n e s .
Le r e s p e c t de la vie h u m a i n e ! Quel a r g u m e n t e n faveur d e scélé-
rats q u i n e r e s p e c t e n t pas la vie des a u t r e s , m ê m e la s u p p r i m e n t a v e c
des r a f f i n e m e n t s de t o r t u r e s , p a r c a p r i c e , plaisir ou c o l è r e d e d é c e p -
t i o n , q u a n d l e u r c u p i d i t é n ' a p a s é t é satisfaite ! Les m ê m e s d o u x a p ô t r e s
de l ' i n d u l g e n c e e n v e r s les assassins cfnt t r o u v é à r e d i r e à la p é n a l i t é
s u p r ê m e c o n t r e le c r i m e de t r a h i s o n , le p l u s o d i e u x e t le p l u s gros de
c o n s é q u e n c e s e n t r e t o u t e s les formes du c r i m e . On p e u t livrer son-
pays à u n e n a t i o n r i v a l e , lui s u s c i t e r des g u e r r e s , q u i s ' a c c o m p a g n e -
r o n t d ' h é c a t o m b e s h u m a i n e s , e t en ê t r e q u i t t e à m e i l l e u r m a r c h é q u ' u n
t u e u r d e f e m m e ou d ' e n f a n t . On se t a i t d e v a n t le c a d a v r e d ' u n p a u v r e
soldat, q u ' o n v i e n t de fusiller p o u r u n geste de m e n a c e c o n t r e u n
s u p é r i e u r , o u , si l'on c é l è b r e les héros tués d a n s le r a n g , à l ' e n n e m i ,
c'est a v e c u n e i n t e m p é r a n c e de r h é t o r i q u e , qui les r e n d p r e s q u e r i d i -
c u l e s , o u d é m a s q u e u n e i n t e n t i o n peu édifiante : il f a u t p l a i r e à l'ar-
mée après l'avoir vilipendée.
On d o i t p r o s c r i r e u n e p e i n e q u i sera i r r é p a r a b l e , s'il se d é c o u v r e
u n e e r r e u r a p r è s la c o n d a m n a t i o n ! ( R e m a r q u o n s en p a s s a n t q u ' o n ne
se p r é o c c u p e p o i n t de la r é p a r a t i o n des t o r t s q u e p e u v e n t c a u s e r à des
i n d i v i d u s la c o n d u i t e a r b i t r a i r e d ' u n j u g e d ' i n s t r u c t i o n , u n e l o n g u e
détention préventive suivied'un acquittement solennel, une condamna-
t i o n p a r e r r e u r , t a r d i v e m e n t r e c o n n u e , à la p r i s o n ou au b a g n e : au
t e m p s de L o u i s X I V , l ' e m b a s t i l l é r e m i s en l i b e r t é , a p r è s u n e a r r e s l a -
1
L'aliéné n'est pas toujours l'être s a n s c o n s c i e n c e de ses a c t e s qu'on s u p p o s e .
II a g i t d ' a p r è s u n e i m p u l s i o n s p é c i a l e , u n e l o g i q u e à l u i , q u ' i l d i r i g e v e r s u n
o b j e c t i f v o u l u à s a m a n i è r e . Pa m é c h a n c e t é r é c l a m e u n e c o r r e c t i o n i m m é d i a t e
e t il la c o m p r e n d . C ' e s t e n c o r e p a r h y p o c r i s i e p h i l a n t h r o p i q u e q u ' o n i n t e r d i t la
c o r r e c t i o n m a n u e l l e d a n s les asiles, d e p l u s en p l u s o c c u p é s par d e s a l i é n é s d e
l ' e s p è c e l a m o i n s i n t é r e s s a n t e e t la p l u s d a n g e r e u s e , c e l l e d e s a l c o o l i q u e s . Il e s t
v r a i q u ' o n t o l è r e e n c o r e la c a m i s o l e d e f o r c e e t q u ' o n f a i t s e m b l a n t d ' i g n o r e r
l'usage des d o u c h e s froides, m o y e n s d'application s o u v e n t inopportune, ou
f r é q u e m m e n t s u i v i e de r é s u l t a t s f â c h e u x . M a i s la r i p o s t e à l'agression d'un fou
s o u r n o i s par u n c o u p de p o i n g qui l'arrête attirera s u r un infirmier les f o u d r e s
a d m i n i s t r a t i v e s . Je p r e n d s à m o n c o m p t e un a v e u que ne v e u l e n t p o i n t risquer
p l u s d ' u n m é d e c i n - d i r e c t e u r d ' a s i l e : l ' u t i l i t é , la n é c e s s i t é , d ' u n s y s t è m e d e c o r -
rection i m m é d i a t e , d a n s les asiles.
236 BIBLIOGRAPHIE
t i o n n o n m o t i v é e , r e c e v a i t d u r o i u n e i n d e m n i t é c o m p e n s a t r i c e parfois
c o n s i d é r a b l e ) . P o u r m é n a g e r à u n i n n o c e n t la r é p a r a t i o n , m i e u x v a u t
é p a r g n e r d e s milliers d e c o u p a b l e s . C ' e s t t r è s b e a u , m a i s cela s o n n e
e n c o r e t r è s faux s o u s le v e r b e ou r é c r i t d e p e r s o n n a g e s , q u i o n t t o u -
j o u r s à la b o u c h e l e s e x e m p l e s d e la R é v o l u t i o n , affectent d e se
d i r i g e r , e u x e t les a u t r e s , selon s e s t r a d i t i o n s , e t s e m b l e n t t o u t i g n o r e r
d e s o n h i s t o i r e . P o u r m o i , j e le d é c l a r e t r è s h a u t , j ' a d m i r e l ' œ u v r e
d e la C o n v e n t i o n , l ' é n e r g i q u e i m p i t o y a b i l i t é d u C o m i t é d e salut p u b l i c :
les h o m m e s q u i a v a i e n t a l o r s e n t r e l e u r s m a i n s l e s d e s t i n é e s d e l a
F r a n c e l ' o n t s a u v é e m a l g r é elle ; i l s a v a i e n t l ' h o r r e u r d u s a n g , et ils
n ' o n t p a s h é s i t é à sacrifier d e n o m b r e u s e s v i c t i m e s , p a r m i l e s q u e l l e s
ils s a v a i e n t b i e n q u ' i l é t a i t i m p o s s i b l e d e s é p a r e r q u e l q u e s i n n o c e n t s
m ê l é s p a r m i d e s t r a î t r e s . D a n s la p r é c i p i t a t i o n d e s é v é n e m e n t s , l ' e n -
c o m b r e m e n t d e s p r i s o n s , la j u s t i c e é t a i t c o n t r a i n t e à s o r t i r d e s l i m i t e s
du juste : l'intérêt supérieur était celui d'un peuple menacé d'un
d é m e m b r e m e n t . M a i s q u o i q u ' b n e n a i t d i t , il y a e u p l u s d ' e r r e u r s
c o m m i s e s p a r u n e fatalité n é c e s s a i r e , q u e p a r h a i n e p a s s i o n n e l l e . L a
F r a n c e exigeait des immolations : elle e u t celles d e l'intérieur, d o n t on
p a r l e b e a u c o u p p a r e s p r i t d e r é a c t i o n p o l i t i q u e , e t celles d e l ' e x t é -
rieur, devant les envahisseurs é t r a n g e r s , d o n t on n e tient p a s u n
assez g r a n d c o m p t e . D e n o s j o u r s , l a F r a n c e a t r a v e r s é d e s c r i s e s o ù
elle a failli s o m b r e r , crises o c c a s i o n n é e s p a r c e r t a i n e s i n d i v i d u a l i t é s o u
autour de certaines individualités, d o n t la coterie exaltait l'honneur...
et l'innocence. Vrais o u faux, leurs m é r i t e s n e dérobaient pas à l'opi-
n i o n l e u r i n f l u e n c e d é s o r g a n i s a t r i c e : o n e û t p r é v e n u celle-ci s a n s
h é s i t e r p a r la s u p p r e s s i o n , si l ' o n e u t o b é i a u x l e ç o n s d e la R é v o l u -
tion.
Q u e d ' i n c o n s é q u e n c e s e t d e c o n t r a d i c t i o n s chez l ' h o m m e ! M a r a t
r é c l a m a i t le sacrifice d e 200.000 t ê t e s d ' a r i s t o c r a t e s : c ' é t a i t u n
h o m m e « t r è s d o u x », e t il s ' é t a i t é l e v é , a u t r e f o i s , c o n t r e la p e i n e d e
m o r t . M . C r u p p i n ' a p a s t o u j o u r s d e m a n d é la d e s t r u c t i o n d e l ' é c h a -
faud. E t m o i - m ê m e , après avoir s o u t e n u l'idée abolitioniste, j e m e
vois c o n t r a i n t p a r d e s o b s e r v a t i o n s p l u s a p p r o f o n d i e s , à m e r a n g e r
d u côté d e L a c a s s a g n e e t à r é c l a m e r a v e c l u i le m a i n t i e n d ' u n e p e i n e
nécessaire.
Les codes eux-mêmes o n t de singulières oppositions!
Q u ' u n a p a c h e , u n g r é v i s t e d e m a u v a i s aloi, m e n a c e n t d u c o u t e a u ou
d u r e v o l v e r u n p a s s a n t , u n riche s o l i t a i r e o u u n p a t r o n j a l o u s é ;
l'usage de l'arme ne sera pas r e g a r d é c o m m e u n e circonstance excep-
tionnellement a g g r a v a n t e à l'égard d e s a g r e s s e u r s , j o u a n t les exploités
q u i p r e n n e n t u n e r e v a n c h e . M a i s la v i c t i m e , si elle se d é f e n d a v e c u n e
a r m e q u e l c o n q u e a u r a à r é g l e r q u e l q u e c o m p t e a v e c la j u s t i c e , c o m p t e
d é s a g r é a b l e , m ê m e d a n s le c a s d ' e x c u s e . L e p o r t d ' a r m e s e s t i n t e r -
d i t a u x g e n s q u i c h a q u e j o u r s o n t e x p o s é s a u x a t t a q u e s les p l u s
i m p r é v u e s : les assassins e t les v o l e u r s s ' e n a c c o r d e n t le d r o i t . L e s
BIBLIOGIUPHIIÏ 237
policiers qui a r r ê t e n t les m a l f a i t e u r s c o u r e n t des r i s q u e s de l o u r d e
r é p r i m a n d e , s'ils font c o n t r e e u x usage des a r m e s q u ' o n l e u r d o n n e ,
sous le p r é t e x t e d e l e u r p r o p r e d é f e n s i v e . C o m b i e n d e b r a v e s a g e n t s ,
p è r e s de f a m i l l e , s o n t blessés ou t u é s p a r des g r e d i n s , q u ' i l l e u r e û t
é t é facile de r é d u i r e , s a n s l e u r s t o ï q u e o b é i s s a n c e à u n e i n e p t e
consigne.
Plus e x t r a o r d i n a i r e est la j u r i s p r u d e n c e relative au d u e l .
J e ne crois p a s q u ' i l existe u n e c o u t u m e p l u s l â c h e , p l u s c r i m i n e l l e ,
... et plus s o t t e . Si l'on v e u t se c o n v a i n c r e de son i g n o m i n i e , sous les
fausses c o u l e u r s d ' u n e p r é t e n d u e b r a v o u r e et de l ' h o n n e u r , q u ' o n lise
le m é m o i r e d e B r a n t ô m e s u r la m a t i è r e . Aux t e m p s c o n t e m p o r a i n s , les
annales d u d u e l se r a t t a c h e n t à celles des a t t e n t a t s les m i e u x c a r a c t é -
risés (les R e c u e i l s d e causes c é l è b r e s e n font foi). L ' h o n n e u r d i s c u t a b l e
de p l u s d ' u n m i s é r a b l e se r é h a b i l i t e p a r u n a s s a s s i n a t q u e la loi t o l è r e
et q u e le p u b l i c a d m i r e . Q u e d ' i n s u l t e u r s p a r la p l u m e , de diffamateurs
d a n s la p r e s s e se p o s e n t en r e d r e s s e u r s d ' u n e m o r a l e q u ' i l s o u t r a g e n t ,
grâce à u n e a s s u r a n c e a c q u i s e d a n s u n e salle d ' a r m e s . L a v i c t i m e o n
ne la p l a i n t p a s ou o n e n r i t ; le t u e u r p a r - d e v a n t la loi a la vie sauve et
comme un prestige par-devant l'opinion.
C'est t o u j o u r s l ' i n n o c e n t ou le p l u s m o r a l d o n t l ' e x i s t e n c e n ' i n s p i r e
a u c u n s o u c i , et son c o n t r a i r e q u e l'on r e s p e c t e .
C e p e n d a n t , à force de p o u s s e r les c h o s e s à l ' e x t r ê m e , d'afficher le
d é d a i n o u le m é p r i s p o u r t o u t ce q u i relève d u b o n s e n s , on finit p a r
p r o v o q u e r des r é v o l t e s de c o n s c i e n c e s . O n a p r o c l a m é t a n t d ' a c q u i t -
t e m e n t s de v o l e u r s , d e v i o l a t e u r s , d ' a s s a s s i n s , l'on a r é p a n d u t a n t d e
g r â c e s s u r les p l u s a b o m i n a b l e s c r i m i n e l s , e n d é p i t d e s v e r d i c t s de
jurés très honnêtes, que des indignations ont éclaté. La commutation
d e p e i n e , si m a l e n c o n t r e u s e m e n t a c c o r d é e p a r le P r é s i d e n t F a l l i è r e s à
u n S o l e i l l a n d a d é t e r m i n é u n c o u r a n t d ' o p i n i o n f a v o r a b l e au m a i n t i e n
de la p e i n e de m o r t . T r è s c a r a c t é r i s t i q u e est l ' e x p o s é q u ' e n r e t r a c e
L a c a s s a g n e . Il cite i n t é g r a l e m e n t u n e a d r e s s e r é d i g é e p a r des j u r é s
d u N o r d et e n v o y é e p a r e u x au S é n a t , d o n t j ' e x t r a i s ce p a s s a g e :
Ils e s t i m e n t n é c e s s a i r e « de m a i n t e n i r d a n s nos c o d e s la p e i n e de
m o r t , d o n t l ' a p p l i c a t i o n l e u r p a r a î t i n d i s p e n s a b l e d a n s c e r t a i n e s cir-
c o n s t a n c e s et qui seule s e m b l e d e v o i r e m p ê c h e r la m u l t i p l i c a t i o n d e s
forfaits e t p e u t - ê t r e le r e t o u r a u x e x é c u t i o n s s o m m a i r e s , q u e l'on r e n -
c o n t r e e n c o r e chez les p e u p l e s o ù la société est i n s u f f i s a m m e n t p r o t é -
g é e . C ' e s t p o u r q u o i ils d e m a n d e n t (aux s é n a t e u r s e t a u x d é p u t é s ) d ' i n -
v i t e r le G o u v e r n e m e n t à a p p l i q u e r d ' u n e façon s t r i c t e les p e i n e s
p r o n o n c é e s p a r les C o u r s d'assises, e n faisant modifier au b e s o i n la
l é g i s l a t i o n a c t u e l l e , et a p p o r t e r des r é f o r m e s au r é g i m e p é n i t e n t i a i r e »
d a n s u n s e n s p l u s efficacement c o r r e c t i f .
D a n s u n é t a t d é m o c r a t i q u e , le d r o i t d e g r â c e , a t t r i b u t d ' u n e a u t o r i t é
p e r s o n n e l l e et a b s o l u e , n e d e v r a i t p a s ê t r e laissé à u n P r é s i d e n t d e
R é p u b l i q u e , m a i s conlié à u n j u r y p a r t i c u l i e r , électif.
238 BIBLIOGRAPHIE
r a i s o n d e la m u l t i p l i c i t é e t d e la d i v e r s i t é des d é t a i l s , j ' a i p r é f é r é s u b -
s t i t u e r u n e x p o s é d ' e n s e m b l e , où j ' a i i n t e r c a l é d e s réflexions e t d e s
o p i n i o n s , s u s c e p t i b l e s d e m i e u x faire r e s s o r t i r l a force d e s a r g u m e n t s
d ' u n e v a i l l a n t e t h è s e . J ' a i la m ê m e c o m p r é h e n s i o n dés choses q u ' e l l e
e m b r a s s e , q u e m o n a m i , le p r o f e s s e u r I . a c a s s a g n e , a v e c m o i n s d ' o b s e r -
v a t i o n s e t d ' é r u d i t i o n à m o n a c q u i t ; j ' a i c o m m e lui l ' a r d e n t d é s i r d e
voir d é b l a y e r le t e r r a i n d e la c r i m i n o l o g i e de t o u s l e s é l é m e n t s s p é c u -
latifs q u i l ' e n c o m b r e n t . C'est d o n c a v e c u n e g r a n d e joie q u e j ' a i lu le
livre Peine de mort et criminalité.
J e d é s i r e p o u r l u i u n succès m é r i t é .
C'est u n e c o u r a g e u s e m a n i f e s t a t i o n d e b o n s e n s a u t a n t q u e d e science
expérimentale contre les erreurs d'une philanthropie pleine d'écueils.
B r e s t , le 1 6 février 1 9 0 8 .
1
D ' A. COURE.
D R
MINIME, la Médecine anecdotique, historique, littéraire. Becueil a
Vusage des médecins, chirurgiens et apothicaires érudits, curieux
et chercheurs, e s t a m p e s , d e s s i n s , g r a v u r e s et fac-similé, 3 v o l . ,
g r . i n - 8 ° , 38o + 364 + 358 p . , P a r i s , J u l e s R o u s s e t , 1 9 0 6 .
R
L e D M i n i m e , en q u i il e s t aisé d e r e c o n n a î t r e le r é d a c t e u r e n
chef d ' u n e d e n o s p l u s i n t é r e s s a n t e s r e v u e s m é d i c a l e s e t p a r a m é d i -
c a l e s , p u b l i e , en t r o i s c o p i e u x e t é l é g a n t s v o l u m e s , u n c h o i x d ' a r t i c l e s
e t d ' e s t a m p e s p a r u s d a n s s o n j o u r n a l s o u s des s i g n a t u r e s v a r i é e s . C e t t e
é d i t i o n , n o u s d i t la p r é f a c e , se base s u r ce p r i n c i p e q u e « d a n s t o u t
m é d e c i n , il y a u n é r u d i t q u i s o m m e i l l e ». C ' e s t f o r t b i e n p e n s é . E t à
1
cet é r u d i t , le D ' M i n i m e offre u n e d o u b l e p â t u r e , s u b s t a n t i e l l e , faite
de d o c u m e n t s , e t d i s t r a y a n t e , faite d e r a b e l a i s i e n n e s g a u l o i s e r i e s , d e
telle s o r t e q u ' a u h a s a r d d e s p a g e s , le livre s e m b l e t a n t ô t c o m p i l é a u
sein p o u s s i é r e u x d ' u n e d o c t e e t v é n é r a b l e b i b l i o p o l e . t a n t ô t s t é n o -
graphié p a r q u e l q u e scribe peu p u d i b o n d , témoin auriculaire d'un
b a n q u e t c o n f r a t e r n e l , où les a n e c d o t e s grivoises e t les p r o p o s d ' a p r è s
boire s ' é c h a n g e n t suh rosâ.
E t j ' i m a g i n e v o l o n t i e r s r é d a c t e u r s et l e c t e u r s d e ce r e c u e i l c o m m e
autant d'abbés J é r ô m e Coignard, abbés thélémites, pourvus de sens
c r i t i q u e , m a i s d é p o u r v u s d ' a u s t é r i t é , p r o f o n d s ou b a d i n s t o u r à t o u r ,
i n a p t e s à p r e n d r e la m o r a l e au t r a g i q u e , i d o i n e s à s ' a d o u c i r la v i e ,
t a n t p a r la gaie s c i e n c e q u e p a r d ' a u t r e s j e u x m o i n s b é n é d i c t i n s , i n d u l -
gents a u x autres et non moins à e u x - m ê m e s , grands connaisseurs
d ' i n c u n a b l e s , m a i s p o i n t i g n o r a n t s des flacons, f u r e t e u r s d e la cité d e s
l i v r e s , e t g a l a n t s t r o u s s e c o t t e s , bref, é r u d i t s c o m m e o n le fut s o u s d e s
r é g i m e s très a n c i e n s . . .
U n e t a b l e des m a t i è r e s et u n e t a b l e a l p h a b é t i q u e n e s o n t p o i n t d e
t r o p , p o u r p a r v e n i r à u n c h o i x j u d i c i e u x , au milieu de t a n t de m a t é -
A r c h . Antlir. Crini. 100s — 11
•242 BlBLIOGUAl'HlIÎ
r i a u x a c c u m u l é s et si d i v e r s . On p e u t , p a r e l l e s , e t suivant son h u m e u r ,
p u i s e r ainsi à des s o u r c e s d i v e r s e s . O n y t r o u v e r a l'indication de q u e l -
q u e s très p r é c i e u s e s p i è c e s d ' a r c h i v e s , c o m m e la Déclaration des abus
e
et tromperies que font les apothicaires, p a r M Lisset B e n a n c i o , r é i m -
p r i m é e d ' a p r è s l ' u n i q u e e x e m p l a i r e de l ' é d i t i o n p r i n c e p s d e la B i b l i o -
t h è q u e n a t i o n a l e , ou le Poème sur la génération de René Bretonnayau.
O n y t r o u v e r a à g l a n e r u n e foule d ' a n e c d o t e s s u r l ' h i s t o i r e d e la
m é d e c i n e et, ce q u i est i n f i n i m e n t p l u s i n t é r e s s a n t , s u r la m é d e c i n e
h i s t o r i q u e . On y r e n c o n t r e r a a b o n d a n c e d e ces p e t i t s faits q u i se t i e n -
n e n t s u r les f r o n t i è r e s de la l i t t é r a t u r e d e la b i o l o g i e et q u i , p a r t i c u -
l i è r e m e n t c u r i e u x p o u r les m é d e c i n s , n e s o n t d é n u é s de s a v e u r p o u r
p e r s o n n e , telle la q u e s t i o n : P e u t - o n v i o l e r u n e f e m m e p e n d a n t
l ' a n e s t h é s i e ? o u le p r o b l è m e social d e la f e m m e - m é d e c i n , ou l ' h i s t o i r e
d ' u n e r o y a l e s u p p o s i t i o n de p a r t ( l ' a c c o u c h e m e n t de la r e i n e D r a g a ) ,
et ceci enfin, p a s s i o n n a n t : P o u r q u o i les b o u r g e o i s e s se d é f o r m e n t ?
E t n o n s e u l e m e n t t o u s les g e n r e s de p r o s e s s o n t r e p r é s e n t é s : p r o s e
anecdotique, prose badine, prose scientifique, prose archaïque, prose
u l t r a m o d e r n e , p r o s e p o m p e u s e , p r o s e l i b i d i n e u s e ; m a i s il y a e n c o r e
t o u t un P a r n a s s e : P a r n a s s e s p é c i a l , il e s t v r a i , P a r n a s s e c o n f r a t e r n e l ,
Parnasse biologique, Parnasse pathologique, voire Parnasse obstétrical
et, u n peu p l u s s o u v e n t q u ' à son t o u r , c y p r i d o l o g i q u e e t v é n é r i e n . E t
j e sais b i e n q u e la f o r m e n ' e n r a p p e l l e q u ' a v e c u n p e u de v a g u e e t
d ' i m p r é c i s i o n la f a c t u r e de M . L e c o n t e d e Lisle, ou de feu M . de
H e r e d i a , m a i s c o m m e le l i v r e n ' e s t , e n s o m m e , d e s t i n é q u ' à des
h o m m e s g r a v e s , q u i s a v e n t ce q u e p a r l e r v e u t d i r e , il n ' e s t p o i n t m e s -
s é a n t q u e ce b o u q u e t à C h l o r i s fleure u n r e l e n t a c c e n t u é des clini-
q u e s s p é c i a l e s . C e q u i , a i l l e u r s , p o u r r a i t s e m b l e r s c a t o l o g i e effrénée,
o b s c é n i g r a p h i e d a m n a b l e , p o r n o g r a p h i e f â c h e u s e ou c o p r o l a l i e é h o n l é e ,
n ' e s t ici q u ' u n j e u , e n t r e p e r s o n n a g e s q u i , n ' i g n o r a n t a u c u n d e s s o u s ,
o n t g r a n d e m e n t r a i s o n de s'en e s b a u d i r p r é f é r a b l e m e n t à s'en l a m e n t e r .
E t voici q u e , d ' u n b o u t à l ' a u t r e d e ces p a g e s , d o n t le d é s o r d r e m ê m e ,
p u i s q u ' i l est v o u l u , n e s a u r a i t m e d é c o n v e n i r , j e ne t r o u v e q u e sujets
d'éloges et o c c a s i o n s d ' a p p r o u v e r . La Médecine anecdotique, entre
des m a i n s e x p e r l e s , n e sera q u ' u n régal p o u r les d é l i c a t s . . .
EDMOND LOCARD.
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 243
ACADÉMIE D E M É D E C I N E
p e r v e r s i o n s sexuelles e n g é n é r a l d o n n e n t c h a q u e a n n é e a u x m é d e c i n s
légistes l'occasion d ' e x e r c e r leur s a g a c i t é . H o n t e u x d e l e u r é t r a n g e
maladie, et incapables de résister à l ' e n t r a î n e m e n t qu'elle p r o v o q u e ,
les i n d i v i d u s a t t e i n t s p a r p a r o x y s m e s a n g o i s s a n t s et impulsifs d ' a n o -
malies d e l'instinct g é n i t a l , n e s o n t o b s e r v é s p a r l'aliéniste q u ' a p r è s
avoir traversé le cabinet d u juge d'instruction. L'exhibitionniste est
i n c u l p é d ' o u t r a g e p u b l i c à la p u d e u r , le s a d i q u e d e c o u p s e t b l e s s u r e s ,
le fétichiste d u m o u c h o i r o u le c o u p e u r d e n a t t e s s o n t i n c u l p é s d e v o l .
P a r le t o r t m o r a l o u m a t é r i e l qu'ils c a u s e n t a u x p e r s o n n e s e x p o s é e s
1
L a t r è s i n t é r e s s a n t e o b s e r v a t i o n q u i s u i t a é t é c o m m u n i q u é e à l a Société de
Médecine de Paris.
244 REVUE D E S JOURNAUX HT D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
p e n d a n t e . M a l h e u r e u s e m e n t j e v i v a i s loin de m a f a m i l l e ; s a n s affection,
sans m a î t r e s s e , et j e souffrais s o u v e n t d"un é t a t de c h o s e s c o n t r a i r e s à
mes aspirations.
U n soir, il y a six m o i s e n v i r o n , j e fus p r o v o q u é s u r le b o u l e v a r d
p a r u n e fille p u b l i q u e e t j e m e d é c i d a i à la s u i v r e chez elle. C e t t e p r e -
m i è r e e n t r e v u e fut des p l u s n o r m a l e s , mais au m o m e n t de p r e n d r e
c o n g é j ' a p e r ç u s d a n s u n e p e t i t e caisse q u e l q u e s c h a î n e s assez v o l u m i -
n e u s e s a n a l o g u e s à celles avec l e s q u e l l e s on e n t r a v e le b é t a i l . J e
d e m a n d a i u n e e x p l i c a t i o n . « C'est p o u r m e s v i e u x », m e fut-il r é p o n d u ;
et j ' a p p r i s e n i n s i s t a n t q u e q u e l q u e s h o m m e s , â g é s le p l u s s o u v e n t ,
v e n a i e n t chez c e t t e f e m m e p o u r y ê t r e c h a r g é s de c h a î n e s et é p r o u v a i e n t
u n e v o l u p t é p a r t i c u l i è r e m e n t i n t e n s e l o r s q u ' i l s p r a t i q u a i e n t l'acte
s e x u e l s o u s cet a p p a r e i l de t o r t u r e . Les c h a î n e s é t a i e n t t e r m i n é e s p a r
d e s p o r t e - m o u s q u e t o n s . J e vis e n o u t r e de n o m b r e u x c a d e n a s de t o u t e s
d i m e n s i o n s e t la f e m m e m e m o n t r a enfin u n e c r o i x , faite de d e u x '
fortes p l a n c h e s s u r l a q u e l l e , m e dit-elle, u n d e ses « c l i e n t s » se faisait
crucifier p o u r a c c o m p l i r l'acte d u coït, n o r m a l ou a n o r m a l , j e n e s a i s .
J e p e n s a i à t o u t e s ces c h o s e s a p r è s avoir q u i t t é la fille; m a i s q u e l -
q u e s j o u r s a p r è s j e la r e n c o n t r a i de n o u v e a u e t r e t o u r n a i chez elle, si
b i e n q u e , l o r s q u ' e l l e m'offrit le j e u des c h a î n e s (sans i n s i s t e r d ' a i l l e u r s ) ,
j'acceptai.
J ' y s u i s r e t o u r n é d a n s ces c o n d i t i o n s t r o i s ou q u a t r e fois : On b u v a i t
en m ê m e t e m p s . « L ' i v r e s s e , s ' a j o u t a n t à c e t t e m a c é r a t i o n d e s c h a i r s
p r o c u r e u n e j o u i s s a n c e i n n o m m a b l e . . . On é p r o u v e u n e s e n s a t i o n très
p a r t i c u l i è r e q u i c h a n g e le c a r a c t è r e d u p l a i s i r n a t u r e l . C'est u n e
v o l u p t é , m a l a d i v e p a r son i n t e n s i t é e t d a n s l a q u e l l e n ' e n t r e a u c u n d e s
é l é m e n t s d'affection ou s i m p l e m e n t de d é s i r p o u r u n e f e m m e q u i
p r é p a r e la v o l u p t é n o r m a l e .
Voici q u e l l e é t a i t la m i s e e n s c è n e : J ' é t a i s n u , les p i e d s e n c h a î n é s
d e r r i è r e le dos : j ' a v a i s a u t o u r d u t h o r a x u n e a u t r e c h a î n e , au c o u enfin
u n c o l l i e r a n a l o g u e à c e l u i des gros c h i e n s de g a r d e , fait de m a i l l o n s
d'acier et qui me serrait légèrement.
L ' a p p a r e i l , disposé p a r l a f e m m e h â t a i t l ' é r e c t i o n et j ' a c c o m p l i s s a i s
le coït d e b o u t , t a n d i s q u ' e l l e était r e n v e r s é e s u r le b o r d du lit.
La d e r n i è r e fois q u e j e la v i s , elle m e s u g g é r a l'idée de lui a p p o r t e r
u n s u p p l é m e n t de c h a î n e s e t m e d o n n a r e n d e z - v o u s p o u r s a m e d i
dernier.
S a m e d i m a t i n , j ' a c h e t a i d e u x c h a î n e s e t me r e n d i s d a n s u n café des
b o u l e v a r d s . J e b u s u n e a b s i n t h e (je n ' e n bois p r e s q u e j a m a i s , j e suis
h a b i t u e l l e m e n t très s o b r e , et il ne m ' e s t a r r i v é q u e r a r e m e n t de faire
des e x c è s , m a i s alors j e vais f a c i l e m e n t j u s q u ' à l ' i v r e s s e ) .
S o u s l'influence d e l ' a b s i n t h e , je m e r e n d i s d a n s les W . - C . d u café,
et m ' é f a n t d é v ê t u je m ' e n t o u r a i de m e s c h a î n e s . J e s o r t i s , d é j e u n a i
l é g è r e m e n t e t e n t r a i d a n s q u e l q u e s c a b a r e t s où j e b u s du vin b l a n c ,
p u i s j ' a i p e r d u le s o u v e n i r de ce q u i m ' e s t a d v e n u . D e s a g e n t s m ' o n t
248 REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES
t r o u v é s u r le b o u l e v a r d B e a u m a r c h a i s m ' e n t a i l l a n t le c o u avec d e s
éclats de v e r r e ; j e n e sais o ù j ' a i r a m a s s é ce v e r r e j e m e s o u v i e n s
d'avoir d é c l a r é au c o m m i s s a i r e q u ' u n e f e m m e m ' a v a i t m i s d a n s c e t
é t a t , c'est faux, j e m e suis l i g o t é m o i - m ê m e e t n e suis p a s allé au
r e n d e z - v o u s de s a m e d i . R e m e t t e z - m o i e n l i b e r t é , a j o u t e le m a l a d e , e t
j e s e n s q u e j e n e s u c c o m b e r a i p l u s à c e v i c e . L a secousse m o r a l e q u e
j ' a i é p r o u v é e à la suite d e m o n a r r e s t a t i o n m ' a g u é r i . »
Q u e s t i o n n é s u r ses a n t é c é d e n t s , il a j o u t e q u ' i l e s t h a b i t u e l l e m e n t
b i e n p o r t a n t , q u ' i l a e u , il y a d i x a n s , u n e s y p h i l i s bien t r a i t é e ( p a r
des i n j e c t i o n s de calomel) e t d o n t il n e r e s s e n t p l u s r i e n . Il a u n frère
m a r i é et b i e n p o r t a n t .
Son p è r e e s t m o r t à s o i x a n t e - s e p t a n s d ' u n e affection p u l m o n a i r e
a i g u ë , sa m è r e à s o i x a n t e e t onze a n s d ' o c c l u s i o n i n t e s t i n a l e . I ! n e
c o n n a î t p a s d a n s s o n a s c e n d a n c e d'affections m e n t a l e s ou n e r v e u s e s .
Q u a n t à sa vie s e x u e l l e , p a s d ' i n c i d e n t s d ' a p r è s l u i . I l n e se m a s t u r -
b a i t p a s é t a n t j e u n e . Il était p l u t ô t t i m i d e avec les f e m m e s , e t n ' a
p r a t i q u é le coït q u e v e r s sa v i n g t i è m e a n n é e , a p r è s u n essai i n f r u c t u e u x
o ù l ' é m o t i o n le p r i v a d e t o u s s e s m o y e n s .
T e l s s o n t les r e n s e i g n e m e n t s f o u r n i s p a r le m a l a d e . Il s e m b l a i t d o n c
s'agir d ' u n c a s d e m a s o c h i s m e t a r d i f r é v é l é à la suite d ' u n e crise
d'alcoolisme a i g u ë , l o r s q u e l e f r è r e , h a b i t a n t X . . . e t p r é v e n u t é l é g r a -
p h i q u e m e n t d e l ' a r r e s t a t i o n d e l ' a g e n t d'affaires, est v e n u i n f i r m e r u n e
p a r t i e d e s dires d e celui-ci p a r les d é t a i l s s u i v a n t s :
N o t r e m a l a d e a bien é t é établi à X . . , j u s q u ' e n 1888. Il a v e n d u sa
m a i s o n p a r c e q u ' i l s ' e n n u y a i t e t v o u l a i t v e n i r à P a r i s . D e p u i s , il v a
chez s o n frère a u m o i n s q u a t r e fois p a r a n e t n ' a j a m a i s d o n n é le
m o i n d r e signes d e d é r a n g e m e n t c é r é b r a l . M a i s d e p u i s au m o i n s q u i n z e
a n s , o n l u i c o n n a î t d a n s sa famille l ' h a b i t u d e d e se l i g o t e r l u i - m ê m e ,
de temps à autre, a v e c d e s c o r d e s o ù d e s c h a î n e s , de se m e t t r e au cou
u n collier g a r n i d e p o i n t e s .
Il p o r t e s o u v e n t ses c h a î n e s s o u s s e s v ê t e m e n t s e t p r e n d ses r e p a s à
la table d e s siens a v e c cet a t t i r a i l , ses p e t i t s n e v e u x , c u r i e u x , a u b r u i t
d u c l i q u e t i s lui o n t parfois d e m a n d é d e s e x p l i c a t i o n s : « Ce s o n t m e s
clefs », r é p o n d a i t - i l .
Q u a n d il h a b i t a i t a v e c sa m è r e , l a b o n n e l'a s u r p r i s à p l u s i e u r s
r e p r i s e s , n u , c h a r g é de c h a î n e s d e p u i t s « hurlant comme si on le
suppliciait. »
Chez s o n frère, d a n s le g r e n i e r , l ' a î n é d e ses n e v e u x a u j o u r d ' h u i
âgé de d i x - h u i t a n s , l'a v u p l u s i e u r s fois, n u , l i g o t é a v e c d e s c o r d e s
et attelé à u n é n o r m e panier de livres, qu'il ne pouvait déplacer, mais
s u r l e q u e l il t i r a i t p o u r t e n d r e les c o r d e s q u i le l i a i e n t . Il p a s s a i t d e s
j o u r n é e s e n t i è r e s à p e i n e r . Il a chez l u i d e s c a d e n a s de t o u t e s d i m e n -
s i o n s ; s o u v e n t a u s s i , il se d é c h i r e la figure (il p o r t e e n c o r e a u - d e s s o u s
de l'œil d r o i t la t r a c e d ' u n e m u t i l a t i o n r é c e n t e ) e t on a r e m a r q u é s u r
son c o r p s d e s t r a c e s r é c e n t e s d e c o n t u s i o n s . Parfois e n c o r e il se
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 249
N É C R O L O G I E
N O U V E L L E S
Le Tatouage. — D a n s le m o n d e d e la basse p è g r e le t a t o u a g e
continue à être de plus en plus en h o n n e u r .
C e r t a i n s t a t o u a g e s fort c u r i e u x o n t é t é révélés r é c e m m e n t t a n t e n
France qu'en Belgique.
Le i 5 a o û t 1 9 0 7 , u n d a n g e r e u x a p a c h e d u nom d e M i c h e l L a c h a u x ,
âgé d e v i n g t a n s e t taillé e n h e r c u l e , fut a r r ê t é d u chef d e v i o l e n c e s
252 NOUVELLES
au f a u b o u r g M o n t m a r t r e , à P a r i s . L e 3 s e p t e m b r e , il se p r é s e n t a i t à
l ' a u d i e n c e a v e c u n b a n d e a u s u r le f r o n t , c o m m e s'il avait été blessé.
Le p r é s i d e n t lui fît e n l e v e r son b a n d e a u e t l ' o n p u t v o i r q u e L a c h a u x
a v a i t t a t o u é s u r le f r o n t u n e p e t i t e g u i l l o t i n e . 11 p o r t a i t é g a l e m e n t
t r o i s p o i n t s s u r la j o u e g a u c h e , le m o t « v e n d e t t a » s u r le p o i g n e t
g a u c h e , le n o m d'Alice s u r le p o i g n e t d r o i t , s u r la p o i t r i n e u n c œ u r ,
e t s u r le b r a s d r o i t le m o t « talion ».
L ' a p a c h e A u g u s t e B e s s è g u e s , â g é d e v i n g t - q u a t r e a n s , dit « M é m é
la V a c h e », q u i fut t u é e n p l e i n b o u l e v a r d , à P a r i s , il y a q u e l q u e s
m o i s , p a r u n a u t r e a p a c h e , P a i n b l a n c , d i t le « N o i r a u d du B a r b é s »,
a v a i t le c o r p s c o u v e r t d ' a r a b e s q u e s e t d e d e s s i n s o b s c è n e s p r o f o n d é -
m e n t p i q u é s d a n s la p e a u .
Ce b a n d i t avait eu s o u v e n t m a i l l e à p a r t i r a v e c la j u s t i c e ; il vivait
h a b i t u e l l e m e n t au d e l à d e s b a r r i è r e s d e V i t r y e t de C h o i s y , a l l a n t
p a r m i les r o m a n i c h e l s , d ' u n c a m p e m e n t à l ' a u t r e , se c a c h a n t le p l u s
s o u v e n t d a n s les r o u l o t t e s o ù des « b r i c a r d s » ( i n t e r d i t s de s é j o u r ) lui
d o n n a i e n t f r a n c h e m e n t l ' h o s p i t a l i t é . 11 é t a l a i t à t o u t p r o p o s ses o r i -
g i n e s e x o t i q u e s e t c l a m a i t bien h a u t q u ' i l a v a i t « d u s a n g de r o m a n i -
c h e l d a n s les v e i n e s . »
L'Enfant du Malheur : c'est ainsi q u e s e fait a p p e l e r u n d a n g e r e u x
l o n g u e - p e n n e de d i x - n e u f a n s , M a x i m i l i e n H e n n a u t , de M a r c h i e n n e -
D o c h e r i e , q u e le t r i b u n a l de C h a r l e r o i a e n c o r e c o n d a m n é le 3 j u i n
1 9 0 7 à d i x - h u i t m o i s de p r i s o n p o u r a v o i r p o r t é u n c o u p de l a m p e d e
m i n e u r à u n c o m p a g n o n de t r a v a i l .
H e n n a u t p o r t e , t a t o u é e s u r la p o i t r i n e , c e t t e i n s c r i p t i o n : « J e suis
l ' e n f a n t d u m a l h e u r ; M a r c h i e n n e a é t é m o n b e r c e a u ; Le b a g n e sera
m o n t o m b e a u ; M o r t au g e n d a r m e q u i m ' a r r ê t e r a . »
On a r e t i r é , le 4 a o û t 1 9 0 7 , de la S a m b r e , à C h â t e l e t , le c a d a v r e
d'un jeune homme.
Le c o r p s a été t r a n s p o r t é à la m o r g u e . Il est e x t r a o r d i n a i r e m e n t
t a t o u é . S u r le m o l l e t g a u c h e , ces m o t s : ce S o u v e n i r de C o c h i n c h i n e ,
m o r t a u x v a c h e s ! » a u - d e s s u s d u g e n o u g a u c h e , u n p o r t r a i t de f e m m e
et u n n o m : « A l i d a » ; a u b r a s d r o i t , u n e p e t i t e étoile s e m b l a n t g u i d e r
u n p e t i t a m o u r joufflu, a r m é de la flèche e t d u c a r q u o i s c l a s s i q u e s ;
p l u s l o i n , ces d a t e s : « 1 9 0 1 , 1 9 0 3 , 1 9 0 6 », e t u n e p e n s é e , avec les
m o t s : « A m o i ». S u r le b r a s g a u c h e , c e t t e e x c l a m a t i o n : « V i v e n t les
e n f a n t s d u N o r d ! » S u r le v e n t r e , u n t a t o u a g e a n a l o g u e à c e u x q u ' a
r e n c o n t r é s L o m b r o s o s u r c e t t e m ê m e p a r t i e d u c o r p s de ses c r i m i n e l s .
P l u s h a u t , u n e devise p a t r i o t i q u e : « H o n n e u r , P a t r i e .. e t F l e u r u s » ,
e t d e u x d r a p e a u x e n t r e - c r o i s é s a v e c le chiffre i3z et t r o i s n o m s d e
v i l l e : « B a u t z e n , C a l i s c h , R o s l a y » . E n l i n , s u r le d o s : « V i c t o r H u g o ,
i 8 3 o ».
E n d é p i t de t o u s ces « signes p a r t i c u l i e r s », l ' i d e n t i t é d u n o y é n'a
p u j u s q u ' i c i être é t a b l i e .
Mais le t a t o u a g e s e m b l e ne p l u s ê t r e s p é c i a l à la classe d e s m a l f a i -
NOUVELLES 253
t e u r s e t e n g é n é r a l a u x c o u c h e s inférieures d e la société. Il se r é p a n d
de p l u s e n p l u s d a n s u n milieu o ù l'on e s t q u e l q u e p e u é t o n n é d e le
rencontrer.
Il p a r a î t q u e la m a n i e d u t a t o u a g e s é v i t d e façon i n t e n s e d e p u i s
q u e l q u e t e m p s e n A n g l e t e r r e , d a n s la h a u t e s o c i é t é . L e p r i n c i p a l
a r t i s t e « t a t o u e u r » d e L o n d r e s , M . Alfred S o u t h , a t a t o u é e n c e s d e r -
n i e r s t e m p s , p l u s i e u r s p a i r e s s e s . Elles se font d e s s i n e r s u r les b r a s o u
les j a m b e s l e u r s a r m o i r i e s , l e u r s m o n o g r a m m e s , parfois le n o m d ' u n
a m a n t . . . ou m ê m e d ' u n mari, ou des vers de poètes f a m e u x ; u n e
A n g l a i s e c a t h o l i q u e s'est fait t a t o u e r d u p o r t r a i t d e s o n c o n f e s s e u r ;
des s p o r t s m e n font i n c r u s t e r d a n s l e u r p e a u l ' i m a g e d e l e u r s c h e v a u x
de c o u r s e f a v o r i s , e t M . S o u t h a é t é a p p e l é p a r u n e d a m e q u i s'est
fait t r a c e r s o n t e s t a m e n t , e n 4 o o m o t s , s u r le d o s , . . . p a r c e q u e
« c o m m e cela s o n t e s t a m e n t n e s ' é g a r e r a p a s e t sera définitif ». O n v o i t
q u e le t a t o u e u r se v o i t parfois confier d e s b e s o g n e s . . . d é l i c a t e s .
P a r m i l e s g r a n d s p e r s o n n a g e s t a t o u é s , o n c i t e le p r i n c e d e G a l l e s ,
m 0 m c
M Cormvallis W e s t (ci-devant M R a n d o l p h C h u r c h i l l ) , le T s a r , le
prince W a l d e m a r de D a n e m a r k , etc.
s i d e n t mais avec u n e a u t o r i s a t i o n a d m i n i s t r a t i v e e n b o n n e e t d u e
f o r m e , ce p o i n t n ' e s t visé, c r o y o n s - n o u s , p a r a u c u n e d i s p o s i t i o n l é g a l e .
P e r s o n n e n e p r é t e n d r a , a u s u r p l u s , q u e la d é f e n s e , q u i n ' e s t p a s avisée
des e x a m e n s , e x p e r t i s e s e t e n q u ê t e s d u P a r q u e t , a i t le d r o i t d e p r é -
v e n i r celui-ci d ' u n e x a m e n a u q u e l p r o c è d e u n d e s e s t é m o i n s . L ' i n s -
t r u c t i o n c o n t r a d i c t o i r e p o u r r a i t c o m p o r t e r u n e telle c o n s é q u e n c e . . .
M a i s h é l a s ! n o u s n ' e n s o m m e s p a s l à ! (Journal des Tribunaux,
28 n o v . 1907.)
A v a r i e et mariage. — U n e d a m e X . . . a v a i t fait o p p o s i t i o n a u
m a r i a g e d e s o n fds p a r c e q u e , s o u t e n a i t - e l l e , il é t a i t a t t e i n t d ' a v a r i e ,
e r
e t le fils d e m a n d a à la i C h a m b r e l a m a i n l e v é e d e c e t t e o p p o s i t i o n .
Il l'a o b t e n u e :
A t t e n d u , d i t n o t a m m e n t l e j u g e m e n t , q u e le T r i b u n a l n e s a u r a i t
a d m e t t r e , p o u r j u s t i f i e r u n e o p p o s i t i o n à m a r i a g e , l'affirmation q u e
celui q u i v e u t se m a r i e r e s t d a n s u n é t a t m a l a d i f d e n a t u r e à i n s p i r e r
d e s c r a i n t e s a u s u j e t d e la s a n t é d e s e n f a n t s q u i p e u v e n t n a î t r e de
l ' u n i o n p r o j e t é e ; q u e la d e m a n d e r e s s e , q u i d e m a n d e q u e s o n fils soit
s o u m i s à u n e x a m e n m é d i c a l e t q u ' i l s o i t s u r s i s à s t a t u e r j u s q u ' à ce
q u ' i l a i t é t é p r o c é d é a u d i t e x a m e n , n e p r o d u i t m ê m e p a s u n certificat
d o n n a n t à s e s d i r e s u n e a p p a r e n c e d e r é a l i t é ; q u e l ' o p p o s i t i o n d o n t il
s'agit n ' e s t q u ' u n p r o c é d é i m a g i n é p o u r r e t a r d e r u n e u n i o n q u e la
mère n'approuve pas.
V o i c i e n f i n la r é p a r t i t i o n d e s m ê m e s a l i é n é s a l c o o l i q u e s d ' a p r è s l a
nature du spiritueux qu'ils c o n s o m m a i e n t h a b i t u e l l e m e n t :
Apél-itil's
Absinthe Eau-de-vie Cidre ou bière Vin divers
D'ANTHROPOLa&S CRIMINELLE
;
de mi /]TeckneRégale
ET DE PSYCHOLOÔffi mÉkkldj ET PATHOLOGIQUE
M É M O I R E S O R I G I N A U X
QUELQUES CAS
1
E . STOCKIS, l'Identification judiciaire e l l e signalement international (Revue
de Droit pénal et de criminologie, B r u x e l l e s , 190S, n°s 1 et 2).
2
E. LOCAKI). les Services actuels d'identification (Arch. d'Anthr. crim.,
mars 1908, et Chronique latine (Ihid., 1903}. e t c . :
E. Stockis. — IDENTIFICATION D'EMPREINTES DIGITALES 259
1
V o i r : NICÉFOP.O, la Police el l'Enquête judiciaire scientifiques, Paris,1907.
¿60 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
PAUL, D i e K o l l e k t i v a u s s l e l l u n g d e r P o l i z e i b e h o r d e n a u f d e r S U i d l e a u s s l e l l u n g
In D r c s d e n (Arch. fur krim. Anthr., i g o 3 , 33d X I I I , p . 3 z 6 ) .
- V o i r : NICÉFORO, toc. cil.
3
HEISS, C o n t r i b u t i o n à l ' é t u d e d e l a p o l i c e s c i e n t i f i q u e (Arch. dAnlhr.
trini., 1906, p . 56g'.
•* V o i r : XICÉFOHO, loc. cil., p . 1R7.
5
Ho/.TOciL, Arch, fur krim. Anthrop., 1900, l î d X V I I I , p . 3 5 3 .
6 CORIN e t STOCKIS, U n c a s d ' i d e n t i f i c a t i o n p a r l e s e m p r e i n t e s digitales
(Annales de la Société mëd. légale de Belgique, i g o 5 ) .
E. Stockis. — IDENTIFICATION D'EMPREINTES DIGITALES 261
1
C o n i x e t STOCKIS, S u r u n n o u v e a u p r o c é d é p o u r r é v é l e r e t c o l o r e r l e s e m -
p r e i n t e s d i g i t a l e s s u r l e v e r r e (Annales de la Société mêd. légale de Belgique,
1908). — E . STOCKIS, Q u e l q u e s p r o c é d é s n o u v e a u x , p o u r r é v é l e r e t f i x e r l e s e m -
p r e i n t e s d i g i t a l e s s u r l e p a p i e r (Annales de la Société méd, légale de Belgique,
1906),
262 MEMOIRES ORIGINAUX
1
E- STOCKIS, Rivisiti di polizia giudiziaria scientifica (1907, n° a).
E. Slockis. — IDENTIFICATION D'EMPREINTES DIGITALES 265
2 V I N D T et K o m c B K , Daktyloscopie ( V i e n n e , 1904).
266 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
Loc. cit. précéd.
- REISS, la Photographie judiciaire, Paris, Mendel, 1904-
DOCUMENTS OFFICIELS 267
APPLICATION DE LA DACTYLOSCOPIE
P a r i s , le 14 a o û t 1906.
P o u r p e r m e t t r e l ' a p p l i c a t i o n de l'article 4 d u d é c r e t d u 14 a o û t 1906
i n d i q u a n t q u e t o u t i n d i v i d u r e c o n n u c o m m e a y a n t été r e n v o y é soit
des t r o u p e s c o l o n i a l e s , soit d e la Légion é t r a n g è r e p a r r é s i l i a t i o n
d ' e n g a g e m e n t ou de r e n g a g e m e n t p a r m e s u r e d i s c i p l i n a i r e , q u i a u r a
c o n t r a c t é u n e n g a g e m e n t au t i t r e d e l ' u n d e s r é g i m e n t s é t r a n g e r s ,
p o u r r a ê t r e t r a d u i t d e v a n t u n Conseil de d i s c i p l i n e , q u e l q u e soit le
t e m p s de s e r v i c e a c c o m p l i d e p u i s c e t e n g a g e m e n t , e t v o i r s o n a c t e
d ' e n g a g e m e n t a n n u l é , il a p a r u n é c e s s a i r e d e p r e n d r e d e s m e s u r e s
p r o p r e s à faire r e c o n n a î t r e f a c i l e m e n t c e t t e c a t é g o r i e d e m i l i t a i r e s .
D a n s ce b u t , il y a u r a lieu de se c o n f o r m e r d o r é n a v a n t a u x p r e s -
criptions suivantes :
i° L o r s q u ' u n m i l i t a i r e s e r a e x p u l s é p o u r i n c o n d u i t e soit d e s t r o u p e s
c o l o n i a l e s , soit d e l ' u n des r é g i m e n t s é t r a n g e r s , il fera l ' o b j e t d ' u n
s i g n a l e m e n t t r è s d é t a i l l é établi p a r les s o i n s du m é d e c i n chef de
268 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
s e r v i c e . I n d é p e n d a m m e n t des r e n s e i g n e m e n t s p o r t é s au l i v r e t , ce
s i g n a l e m e n t i n d i q u e r a les m a r q u e s p a r t i c u l i è r e s e x i s t a n t s u r les dif-
férentes p a r t i e s d u c o r p s de l ' h o m m e , les d é f o r m a t i o n s , t a t o u a g e s ,
c i c a t r i c e s , e t c . A u v e r s o d e ce d o c u m e n t , le m é d e c i n d u c o r p s fera
p r e n d r e Tempreinte du pouce et des doigts des deux mains.
Le s i g n a l e m e n t ainsi c o m p l é t é s e r a é t a b l i en d e u x e x p é d i t i o n s
a d r e s s é e s r e s p e c t i v e m e n t à c h a c u n d e s d e u x colonels c o m m a n d a n t les
r é g i m e n t s é t r a n g e r s , q u i e n a s s u r e r a la c o n s e r v a t i o n p e n d a n t q u i n z e
a n s e t le d é t r u i r a e n s u i t e . *
P o u r a s s u r e r ce s e r v i c e , les c o r p s d e t r o u p e s d e s t r o u p e s coloniales et
des d e u x r é g i m e n t s é t r a n g e r s s o n t a u t o r i s é s à faire l ' a c h a t d u m a t é r i e l
nécessaire au c o m p t e des f o n d s c o m m u n s de la m a s s e d ' h a b i l l e m e n t .
Ce m a t é r i e l se c o m p o s e d ' u n p e t i t r o u l e a u de g é l a t i n e , d ' u n e p l a q u e
en zinc fixée s u r u n socle en b o i s ; le t o u t , de d i m e n s i o n s t r è s e x i g u ë s ,
n e n é c e s s i t e r a q u ' u n e d é p e n s e d e 5 f r a n c s y c o m p r i s le t u b e d ' e n c r e
grasse d'imprimerie.
Ces o b j e t s p e u v e n t ê t r e a c h e t é s c h e z M . D u r a n d , c o n s t r u c t e u r à
P a r i s , 4 5 , a v e n u e d e la R é p u b l i q u e .
P o u r p r e n d r e u n e e m p r e i n t e , il suffit d ' a p p o s e r le d o i g t s u r la
plaque en zinc, p r é a l a b l e m e n t e n d u i t e d ' u n e légère couche d'encre
grasse e t de r e p o r t e r le d o i g t m a c u l é s u r le p a p i e r . L e s e m p r e i n t e s
p e u v e n t ê t r e classées e n q u a t r e c a t é g o r i e s , s u i v a n t la f o r m e g é n é r a l e
d u t r a c é d e s filigranes : d i r e c t i o n o b l i q u e e x t e r n e , d i r e c t i o n o b l i q u e
i n t e r n e , f o r m e o v a l e , f o r m e e n d o s d ' â n e o u d'U r e n v e r s é .
L'identification se fait en c o m p a r a n t les formes g é n é r a l e s d u t r a c é
des filigranes, e n c o n s t a t a n t la p r é s e n c e s i m u l t a n é e s u r les d e s s i n s à
r a p p r o c h e r de c e r t a i n s détails e t e n o b s e r v a n t les e m p l a c e m e n t s r e s -
pectifs de ces d é t a i l s ( b i f u r c a t i o n s e t a r r ê t s d e l a c e t s , l a c e t s e n seg-
m e n t s , d é d o u b l e m e n t s de s i l l o n s , p r é s e n c e de p o i n t s o u î l o t s , e t c . ) .
Signé : Eug. ETIENNE.
Par le D ' J U L L I E N
iVo»l . . .
Age. . . .
Sexe . . .
Main g anche
Profession .
Renseignements
somaliques .
Renseignements
physiques. ,
1
\ R AR
X / Fir.. a.
LA F A M I L L E " Z É R O "
Par le Dr J. J O E R G E R
Directeur de l'Asile cantonal d e s Aliénés " W a l d h a u s '' Coire (Suisse).
( T r a d u c t i o n d u D * C h . LADAME, d e B e l - A i r . Genève).
(Suite et fin)
T o u r n o n s - n o u s m a i n t e n a n t v e r s les a u t r e s e n f a n t s de P a u l - J o s e p h
Zéro E l s t e r et l e u r s d e s c e n d a n t s .
P a r m i les Glles, l ' a î n é e , Olga, s ' a d o n n a dès son b a s âge à la v i e v a -
g a b o n d e e t à la p r o s t i t u t i o n : elle se r e n d d a n s le s u d a v e c u n italien
v a g a b o n d , o ù elle vit e n c o r e a u j o u r d ' h u i e n u n i o n l i b r e . E l l e l o u c h e
c o m m e la p l u p a r t de ses s œ u r s , e t est c a r a c t é r i s é e c o m m e voleuse e t
m e n t e u s e . Ses q u a t r e filles illégitimes ( q u i , p o u r a u t a n t q u ' o n le sait,
s o n t s a n s e n f a n t s ) s o n t l a r g e m e n t disposées au v a g a b o n d a g e .
L e s t r o i s s œ u r s , T i n a , N a n a , E m m a , q u i s u i v e n t s o n t en t o u t le p o r -
t r a i t d e l e u r a î n é e . Les " r o s s e s s e s i l l é g i t i m e s s o n t d e m o d e c h e z elles.
L e u r s e n f a n t s s o n t t o u s s t é r i l e s . A i m a , la c a d e t t e , l'utconfiée a u x b o n s
soins d u c u r é de l ' e n d r o i t , mais c o m m e j a d i s son frère F r i t z , elle s'en-
fuit u n b e a u m a t i n . E l l e v é c u t e n S o u a b e j u s q u ' e n 1 8 7 0 , r e v i n t a u
p a y s e t m è n e dès lors la vie e r r a n t e de ses p a r e n t s , sous l e u r p r o t e c -
tion et b é n é d i c t i o n . E l l e se d o n n e à u n j e u n e a n a l p h a b e t de 1 9 a n s ,
c o m p a g n o n de vol d e son frère, i n d i v i d u q u ' e l l e é p o u s a p l u s t a r d . Il
é t a i t d ' u n e b o n n e f a m i l l e , avait q u e l q u e s b i e n s , fut veuf de b o n n e
h e u r e et laissé à l u i - m ê m e . A 1 9 a n s , il fut c o n d a m n é p o u r vol à
q u a t r e m o i s de p r i s o n , il p r i t la c h o s e à c œ u r , lit u n e t e n t a t i v e d e s u i -
c i d e . P l u s t a r d , la famille v é c u t d a n s la m i s è r e , c a r il d e v i n t u n d é -
bauché.
L e fils J o s e p h P a u l , u n n a i n a y a n t u n très fort s t r a b i s m e , fut r a m o -
n e u r d a n s sa j e u n e s s e et le c o m p a g n o n de son frère F r i t z p o u r les
p e t i t e s e n t r e p r i s e s . Il d e v i n t s é d e n t a i r e c o m m e c h e r c h e u r de m é t a u x .
Ce m é t i e r , p o u r la p r e m i è r e fois e n t r e p r i s p a r la g e n t e Z. lui d e v i n t
t r è s f a m i l i e r . Il g a g n a b e a u c o u p d ' a r g e n t , q u e l q u e milles, il a u r a i t
p u d e v e n i r t r è s r i c h e . Il fit si b i e n c e p e n d a n t q u ' i l t o m b a c o m p l è t e -
m e n t à la c h a r g e de sa c o m m u n e . Il y a q u e l q u e s a n n é e s , il d é c o u v r i t
u n e c a v e r n e de cristal q u i p r o m e t t a i t m e r v e i l l e . Il v e n d la t r o u v a i l l e
p r é c i e u s e p o u r u n p r i x d é r i s o i r e , d e r r i è r e le dos de ses c r é a n c i e r s et e n
d i s s i p e e n p e u de t e m p s le p r o d u i t . C ' é t a i t u n i v r o g n e i n c o r r i g i b l e , u n
« s c b n a p s e u r » ( b u v e u r d ' e a u - d e - v i e a p p e l é e « s c h n a p s » ) . Le p r i x de
272 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
ses m a r c h a n d i s e s se r e s s e n t a i t de la p r é s e n c e d e sa l i q u e u r f a v o r i t e .
N ' a - t - i l p o i n t de s c h n a p s , il v e n d r a p o u r r i e n ce q u ' e n d ' a u t r e s t e m p s
il ne c é d e r a i t pas p o u r de fortes s o m m e s . P a r f o i s aussi, il e s t d a n s
les d i s p o s i t i o n s d e faire g r a n d e t faisait alors c a d e a u d ' o b j e t s de
g r a n d e v a l e u r . Il p o s s è d e e n o u t r e le c a r a c t è r e i r r i t a b l e p r o p r e au
b u v e u r . Il est e n t o u t u n p a r t i c u l i e r é t r a n g e . Il a i m e p a r e x e m p l e ,
b i e n q u e b o n c r o y a n t , à se r e n d r e e n s o c i é t é o u à l'église d a n s u n état
d ' i v r e s s e t r è s p r o n o n c é ; il a u n e v i e s e x u e l l e t r è s a c t i v e . M a r i é p o u r
la d e u x i è m e fois, il a c e p e n d a n t u n e n f a n t i l l é g i t i m e a v e c E i s a Zéro
(tabl. V I I ) , P a u l ( 1 8 9 6 - 1 8 9 9 ) , un rachitique idiot, qui m o u r u t après
t r o i s a n s d e m a l a d i e c o n t i n u e . Il v o u l a i t d i v o r c e r avec sa f e m m e
a c t u e l l e , c a r disait-il : « Nous é t i o n s t o u s les d e u x ivres l o r s de la s i g n a -
t u r e d u c o n t r a t de m a r i a g e , n o u s n e s a v i o n s d o n c p a s ce q u e n o u s f a i -
sions ». N o u s r e t r o u v o n s l ' é p o u s e , q u i est u n e b u v e u s e de s c h n a p s
a l i é n é e , d a n s le t a b l e a u I I I . L e d i v o r c e o b t e n u , il v o u l u t se m a r i e r à
l ' E i s a , de q u i il a v a i t l ' e n f a n t i l l é g i t i m e c i - d e s s u s c i t é , m a i s c o m m e o n
lui m e t t a i t la m a i s o n d e c o r r e c t i o n e n p e r s p e c t i v e , il se c o n t e n t a d u
slatn qno. D e s c i n q e n f a n t s d e son p r e m i e r m a r i a g e , d e u x s o n t m o r t s ,
l'un e n bas â g e , l ' a u t r e à l â g e a d u l t e . L e fils N u t i n , assez b o n c o m m e
écolier, se m a r i e d a n s la famille à u n e i m b é c i l e , q u i avait déjà eu six
e n f a n t s i l l é g i t i m e s , ce q u i d é m o n t r e l e b o n g o û t de N u t i n ( N a n a ,
t a b l . V I I ) . P o u r s ' e x c u s e r d e c e t a c t e - l à , il d i s a i t : « J e n'avais- pas à
m ' o c c u p e r d e s a v o i r c o m b i e n d ' i l l é g i t i m e s elle a e u , n i c o m b i e n v i v e n t
e n c o r e . » C e N u t i n r a p p e l l e d ' u n e f a ç o n f r a p p a n t e son o n c l e F r i t z . L e
c r â n e et le visage s o n t e x t r ê m e m e n t a s y m é t r i q u e s , les m e n s u r a t i o n s
du c r â n e d o n n e n t des d i a m è t r e s a n o r m a l e m e n t g r a n d s . L e f r o n t est
f u y a n t , les bosses f r o n t a l e s é n o r m e s , les a r c a d e s s o u r c i l l è r e s t r è s
p r o é m i n e n t e s . Il l o u c h e l é g è r e m e n t , a u n r e g a r d s a u v a g e et ses y e u x
r o u l e n t c o n t i n u e l l e m e n t . L e nez e s t g r o s , l a r g e , a v e c des o u v e r t u r e s
b é a n t e s , la b o u c h e est g r o s s i è r e . L e v i s a g e e s t p r e s q u e g l a b r e ; il est
porteur d ' u n goitre. Le corps et les organes génitaux sont d é n u d é s .
N u t i n a d e s m a i n s n a i n e s a u x d o i g t s c o u r t s et a u x o n g l e s r o n g é s .
'C'était u n g r a n d i v r o g n e et u n f o r t c h i q u e u r de t a b a c . Il a v o u e l u i -
m ê m e , e n r i a n t , d e u x l i t r e s d e s c h n a p s p a r j o u r . D e t e m p s à a u t r e il
r ô d e le p a y s a v e c des p a r e n t s , p a r m o n t s e t p a r v a u x . D e p u i s u n a n
e n v i r o n , a l i é n é , h a l l u c i n é a v e c i d é e s d é l i r a n t e s , ça et là a g i t é . Il est
d ' u n e indifférence p a r f a i t e à l ' é g a r d d e sa famille e t d u r e s t e . C ' e s t u n
t y p e p a r f a i t d ' i m b é c i l i t é m o r a l e e t de l i b e r t i n a g e .
La fille de P a u l - J o s e p h , E v a E s t h e r , m o n t r e aussi de b o n n e s d i s p o -
sitions à l ' é c o l e , a u n e n f a n t i l l é g i t i m e , est d a n s le t o n g é n é r a l de la
famille e t se m a r i e à l ' é t r a n g e r . Ses d o n s i n t e l l e c t u e l s lui v e n a i e n t de
la m è r e , q u i p r o v e n a i t d ' u n e b o n n e famille de p a y s a n s s é d e n t a i r e s .
L e fils P a u l - J o s e p h , écolier p e u d o u é , v o y o u et c a r a c t è r e difficile
dès le bas â g e . R ô d e à l ' a v e n t u r e a v e c sa f a m i l l e ; p l u s t a r d , d e r e t o u r
au foyer p a t e r n e l , il b u v a i t e t faisait la fête au lieu de t r a v a i l l e r .
D* /. Joerger. — L A FAMILLE ZERO 273
Eisa ,iille d u s e c o n d lit, fut e n l e v é e à ses p a r e n t s vu l e u r i n c u r i e ,
(ce q u i n ' e m p ê c h a p a s la m è r e de p r o t e s t e r é n e r g i q u e m e n t ) e t élevée
d a n s u n asile. D ' a p r è s ses é d u c a t e u r s , assez b i e n d o u é e , mais c a r a c t è r e
opiniâtre et problématique.
C é s a r , u n g a r s s o l i d e , le c a d e t des fils,' a v a i t u n léger s t r a b i s m e . Il
vagabonde comme ramoneur, pêcheur, chercheur de cristaux, chasseur.
II est s o u v e n t d a n s la s o c i é t é d e son frère P a u l J o s . E n 1 8 8 2 , lors d e
la m o r t de son p è r e , il est en p r i s o n , c o n d a m n é à s o i x a n t e - d i x j o u r s
p o u r v o l . S a f e m m e , u n e a n a l p h a b è t e i m b é c i l e , e u t onze e n f a n t s , d o n t
c i n q s o n t m o r t s en b a s â g e . L e u r fils a î n é , P a u l - J o s e p h , u n i m b é c i l e
q u i p r o c r é e d a n s ses j e u n e s a n n é e s déjà u n e n f a n t i l l é g i t i m e , l e q u e l n e
vécut p a s l o n g t e m p s . C e P a u l e s t en o u t r e u n b u v e u r .
César-Charles, imbécile sans espoir d'amélioration ; encore plus
s t u p i d e e s t C h a r l e s - E u g è n e , il l o u c h e é p o u v a n t a b l e m e n t .
P a u l - G r é g o i r e a aussi u n s t r a b i s m e très c o n s i d é r a b l e . T o u s les e n -
fants font l ' i m p r e s s i o n d e l ' i m b é c i l i t é . C o m m e le p è r e est i n t e l l e c t u e l -
l e m e n t assez b i e n d o u é , et c o m m e il n ' e s t p a s u n b u v e u r i n v é t é r é ,
c e t t e f a i b l e s s e d ' e s p r i t c o m m u n e p e u t ê t r e a t t r i b u é e à la m è r e , q u i
était u n e i m b é c i l e . L e s t r a b i s m e e s t u n h é r i t a g e p a t e r n e l .
E n r é s u m é , le t a b l e a u I d o n n e : D a n s la t r o i s i è m e g é n é r a t i o n , u n
p r o c r é a t e u r i n t e l l i g e n t , mais v i e u x e t alcoolisé. D a n s la q u a t r i è m e g é -
n é r a t i o n , u n e p a i r e d ' i v r o g n e s , a m o r a u x , a v e c t e n d a n c e au c r i m e .
L ' h o m m e i m b é c i l e , la f e m m e i n t e l l i g e n t e . D a n s la c i n q u i è m e g é n é r a -
t i o n , i m m o r a l i t é g é n é r a l e des f e m m e s , c r i m i n a l i t é et t e n d a n c e s c r i m i -
nelles, à c ô t é d e d o n s i n t e l l e c t u e l s , s u r t o u t chez les fils ; à cela s ' a j o u t e
l ' i v r o g n e r i e g é n é r a l i s é e . D a n s la sixième g é n é r a t i o n , i m b é c i l i t é e t m o r -
talité i n f a n t i l e c o n s i d é r a b l e . L e s t r a b i s m e est r é p a n d u l a r g e m e n t à
t r a v e r s t o u t e s les g é n é r a t i o n s . N u l l e p a r t t r a c e d e r é g é n é r a t i o n . Pro-
gnosis infausta. T o u s les i l l é g i t i m e s r e s t e n t s a n s d e s c e n d a n c e .
( T a b l e a u II, p . 2 7 4 ) . S e c o n d o Z é r o , le « s t a m m v a t e r » d u d e u x i è m e
t a b l e a u , é t a i t u n m a g n i n v a g a b o n d , d o n t les c a p a c i t é s et les a c t i o n s
s o n t e n v e l o p p é e s d ' o m b r e s . M a r i é t r o i s fois ; la p r e m i è r e f e m m e é t a i t
de X a n d , d ' u n e famille é t e i n t e au siècle p a s s é ; la s e c o n d e n ' e s t p a s
u n e v a g a b o n d e n o n p l u s ; q u a n t à la t r o i s i è m e , elle est o r i g i n a i r e de
la v a l l é e F o n t a n a .
Le fait q u e c e t t e b r a n c h e a de b o n s é l é m e n t s , p r o v i e n t c e r t e s d e s
b o n n e s m è r e s . L e fils a î n é , P a u l - J o s e p h , d ' E i s a S a e n g e r , p e t i t , n o i -
r a u d , a n a l p h a b e t , m a g n i n de son m é t i e r , é t a i t u n b u v e u r de m o y e n n e
force, v i v a n t la p l u p a r t du t e m p s à l ' é c a r t . Il é t a i t visité p a r ses p r o -
c h e s e t a u t r e s q u a n d ils a v a i e n t q u e l q u e c h o s e à c a c h e r . Sa r e n o m m é e
n'est p a s m a u v a i s e a u t r e m e n t . U n e b r a n c h e de ses d e s c e n d a n t s p o u s s a
en S o u a b e , p r o s p é r a n t p a r voie l é g i t i m e e t i l l é g i t i m e et se faisant, d e
t e m p s e n t e m p s , s e c o u r i r p a r la c o m m u n e . D ' a u t r e s é m i g r è r e n t d a n s
des l i e u x i n c o n n u s et se m o q u e n t b i e n de m o n c o n t r ô l e . A c i t e r : O t t o ,
u n i m b é c i l e , b u v e u r , q u i s'allie à u n e i v r o g n e s s e , d i s e u s e d e b o n n e
a) J o s e p h , e n S o u a b e . ( a) R o s a , n é e e n 1881.
Braun Nathalie, d e ] ß) C h a r l e s , n é e n 1884.
Souabe. ( y ) L i n a , n é e c n 1888.
Joseph, n é c n Souabe, e n 1829, b) P a u l , n é e n 1S62, f e n \
f en 1892. i8g3. ( a) A u r é l i u s , n é en 1892,
Angela Metzer de Souabe. K r e i s e l O t t i l a , e nÍ en Souabe.
I . P a u l J o s e p h , n e e n 1801,
Souabe. J
d e l a S ä n g e r , -j-
:) O l g a , i l l é g i t i m e , née
c n 187G, ¡1 l ü c - r e . ( „ „ , c) LJina, e n S o u a b e . j "
' > 8 cnfants. e n 1890.
I. G o l f e r 1!. Nana, née à Santal.
II. N o r a Ritti.
Charles Zéro vide T a b . V .
III. B . Milder.
O t t o , n é à E h r c n b e r g , f 1876, b u v e u r .
a) P i e r r e , n é e n 1 8 7 1 , v o l e e n iqo3.
Ida W e i l i m a n n . née e n 1843, d e • 11 • • • 1
b) N a n a , n é e e n 1876, p u t a i n .
lîernan, buveuse, etc.
S e c o n d o / è r o , né en ¡ Ida Oltilia, n é e cn i85i.
177a, à S o n d e r s - Sina, à Rière. a) Olga, illégitime, 1884.
h o l ' e n , -J- e n 18GS S i m o n , n é c n 1848, j - e n 1893.
A Kossingcn. N a n a , n é e e n 1876.
I. E l s a S ä n g e r d e Xavier S a n t o , d'Italie.
I I . P a u l A l b e r t , n é e n 1820, f en 1890,
Xand. . P a u l O t t o , n é e n 1846, f e n 1877, i d i o t , épileptique.
d e la ( . a n d i n i , f a i b l e d'esprit. liiiitillliiiiiiiiiiiiiin>
II. Olga ( l a n d i n i
de ? Ida Olga, n é e e n 1848, -j- e n 1880, imbécile.
III. A n n a Marini P a u l E u g c n , n é e n i85o, en S o u a b e .
de la Vallée A n t o n , n é e n 1864, é l e v é c h e z u n p a y s a n , a n o r m a l e t v a g a b o n d .
de Fondina. J!i:ll!i::ffl::l:
' / a) A l e x i s , n é e n i885, illégitime, légitimé par le
mariage ultérieur, myopie congénitale.
5. Paul Albert, né en i858,buveur e t ! b) I d a O l g a , n é e c n 1886, f e n 1887.
III. P a u l , né en ? de la
c) R o s a , n é e c n 1887, d é p r a v é e .
C a n d i n i , - ] - e n 189!), i m - l'aux-monnayeur. III mil
bécile. \ 8 enfants. ^Tjna^Pinzer, d ' A u t r i c h e , f o u x - m o n - ci; T i n a , n é e e n 1 8 9 1 , i n t e l l i g e n t e , élevée chez des
A l m a . E l s t e r , + e n 1869, paysans.
•IIIHIIIIIIIIII» • nayeuse.
e) Paul Albert, n é e n 1892, myopie congénitale,
hystérique.
d é g é n é r é d e corps e t d'esprit.
f) O l g a F a n n y , n é e e n 1895, f e n i 8 g 5 .
6. A r t h u r , n é e n 1862, f e n i 8 6 5 . f C lhbaerrlte,s ,nné
g) A
a) é ee n
n 1898,
1894.m o r t e n 1897.
7 . C é s a r E n g e n , n é e n i865. ) b) C é s a r , n é e n 1892, f e n 1F94.
Weihmann Nora, àc lîernan. y c) Albertina, n¿e eil 1898, -j* en 18
\ 8. Simone «*S an 1867, îcliot, volcui". * <ì) Frani, «ti e« ipni, -|- en igor.
D' J. Joerger. — LA FAMILLE ZÉRO 275
a v e n t u r e , q u i le g o u v e r n e . L e s fruits de c e t t e u n i o n n e s o n t pas p a r t i -
c u l i è r e m e n t r e c o m m a n d a b l e s . L e fils, P i e r r e , fut p u n i p o u r vol, la
fille, N a n a , e s t u n e p r o s t i t u é e .
P a u l , u n a u t r e fils de S e c o n d o Z . avec la C a n d i n i , d o n t la d a t e de
n a i s s a n c e e s t i n c o n n u e , était u n p e t i t h o m m e , au v i s a g e g r ê l é p a r la
v é r o l e , u n i m b é c i l e de b o n n e c o m p o s i t i o n , a n a l p h a b e t . Il p r a t i q u a i t le
m é t i e r p a t e r n e l , r ô d a d a n s le p a y s . Sa f e m m e , u n e h y s t é r i q u e , grosse
e t l a i d e p e r s o n n e , t r è s e x p e r t e d a n s la m e n d i c i t é . U n e X a n t i p p e à la
m a i s o n . Q u a n t le m a r i v o u l a i t lui a d m i n i s t r e r u n e c o r r e c t i o n , il d e v a i t
a v o i r r e c o u r s à l ' a i d e d e ses fils, s o u s p e i n e de v o i r l'affaire r a t e r . On
r a c o n t e q u ' u n e fois, d e v a n t ê t r e e x é c u t é e , u n b r a v e h o m m e v o u l u t s'in-
t e r p o s e r . Elle se r e t o u r n a b r u s q u e m e n t e t e x p é d i a l ' i m p o r t u n , e n lui
d i s a n t : « M ê l e z - v o u s de vos affaires, m o n m a r i a le d r o i t d e m e
r o s s e r . » C e t t e f e m m e , d u n o m d ' A l m a , est la s œ u r de N a n a E l s t e r , du
t a b l e a u I.
L e s d e s c e n d a n t s de c e t t e p a i r e se classent e n d e u x t y p e s : les m i e u x
bâtis t i e n n e n t d u p è r e , les a u t r e s de la m è r e . L ' a î n é , P a u l - O t t o , au
visage g l a b r e et l a i d , a v e c u n air d ' i d i o t , d é m e n t à u n h a u t d e g r é ,
f r a p p é d ' é p i l e p s i e g r a v e et u n d é v o r e u r j a m a i s r e p u . Il p o s s é d a i t u n
v o c a b u l a i r e d e s p l u s r é d u i t s et u n d é f a u t de p r o n o n c i a t i o n très a c c e n -
t u é . Il se n o y a e n t o m b a n t p e n d a n t u n e crise d e h a u t m a l . L ' h i s t o i r e
de sa m o r t d é p e i n t a d m i r a b l e m e n t la r i c h e s s e d e s e n t i m e n t s de la
b a n d e . II se r e n d a i t , à la t o m b é e de la n u i t , avec u n e t r o u p e de frères,
de d e m i - f r è r e s et d e p a r e n t s , au village voisin p o u r y faire la veillée
des m o r t s . C e l l e - c i s ' e x é c u t a i t p a r le r e c r u t e m e n t des p a u v r e s d i a b l e s
e t O t t o a v a i t c o u t u m e de s'y r e n d r e a s s i d û m e n t . L e s v e i l l e u r s r e c e -
v a i e n t e n p a i e m e n t u n c o p i e u x d é j e u n e r le m a t i n e t q u e l q u e b r i b e
de la d é f r o q u e d u d é f u n t . N o s g e n s , d o n c , se r e n d a i e n t à l e u r veillée,
q u a n d O t t o fut p r i s d ' u n e a t t a q u e d e h a u t m a l s u r le p o n t de la rivière
e t t o m b a d a n s l ' e a u . Les a u t r e s c o n t i n u è r e n t t r a n q u i l l e m e n t l e u r che-
m i n e t r e m p l i r e n t l e u r d e v o i r chez le m o r t . Q u e l q u ' u n , p e n d a n t le
d é j e u n e r , s ' i n f o r m a de la s a n t é d ' O t t o ; il o b t i n t , p o u r t o u t e r é p o n s e ,
c e t t e l a c o n i q u e p h r a s e : « Il est t o m b é h i e r soir d a n s la r i v i è r e . »
Ida-Olga, a u t r e e n f a n t de P a u l , i m b é c i l e et m a l a d i v e , m o u r u t de
c o n s o m p t i o n . P a u l - E u g è n e est en S o u a b e e t , p o u r a u t a n t q u ' o n est
r e n s e i g n é , i n t è g r e . A n t o n , p o r t r a i t de sa m è r e e t d ' O t t o , é l e v é p a r u n
p a y s a n , fut p e n d a n t u n c e r t a i n t e m p s u n v a g a b o n d et u n v a u r i e n .
C é s a r - E u g è n e s'enfuit de l'école, r e s t a l o n g t e m p s i n t r o u v a b l e . Il
é p o u s e la fille d ' u n é c o r c h e u r . S o n logis r e t i r é était u n lieu s û r p o u r
t o u s les é l é m e n t s q u i c r a i g n a i e n t la l u m i è r e . L a m o r t a l i t é infantile est
c o n s i d é r a b l e c h e z l u i . P a u l - S i m o n , aussi d u t y p e m a t e r n e l , o r p h e l i n à
t r o i s a n s , est u n a n a l p h a b e t t r è s b o r n é ; r a m o n e u r de son m é t i e r , est
t a n t ô t chez u n p a r e n t , t a n t ô t chez u n a u t r e . B i e n s o u v e n t cité d e v a n t
la j u s t i c e , il r e c o n n a î t ses fautes s a n s h o n t e c o m m e sans d i s c u s s i o n . Il
est c o n d a m n é à u n m o i s de p r i s o n p o u r d é g â t à la p r o p r i é t é , e t d e u x
276 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
IIda
d a Eisa
Eisa ) . . .„ . ...
l u s l 0 u r s
Olto Gingold j P enfants intelligents.
2. Paul Engcn, ne en i83o, f ? en Ilalic.
II. Charles, né en 1801, •(• en 3. Ida Nora, née en i838.
1890. 4. Nana, née en 1847.
Martha Gingold, de Xand, 5. Ilclcna, nec en i83a en Italie.
née en 1801, -f- en 1874. U 0 1 1 l C N
"'I^MMIL' ^ ^^> 1" "878, tuberculose pulmonaire, postillon, buveur,
caractère anormal.
7. Paul Fritz, né cn 18.-50, ramoneur, imbécile. ) ,i> Frit/ né en 1876
t Lina Schneider.
miiitm y b)
. Nora, née cn 1878.
Paul Polzcr. de X a n d , b u -
3 . Eisa, imbécile, aliénée, b u v e u s e , etc.
veur, syphilitique.
J o s Paul Zero, né cn 1848 (vide, tab. I).
Eisa avait, 6 enfants illégitimes, desquels 4 sont morts, un vivant, faible
d'esprit avec syphilis tertiaire.
D* J. Joerger. — LA .FAMILLE ZÉRO 279
et e s t e n t r e t e n u e p a r la c o m m u n e . Elle j o u e p e n d a n t de l o n g u e s a n n é e s
le rôle d e c o n d u c t r i c e des p e t i t s p a u v r e s e n S o u a b e .
I d a , c o m m e c é l i b a t a i r e , e u t u n i l l é g i t i m e , se m a r i a d e u x fois, é m i g r a
e t m o u r u t d a n s u n lieu i n c o n n u .
L e fils J o s e p h , m a g n i n v a g a b o n d , r a m e n é d a n s sa c o m m u n e p a r la
p o l i c e c o m m e v i e i l l a r d , est e n t r e t e n u p a r la c o m m u n e , m e u r t d a n s
u n e a t t a q u e . Il fut m a r i é , s a n s e n f a n t s .
La fille I d a - O l g a f o n d e u n e p e t i t e , m a i s m a u v a i s e famille a v e c u n
h o m m e v e n a n t d ' u n e b o n n e famille, q u i m o u r u t de la s y p h i l i s . L e u r
fils C h a r l e s fût, d e l o n g u e s a n n é e s et j u s q u ' à sa m o r t , d a n s u n asile
d ' a l i é n é s , a t t e i n t de d é m e n c e p a r a n o ï d e , avec u n e p o u s s é e a n o d i n e d e
délire d e s g r a n d e u r s e n d e r n i e r l i e u .
L e u r fils E u g è n e , u n b u v e u r m o d è l e , a v e c l ' a g r é a b l e c a r a c t è r e d e
l ' i v r o g n e , d o u b l é d ' u n é t a t m e n t a l p o u r le m o i n s a n o r m a l . Il é t a i t u n
a r t i s a n h a b i l e , m a i s n e p a r v e n a i t à s ' e n t e n d r e a v e c p e r s o n n e , si b i e n
q u ' i l d û t l â c h e r son m é t i e r . L e u r fille E i s a , figure h o r r i b l e , c r â n e a s y -
m é t r i q u e , i m b é c i l e et « s c h n a p s e r i n e » a v é r é e . A c t u e l l e m e n t a t t e i n t e
d u d é l i r e de la p e r s é c u t i o n . E l l e e u t six e n f a n t s , b i e n q u ' e n c o r e c é l i -
b a t a i r e , q u a t r e s o n t m o r t s e n b a s â g e . U n e fillette i m b é c i l e , e u t , il y
a quelques années, u n e syphilis osseuse, p r o b a b l e m e n t héréditaire.
C e t t e Eisa est a c t u e l l e m e n t m a r i é e au J o s e p h - P a u l d u t a b l e a u I q u e
nous connaissons, ainsi que leur progéniture.
Il est i n t é r e s s a n t de c o n s t a t e r d a n s le t a b l e a u I I I ce m é l a n g e d e b r a v e s
g e n s , d e v a g a b o n d s , d ' i v r o g n e s , de stériles e t d ' i n d i v i d u s b i e n d o u é s
et s o b r e s d a n s la q u a t r i è m e g é n é r a t i o n , sous l'influence de f e m m e s
de b o n n e s o u c h e . D a n s la q u a t r i è m e g é n é r a t i o n a u s s i , se t r o u v e c e t t e
paire exemplaire, qui, c o m m e produits, a essentiellement des a n o r m a u x
m e n t a u x , d o n t la d e s c e n d a n c e s ' é t e i n t a v e c la g é n é r a t i o n s u i v a n t e .
( T a b l e a u I V , p . 280). Les i n d i v i d u s q u i f o r m e n t c e t a b l e a u s o n t m o i n s
n o m b r e u x q u e c e u x d u p r é c é d e n t , m a i s les affaires v o n t v i v e m e n t .
Q u a r t o Z é r o , le g é n é r a t e u r de la b a n d e , était u n m a g n i n v a g a b o n d ,
qui c u l t i v a i t le s c h n a p s avec a m o u r . Sa f e m m e est u n e fille de la v a l l é e
de F o n t a n a , o n n e sait r i e n d ' a u t r e s u r son c o m p t e . Q u a r t o a t t e i g n i t le
bel âge de q u a t r e - v i n g t - n e u f a n s e t m e u r t à l ' é t r a n g e r . Le s c h n a p s
s e m b l e n ' a v o i r a u c u n e influence s u r la l o n g é v i t é de c e t t e r a c e r o b u s t e ,
si ce n ' e s t q u a n d il les grise et les fait geler q u e l q u e p a r t d a n s la
montagne.
L e fils P a u l - L é o n é p o u s e u n e fille d e p a y s a n e t s o u s son i n f l u e n c e
d e v i e n t s é d e n t a i r e . S o n fils u n i q u e é m i g r é e n F r a n c e , fut c a f e t i e r ,
finit d a n s la m i s è r e n o i r e e t est i n t e r n é p o u r d é m e n c e s é n i l e . C e f u t
u n g r a n d e t bel h o m m e , a y a n t u n c r â n e à s y m é t r i e i r r é p r o c h a b l e e t à
diamètres n o r m a u x . Avec lui, s'éteint cette b r a n c h e verte.
J o s e p h - E u g è n e , fils a î n é de Q u a r t o , m a g n i n a m b u l a n t e t v e r n i s s e u r ,
r e s t e s a n s e n f a n t s d e ses d e u x m a r i a g e s . Il m e u r t d ' u n e a t t a q u e d ' a p o -
plexie à l'âge de q u a t r e - v i n g t s a n s , h o r s d u pays*
E u g e n e H i - u z o , n é e n iK.'IS,
280 IMIIIIIIIIIIIIIITLIIIIIITLIIIIITLTLII
A » • a • idiot.
IV. Charles Louis, né en 1799, à Col- h) Charles, illegitime, n6 en 1887, imbecilc.
burg, "f en x86g, à Péterberg,
a) Tina, illegitime, nee en 1870, A Planauen, imbecilc.
peintre-plâtrier, maçon, c o r d o - enfants.
•. nier. \ 3 . E l s e , né en (?), f en h) Detha, illegitime, nee en 1880, « Flumingen,
Warner ('.'), Lina de Blumenau (?).
•J- e n 1880.
a
a^Lina ille- I ) •!•
C»'«'> m
>i P™™}?™^"!: ^B' }™*'
e n 1888! • D É C Ï À ' R À T Ï O N ' d e l a toèré.
1
I
2. Eva-Elsa, née en ? à D a l l i n g c n . a) Charles Z.... pécheur à Sarnthal. b) Paul-Charles de F l u m i n g c n . c) Paul J o s . , f en 1886, à Ticrberg,
Charles Stapfcr de Ollingen. Nana Zéro de Paul-Jos., cf. Clara Bavini de Neuhofen, vannier.
tableau II. née e n 1827, f en 1898. Nora Sorreda. de Zaralpen, n é e en
1848, f en 1886.
3. David-Eugène, né en 1844. a Dal-
lingcn, vacher en Souabc.
a) Charles-Eugène, né en 1862, à a) Nina, née en 1884. a) Olga, née en 1870, à Bernau.
Bernau. ß) Clara, n é e en i865. Emil Bruger d'Hcimburg.
4. Nora Zéro, disparue. ß) Ottilia, née en 1877. Gallus-IIero de Bernau. ß) Tina, née en 1877, à Tonnald.
y) Ida Olga, née en 1869. y) Paul-Eugène, né en ]86r, à
I S) Eva, née en 1875. Bernau.
5. I.éa, f- en Amérique. Sina "Wandolf de Sillau.
E) Nana, née en 186G.
I I . 1 .
I I
a) Paul-Eugène, illégitime, disparu. oot) Irma, illégitime, née en 1894. aa) Sina, née en 1888.
ßß) Clara, 1890.
yy) Nesa, i8g3.
88) Cari, 1897.
ee) Irma, 1899.
2 8 8 . — Tableau Vi a. J o ^ E u g è n c , n é e n 1844, i m b é c i l e , c é l ì b n t a i r e . f e n 1874. T y p h u s .
Charles-Engcne, né enl
Enfant mort-né.
1846, b u v e u r , a l i é n é .
idem f à l'Ago d ' u n j o u r .
E m m a Gafer de ?
a) A l b a n u s , n é e n 1871, a) J . C h a r l e s , n é i l l é g i t i m e ,
P a u l E u g è n e , n é e n 1849, caractère irritable. LLLLTLLL<LLL-T|IRITHIIII(i
b) E l s a , n é e e n 1882. 1879, i d i o t .
f e n 190З.
c) N a n a , n é e e n 187G,
Mina Schneider de Xand. B) P a u l , n é e n 1889, f с
l'HIIMÍ
188g, i l l é g i t i m e .
putain, voleuse. a) P a u l , i l l é g i t i m e , né en
1893, à S o n n r . n s t c i n , l é -
4. .Xami^KIsa^ n é e c u ?, fen\ a) P a u l J o s , i l l é g i t i m e .
gitimé par mariage ulté-
1874, T u b e r c u l o s e p u l - n é e n 18G4 a S a r n - rieur.
monaire . thal. ¡)) E r i k a , n é e e n 1895, à S o r -
G r i s o N o r a d e S01- ber/i; f en Î8Q5.
y) Olga Nana, néceniSgj, d
berg. lîassingen.
5. O l g a E i s a , n é e n 1845, a O l d e n h o f ,
l l u s e r d e Maicnfurt, d i v o r c é d'une autre l'emme.
, , , / a) H e l e n a , n é e e n 1881.
e. ПС e n l 8 4 i m b e
,жшп™,',5, ° ' " i b) Marius_,_né e n 18S2, r a c h i t i q u e , e n p r i s o n ,
5 ) I . P a u l J o s Z,
cile. c) Ñ o a h , n é e e n i 8 8 5 , f e n 1884, r a c h i t i q u e .
a Thorbcrg, f e n ( d e l a H e i s c r , f e n 1890, i m b é c i l e . C a r i n i H e l e n a , d e S t - A n - ) d) O l g a , n é e e n 1884.
'IIIIIIMIIIIIIIIIIIIIH
Nanallciscr, ienfant/ L e a G o l d e r , n é e 1817, f e n 1881, e ) N o a h , n é e e n 1887.
ton, imbécile.
T.. K i g e l . S e n f a n t s ) s œ u r d e Lisa, v i d e T a b . V I I . / ) C h a r l e s , n é e n 1891.
a) E i s a , i d i o t e e t p a r a l y s é e , n é e e n 1881.
'ПН *
b) L e a , n é e e n 1882. m a l a d i e n e r v e u s e ,
питии
c) L m a , n é e e n 1886, f e n 1886
d) P i e r r e , n é e n 1884, f e n 1S86.
Simon Alexis, m e) E u g è n e , n é e n 1887, f e n 1887, v i c e c o n g é n i t a l d u
IIMIIIIIIIinillinMItllMIIIIIIII III cœur.
i852, i m b é c i l e . f) J o s e p h - E u g è n e , n é e n 1889, i m b é c i l e .
de' I|1IMIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
Lina Wcilimann
q) M a r t h a , n é e e n 1892, f a i b l e d ' e s p r i t .
Maienfurt, imbécile. h) A n t o n j n é e n 1891, -j- e n 1891.
' llllll пиши
i) P i e r r e , n é e n 189'i, -[-en 1893.
k) O l g a , n é e e n 1896, m o y e n n e i n t e l l i g e n c e .
I) P a u l , n é e u 1899, f e n 1902.
m) L i s a , n é e 1900.
-
n) H e n r i e t t e , n é e e n 1901, - ¡ e n 1908.
N o r a , e n 1837, + e n 1903.
Gunzo C v o n Morfingcn, paysans laborieux cl respectés.
9- C u r t E u g è n e , b u v e u r .
E i s a N a n a Z é r o , v i d e T a b . VI.
10. Pierre, ne en ib36, f en 187З, buveur.
_tìchulz Martha, putain de Sa^ierheid.
• i oï ~mvT. Sriri^^"nom , m o r i , onfont..
s
i. Enfant illégitime, f c i836, d'Olga Eisa. Tab. VII
s
( P .' '"^eitime, n é e n 1867, e x a l i o Z é r o , m a -
2
289. — Tableau VI b " ii2~iSS2i. n 6 e e
" lS
&- ) réchaï-ferrand.
a) M a r i a , n é e e n 1872, i m b é c i l e , s t r a b i s m e .
II. P i e r r e , n é e n 1816 à P é t e r s b e r g , \ b) N o r a , n é e e n 1876, i n t e l l i g e n t e .
" " ' " ' . 1 1 enfant c) C o r d u l a , n é e e n 1879, f a i b l e d ' e s p r i t .
Paralysis agilans. f ^légitime
E m m a Elster, d'Allkirch, 5 cn- L u p c l . e e t l e . ci)E i s a , n é e e n 1880, f e n 1880.
ej E m m a , n é e e n 1882, f e n 1882.
f a n t s "J-, k 5 enfants
f) P i e r r e , n e e n i883, -J- c n 188.Î.
E l s a C a r i n i (le S a i n t - A n t o n , f s u i - 1 l é g i t i m e s .
cide, pas d'enfants. ! g) E u g è n e , n é e n 1877, f c n 1877.
„ , . . ( :>) A i m a , i l l é g i t i m e , n é e e n 1884, + en 1887.
5 . L i n a . n c e e n i»4n, î m - V '•• '
™™™ j h) L i n a , i l l é g i t i m e , n c e e n ?, f e n 1876.
bccilc. < , p , i légitime, imbécile.
c a l
i
n) L i n a , n é e n i8S5, -j- e n 1886.
b) Daniel ; . „„„
G. H c l e n a . n é e c n i856.
.Icremias N e r o d e l'Italie.
I V . E i s a Z é r o , n é e e n 1822, à. F a r n h e i d . 1. N a n a , i l l é g i t i m e , d ' u n a u t r e m a r i , n é e e n 1849, m o y e n n e intellig. )
11
•a•• B • O^BD,
enfant. , , r • 11 C enfants
Valcrian Linke de Xand. P W o k e r . de Maierzelt. \
290 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
M a r i u s , le r a c h i t i q u e âgé de 16 a n s , a p r è s u n é c h a n g e de p a r o l e s u n
peu vives a v e c u n vieillard de 7 4 a n s , b o u s c u l a ce d e r n i e r q u i r o u l a
d a n s u n p r é c i p i c e et r e s t a m o r t s u r p l a c e . Le g a r s fut p u n i de d e u x m o i s
de p r i s o n p o u r h o m i c i d e i n v o l o n t a i r e .
S i m o n - A l e x i s , m a r q u é au coin de l ' i m b é c i l i t é , il est l e m i e u x p a r -
t a g é s o u s ce r a p p o r t . U n c a n c r e à l'école, é p o u s e u n e v a g a b o n d e
e n c o r e p l u s i m b é c i l e q u e l u i . Le t a b l e a u r e n s e i g n e s u f f i s a m m e n t s u r
treize e n f a n t s d o n t six s o n t m o r t s . L e p è r e est j o u r n a l i e r o u v a c h e r .
L a f a m i l l e c r o u p i t d a n s la m i s è r e la plus n o i r e .
Nora passe p o u r être bien douée, épouse à l'étranger un paysan.
T o u s d e u x f u r e n t d e b r a v e s g e n s r e s p e c t é s . Ils n ' o n t p a s de d e s c e n d a n c e .
P i e r r e v é c u t à l ' a v e n t u r e , j o u e u r d ' o r g u e de B a r b a r i e , se faisant
e n t e n d r e o ù il p o u v a i t r e c e v o i r d u s c h n a p s . Il m o u r u t d e s s u i t e s de
ses l i b a t i o n s . Sa f e m m e est u n e p r o s t i t u é e q u i a c o n s t a m m e n t maille à
p a r t i r a v e c la p o l i c e ; elle r e c o u r u t j u s q u ' a u x p l u s h a u t e s i n s t a n c e s
p o u r u n s e c o u r s refusé, e n v é r i t a b l e q u é r u l e n t e .
P i e r r e , s e c o n d fils d e S e s t o , mais d ' u n e a u t r e m è r e , é t a i t u n p e t i t
h o m m e q u i t e n a i t le p a y s c o m m e m a g n i n . Ses c o n n a i s s a n c e s s o n t
l a c o n i q u e m e n t qualifiées d a n s u n a c t e j u d i c i a i r e : « Il n e sait r i e n ».
A v a n t d ' a v o i r v i n g t a n s , il e n g r o s s a i t sa p a r e n t e , l'infanticide du
t a b l e a u V I L II est d e p u i s b i e n d e s a n n é e s a t t e i n t d e d é m e n c e sénile et
de p a r a l y s i e a g i t a n t e . Sa p r e m i è r e f e m m e , E m m a E l s t e r , e s t u n e s œ u r
de N a n a e t d ' A l m a , des t a b l e a u x I e t I L Elle fut de l o n g u e s a n n é e s
m a l a d e , u n e h y s t é r i q u e p r o b a b l e m e n t , elle é t a i t m e i l l e u r e q u e ses
sœurs.
I d a - N a n a , l ' a î n é e d e c e t t e p a i r e , e u t d ' u n Zéro aussi u n fils illégi-
t i m e , C h a r l e s , q u i fut m a n œ u v r e e t i n t è g r e . E l l e se m a r i a à u n p a y s a n
de b o n n e famille, e u t t r o i s fils d ' i n t e l l i g e n c e m o y e n n e e t b r a v e s , e n
t o u t s e m b l a b l e s au p è r e . U n e fille a u n c r â n e très a s y m é t r i q u e , elle
l o u c h e f o r t e m e n t e t est i m b é c i l e .
L a famille fut j a d i s aussi sans r e p o s , d e p u i s bien d e s a n n é e s c e p e n -
d a n t s é d e n t a i r e . L a m è r e a u n l é g e r s t r a b i s m e , est i n t e l l i g e n t e e t a la
l a n g u e b i e n p e n d u e , t r a i t p a r t i c u l i è r e m e n t d é v e l o p p é chez les E l s t e r .
Elle s a i t se faire v a l o i r et cultive l ' a r t de t i r e r les c a r i e s ,
E m m a eut d e u x enfants illégitimes : l'un, adultérin, avec un Italien,
est u n n a i n a v e c d e s colères p a t h o l o g i q u e s .
Nana-Elsa et Charles-Eugène, cousins, qui forment une paire
h o n o r a b l e , lui est c e p e n d a n t u n b u v e u r . L e u r s e n f a n t s t e n d e n t à
l'imbécilité.
L i n a est faible d ' e s p r i t , a eu d e u x e n f a n t s i l l é g i t i m e s et, p o u r
a m é l i o r e r la r a c e , é p o u s a u n i v r o g n e . Ils e u r e n t d e u x i d i o t s , d o n t l ' u n
bègue.
P i e r r e - E u g è n e , le p l u s j e u n e de la b a n d e , d é t e s t é dès son j e u n e âge
p o u r s o n c a r a c t è r e c o l é r i q u e , u n h o m m e de p e t i t e t a i l l e ; il é p o u s e
u n e fille i l l é g i t i m e , q u i ne p r o v i e n t pas des v a g a b o n d s . Elle fut u n e
292 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
f e m m e f a m e u s e et u n e m è r e de famille d a n s la b o n n e v o i e . L ' h o m m e
est s o b r e , e s t i m é et se t i r e fort b i e n d'affaire. Il s'est c o m p l è t e m e n t
é m a n c i p é de sa p a r e n t é , ce q u e son p è r e n e v i t p a s d ' u n œil f a v o r a b l e .
L e u r s e n f a n t s s o n t t o u s b i e n d o u é s e t e n v o i e d ' o c c u p e r des s i t u a t i o n s
h o n o r a b l e s e t l u c r a t i v e s . U n bel e x e m p l e de r é g é n é r a t i o n p u i s s a n t e !
A l e x i s - U r b a i n , t r o i s i è m e fils d e S e s t o , s e m b l a b l e à son frère p o u r
la s t a t u r e e t l ' i n t e l l i g e n c e , e u t aussi le m ê m e m é t i e r et v a g a b o n d a
d a n s le p a y s a v e c sa famille. Il était u n g r a n d b u v e u r de s c h n a p s , fut
a t t e i n t d e < t r e m b l e m e n t p r é m a t u r é . S a f e m m e p r o v i e n t aussi d u sein
des v a g a b o n d s , elle j o u i s s a i t de la d o u b l e r é p u t a t i o n de b u v e u s e e t
de s o r c i è r e . Il y e u t p e u de familles a u s s i c r a i n t e s q u e celle d ' U r b a i n ,
à cause de ses p e n c h a n t s c r i m i n e l s . C e t t e famille est s a n s d e s c e n d a n t s
d u c ô t é m â l e ; d u c ô t é f é m i n i n , on se m a r i e à l ' é t r a n g e r , o n se d é p r a v e
ou on disparaît.
L e u r fille N o r a é t a i t u n e i d i o t e , h o r r i b l e à v o i r . Elle v é c u t à l'aven-
t u r e , s o u v e n t d e m i - v ê t u e , m e n d i a n t e t v o l a n t . E l l e ne fut p a s p u n i e ,
c a r son idiotie é t a i t t r o p é v i d e n t e . E l l e n ' a v a i t p a s t r a c e d e p u d e u r ,
s ' a d o n n a i t à la p r o s t i t u t i o n e n p l e i n j o u r d a n s les r u e s d e la v i l l e , e u t
u n e enfant i l l é g i t i m e , t o u t e s d e u x m o u r u r e n t de c e t t e n a i s s a n c e , a b a n -
données dans une commune étrangère.
L e fils J o s e p h - E u g è n e é t a i t u n affreux i v r o g n e et u n v a g a b o n d . Il
se laisse m a r i e r à u n e vieille v e u v e q u i a v a i t 200 francs, il b o i t la
s o m m e et q u i t t e la vieille. Celle-ci é t a i t u n e a n o r m a l e , p r o c é d u r i è r e ,
p a r e s s e u s e , c o n s t a m m e n t s u r les b r a s d e la p o l i c e , est u n f a r d e a u p o u r
sa c o m m u n e n o u v e l l e .
P i e r r e , r a m o n e u r , m a g n i n , a n a l p h a b e t et i m b é c i l e , j o u i s s a i t d ' u n e
m a u v a i s e r é p u t a t i o n . Il m è n e u n e vie d e p a r e s s e e t d ' a v e n t u r e q u i le
m è n e en I t a l i e . Fieffé « s c h n a p s e u r », souffrit d ' u n t r e m b l e m e n t g é n é -
r a l et m o u r u t d e s s u i t e s de son i v r o g n e r i e . Il fut p u n i p o u r vol à
q u a t o r z e j o u r s de p r i s o n , p o u r v o l d ' u n e c l o c h e de v a c h e à q u a t r e
j o u r s d ' a r r ê t , u n e t r o i s i è m e affaire, v o l d ' h a b i t s , n ' a b o u t i t à r i e n . Un
an a v a n t sa m o r t e n c o r e , il s u i v a i t les t r o u p e s e n m a n œ u v r e s , r a m a s -
sait les d o u i l l e s et les r e s t e s d e la t a b l e d e s s o l d a t s . Il fut coffré e t m i s
e n o b s e r v a t i o n à la lin d e s e x e r c i c e s p o u r vol a u c a n t o n n e m e n t . Il est
c a r a c t é r i s é p a r un r e g a r d p e r ç a n t , u n p r o g i i a t i s m e a c c e n t u é , la b a r b e
r a r e , u n e m i m i q u e r e m a r q u a b l e et u n p a r l e r t r è s c u r i e u x .
L ' u n i q u e fdle de S e s t o , Elisa, n é e e n 1822, p e t i t e e t s i m p l e , e u t
u n e fille i l l é g i t i m e , O l g a - N a n a . E l l e se m a r i e p l u s t a r d , vit d a n s la
m i s è r e , p r a t i q u a la m e n d i c i t é en S o u a b e j u s q u ' à ses d e r n i e r s j o u r s . Sa
fille était b i e n d o u é e , é p o u s a p o u r la p r e m i è r e fois d a n s l e u r clan u n
W o l s e r de la s o u c h e des « m a g n i n s aisés », q u i n e fut, d u r e s t e , q u ' u n
c o l p o r t e u r e t u n chiffonnier de r a c e .
R é s u m o n s le t a b l e a u V I . D a n s la q u a t r i è m e g é n é r a t i o n , faiblesse
d ' e s p r i t g é n é r a l i s é e , i v r o g n e r i e chez les h o m m e s . D a n s la p r e m i è r e lignée
pénètre u n e femme intelligente, mais de moralité inférieure, La géné-
D* J. Joerger. — LA FAMILLE ZÉRO 293
r a t i o n q u i e n p r o c è d e , la c i n q u i è m e , est en p a r t i e c o m p o s é e d e faibles
d ' e s p r i t e t d ' i m b é c i l e s . Il e n e s t d e . m ê m e l d e la s i x i è m e g é n é r a t i o n .
Q u e l q u e s b r a n c h e s s o n t stériles.
La d e u x i è m e l i g n é e égale la p r e m i è r e p o u r les d o n s i n t e l l e c t u e l s , o n
r e m a r q u e e n d e u x e n d r o i t s d e s î l o t s de r é g é n é r a t i o n p u i s s a n t e d u e à
de bons mariages.
L a t r o i s i è m e l i g n é e est n u l l e c o m m e p è r e e t m è r e , aussi l e u r d e s c e n -
d a n c e , la s i x i è m e g é n é r a t i o n , est-elle f o r m é e d ' i d i o t s , d ' i m b é c i l e s , d e
d é v o y é s , d ' i m m o r a l i t é e t elle s ' é t e i n t .
( T a b l e a u V I I , p . 294.)— S e t t i m o Z é r o , le c a d e t d e la f a m i l l e , é t a i t
m a g n i n v a g a b o n d ; il r ô d a i t s u r u n r a y o n de p e u d ' é t e n d u e , çà et là
r e s t a i t q u e l q u e t e m p s a u m ê m e e n d r o i t . Il fut t r o u v é gelé d a n s u n
c h a m p , c a r c ' é t a i t u n « s c h n a p s e u r » i n c o r r i g i b l e . Il é t a i t p è r e d e
famille à v i n g t a n s , il m e n a i t sa b a n d e a v e c le c a r a c t è r e e t l ' h u m e u r
du vrai buveur, r u d o y e m e n t , brutalités, violences. La femme ne devait
r i e n d i r e , il r o s s a ses e n f a n t s , m ê m e a d u l t e s , les j e t a à la r u e , d a n s le
v a g a b o n d a g e , la p r o s t i t u t i o n et la m i s è r e . Sa f e m m e é t a i t d e la v a l l é e
Fontana.
Le fils a î n é , P a u l - H e c t o r , fut s o l d a t en I t a l i e , m o u r u t j e u n e e n c o r e
dans u n e bataille.
La fille, E i s a - N o r a , v é c u t à l ' a v e n t u r e , se m a r i a enfin à u n T y r o -
lien e t d i s p a r u t . S o n fils i l l é g i t i m e fut, c o m m e s o n o n c l e , s o l d a t d a n s
l ' a r m é e d e G a r i b a l d i , plus t a r d d a n s la légion é t r a n g è r e e n A f r i q u e .
Il m e u r t a g e n t d e p o l i c e en F r a n c e o ù il a v a i t é p o u s é u n e A l l e m a n d e .
I d a - O l g a n ' e x i s t e q u e d a n s les d é p o s i t i o n s de sa s œ u r d e v a n t la
justice.
P a u l - J o s e p h est le f o n d a t e u r d ' u n e famille t r i s t e m e n t c h a r g é e .
C ' é t a i t u n g r a n d et bel h o m m e . 11 e u t t o u s les m é t i e r s p o s s i b l e s ,
m a g n i n , zingueur, forgeron, fondeur de cloches, écorcheur, berger,
o u v r i e r d e f a b r i q u e , e t c . , e t c . Il é t a i t t r è s h a b i l e e n t o u t , aussi g r a n d
t r a v a i l l e u r q u e fort b u v e u r . Il a v a i t le vin m é c h a n t . Il e u t s u r le
tard des attaques épileptiques avec t e n d a n c e à t o m b e r en arrière.
D a n s sa j e u n e s s e , il v a g a b o n d a d a n s le p a y s ; p l u s t a r d , il se r e n d i t
d e l o n g u e s a n n é e s à l ' é t r a n g e r . Il r e v i n t a u p a y s finir ses j o u r s à la
c h a r g e d e sa c o m m u n e . Ses i n n o m b r a b l e s e n f a n t s e u r e n t d e s e x e m p l e s
et u n e é d u c a t i o n d é p l o r a b l e s . Ils s a v a i e n t à p e i n e se t e n i r s u r l e u r s
j a m b e s q u ' i l s é t a i e n t déjà u t i l i s é s p o u r m e n d i e r . A u p r i n t e m p s , la
b a n d e é t a i t e x p é d i é e en S o u a b e . L ' a u t o m n e v e n u , ils d e v a i e n t s u i v r e
l'école, m a i s p r a t i q u a i e n t la m e n d i c i t é c o m m e d e v o i r p r i n c i p a l . La
f e m m e é t a i t u n e G o l d e r , s œ u r de celle d u t a b l e a u I V , d e m ê m e sta-
t u r e , m o i n s i n t e l l i g e n t e et p a s d u t o u t c r a i n t e . L e s e n f a n t s s o n t p e u
i n t e l l i g e n t s , v o i r e m ê m e t r è s b o r n é s . L e p e u p l e m e t cela s u r le c o m p t e
d e s l i b a t i o n s d u p è r e , ce n ' e s t p a s e x a g é r é .
P a u l - H e c t o r e t Elisa, j u m e a u x . Le g a r ç o n e s t t r è s b o r n é , a l ' h a b i t u s
d ' u n i d i o t , u n c o r p s mal d é v e l o p p é . U n m a g n i n d e s o n m é t i e r . La
II, Olga Bisa, n é e en i8i3, )
-v^i-j-ímn-r. \ a enfants, 2
,?."!'"."^. i l l ¿
p i l
' i m c
S ) "ne disparue, une noyée en i836.
f e n («.li,
i. P a u l - D a v i d Z é r o , i l l é g i t i m e , f . Tam-
HI. Nora, née en , f en
1 enfant. b o u r dans l'armée d e Garibaldi,
a) V a l e r i a n N e s t o r , n é e n 1876.
X. Scholler, du Tyrol. soldat en Afrique, etc.
Irma Bussold, d'Allemagne.
A l e x i s , n é 1868, -j- 1890. Tuberculose. a) S i n a , i l l é g i t i m e , n é e e n 1886, f 1889.
isinmnimiiiiHi
h) E d u a r d , i l l é g i t i m e , n é e n 1877, f 1878.
R E V U E C R I T I Q U E
C H R O N I Q U E L A T I N E
r
P a r le D EDMOND LOCAIID
p r e s q u e e s t d e t r o p , p u i s q u e , m ê m e chez V u c e t i c h , la d a c t y l o s c o p i e
i n t é g r a l e se c o m p l i q u e e n s o u s - o r d r e de q u e l q u e s compléments
e m p r u n t é s a u x a u t r e s m é t h o d e s ) , la c e r t i t u d e s ' o b t i e n t p a r les t é m o i -
g n a g e s c o r r o b o r a n t s de p r o c é d é s m u l t i p l e s : p h o t o g r a p h i e , p o r t r a i t
parlé, empreintes digitales, mensurations osseuses, notations chroma-
t i q u e s , r e l e v é d e s m a r q u e s i n d é l é b i l e s , voire r é t i n o g r a m m e s o u calcul
d e s c o u r b u r e s c o r n é e n n e s , le t o u t pris e n p r o p o r t i o n s v a r i a b l e s d e
façon à c o n s t i t u e r les d i v e r s s y s t è m e s i d e n t i f i c a t e u r s . L e p l u s i l l u s t r e ,
q u i e s t le b e r t i l l o n n a g e , c o m p o r t e u n p e u de t o u t cela : c e u x d e V i e n n e
ou de Berlin n e sont pas moins complexes, tandis q u e L o n d r e s ou
L i s b o n n e s i m p l i f i e n t d e l e u r m i e u x . C e q u i , au m i l i e u d e ses h o m o l o -
g u e s , c a r a c t é r i s e l e p l u s n e t t e m e n t le s y s t è m e d ' O t t o l e n g h i c'est l ' i n t r o -
d u c t i o n d e d e u x é l é m e n t s fort n é g l i g é s a i l l e u r s : le s i g n a l e m e n t fonc-
t i o n n e l , e t le s i g n a l e m e n t p s y c h i q u e . C'est q u ' e n effet, n o n c o n t e n t d e
m o n t r e r a u x a g e n t s c o m m e n t o n a n a l y s e e t c o m m e n t o n d é c r i t (et avec
u n l u x e m i n u t i e u x d e détails) c h a q u e t r a i t d u v i s a g e e t c h a c u n d e s
s e g m e n t s s o m a t i q u e s , il l e u r e n s e i g n e l ' e x a m e n e t l e s i g n a l e m e n t d e s
c a r a c t è r e s p h y s i o l o g i q u e s e t d e s é t a t s d ' â m e . E t ceci e s t assez p a r t i -
c u l i e r p o u r q u ' o n s'y a r r ê t e u n i n s t a n t .
L a d e s c r i p t i o n a n a t o m i q u e , d ' u n e a p p r o x i m a t i o n si n a v r a n t e d a n s
les a n c i e n n e s m é t h o d e s s i g n a l é t i q u e s , avait t r o u v é chez B e r t i l l o n u n
p r o c é d é d ' u n e p r é c i s i o n q u a s i m a t h é m a t i q u e , t e l l e m e n t p a r f a i ï q u e le
p o r t r a i t p a r l é de l a fiche française s u p p l é e le p l u s a i s é m e n t d u m o n d e ,
e t le p l u s c o m p l è t e m e n t , à la p h o t o g r a p h i e , e t q u ' a v e c c e t t e d e s c r i p -
tion systématique, u n agent exercé reconnaît en quelques minutes u n
s u j e t p a r m i c e n t a u t r e s , o u m ê m e a u h a s a r d d e s r e n c o n t r e s , d a n s la
r u e . C e t t e m é t h o d e , q u i a fait ses p r e u v e s e t q u e t o u t e s l e s polices d u
m o n d e o n t a d o p t é e , o u à p e u p r è s , O t t o l e n g h i l a r e j e t t e . Il l u i s u b s t i t u e
une description des traits et des régions anatomiques, e x t r ê m e m e n t
p o u s s é e , fouillée e t m i n u t i e u s e , m a i s q u e l ' o n r e g r e t t e d e n e p a s voir
aboutir à ces formules précises et schématiques, rédigées e n abrévia-
t i o n s c o n v e n u e s , q u i r e n d e n t si facile, si r a p i d e e t si c l a i r e la l e c t u r e
des s i g n a l e m e n t s b e r t i l l o n n i e n s . J ' a v o u e , p o u r m a p a r t , n e p a s saisir les
r a i s o n s q u i o n t r e t e n u le p r o f e s s e u r O t t o l e n g h i d a n s la v o i e d u p o r -
t r a i t p a r l é e t l ' o n t fait s'en t e n i r à u n s i g n a l e m e n t au m o i n s aussi
c o m p l e x e , e t q u i , n ' é t a n t n i r é d u c t i b l e à u n e f o r m u l e ni t é l é g r a p h i a -
b l e , e s t d ' u n m a n i e m e n t à la fois p l u s difficile e t m o i n s s û r .
M a i s , d a n s le b e r t i l l o n n a g e , le s i g n a l e m e n t n ' é t a i t q u ' a n a t o m i q u e .
Il est e n c o r e p h y s i o l o g i q u e ici. C ' e s t - à - d i r e q u e , n o n c o n t e n t d e d é c r i r e
les o r g a n e s a u r e p o s , il p r é t e n d r e p r é s e n t e r e n c o r e l e u r s m o u v e m e n t s
e t l e u r j e u . L e s i g n a l e m e n t f o n c t i o n n e l a n a l y s e r a ainsi les p a r t i c u l a -
r i t é s d e l a d é m a r c h e , d e la p a r o l e , d e l ' é c r i t u r e , d e la m i m i q u e , d e s
m o u v e m e n t s v a s o m o t e u r s e t la s e n s i b i l i t é . Il n e n é g l i g e r a m ê m e p a s
les f o n c t i o n s o r g a n i q u e s d o n t il r e l è v e r a les v i c e s , c ' e s t - à - d i r e les
p r o c e s s u s m o r b i d e s . Il y a l à , s e m b l e - t - i l , u n e i n n o v a t i o n d e s p l u s h e u -
300 REVUE CRITIQUE
r e u s e s : de p a r e i l l e s i n d i c a t i o n s p e u v e n t a v o i r , en police scientifique,
u n e v a l e u r c o n s i d é r a b l e ; o n se p a r t i c u l a r i s e a u s s i n e t t e m e n t p a r ses
r é a c t i o n s v a s o m o t r i c e s q u e p a r la l o n g u e u r de son a u r i c u l a i r e , e t la
voix, c o m m e l ' é c r i t u r e , s o n t des s i g n e s i n d i v i d u e l s d ' u n e v a l e u r a u
m o i n s égale à celle des e m p r e i n t e s d a c t y l o s c o p i q u e s o u d u p o r t r a i t
p a r l é de l'oreille e x t e r n e .
Mais le p r o f e s s e u r O t t o l e n g h i va p l u s l o i n e n c o r e : a p r è s l'analyse
des f o n c t i o n s o r g a n i q u e s et d e la m o t i l i t é c o m p l e x e , il m o n t r e à ses
a g e n t s le p a r t i q u e l'on p e u t t i r e r p o u r l ' i d e n t i f i c a t i o n d e l ' e x a m e n
psychologique. De longues pages, très originales, très personnelles,
t r è s r e m a r q u a b l e s , s o n t c o n s a c r é e s à ce c h a p i t r e d a n s le l i v r e n o u v e a u .
E t l'on sait q u e déjà des c r i t i q u e s e x t r ê m e m e n t v i v e s a v a i e n t é t é faites
en I t a l i e c o n t r e c e t t e a p p l i c a t i o n d e l ' a n a l y s e p s y c h i q u e à la q u e s t i o n
d e l ' i d e n t i t é . Ici m ê m e , j ' a i eu l ' o c c a s i o n de r o m p r e q u e l q u e s lances
d a n s ce d é b a t . J e p e r s i s t e à c r o i r e q u e l ' i d e n t i f i c a t i o n p s y c h i q u e est
u n e c h o s e e x c e l l e n t e o u d é p l o r a b l e , s u i v a n t le p o i n t de v u e a u q u e l on
se place, o u m i e u x s u i v a n t le r ô l e q u ' o n v e u t lui faire j o u e r . P r é t e n d -
o n e n faire u n é l é m e n t d e la fiche s i g n a l é t i q u e e t u n c o m p l é m e n t du
p o r t r a i t p a r l é , o n s ' e x p o s e à des p l a i s a n t e r i e s faciles e t à d e s a t t a q u e s
t r o p aisées : « C o m p t e z - v o u s , d i r a - t - o n , p o u v o i r sérier vos fiches t r i -
c h o t o r a i q u e m e n t p a r i n t e l l i g e n c e g r a n d e , m o y e n n e et p e t i t e , c o m m e
vous faites p o u r la h a u t e u r d u f r o n t , o u p a r l o g i q u e p r o f o n d e , o r d i -
n a i r e e t s u p e r f i c i e l l e , v o i r e p a r t e n d r e s s e n o r m a l e frigide e t pas-
sionnée ? »
Et, d ' a u t r e p a r t , o n ne m a n q u e r a p a s d e faire r e s s o r t i r q u e les
c h a n g e m e n t s c o n t i n u e l s , l ' é v o l u t i o n i n c e s s a n t e , les d é f o r m a t i o n s
s u b i n t r a n t e s des é t a t s de c o n s c i e n c e f o n t d e s n o t a t i o n s m e n t a l e s u n
p i è t r e é l é m e n t d ï d e n t i t é , p u i s q u e c e l l e - c i n e p e u t r e p o s e r q u e s u r des
c a r a c t è r e s i m m u a b l e s , i n a l t é r a b l e s e t d o u é s de p é r e n n i t é . M a i s si,
p a r c o n t r e , o n voit d a n s l ' i d e n t i f i c a t i o n p s y c h o l o g i q u e u n m o y e n de
d o c u m e n t e r le m a g i s t r a t i n s t r u c t e u r s u r la v a l e u r m o r a l e de l ' i n d i v i d u
q u ' i l i n t e r r o g e , si l'on e n fait u n p o i n t de d é p a r t p o u r la d é t e r m i n a t i o n
d e la t é m i b i l i t é , r i e n d e m i e u x . Si l'on p a r v i e n t à m e t t r e s o u s les y e u x
d u j u g e , d a n s le d o s s i e r de c h a q u e d é l i n q u a n t , les d é t a i l s les p l u s
c i r c o n s t a n c i é s s u r la v a l e u r m o r a l e d u s u j e t , s u r son i n t e l l i g e n c e , s u r
ses p a s s i o n s et s u r ses v i c e s , la b e s o g n e de ce f o n c t i o n n a i r e e n sera à
la fois simplifiée et s i n g u l i è r e m e n t é l e v é e . E t , s'il n ' y avait à faire de
g r a v e s r é s e r v e s s u r l ' e x t r ê m e difficulté d e b i e n r é d i g e r ces s o r t e s de
n o t i c e s et s u r la r a r e t é des a g e n t s d e police p o u r q u i la p s y c h o l o g i e
n e d o i t p a s r e s t e r é t e r n e l l e m e n t l e t t r e m o r t e , il n ' y a u r a i t q u ' à
a p p l a u d i r t r è s fort. E t , en t o u t c a s , o n n e s a u r a i t t r o p l o u e r le m a î t r e
italien d e l ' a u d a c e d e sa t e n t a t i v e ; b e a u c o u p e u s s e n t r e c u l é d e v a n t
l ' a p p a r e n c e i n s u r m o n t a b l e d e s o b s t a c l e s q u i s ' o p p o s e n t à la r é a l i s a t i o n
d ' u n tel r ê v e . J e s o u h a i t e b i e n v i v e m e n t q u e le p l a n t r è s b i e n c o n ç u
q u e n o u s e x p o s e la Polizia scientifica a b o u t i s s e à de r a p i d e s p r o g r è s
D" Edmond Locard. — CHRONIQUE LATINE 301
des a g e n t s d a n s l a v o i e d e s c o n n a i s s a n c e s p s y c h i q u e s e t p s y c h i a -
triques.
A ces d o n n é e s , q u e d ' a u c u n s t a x e n t d ' u n p e u t h é o r i q u e s , s ' a j o u t e n t
des é t u d e s p l u s c e r t a i n e m e n t p r a t i q u e s s u r d i v e r s m o d e s i d e n t i f i c a -
t e u r s . L e s e m p r e i n t e s digitales s o n t a n a l y s é e s d ' a p r è s la m é t h o d e
1
G a s t i , d o n t j ' a i d i t a i l l e u r s les m é r i t e s ; la p h o t o g r a p h i e s i g n a l é t i q u e
e s t m o n t r é e a u x a g e n t s telle q u e la d o n n e l ' a p p a r e i l d ' E l l e r o , i n s p i r é
d e c e l u i q u ' e m p l o i e B e r t i l l o n . Enfin, les policiers r e ç o i v e n t q u e l q u e s
n o t i o n s d e c e q u ' e s t l ' a n t h r o p o m é t r i e p r a t i q u é e à R o m e l o r s q u ' i l s'agit
d ' é c h a n g e r d e s fiches a v e c u n service m e n s u r a t e u r c o m m e c e u x de
P a r i s , d e B u k a r e s t ou d e L a u s a n n e . Enfin l ' a l b u m D . K. V . figure a u
p r o g r a m m e , ce q u i fait p r é s a g e r sa diffusion en I t a l i e .
Telle e s t la p a r t i e d e l ' e n s e i g n e m e n t p o l i c i e r q u i c o n c e r n e l'identifi-
c a t i o n i n d i v i d u e l l e . Il s'y j o i n t u n e é t u d e d e l'identification spécifique
q u i n ' a p a s é t é sans s o u l e v e r q u e l q u e t a p a g e . C'est q u ' i l s'agit l à d e la
p u r e a p p l i c a t i o n d e s d o c t r i n e s l o m b r o s i e n n e s , de la t h é o r i e d u c r i m i n e l -
né p r o p r e a u m a î t r e t u r i n o i s e t d e s c r i t è r e s de l a t é m i b i l i t é , u n e d e s
p l u s c h è r e s c o n q u ê t e s d e la s c i e n c e p i é m o n t a i s e . L ' i d e n t i f i c a t i o n s p é -
cifique c o n s i s t e , e n effet, à é t a b l i r si l ' i n d i v i d u c o n s i d é r é a p p a r t i e n t à
telle o u telle c a t é g o r i e d e d é l i n q u a n t s , et c e , d ' a p r è s les r è g l e s p o s é e s
p a r l'école d e T u r i n . Il y a u r a d o n c lieu de d i r e si l ' o n a affaire à u n
criminel d'occasion, à u n criminel-né, à un criminaloïde, à un criminel
d ' h a b i t u d e , à u n d é l i n q u a n t p a s s i o n n e l . P o u r a d m e t t r e la n é c e s s i t é
d ' e n s e i g n e r d e t e l l e s d i a g n o s e s à d e s a g e n t s d e p o l i c e , il faut, a v a n t
t o u t , c r o i r e à l ' e x i s t e n c e d e ces c a t é g o r i e s , e t c'est ce à q u o i , à L y o n ,
n o u s n e s o m m e s p a s e n t i è r e m e n t a r r i v é s . E n o u t r e , e t p u i s q u e ces
s o r t e s d e q u e s t i o n s s o n t e n c o r e suh judice, il n ' a p p a r a î t p a s c o m m e
c l a i r e m e n t c e r t a i n q u e la police soit le lieu où ces q u e r e l l e s d e l a b o -
r a t o i r e se d o i v e n t v i d e r . E t n é a n m o i n s o n n e p e u t m é c o n n a î t r e à q u e t
p o i n t il s e r a i t s o u h a i t a b l e q u e n o u s e u s s i o n s e n F r a n c e , c o m m e cela
s e m b l e se p a s s e r à R o m e , d e s policiers à q u i l ' o n p û t i n c u l q u e r d e s
n o t i o n s au m o i n s é l é m e n t a i r e s de c r i m i n o l o g i e , e t , p a r e x e m p l e ,
l ' a b î m e q u i s é p a r e le c r i m i n e l p a r b e s o i n de l'impulsif i r r e s p o n s a b l e ,
et le s e c t a i r e i l l u m i n é d u c o q u i n a s t u c i e u x .
Enfin, le p r o g r a m m e d u professeur O t t o l e n g h i se p a r a c h è v e p a r u n
t r o i s i è m e o r d r e d e l e ç o n s : celles q u i o n t r a p p o r t a u x r e c h e r c h e s s u r
les l i e u x .
Il s'agit là de c h o s e s assez d i v e r s e s : c o n s t a t a t i o n d u d é c è s ( r i g i d i t é ,
hypostase, refroidissement, putréfaction), détermination des causes de
la m o r t ( e t c e s d e u x q u e s t i o n s c o m b i n é e s r e s s e m b l e n t assez à ce q u e
les m é d e c i n s l é g i s t e s , s o u s le n o m de l e v é e d e c o r p s , r e v e n d i q u e n t
comme l'essentiel de leurs opérations), diagnostic du suicide et de
1
V o y . le chap. VIII de m o n livre l'Identification des récidivistes. Paris,
Maloine, 1908;
302 REVUE CRITIQUE
L'anti-alcoolisme en Russie. — S o u s le t i t r e : « L e p a t r o n a g e d e
la t e m p é r a n c e p o p u l a i r e , s o n é t a t a c t u e l , s e s d é f a u t s », M . H a g e n a
p u b l i é d a n s l a r e v u e r u s s e l'Assistance par le travail u n e é t u d e t r è s
d o c u m e n t é e s u r u n e e n t r e p r i s e m o r a l i s a t r i c e d e la b u r e a u c r a t i e r u s s e q u i
n ' a j a m a i s été p r i s e a u s é r i e u x p a r l a v r a i e s o c i é t é r u s s e . N o u s e m p r u n -
t o n s à c e t t e é t u d e q u e l q u e s chiffres q u i n o u s d o n n e r o n t u n e i d é e d e
ce q u ' o n p o u r r a i t faire s i , à la t ê t e d u m o u v e m e n t , il y a v a i t n o n p a s
quelques fonctionnaires, mais des h o m m e s consciencieux et désin-
téressés.
e r
A u i j a n v i e r 1 9 0 4 , il y a v a i t e n R u s s i e 7 6 5 c o m i t é s e t sections d e
c e t t e a s s o c i a t i o n d e t e m p é r a n c e . S u r le n o m b r e total d e 1 6 . 0 8 2 m e m -
b r e s t i t u l a i r e s , 1 4 . 8 9 4 é t a i e n t des m e m b r e s p a r o r d r e , p o u r la p l u p a r t
des f o n c t i o n n a i r e s . P a r c o n t r e , il n e se t r o u v a i t d a n s t o u t e l a R u s s i e
que 1 6 8 membres honoraires. Le nombre de « curateurs » cantonaux
s'élevait à 1 2 . 5 4 1 q u i s e r é p a r t i s s a i e n t , d ' a p r è s l e u r profession, d e la
manière suivante : prêtres, 1 7 , 4 pour 1 0 0 ; sous-préfets, commissaires
et autres fonctionnaires, 1 1 , 8 pour 1 0 0 ; instituteurs, 8 , 9 pour 1 0 0 ;
d i v e r s , 3o p o u r 1 0 0 . L e s m é d e c i n s n'affluaient p a s d a n s ce p a t r o n a g e :
a v a n t 1 9 0 0 , il y e n a v a i t 3 , 5 p o u r 1 0 0 ; d e p u i s c e t t e é p o q u e , ils o n t
cessé l e u r c o l l a b o r a t i o n .
304 REVUE DES JOURNAUX ÉTRANGERS
c r
Les É t u d i a n t s dans les U n i v e r s i t é s russes. — A u i avril 1907,
le n o m b r e d ' é t u d i a n t s d a n s t o u t e s l e s u n i v e r s i t é s r u s s e s s'élevait à
32.709. I l y e n a v a i t à S a i n t - P é t e r s b o u r g 8.5oo, à M o s c o u 8.5oo, à
Karkoff 3.5oo, à K a z a n 3.5oo, à O d e s s a 3.5oo, à Kieff 4-3oo, à Y o u -
r i e w 1.200, à T o m s k 700, à V a r s o v i e 9. C e d e r n i e r chiffre i n d i q u e q u e
l'Université de Varsovie reste toujours fermée.
E n 1900, o n n e c o m p t a i t e n R u s s i e q u e 24.5oo é t u d i a n t s .
C o n t r e l e t a b a c . — D a n s l ' é t a t I l l i n o i s , il e s t d é f e n d u d e f u m e r
d e s c i g a r e t t e s d a n s les e n d r o i t s p u b l i c s à t o u t e p e r s o n n e â g é e de m o i n s
de d i x - h u i t a n s , a u x élèves des l y c é e s et a u x é t u d i a n t s d e s u n i v e r s i t é s .
[Médical Record, 16 févr. 1907.)
L e s t o r t u r e s à R i g a . — La c o m m i s s i o n de la D o u m a q u i a
e x a m i n é la q u e s t i o n d u conflit e n t r e les g a r d i e n s e t les p r i s o n n i e r s de
la p r i s o n c e n t r a l e de R i g a est a r r i v é e a u x r é s u l t a t s s u i v a n t s (Tova-
richtch, 10 avril) :
D a n s le p a y s b a l t i q u e , e n m ê m e t e m p s q u ' o n t c o m m e n c é à fonc-
t i o n n e r les t r o u p e s de r é p r e s s i o n , o n m i t e n œ u v r e p e n d a n t les i n t e r -
r o g a t o i r e s les p l u s t e r r i b l e s t o r t u r e s a y a n t p o u r b u t de p r o c u r e r à
l ' a d m i n i s t r a t i o n les b a s e s n é c e s s a i r e s p o u r fusiller les p e r s o n n e s s o u p -
ç o n n é e s d ' a c c o i n t a n c e avec le m o u v e m e n t r é v o l u t i o n n a i r e . Ces t o r t u r e s
e t q u e s t i o n s o n t a t t e i n t l e u r p l u s b e l é p a n o u i s s e m e n t d a n s les i n t e r -
r o g a t o i r e s faits à R i g a , à l ' i n s t r u c t i o n q u i siège à l ' a d m i n i s t r a t i o n
c e n t r a l e de la p o l i c e . C e s a g i s s e m e n t s se p r a t i q u a i e n t d e p u i s l o n g t e m p s
à l ' i n s t r u c t i o n de R i g a , m a i s fin d é c e m b r e i g o 5 o n y a c r é é d a n s ce
b u t u n e « C o m m i s s i o n » s p é c i a l e d a n s l a q u e l l e s o n t e n t r é s les com-
missaires adjoints A l e x a n d r o w s k i , G r e g o r , Sobetzki, Dovus et d'autres
p o l i c i e r s e t a g e n t s de s û r e t é . C e t t e C o m m i s s i o n a v a i t , de son
p r o p r e a v e u , la m i s s i o n d e la p a r t d u p a r q u e t e t d e la g e n d a r m e r i e
« d ' i n s t r u i r e » c o n t r e les p o l i t i q u e s , t a n d i s q u e le g o u v e r n e u r leur
conféra le d r o i t de « t u e r les p o l i t i q u e s s a n s j u g e m e n t n i i n s t r u c t i o n ».
A u s s i les q u e s t i o n s e t les t o r t u r e s é t a i e n t - e l l e s a p p l i q u é e s de l'aveu et
avec l ' a u t o r i s a t i o n d u p a r q u e t , d u c o l o n e l d e la g e n d a r m e r i e et de
l'administration supérieure du pays.
L ' o r d r e de l ' i n s t r u c t i o n d e s p r i s o n n i e r s d a n s les l o c a u x de la s û r e t é
é t a i t à p e u p r è s le s u i v a n t . T o u t e p e r s o n n e a r r ê t é e e t s o u p ç o n n é e de
p a r t i c i p a t i o n a u x affaires p l u s « s é r i e u s e s » é t a i t i n t e r r o g é e p o u r la
p r e m i è r e fois v e r s 8 h e u r e s d u s o i r . C e t i n t e r r o g a t o i r e s ' a c c o m p a g n a i t
de m e n a c e s , de c o u p s s u r la f i g u r e , s u r le v e n t r e et les a u t r e s p a r t i e s
de c o r p s . O n se s e r v a i t d u p o i n g , d u t a l o n e t d e b â t o n s e n c a o u t c h o u c .
Si le p r i s o n n i e r n ' a v o u a i t p a s les c r i m e s q u ' o n lui i m p u t a i t , on l ' e n -
v o y a i t a u b o u t de v i n g t à t r e n t e m i n u t e s au « vrai » i n t e r r o g a t o i r e .
L e « v r a i » i n t e r r o g a t o i r e n e c o m m e n ç a i t q u e v e r s m i n u i t e t avait
lieu au d e u x i è m e é t a g e , d a n s u n e p i è c e d o n n a n t s u r la c o u r . O n com-
m e n ç a i t p a r les c o u p s de p o i n g , o n p a s s a i t e n s u i t e a u x b â t o n s de
c a o u t c h o u c , a u x c r o s s e s , e t c . , a p r è s a v o i r b o u r r é la b o u c h e a v e c u n
linge m o u i l l é : on f r a p p a i t s u r la t ê t e , s u r les j a m b e s , les b r a s , n ' i m p o r t e
o ù . Si c e t t e m e s u r e n ' a b o u t i s s a i t p a s , o n j e t a i t la v i c t i m e p a r t e r r e et
o n lui infligeait des t o r t u r e s p l u s t e r r i b l e s . C e u x q u i p e r d a i e n t c o n -
n a i s s a n c e é t a i e n t a s p e r g é s d ' e a u , r a n i m é s e t s u b i s s a i e n t de n o u v e l l e s
t o r t u r e s . P e n d a n t la session d e la p r e m i è r e D o u m a , ces q u e s t i o n s
f u r e n t m i t i g é e s , m a i s a p r è s la d i s p e r s i o n d e c e t t e D o u m a elles r e p r i -
r e n t a v e c u n r e d o u b l e m e n t d e c r u a u t é . Les t o r t u r e s a t t e i g n i r e n t l e u r
p o i n t c u l m i n a n t a p r è s la n o m i n a t i o n d u g o u v e r n e u r g é n é r a l Meller-
Z a k o m e l s k i et a p r è s q u ' i l e û t p u b l i é sa c i r c u l a i r e d e n o v e m b r e 1 9 0 6
s u r la s u p p r e s s i o n d e s t o r t u r e s .
L a C o m m i s s i o n a p u b l i é u n g r a n d n o m b r e d e faits q u i o n t é t é r a p -
REVUE D E S JOURNAUX ÉTRANGERS 307
frissons, n a u s é e s , c é p h a l é e , d i a r r h é e , faisaient p e n s e r à u n e i n t o x i c a -
tion i n t e s t i n a l e . L ' e x a m e n b a c t é r i o l o g i q u e d e s r e s t e s d e s c o n s e r v e s rit
d é c o u v r i r le coli-bacille e t le bacille p a r a - t y p h i q u e B . O r , les h a r i c o t s
v e r t s a v a i e n t é t é bouillis a v a n t la c o n s o m m a t i o n , ce q u i l a i s s a i t s u p -
p o s e r q u e les m i c r o b e s é t a i e n t t u é s et q u e les p h é n o m è n e s m o r b i d e s
o n t é t é p r o v o q u é s p a r les p r o d u i t s s o l u b l e s d e s m i c r o b e s . P o u r é l u c i d e r
r
ce p r o b l è m e , le D R o l l y a c u l t i v é le bacille p a r a - t y p h i q u e B p r o -
v e n a n t d e s c o n s e r v e s , F a fait b o u i l l i r p e n d a n t u n q u a r t d ' h e u r e et
l'injecta e n s u i t e a u x s o u r i s . A v e c la d o s e d e i c e n t i m è t r e c u b e , les
animaux succombaient en u n à d e u x j o u r s sans qu'on a i t p u démontrer
d a n s l e u r o r g a n i s m e la p r é s e n c e d e s m i c r o b e s v i v a n t s . A i n s i fut
d é m o n t r é e la p r é s e n c e d e s t o x i n e s m i c r o b i e n n e s d a n s les c u l t u r e s ,
t o x i n e s n o n d é t r u i t e s p a r la c h a l e u r e t q u i o n t p r o b a b l e m e n t é t é la
c a u s e d u b o t u l i s m e chez l e s 25o e m p l o y é s d e Leipzig.
(Mùnch. med. Woch., n s e p t . 1906,)
B I B L I O G R A P H I E
11 y a l o n g t e m p s q u ' o n p a r l e de la d é g é n é r e s c e n c e de n o t r e r a c e , sur-
t o u t chez n o u s , F r a n ç a i s . N o t r e m a l est-il r é e l , i n c u r a b l e m ê m e ,
c o m m e c e r t a i n s le p r é t e n d e n t ? P e u t - o n e n c o r e l ' e n r a y e r ? Quels
m o y e n s e m p l o y e r ? V i o l e n t s , p o u r a r r a c h e r les t a r e s q u i n o u s r o n g e n t ?
Progressifs et l e n t s , afin de g u é r i r p a r la c o n t i n u i t é de l'effort ?
N o t r e p r é t e n d u e d é c a d e n c e n ' e s t - e l l e pas p l u t ô t l'effet d ' a p p a r e n c e s
t r o m p e u s e s ? s u r t o u t s o m m e s - n o u s p l u s p o u r r i s , p l u s a t t e i n t s q u e les
races voisines ?
C e t t e é t u d e a été f a i t e , e t m a g i s t r a l e m e n t , p a r l e d o c t e u r e t p s y c h o -
l o g u e a l l e m a n d P . N a c k e . A v e c u n e m é t h o d e s û r e , les p r e u v e s à l ' a p p u i ,
il n o u s d é m o n t r e c l a i r e m e n t q u e les r a c e s r o m a n e s , q u e les F r a n ç a i s en
p a r t i c u l i e r , n ' o n t r i e n à e n v i e r a u x n a t i o n s v o i s i n e s ; q u e t o u s les vices
q u e l'on p e u t n o u s r e p r o c h e r s o n t , ou t r è s e x a g é r é s , o u c o n s i d é r é s
c o m m e des c a u s e s d ' a b â t a r d i s s e m e n t , a l o r s q u e ce n e s o n t q u e des
c o n s é q u e n c e s d e s « a s p e c t s e x t é r i e u r s » d u m i l i e u , de la r a c e , des tra-
ditions.
r
Le D P . N â c k e p r e n d c o m m e p o i n t de d é p a r t q u e l q u e s e x t r a i t s
r
d ' u n e l e t t r e q u e lui a d r e s s a i t le D L a u p t s le 1 7 m a i 1 9 0 5 . Celui-
ci d i t , et ses é t u d e s s u r la q u e s t i o n s o n t le m e i l l e u r gage de v é r a c i t é -
de ce q u ' i l a v a n c e , q u e , si le j e u n e F r a n ç a i s p e r d de b o n n e h e u r e sa
v i r g i n i t é , cela Lient a u x c o n v e r s a t i o n s l é g è r e s , a u x g r i v o i s e r i e s q u ' i l a
e n t e n d u e s d e p u i s son e n f a n c e ; cela t i e n t a u s s i à ce q u e chez n o u s o n est
très p o r t é à se m o q u e r de c e u x q u i s o n t c h a s t e s à u n â g e a v a n c é ; il y
a p e u de l i b e r t é i n d i v i d u e l l e à ce p o i n t de v u e p a r t i c u l i e r ; et p a r r e s -
p e c t h u m a i n , p a r e s p r i t d ' i m i t a t i o n o n sacrifie sa v i r g i n i t é ou o n affiche
u n e m a î t r e s s e de t r è s b o n n e h e u r e . P e u t - ê t r e le c a t h o l i c i s m e influé-t-il
aussi s u r n o u s ? R e l i g i o n de p o m p e , d ' e x t é r i e u r , faite d e t r a d i t i o n s
c o n s a c r é e s p a r l ' u s a g e et l é g u é e s de g é n é r a t i o n s en g é n é r a t i o n s , il
a b o l i t t o u t e i n i t i a t i v e p e r s o n n e l l e , t o u t e i n d i v i d u a l i t é ; o n i m i t e , on ne
c h e r c h e p a s l ' o r i g i n a l i t é . M a i s si les j e u n e s F r a n ç a i s c o n n a i s s e n t la
f e m m e de b o n n e h e u r e , p a r ce fait m ê m e , l ' h o m o s e x u a l i t é est r a r e chez
e u x et c o n s i d é r é c o m m e le p i r e d e s v i c e s , s u r t o u t chez les h o m m e s ,
b e a u c o u p m o i n s chez les f e m m e s .
r r
D a n s u n e s e c o n d e l e t t r e citée p a r le D P . N â c k e , le D L a u p t s
n o u s dit q u e les i m m o r a l i t é s les p l u s r é p a n d u e s e n F r a n c e s o n t
BIBLIOGRAPHIE 311
c e l l e s d u livre e t de la p a r o l e . R e v e n a n t s u r le sujet de sa p r e m i è r e l e t t r e ,
il n o u s m o n t r e le p a y s a n c o n s e r v a n t sa v i r g i n i t é p l u s l o n g t e m p s q u e
le c i t a d i n , e t ne la p e r d a n t g é n é r a l e m e n t q u ' a u service m i l i t a i r e . C e t t e
r
influence d u service o b l i g a t o i r e , le D P . N à c k e la c o n s t a t e d ' a i l l e u r s
aussi e n A l l e m a g n e .
M a i s , si les h o m m e s s e m b l e n t p l u s p e r v e r t i s en F r a n c e q u ' a i l l e u r s ,
Niicke a s s u r e q u ' i l n ' e n est p a s d e m ê m e des f e m m e s . L e n o m b r e d e s
f e m m e s e n c a r t e s est plus g r a n d en A l l e m a g n e q u e chez n o u s , et la
p r o s t i t u t i o n c l a n d e s t i n e si r é p a n d u e en F r a n c e suffit à p e i n e à r é t a b l i r
la b a l a n c e .
A p r è s avoir m e n é u n e v i e de g a r ç o n plus o u m o i n s a g i t é e , le j e u n e
F r a n ç a i s d e v i e n t u n m a r i m o d è l e . Il n e faut p a s g é n é r a l i s e r les d r a m e s
de l ' a d u l t è r e q u ' o n t r o u v e a u t h é â t r e et d a n s les r o m a n s . D e s o n c ô t é ,
la j e u n e fille française est élevée e n c o r e plus s é v è r e m e n t q u e la j e u n e
fille a l l e m a n d e .
Q u ' o n se g a r d e s u r t o u t d'identifier P a r i s e t la F r a n c e . E t e n c o r e si
on a c r é é à P a r i s des s é d u c t i o n s de t o u t e n a t u r e , c'est p a r c e q u e les
affamés des plaisirs d u m o n d e e n t i e r s'y d o n n e n t r e n d e z - v o u s . « Ici q u i
ne c h e r c h e pas d ' a v e n t u r e n ' e n t r o u v e pas », d i s a i t u n e vieille P a r i -
r
s i e n n e a u D P . N â c k e . Le P a r i s i e n est t e m p é r a n t p a r n a t u r e . Il
n e faut p a s j u g e r la F r a n c e d ' a p r è s ses c a f é s - c o n c e r t s , les r o m a n s e t
les j o u r n a u x l i c e n c i e u x q u i y p a r a i s s e n t . Mais l ' é t r a n g e r j u g e m a l h e u -
r e u s e m e n t d ' a p r è s ce q u ' i l voit, s o u v e n t sans a p p r o f o n d i r ; e n s u i t e , il
g é n é r a l i s e . D ' o ù de n o m b r e u x j u g e m e n t s f a u x !
Il n e faut d o n c p a s c o n c l u r e à la d é g é n é r e s c e n c e d ' u n p e u p l e u n i q u e -
m e n t d ' a p r è s d e s c o u t u m e s , des h a b i t u d e s . E n V e n d é e , o n p r a t i q u e
d e p u i s u n t e m p s i m m é m o r i a l le « m a r a i c h i n a g e », o u b a i s e r de la l a n -
g u e , et cela en p u b l i c , p a r t o u t !
C e b a i s e r e x c i t e v i o l e m m e n t les sens. Il s ' e n s u i t q u e les j e u n e s g e n s
se m a r i e n t de b o n n e h e u r e . Il y a bien q u e l q u e f o i s d e s e n f a n t s n é s
a v a n t le m a r i a g e , m a i s p e u d ' e n f a n t s n a t u r e l s . E t les m é n a g e s s o n t
t r è s u n i s . N e t r o u v e - t - o n p a s d a n s c e r t a i n e s c o n t r é e s d e l ' A l l e m a g n e le
« mariage à l'essai » ? N ' y v o i t - o n p a s aussi des j e u n e s filles se faire
f é c o n d e r de b o n n e h e u r e p o u r faire de b o n n e s n o u r r i c e s d a n s les g r a n -
d e s villes ?
E n F r a n c e , le n o m b r e des a v o r t e m e n t s artificiels c r o i t d e j o u r e n
j o u r . M a i s on r e m a r q u e u n m ê m e é t a t de choses u n p e u d a n s t o u s l e s
p a y s , q u o i q u e a v e c des c a u s e s différentes. E n F r a n c e , l ' u n e d ' e l l e s , la
p r i n c i p a l e , r é s i d e e n ce q u e c h a q u e m é n a g e ne v e u t p a s a v o i r p l u s d e
d e u x e n f a n t s . Il e n r é s u l t e u n e d i m i n u t i o n d u chiffre d e s n a i s s a n c e s
q u i a t t e i n t s u r t o u t les classes s u p é r i e u r e s , ce q u i c a u s e à la société u n
b i e n p l u s g r a n d d o m m a g e q u e s'il n ' a t t e i g n a i t q u e les classes infé-
r i e u r e s . M a i s le m a l n ' e s t pas e n c o r e c o n s i d é r a b l e e t il est e n c o r e t e m p s
de l ' e n r a y e r . A u r e s t e , u n e fécondité excessive s e r a i t a u s s i d é s a v a n t a -
g e u s e e t é g a l e m e n t u n s i g n e de d é g é n é r e s c e n c e .
312 BIBLIOGRAPHIE
C o m m e n t p e u t - o n a p p r é c i e r la m o r a l i t é d ' u n p e u p l e , s e d e m a n d e
r
m a i n t e n a n t l e D P . N a c k e ? C e n ' e s t p a s d ' a p r è s la n a t a l i t é , c a r alors
les C h i n o i s d e v r a i e n t a v o i r u n e h a u t e m o r a l i t é . C e n ' e s t p a s n o n p l u s
d ' a p r è s la t o u r n u r e p l u s o u m o i n s l é g è r e d e s p a r o l e s e t d e s c o n v e r -
sations ; les peuples sont, d'après leur t e m p é r a m e n t , plus o u moins
e n c l i n s a u b a d i n a g e , o n t p l u s o u m o i n s l'esprit gaulois, e t l e u r m o r a -
lité n ' e n t r e pas e n j e u l à - d e d a n s . S e r a i t - c e p l u t ô t d ' a p r è s le n o m b r e
des n a i s s a n c e s i l l é g i t i m e s , d e s a v o r t e m e n t s , d e s p e r v e r s i t é s s e x u e l l e s ,
des d i v o r c e s , d e s f e m m e s l é g è r e s , e t c . ? D a n s c e c a s , n o u s a v o n s déjà
v u q u e la p l u p a r t d e c e s t a r e s n e s o n t p a s p l u s r é p a n d u e s e n F r a n c e
qu'ailleurs.
En étudiant u n e autre partie de l'âme d u peuple, o n ne voit en
F r a n c e rien de particulièrement alarmant. La criminalité augmente,
c o m m e p a r t o u t , m o i n s m ê m e q u ' e n A l l e m a g n e . L e n o m b r e d e s sui-
cides a u g m e n t e c o m m e p a r t o u t . Il e n e s t d e m ê m e des m a l a d i e s c é r é -
b r a l e s e t n e r v e u s e s c a u s é e s p a r la l u t t e q u o t i d i e n n e p o u r l ' e x i s t e n c e ,
lutte qui nous épuise.
U n e n n e m i t e r r i b l e p o u r la F r a n c e e s t l ' a l c o o l . I l est g r a n d t e m p s de
le c o m b a t t r e p a r t o u s l e s m o y e n s p o s s i b l e s .
E n F r a n c e , c o m m e p a r t o u t a i l l e u r s , o n s e p l a i n t d e la d i m i n u t i o n
de la taille e t d u n o m b r e c r o i s s a n t d e s r é f o r m e s a u C o n s e i l d e revi-
s i o n . M a i s V o g l d i t t r è s j u s t e m e n t q u e le n o m b r e des a p t e s a u service
n e d o n n e p a s u n e i d é e e x a c t e d e la v i t a l i t é d ' u n p e u p l e .
La Française e s t élevée s é v è r e m e n t . Elle devient une mère modèle,
est t r è s i n t e l l i g e n t e e t a i d e s o u v e n t s o n m a r i d a n s les affaires d é l i c a t e s .
E t , c e q u ' o n sait m o i n s , b e a u c o u p d e p a r e n t s d ' a l i é n é s ( s u r t o u t des
f e m m e s ! ) e n t r e c o m m e g a r d e s d a n s des m a i s o n s d e s a n t é p o u r s o i g n e r
les l e u r s ! Il y a b e a u c o u p d e c h a r i t é e n F r a n c e : o n y t r o u v e d ' i n n o m -
brables établissements de bienfaisance. Le patriotisme semble avoir
d i m i n u é , m a i s o n r e p r o c h e l a m ê m e c h o s e a u x A l l e m a n d s : c'est p e u t -
ê t r e la c o n s é q u e n c e i n d i r e c t e d ' u n e c i v i l i s a t i o n r a f f i n é e . P o u r les
sciences, les a r t s , les l e t t r e s , l e s F r a n ç a i s s o n t a u x p r e m i e r s r a n g s .
r
Le D P Nàcke arrête ici s o n parallèle et conclut q u ' o n n ' a p a s
p l u s d e r a i s o n s d e p a r l e r d e la d é g é n é r e s c e n c e d u p e u p l e français q u e
d e celle d ' u n a u t r e p e u p l e q u e l c o n q u e . « N o u s r e p r o c h o n s t o u j o u r s
son c h a u v i n i s m e à n o t r e voisin, d i t - i l ; g a r d o n s - n o u s d e t o m b e r d a n s la
m ê m e f a u t e e t d e le j u g e r h â t i v e m e n t d ' a p r è s d e s s y m p t ô m e s s u p e r -
ficiels! »
L e s a u t r e s p e u p l e s r o m a n s n e m o n t r e n t p a s n o n p l u s les s y m p t ô m e s
d ' u n e p s e u d o - d é g é n é r e s c e n c e . T o u s c e u x q u i c o n n a i s s e n t les p e u p l e s
i t a l i e n e t e s p a g n o l n o u s d i r o n t q u ' i l s s o n t a b s o l u m e n t sains.. Ils o n t
é t é parfois à la t ê t e d e la c i v i l i s a t i o n , p e n d a n t la R e n a i s s a n c e p a r
exemple, résultat du mélange des sangs romans e t germains, comme
W a l t m a n n a c h e r c h é à le d é m o n t r e r . M a i s , m ê m e s a n s d e n o u v e a u x
m é l a n g e s d e r a c e s , c e s p e u p l e s n e d i s p a r a î t r o n t p a s . I l n ' y a pas chez
BIBLIOGRAPHIE 313
e u x d e r é e l l e d é g é n é r e s c e n c e , pas m ê m e d a n s les é t a t s s u d - a m é r i c a i n s
o ù l ' é l é m e n t r o m a n — et s o u v e n t le r e b u t de cet é l é m e n t — s'est
m ê l é à d e s r a c e s é t r a n g è r e s ou i n f é r i e u r e s , avec des i n d i e n s , d e s
n è g r e s , e t c ..
D o n c , o n n e p e u t pas p a r l e r d ' u n e v é r i t a b l e d é g é n é r e s c e n c e des
p e u p l e s r o m a n s . T o u t ce q u e n o u s a v o n s o b s e r v é p r o v i e n t de p h é n o -
m è n e s s o c i a u x e t se r e t r o u v e p l u s ou m o i n s e n A l l e m a g n e .
r
L e D P . N â c k e n o u s m o n t r e e n s u i t e q u e , c o m m e d a n s t o u s les
o r g a n i s m e s , il y a d a n s les r a c e s , d a n s les sociétés, des c a u s e s d e
d é g é n é r e s c e n c e e t d e r é g é n é r a t i o n qui se font é q u i l i b r e . L e s s e c o n d e s ,
d ' a p r è s T a n z i , l ' e m p o r t e r a i e n t m ê m e s u r les p r e m i è r e s .
C o m m e d a n s t o u t o r g a n i s m e , o n r e n c o n t r e aussi d a n s la société d e s
maladies plus ou moins graves. Mais un organisme peut être malade
s a n s ê t r e d é g é n é r é . Si la m a l a d i e e s t s é r i e u s e , si elle d u r e , cela
i n d i q u e a l o r s q u e la d é g é n é r e s c e n c e p r e n d le d e s s u s .
P r e s q u e t o u j o u r s la g u é r i s o n arrive n a t u r e l l e m e n t . N o u s avons
b e a u c o u p d ' e x e m p l e s de la p u i s s a n c e r é g é n é r a t r i c e de la n a t u r e . Ainsi
les c o l o n i e s d ' A u s t r a l i e , u n i q u e m e n t p e u p l é e s au d é b u t p a r des c r i -
m i n e l s d é p o r t é s o u d e s g e n s s a n s a v e u , s o n t a u j o u r d ' h u i t r è s floris-
s a n t e s e t t r è s saines au p o i n t de v u e m o r a l !
N o s p e u p l e s c o n t e m p o r a i n s n e s o n t p a s e n c o r e la p r o i e d ' u n e d é g é -
n é r e s c e n c e r é e l l e . Il s'agit d e pseudo-signes de d é g é n é r e s c e n c e , c o m m e
le m a r a i c h i n a g e ou l ' h o m o s e x u a l i t é .
A y o n s u n e c o n f i a n c e t r a n q u i l l e d a n s la N a t u r e ! E l l e p r e n d r a soin
d u b o n é t a t g é n é r a l , e t là où il n ' y a u r a p a s d e g u é r i s o n p o s s i b l e ,
s u p p r i m e r a le m e m b r e m a l a d e , ce q u ' i l y a d e m i e u x d a n s le c a s .
E n r e v e n a n t au p o i n t d e d é p a r t , o n v o i t q u e la F r a n c e n ' e s t p a s
r é e l l e m e n t d é g é n é r é e . Il e s t e n c o r e p o s s i b l e d ' e n r a y e r e t de d é t r u i r e
les t a r e s q u ' o n p e u t y s i g n a l e r . U n e c h o s e g r a v e , c'est la d i m i n u t i o n
d u n o m b r e des n a i s s a n c e s . On p o u r r a i t p e u t - ê t r e l ' e n r a y e r p a r le
m é l a n g e de la r a c e r o m a n e et d e la r a c e g e r m a n i q u e , p l u s p r o l i f i q u e .
E n g é n é r a l , m ê m e des c r o i s e m e n t s de r a c e s s o n t à s o u h a i t e r p o u r
c h a n g e r le m i l i e u e t faire d i s p a r a î t r e de vieilles t a r e s . J u s t e m e n t le
c r o i s e m e n t d e s r a c e s g e r m a n i q u e s e t r o m a n e s , q u i fut i n t e n s i f au
m o y e n â g e , s e m b l e d o n n e r des r é s u l t a t s t r è s f a v o r a b l e s . N ' a - t - i l p a s
é t é u n e des c a u s e s e s s e n t i e l l e s de la R e n a i s s a n c e ?
r
A i n s i se t e r m i n e la r e m a r q u a b l e é t u d e d u D P . N à c k e . Il s'en
d é g a g e u n e forte i m p r e s s i o n p o u r n o u s , F r a n ç a i s , t r o p f a c i l e m e n t
p o r t é s à p r o c l a m e r q u e n o u s n ' a v o n s pas confiance e n n o u s - m ê m e s .
J. DE LA FONCAZEAUX.
N O T E D E M. L A U P T S
P u i s q u e j e suis mis personnellement en cause dans cet article, j ' e n p r o -
fite, confiant dans la bienveillance des lecteurs pour régler trois questions
.dont u n e , la troisième, est d'ordre tout à fait p e r s o n n e l .
314 BIBLIOGRAPHIE
A. — D ' a b o r d j e d é s i r e t é m o i g n e r d e m a c o n t r a r i é t é p o u r n'avoir p a s p u
a n a l y s e r m o i - m ê m e l ' a r t i c l e d e Nâeke. Nâcke e s t u n d e s e s p r i t s l e s p l u s
é m i n e n t s d e l'Allemagne c o n t e m p o r a i n e . C'est u n maître e x p é r i m e n t é aux
v u e s t a n t ô t e m p r e i n t e s d e b e a u c o u p d e finesse, t a n t ô t p u i s s a n t e s e t d ' u n e
i n c o m p a r a b l e e n v e r g u r e . J'aurais b i e n v o u l u reproduire pour l e s l e c t e u r s
d e s Archives, e n t r e a u t r e s t r a v a u x d e N a c k e , c e u x d o n t j ' a i r é c e m m e n t
o s
d o n n é l e s l i t r e s ( V . Archives d e j u i l l e t - s e p t e m b r e 1906, n I 5 I - I 5 3 . p . 6 3 5 ) .
Malheureureusement j e lis l'allemand a v e c tant de difficultés e t de fenteur,
q u e j'ai d û p a s s e r la p l u m e à u n j e u n e c o l l è g u e . Q u e N a c k e r e ç o i v e i c i
l ' a s s u r a n c e d u p l a i s i r q u e j e p r e n d s à l i r e s e s o e u v r e s e t l e s l e t t r e s qu'il
m'adresse, m e s vifs r e g r e t s d e n e p o u v o i r être p e r s o n n e l l e m e n t s o n inter-
prète auprès du public français e t l ' h o m m a g e déférent q u e je suis heureux
d'accorder à s o n talent.
B. — J'ai a p p r i s l ' e x i s t e n c e d e s p r o b l è m e s r e l a t i f s à l ' h o m o s e x u a l i t é a u x
c o u r s d e m o n m a î t r e , l e p r o f e s s e u r L a c a s s a g n e . Il e s t s u p e r f l u d e r a p p e l e r
l e s œ u v r e s q u i d u r e n t l e u r e c l o s i ó n a u P r o f e s s e u r d e L y o n : Chevalier e t
Raffalovich s o n t a u j o u r d ' h u i c l a s s i q u e s . D e p u i s la p u b l i c a t i o n d e m o n
1
o u v r a g e Perversion et Perversité sexuelles -, o u v r a g e qui c o n t e n a i t d e b o n n e s
observations et trahissait beaucoup de j e u n e s s e , j e ne m e suis plus occupé
d e l ' i n v e r s i o n d ' u n e f a ç o n m é t h o d i q u e : m a i s j e n'ai p a s c e s s é d ' é t u d i e r l e s
c a s q u e l e h a s a r d a m e n a i t d a n s m o n c h a m p d ' e x a m e n , d e lire l e s o u v r a g e s
n o u v e a u x a y a n t trait à l a q u e s t i o n e t d e m ' i n t é r e s s e r a u s o r t e t à l ' é v o l u -
t i o n d u v a s t e g r o u p e m e n t d ' h o m o s e x u e l s a u q u e l p r é s i d e , d u 1 0 4 d e la
B e r l i n e r s t r a s s e d e C h a r l o t t e n b u r g - b e i - B e r l i n , l e d o c t e u r Hirschfeld, dont
l'amas de d o c u m e n t s , soit a n o n y m e s , soit s i g n é s , e s t d e s plus importants.
V o i c i e n s u b s t a n c e c e q u e j ' é c r i v a i s à Nacke : E n F r a n c e , m i s à p a r t l e s
milieux cosmopolites d e s grandes villes (Paris, Marseille), ou d e s villes de
saison ( N i c e , V i c h y ) , m i l i e u x qui d o i v e n t par b i e n d e s c ô t é s r e s s e m b l e r
aux milieux c o s m o p o l i t e s de toutes l e s grandes villes du m o n d e , l'homo-
s e x u a l i t é e s t t o u t à fait e x c e p t i o n n e l l e . E l l e e s t t e l l e m e n t e x c e p t i o n n e l l e
q u ' u n h o m m e s a c h a n t v o i r , f û t - i l m é d e c i n , fût-il p s y c h o l o g u e , p e u t p a s s e r
sa vie entière sans e n rencontrer u n s e u l c a s . L'inversion e s t également
d'une e x t r ê m e rareté dans l'armée m é t r o p o l i t a i n e . Dans la plupart d e s
régions françaises l'inversion est a b s o l u m e n t inconnue aussi bien dans
l'armée q u e dans l e s autres milieux.
Je signalais à N a c k e q u e l ' i m m e n s e majorité d e s Français ignore a b s o l u -
ment l'homosexualité. Le Français n e s e d o u t e m ê m e pas que semblable
t e n d a n c e p u i s s e e x i s t e r ; il n e c o n ç . o i t p a s q u e d e s t e n d a n c e s h o m o s e x u e l l e s
puissent se manifester.
J ' a j o u t a i s q u e l e s F r a n ç a i s q u i savent t é m o i g n e n t d ' u n e h o r r e u r p r o f o n d e
pour l'homosexualité entre h o m m e s e t s o n t s o u v e n t enclins à l'indulgence
pour l'homosexualité entre f e m m e s .
S u r la q u e s t i o n q u i paraît p r é o c c u p e r Nâcke : A q u e l â g e l e s F r a n ç a i s
perdent-ils leur virginité? j'indiquais que, selon m o i , l e s Français perdent
leur virginité plus j e u n e s que l e s A n g l o - S a x o n s . E n F r a n c e , l e s j e u n e s gens
d e la c a m p a g n e l a p e r d e n t g é n é r a l e m e n t a u s e r v i c e m i l i t a i r e , l e s j e u n e s
o u v r i e r s a v a n t l e s e r v i c e m i l i t a i r e , l e s fils d e b o u r g e o i s d è s l e l y c é e p a r f o i s .
Mais b e a u c o u p , d i s a i s - j e , n e la p e r d e n t p a s p a r g o û t , p a r besoin con-
1
Perversion et Perversité sexuelles, préface d'Emile Zola. Paris. Masson.
BIBLIOGRAPHIE 315
scient ; i l s l a p e r d e n t p a r c e qu'ils s o n t v i c t i m e s d u d é d a i n e n l e q u e l l e
latin e n général, mais surtout l e latin jeune e t surtout encore u n e collecti-
vité d e j e u n e s latins tiennent la liberté individuelle.
D a n s u n e a g g l o m é r a t i o n d e j e u n e s F r a n ç a i s , la c h a s t e t é e s t flétrie c o m m e
un v i c e et l e n o u v e a u v e n u doit, sous p e i n e d'être i n c e s s a m m e n t tourné
e n r i d i c u l e , o u b i e n e n c o r e d e t é m o i g n e r d'une f e r m e t é d e c a r a c t è r e e t
d'un m é p r i s d e l ' o p i n i o n b i e n r a r e s , faire c o m m e l e s c a m a r a d e s , p r o u v e r
qu'il p e u t s e c o m p o r t e r e n h o m m e .
Et l e s j e u n e s g e n s m e t t e n t tant d e spontanéité, ils s'acharnent t e l l e m e n t
à obliger leur camarade à se déniaiser, ils éprouvent si p e u de scrupules
à u s e r d e ruse ou de violence — violence très e x c e p t i o n n e l l e m e n t m a t é -
r i e l l e , il e s t vrai, — p o u r a r r i v e r à l e u r s fins, si p e u d e r e m o r d s p o u r a v o i r
e n q u e l q u e s o r t e a t t e n t é à l a v o l o n t é , à la c o n s c i e n c e e t , p a r s u i t e , à
l ' o r g a n i s m e d e l ' u n d e s l e u r s , q u e l ' o n p e u t s e d e m a n d e r s'il n ' y a p a s , d a n s
c e t t e t e n d a n c e q u e l q u e p e u barbare à faire é c l o r e l e s f o n c t i o n s r e p r o d u c -
t r i c e s c h e z l e s n o u v e a u - v e n u s , la m a n i f e s t a t i o n d'un i n s t i n c t .
A j o u t o n s q u e l e nouveau-venu ainsi violenté, n o n s e u l e m e n t n e garde
pas rancune, e n général, à s e s initiateurs, mais qu'il s'empresse, d è s q u e
l'occasion s e présente, de l e s imiter, en violentant à s o n tour, e n contri-
buant à violenter un camarade plus jeune q u e lui.
A l ' â g e o ù l a s e x u a l i t é e s t e n c o r e i n d é c i s e , il y a d a n s c e t t e o b l i g a t i o n
s u b i t e d e s e c o m p o r t e r e n m â l e , u n e s o r t e d e b a i n , d e douche s e x u e l l e q u i ,
propice à l'éclosion d e s chancres et des gonocoques, oriente le jeune
h o m m e , l'aiguille vers l'hétérosexualité, détruit à jamais, balaie, chez la
plupart d e s sujets, l e s t e n d a n c e s h o m o s e x u e l l e s q u e l'habitude de s e replier
s u r s o i - m ê m e , la h o n t e d e s e c o n f i e r , la s o l i t u d e i n t e l l e c t u e l l e e t m o r a l e , —
s u r t o u t d a n s l e d o m a i n e d e s s e n t i m e n t s s e x u e l s — f o n t a u c o n t r a i r e fer-
m e n t e r e t exacerbent — ; en m ê m e t e m p s que la continence anormalement
p r o l o n g é e c o n d u i t à la c r a i n t e d e la f e m m e , à l a p e u r d e l ' a c t e , à la t i m i d i t é
pendant l'acte et m ê m e à de l'impuissance plus ou m o i n s passagère.
Enfin j ' a j o u t a i s qu'il é t a i t p l a u s i b l e q u ' e n t r e d e m u l t i p l e s f a c t e u r s , l ' i n -
fluence religieuse n e laissât pas que d é j o u e r un rôle important.
Le protestantisme, religion où la personnalité e s t r e s p e c t é e , où chacun
vit m o r a l e m e n t pour s o n propre c o m p t e , doit conduire le fidèle d'élite à
fortifier e t à d é v e l o p p e r s a p r o p r e p e r s o n n a l i t é . Mais l e p r o t e s t a n t i s m e
p e u t d é t e r m i n e r a u s s i c h e z q u i c o n q u e l e p r a t i q u e c e repliement sur soi-
même d o n t j e v i e n s d e s i g n a l e r l'effet, effet a u q u e l a j o u t e n t e n c o r e l ' a u s t é -
rité d e s a t t i t u d e s , l e p u r i t a n i s m e d e s m a n i è r e s . L e s p r o t e s t a n t s s ' i n t e r -
disent l e s conversations graveleuses où simplement gauloises, proscrivent
l e s s u j e t s l i c e n c i e u x . Il s e t r o u v e d e s s e c t e s o ù la r e t e n u e e t la s é v é r i t é
des allures atteignent au pharisaïsme.
Même dans l e s écoles protestantes les plus voisines du catholicisme
r o m a i n l e s a p p e l s à la s e n s u a l i t é s o n t b a n n i s ; l ' e n c e n s , l e s fleurs n ' e x e r c e n t
pas leur influence capiteuse ; l e s f e m m e s ont un rôle moindre q u e celui
qu'elles tiennent dans l'église catholique et ce rôle e s t m o i n s i m p r e s s i o n -
nant, m o i n s s e n s u e l l e m e n t , m o i n s s e x u e l l e m e n t i m p r e s s i o n n a n t ; enfin,
l e s t e m p l e s n'y o n t j a m a i s l ' a s p e c t m o n d a i n .
T r è s s é v è r e e n t h é o r i e , la m o r a l e r o m a i n e e s t t o u t e d e b i e n v e i l l a n c e
d a n s la p r a t i q u e . L e s é g l i s e s s o n t d e s l i e u x i m p r é g n é s d e c h a r m e f é m i n i n ,
e m p l i s d ' u n e c l a r t é d i s c r è t e , o ù la m u s i q u e b e r c e l e s â m e s , p e n d a n t q u e l a
316 BIBLIOGRAPHIE
1
L'Amérique latine n'est pas à vrai dire latine ; le sang indigène prédomine,
j e crois. Enfin l'émigration lui fournit d e s c o n t i n g e n t s de t o u s l e s p a y s . N o t o n s
aussi que l e s Portugais o n t créé, par d e s unions a v e c l e s i n d i g è n e s brésiliens,
une variété créole largement r é p a n d u e .
2
On ne s'occupe pas suffisamment d e l'homosexualité des f e m m e s . E s t - e l l e
moins répandue e n France qu'en A l l e m a g n e ?
3 e
Binet-Sanglé : Les Prophètes Juifs. Paris, Dujarric et C ' , 1906.
BIBLIOGRAPHIE 317
r
D DE VEZEAUX DE LAVEBGXE, Du Caractère médical
de l'Œuvre de La Mettrie.
I. — T o u t e s l e s c i r c o n s t a n c e s q u i o n t p r é s i d é au d é v e l o p p e m e n t d e
l ' e s p r i t d e La M e t t r i e o n t a g i dans le m ê m e s e n s . Il a é t é élevé d a n s u n
m i l i e u b e s o i g n e u x e t positif; élève d ' u n j a n s é n i s t e , il a s u b i l'influence
c a r t é s i e n n e , il a é t u d i é la p h y s i q u e , il a a p p r i s la m é d e c i n e , a y a n t
c o m m e m a î t r e l ' i a t r o - m é c a n i c i e n B o e r h a a v e . M é d e c i n m i l i t a i r e , il
s u i v i t les a r m é e s e n c a m p a g n e ; d è s l o r s , il e s t m a i n t e n u d a n s l a voie
q u ' i l a c h o i s i e , p a r la h a i n e d e ses e n n e m i s , les m a l a d i e s d o n t il souffre
et l'amitié d ' u n grand r o i .
I I . — A u s s i la d o c t r i n e d e La M e t t r i e est-elle t r è s h o m o g è n e . S a
c a r a c t é r i s t i q u e e s t d ' e n v i s a g e r la p h i l o s o p h i e , n o n p l u s c o m m e d e v a n t
s ' o c c u p e r d e s q u e s t i o n s u l t r a - s c i e n t i f i q u e s , m a i s c o m m e u n e science
q u e p o u r r o n t édifier les m é d e c i n s . P o u r l u i , ce q u i n ' e s t p a s d é m o n -
t r a b l e d o i t ê t r e n é g l i g é : mais la m é d e c i n e e n p r o g r e s s a n t éclaircira
des q u e s t i o n s r é p u t é e s m é t a p h y s i q u e s . L a vie d e l ' e s p r i t , p a r e x e m p l e ,
s e r a s c i e n t i f i q u e m e n t c o n n u e , q u a n d les m é d e c i n s a u r o n t m i e u x
p é n é t r é le m é c a n i s m e d e n o t r e o r g a n i s a t i o n .
D ' a p r è s La M e t t r i e , q u a n d l e s o b s e r v a t i o n s d u m é d e c i n e t l e s
r e c h e r c h e s d e s p h y s i o l o g i s t e s ( q u i p o u r r o n t m ê m e l o c a l i s e r les fonc-
t i o n s d a n s le c e r v e a u ) a u r o n t d é m o n t r é q u e l ' h o m m e n e se d é c i d e p a s
librement, mais que son psychisme dépend de son état physiologique,
il e n r é s u l t e r a d e s m o d i f i c a t i o n s d a n s la société : l ' i n s t r u c t i o n s e r a
p l u s efficace, p a r c e q u e p l u s r a t i o n n e l l e ; l ' h y g i è n e d i m i n u e r a la c r i -
m i n a l i t é ; p e u t - ê t r e a r r i v e r a - t - o n plus f a c i l e m e n t a u b o n h e u r .
I I I . — C e t t e d o c t r i n e d e L a M e t t r i e e s t t o u t à fait o r i g i n a l e a u
0
XVIII siècle. O n n e voit p a s à q u i il a u r a i t p u la p r e n d r e , P a r c o n t r e ,
D i d e r o t , les e n c y c l o p é d i s t e s Buffon, C a b a n i s , G a l l , p a r a i s s e n t s ' e n
ê t r e i n s p i r é s . C e p e n d a n t L a M e t t r i e n ' a j a m a i s é t é a p p r é c i é c o m m e il
aurait d û l'être. Ses contemporains l'ont sans doute méprisé après
l'avoir pillé. La p o s t é r i t é n ' a p a s été plus j u s t e . Il e s t t r è s v r a i q u e L a
M e t t r i e a de g r a n d s d é f a u t s e t q u e sa d o c t r i n e e s t c r i t i q u a b l e . Mais o n
ne p e u t n i e r q u e ses i d é e s s o i e n t t r è s r e m a r q u a b l e s . P o u r t r o u v e r u n e
œ u v r e a n a l o g u e , il faut a t t e n d r e celle d ' A u g u s t e C o m t e .
*
**
r
D G. BARBIER, Étude médico-psychologique sur Gérard de Nerval.
I. -— G é r a r d d e N e r v a l , m a l g r é u n e i n t e l l i g e n c e e t u n t a l e n t
r e m a r q u a b l e s , a présenté des troubles m e n t a u x dont l'étude intéresse
318 BIBLIOGRAPHIE
V I I . — D e s m e s u r e s d o i v e n t ê t r e p r i s e s p o u r e n r a y e r les p r o g r è s
de l ' é t h é r i q u e q u i t e n d de p l u s en p l u s à m e n a c e r la société d a n s sa
classe intellectuelle.
V I I I . — L e t r a i t e m e n t de l ' é t h é r i q u e s e r a la s u p p r e s s i o n r a d i c a l e
de l ' é t h e r , avec t r a i t e m e n t spécial de la n é v r o s e e t de l ' é t a t m e n t a l
c a r a c t é r i s é de l ' i n d i v i d u .
*
**
R
D Paul GUERRIER, Étude médico-psychologique sur Thomas de Quincey.
I. — T h o m a s d e Q u i n c e y a p p a r t i e n t à u n e famille o ù les t a r e s p a t h o -
l o g i q u e s s o n t n o m b r e u s e s . O n y r e n c o n t r e la t u b e r c u l o s e et des
d é s o r d r e s d u s y s t è m e n e r v e u x . B e a u c o u p d e s e s frères e t s œ u r s s o n t
d e s d é g é n é r é s , des n é v r o p a t h e s .
I L — L u i - m ê m e a v a i t u n e m a u v a i s e s a n t é ; il fut p r e s q u e t o u j o u r s
malade. C'était certainement un n é v r o p a t h e et peut-être un hysté-
rique.
I I I . — A u p o i n t d e v u e m e n t a l , o n r e m a r q u e u n g r a m d défaut
d ' é q u i l i b r e , et u n e a b s e n c e c o m p l è t e d ' h a r m o n i e . L a s e n s i b i l i t é e t
l ' i m a g i n a t i o n a v a i e n t c h e z lui u n d é v e l o p p e m e n t e x a g é r é e t a n o r m a l ,
I V . — T h o m a s de Q u i n c e y é t a i t u n d é g é n é r é . On t r o u v e c h e z lui
le d é f a u t d e p r o p o r t i o n , le m a n q u e d ' é q u i l i b r e , l ' é m o t i v i t é e t l'inéga-
lité au p o i n t de v u e i n t e l l e c t u e l et m e n t a l q u i c a r a c t é r i s e la d é g é n é r e s -
cence.
V . — O n a d m e t g é n é r a l e m e n t q u e T h o m a s de Q u i n c e y a é t é u n opio-
p h a g e et q u e l ' o p i u m e x p l i q u e en g r a n d e p a r t i e l ' œ u v r e d e l ' a u t e u r des
Confessions. Or, il est à p e u p r è s i m p o s s i b l e q u e de Q u i n c e y ait été
le b u v e u r d e l a u d a n u m q u ' i l d é c l a r e a v o i r é t é et q u e l'on c r o i t g é n é -
r a l e m e n t . Il est t r è s v r a i s e m b l a b l e q u e c e l u i q u i e s t s u r t o u t c o n n u
comme mangeur d'opium, n'en a jamais pris que de petites quantités.
L ' é t a t m e n t a l , s e u l , e x p l i q u e b i e n les c a r a c t è r e s d e l ' œ u v r e d e T h o -
m a s de Q u i n c e y .
* •
**
D ' Raymond DELACROIX, Montaigne malade et médecin.
N o u s d i s t i n g u o n s chez M o n t a i g n e le m a l a d e et le m é d e c i n .
A. — M o n t a i g n e m a l a d e .
i° D e s a n t é c é d e n t s h é r é d i t a i r e s d e M o n t a i g n e , n o u s r e l e v o n s les
faits s u i v a n t s : s o n p è r e é t a i t m o r t d e l i t h i a s e v é s i c a l e , sa m è r e était
juive;
2° L e s c o n s é q u e n c e s de c e t t e d o u b l e h é r é d i t é e t de son r é g i m e de
vie o n t é t é :
U n a r t h r i t i s m e n e t q u i s ' e s t m a n i f e s t é c h e z M o n t a i g n e v e r s l ' â g e de
q u a r a n t e - t r o i s a n s p a r de la l i t h i a s e r é n a l e a v e c c o l i q u e s n é p h r é t i q u e s ;
u n t e m p é r a m e n t n e r v e u x c a r a c t é r i s é p a r son a m o u r de la s o l i t u d e ,
BIBLIOGRAPHIE 321
u n e t o u r n u r e d ' e s p r i t m é l a n c o l i q u e , l ' é t u d e c o n t i n u e l l e d e s o n m o i , la
faiblesse d e sa m é m o i r e ; en o u t r e M o n t a i g n e a p r é s e n t é des crises
p a s s a g è r e s d e n e u r a s t h é n i e , a v e c idées d e s u i c i d e ;
3° S o n h é r é d i t é s é m i t e s'est p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t m a n i f e s t é e p a r d e
la v a n i t é , l ' a m b i t i o n e t l ' a m o u r des g r a n d s voyages ;
4° L ' i n f l u e n c e d e ce t e m p é r a m e n t n e u r o - a r t h r i t i q u e s u r l ' œ u v r e d e
M o n t a i g n e e s t é v i d e n t e . Celle-ci n ' e s t q u e la l o n g u e s u i t e des c o n f i -
d e n c e s d ' u n m a l a d e d o n t les a l t e r n a t i v e s d ' e s p o i r et d e d é c o u r a g e m e n t
e x p l i q u e n t les c o n t r a d i c t i o n s q u i a b o n d e n t d a n s les « Essais ».
B. — Montaigne médecin.
M o n t a i g n e n o u s a laissé :
U n e d e s c r i p t i o n t r è s c o m p l è t e d e s s y m p t ô m e s d e sa m a l a d i e , ^des
r e m a r q u e s très originales sur l'action des eaux t h e r m a l e s , u n e théorie
s u r le p o u v o i r t h é r a p e u t i q u e de la s u g g e s t i o n , enfin u n e x p o s é d e t h é -
r a p e u t i q u e e x p é r i m e n t a l e e t d e c r i t i q u e scientifique, où il r e c o m m a n d e
a u x s a v a n t s le m é p r i s d e s t h é o r i e s a priori, la r e c h e r c h e d e s p h é n o -
m è n e s n a t u r e l s a v e c l e u r vérification p r é c i s e , le d o u t e , q u a l i t é d e s
v r a i s s a v a n t s . M o n t a i g n e a é t é m o i n s u n p r é c u r s e u r d e la m é t h o d e
e x p é r i m e n t a l e q u ' u n d é f e n s e u r de l ' e m p i r i s m e .
*•
**
1
D ' Léonce DURBAN, De la Suffocation par enfouissement des corps vivants.
a s p h y x i q u e , p o u m o n e m p h y s é m a t e u x r o s e ou r o u g e , p r é s e n t a n t de
n o m b r e u s e s e c c h y m o s e s p o n c t u é e s , c o n g e s t i o n du foie, et d a n s nos
e x p é r i e n c e s , d o c i m a s i e h é p a t i q u e n é g a t i v e , c o n g e s t i o n f r é q u e n t e du
cerveau.
M a i s il f a u t t e n i r c o m p t e d a n s l ' e n f o u i s s e m e n t d ' u n a u t r e é l é m e n t
t r è s i m p o r t a n t : la p r é s e n c e de s u b s t a n c e s p u l v é r u l e n t e s a u t o u r du
c o r p s ; la p é n é t r a t i o n d e ces s u b s t a n c e s d a n s l ' o r g a n i s m e est différente
s u i v a n t q u e l ' i n d i v i d u a été enfoui p e n d a n t la vie ou a p r è s sa m o r t .
D a n s le p r e m i e r cas, il est f r é q u e n t d ' o b s e r v e r l e u r p r é s e n c e d a n s les
voies digestives s u p é r i e u r e s ( b r o n c h e s , p h a r y n x , œ s o p h a g e ) ; l e u r
p é n é t r a t i o n d a n s l ' e s t o m a c est p o s s i b l e , m a i s plus r a r e . Q u a n t à leur
p é n é t r a t i o n d a n s la t r a c h é e et les b r o n c h e s , e l l e n ' e s t p o s s i b l e q u e si
les m o l é c u l e s e n v a h i s s a n t e s s o n t p e t i t e s e t de faible d e n s i t é . M a i s a l o r s ,
elle a été si s o u v e n t o b s e r v é e q u ' o n p e u t la c o n s i d é r e r c o m m e c o n s -
t a n t e . Q u a n d l ' e n f o u i s s e m e n t est s u r v e n u a p r è s la m o r t , la p é n é t r a t i o n
d e s s u b s t a n c e s p u l v é r u l e n t e s d a n s les voies digestives e t les voies
a é r i e n n e s au d e l à d u p h a r y n x n ' a j a m a i s été c o n s t a t é e .
L ' e x p e r t i s e m é d i c o - l é g a l e est d é l i c a t e ; il faut se d e m a n d e r d ' a b o r d
si les s u b s t a n c e s p u l v é r u l e n t e s t r o u v é e s d a n s les o r g a n e s , d a n s l ' œ s o -
p h a g e s u r t o u t , y o n t é t é i n t r o d u i t e s i n t e n t i o n n e l l e m e n t , d a n s le b u t
d ' a m e n e r la m o r t ; d a n s ce cas, il y a s o u v e n t des traces d e violence
s u r la m u q u e u s e b u c c a l e ; c e t t e h y p o t h è s e é c a r t é e , il e s t s o u v e n t facile
d e d i r e si l ' i n d i v i d u a été enfoui p e n d a n t sa v i e ; il est p l u s m a l a i s é de
r e c o n n a î t r e s'il a été enfoui a p r è s s a mo.rt.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
(Séance des 21 et 28 janvier 1908.)
M . PINARD. — A u n o m de M M . L a c a s s a g n e , P i n a r d e t T h o i n o t , j ' a i
l ' h o n n e u r d e p r o p o s e r à l ' A c a d é m i e d ' é m e t t r e le v œ u s u i v a n t , c o m m e
c o n c l u s i o n à la c o m m u n i c a t i o n faite à la d e r n i è r e s é a n c e p a r M M . La-
cassagne et Thoinot :
« L ' A c a d é m i e é m e t le v œ u q u e d e s d i s p o s i t i o n s s o i e n t i n t r o d u i t e s
au p l u s tôt d a n s la l é g i s l a t i o n p o u r d o n n e r t o u t e s g a r a n t i e s de la com-
p é t e n c e des e x p e r t s a u c r i m i n e l e t t o u t e s g a r a n t i e s au c o r p s médical
d a n s les q u e s t i o n s de r e s p o n s a b i l i t é m é d i c a l e . »
Ce v œ u , mis a u x v o i x , est a d o p t é à l ' u n a n i m i t é .
NOUVELLES 325
N O U V E L L E S
e
Le X V I I I Congrès des médecins aliénistes et neurolo-
gistes d e F r a n c e e t des p a y s d e l a n g u e f r a n ç a i s e se t i e n d r a c e t t e
r
a n n é e à D i j o n , d u 3 a u 9 a o û t , s o u s la p r é s i d e n c e d e M . le D CULERRE,
m é d e c i n - d i r e c t e u r d e l'Asile d e L a Roche-sur-Y011.
D e s r a p p o r t s y s e r o n t p r é s e n t é s s u r les q u e s t i o n s s u i v a n t e s c h o i s i e s
p a r le C o n g r è s d e G e n è v e e t L a u s a n n e :
a) P s y c h i a t r i e : les Troubles mentaux par anomalies des glandes à
r
sécrétion interne ( R a p p o r t e u r , M . l e D LAIGNEL-LAVASTINE, d e P a r i s L
b) N e u r o l o g i e : Diagnostic et formes cliniques des névralgies (Rap-
r
p o r t e u r , M . le D VERGER, d e B o r d e a u x ) .
c) A s s i s t a n c e des aliénés : Assistance des enfants anormaux (Rap-
r
p o r t e u r , M . le D CHAROK, d ' A m i e n s ) .
e
L'opium à Paris. — L e 3o o c t o b r e d e r n i e r , M " ' J u l i e H o u s c a l ,
m a r c h a n d e d ' o b j e t s c h i n o i s e t j a p o n a i s , é t a i t c o n d a m n é e p a r le T r i b u n a l
c o r r e c t i o n n e l à 1.000 francs d ' a m e n d e p o u r a v o i r v e n d u d e l ' o p i u m à
ses clients e t a v o i r m ê m e i n s t a l l é u n e f u m e r i e .
Elle fit a p p e l d e ce j u g e m e n t e t le p r o c è s r e v e n a i t le i 3 février
d e v a n t la n e u v i è m e C h a m b r e d e la C o u r , p r é s i d é e p a r M . B e r r .
T o u t d ' a b o r d , o n s'est o c c u p é d e l a q u e s t i o n d e fait. L e p r é s i d e n t
m e
a y a n t fait r e m a r q u e r q u e M J u l i e H o u s c a l a v a i t e n v o y é de l ' o p i u m
à ses c l i e n t s , q u ' u n e p e r q u i s i t i o n o p é r é e à s o n d o m i c i l e avait révélé la
p r é s e n c e d a n s u n e b o î t e e n f e r - b l a n c d e r é s i d u s d e p i p e s , bref q u ' o n
f u m a i t l ' o p i u m chez elle, l ' a p p e l a n t e a e x p l i q u é : « T o u t e s les p e r -
s o n n e s q u i m ' e n o n t a c h e t é m e s u p p l i a i e n t d e l e u r e n v e n d r e . J e le
faisais q u a n d j e p o u v a i s . J e n e p e n s a i s d ' a i l l e u r s p o i n t q u e la v e n t e
p û t en être i n t e r d i t e ; j e l'achetais soit e n adjudication publique à
l ' h ô t e l d e s v e n t e s , soit à S a i g o n , e n m ' a d r e s s a n t à la r é g i e . »
E t c o m m e M . B e r r l u i faisait o b s e r v e r q u ' e l l e n ' i g n o r a i t p a s la n o c i -
vité d e l ' o p i u m e t la p r o h i b i t i o n d e la v e n t e de ce p o i s o n , elle a
répliqué : « J e l'ignorais complètement. J e supposais que, du moment
q u e la régie d e l ' E t a t f r a n ç a i s m ' e n v e n d a i t à r a i s o n d e IOO francs le
k i l o g r a m m e , j ' a v a i s le m ê m e d r o i t vis-à-vis d e m e s c l i e n t s , o u alors j e
n'y comprends plus rien... »
10
Le p r é s i d e n t a a l o r s r é s u m é la q u e s t i o n d e fait : M " J u l i e Houscal
a v a i t u n e n o m b r e u s e c l i e n t è l e c o m p o s é e e n m a j e u r e p a r t i e d'officiers
e t de f e m m e s d u m e i l l e u r m o n d e . A p r è s q u o i o n a a b o r d é la q u e s t i o n
de jurisprudence.
E n l ' é t a t a c t u e l d e l a l é g i s l a t i o n , t r o i s t e x t e s d é f e n d e n t la v e n t e de
NOUVELLES 327
A u x E t a t s - U n i s . — L e j u g e d e la C o u r s u p r ê m e d u N e w - J e r s e y
a f r a p p é d ' u n e a m e n d e 5o dollars c h a c u n douze j u r é s q u i , n e p o u v a n t
se m e t t r e d ' a c c o r d s u r u n v e r d i c t , a v a i e n t , p o u r e n finir, d é c i d é d e
j o u e r à pile o u face la c o n d a m n a t i o n ou l ' a c q u i t t e m e n t d ' u n c o n d u c t e u r
de t r a m w a y q u i a v a i t é c r a s é u n e p e t i t e fille.
N . R o o s e v e l t , e n t i r a n t à la c o u r t e paille e t e n d i s t r i b u a n t à pile o u
face q u e l q u e s fonctions p u b l i q u e s s u r l ' a t t r i b u t i o n d e s q u e l l e s il n ' a v a i t
pu m e t t r e d ' a c c o r d les s é n a t e u r s d ' u n é t a t d e l ' U n i o n , avait d o n n é u n
m a u v a i s e x e m p l e a u x j u r é s d e N e w - J e r s e y ; m a i s le j u g e n ' a p a s c o n -
sidéré cela c o m m e u n e c i r c o n s t a n c e a t t é n u a n t e .
L'imprinieur-Géranl : A. REY.
OUVRAGES R E Ç U S
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE MÉDE-CTN'E^i-ÉGALE
ET DE PSYCHOLOGIE"^ORMALEF-jpT PATHOLOGIQUE
AFFAIRE WEBER
Q u e l e s e x p e r t s T h o i n o t e t S o c q u e t o n t c o n c l u à u n e m o r t n a t u r e l l e pro-
d u i t e par u n c a s d e fièvre t y p h o ï d e a m b u l a t o i r e , b i e n q u e le c a d a v r e , déjà
d i s s é q u é t r o i s m o i s a v a n t , fût d a n s u n é t a t d e puti-éfaction a v a n c é e ;
r s
Que les D Bruneau et Audiat c o n t e s t e n t très é n e r g i q u e m e n t les résul-
tats que l e s experts de Paris affirment avoir o b t e n u s , et m a i n t i e n n e n t
complètement leurs premières conclusions ;
Qu'il y a d o n c c o n t r a d i c t i o n a b s o l u e e n t r e l e s e x p e r t s d e P a r i s et c e u x
de Châteauroux,
Et qu'il i m p o r t e d e s o u m e t t r e t o u t e la p r o c é d u r e , c e l l e s u i v i e à P a r i s , et
l e s r a p p o r t s d ' e x p e r t s à t r o i s n o u v e a u x e x p e r t s : MM. B r i s s a u d , d o c t e u r
e n m é d e c i n e à P a r i s ; L a n d e , d o c t e u r e n m é d e c i n e à B o r d e a u x , e t Mairet,
d o y e n d e la F a c u l t é d e m é d e c i n e d e M o n t p e l l i e r ;
L e s q u e l s après avoir pris c o n n a i s s a n c e de toutes l e s pièces c o m m u n i -
q u é e s et d e s rapports m é d i c o - l é g a u x , soit à Châteauroux, s o i t en tout
autre lieu à leur c o n v e n a n c e , pour c o n n a î t r e dans un rapport, n o t a m m e n t :
r s
Si l e s c o n c l u s i o n s d e s D B r u n e a u e t A u d i a t , q u i o n t a u t o p s i é l e c a d a v r e
quelques jours après la mort, p e u v e n t être accueillies;
, s
S i l ' o p i n i o n é m i s e a p r è s la s e c o n d e a u t o p s i e p a r l e s D T h o i n o t e t
S o c q u e t e s t suffisamment justifiée par l e u r s c o n s t a t a t i o n s sur un cadavre
i n h u m é d e p u i s trois m o i s et qui avait é t é déjà autopsié (étant o b s e r v é que
c e s d o c t e u r s o n t e m p o r t é à P a r i s , p o u r ê t r e s o u m i s à un e x a m e n , d e s
f r a g m e n t s d ' i n t e s t i n p l a c é s d a n s , d e s t u b e s , e t o n t g a r d é l e s i l e n c e s u r le
résultat de leur examen) ;
Si, m ê m e , l ' h y p o t h è s e d ' u n e f i è v r e t y p h o ï d e a m b u l a t o i r e e s t c o m p a t i b l e
a v e c l e s d é c l a r a t i o n s d e s t é m o i n s q u i o n t a t t e s t é q u e l e 16, B a v o u z e t était
très gai, sautait, chantait avec s e s p e t i t s camarades, et ne s'est senti
i n d i s p o s é q u ' a p r è s a v o i r m a n g é d o la g a l e t t e , bu d u v i n , e t s ' ê t r e m o u i l l é
les pieds :
Si a p r è s l ' é v o l u t i o n d e la f i è v r e t y p h o ï d e a m b u l a t o i r e t e l l e q u ' e l l e s e
r s
serait manifestée d'après les D T h o i n o t et Socquet, chez Auguste
B a v o u z e t , l e 16 avril a u s o i r , p a r d e la f i è v r e e t d e s d o u l e u r s d e t ê t e , il
e s t a d m i s s i b l e q u ' u n e a m é l i o r a t i o n a s s e z s e n s i b l e s e s o i t p r o d u i t e , l e 17,
a v a n t 6 h e u r e s du m a t i n j u s q u ' à au m o i n s 7 h e u r e s , p o u r q u e l ' e n f a n t ait
d e m a n d é à s e l e v e r , à m a n g e r , à a l l e r à l ' é c o l e e t ait e n t r e t e n u a v e c sa
sœur Germaine et avec son père une conversation sans accuser aucune
fatigue inquiétante ;
C o m m e n t Auguste Bavouzet a pu entrer b r u s q u e m e n t en agonie pendant
u n e c o u r t e a b s e n c e d e s o n p è r e , a l o r s q u ' i l é t a i t r e s t é s e u l a v e c la f e m m e
W e b e r , e t q u e r i e n n e f a i s a i t p r é v o i r u n e a g g r a v a t i o n si r a p i d e d e s o n
i n d i s p o s i t i o n ou d e sa m a l a d i e ;
r s
Si l ' é p a n c h e m e n t d e s a n g d a n s l e p é r i c a r d e c o n s t a t é p a r l e s D Bruneau
e t A u d i a t é t a i t u n e c o n s é q u e n c e d e la f i è v r e t y p h o ï d e a m b u l a t o i r e s i g n a l é e
par MM. T h o i n o t e t S o c q u e t , o u , s'il d o i t ê t r e a t t r i b u é à u n t r a u m a t i s m e ,
à u n e a c t i o n v i o l e n t e s u r l e c œ u r o u la r é g i o n é p i g a s t r i q u e :
Si l e s s i l l o n s r e m a r q u é s e t c o n s t a t é s s u r l e f r o n t et s u r t o u t s u r l e cou
par d e n o m b r e u x t é m o i n s , e t p r i n c i p a l e m e n t p a r l e s e x p e r t s B r u n e a u et
A u d i a t , e t n o t é s d a n s l e p r o c è s - v e r b a l d e c o n s t a t d u n'A a v r i l , e t d o n t l e s
e x p e r t s de Paris p a r a i s s e n t n'avoir t e n u aucun c o m p t e , p e u v e n t être à
b o n d r o i t c o n s i d é r é s c o m m e d e s t r a c e s c e r t a i n e s d e v i o l e n c e s p e n d a n t la
vie do l ' e n f a n t .
AFFAIRE WEBER 349
m o s e r o u g e â t r e fait l e t o u r d u c o u e t s e m b l e p r o d u i t e p a r l e c o l d e la
c h e m i s e de l'enfant qui, boutonné, s'adapte parfaitement à l'empreinte
constatée.
Sur l e s parties d é c l i v e s du corps et sur l e s c u i s s e s , o n constate
deux l a r g e s traces e c c h y m o t i q u e s telles qu'on p e u t e n apercevoir s o u v e n t
sur l e cadavre d'individus ayant s u c c o m b é à d e s affections diverses.
Ces t a c h e s n'ont aucun caractère p a t h o g n o m o n i q u e . Rien autre c h o s e à
noter.
Des r e n s e i g n e m e n t s fournis et de l'étude d e s circonstances qui ont
e n t r a î n é la m o r t d e c e t e n f a n t ( m o r t q u i a é t é r a p i d e , m a i s n o n p a s s u b i t e ) ,
il s e m b l e r é s u l t e r q u e c e t e n f a n t q u i , d e p u i s q u i n z e j o u r s déjà, é t a i t m a n i -
f e s t e m e n t souffrant, q u i s e p l a i g n a i t d e la t ê t e , q u e s o n m a î t r e d ' é c o l e a
vu à plusieurs reprises s e c o u c h e r sur s o n pupitre, pâlir s u b i t e m e n t , e t c . ,
que c e t enfant, d i s - j e , était atteint d'accidents m é n i n g é s e t qu'il a é t é pris
d'accidents convulsifs c o n s t a t é s par le m é d e c i n traitant et qui ont a m e n é
la m o r t .
Conclusion. — L a m o r t d e c e t e n f a n t s e m b l e a v o i r é t é p r o d u i t e p a r d e s
p h é n o m è n e s convulsifs consécutifs à des accidents méningés préexistant
d e p u i s u n e quinzaine de jours. En tous c a s , t o u t e i d é e criminelle doit être
écartée.
C h â t e a u r o u x , l e 19 avril 1907,
r
S i g n é : D AUDI AT.
1
Le D ' Audiat ayant dans son rapport attribué la mort du jeune
Auguste Bavouzet à une cause naturelle (accidents méningés) et
ayant exclu toute présomption de crime, le permis d'inhumer fut
délivré et le hameau de Chambón parut reprendre sa tranquillité
habituelle.
Peu de jours après, Germaine Bavouzet ayant appris que
Jeanne Moulinet, la soi-disant cousine de son père, n'était autre
que Jeanne Weber, n'hésita pas à accuser celle-ci de la mort de
son frère (cote 91) et la dénonça k la gendarmerie.
Avisé de cette dénonciation, le Parquet de- Châteauroux juge
indispensable de procéder k une information régulière, et MM. les
s
D'' Audiat et Bruneau, de Châteauroux, sont requis par M. le
Juge d'instruction k l'effet de procéder à l'autopsie après exhu-
mation du cadavre du jeune Bavouzet. décédé le 17 avril k
9 heures du matin".
Ces deux praticiens se transportent le a3 avril au cimetière de
Villedieu où. vers \ heures de l'après-midi, ils procèdent k l'au-
topsie du cadavre d'Auguste Bavouzet et font les constatations
dont ils donnent les résultats dans un rapport en date du '.) mai
1907 (cote 83).
Nous reproduisons ici presque tout l'ensemble de ce rapport, en
354 .NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
D e c h a q u e c ô t é d e la s c i s s u r e i n t e r - h é m i s p h é r i q u e , n o u s t r o u v o n s plu-
s i e u r s g r o u p e s d e p e t i t e s g r a n u l a t i o n s d'un b l a n c g r i s â t r e , i n d i c e d'une
m é n i n g i t e t u b e r c u l e u s e t o u t à fait au d é b u t .
La p i e - m è r e e t l ' a r a c h n o ï d e p r é s e n t e n t q u e l q u e s a d h é r e n c e s , m a i s très
l i m i t é e s , d u c ô t é d e la s c i s s u r e i n t e r - h é m i s p h é r i q u e .
L e s parties l a t é r a l e s antérieures et p o s t é r i e u r e s du cerveau sont
i n d e m n e s d e t u b e r c u l e s . Il e n e s t d e m ê m e d e la f a c e i n f é r i e u r e , m o i n s
c o n g e s t i o n n é e que la partie c o n v e x e .
L e c e r v e a u e t l e b u l b e n'offrent rien d ' a n o r m a l .
L e c e r v e a u , s e c t i o n n é e n t r a n c h e s s u c c e s s i v e s , n'a, d a n s s e s d i f f é r e n t e s
c o u p e s , a u c u n e l é s i o n a p p r é c i a b l e . On n e t r o u v e d a n s l e s v e n t r i c u l e s ni
s a n g , ni s é r o s i t é , ni p u s . La s u b s t a n c e c é r é b r a l e p a r a î t n o r m a l e .
DISCUSSION. — A p r è s e x a m e n d e t o u t e s c e s p a r t i e s , il n o u s e s t difficile
d ' a r r i v e r à d e s c o n c l u s i o n s a b s o l u e s au s u j e t d e l a m o r t d u j e u n e A u g u s t e
Bavouzet.
T o u t e f o i s , il n o u s s e m b l e d é m o n t r e r q u e l e s e m p r e i n t e s s i g n a l é e s a u t o u r
du c o u d e l ' e n f a n t , q u e l e s i l l o n i n d i q u é s u r l e f r o n t , s o n t d u s à d e s v i o -
l e n c e s e x e r c é e s p e n d a n t l a v i e et q u e c e s v i o l e n c e s o n t pu ê t r e p r o d u i t e s
au m o y e n d'un g a l o n o u d ' u n m o u c h o i r d o n t l e s e x t r é m i t é s o n t é t é f o r t e -
m e n t t i r é e s e n a r r i è r e e t p e u t - ê t r e t o r d u e s p a r la m a i n , d o n t l e s d o i g t s
p r e n a n t s o n t d û s e p l a c e r e n t r e la p e a u d u c o u d e l ' e n f a n t e t l e s d e u x
c h e f s du m o u c h o i r o u d u g a l o n .
La s o l u t i o n d e c o n t i n u i t é du c o l l i e r e c c h y m o t i q u e e n a r r i è r e e t à d r o i t e
serait une p r é s o m p t i o n en faveur de c e t t e façon d'agir.
L'état c o n g e s t i f d u p o u m o n , m a l g r é l ' a b s e n c e d ' e c c h y m o s e s s o u s - p l e u -
rales, l ' é p a n c h e m e n t s a n g u i n du péricarde, s o n t en faveur d'une violente
c o m p r e s s i o n d u c o u a y a n t p u a m e n e r d e s s y m p t ô m e s d ' a s p h y x i e e t d e la
suffocation.
L ' e x a m e n du c e r v e a u d é m o n t r e q u e l ' e n f a n t c o u v a i t u n e m é n i n g i t e t u b e r -
c u l e u s e , qu'il é t a i t t o u t à fait au d é b u t d e c e t t e a f f e c t i o n , à u n e p é r i o d e où
la m o r t n e s u r v i e n t p a s h a b i t u e l l e m e n t .
La q u e s t i o n d ' é p a n c h e m e n t d e s a n g d a n s l e p é r i c a r d e n o u s a b e a u c o u p
préoccupés.
C e s é p a n c h e m e n t s s a n g u i n s s o n t rares en d e h o r s d e s t r a u m a t i s m e s ; on
l e s s i g n a l e c h e z l e s t u b e r c u l e u x e t l e s c a n c é r e u x a r r i v é s à la d e r n i è r e
p é r i o d e d e la c a c h e x i e e t e n c o r e c o m m e d e s f a i t s p e u f r é q u e n t s .
N o u s n o u s s o m m e s d e m a n d é si c e t é p a n c h e m e n t s a n g u i n n e s e r a i t pas d û ,
c h e z l e j e u n e B a v o u z e t , à u n e c o m p r e s s i o n d u c œ u r p a r u n e m a i n forte-
m e n t a p p l i q u é e s u r la r é g i o n c a r d i a q u e e t à l ' é p i g a s t r e o u m ê m e à d e s
c h o c s b r u s q u e s p o r t é s à la r é g i o n é p i g a s t r i q u e .
C e s c h o c s e t c e t t e p r e s s i o n s u r u n e s u r f a c e l a r g e e t m o l l e o n t pu n e
l a i s s e r a u c u n s i g n e e x t é r i e u r . Il n o u s e s t d i f f i c i l e , e n l a c i r c o n s t a n c e ,
d'émettre u n avis absolu.
Il s e m b l e b i e n q u e d e s é p a n c h e m e n t s s a n g u i n s p u i s s e n t s e produire à
la s u r f a c e d e s p o u m o n s e t d u c œ u r par u n e p r e s s i o n l e n t e et c o n t i n u e à
l ' é p i g a s t r e o u par d e s c h o c s r é p é t é s e n c e t t e r é g i o n .
L e s c a s d e c e t t e n a t u r e n e s o n t p a s c o m m u n s d a n s la s c i e n c e , e t tout
e n a d m e t t a n t la p o s s i b i l i t é d e c e g e n r e d e m o r t , il n e n o u s e s t p a s p e r m i s ,
e n la c i r c o n s t a n c e , d'en a c c u s e r la c e r L i t u d e a b s o l u e .
L ' é p a n c h e m e n t s a n g u i n du p é r i c a r d e c o n s t a t é à l ' a u t o p s i e d u j e u n e
356 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
B a v o u z e t , n e paraît p a s c o m p a t i b l e a v e c u n e a c t i v i t é p h y s i q u e n o r m a l e . Il
e s t d o n c d e t o u t e p r o b a b i l i t é q u e c e t e n f a n t , q u i a v a i t c i r c u l é t o u t e la
j o u r n é e la v e i l l e d e s a m o r t , n ' e n p o r t a i t p a s t r a c e à c e m o m e n t , car c e t
é p a n c h e m e n t a dû s e faire r a p i d e m e n t , l a n u i t p e n d a n t l a q u e l l e i l a é t é
m a l a d e e t , d a n s c e c a s , il e s t b i e n d i f f i c i l e d e n e pas l ' a t t r i b u e r s o i t à d e s
v i o l e n c e s f a i t e s d a n s la r é g i o n é p i g a s t r i q u e o u p r é c o r d i a l e , s o i t à la t e n t a -
t i v e d e s t r a n g u l a t i o n s u b i e par l ' e n f a n t .
CONCLUSIONS. — En s o m m e , p o u r n o u s r é s u m e r , n o u s n o u s t r o u v o n s e n
p r é s e n c e d'un s u j e t q u i a s u b i d e s v i o l e n c e s c e r t a i n e s a u c o u , p o s s i b l e s au
cœur.
Malgré tout, n o u s n e p o u v o n s affirmer d'une façon a b s o l u e , d'une façon
t o u t à fait s û r e e t c e r t a i n e , q u e l a m o r t du j e u n e B a v o u z e t t i e n n e à c e s
violences.
N o u s p o u v o n s d i r e : la c h o s e e s t p o s s i b l e , n o u s a v o n s d e s t e n d a n c e s
à l e c r o i r e , m a i s il n e n o u s s e m b l e p a s q u e n o u s a y o n s l e d r o i t d'aller p l u s
loin.
L e s s i g n e s de m é n i n g i t e au début ne nous autorisent p a s , non plus, à
a t t r i b u e r la m o r t à c e t t e a f f e c t i o n , m a i s la p r é s e n c e d e c e s symptômes,
m ê m e d e début, est u n e difficulté do p l u s pour l e s e x p e r t s e t les oblige h
d e s r é s e r v e s d o n t il n e s e m b l e p a s p o s s i b l e q u ' i l s p u i s s e n t s e départir,
Châteauroux, 3 mai 1907.
1 1
S i g n é : D ' AUDIAT, D ' BRUNEAU.
0
Prévenu de cette opération judiciaire, M Henri Robert adressa
le 11 mai 1907 une lettre (cote 100) a M. l e Juge d'instruction d e
rs
Châteauroux, par laquelle il demandait que MM. les D Thoinot
r
et Socquet, a} ant connu l'affaire de 1906 concernant Jeanne
Weber, fussent commis et adjoints aux e x j D e r t s de Château-
roux.
Le 17 mai 1907, M" Henri Robert adressa une deuxième lettre
(cote n o ) dans laquelle il insiste pour que s a requête soit prise
en considération.
1
Le D ' Ogier, chef du laboratoire de toxicologie à la Préfecture
de Police, commis, sur commission rogatoire de M. Albanel,
Juge d'instruction au Tribunal de la Seine, pour l'exemen d e
l'estomac d'Âu<mste Bavouzet, sur commission rogatoire de M. l e
Juge d'instruction de Châteauroux. déposait le a 3 mai s o n
rapport d'expertise dont il convient de relater les deux points
principaux :
L e b o c a l c o n t i e n t un e s t o m a c b a i g n a n t d a n s d e l ' a l c o o l . L e p o i d s do
l ' e s t o m a c e s t do n o g r a m m e s . L e v o l u m e de l ' a l c o o l e s t d e fi3o c e n t i -
mètres cubes.
L ' e s t o m a c e s t v i d e e t l ' a n a l y s e n'a r é v é l é la p r é s e n c e d ' a u c u n e s u b s t a n c e
t o x i q u e d a n s l ' e s t o m a c du j e u n e A u g u s t e B a v o u z e t , e t r i e n n ' i n d i q u e q u e
c e t e n f a n t ait s u c c o m b e h un e m p o i s o n n e m e n t .
S i g n é : J. OGIER.
AFFAIRE WEBER 357
I
362 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
Nous notons que l'état des ganglions mésentériques n'est pas signalé
dans le rapport des premiers experts.
Les reins ne présentaient rien de particulier. Le 'cerveau putréfié n'est
plus qu'une bouillie informe.
I
!
366 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
i° N o u s n o u s c r o y o n s p a r f a i t e m e n t a u t o r i s é s à affirmer q u e i e j e u n e
B a v o u z e t n'a n u l l e m e n t s u c c o m b é a u n e m o r t v i o l e n t e , qu'il n'a é t é v i c t i m e
d ' a u c u n e t e n t a t i v e d e s t r a n g u l a t i o n à la m a i n o u a u l i e n , p a s p l u s d ' a i l l e u r s
q u e d e s u f f o c a t i o n par c o m p r e s s i o n à la m a i n d e la rég-ion p r é c o r d i a l e .
0
2 N o u s n o u s c r o y o n s p a r f a i t e m e n t a u t o r i s é s à affirmer qu'il a s u c c o m b é
n a t u r e l l e m e n t à une fièvre t y p h o ï d e du type clinique ambulatoire, parvenue
à la d e u x i è m e o u t r o i s i è m e s e m a i n e d e s o n é v o l u t i o n .
N o u s a v o n s , e n effet, t r o u v é s u r l e c a d a v r e l e s l é s i o n s c a r a c t é r i s t i q u e s
d e la fièvre t y p h o ï d e . C e s l é s i o n s n ' e u s s e n t p u é c h a p p e r a u x p r é c é d e n t s
e x p e r t s , s'ils a v a i e n t p r i s s o i n d'ouvrir l ' i n t e s t i n , c e q u ' i l s n ' o n t p a s fait.
3 a o û t 1907. Signé : SOCQUET. THOINOT.
REVUE CRITIQUE
1
C H R O N I Q U E A L L E M A N D E
1
L ' i m p r e s s i o n d e c e t t e c h r o n i q u e , r e ç u e l e 3r m a i 1907, a été retardée par
des circonstances indépendantes de notre volonté.
- HAXS G n o s s ( p r é s e n t e m e n t p r o f , à G r a t z ) , Kriminal-Pscyholo![ie, i r
édition,
19OD, L e i p s i g . V e r l a g v o n F . C , AV. A ' o g e l . g r . in-8° d e 701 p a g e s .
368 REVUE CRITIQUE
b i o g r a p h i e s , d e c o n f e s s i o n s , de m é d i t a t i o n s , d e m é m o i r e s e t d e pièces
de vers, q u i o n t été écrits p a r des criminels et recueillis p e n d a n t de
nombreuses années par l'auteur, chapelain d'un pénitencier d'Amberg,
en B a v i è r e . O n se t r o m p e r a i t si l ' o n p e n s a i t t r o u v e r , d a n s c e t t e é t u d e ,
des d o c u m e n t s d e c r i m i n a l i t é ; il n e s ' a g i t b i e n u n i q u e m e n t q u e d ' u n e
c o n t r i b u t i o n à la c o n n a i s s a n c e d e l ' â m e d e s c r i m i n e l s , c o m m e M . Gross
a soin d e le faire r e m a r q u e r d a n s la préface q u ' i l a é c r i t e p o u r a n n o n -
r
c e r ce t r a v a i l . L a p u b l i c a t i o n d e s a r t i c l e s d u D J a e g e r e s t a c t u e l l e -
1
Voir Archives d'Anthropoloqie criminelle, t. X X I , n ° 149, i5 m a i 1906,
p . 38o, 38; et 382.
D r
P.-L. Ladame. — CHRONIQUE ALLEMANDE 369
m e n t t e r m i n é e ; elle est de n a t u r e à i n t é r e s s e r t o u s c e u x q u i s'occu-
p e n t d ' a n t h r o p o l o g i e c r i m i n e l l e ; c'est p o u r q u o i j ' e n d o n n e r a i ici u n
r é s u m é s u c c i n c t p o u r les l e c t e u r s des Archives.
M a l h e u r e u s e m e n t , l ' a u t e u r a s é p a r é , des d o c u m e n t s q u i l e u r appar-
t i e n n e n t (et q u i s o n t d i s s é m i n é s d a n s d i x l i v r a i s o n s ! ) , les c o u r t e s
n o t i c e s b i o g r a p h i q u e s s u r les d é t e n u s , e n p l a ç a n t ces n o t i c e s t o u t e s
e n s e m b l e au c o m m e n c e m e n t de son t r a v a i l . 11 faut d o n c y r e v e n i r
c h a q u e fois q u ' o n e n t r e p r e n d la l e c t u r e d ' u n d o c u m e n t , si l'on
v e u t en c o n n a î t r e l ' a u t e u r et savoir de q u e l s c r i m e s o u d é l i t s il s'est
r e n d u c o u p a b l e . Il e û t é t é facile d e r e m é d i e r à c e t i n c o n v é n i e n t .
O n a u r a i t p u c o n d e n s e r aussi l ' a b o n d a n c e d e c e r t a i n e s a u t o b i o g r a p h i e s
e t de c e r t a i n e s d i s s e r t a t i o n s p a r t r o p e x u b é r a n t e s . Enfin, on s e n t à
la l e c t u r e q u e b e a u c o u p d e ces é c r i t s o n t é t é c o m p o s é s p a r les d é t e n u s
d a n s l ' i n t e n t i o n é v i d e n t e de se faire b i e n v e n i r e t d ' i n s p i r e r de l ' i n t é -
r ê t à celui q u i les d e m a n d a i t , ce qui l e u r e n l è v e le c a r a c t è r e essentiel
d u d o c u m e n t p s y c h o l o g i q u e , d o n t la v a l e u r est ici t r è s i n é g a l e d ' a i l -
l e u r s . Ces d o c u m e n t s n ' e n r e s t e n t p a s m o i n s fort i n t é r e s s a n t s .
J a e g e r ne p a r a î t a v o i r a u c u n e idée d e s t r a v a u x c o n s i d é r a b l e s q u i o n t
é t é p u b l i é s s u r la p s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e e n F r a n c e , en A n g l e t e r r e , e n
I t a l i e , e n R u s s i e et e n A m é r i q u e . Il cite c e p e n d a n t L o m b r o s o ( d ' a p r è s les
t r a d u c t i o n s a l l e m a n d e s de \ Uomo delinquente e t des Palimpsestes); il
c é l è b r e les m é r i t e s de la SCIENCE ALLEMANDE q u i a d é m o n t r é l ' i n a d m i s s i -
bilité d e ses h y p o t h è s e s . « C e l u i qui n e c o n s i d è r e le c r i m i n e l , dit-il,
et m ê m e l ' h o m m e e n g é n é r a l , q u ' a u p o i n t de v u e p u r e m e n t zoolo-
gique m e fait l'effet d ' u n a p p r e n t i t y p o g r a p h e q u i j u g e r a i t de la
n a t u r e d ' u n e c o m p o s i t i o n de R . W a g n e r au s e u l p o i n t d e v u e de
l'encre d'imprimerie » !
L ' a u t e u r se v a n t e aussi d ' a v o i r eu b i e n p l u s s o u v e n t q u e L o m b r o s o
l'occasion de faire d e s é t u d e s s u r les c r i m i n e l s . Il a été en r e l a t i o n s
a v e c p l u s de mille c r i m i n e l s ( d o n t il a c h o i s i t r e n t e - d e u x p o u r son
é t u d e p s y c h o l o g i q u e ) , et, t a n d i s q u e L o m b r o s o n ' a recueilli ses p a l i m p -
sestes q u e p e n d a n t q u a t r e a n s d a n s d e u x p r i s o n s c e l l u l a i r e s et d a n s
u n e p r i s o n d e f e m m e s , lui J a e g e r a r é u n i c o n s c i e n c i e u s e m e n t ses
m a t é r i a u x p e n d a n t i 5 a n s d a n s u n g r a n d p é n i t e n c i e r b a v a r o i s , et d a n s
u n e p r i s o n p l u s g r a n d e e n c o r e . Il n ' y a d u r e s t e r i e n d a n s les p a l i m p -
sestes d e L o m b r o s o d o n t la s c i e n c e a l l e m a n d e ( e n c o r e !) « n ' a i t déjà
r
fait la d é m o n s t r a t i o n ». L e c o n s e i l l e r i n t i m e , D A. B a e r n'a-t-il pas
p r o u v é q u e la p s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e de L o m b r o s o é t a i t u n i l a t é r a l e et
fausse p a r c o n s é q u e n t ? « Les p r é c i e u x documents humains (ces m o t s
s o n t e n f r a n ç a i s d a n s le t e x t e ) q u e j e livre à la p u b l i c i t é c o m m e s u p -
r 1
p l é m e n t à l ' o u v r a g e d u D A. B a e r , e n s o n t la p r e u v e i r r é f u t a b l e ! ».
J . J a e g e r c o n c l u t m o d e s t e m e n t q u e « sa r i c h e c o l l e c t i o n d o n n e les
1
L e s a r t i c l e s d e J . JAEGER s e t r o u v e n t d a n s l e s n u m é r o s s u i v a n t s d e s Archiv
fur Kriminal-Anthropoloyie und Kriminalistik de Hans Gross, s o u s l e t i t r e :
370 REVUE CRITIQUE
p l u s p r é c i e u x r e n s e i g n e m e n t s », e t s u r la n a t u r e p s y c h o l o g i q u e p r o p r e d e
Y allemand c r i m i n e l (il n ' a p a s la p r é t e n t i o n d ' y j o i n d r e les c r i m i n e l s
des a u t r e s n a t i o n s ) , e t s u r les p é n a l i t é s m o d e r n e s j u g é e s p a r c e u x q u i
les s u b i s s e n t p a s s i v e m e n t .
U n a u t r e d o m a i n e c o m p l è t e m e n t i g n o r é p a r l ' a u t e u r e s t celui d e la
p s y c h o p a t h o l o g i e , d o n t la p s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e n e s a u r a i t se p a s s e r .
Il n e s e m b l e pas se d o u t e r q u e M o r e a u ( d e T o u r s ) a p u b l i é il y a b i e n t ô t
c i n q u a n t e a n s u n o u v r a g e d e v e n u c l a s s i q u e s u r la p s y c h o l o g i e m o r b i d e ,
q u i a é t é le p o i n t d e d é p a r t des é t u d e s m o d e r n e s s u r la p s y c h o l o g i e
criminelle.
E x a m i n o n s d ' u n p e u plus p r è s d e q u o i se c o m p o s e n t les t r e n t e - d e u x
cas d e l ' a u t e u r . R e m a r q u o n s d ' a b o r d q u e ce s o n t d e s h o m m e s u n i q u e -
m e n t . J . J a e g e r n e c o n n a î t p a s la f e m m e c r i m i n e l l e . C ' e s t u n e l a c u n e
i m p o r t a n t e d a n s u n e é t u d e p s y c h o l o g i q u e . P u i s il n e fait a u c u n e m e n -
t i o n des c i r c o n s t a n c e s h é r é d i t a i r e s , e t n ' a p a s l'air d e s'en p r é o c c u p e r .
Il n ' e s t p a s q u e s t i o n n o n p l u s d e la c r i m i n a l i t é j u v é n i l e , c a r t o u s ses
c r i m i n e l s p a r a i s s e n t ê t r e d e s a d u l t e s d o n t q u e l q u e s - u n s r a c o n t e n t , il
est v r a i à l e u r m a n i è r e , l e u r s p é c h é s d e j e u n e s s e . A p e i n e ça e t là
l ' a u t e u r songe-t-il à i n d i q u e r s o m m a i r e m e n t q u e l ' é d u c a t i o n a é t é b o n n e
ou m a u v a i s e . L e s s e u l e s i n f o r m a t i o n s r é g u l i è r e s q u ' i l d o n n e s o n t rela-
tives à l'état-civil ( h u i t i l l é g i t i m e s , v i n g t - t r o i s l é g i t i m e s , u n i n c o n n u ) ,
à l'âge ( l ' a n n é e d e la n a i s s a n c e e s t s e u l e i n d i q u é e ce q u i p e u t i n d u i r e
en e r r e u r ) , à la p r o f e s s i o n ( e n m a j o r i t é d e s n é g o c i a n t s e t d e s c o m m i s ,
u n seul o u v r i e r d e f a b r i q u e ) , enfin à la n a t u r e d e s d é l i t s e t a u n o m b r e
des c o n d a m n a t i o n s ( p r e s q u e u n a n i m e m e n t d e s v o l s , d é t o u r n e m e n t s ,
f a u x , e s c r o q u e r i e s , c h a n t a g e , u n seul c a s d e m e u r t r e p a s s i o n n e l , u n
i n c e n d i a i r e e t d e u x a t t e n t a t s a u x m œ u r s ) . T o u s l e s cas s o n t p ê l e - m ê l e ,
c o m m e s'il n ' y avait a u c u n e d i s t i n c t i o n à faire e n t r e la p s y c h o l o g i e des
voleurs, des meurtriers et des incendiaires, ou des autres variétés de
c r i m i n e l s . R i e n s u r les m a l a d i e s . U n seul d é l i n q u a n t e s t n o t é en
p a s s a n t c o m m e é p i l e p t i q u e , t r o i s t u b e r c u l e u x , e t c ' e s t t o u t . S u r les
t r e n t e - d e u x il y a s e u l e m e n t q u a t r e t a t o u é s . C h o s e b i z a r r e , o n n e
t r o u v e aucune pièce ni a u c u n d o c u m e n t c o r r e s p o n d a n t aux criminels
HIXTER KERKERMAUERN. A u t o b i o g r a p h i e n u n d S e l b s t b e k e n n t n i s s e , A u f s a e t z e u n d
Gedichte von Verhrechern.
E i n B e i t r a g z u r «KRIMINALPSYCHOLOGIE». G e s a m m e l t u n d z u m B e s t e n d e s F i i r -
r
s o r g c w e s e m herausgegeben v o n D Philos. Joli. Jaeger, Strafanstaltspfarrer.
c
iy volume, e t 2° l i v r a i s o n s (26 m a i 1906) p . 1.
— 3« e t 4° — (6 j u i l l e t 1900), p . 209,
e
20 — I " e t 2« — (29 a o û t 1900), p . 1.
— 3' et 4' — (4 o c t o b r e 1900), p . 209,
et 2 e
— (16 n o v e m b r e 1906), p . 1.
3« e t 4 e
— (14 d é c e m b r e i g o 5 ) , p . 201
!
22'' — I '' l i v r a i s o n (24 d é c e m b r e i g o 5 ) , p . 1.
1
q u i p o r t e n t l e s n u m é r o s 20, 29 et 32 d a n s les n o t i c e s b i o g r a p h i q u e s !
D ' a u t r e p a r t o n est s u r p r i s d ' a p p r e n d r e , au n° 3 i , q u e ce p e r s o n n a g e ,
a u t e u r de p l u s i e u r s d o c u m e n t s à t e n d a n c e r e l i g i e u s e t r è s m a r q u é e , n e
d o i t pas ê t r e t r a i t é c o m m e les a u t r e s , p o u r « de b o n s motifs ». Il n ' e s t
q u e s t i o n en effet ni d e l ' a n n é e de sa n a i s s a n c e , n i de ses délits et de ses
c o n d a m n a t i o n s . On n o u s a p p r e n d s e u l e m e n t q u ' i l est l i b é r é d e p u i s h u i t
a n s , e t q u ' i l o c c u p e à l ' é t r a n g e r (?) une p l a c e h o n o r a b l e . — Il a u r a i t
é t é i n t é r e s s a n t , c e p e n d a n t , au p o i n t de v u e de la p s y c h o l o g i e c r i m i -
n e l l e , de c o n n a î t r e p r é c i s é m e n t avec q u e l q u e s d é t a i l s la p e r s o n n e et la
vie de ce d é l i n q u a n t e x t r a o r d i n a i r e , s a n s t r a h i r son i d e n t i t é , cela va
sans dire.
R e m a r q u o n s enfin q u e les l e t t r e s i n i t i a l e s r é p o n d a n t d a n s le t e x t e
a u x n u m é r o s d e s d é l i n q u a n t s n e c o n c o r d e n t p a s t o u j o u r s avec celles
de ces m ê m e s n u m é r o s d a n s les n o t i c e s b i o g r a p h i q u e s , ce q u i c o n t r i -
b u e à d é r o u t e r le l e c t e u r . C e s n o t i c e s s o n t d u r e s t e si s o m m a i r e s , si
é c o u r t é e s et si i n c o m p l è t e s q u ' e l l e s e n p e r d e n t u n e b o n n e p a r t i e de
l e u r i n t é r ê t . E l l e s s o n t v r a i m e n t insuffisantes p o u r q u ' o n p u i s s e se
faire u n e i d é e e x a c t e de la psychologie criminelle du délinquant en
r a p p r o c h a n t ces q u e l q u e s d o n n é e s des d o c u m e n t s q u ' i l a é l a b o r é s . O r
q u ' e s t - c e q u ' u n e p s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e q u i ne t i e n t p a s c o m p t e de l'in-
d i v i d u t o u t e n t i e r , d e ses a n t é c é d e n t s h é r é d i t a i r e e t p e r s o n n e l s , des cir-
c o n s t a n c e s de sa v i e , d u m i l i e u où il a v é c u , d e s m a l a d i e s ou des a c c i d e n t s
d o n t il a p u ê t r e a t t e i n t e t q u i o n t modifié p l u s o u m o i n s p r o f o n d é -
m e n t s o n é t a t p s y c h i q u e , e t c . — J e sais b i e n q u e M . J a e g e r dira q u ' e n
se p r é o c c u p a n t d e t o u t c e l a , o n fait de la z o o l o g i e ! M a i s n o u s c r o y o n s
q u e si o n n ' é t u d i e p a s la bêle, il n ' e s t p a s p o s s i b l e de c o n n a î t r e et de
c o m p r e n d r e Vautre, e n d ' a u t r e s t e r m e s q u ' i l n ' y a p a s de vraie p s y c h o -
logie s c i e n t i f i q u e s a n s u n e base p h y s i o l o g i q u e , la p s y c h o l o g i e n ' é t a n t
en définitive p a s a u t r e c h o s e q u e la p h y s i o l o g i e de l'écorce c é r é b r a l e .
E n se b o r n a n t à n o u s d o n n e r des a u t o b i o g r a p h i e s , d e s c o n f e s s i o n s ,
d e s m é d i t a t i o n s e t des p e n s é e s de q u e l q u e s c r i m i n e l s p l u s o u m o i n s
l e t t r é s , s u r la r e l i g i o n , s u r la p e i n e de m o r t , s u r le v a g a b o n d a g e , s u r
la vie p é n i t e n t i a i r e , s u r la q u e s t i o n sociale e t s u r le p a t r o n a g e ,
J . J a e g e r n ' a p a s fait, à n o t r e avis, u n e v é r i t a b l e é t u d e de p s y c h o l o g i e
c r i m i n e l l e ; il n o u s f o u r n i t s e u l e m e n t q u e l q u e s d o c u m e n t s i n d i v i d u e l s
s u r ces q u e s t i o n s , t r a i t é e s d a n s u n b u t s p é c i a l , p a r des d é l i n q u a n t s
s o i g n e u s e m e n t t r i é s s u r le volet. On a u r a i t d o n c g r a n d t o r t d e p r e n d r e
ces d o c u m e n t s à la l e t t r e , et d e p r ê t e r les s e n t i m e n t s q u ' i l s e x p r i m e n t
à la m a j o r i t é des c r i m i n e l s . Ils t é m o i g n e n t g é n é r a l e m e n t de l ' i n c o m -
m e n s u r a b l e v a n i t é de l e u r s a u t e u r s , q u a n d ils n e s o n t p a s l ' e x p r e s s i o n
d ' u n é t a t m é l a n c o l i q u e , o u de la s i m u l a t i o n , q u e l'on p r e n d t r o p facile-
m e n t pour des remords de conscience.
L e t r a v a i l est divisé en six c h a p i t r e s q u e n o u s allons p a s s e r r a p i d e -
m e n t e n r e v u e . C e s c h a p i t r e s ne r e n f e r m e n t a b s o l u m e n t q u e les d o c u -
m e n t s é c r i t s p a r l e s d é t e n u s , sans a u c u n e réflexion de l ' a u t e u r .
372 REVUE CRITIQUE
D e b e a u c o u p le p l u s c o n s i d é r a b l e . L e s d o c u m e n t s , parfois t r è s
é t e n d u s , p r o v i e n n e n t d e d o u z e d é l i n q u a n t s . S a u f le d o u z i è m e , q u i inti-
t u l e son m é m o i r e « C o n f e s s i o n s d ' u n c o n d a m n é à m o r t », ce s o n t t o u s
des v a g a b o n d s , des v o l e u r s , des escrocs o u d e s f a u s s a i r e s . 11 f a u t lire
ces c o n f e s s i o n s p o u r c o m p r e n d r e à q u e l p o i n t les d é l i n q u a n t s , sem-
blables a u x e n f a n t s p r i s e n f a u t e , m e t t e n t l e u r s d é l i t s et l e u r s c r i m e s
s u r le c o m p t e d e s c i r c o n s t a n c e s e x t é r i e u r e s e t s p é c i a l e m e n t en r e n d e n t
r e s p o n s a b l e s les a u t r e s p e r s o n n e s , l e u r s p a r e n t s , l e u r s c o n n a i s s a n c e s ,
l e u r s a m i s , c e u x q u i se s o n t t r o u v é s s u r l e u r c h e m i n , et t o u t p a r t i c u l i è r e -
m e n t l a police q u i ne p a r a î t p a s a v o i r la m a i n l é g è r e , e n A l l e m a g n e . A
e n t e n d r e la p l u p a r t d ' e n t r e e u x , ils n e d e m a n d a i e n t q u ' à o b t e n i r u n
travail h o n n ê t e , m a i s c h a q u e fois q u ' i l s a v a i e n t t r o u v é de l ' o u v r a g e et
q u ' i l s se c r o y a i e n t d é s o r m a i s e n s û r e t é , voici u n avis de la police à leur
p a t r o n q u i p r o v o q u a i t l e u r r e n v o i . C ' e s t a i n s i q u ' i l s d e v e n a i e n t forcé-
m e n t des v a g a b o n d s e t des v o l e u r s p o u r s u b v e n i r à l e u r e x i s t e n c e .
Le n" J , E . G . , a c c u s e s u r t o u t s o n p è r e , u n i v r o g n e b r u t a l e t féroce,
q u i t o r t u r a i t sa f e m m e et la m a l t r a i t a i t c r u e l l e m e n t , m ê m e à la fin de-
sa g r o s s e s s e . Ce p è r e d é n a t u r é c h a s s a son fils p a r c e q u ' i l p r e n a i t le
p a r t i de sa m è r e ; ce fut là l ' o r i g i n e de ses m é f a i t s . Il en r e n d a u s s i r e s -
p o n s a b l e u n p a s t e u r a u q u e l il s'était a d r e s s é p o u r d e m a n d e r u n s e c o u r s
et q u i lui avait d i t de r e p a s s e r le s u r l e n d e m a i n . O r , en s o r t a n t de là,
il r e n c o n t r e u n f o r g e r o n de ses c o n n a i s s a n c e s q u i le c h a r g e a de v e n -
d r e à vil p r i x le b o i s d ' u n e c o n s t r u c t i o n d é m o l i e . C e t t e escro-
q u e r i e lui valu q u i n z e m o i s d e p r i s o n . Il a v o u e q u ' i l h a i t son p è r e et
r e g r e t t e d e ne p a s a v o i r « r o s s é d ' i m p o r t a n c e » ce f o r c e n é . A u s o r t i r
de p r i s o n , il n e t r o u v a n u l l e p a r t d u t r a v a i l , t o u j o u r s t r a q u é p a r la
p o l i c e , q u i avait s o i n d ' a v e r t i r les p e r s o n n e s p r ê t e s à l u i e n d o n n e r .
K. F . , le n° 2, a u n e o d y s s é e b e a u c o u p p l u s c o m p l i q u é e . Il d o n n e de
g r a n d s d é t a i l s s u r s o n enfance et s u r sa j e u n e s s e . U n i n s t i t u t e u r , qui
fut c o n s t a m m e n t son e n n e m i , l u i dit u n j o u r q u ' i l l ' a v a i t p r i s en fla-
g r a n t délit de m e n s o n g e Si v o u s c o n t i n u e z a i n s i , v o u s finirez e n p r i -
s o n . » Ce m o t , q u i n e lui fit d ' a b o r d a u c u n e i m p r e s s i o n , l'a p o u r s u i v i
plus tard p e n d a n t dix-sept ans, c o m m e u n e malédiction, et a détruit
son é n e r g i e . « C o m m e u n e s u g g e s t i o n , ce m o t m a u d i t a p a r a l y s é t o u t e
m a vie ce q u ' i l y a v a i t d e m e i l l e u r e n m o i ». K . F . d e v i n t faussaire et
v o l e u r . Il s ' e n g a g e a d a n s la L é g i o n é t r a n g è r e ; d é s e r t e u r , il c o n t e les
p é r i p é t i e s é m o u v a n t e s de sa fuite d ' A l g é r i e . P u i s s a v i e a c c i d e n t é e en
A l l e m a g n e e t en S u i s s e . La p o l i c e n e le laissa p a s n o n p l u s t r a n q u i l l e .
Il a s p i r e au r e p o s et a u t r a v a i l , ce qu'il n e t r o u v e r a j a m a i s en Alle-
m a g n e . Il e s p è r e y a r r i v e r e n é m i g r a n t d a n s la C o l o n i e a l l e m a n d e au
sud du Brésil.
L e m ê m e K. F . a é c r i t p o u r le s e c o n d c h a p i t r e de l ' é t u d e de J a e g e r
r
£ P.-L. Ladame. — CHRONIQUE ALLEMANDE 373
s è m e n t de B é t h e l p o u r é p i l e p t i q u e s , ne p o u v a n t t r o u v e r n u l l e p a r t d u
t r a v a i l à c a u s e de sa m a l a d i e , d i t l ' a u t e u r , mais très p r o b a b l e m e n t
a u s s i e n r a i s o n d e ses a n t é c é d e n t s c r i m i n e l s .
L e n u m é r o 7 , S. P . E . est u n n é g o c i a n t q u i fait r e m o n t e r ses délits
(faussaire e t voleur) a u x m a u v a i s e x e m p l e s qu'il e u t dès l'âge de d i x ans et
d e m i d a n s u n m a g a s i n où il a v a i t été p l a c é c o m m e p e t i t c o m m i s . S o r -
t a n t de p r i s o n , il s ' e n g a g e a c o m m e m o u s s e s u r u n vaisseau o ù il r e s t a
dix m o i s , t r a i t é de la façon la p l u s b r u t a l e e t t é m o i n des orgies les
p l u s é p o u v a n t a b l e s . Il r é u s s i t à t r o u v e r u n e j o l i e s i t u a t i o n , mais
r e t o m b a b i e n t ô t d a n s sa vie d e d é b a u c h e e t p r i t 1 0 0 m a r k s d a n s la
caisse d u p a t r o n p o u r faire face à ses n o m b r e u s e s d é p e n s e s frivoles. Il
fut chassé h o n t e u s e m e n t , t r o u v a c e p e n d a n t à se caser de n o u v e a u . Mais
la police veillait, il fut d é n o n c é e t p e r d i t sa p l a c e . S a c o n f e s s i o n est
p l e i n e de b o n n e s r é s o l u t i o n s p o u r l ' a v e n i r . Il est d é c i d é à s ' a m é l i o r e r
e t à se r é f o r m e r .
U n e h i s t o i r e a n a l o g u e est celle d u n u m é r o 8, Z. K. q u i v i v a i t dès sa
seizième a n n é e d a n s le m o n d e de la p r o s t i t u t i o n . Il d e v i n t faussaire,
v o l e u r et r e c e l e u r p o u r satisfaire ses p a s s i o n s . Il r e c o n n a î t q u e , s'il
n ' a v a i t pas p e r d u la foi en u n D i e u j u s t e , il ne s e r a i t pas t o m b é si b a s .
Il m a u d i t son s é d u c t e u r , m a i s il n ' a p l u s a u c u n e c o n f i a n c e e n l u i -
m ê m e . C'est u n des q u a t r e t a t o u é s .
U n p r e m i e r vol à l ' â g e d i x - s e p t a n s , p o u r se s a u v e r à P a r i s a v e c u n e
i n s t i t u t r i c e q u ï l a v a i t r e n d u e g r o s s e , v a l u t au n° 9 F . I I . u n e c o n d a m -
n a t i o n a u n e a n n é e e t t r o i s m o i s d e p r i s o n . D è s l o r s il m e n a , d i t - i l , la
vie d ' A h a s v é r u s e t de C a ï n . Il fut c o n d a m n é q u a t r e fois à la p r i s o n et
u n e fois a u x t r a v a u x forcés ( t r e n t e m o i s ) , p l u s d i x ans d e d é g r a d a t i o n
civique.
Le r o m a n de K a r l , e s c r o c et v o l e u r , avec l ' h o n n ê t e F r i d a , est r a c o n t é
p a r M . K . , n° 1 0 , q u i le fait s u i v r e d u r é c i t de son a r r e s t a t i o n et de
son s é j o u r au v i o l o n , e n p r o m i s c u i t é a v e c d ' i n f â m e s c r i m i n e l s , d é c r i -
v a n t a v e c c o m p l a i s a n c e l e u r s h o r r i b l e s forfaits ( e n t r e a u t r e s u n p è r e
q u i se v a n t a i t d ' a v o i r violé s a l i l l e ) . Il t e r m i n e p a r u n t a b l e a u de t r a n s -
fert d e s c o n d a m n é s d a n s la p r i s o n q u i l e u r é t a i t d e s t i n é e . M . K. était
t a t o u é a u x d e u x b r a s e t s u r la p o i t r i n e . O p é r é p l u s i e u r s fois p o u r
d e s caries t u b e r c u l e u s e s . C o m m e a n t é c é d e n t s , c i n q c o n d a m n a t i o n s
p o u r e s c r o q u e r i e et vols, e t q u a t r e a u x t r a v a u x forcés p o u r v o l s ,
e s c r o q u e r i e e t faux t é m o i g n a g e . N o u s le r e t r o u v e r o n s d a n s les c h a p i t r e s
s u i v a n t s ( c h a p . I I I et I V ) .
M a i s le p l u s fertile de t o u s c e s é c r i v a i n s c ' e s t le n u m é r o 1 1 , K. G .
q u i a b e a u c o u p v o y a g é e t p a r l e c o u r a m m e n t t r o i s l a n g u e s ( a l l e m a n d , fran-
çais et anglais) et assez b i e n u n e q u a t r i è m e (le h o l l a n d a i s ) . T r e n l e
e t u n e c o n d a m n a t i o n s p o u r vol, m e n d i c i t é , v a g a b o n d a g e , f r i p o n n e r i e s ,
falsification de p a p i e r s de l é g i t i m a t i o n , e t c . ( p u n i s de dix a n s d e r é c l u -
s i o n ) . M o r t t u b e r c u l e u x . Il d é b u t e p a r u n « F r a g m e n t de la vie d'un
r é c i d i v i s t e ». C ' e s t l ' é g o ï s m e de s e s c o m p a t r i o t e s qui a l'ail d e lui u n
D< P.-L. Ladume. — CHRONIQUE ALLEMANDE 375
Q u a t r e d é t e n u s o n t c o n t r i b u é à é c r i r e ce c h a p i t r e q u i r e n f e r m e onze
m é m o i r e s ; le n u m é r o 2 d o n t n o u s avons déjà p a r l é , le n u m é r o 1 1 p a r
h u i t a r t i c l e s , de b e a u c o u p les p l u s é t e n d u s , enfin les n u m é r o s iG e t 18.
K. G . (n° 1 1 ) , d o n t n o u s a v o n s déjà a n a l y s é le p r e m i e r a r t i c l e
« f r a g m e n t de la v i e d ' u n r é c i d i v i s t e », p r é t e n d q u e c'est p a r la f a u t e
d e s g e n s c h a r i t a b l e s q u e l'on d e v i e n t c r i m i n e l . C e u x q u i p r a t i q u e n t la
« fine m e n d i c i t é » p e u v e n t vivre d a n s le d é s œ u v r e m e n t e t la d é b a u c h e
p e n d a n t des a n n é e s d u p r o d u i t de c e t t e i n d u s t r i e . M a i s q u a n d l ' a r g e n t
v i e n t à m a n q u e r les c h e v a l i e r s de c e t t e s o r t e d e v i e n n e n t n é c e s s a i r e m e n t
d e s escrocs e t d e s v o l e u r s .
S e l o n K. G . , les c a u s e s p r i n c i p a l e s du c r i m e s o n t le c h ô m a g e et la
faim. La f a u t e en est aussi au m o d e d'assistance q u i ne s ' o c c u p e des
i n d i g e n t s q u ' à t o u t e e x t r é m i t é e t n e fait r i e n p o u r p r é s e r v e r les m a l h e u -
r e u x d e la p r i s o n . O n a t t e n d q u e la r u i n e m o r a l e d ' u n h o m m e soit
c o m p l è t e e t définitive p o u r lui t e n d r e la m a i n .
S o n c h a p i t r e s u r l ' a l c o o l i s m e n'offre r i e n de n o u v e a u , et ses l o n g u e s
d e s c r i p t i o n s , ses réflexions a b o n d a n t e s et b a n a l e s s u r le v a g a b o n d a g e
en A l l e m a g n e a b o u t i s s e n t à c e t t e c o n c l u s i o n : q u e ce n ' e s t pas d u t o u t ,
376 REVUE CRITIQUE
c o m m e o n le r é p è t e p a r t o u t , p a r « h o r r e u r d u t r a v a i l » q u e l'on d e v i e n t
v a g a b o n d , mais b i e n p a r u n s e n t i m e n t t r è s vif d u b e s o i n d e l i b e r t é ,
d ' a f f r a n c h i s s e m e n t c o n t r e les e n t r a v e s de la c i v i l i s a t i o n .
C e p e n d a n t ce q u i r e n d f o r c é m e n t le v a g a b o n d c r i m i n e l , « ce s o n t les
m e s u r e s q u e l'on p r e n d c o n t r e l u i , e t t o u t s p é c i a l e m e n t les s t a t i o n s d e
s e c o u r s e n n a t u r e » (!) q u i o n t é t é c r é é e s d e p u i s q u e l q u e s a n n é e s d a n s
le b u t de s u p p r i m e r le v a g a b o n d a g e .
Il n ' y a q u ' u n m o y e n de le c o m b a t t r e , c'est d ' e n r ô l e r u n v i e u x vaga-
b o n d , c o n n a i s s a n t t o u t e s les r o u e r i e s d u m é t i e r , d a n s la p o l i c e s e c r è t e
de s û r e t é . L ' a u t e u r va m ê m e j u s q u ' à s'offrir p o u r j o u e r ce r ô l e , c a r il
n e p e u t p l u s ê t r e a c c e p t é d a n s la s o c i é t é b o u r g e o i s e . « Si le h a u t g o u -
v e r n e m e n t r o y a l l e v e u t , d i t - i l , j e n e t t o y e r a i p o u r l o n g t e m p s le r o y a u m e
d e B a v i è r e d e ses v a g a b o n d s i n d i g è n e s ». Q u a n t à la s u r v e i l l a n c e de
la police elle e s t a b s o l u m e n t i n u t i l e e t a b s u r d e .
D a n s u n d e r n i e r c h a p i t r e i n t i t u l é « L e c r i m i n e l », K. G . s'efforce de
m o n t r e r q u ' i l n ' y a p a s d e type c r i m i n e l à la façon de L o m b r o s o , se
d i s t i n g u a n t de l ' h o m m e n o r m a l p a r d e s c a r a c t è r e s s e m b l a b l e s à c e u x
q u i e n d i s t i n g u e n t les a n t h r o p o ï d e s . Le s e n t i m e n t d ' h o n n e u r e t celui du
d r o i t e x i s t e n t chez les c r i m i n e l s , n o n p a s c o m m e u n e s o r t e d ' i n s t i n c t
« à la c h i m p a n z é » , m a i s b i e n c o m m e u n a t t r i b u t h u m a i n , c a p a b l e de
se p e r f e c t i o n n e r . L ' h y p o t h è s e de L o m b r o s o d u t y p e c r i m i n e l , c o n c l u t
l'auteur, est inadmissible et l'histoire naturelle du criminel de Kurella
est « un système fabriqué p r é m a t u r é m e n t »!
N o u s s a v o n s q u e la « c o n t r i b u t i o n à la q u e s t i o n de la c r i m i n a l i t é »
d u n u m é r o 2 (K. F . ) l i v r e le m ê m e « b o n c o m b a t c o n t r e les h é r é s i e s de
L o m b r o s o » et n e v o i t c o m m e c a u s e d u c r i m e q u e le m a n q u e d e r e l i -
gion-
L e n u m é r o 16 ( E . T h . ) c o n d a m n é c i n q fois p o u r e s c r o q u e r i e , t r a i t e
c
« des c a u s e s de l ' i m m o r a l i t é » q u i s o n t à s o n avis : i la m a t u r i t é t r o p
0
p r é c o c e d e l à j e u n e s s e ; 2 l ' e x p a t r i a t i o n s a n s c o n n a i s s a n c e s suffisantes;
3 ° le m a t é r i a l i s m e et les i d é e s d e r é v o l t e e n s e i g n é e s a u x o u v r i e r s dès
0
l e u r s j e u n e s a n n é e s ; 4 l ' i m p u i s s a n c e de l ' E g l i s e .
L ' é t a t fait les r é c i d i v i s t e s p a r la p r o m i s c u i t é p e n d a n t l ' i n s t r u c t i o n
c r i m i n e l l e d e b r a v e s j e u n e s g e n s n o n e n c o r e c o n d a m n é s , a v e c les v i e u x
c a n d i d a t s r o u é s des m a i s o n s p é n i t e n t i a i r e s .
Le d e r n i e r é c r i t de ce s e c o n d c h a p i t r e e s t d u n u m é r o 18 ( H . J . ) , con-
d a m n é p l u s i e u r s fois p o u r c o u p s e t b l e s s u r e s , v o l s , f a u x , e t c . Il a p p o r t e
u n e c a u s e r i e p h i l o s o p h i q u e s u r la « n o t i o n m o d e r n e d u m o n d e >>, cite
Schleiermacher, Proudhon, Goethe, Hegel, Voltaire.
Il p a r l e de D i e u e t de S a t a n , d e m o r a l e e t d e r e l i g i o n , de r a t i o n a -
lisme, individualisme, optimisme, pessimisme, intellectualisme, pan-
t h é i s m e , m a t é r i a l i s m e , d u p r o l é t a r i a t et de l'école d e M a n c h e s t e r , et
t e r m i n e e n d i s a n t q u e le r e f r a i n d e la n o t i o n m o d e r n e d u m o n d e ,
« m a n g e o n s e t b u v o n s c a r d e m a i n n o u s m o u r r o n s », t é m o i g n e d ' u n e
b a n q u e r o u t e i n t e l l e c t u e l l e et m o r a l e a b s o l u e du m o n d e m o d e r n e .
£>'• P.-L. Ladame. — CHRONIQUE ALLEMANDE 377
N o u s t r o u v o n s ici d i x - h u i t c o m p o s i t i o n s é c r i t e s p a r douze d é t e n u s .
S o u s le t i t r e « G a r d e z v o t r e d i g n i t é h u m a i n e », le n u m é r o 10 ( M . K . ) ,
l ' a u t e u r d u r o m a n de Karl et F r i e d a , d o n t n o u s a v o n s déjà p a r l é au
p r e m i e r c h a p i t r e , fait u n e v i o l e n t e s o r t i e c o n t r e le tatouage ( l u i - m ê m e
é t a i t f o r t e m e n t t a t o u é ) , d o n t il d é c r i t les f â c h e u x i n c o n v é n i e n t s . Le
n u m é r o I I (K. G . ) , q u i n ' e s t pas l u i - m ê m e t a t o u é , t r a i t e a b o n d a m m e n t
aussi le m ê m e sujet e t d i t , sous f o r m e de c o n c l u s i o n , q u e , c o n t r a i r e -
r
m e n t a u D K u r e l l a , il n e voit d a n s le t a t o u a g e q u ' u n « j e u p r a t i q u é
s a n s réflexion ». K u r e l l a confond ici la c a u s e a v e c l'effet; ce n ' e s t
p a s p a r c e q u e l ' i n d i v i d u b o r n é se fait t a t o u e r q u ' i l d e v i e n t c r i m i n e l ,
m a i s c'est p a r c e q u e le c r i m i n e l est b o r n é i n t e l l e c t u e l l e m e n t q u ' i l
t a t o u e e t se fait t a t o u e r .
Le m ê m e n u m é r o n , d a n s u n é c r i t i n t i t u l é Veritas! Méditations cel-
lulaires d'un détenu, a p r è s q u e l q u e s réflexions a m è r e s s u r l ' é g o ï s m e ,
le c a p i t a l i s m e e t le s o c i a l i s m e , r e v i e n t au v a g a b o n d a g e , a u x a u b e r g e s
de famille e t a u x « c o l o n i e s l i b r e s de t r a v a i l », d o n t il c r i t i q u e v e r t e -
m e n t l ' o r g a n i s a t i o n . Ce ne s o n t q u e d e s d e m i - m e s u r e s p r o p r e s à
faire d e s v a u r i e n s e t d e s v a g a b o n d s . K. G . s e m b l e a v o i r u n e r a n c u n e
c o n t r e les « s t a t i o n s d e s e c o u r s en n a t u r e » o ù l'on e x p l o i t e les
p a s s a n t s e n les faisant t r a v a i l l e r d u r , sans l e u r a l l o u e r u n kreutzer en
p a i e m e n t ! N o u s s a v o n s déjà le r e m è d e q u ' i l p r o p o s e c o n t r e l a p l a i e d u
v a g a b o n d a g e . Si le g o u v e r n e m e n t lui e n confie le s o i n , il se fait fort de
p u r g e r la B a v i è r e d e ses v a g a b o n d s , m a i s il n e dit pas c o m m e n t il s'y
p r e n d r a . 11 g a r d e son s e c r e t !
L a m é d i t a t i o n d u n u m é r o i 3 ( B . G . ) c o m m e n c e p a r d e s v e r s où les
détenus sont comparés à de pauvres chiens qu'on torture. L'animal
d a n s l ' h o m m e e s t la p l u s m a u v a i s e b ê t e , q u ' i l est b i e n p l u s n é c e s s a i r e
d ' é t u d i e r q u e la zoologie t o u t e n t i è r e ! M a i s c e t t e é t u d e n ' e s t p a s d u
r e s s o r t des j u r i s t e s ni d u m é d e c i n . S e u l le p a s t e u r , le c h a p e l a i n des
p r i s o n s e n e s t c a p a b l e . C ' e s t p o u r q u o i il d o i t ê t r e t o u t à la fois u n
psychologue, un moraliste et un sociologue excellents.
La vie du détenu en communauté. T e l est le s u j e t t r a i t é p a r le
n u m é r o 18 ( H . J . ) , d o n t nous a v o n s déjà cité les réflexions p h i l o s o -
p h i q u e s au c h a p i t r e p r é c é d e n t . L ' a u t e u r p e i n t a v e c de vives c o u l e u r s
les g r a v e s i n c o n v é n i e n t s d e la vie en c o m m u n d e s d é l i n q u a n t s q u i se
c o r r o m p e n t les u n s les a u t r e s et p r é p a r e n t de « b o n s c o u p s » à faire
au s o r t i r d e p r i s o n . Il est é c œ u r é d e t o u t ce q u ' i l a vu e t e n t e n d u ; il
affirme q u e j a m a i s o n n ' o b t i e n d r a u n e a m é l i o r a t i o n d e s d é t e n u s t a n t
q u ' o n c o n s e r v e r a la p r i s o n en c o m m u n , q u i est s u r t o u t f u n e s t e , c o m m e
o n le s a i t , p o u r les j e u n e s d é l i n q u a n t s .
Le n u m é r o 17 ( G . 0 . ) , c o n d a m n é c i n q fois à la p r i s o n et d e u x fois
a u x t r a v a u x forcés p o u r e s c r o q u e r i e , v o l et d é t o u r n e m e n t s , plus trois
c o n d a m n a t i o n s p o u r m e n d i c i t é , t r a i t e le m ê m e sujet et a r r i v e a u x
m ê m e s c o n c l u s i o n s . La vie en c o m m u n d e s d é t e n u s est u n e d e s p r i n -
cipales c a u s e s des r é c i d i v e s . C'est le cas de la g r a n d e m a j o r i t é d e s p r i -
sons d e l ' A l l e m a g n e .
C o m m e c o n t r e - p a r t i e le n u m é r o 18 d é c r i t l e s a v a n t a g e s d e la r é c l u -
sion c e l l u l a i r e c o m p a r é e à l ' e m p r i s o n n e m e n t e n c o m m u n . D a n s l'iso-
l e m e n t le d é t e n u p e u t m é d i t e r s u r sa vie p a s s é e e t p r e n d r e d e b o n n e s
r é s o l u t i o n s p o u r l'avenir. L'influence d u p a s t e u r e t les s a i n e s l e c t u r e s
p r o d u i s e n t de b o n s s e n t i m e n t s q u i n e s o n t p a s a l o r s d é t r u i t s d a n s l e u r
g e r m e p a r les m o q u e r i e s des c o - d é t e n u s .
G. 0 . (n° 1 7 ) v a n t e l ' o r g a n i s a t i o n des é t a b l i s s e m e n t s p é n i t e n c i e r s de
la P r u s s e e t les d o n n e e n m o d è l e a u x a u t o r i t é s b a v a r o i s e s d o n t les p r i -
sons d e m a n d e n t u n e r é f o r m e r a d i c a l e .
P . G . W . (n° 25), n é g o c i a n t t r è s l e t t r é , e s t u n e s c r o c q u i a fait
p l u s i e u r s a n n é e s de p r i s o n . Ses réflexions s o n t t r è s c o u r t e s . Il a vu
d e s d é t e n u s faire le p o i n g d e r r i è r e le d o s d u p a s t e u r e t d u m é d e -
c i n , e n g r i n ç a n t des d e n t s . P o u r q u o i n e v e u t - o n p a s c r o i r e q u e
l'indifférence, la s t u p i d i t é e t la b r u t a l i t é d o m i n e n t d a n s t o u t e s les
prisons?
Le n u m é r o 22 ( J . A . ) r a c o n t e ses Expériences d'un Détenu. Il fut de
l o n g u e s a n n é e s e n p r i s o n , s u r t o u t p o u r vols. T a t o u é . P o u r s u i v i p a r la
police, s o u s la s u r v e i l l a n c e d e l a q u e l l e il a v a i t é t é p l a c é p o u r d e u x ans
a u s o r t i r d e p r i s o n , il fut c h a s s é d e t o u t e s l e s p l a c e s o ù il a v a i t t r o u v é
u n t r a v a i l h o n o r a b l e . Il a c c u s a son p è r e d ' a v o i r é t é la p r e m i è r e c a u s e
de ses c h u t e s , e n J e f o r ç a n t à d e v e n i r c o r d o n n i e r , t a n d i s q u ' i l voulait
se faire p e i n t r e . Il se p l a i n t d ' a v o i r é t é b a t t u à o u t r a n c e p o u r les
p e t i t s v o l s q u il faisait à la m a i s o n . L ' e m p r i s o n n e m e n t c e l l u l a i r e est
b o n , dit-il, p o u r les c r i m i n e l s q u i s o n t c a p a b l e s de r e m o r d s . Il n e v a u t
r i e n p o u r les a u t r e s , q u i n ' a t t e n d e n t q u e le m o m e n t o ù ils r e n t r e r o n t
d a n s la c o m m u n a u t é d e s d é t e n u s . Il r a c o n t e c o m m e n t les v i e u x p é d é -
r a s t e s s a v e n t s ' a t t a q u e r a u x j e u n e s g e n s e t les liaisons i n f â m e s q u i
se f o r m e n t en p r i s o n . La c e l l u l e , t o u t au m o i n s p o u r la n u i t , la
défense d e p a r l e r e t u n e t r è s g r a n d e s é v é r i t é , s o n t s e u l e s c a p a b l e s de
b a n n i r des p r i s o n s les vices h i d e u x q u i y p u l l u l e n t .
\ Y . G. E . (n° 3o), t a i l l e u r , a é t é c o n d a m n é d e p u i s l ' â g e d e v i n g t -
cinq a n s , e n t o u t à t r e n t e - s i x a n s d e p r i s o n e t d e t r a v a u x f o r c é s , p o u r
vols, e s c r o q u e r i e s e t d é l i t s c o n t r e les m œ u r s . Il r a c o n t e la t o u c h a n t e
h i s t o i r e d ' u n j e u n e h o m m e i n n o c e n t , n o m m é F r a n z , c o n d a m n é à s e p t ans
de t r a v a u x forcés p o u r u n vol a v e c effraction, c o m m i s p a r d e u x de ses
c a m a r a d e s . L e s c i r c o n s t a n c e s en p a r a i s s e n t si e x t r a o r d i n a i r e s q u e J a e g e r
l u i - m ê m e se d e m a n d e d a n s u n e n o t e si l ' h i s t o i r e d e F r a n z n ' a p a s é t é
i m a g i n é e ! C e t t e réflexion p o u r r a i t s ' a p p l i q u e r a u s s i , à n o t r e avis, à
d ' a u t r e s h i s t o i r e s f a b r i q u é e s p a r les d é t e n u s d ' A m b e r g , e t q u ' i l n e fau-
d r a i t pas a c c e p t e r s a n s c o n t r ô l e . Le j e u n e F r a n z a la l a r m e facile,
c o m m e le c o n t e u r son a m i . L e r é c i t de son e n t e r r e m e n t est édifiant.
YY. G . E . en a r e ç u u n e i m p r e s s i o n si b i e n f a i s a n t e q u ' i l d e m a n d e si o n
£K P.-L. Ladume. — CHRONIQUE ALLEMANDE 379
n e d e v r a i t p a s faire u n e c é r é m o n i e s e m b l a b l e d e v a n t t o u s les d é t e n u s
l o r s q u ' u n décès a lieu d a n s la p r i s o n .
La p r o p a g a n d e d a n g e r e u s e d u s o c i a l i s m e et de l ' a n a r c h i s m e d a n s les '
p r i s o n s o ù les d é t e n u s v i v e n t en c o m m u n a u t é fait l'objet d ' u n
m é m o i r e d u n u m é r o 2 8 (K. M . ) , v o l e u r et b i g a m e . Celui-ci fut recueilli
p a r l e s a d v e n t i s t e s au s o r t i r de p r i s o n . F o u r r e m é d i e r au m a l de c e l t e
p r o p a g a n d e a n a r c h i s t e , il p r o p o s e d i v e r s e s m e s u r e s , e n t r e a u t r e s la
s u p p r e s s i o n de la d é t e n t i o n e n c o m m u n e t la n o m i n a t i o n d ' u n e
C o m m i s s i o n d o n t u n c h a p e l a i n d e la p r i s o n s e r a i t l ' â m e e t le
président.
N o u s r e t r o u v o n s e n s u i t e le n u m é r o 18 ( H . J . ) , qui n o u s r a p p o r t e ce
q u ' i l a a p p r i s de ses m a î t r e s socialistes. P o u r a f f r a n c h i r l ' h u m a n i t é de l'es-
c l a v a g e social, il f a u t c h a s s e r les t é n è b r e s de la r e l i g i o n e t s u p p r i m e r
les p r ê t r e s . La s c i e n c e a d é m o n t r é q u e la n o t i o n de D i e u e s t i n u t i l e
et s u p e r f l u e . N o u s p o s s é d o n s la V é r i t é e t la L u m i è r e , la v i c t o i r e est à
n o u s . V o i l à le r é s u m é d e s p r é d i c a t i o n s socialistes q u ' i l a e n t e n d u e s
d a n s les p r i s o n s . Il va s a n s d i r e q u ' o n doit s u p p r i m e r a u s s i le m a r i a g e ,
la famille, la p r o p r i é t é et le d r o i t , t o u t e s i n s t i t u t i o n s s o c i a l e s i n v e n t é e s
p o u r t e n i r les faibles en e s c l a v a g e . M a i s a v a n t t o u t , c'est la r e l i g i o n
q u ' i l faut d é t r u i r e .
Le c r i m i n e l q u i p o r t e le n u m é r o 2 4 ( P . C ) , e s c r o c , v o l e u r , faus-
saire, v a g a b o n d , m e n d i a n t , c o n d a m n é aussi p o u r m e n a c e s , c o u p s et
b l e s s u r e s , n o u s p a r l e d e la « m i s è r e », q u i est s y n o n y m e d e « p a r e s s e »
s u i v a n t son e x p é r i e n c e p e r s o n n e l l e , et q u i c o n d u i t au c r i m e . L ' a u t r e
m i s è r e , celle q u i p r o v i e n t d u m a l h e u r , n ' y c o n d u i t j a m a i s . M a i s il n ' e n
e s t pas de m ê m e p o u r la r é c i d i v e . L o r s q u ' o n a fait d e la p r i s o n , la
police v o u s c h a s s e de t o u t e s les places où l ' o n p o u r r a i t t r o u v e r d u
t r a v a i l , et, c o m m e il est i n t e r d i t de m e n d i e r , il faut b i e n v o l e r p o u r
n e p a s m o u r i r de faim.
C o n t r a i r e m e n t au n u m é r o 1 1 , d o n t n o u s a v o n s c i t é p r é c é d e m m e n t
les c r i t i q u e s a m è r e s , P . J . (n° 26), fait l'éloge des « A u b e r g e s de
famille »; il m o n t r e t o u s les a v a n t a g e s et l ' e x c e l l e n t e i n f l u e n c e q u ' e l l e s
e x e r c e n t s u r les d é t e n u s l i b é r é s ou les v a g a b o n d s qui les f r é q u e n t e n t .
Il d e m a n d e é n e r g i q u e m e n t q u e l'on ferme t o u t e s les p i n t e s l o u c h e s
d e s g r a n d e s villes, r e p a i r e s des m a l f a i t e u r s , c l o a q u e s des v a g a b o n d s
et d e s c r i m i n e l s .
Le m ê m e sujet d e s auberges de famille est t r a i t é p a r le n u m é r o 28
( S c h . F . ) , q u i a subi de m u l t i p l e s c o n d a m n a t i o n s p o u r v o l s , e s c r o q u e -
r i e s , r e c e l , e t c . D e u x fois d a n s u n e m a i s o n de c o r r e c t i o n p e n d a n t sa
j e u n e s s e . Il a b e a u c o u p f r é q u e n t é les a u b e r g e s de famille j u s q u ' a u
m o m e n t où o n l'a m i s à la p o r t e l o r s q u ' i l v o u l u t y i n t r o d u i r e u n e fille.
L e s s o u t e n e u r s n ' e n t r e n t p a s ici, lui dit le Hausvalèr, qui dès lors n e le
r e ç u t p l u s . C e s m a i s o n s , c o n c l u t - i l , d e v i e n d r o n t m e i l l e u r e s q u a n d les
Hausvalèr a u r o n t p l u s d ' e x p é r i e n c e . On a u r a i t d é s i r é s a v o i r de q u e l
genre d'expérience Sch. F . entend parler.
380 REVUE CRITIQUE
Le m ê m e d é c r i t la m a n i è r e d o n t il fut c o n d u i t au v i o l o n d e N . ,
s ' é t a n t r e n d u c o u p a b l e de m e n d i c i t é . C o n d a m n é à quinze j o u r s de
d é t e n t i o n , l o r s q u ' i l s o r t i t , h a b i l l é d e n e u f p a r l ' a s s i s t a n c e p u b l i q u e , il
d e v i n t le s o u t e n e u r d ' u n e p r o s t i t u é e e t fut b i e n t ô t r e p r i s e t c o n d a m n é
à six m o i s de t r a v a u x f o r c é s .
K. M . (n° 23), déjà c i t é , n o u s d o n n e les Réflexions d'un Solitaire, le
Dimanche de Noël Ces réflexions s o n t f r a n c h e m e n t p e s s i m i s t e s . T o u t le
m a l v i e n t d e ce q u e les m a u v a i s é l é m e n t s d o m i n e n t d a n s l ' e m p r i s o n -
n e m e n t e n c o m m u n e t d é t r u i s e n t la b o n n e i n f l u e n c e que le p a s t e u r e t
l ' i n s t i t u t e u r p o u r r a i e n t e x e r c e r s u r les d é l i n q u a n t s m o i n s p e r v e r t i s .
Lès p u n i t i o n s o r d i n a i r e s s o n t a b s o l u m e n t s a n s n u l effet.
D e u x s e u l s d é t e n u s o n t p a r t i c i p é à ce c h a p i t r e . L'inévitable
n u m é r o 11 ( K . G . ) p r e s q u e à lui s e u l , e t le n u m é r o 5 ( H . E . B r . ) q u i
p e i n t à n o u v e a u , d a n s u n e p a g e r e m p l i e d e l a m e n t a t i o n s , les m i s è r e s
d ' u n p a u v r e é c r i v a i n , d o n t l'insuffisance d u s a l a i r e fait p r e s q u e n é c e s -
s a i r e m e n t u n v o l e u r , c a r o n ne p e u t p a s lui d e m a n d e r d ' a v o i r p l u s de
m o r a l e e t de r e l i g i o n q u e son chef de b u r e a u (!)
K. G . fait u n e l o n g u e d i s s e r t a t i o n , u n v r a i s e r m o n , o ù il p a r l e de
1
Les n u m é r o s fi, 7. g, 10, 14 ( a f o i s ) . i5 (2 f o i s ) . 17, i g , s i , 2G, 27, 3i (/i fois).
D* P.-L. Ludume. — CHRONIQUE ALLEMANDE 381
t o u t , p o u r a b o u t i r à c e t t e c o n c l u s i o n q u e le m é c o n t e n t e m e n t des
classes o u v r i è r e s et des h o m m e s de n o t r e t e m p s e n g é n é r a l v i e n t du
m a n q u e de c h r i s t i a n i s m e p r a t i q u e . Il n ' y a d ' a u t r e r e m è d e à la q u e s -
tion sociale q u e de r e v e n i r à la foi c h r é t i e n n e , a u x e n s e i g n e m e n t s du
Christ.
D e u x a n s p l u s t a r d , K . G. p u b l i e u n e c r i t i q u e de la m ê m e q u e s t i o n ,
o ù il p a r l e u n p e u a u t r e m e n t . La r e l i g i o n , dit-il, n ' a p u e m p ê c h e r le
m o n d e d e t o m b e r d a n s les b r a s d u m a t é r i a l i s m e ; le t r a v a i l l e u r r e l i -
g i e u x n ' e s t r i e n d ' a u t r e q u e le fou d u m a t é r i a l i s m e e t , q u i p l u s est, u n
fou c o m p l è t e m e n t d é s a r m é . La c u l t u r e des m i l i e u x o u v r i e r s doit d o n c
être p u r e m e n t intellectuelle. La phraséologie sentimentale des théolo-
g i e n s n ' é v e i l l e chez les o u v r i e r s q u e l ' a m e r t u m e d e l e u r s i t u a t i o n . E t
l ' a u t e u r t e r m i n e p a r c e t t e p h r a s e t r i s t e m e n t i r o n i q u e : « V r a i m e n t le
m o n d e e s t d é l i c i e u x p o u r les r i c h e s , m a i s les p a u v r e s . Ah ! si vous ê t e s
de ceux-ci, t a n t pis pour v o u s ! (Voltaire). »
D e u x m é m o i r e s p a r d e u x d é t e n u s . L e n u m é r o i 1 [li. G . ) de n o u -
v e a u , s u r le t h è m e Par un récidiviste, et le n u m é r o 2 5 ( P . G. W . ) s u r
les Colonies allemandes de criminels.
N o u s r e t r o u v o n s d a n s l ' é c r i t de Iv. G . les m ê m e s r é p é t i t i o n s s u r les
c a u s e s d e la r é c i d i v e chez les c r i m i n e l s , les m ê m e s r é c r i m i n a t i o n s c o n -
tre l ' é g o ï s m e d e la s o c i é t é q u i r e p o u s s e a v e u g l é m e n t le d é l i n q u a n t
s o r t a n t de p r i s o n a v e c la f e r m e r é s o l u t i o n d e v i v r e h o n n ê t e m e n t de
s o n t r a v a i l . L e s d é t e n u s l i b é r é s p o r t e n t le s i g n e d e C a ï n . P a r c o n t r e ,
la p o l i c e e t les m a u v a i s e s c o m p a g n i e s les g u e t t e n t e t s ï n t é r e s s e n t v i v e -
ment à eux.
Q u a n t a u x S o c i é t é s d e p a t r o n a g e p o u r les d é t e n u s l i b é r é s , elles
m a n q u e n t leur but, car leurs résultats ne doivent c e p e n d a n t pas être
c o m p t é s d ' a p r è s la s o m m e de s e c o u r s m a t é r i e l s q u ' e l l e s o n t a c c o r d é s
a u x d é t e n u s s o r t a n t s de p r i s o n . L ' a c t i v i t é de ces S o c i é t é s cesse là où
c o m m e n c e la v r a i e c h a r i t é c h r é t i e n n e .
Le n u m é r o 20 ( P . G. W . ) est u n n é g o c i a n t c u l t i v é , c o n d a m n é p l u -
s i e u r s fois p o u r e s c r o q u e r i e (un m o i s , six m o i s , u n e a n n é e e t d e m i e e t
enfin d e u x a n s ) , d i v o r c é , s'est r e m a r i é e t n ' e s t p l u s r e t o m b é d e p u i s
1 8 9 7 . 11 affirme q u e les p u n i t i o n s d i s c i p l i n a i r e s n ' o n t j a m a i s eu q u e de
m a u v a i s r é s u l t a t s s u r les c r i m i n e l s . Il p r é c o n i s e la d é p o r t a t i o n des c r i -
m i n e l s p o u r f o r m e r des c o l o n i e s , c o m m e o n t su le faire les P o r t u g a i s ,
les A n g l a i s , les F r a n ç a i s et les A m é r i c a i n s d u S u d . La R u s s i e aussi sait
t i r e r p a r t i d e ses f o r ç a t s p o u r c o l o n i s e r . D a n s la légion é t r a n g è r e
d ' A l g é r i e , c e t e x c r é m e n t de l ' E u r o p e , l ' é l é m e n t a l l e m a n d est p r é d o m i -
nent. L'auteur, q u i a beaucoup voyagé, a connu des criminels, maintes
fois c o n d a m n é s e n A l l e m a g n e , q u i s o n t d e v e n u s d ' e x c e l l e n t s c o l o n s
d a n s les îles d e la S o n d e .
REVUE CRITIQUE
*
**
r
S o u s le t i t r e Notices psychologiques, le D A L B E R T H E L L W I G , 1
**
L e m e n s o n g e p a t h o l o g i q u e « s o u s f o r m e de la p s y c h o s e » n o m m é e p a r
D e l b r ü c k Pseudologia phantastica a fait l'objet d ' u n e i n t é r e s s a n t e
r
é t u d e p s y c h o l o g i q u e d u D OTTO HINRICHSEN, m é d e c i n a s s i s t a n t à l'asile
cantonal d e W i l (Saint-Gall)'. L'auteur m o n t r e q u e les dégénérés et
les h y s t é r i q u e s a t t e i n t s d e p s e u d o l o g i e s o n t s o u v e n t t r è s i n t e l l i g e n t s ;
il n ' a d m e t p a s , c o m m e o n l'a p r é t e n d u , q u e la faiblesse d ' e s p r i t s o i t
t o u j o u r s à la b a s e d e c e b e s o i n d e m e n t i r , q u o i q u ' e l l e existe c e r t a i n e -
m e n t dans u n grand n o m b r e d e cas. Hinrichsen rapproche l'exubé-
rance fantastique de ces psychopathes des rêveries des poètes et du
j e u d e s v r a i s c o m é d i e n s q u i s'identifient a v e c l e s p e r s o n n a g e s q u ' i l s
r e p r é s e n t e n t . I l c o m p a r e l e s c a s qu'il a o b s e r v é s à c e u x q u i o n t é t é
p u b l i é s , e t il t i r e , c h e m i n faisant, d e s c o n c l u s i o n s p s y c h o l o g i q u e s d e
ces r a p p r o c h e m e n t s . I l fait e n t r e v o i r q u e c e r t a i n s cas d e pseudologie
fantastique r a p p e l l e n t p a r l e u r s c a r a c t è r e s d ' i m p u l s i v i t é les é t a t s c r é -
p u s c u l a i r e s é p i l e p t i q u e s . H i n r i c h s e n est de c e u x q u i p e n s e n t q u e l'hys-
t é r i e e t l ' é p i l e p s i e s o n t a u fond d e m ê m e n a t u r e , e t q u ' e l l e s n e p e u v e n t
ê t r e s é p a r é e s n o s o l o g i q u e m e n t . Qu'il y a i t d e n o m b r e u x c a s i n t e r m é -
d i a i r e s , o ù l ' o n n e p u i s s e se p r o n o n c e r d ' u n e m a n i è r e a b s o l u e e n t r e
elles, cela e s t d e t o u t e é v i d e n c e . M a i s q u e l'on c o n c l u e d e c e fait à
l ' i d e n t i t é d e n a t u r e d e s d e u x m a l a d i e s , si p r o f o n d é m e n t d i s t i n c t e s
d a n s l e u r s t y p e s n e t t e m e n t a c c u s é s , c'est c e q u ' a u c u n c l i n i c i e n , si j e
ne m'abuse, n'acceptera jamais.
N o u s r a n g e o n s d a n s la P s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e les é t u d e s d e c a r a c -
2
t è r e s faites p a r S c h n e i c k e r t s u r le curieux et sa valeur comme
témoin; la légèreté et la crédulité du public dans les affaires crimi-
3
nelles ; le délateur''. L ' a u t e u r n e n o u s p a r a î t pas a v o i r é t é bien ins-
p i r é e n c r é a n t u n m o t n o u v e a u p o u r d é s i g n e r le s u j e t d e s o n t r a v a i l ,
q u ' i l d o n n e s o u s le t i t r e à'Etudes caraclérologiques criminelles. 11
s'agit b i e n d e p s y c h o l o g i e c o m m e il est facile d e s'en a s s u r e r . O n y
t r o u v e d e s o b s e r v a t i o n s j u d i c i e u s e s q u e S. a e u l ' o c c a s i o n d e faire
c o m m e c o m m i s s a i r e d e p o l i c e à la p r é s i d e n c e d e la police r o y a l e d e
Berlin.
1 r
D O . HINRICHSEN, Z u r K a s u i s t i k u n d P s y c h o l o g i e d e r P s e u d o l o g i a p h a n t a s -
e1
t i c a (Archiv, für Kriminal-Anthropologie, v . H . G r o s s , ?.3'' v o l . f a s c . i " e t 2 ,
p . 3 3 , 20 a v r i l 1906).
2
D ' j u r . H A N S SCHNEICKERT, K r i m i n a l c h a r a k t e r o l o g i s c h e S t u d i e n . I . D e r N e u -
g i e r i g e u n d s e i n "Wert a l s Z e u g e (Archiv für Kriminal-Anthropologie, von Hans
G r o s s , 1 8 ° V o l . ) , f a s c . 2 e t 3 . p . 175, 24 f é v r i e r i g o ö .
3
I I . L e i c h t s i n n u n d L e i c h t g l ä u b i g k e i t d e s P u b l i k u m s u n d K r i m i n a l i t ä t (ibid.,
p. i 3 ) .
9
4
I I I . D e r D e n u n c i a n t (ibid., so v o l . f a s c . 3 e t 4, p . 264. 3 d é c e m b r e 190G,
384 REVUE CRITIQUE
**
La P s y c h o l o g i e d e s t é m o i n s d o n t n o u s a v o n s l o n g u e m e n t p a r l é
d a n s n o t r e d e r n i è r e c h r o n i q u e , a é t é t r a i t é e p a r R A D B R U C H '- e t K O R N -
2
F E L D . L e p r e m i e r r e l a t e d e n o u v e l l e s e x p é r i e n c e s s u r les t é m o i g n a g e s
r
faites à H e i d e l b e r g d a n s le l a b o r a t o i r e de p s y c h o l o g i e d u D E l s e n h a u s .
C e s e x p é r i e n c e s se d i s t i n g u e n t d e celles q u i o n t é t é faites j u s q u ' i c i :
i ° p a r c e q u e l'objet d u t é m o i g n a g e n ' é t a i t p a s u n e a c t i o n , m a i s u n
é c h a n g e d e p a r ó l e s ; 2 ° p a r c e q u e les p e r s o n n e s e n e x p é r i e n c e f u r e n t lais-
sées assez l o n g t e m p s d a n s l ' i g n o r a n c e d e la s i m u l a t i o n d e la s c è n e , afin
d ' é v i t e r les falsifications d e l e u r s o u v e n i r ; 3° enfin, p a r c e q u ' o n choisit
d e u x j u g e s ( c o m m e D e t m o l d l'avait p r o p o s é ) e n d e h o r s d e c e u x q u i
a v a i e n t été p r é s e n t s à l ' é v é n e m e n t e x p é r i m e n t a l . Les r é s u l t a t s d e c e t t e
e x p é r i e n c e n e diffèrent p a s d u r e s t e d e c e u x q u i o n t é t é o b t e n u s p r é c é -
d e m m e n t . Q u a n t à K o r n f e l d le c a s qu'il d é c r i t d e fausse p e r c e p t i o n
d'un témoin reste obscur et inexpliqué. L'auteur aurait bien d û donner
quelques renseignements sur l'état psychologique du gendarme qui a
t r o u v é d a n s u n é t a n g le c a d a v r e d ' u n e n f a n t d e q u e l q u e s s e m a i n e s
e n v e l o p p é d a n s des l a n g e s e t q u i l'a r e j e t é d a n s l ' e a u e n t o u r n a n t l a t ê t e ,
t a n t il s e n t a i t m a u v a i s . O n m i t l ' é t a n g à s e c e t o n n e t r o u v a a u c u n e
t r a c e d e ce s q u e l e t t e ! K . se b o r n e à n o u s d i r e q u ' o n n e p o u v a i t a t t r i -
b u e r a u c u n e v a l e u r a u t é m o i g n a g e d u g e n d a r m e , p a r c e q u ' o n s'était
assuré q u e l e c a d a v r e d e l ' e n f a n t n ' a v a i t p a s é t é e n l e v é d e l ' é t a n g (?)
(qui n e fut m i s à s e c q u e d e u x j o u r s a p r è s ) .
3
B A U E R r a p p o r t e u n cas i n t é r e s s a n t de t é m o i g n a g e t o u t a fait e r r o n é
p a r u n h o m m e q u i a v a i t é t é v i c t i m e d ' u n e f r a c t u r e d u c r â n e suivie d e
graves symptômes (hémiplégie droite et aphasie). D'autres témoins
p u r e n t h e u r e u s e m e n t f o u r n i r la p r e u v e q u ' i l se t r o m p a i t c o m p l è t e -
ment.
La « S o c i é t é p s y c h o l o g i q u e j u d i c i a i r e » d e H e i d e l b e r g a p p e l a l ' a n n é e
d e r n i è r e le p r o f e s s e u r H A N S G R O S S à faire d a n s c e t t e ville u n e confé-
r e n c e s u r la Psychologie criminelle el la politique pénale, qui eut
4
lieu le 1 7 n o v e m b r e 1 9 0 6 . N o u s r e t r o u v o n s d a n s c e t t e é t u d e les q u a -
lités q u i d i s t i n g u e n t c e t é m i n e n t c r i m i n a l i s t e : l a c l a r t é d e l ' e x p o s i t i o n ;
la h a r d i e s s e d e s c o n c e p t i o n s e t d e s v u e s g é n é r a l e s ; la l a r g e u r d e s i d é e s ;
l ' o r i g i n a l i t é d e la p e n s é e ; la p é n é t r a t i o n de l ' a n a l y s e d e s « m o m e n t s psy-
c h o l o g i q u e s » d a n s les q u e s t i o n s j u r i d i q u e s ; la c r i t i q u e éclairée d e s
1
D ' j u r . GUSTAV HADBIIUCH ( H e i d e l b e r g ) , E i n n e u e r V e r s u c h z u r P s y c h o l o g i e
d e r Z e u g e n a u s s a g e (Archiv für Kriminal-Anthropologie, v . H a n s G r o s s , v o l . 23
l ' a s c . 3 e t 4, p - 32Q, a3 m a i 1906).
2
D r HERMANN KORNFELD, F a l s c h e Z e u g e n W a h r n e h m u n g e n (ihid, p . 344).
3 r
D RICHARD BAUER ( T r o p p a u ) , U n r i c h t i g e A u s s a g e e i n e s Z e u g e n i n f o l g e e i n e r
e r l i t t e n e n K o p f v e r l e t z u n g (Archiv f. Kriminal-Anthropologie, v. H . Gross,
v o l . 2,5. f a s c . 1 e t 2, p . 88, 3 o c t o b r e 1906).
4
P r o f . H . GROSS, K r i m i n a l p s y c h o l o g i e u n d S t r a f p o l i t i k (ibidem, v o l . 26,
f a s c . 1. p . 67, 21 d é c e m b r e 1906).
LK P.-L. Ladume. — CHRONIQUE ALLEMANDE 383
é l é m e n t s r o u t i n i e r s d e la j u r i s p r u d e n c e a c t u e l l e , e t le b e s o i n d e t r a -
v a i l l e r à ses p r o g r è s f u t u r s . H . G r o s s i n d i q u e e n q u e l q u e s m o t s la v o i e
f é c o n d e o ù d o i t d é s o r m a i s s ' e n g a g e r la j u s t i c e p é n a l e , e n r e c h e r c h a n t
a v a n t t o u t la c o n n a i s s a n c e d e l'étiologie d u c r i m e , afin d e m i e u x a p p l i -
q u e r le t r a i t e m e n t q u i est d e s t i n é à le p r é v e n i r ou à le s u p p r i m e r . Il
v o u d r a i t b r i s e r les c a d r e s é t r o i t s et les d é f i n i t i o n s r i g i d e s q u i p a r a -
l y s e n t a u j o u r d ' h u i la j u s t i c e , d o n t p r e s q u e s t o u t e s les lois s o n t faites
e n f a v e u r d e la d é g é n é r a t i o n h u m a i n e , et n e p r o t è g e n t p a s d u t o u t la
p a r t i e s a i n e e t f o r t e d e la p o p u l a t i o n .
Le dernier travail de psychologie criminelle, q u e je voudrais signaler
e n c o r e à n o s l e c t e u r s , a p a r u r é c e m m e n t d a n s les A r c h i v e s d u p r o -
fesseur G r o s s , s o u s le t i t r e : la Réhabilitation des condamnés et la
1 1
psychologie criminelle, p a r le D ' O T T O C A R T E S A R d e B e r l i n . C e t a u t e u r
d i s t i n g u e u n e a c t i o n p o s i t i v e e t u n e a c t i o n n é g a t i v e d e la r é h a b i l i t a t i o n
s u r le d é l i n q u a n t q u i s'en e s t r e n d u d i g n e . L ' a c t i o n p o s i t i v e d o i t
e x e r c e r u n e i n f l u e n c e s u r l ' â m e d u d é t e n u l i b é r é . E l l e favorise sa
c o n v a l e s c e n c e s o c i a l e et d e v i e n t u n m o y e n p r é v e n t i f c o n t r e u n e
r e c h u t e . E l l l e l u i p r o c u r e u n e force d e r é s i s t a n c e c o n t r e ses i n s t i n c t s
a n t i s o c i a u x e t l ' e m p ê c h e de t r é b u c h e r s u r le c h e m i n d u d r o i t .
L ' a c t i o n n é g a t i v e d e la r é h a b i l i t a t i o n s u r l e d é l i n q u a n t est celle q u i
lui d o n n e la p o s s i b i l i t é d e v i v r e à l ' a v e n i r d a n s u n m i l i e u a u s s i p e u
d a n g e r e u x q u e p o s s i b l e , où les t e n t a t i o n s n u i s i b l e s s e r o n t é c a r t é e s
a u t a n t q u e faire se p e u t .
L a r é h a b i l i t a t i o n est u n certificat d e l é g i t i m a t i o n q u i p e r m e t a u
d é t e n u l i b é r é d e r e d e v e n i r u n m e m b r e u t i l e d a n s la s o c i é t é . Elle l u i
p e r m e t aussi d e p a r a î t r e c o m m e t é m o i n d e v a n t les t r i b u n a u x , car les
j u g e s n ' a u r o n t p l u s le d r o i t de d é v o i l e r p u b l i q u e m e n t s o n c a s i e r j u d i -
c i a i r e . T o u t e f o i s , la l i m i t a t i o n du d r o i t d e q u e s t i o n n e r les t é m o i n s offre
d e g r a n d e s difficultés et n ' e s t p o i n t e n c o r e u n e q u e s t i o n r é s o l u e . Il y
a d e s cas o ù les c o n d a m n a t i o n s a n t é r i e u r e s d e v r o n t c e p e n d a n t ê t r e
m e n t i o n n é e s ( r é c i d i v e s ) . Q u a n d les r é h a b i l i t é s n ' a u r o n t p l u s à c r a i n -
d r e , d e l ' o p i n i o n ou d e s p r é j u g é s d u m o n d e , u n e a t t e i n t e à l e u r h o n o r a -
b i l i t é , le « d r o i t d e q u e s t i o n n e r » p o u r r a s ' e x e r c e r a l o r s s a n s a u c u n e
limitation.
•*
**
Le m o u v e m e n t d'entente entre juristes et médecins dont j e signa-
lais l ' i m p o r t a n c e d a n s m a d e r n i è r e c h r o n i q u e a l l e m a n d e s'est p o u r -
s u i v i d è s l o r s en A l l e m a g n e , avec u n s u c c è s c r o i s s a n t . D e n o m b r e u s e s
S o c i é t é s m i x t e s PSYCHOLOGICO-JUDJCIAIRES, OÙ m é d e c i n s e t j u r i s t e s t r a -
v a i l l e n t e t d i s c u t e n t en c o m m u n les p r o b l è m e s de p s y c h i a t r i e l é g a l e ,
se s o n t f o n d é e s à B r è m e , S t u t t g a r t , H e i d e l b e r g , D r e s d e , G o e t t i n g u e ,
1
D ' OTTOCAK TESAR ( B e r l i n ) , D i e R é h a b i l i t a t i o n V e r u r t e i l t e r u n d d i e K r i m i n a l -
e
psychologie (Archiv fur Krimin.il-Anthropologie und Kriminalistik, 26 vol.
4° f a s c , p . 3 4 4 - 29 a v r i l 1907).
386 REVUE CRITIQUE
e t c . U n c o u r s i n t e r n a t i o n a l d e Psychologie judiciaire et de p s y -
chiatrie e u t lieu à G i e s s e n p e n d a n t la s e m a i n e d u i 5 a u 20 avril 1907.
C e c o u r s r é p o n d a i t t e l l e m e n t a u x b e s o i n s q u i s e font d e p l u s e n p l u s
s e n t i r q u e , m a l g r é le peu d e p u b l i c i t é faite p o u r l ' a n n o n c e r , i 3 5 j u r i s t e s ,
médecins, pédagogues, fonctionnaires d'établissements pénitentiaires,
e t a u t r e s p e r s o n n e s s ' i n t é r e s s a n t à ces q u e s t i o n s , y p r i r e n t u n e p a r t
a c t i v e . L e s c o u r s e u r e n t lieu d a n s la c l i n i q u e d e s m a l a d i e s m e n t a l e s
et nerveuses de Giessen, bien connue des médecins-aliénistes français.
L e p r o f e s s e u r S O M M E R t r a i t a les p r o b l è m e s a c t u e l s d e la psychologie
r
criminelle. Le D D A N N E M A N N p a s s a en r e v u e les f o r m e s les p l u s usuelles
d e troubles mentaux e n r a p p o r t a v e c la c r i m i n a l i t é ; l e u r simulation.
D a n n e m a n n p r o p o s e la c r é a t i o n d e t u t e u r s s p é c i a u x , a y a n t u n e ins-
truction psychiatrique, p o u r surveiller avec bienveillance, mais avec
u n e c e r t a i n e a u t o r i t é , les n o m b r e u x i m b é c i l e s , é p i l e p t i q u e s , alcooli-
q u e s , e t c . , q u i v i v e n t d a n s la s o c i é t é , o ù ils a p p o r t e n t le t r o u b l e , e t q u i
s o n t f r é q u e m m e n t la c a u s e d e s c a n d a l e s p u b l i c s e t d e r u i n e p o u r
l e u r famille, q u i s o u v e n t a u s s i d e v i e n n e n t d a n g e r e u x e t c r i m i n e l s .
A S C H A F F E N B O U R G d é v e l o p p a , a v e c sa g r a n d e c o m p é t e n c e , la q u e s t i o n
d e s causes sociales d u c r i m e e t l e s c i r c o n s t a n c e s é t i o l o g i q u e s d e s j a r é -
dispositions i n d i v i d u e l l e s , s p é c i a l e m e n t les r a p p o r t s d e l'alcoolisme avec
la c r i m i n a l i f é . Il t r a i t a e n o u t r e d e s délits s e x u e l s , d e la r e s p o n s a b i l i t é
a t t é n u é e e t d e s q u e s t i o n s q u i s'y r a t t a c h e n t .
Les t h é o r i e s e t les r é f o r m e s d u d r o i t p é n a l f u r e n t e x p o s é e s p a r le
p r o f e s s e u r M I T T E R M A I E R , q u i e n v i s a g e a s u r t o u t l e s q u e s t i o n s d'ac-
t u a l i t é , n o t i o n e t n a t u r e d e l a p e i n e , i m p o r t a n c e d e l ' i m p u t a b i l i t é et
d e la r e s p o n s a b i l i t é , c a r a c t è r e s e t motifs d e l a f a u t e , m e s u r e d e la
pénalité, condamnation indéterminée et conditionnelle, psychologie
des procès, e t c .
Les m e m b r e s p a r t i c i p a n t s n o m m è r e n t u n C o m i t é n a t i o n a l p o u r p r é -
0
p a r e r l e V I I C O N G R È S I N T E R N A T I O N A L D ' A N T H R O P O L O G I E CRIMINELLE q u i
a u r a lieu e n 1909 o u 1910, à F r a n k f o r t - s u r - l e - M a i n o u à C o l o g n e .
r
D P.-L. LADAME.
B I B L I O G R A P H I E
CONCLUSIONS DE THÈSES
DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
s o u s la p r é s i d e n c e d u P r o f e s s e u r RÉOIS.
i» L e d é l i r e a l c o o l i q u e a i g u , t r è s r a r e autrefois chez la f e m m e , à
Bordeaux, progresse actuellement dans des proportions appréciables.
0
2 II n ' e s t d û n i a u vin n i à l'alcool d e v i n . A B o r d e a u x , la f e m m e
n e f r é q u e n t e g u è r e le c a b a r e t , mais elle s'y a p p r o v i s i o n n e e t si parfois
elle c o n s o m m e d e s apéritifs et d e s b o i s s o n s à e s s e n c e s , le p l u s sou-
v e n t s a l i q u e u r préférée est le r h u m o u l ' e a u - d e - v i e . L ' a c c r o i s -
s e m e n t d e c e t t e c o n s o m m a t i o n e s t parallèle à l ' a c c r o i s s e m e n t d u n o m -
bre des cabarets, qui o n t augmenté dans d e s proportions considéra-
bles d e p u i s 1 8 7 5 , é p o q u e o ù le p h y l l o x é r a s'est a b a t t u s u r la r é g i o n e t
a d i m i n u é la p r o d u c t i o n e t la c o n s o m m a t i o n d u v i n n a t u r e l .
3° Etiologie. — E n d e h o r s d e l ' h é r é d i t é e t d e s a u t r e s causes p r é -
d i s p o s a n t e s d e l'alcoolisation, il s e m b l e q u e l ' o n doive a c c o r d e r chez
la f e m m e u n e place p r é p o n d é r a n t e à l ' e n t r a î n e m e n t i r r a i s o n n é , soit
p a r le m a r i , soit p a r les a m i e s .
Les professions d e la f e m m e é t a n t p o u r la p l u p a r t s é d e n t a i r e s , la
d o s e d'alcool c o n s o m m é e q u i , chez l ' h o m m e , e s t b r û l é e e n p a r t i e p a r
le travail m u s c u l a i r e , agit chez la f e m m e d a n s s o n i n t é g r i t é . L a s a t u r a -
t i o n e t ses m a n i f e s t a t i o n s m e n t a l e s s u r v i e n n e n t d o n c p l u s v i t e .
L'âge a u q u e l le délire éclate e s t l'âge m o y e n d e la v i e , c ' e s t - à - d i r e
l ' é p o q u e o ù la f e m m e est la plus a p t e à la p r o c r é a t i o n .
4° L a symptomalologie e s t la m ê m e q u e chez l ' h o m m e . A s i g n a l e r
p o u r t a n t q u e , si l ' h o m m e avoue parfois l ' a l c o o l i s m e , la f e m m e n e l ' a v o u e
j a m a i s . D ' o ù la n é c e s s i t é d ' i n t e r r o g e r l ' e n t o u r a g e p o u r savoir la v é r i t é ,
e t d e n e se b a s e r q u e s u r les d i r e s d e celui-ci p o u r c o n n a î t r e la n a t u r e
des boissons incriminées.
5 ° Pronostic. — R e l a t i v e m e n t b é n i n p o u r les n o n - h é r é d i t a i r e s , p l u s
s o m b r e p o u r les h é r é d i t a i r e s . D u r é e : assez c o u r t e chez les n o n - h é r é -
d i t a i r e s , p l u s l o n g u e chez les h é r é d i t a i r e s .
388 BIBLIOGRAPHIE
E n u t i l i s a n t la m é t h o d e d e c r i t i q u e h i s t o r i q u e , m a l g r é d e g r a n d e s
difficultés d e d o c u m e n t a t i o n , n o u s a v o n s c r u p o u v o i r é c r i r e , s u r J e a n -
B a p t i s t e - P o q u e l i n M o l i è r e , u n essai m é d i c a l p r é s e n t a n t q u e l q u e s garan-
ties d ' e x a c t i t u d e . L ' é t u d e d e s n o t e s g é o g r a p h i q u e s , l e u r c o n f r o n t a -
t i o n avec les r e n s e i g n e m e n t s t i r é s d e l ' œ u v r e e l l e - m ê m e d e M o l i è r e ,
n o u s o n t p e r m i s d e faire les c o n s t a t a t i o n s s u i v a n t e s :
i ° M o l i è r e a p p a r t i n t à u n e famille n o m b r e u s e d o n t les m e m b r e s
c o n n u s m o u r u r e n t j e u n e s , s e m b l a n t ainsi p r é s e n t e r u n e d é b i l i t é h é r é -
ditaire.
a" V e n u a v a n t t e r m e , il offrit l u i - m ê m e c o r p o r e l l e m e n t les signes
c a r a c t é r i s t i q u e s d u r a c h i t i s m e e t , p s y c h i q u e m e n t , u n e g r a n d e sensi-
bilité q u i l e p r é d i s p o s a à souffrir d e l a b r u t a l i t é des é v é n e m e n t s .
3° S a vie n o u s d o n n e l e s p e c t a c l e d e g r a n d e s i n f o r t u n e s , d e c h a g r i n s
profonds, d'un s u r m e n a g e continuel. Sa santé fut ébranlée p a r des
t r o u b l e s g a s t r o - i n t e s t i n a u x . S a m o r t fut p r o v o q u é e p a r u n e h é m o p t y -
sie t u b e r c u l e u s e .
4° E n é t u d i a n t s e s œ u v r e s a u p o i n t d e v u e d e la p s y c h o l o g i e m o r -
b i d e , o n y t r o u v e d e u x c r é a t i o n s p r i n c i p a l e s : a) s o n Misanthrope,
q u i r e p r é s e n t e assez p a r f a i t e m e n t le t a b l e a u d ' u n n e u r a s t h é n i q u e psy-
c h i q u e ; h) s o n Malade imaginaire qui r é s u m e d ' u n e façon à p e u près
c o m p l è t e les t r a i t s d u n e u r a s t h é n i q u e g a s t r o - i n t e s t i n a l .
G r â c e a u x n o t e s b i o g r a p h i q u e s , à l ' i n t e r p r é t a t i o n d e ses a u t r e s
œ u v r e s , o n t r o u v e chez M o l i è r e u n p a r a l l é l i s m e f r a p p a n t a u p o i n t de
v u e d e s t y p e s e t d e s é p o q u e s e n t r e c e s d e u x c r é a t i o n s e t les crises de
p s y c h o l o g i e m o r b i d e d e l e u r a u t e u r . L a c r é a t i o n d u Malade imagi-
naire s e r a i t la r é s u l t a n t e d e l ' o r i e n t a t i o n n o u v e l l e p r i s e p a r les idées
m o r b i d e s d e M o l i è r e sous l'influence d e l ' a g g r a v a t i o n d e s e s m a l a d i e s
physiques.
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 389
A r c h . AnLIir. C r i n i .
394 REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES
t r è s j u d i c i e u s e m e n t e x p o s é l ' é t a t d e la q u e s t i o n , e t t r a d u i t e x a c t e m e n t
l'opinion d e la S o c i é t é . J e v o u s p r o p o s e d o n c d e d e m a n d e r à M . L e r e d u
d e n o u s p r é s e n t e r , à la p r o c h a i n e s é a n c e , u n t e x t e t r a n s a c t i o n n e l , s u r
l e q u e l p o r t e r a la d i s c u s s i o n .
(La p r o p o s i t i o n e s t a d o p t é e à l ' u n a n i m i t é . ) — G R A N J U X . (Bull, mèd.)
Dissymétrie humaine. — M . L I P P M A N N p r é s e n t e u n e n o t e d e
M . L i e b r i c h d a n s laquelle l'auteur e x p o s e que d ' a p r è s l ' é t u d e d ' u n t r è s
g r a n d n o m b r e d e c r â n e s à l a q u e l l e il s'est l i v r é , la d i s s y m é t r i e d e la
face doit ê t r e c o n s i d é r é e c o m m e u n fait g é n é r a l chez l ' h o m m e . L ' a u t e u r
a t t r i b u e c e t t e d i s s y m é t r i e à l ' i n c u r v a t i o n d e la c o l o n n e v e r t é b r a l e , i n c u r -
vation p a r s u i t e d e l a q u e l l e l ' e n f a n t , d a n s la p r e m i è r e p h a s e d e sa vie,
r e p o s e s u r le côté g a u c h e e t le d é p r i m e . (Acad. des sciences, 16 m a r s . )
SOCIÉTÉ D E M É D E C I N E D E B E R L I N
(Sem. mèd.)
SOCIÉTÉ D E M É D E C I N E D E V I E N N E
N O U V E L L E S
I l e C o n g r è s d e s P r a t i c i e n s ( L i l l e 1 9 0 8 ) . — Les m e m b r e s d u
C o m i t é d ' o r g a n i s a t i o n du C o n g r è s d e Lille o n t l ' h o n n e u r d ' i n f o r m e r
e
l e u r s c o n f r è r e s q u e le n o m b r e d e s a d h é s i o n s a u 2 C o n g r è s d e s P r a t i -
ciens d e F r a n c e et a u x e x c u r s i o n s q u i e n s u i v r o n t la c l ô t u r e , d é p a s s e
à l ' h e u r e a c t u e l l e t o u t e s l e u r s e s p é r a n c e s , a s s u r a n t ainsi a u C o n g r è s u n
succès éclatant.
Las a d h é s i o n s a u v o v a a e à L o n d r e s et à B r u x e l l e s d o i v e n t ê t r e
a d r e s s é e s d ' u r g e n c e a u C o m i t é , p o u r l u i p e r m e t t r e d e p r e n d r e les
m e s u r e s n é c e s s a i r e s . Ces a d h é s i o n s n ' o n t q u ' u n e v a l e u r i n d i c a t i v e e t n e
d e v i e n n e n t définitives q u e l o r s d u v e r s e m e n t d e la s o m m e de i 3 o francs
q u i doit a v o i r l i e u a v a n t le ¡ 5 m a i a u p l u s t a r d .
p o r t a et le j e t a à la m e r ; il fut e n t r a î n é s o u s l'eau p a r le v a i s s e a u , q u i
c o u l a i t r a p i d e m e n t . Il essaya alors de r e g a g n e r la s u r f a c e , m a i s il n e
fit q u ' e n f o n c e r d a v a n t a g e . Ses efforts d i m i n u è r e n t c o n s i d é r a b l e m e n t la
p r o v i s i o n d ' a i r e n c o r e c o n t e n u e d a n s les p o u m o n s , et, a p r è s u n l a p s d e
t e m p s d'à p e u p r è s dix ou q u i n z e s e c o n d e s , M . L o w s o n ne p u t s'em-
p ê c h e r p l u s l o n g t e m p s de faire u n m o u v e m e n t d ' i n s p i r a t i o n ; a u s s i t ô t
il r e s s e n t i t u n e v i o l e n t e o p p r e s s i o n . L a d o u l e u r a i g u ë q u i se p r o d u i s i t
à ce m o m e n t , e t q u i a u g m e n t a i t à c h a q u e effort d ' e x p i r a t i o n , fut ce q u i
se g r a v a le m i e u x d a n s sa m é m o i r e .
Il lui s e m b l a i t ê t r e d a n s u n é t a u s e r r é g r a d u e l l e m e n t j u s q u ' à u n t e l
p o i n t q u ' i l c r u t q u e s o n s t e r n u m et sa c o l o n n e v e r t é b r a l e a l l a i e n t ê t r e
r o m p u s . A p r è s e n v i r o n dix efforts, les d é g l u t i t i o n s d e v i n r e n t p l u s f r é -
q u e n t e s e t t o u t e s p o i r s ' é v a n o u i t . P u i s le n o y é e u t la s e n s a t i o n q u e
l ' o p p r e s s i o n était i n t o l é r a b l e ; m a i s la d o u l e u r d i m i n u a à m e s u r e q u e
l'acide c a r b o n i q u e s ' a c c u m u l a i t d a n s le s a n g . En m ê m e t e m p s , les
efforts d ' i n s p i r a t i o n , ainsi q u e les m o u v e m e n t s de d é g l u t i t i o n q u i
a c c o m p a g n a i e n t c h a c u n d e ces efforts, s ' e s p a c è r e n t de p l u s en p l u s .
C h a q u e fois q u ' i l essayait d ' i n s p i r e r , sa b o u c h e s ' e m p l i s s a i t a u s s i t ô t
d ' e a u et, dès q u e l ' é p i g l o t t e s'était abaissée s u r le l a r y n x , la d é g l u t i t i o n
se p r o d u i s a i t . Il s e m b l a i t q u e l ' é p i g l o t t e n ' é t a i t r e l e v é e q u e p e n d a n t les
c o u r t e s e x p i r a t i o n s q u i s u c c é d a i e n t à c h a q u e effort d i n s p i r a t i o n .
L ' é t a t m e n t a l de M . L o w s o n é t a i t a l o r s tel q u ' i l lui p a r u t a v o i r u n
r ê v e a g r é a b l e ; enfin, il p e r d i t c o n n a i s s a n c e . Il ne p e u t pas dire a u
j u s t e c o m b i e n de t e m p s il passa sous l'eau, m a i s il l ' é v a l u e à p r è s d e
deux minutes.
Q u a n d l ' a u t e u r r e p r i t c o n n a i s s a n c e , il se t r o u v a à la surface d e l'eau
et lit u n e d o u z a i n e d e f o r t e s i n s p i r a t i o n s . Il r é u s s i t à g a g n e r la p l a g e
et, a u s s i t ô t , il e u t d e s v o m i s s e m e n t s a b o n d a n t s . Il ne p e n s e p a s q u ' i l
soit r e s t é de l'eau d a n s la t r a c h é e , car, s'il y en avait à ce m o m e n t , elle
dut être expulsée p a r l e s vomissements.
T e l l e est l ' e x p é r i e n c e p e r s o n n e l l e faite p a r M . L o w s o n ; c o m m e o n
p e u t s ' e n c o n v a i n c r e , la m o r t p a r s u b m e r s i o n n ' e s t pas aussi « d o u c e »,
d u m o i n s au d é b u t , q u e c e r t a i n s a u t e u r s le l a i s s e n t s u p p o s e r .
OUVRAGES R E Ç U S
e
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M a l o i n e , 1908.
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M a d r i d , 1908.
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a r s e n i c a l e e n a g r i c u l t u r e , b r o c h . d e 24 p . — S u r l ' e m p l o i d e s a r s e n i c a u x e n agri-
c u l t u r e , b r o c h . d e 10 p . ( E x t . d u Bull, de l'Acad. de médec).
A . GUILLIEKMOND e t J . B E A U V E R I E : C a r a c t è r e s h i s t o - c h i m i q u e s d e s g i o b o ï d e s d e l ' a l e u -
r o m e ( n o t e à la S o c . d e B i o l o g i e , 21 m a r s 1908).
P R O F E S S E U R E . M A S O I N : C h a t e a u b r i a n d . S a v i e e t s o n c a r a c t è r e , in-8° d e i o 3 p .
B r u x e l l e s , H a y o z , 1908.
R
D E u o . S T O C K I S : S o b r e e l v a l o r m e d i c o - l e g a l d e l o s c r i s t a l e s d e B a r b e r i o (traduction
e s p a g n o l e p a r L e c h a - M a r z o ) , b r o c h . d e 11 p .
R
D F E R N A N D O BRAVO Y M O R E N O : A s s u n l o s d e m e d i c i n a - l e g a l : la m i t o m a n i a ( a r t i c l e dans
l a Guela medica Catalana) ; T r a u m a t o l o g i e f o r e n s e ( a r t i c l e d a n s El progresso
medico); A s s u n t o s p a r a u n i n f o r m e d e i n c a p i c i d a d .
D O T T . A N G E L O D E DO.MINICIS : S u l l a g e n e s i d e l l ' i m p u l s o s e s s u a l e ( b r o c h . d e 7 p . ) 1908;
S u l l a d i l u i z i o n e d e l s a n g u e n e l l ' a n n e g a m e n t o e l e n t o , b r o c h . d e 11 p . 1908.
D O T T . E . M A D I A : U n a v i s i t a al M a n i c o m i o c r i m i n a l d i M a t t e a v a n , b r o c h . d e 23 p . , 190.3;
l e R e a z i o n i m i c r o c h i m i c h e c o n t r i b u t o al n u o v o m e t o d o p a r la r i c e r c a c h i m i c o - l e g a l e
d e i v e l e n i , b r o c h . d e 24 p . , 1906. S u l a p r e t e s a a z i o n e r i t a r d a t r i c e o d a c c é l é r a t r i c e
d e l l a p u t r e f a z i o n e da p a r t e d i a l c u n i v e l e n i , l a v o r o s p e r i m e n t a l e , b r o c h . d e 25 p . ,
1907, N a p o l i .
P R O F E S S E U R O . FHEIRF. D E CARVALHO ( d e B a h i a ) : U n c a s d e b l e s s u r e p é n é t r a n t e d u c œ u r
a v e c s u r v i e d e h u i t j o u r s ( e n p o r t u g a i s ) , in n ° 'A e t 0 d e l a Gazela medica de Bahia,
1907.
MINTSTRY O F F I N A N C E , E g y p t . : T h e a r c h œ o l o g i c a l S u r v e y o f N u b i a ( R e i s n e r , G . E l l i o t -
ù
S m i t h , W o o d J o n e s ) i n - 8 d e 39 p . a v e c 27 p l a n c h e s , C a i r e , 1908.
r
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l ' é t a t h y g r o m é l r i a u e s u r l e s é c h a n g e s r e s p i r a t o i r e s ( n o i e à l'Acad. des Se, G avril
1908).
r
D AUDIFFREND : Saint-Paul, Saint-Bernard, Auguste Comte, sommaires considérations
s u r l e u r a c t i o n r e s p e c t i v e , b r o c h . d e 14 p . , L y o n , A . R e y , 1908.
T H È S E S DE B O R D E A U X , p r é s i d e n c e d u p r o f e s s e u r L a n d e : D u d r o i t d e s m é d e c i n s e t d e s
h o s p i c e s d a n s l ' h o s p i t a l i s a t i o n d e s a c c i d e n t é s d u t r a v a i l p a r A l l a r y (89 p , 1907) — D e
l a c o n s o l i d a t i o n d e s b l e s s u r e s a u p o i n t d e v u e l é g a l , m é d i c a l e t m é d i c o - l é g a l par
T r i q u e t (G4 p . , 190S). — D e la s u f f o c a t i o n p a r c o m p r e s s i o n d u t h o r a x d a n s s e s r a p p o r t s
p a r B r u n (81 p . , 1908).
E M I L E F O U R Q U E T , p r o c u r e u r d e l a R é p u b l i q u e : L e s v a g a b o n d s . L e s v a g a b o n d s crimi-
n e l s . L e p r o b l è m e d u v a g a b o n d a g e , a v e c p r é f a c e d ' A . L a c a s s a g n e , u n v o l . in-iG
d e 195 p . , P a r i s , M a r c h a i e t B i l l a r d , 1908.
P R O F E S S E U R G I L B E R T - B A L L E T : L e ç o n d ' i n a u g u r a t i o n . L a C h a i r e d ' H i s t o i r e d e la m é d e -
c i n e , 12 m a r s 190S, p l a q u e t t e d e 45 p . a v e c p o r t r a i t s .
J . JARRICOT : S y p h i l i s e t s c a p h o c é p h a l i e , e t c . ( e x t . du Bull, de la Soc. d'anlhrop. de
Lyon, G j u i l l e t 1907, b r o c h . d e iG p . ) .
e
MÉMOIRES DE L ' A C A D É M I E D E S S C I E N C E S , B E L L E S - L E T T R E S ET A R T S DE L Y O N , 3 s é r i e , t. V I
( S o o p . ) , t. VII (379 p . a v e c p l a n c h e s ) , t. V i l i (4G8 p . ) 1901, 1903, 1900, L y o n , A . R e y .
L'Imprimeur-Gérant : A. REY.
ARCHIVES
D'ANTHROPOLMïf CRIMINELLE
DE MÉCyS'E^iÉGALE
ET DE PSYCHOLOGIE i j ^ R M A ^ È ET PATHOLOGIQUE
N O T E S E T O B S E R V A T I O N S M E D I C O - L E G A L E S
AFFAIRE W E B E R
(suite et fin)
Dans le dossier figurent, en effet, sous les cotes 197, une lettre
d'envoi et deux photographies d'un morceau d'intestin, signées
Socquet et Thoinot et portant la mention : « Portion de l'intestin
AFFAIRE WEBER 407
V i b e r t u n d e s a u t e u r s l e s p l u s a u t o r i s é s e n la m a t i è r e , d i t , t e x t u e l l e m e n t ,
d a n s s o n Précis de Médecine légale, p a g e 8 7 .
Il i m p o r t e d e s a v o i r q u e c h e z l e s j e u n e s e n f a n t s o n t r o u v e t r è s f r é q u e m -
m e n t e t m ê m e d'une f a ç o n p r e s q u e c o n s t a n t e l e s p l a q u e s d e P e y e r v o l u m i -
n e u s e s , b l a n c h e s , s a i l l a n t e s , e t t r è s a p p a r e n t e s . Une telle constatation ne
peut suffire pour établir le diagnostic de fièvre typhoïde (souligné par
MM. A u d i a t e t B r u n e a u ) .
Texte du D V I B E R T ( i 8 8 G , p a g e 8 7 ) .
r
1
En définitive, l'opunion du D ' Vibert parlant de très jeunes
enfants ne saurait être opposée à celle de MM. Thoinot et Socquet
qui ont décrit des lésions constatées sur le cadavre d'un enfant
âgé de neuf ans.
Mais dans leur discussion, MM. Audiat et Bruneau sont allés
beaucoup plus loin et ont nié l'existence des plaques de Peyer,
et même de l'ulcération signalée sur l'une de ces plaques hyper-
trophiées.
r
M. le D Bruneau nous a formellement déclaré qu'il n'avait
aperçu qu'une déchirure triangulaire de la muqueuse intestinale,
déchirure qu'il a considérée comme produite par les ciseaux au
moment où a été faite l'ouverture de l'intestin. Or, l'intestin a
1
été ouvert par le D ' Socquet suivant les règles usitées en pareil
cas, le long de la ligne d'insertion mésentérique de l'intestin et
au moyen d'un entérotome, ciseaux dont l'une des branches,
large, complètement arrondie à son extrémité, est plus longue
AFFAIRE WEBER 427
1
430 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
4
432 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
P a r l e D " G . G . DE C L É R A M B A U L T
Médecin-Adjoint d e l'Infirmerie S p é c i a l e d e s Aliénés,
p r è s la P r é f e c t u r e d e P o l i c e .
PREMIÈRE OBSERVATION
de soie. L e r a p p e l d e c e p a s s é p a r a i s s a i t l u i ê t r e p é n i b l e ; e l l e s e m b l a i t l e
juger inutile, inopportun, demandait à être ramenée à Fresnes, promettait
de rester bien tranquille, s e lamentait d e s e s fautes et pleurait. Elle s e m -
b l a i t , e n p r é s e n c e d e n o s q u e s t i o n s , n ' é p r o u v e r d'autre s e n t i m e n t q u e
c e l u i d e la h o n t e , e t n e p a s s a v o i r q u e n o u s p o u v i o n s c h e r c h e r , d a n s s e s
vols m ê m e , u n e atténuation de sa culpabilité.
N o u s apprîmes qu'elle volait par u n e sorte d ' i m p u l s i o n au cours d'une
t e n t a t i o n t r o p f o r t e , q u e la s o i e l a c h a r m a i t p a r t i c u l i è r e m e n t , q u e t a n t ô t
elle u t i l i s a i t l e s coupons volés, t a n t ô t l e s jetait, et tantôt l e s donnait, qu'elle
était s e x u e l l e m e n t frigide, avait e u d'ailleurs un amant, ou d e s amants, e t
s e m a s t u r b a i t ; q u ' a p r è s l e v o l e l l e m a n i a i t la s o i e a v e c p l a i s i r e t if n o u s
s e m b l a b i e n c o m p r e n d r e q u ' e n la m a n i a n t e l l e la s o u i l l a i t , é v i d e m m e n t e n
l'appliquant contre s e s parties g é n i t a l e s . N o u s n o u s a b s t î n m e s d e lui
demander quel genre précis de satisfaction elle recherchait, lors de s e s
v o l s et s'il y a v a i t a n g o i s s e o u l u t t e . N o u s c r a i g n i o n s e n effet d e l a d o c u -
m e n t e r , a u c a s o ù e l l e a u r a i t s u à l ' a v a n c e , p a r s u i t e d e l e c t u r e s , d'inter-
rogatoire médieo-Iégal ou d'internement antérieur, q u e l e s actes klepto-
m a n i a q u e s s e c o m b i n e n t parfois à d e s p e r v e r s i o n s s e x u e l l e s , e t n o u s crai-
g n i o n s , d a n s i e c a s c o n t r a i r e , d e la s u g g e s t i o n n e r . N ' e u s s i o n s - n o u s fait
q u e n o u s p r i v e r , p a r d e s q u e s t i o n s t r o p d i r e c t e s , * ' d e la s a v e u r p a r t i c u l i è r e
d e s é v o c a t i o n s s p o n t a n é e s e t d e la v a l e u r c o n v a i n c a n t e t o u t e s p é c i a l e q u e
p o s s è d e u n r é c i t s u i v i , c'eût é t é d é j à u n l a p s u s i r r é p a r a b l e .
S e s allégations paraissaient sincères, et un tableau cohérent s e dessinait,
m ê l é toutefois d'anomalies qui laissaient subsister u n doute. Le début de
s a p a s s i o n aurait é t é t a r d i f ; o r , si t e l e s t l e c a s f r é q u e m m e n t p o u r la
r
k l e p t o m a n i e ( D D u b u i s s o n ) , il n ' e n e s t p a s d e m ê m e p o u r l e s d i v e r s féti-
chism.es, auxquels la passion du toucher s e m b l e d e v o i r être assimilable.
Jeter l'objet volé e s t assez naturel, chez certaines d e s k l e p t o m a n i a q u e s
( D u b u i s s o n ) , ce l'est m o i n s , dans le c a s d'une passion d e g e n r e fétichiste.
N o t r e m a l a d e d i s a i t n e p a s s e r a p p e l e r l e d é b u t d e s a p a s s i o n p o u r ta s o i e ,
elle refusait d e décrire s o n premier vol. Or, c e p r e m i e r v o l avait é t é exé-
cuté à trente-deux ans ; l e s passions fétichistes remontent généralement
p r e s q u e à l ' e n f a n c e ; enfin il s e m b l a i t difficile q u e , c h e z u n e f e m m e j u s q u e - l à
f r i g i d e , u n e s e n s a t i o n s e x u e l l e i n t e n s e , é q u i v a l a n t e n q u e l q u e s o r t e au
premier amant des autres f e m m e s , eût passé sans laisser de souvenir.
Le lendemain, l e s m ê m e s réponses, sans aucune addition intéressante,
1
é t a i e n t f a i t e s à n o t r e c h e f , M. l e D ' L e g r a s , e t à n o u s - m ê m e . L a m a l a d e
répondait brièvement et à regret. Le troisième jour, nous apprenions
q u ' o u t r e la s o i e e l l e a i m a i t l e v e l o u r s e t q u e , d e p u i s t r è s l o n g t e m p s déjà,
elle devait à c e s étoffes d e s j o u i s s a n c e s s e x u e l l e s . Sortie de p e n s i o n à
quinze a n s , m a r i é e à seize (peut-être par suite de quelques craintes q u e sa
c o n d u i t e i n s p i r a i t à s a famille'?), e i l e n ' a v a i t a u c u n e m e n t a p p r é c i é l e s r a p -
p o r t s c o n j u g a u x ; q u e l q u e s a n n é e s p l u s tard lui é t a i t v e n u e u n e v é r i t a b l e
r é p u l s i o n c o n t r e s o n m a r i . A d o n n é e à la m a s t u r b a t i o n q u e l q u e t e m p s
avant son mariage, elle en avait repris l e s pratiques p e u de t e m p s après.
L ' i d é e d e la m a s t u r b a t i o n l u i é t a i t v e n u e , a s s u r a i t - e l l e , s p o n t a n é m e n t .
Un jour, étant seule dans sa c h a m b r e , elle éprouva u n e s e n s a t i o n inat-
t e n d u e , par l e f r ô l e m e n t f o r t u i t d ' u n e c h a i s e c o n t r e s e s o r g a n e s g é n i t a u x .
« J e n ' é t a i s p a s a s s i s e d e s s u s c o m m e d ' o r d i n a i r e , m a i s à c h e v a l , e t la
chaise était couverte en velours. L e s s e n s a t i o n s m ' a y a n t p l u , j ' a i r e c o m -
de Cléramhaull. — PASSION DES ÉTOFFES CHEZ LA FEMME 441
m e n é e ; m a i s j a m a i s j e n'avais e n t e n d u p a r l e r d e r i e n d e p a r e i l . L ' u s a g e
du doigt n'est venu qu'après. »
E l l e a v a i t é p r o u v é , a u p r è s d ' u n a m a n t t r è s c h é r i d ' e l l e , paraît-il, q u e l -
q u e s ébauches de jouissances sexuelles, mais très inférieures à celles que
lui p r o c u r a i t la m a s t u r b a t i o n . A i n s i l e m a t i n a u r é v e i l , e l l e r e s t a i t q u e l -
q u e f o i s au l i t , a p r è s q u e s o n a m a n t s'était l e v é , p o u r p o u v o i r , d è s q u ' i l
s e r a i t parti, s e m a s t u r b e r s a n s c o n t r a i n t e . La m a s t u r b a t i o n avait l i e u suiv
t o u t l e m a t i n , q u a n d e l l e se s e n t a i t r e p o s é e . E l l e s ' e n p a s s a i t q u e l q u e f o i s
u n ou d e u x j o u r s , j a m a i s p l u s .
Elle a éprouvé des rêves erotiques, avec réveil brusque, et suivis de
lassitude. « Je m e suis réveillée en pleine j o u i s s a n c e , croyant être pos-
s é d é e p a r u n c h i e n ; d ' a u t r e s fois c'était p a r d e u x h o m m e s . S o u v e n t i l s m e
faisaient d e s c h o s e s é p o u v a n t a b l e s , et j e m e réveillais en criant, t e l l e m e n t
j e souffrais, n é a n m o i n s j ' é p r o u v a i s d e l a j o i e . C'était p u r e i m a g i n a t i o n ;
j a m a i s d a n s la r é a l i t é j e n'aurais e s s a y é d e s c h o s e s s e m b l a b l e s . »
Elle a volé e x c l u s i v e m e n t des c o u p o n s de soie, e t bien que s e sachant
h y s t é r i q u e , j a m a i s e l l e n'a a c c e p t é l ' i d é e d ' u n e e x p e r t i s e m e n t a l e q u e s o n
a v o c a t l u i s u g g é r a i t . « J'avais trop p e u r d'être e n f e r m é e , c a r j e c o n n a i s l e s
asiles, une de m e s tantes est morte à Vaucluse : elle avait d e s douleurs
comme les miennes, »
Ces douleurs se rattachent à l'hystérie. Après u n e crise avec chute, la
m a l a d e s e s e n t l e s d o i g t s « t o u t r a i d e s , e t c o m m e p i q u é s en d e d a n s p a r
d e s a i g u i l l e s ». L e s c r i s e s o n t l i e u s o u v e n t d a n s l e v o i s i n a g e d e s r è g l e s .
E l l e e n a u r a i t e u trois à F r e s n e s . La d e r n i è r e r e m o n t e à t r o i s s e m a i n e s ,
d'après e l l e ; m a i s la c r i s e e n q u e s t i o n n ' é t a i t q u e l ' a v a n t - d e r n i è r e , c a r i a
m a l a d e p a s s e s o u s s i l e n c e la c r i s e r é c e n t e , q u i a é t é c a u s e d e s o n t r a n s f e r t .
E l l e s e m b l e n ' e n a v o i r e n effet aucun souvenir, e t q u a n d e n l u i d e m a n d a n t
c e q u ' e l l e p o u r r a i t a v o i r fait, o n l u i c i t e , p a r m i d e s d o n n é e s i m a g i n a i r e s ,
s e s propres actes et s e s paroles, ils paraissent ne rien lui rappeler.
Q u a n t a u x a c t e s d e v o l , e l l e d é c l a r e q u ' a v a n t d'agir, e l l e n e r e s s e n t p a s
p r é c i s é m e n t u n e l u t t e , m a i s p l u t ô t un énervemenl : « J e v o u d r a i s c r i e r . »
E l l e n'a j a m a i s dit c e l a à u n m é d e c i n p a r c e q u ' e l l e n ' e n a v a i t p a s e n v i e ;
« q u a n t à un a v o c a t , j a m a i s ! » La r a p i d i t é d e c e t t e r é p o n s e « j a m a i s » aurait
suffi à n o u s s u g g é r e r o u p r o u v e r , s'il e n a v a i t é t é b e s o i n , q u e s a p u d e u r
é t a i t m i s e e n j e u , d o n c qu'il y a v a i t u n e p a r t s e x u e l l e d a n s l ' a c t e d u v o l .
Pendant tout l'interrogatoire du troisième jour, elle répond avec h é s i -
t a t i o n , l e n t e u r , t r i s t e s s e ; parfois e l l e p l e u r e . D a n s s a c e l l u l e , e l l e e s t p a r -
f a i t e m e n t c a l m e ; o n lui p e r m e t d ' a i l l e u r s d e p a s s e r u n e p a r t i e d u t e m p s
dans l e couloir de la section d e s f e m m e s , où elle s'ennuie m o i n s . Elle
c o u d a v e c beaucoup d'entrain, m a i s elle s'inquiète d e son retour à F r e s n e s ,
ayant peur que le temps passé ici n e lui soit pas c o m p t é c o m m e t e m p s de
prison ou du moins c o m m e temps cellulaire (les jours de cellule comptant
double). — Sa situation pénitentiaire e s t la suivante : c o n d a m n é e à v i n g t -
s i r m o i s d e p r i s o n , e t r e l é g a b l e c o m m e x'écidiviste ( 4 c o n d a m n a t i o n s ) , e l l e
a é t é g r a c i é e d e la r e l é g a t i o n . L e s v i n g t - s i x m o i s d e p r i s o n d e v a i e n t finir
au c o u r s d e l ' a n n é e 1907 ; m a i s p a r l e r é g i m e c e l l u l a i r e , e l l e g a g n e d u
t e m p s ; e n fin d e c o m p t e , e l l e s e r a l i b é r a b l e au d é b u t d e l'an 1907.
Le q u a t r i è m e j o u r , p a s d e r é p o n s e s n o t a b l e s . Mais i m m é d i a t e m e n t a p r è s
la v i s i t e , la m a l a d e e s t p r i s e d'une c r i s e c o n v u l s i v e . P e u a p r è s , e l l e
déclare qu'elle e s t très contente d e s m é d e c i n s , m a i s q u e , durant l'interro-
442 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
g a t o i r e , l a c r a i n t e l u i é t a i t s é r i e u s e m e n t v e n u e q u ' o n pourrait l a g a r d e r
i c i , alors q u ' e l l e p r é f è r e ê t r e à F r e s n e s .
L e cinquième jour, elle parle p o s é m e n t de sa crise. Elle s e sent dans
l e s d o i g t s d e l a raideur e t d e s p i q û r e s . S e s c r i s e s , d i t - e l l e , s o n t o r d i n a i r e -
m e n t p r o v o q u é e s par d e s c o n t r a r i é t é s ; e l l e s s u c c è d e n t q u e l q u e f o i s a u s s i
à la masturbation, quand la jouissance a é t é trop aiguë. La dernière d e s
crises survenues à Fresnes semble totalement ignorée d'elle; quand nous
lui e n p a r l o n s , e l l e la n i e , d i s c u t a n t l e s t e r m e s d u l'apport, y c h e r c h a n t
d e s i n v r a i s e m b l a n c e s . E l l e n'a p a s é t é c o n d u i t e à l ' i n f i r m e r i e d e F r e s n e s ;
elle n e s e rappelle, d e F r e s n e s , q u e s a c h a m b r e . Qu'elle ait m e n a c é de
f r a p p e r q u e l q u ' u n , c ' e s t i m p o s s i b l e , « car personne n'entre dans nos
chambres ».
C o m m e n t l'idée lui e s t v e n u e d e s e f r ô l e r a du v e l o u r s ? Elle l'ignore.
L e h a s a r d a a m e n é l e c o n t a c t d e s e s p a r t i e s g é n i t a l e s a v e c la c h a i s e . P e u t -
ê t r e a u s s i s ' e s t - e l l e m i s e à c h e v a l s u r la c h a i s e , p a r c e q u ' e l l e a v a i t déjà
r e m a r q u é q u e l e c o n t a c t d u v e l o u r s a v e c la c h a i r é t a i t d é j à a g r é a b l e d a n s
la p o s i t i o n h a b i t u e l l e .
A u p o i n t d e v u e s e x u a l i t é , il a p p e r t d e s e s r é p o n s e s f a i t e s à r e g r e t , m a i s
s a n s f a u s s e p u d e u r , q u e la j o u i s s a n c e s e x u e l l e e s t c h e z e l l e s u r t o u t c l i t o -
r i d i e n n e , t r è s p e u v a g i n a l e , q u e la m a s t u r b a t i o n d i g i t a l e e t l e c u n n i l i n g u s
lui p l a i s e n t m i e u x q u e l e s r a p p o r t s s e x u e l s n o r m a u x , q u e j a m a i s d ' a i l l e u r s
l e s p r a t i q u e s d u e s m ê m e à u n h o m m e t r è s a i m é n'ont v a l u p o u r e l l e la
masturbation solitaire, qu'elle e s t r e s t é e cinq a n s , sans rapports sexuels,
et qu'en outre d e l'amant déjà s i g n a l é , e l l e a e u d e s a m a n t s d e c i r c o n -
s t a n c e . « Q u a n t à m o n m a r i , j ' é t a i s d é g o û t é e d e s e s g r i m a c e s . Il h a l e t a i t e t
c r i a i t . M a p r e m i è r e i m p r e s s i o n a v a i t é t é d ' é t o n n e m e n t . P l u s t a r d , il e n t r a i t
d a n s d e s r a g e s , l o r s q u e j e m e t r o u v a i s f a t i g u é e e t l ' a j o u r n a i s . U n j o u r il a
l a n c é une euvette sur m o n lit, puis il m'a projetée m o i - m ê m e à b a s du lit. »
E l l e p a r l e à n o u v e a u d e s r ê v e s o ù d e u x h o m m e s la t e n a n t a b u s e n t d ' e l l e ;
d e s b ê t e s j o u a i e n t d e s rôles a n a l o g u e s . « U n e fois c'était u n e b ê t e féroce
énorme, c o m m e un lion p a r e x e m p l e . J e criais de douleur et j'étais h e u -
r e u s e e n m ê m e t e m p s ; la d o u l e u r p e r s i s t a i t e n c o r e a p r è s l e r é v e i l . « E l l e
c o n f i r m e n e t t e m e n t c e fait d'une douleur agréable. « D e m ê m e , a v e c l e s
deux h o m m e s qui m e violentaient, j e souffrais h o r r i b l e m e n t ; m a i s dans
c e t t e s e n s a t i o n h o r r i b l e il y a v a i t d u b o n h e u r . » C e m a s o c h i s m e é p i s o -
d i q u e e s t c h e z e l l e l i m i t é a u x r ê v e s . D a n s l a v i e q u o t i d i e n n e , e l l e n'a j a m a i s
r e c h e r c h é l ' a l l i a n c e d e la d o u l e u r e t d e la v o l u p t é . U n e é b a u c h e s e u l e -
m e n t d e la r e c h e r c h e d e l à s o u f f r a n c e p o u r r a i t ê t r e t r o u v é e d a n s c e fait q u e ,
p a r f o i s , e l l e s ' e s t a m u s é e à se piquer avec des épingles. Mais c e j e u ,
d é p o u r v u d e t o u t e c o n c o m i t a n c e s e x u e l l e , n e r é s u l t e p a s d'une t e n d a n c e
profonde, c'est l e résultat d'une fantaisie d e d é g é n é r é e , qu'une analyse
démontrerait d'origine toute superficielle. D'ailleurs, c e t t e forme d'algo-
p h i l i e n o u s paraît ê t r e a s s e z f r é q u e n t e , n o t a m m e n t c h e z l e s h y s t é r i q u e s .
Mais c e n ' e s t p a s i c i l e l i e u d ' y i n s i s t e r .
Une ébauche de tendance h o m o s e x u e l l e se trouve n o n p a s dans s e s
r ê v e s , m a i s d a n s s e s r ê v e r i e s à l'état d e v e i l l e . A s s e z s o u v e n t e l l e s e r e p r é -
s e n t e u n e j e u n e fille n u e d ' e n v i r o n 16 a n s , e t e n y p e n s a n t e l l e s e m a s t u r b e .
E l l e i m a g i n e a u s s i d i v e r s e s s c è n e s s e p a s s a n t e n t r e e l l e e t . c e t t e j e u n e fille.
E l l e la c h e r c h e , la t r o u v e , la r a m è n e c h e z e l l e , la d é v ê t , la b a i g n e e t la
c o u c h e ; d e s e m b r a s s e m e n t s variés s ' e n s u i v e n t ; son rôle à elle contient
D' de Clérambaull. — PASSION DES ÉTOFFES CHEZ LA FEMME 443
c o n s t a m m e n t u n e part de s o l l i c i t u d e . P a r f o i s e l l e i m a g i n e c e t t e fillette
v i o l é e p a r d e s h o m m e s . D a n s la r é a l i t é , e l l e n'a j a m a i s é p r o u v é de t e n d a n c e s
sadiques, non plus qu'homosexuelles.
S o n p r e m i e r v o l a e u l i e u il y a h u i t a n s (à 3 2 a n s ) : « J'avais p o u r t a n t
t o u t l e n é c e s s a i r e c h e z m o i , e t d e la s o i e s u r t o u t , c o m m e c o u t u r i è r e . » A u
m o m e n t d u v o l , e l l e é p r o u v e u n e j o u i s s a n c e s e x u e l l e résultant du vol
même ; s i l a p i è c e d e s o i e l u i é t a i t , a u m o m e n t d e la t e n t a t i o n , p u r e m e n t
et s i m p l e m e n t donnée, elle n'en éprouverait nul plaisir. Toutefois, elle
croit que l e frisson du danger n'entre pour rien d a n s sa jouissance. L e v o l
a c c o m p l i , e l l e f r o i s s e la p i è c e d e s o i e s a n s l ' a b î m e r ni la g â t e r , e l l e l'appli-
q u e c o n t r e s e s p a r t i e s s e x u e l l e s , e t l'y f r o t t e . « J e la m e t s s o u s m e s j u p e s ;
s i j e la frotte c o n t r e m o i ? J'ai o u b l i é ; m a i s il m e s e m b l e . » E l l e n'aurait,
p a r a î t - i l , p a s é p r o u v é d e p l a i s i r à froisser ni à l a c é r e r , n i m ê m e à faire
« c r i e r » la s o i e .
C o m m e nous c h e r c h o n s si elle n'aurait pas a c q u i s , dans d e s c o n v e r s a -
t i o n s d e S a i n t - L a z a r e , la n o t i o n d e s p e r v e r s i o n s d i v e r s e s d o n t e l l e a
é v o q u é l'idée (bestialité, m a s o c h i s m e , l e s b i s m e ) , elle répond qu'elle a
t o u j o u r s v é c u à l'écart d e s a u t r e s d é t e n u e s , e t c e l a s a n s d i f f i c u l t é , p a r c e
q u ' e l l e a t o u j o u r s e u sa p l a c e d a n s l ' I n f i r m e r i e d e S a i n t - L a z a r e , e t q u e c e t t e
Infirmerie, d'ailleurs, e s t s é v è r e m e n t t e n u e .
E l l e p r é t e n d a v o i r é t é j u g é e t o u j o u r s p a r d é f a u t , e t n'avoir j a m a i s e u
affaire à un j u g e d ' i n s t r u c t i o n . G o m m e n o u s d e m a n d o n s si e l l e a fait
c o n n a î t r e à u n a v o c a t la p h y s i o n o m i e p a r t i c u l i è r e d e s e s v o l s , e l l e r é p o n d
v i v e m e n t : « O n n e p e u t p a s dire ç a à u n a v o c a t q u i v a v o u s l e r é p é t e r e n
pleine a u d i e n c e . » P u i s : « J e ne savaispas que, c o m m e vous d i t e s , j e pou-
vais avoir un non-lieu.»
Nous lui demandons comment elle juge elle-même son cas. « Je ne suis
p a s c o m m e l e s a u t r e s f e m m e s , j e n e d o n n e t o r t qu'à m o i . — P o u v i e z - v o u s
n e p a s v o u s masturber"? — O u i , m a i s j e m a n q u e d e force m o r a l e . — V o u s
n'en a v i e z p a s h o n t e ? — J e n'ai p a s d ' o p i n i o n , c a r p e r s o n n e n e l e s a i t . —
Cela v o u s e s t indifférent? — Je voudrais pouvoir m ' e n d é b a r r a s s e r ; j'avais
pris un amant pour m e débarrasser de m e s m a n i è r e s . D'ailleurs,je l'aimais
bien. »
Dernier détail, bien en rapport a v e c c e q u e n o u s avons dit d e s e s caracté-
r i s t i q u e s s e x u e l l e s , e l l e p r é s e n t e d e s crises clitoridienn.es, a n n o n c é e s p a r
une sensation d e brûlure, et qu'elle a plusieurs fois e s s a y é d e c o m b a t t r e
p a r d e s a p p l i c a t i o n s d'eau f r a î c h e .
Par u n e d e s s œ u r s d e l a m a l a d e , n o u s e û m e s l e s r e n s e i g n e m e n t s s u i -
vants : famille neuro-arthritique, d é g é n é r e s c e n c e m a r q u é e chez tous s e s
représentants. Grand'mère paternelle morte aliénée. Tante paternelle
morte aliénée, celle-ci avait e x a c t e m e n t le caractère de notre malade, elle
a u s s i s e m a s t u r b a i t . P è r e t r è s n e r v e u x , m o r t a s t h m a t i q u e ( ? ) v e r s Go a n s .
Mère n e r v e u s e , e x c e n t r i q u e , f a n t a s q u e , o r g u e i l l e u s e , d é p e n s i è r e , r e s s e m -
blant à notre malade sous beaucoup d e rapports. — Notre malade e s t
l ' a î n é e d e q u a t r e e n f a n t s . U n e d e s e s s œ u r s a fait d e l ' h y s t é r i e t r a u m a t i q u e
e t d e la n e u r a s t h é n i e ( c h o c m o r a l e t c h u t e s u i v i e d e p a r a p l é g i e t e m p o -
raire). L a s u i v a n t e , q u i a d e f r é q u e n t e s a t t a q u e s , v a c o m m e n c e r u n e c u r e
d ' i s o l e m e n t ; e l l e c o n n a î t p a r e l l e - m ê m e la p s y c h o l o g i e d e s c r i s e s . « Ma
s e c o n d e s œ u r n ' e n a p a s , e l l e e s t t r o p o c c u p é e p a r s e s e n f a n t s . » U n frère,
m o r t d ' a c c i d e n t , é t a i t t r è s n e r v e u x . — La s e c o n d e d e s t r o i s filles, c e l l e q u i
444 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
DEUXIÈME OBSERVATION.
E n o c t o b r e 1902, n o u s e û m e s à o b s e r v e r à l ' I n f i r m e r i e s p é c i a l e d u
Dépôt une malade F . . . , d é g é n é r é e hystérique, dont voici la biographie
résumée :
A. H. — P è r e c o m i t i a l . M è r e m o r t e p a r a l y s é e . U n e s œ u r a f f e c t é e d e
pax-alysie p a s s a g è r e a p r è s u n e p e u r e t m o r t e t u b e r c u l e u s e . U n e s œ u r
sujette à des fugues et à d e s impulsions suicides, probablement c o n -
Dr de Clêrambault. — PASSION DES ÉTOFFES CHEZ LA FEMME 4 4 7
s c i e n t e s , m o r t e n o y é e . N o t r e m a l a d e a u n e fille t r è s n e r v e u s e , h y p o m o -
rale, déjà c o n d a m n é e pour divers délits.
A. P. — A 7 a n s . t r o u b l e s c é r é b r a u x c o n s é c u t i f s à u n e p e u r e t a y a n t
d u r é 4 m o i s . A 11 a n s , fièvre t y p h o ï d e a v e c c é p h a l a l g i e i n t e n s e , d y s m n é -
s i e c o n s é c u t i v e . P r e m i è r e s r è g l e s à i5 a n s . A 17 a n s , p é r i o d e d e d é p r e s s i o n
avec mouvement choréiques et crises hystériques fréquentes; premier
i n t e r n e m e n t ( B r o n ) . A 22 a n s , d e u x i è m e i n t e r n e m e n t ( B r o n ) . A 23 a n s ,
p r e m i e r a c c o u c h e m e n t . A 29 a n s ( i 8 8 5 ) , p r e m i è r e c o n d a m n a t i o n . A 3Î a n s
(1888), d e u x i è m e a c c o u c h e m e n t ; l a c t a t i o n p r o l o n g é e ( n o u r r i c e ) . A 37 a n s
(1893), p y r e x i e g r a v e , q u i s e m b l e b i e n a v o i r é t é u n e d e u x i è m e fièvre
t y p h o ï d e ; l e s facultés restent n o t o i r e m e n t affaiblies, la m o n o m a n i e du v o l
s e d é c l a r e . E n 1897, v e n u e à P a r i s .
D e i 8 8 5 à 1906, a é t é a r r ê t é e 22 f o i s ; i5 c o n d a m n a t i o n s , 7 n o n - l i e u . D e s
e I O I
i5 c o n d a m n a t i o n s , 7 o n t é t é p r o n o n c é e s e n t r e 1897 ' 9 5 " n e o u d e u x
s e u l e m e n t s o n t a n t é r i e u r e s à 1893 (fièvre t y p h o ï d e ) .
Dans les divers délits, l e degré d'imputabilité semble avoir varié. De la
dégénérescence banale avec amoralité sont résultés d e s vols intentionnels,
s o i t a u d é b u t , s o i t à l a fin d e s a l o n g u e c a r r i è r e ; p l u s i e u r s o n t é t é a c c o m -
plis s o u s d e s faux n o m s , e t avec c o m p l i c i t é . Mais certains autres, l e s
plus nombreux, résultaient d'impulsions spéciales dont nous allons nous
o c c u p e r . A i n s i , p o u r u n v o l d e 1901, d e u x v o l s d e 1902, d e u x v o l s d e
igo3, e t c .
E n 1901, a p r è s a r r e s t a t i o n , e l l e t o m b e d a n s u n d é l i r e m é l a n c o l i q u e .
« Dégénérescence, dépression, attitude étrange, vols de soie, passion d e
r
la s o i e . A o b s e r v e r p l u s l o n g u e m e n t à S a i n t e - A n n e » ( D L e g r a s ) . « D é g é -
r
nérescence, dépression, la soie l'électrise » ( D Magnan). « Mélancolie
a v e c t e n d a n c e s u i c i d e , u n e t e n t a t i v e , e t c . » (Dr B o u d r i e ) . I n t e r n é e l e
1er s e p t e m b r e , e l l e s o r t l e 10 d é c e m b r e .
Durant c e t i n t e r n e m e n t , l e c o m m i s s a i r e d e p o l i c e d e s o n quartier écrit :
« C'est u n e f e m m e i m p r e s s i o n n a b l e , c o l è r e . O n p e n s e q u ' e l l e e s t d e v e n u e
f o l l e à S a i n t - L a z a r e , p a r s u i t e d u c h a g r i n d e l a d é t e n t i o n . E l l e a u n fils d e
23 a n s , o u v r i e r i m p r i m e u r , q u i m è n e u n e v i e r é g u l i è r e . D ' a p r è s l a m a î t r e s s e
d e c e d e r n i e r , l a f e m m e F . . . n'a j a m a i s d é l i r é avant s o n e n t r é e à S a i n t -
Lazare, peut-être elle s i m u l e . E l l e e s t m é c h a n t e , c o l è r e , sujette à d e s
c r i s e s d e nerfs. Elle n ' a pas d'idées s u i v i e s , il n ' y a p a s d e c o n v e r s a t i o n
possible avec elle. Suivant la c o n c i e r g e , c'est u n e f e m m e n e r v e u s e ,
m é c h a n t e , faisant d e s s c è n e s d e violence, s'adonnant peut-être à la b o i s s o n
et n e travaillant jamais, elle s e p r o m è n e toujours e n f i a c r e , c'est u n e
c r é a t u r e m y s t é r i e u s e p o u r m o i ».
E n j a n v i e r 1902, v o l à l ' é t a l a g e d ' u n g r a n d m a g a s i n , d e c o m p l i c i t é a v e c
sa fille E t i e n n c t t e (2 c o r s a g e s d e s o i e ) . N o n - l i e u . I n t e r n e m e n t e n f é v r i e r
1
sur certificat du D ' Legras : « D é g é n é r e s c e n c e , h y s t é r i e , k l e p t o m a n i e , e t c . »
r
Certificat d u m é d e c i n traitant, l ) Boudrie : « D é p r e s s i o n , t e n d a n c e sui-
cide, h é m i a n e s t h é s i e droite, e t c . » N o u v e a u rapport du C o m m i s s a i r e d e
police : « N e vit que d e vols c o m m i s dans l e s grands magasins, d e c o m -
p l i c i t é a v e c s a fille; r é u s s i t c h a q u e f o i s à s e f a i r e p a s s e r p o u r f o l l e . » (sic).
S o r t i e e n s e p t e m b r e 1902.
r
C i n q u i è m e i n t e r n e m e n t e n o c t o b r e 1902, s u r c e r t i f i c a t d u D G a r n i e r , a p r è s
inculpation d e vol. N o n - l i e u . Q u e l q u e s j o u r s avant s o n arrestation,elle aurait
fait u n e t e n t a t i v e d e s u i c i d e ( l o c o m o t i v e ) . E v a s i o n e n d é c e m b r e 1902.
448 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
r
S i x i è m e i n t e r n e m e n t l e 3o j a n v i e r 1 9 0 3 ( D Garnier). Sortie e n sep-
tembre i g o 3 .
r
S e p t i è m e internement en i g o 3 , s u r expertise du D D u b u i s s o n , dans l e
rapport duquel nous relevons c e s l i g n e s : « Lacunes de la m é m o i r e , lan-
g a g e e n f a n t i n , c o n s c i e n c e i n c o m p l è t e d e s a s i t u a t i o n . F a c u l t é s t r è s affai-
b l i e s d e p u i s u n e fièvre t y p h o ï d e s u r v e n u e à 3 y a n s . D e p u i s s i x a n s a u
m o i n s , o n n e p e u t l u i c o n f i e r a u c u n t r a v a i l C h e z s e s e n f a n t s , la m o n n a i e
l a f a s c i n e , o n l a s u r v e i l l e (?) D e l a p r i s o n , e l l e a é c r i t à s e s e n f a n t s e n
l e u r c o m m a n d a n t d'aller v o i r c e r t a i n e s p e r s o n n e s , i n c o n n u e s d e t o u s , p o u r
réciamer de l'argent qu'elles lui d e v a i e n t . »
r
Huitième internement en d é c e m b r e igo3 ( D Legras). Vol, non-lieu.
Evasion e n juillet 1904.
r
N e u v i è m e internement, après e x p e r t i s e ( D Roubinovitch). M ê m e s con-
statations que précédemment.
Nouvelle arrestation en d é c e m b r e igo5, prévention de coups et blessures
à u n a g e n t , l o r s d e l ' a r r e s t a t i o n d e s a fille q u i v e n a i t d e v o l e r . E l l e - m ê m e
s e m b l a i t a v o i r fait l e g u e t , d e c o n c e r t a v e c l ' a m a n t d e s a fille. E n c e t t e
c i r c o n s t a n c e , e l l e a v a i t p u agir e n t a n t q u e d é g é n é r é e , m a i s e l l e n ' é t a i t p a s
r
une malade ( D Legras).
N o u s avons eu l'occasion de l'observer en 1002, lors de s e s passages à
l ' I n f i r m e r i e s p é c i a l e d u D é p ô t . B e a u c o u p p l u s h y p o m o r a l e q u e la m a l a d e
V . B . . . , e l l e n o u s e x p o s a s o n c a s s a n s difficulté a u d é b u t , a v e c p r o l i x i t é
e n s u i t e . L'attraction d e la s o i e e t d u v o l fut d é p e i n t e dans d e s t e r m e s
pathognomoniques.
« J e m e rappelle très b i e n qu'à l'âge de 6 a n s , j e n e p o u v a i s supporter
sans malaise l e s contacts du v e l o u r s e t de la laine; j e craignais surtout le
v e l o u r s . P a r c o n t r e , j ' a i m a i s b e a u c o u p la s o i e , j ' e n f a i s a i s d e p r é f é r e n c e
l'habilfement de m e s poupées, u n e sœur, couturière, m e donnait toutes
ses coupures de soie.
« D e i 5 à 2 2 a n s , l e t r a v a i l d e fa s o i e m e f a t i g u a i t , m e r e n d a i t n e r v e u s e ,
p r e s q u e m a l a d e ; j ' a i c e s s é d ' é p r o u v e r c e t é n e r v e m e n t à 22 a n s , l o r s q u e
j ' e u s d e s rapports s e x u e l s . Mais a c t u e l l e m e n t e n c o r e , il m e serait i m p o s -
s i b l e d e p o r t e r d e la s o i e s u r m o i . L e v e l o u r s m ' e s t a g r é a b l e a u s s i ; m a i s
b i e n i n f é r i e u r à la s o i e . L e s a t i n n e m ' a t t i r e p a s , la m a r c e l i n e n o n p l u s ;
j e p r é f é r e r a i s p l u t ô t la f a i l l e , e l l e e s t p l u s s o y e u s e e t e l l e c r i e . L e c o n t a c t
d e l à s o i e e s t b i e n s u p é r i e u r à la v u e ; m a i s l e f r o i s s e m e n t d e l a s o i e e s t
e n c o r e supérieur, il v o u s e x c i t e , v o u s v o u s s e n t e z m o u i l l é e ; a u c u n e j o u i s -
sance sexuelle n'égale pour m o i celle-là.
« Mais la j o u i s s a n c e e s t s u r t o u t g r a n d e q u a n d j ' a i v o l é . Voler la soie est
délicieux, d e l ' a c h e t e r n e m e d o n n e r a i t j a m a i s le m ê m e p l a i s i r . C o n t r e la
t e n t a t i o n , m a v o l o n t é n e p e u t r i e n , l o r s q u e j e vole c'est p l u s fort q u e m o i ,
et d'ailleurs j e ne p e n s e à rien d'autre, je m e s e n s p o u s s é e v e r t i g i n e u s e -
m e n t . La s o i e m ' a t t i r e , c e l l e d e s c o u p o n s , d e s r u b a n s , d e s j u p e s , d e s c o r -
s a g e s . L o r s q u e j e s e n s le f r o i s s e m e n t d e la soie, c e l a c o m m e n c e par m e
p i q u e r s o u s l e s o n g l e s , e t a l o r s i l e s t i n u t i l e d e r é s i s t e r , il faut q u e j e
p r e n n e . L o r s q u e j e r é s i s t e à c e t t e p o u s s é e (sic), je p l e u r e , j e s u i s é n e r v é e ,
j e s o r s d u m a g a s i n e t j ' y r e v i e n s ; e t si je ne peux pas prendre l'étoffe, fai
une crise. J e r e s s e n s u n g o n f l e m e n t d e la g o r g e e t d e l ' e s t o m a c , p u i s j e
p e r d s c o n n a i s s a n c e . M a i s q u a n d j e p e u x p r e n d r e l ' é t o f f e , j e fa f r o i s s e , c e l a
m e p r o d u i t un s e r r e m e n t d ' e s t o m a c p a r t i c u l i e r , e n s u i t e j ' é p r o u v e u n e
D' de Clérsmbault. — PASSION DES ÉTOFFES CHEZ LA FEMME -449
TROISIÈME OBSERVATION.
j u d i c i a i r e a s s e z c h a r g é , e s t c o m m e la p r é c é d e n t e m a l a d e , l i y p o m o r a l e , e t ,
comme elle, expose facilement ses tares.
« J'ai e u , d i t - e l l e , u n m a r i e x c e l l e n t s o u s t o u s l e s r a p p o r t s ; n é a n m o i n s ,
j'ai t o u j o u r s é p r o u v é d e l ' a v e r s i o n p o u r l ' a c t e s e x u e l . P a r c o n t r e , j'ai e u
s o u v e n t l ' e s p r i t h a n t é par d e s i m a g e s , s u r t o u t f é m i n i n e s , qui m e r a v i s -
s a i e n t d'un a m o u r p r e s q u e i d é a l . A i n s i , j ' a i e u p e n d a n t l o n g t e m p s u n e
v é r i t a b l e a d o r a t i o n pour u n e r e l i g i e u s e d e l ' a s i l e S a i n t e - A n n e , a u s s i , la
l a ï c i s a t i o n m'a n a v r é e ; j ' a i fait u n v o y a g e p o u r la r e v o i r ; j ' a u r a i s fait t o u t
c e q u ' e l l e m ' a u r a i t c o m m a n d é ; j e c r o i s q u e j ' a u r a i s v o l é et t u é p o u r e l l e .
J'ai v o u é e n s u i t e u n c u l t e s e m b l a b l e à u n e a u t r e f e m m e i d é a l e . P u i s , c ' e s t
u n h o m m e q u e j'ai a i m é , u n s o u s - o f f i c i e r d ' a r t i l l e r i e , j o l i , j e lui a u r a i s t o u t
donné.
« Mon p r e m i e r délit a é t é u n e s o r t e de tentative d'escroquerie ; j'avais
c o m m a n d é p o u r 3oo f r a n c s d e j o u e t s d a n s u n m a g a s i n o ù j ' é t a i s c o n n u e .
Mon i n t e n t i o n é t a i t d e d o n n e r c e s j o u e t s . J'aurais fini p a r l e s p a y e r . Ma
m a r r a i n e , q u i e s t r i c h e e t t i t r é e , e s t i n t e r v e n u e e n m a f a v e u r . J ' a v a i s alors
u n e m a u v a i s e s a n t é , e t j e s o u f f r a i s d ' a t t a q u e s h y s t é r i q u e s . Ma m a r r a i n e
e s t a u s s i d é s é q u i l i b r é e q u e m o i , s i n o n p l u s ; m a i s j ' a u r a i s b i e n fait d e
l ' i m i t e r e t d e m e t o u r n e r v e r s la p i é t é , j e s e r a i s m a i n t e n a n t b i e n p l u s
t r a n q u i l l e . D o n c , e n 1 8 8 1 , à 2.4 a n s , m o n p r e m i e r v o l ; e n 1 8 8 8 , c o n d a m n a -
tion pour tentative d e faux, l ' a n n é e s u i v a n t e , autre c o n d a m n a t i o n ; depuis,
je ne sais plus.
L e s v o l s d e s o i e n e s o n t v e n u s q u ' a p r è s q u e j ' a i b u d e Véther; à 38 a n s ,
m e s r è g l e s s e s o n t a r r ê t é e s , à p a r t i r d e c e m o m e n t j'ai b e a u c o u p souffert,
e t j e m e s u i s m i s e à l ' é t h e r ; j'ai e s s a y é a u s s i , p a r m o m e n t s , d e la c o c a ï n e
e t d e la m o r p h i n e , q u e j ' a v a l a i s ; j e n'ai j a m a i s c o n t i n u é l o n g t e m p s . J e
b u v a i s l ' é t h e r par p é r i o d e s , p a r e x e m p l e p e n d a n t h u i t j o u r s , à r a i s o n de
100 à i a 5 g r a m m e s par j o u r ; s o u v e n t u n g r a n d v e r r e d a n s la j o u r n é e .
L ' é t h e r m e r e n d a i t f é b r i l e et v i o l e n t e , p a r e x e m p l e d a n s l e s m a g a s i n s ,
j ' a u r a i s b a t t u l e s e m p l o y é s qui m e r e g a r d a i e n t . E n m ê m e t e m p s q u e l ' é t h e r ,
j e b u v a i s du r h u m , s u r t o u t p o u r e n m a s q u e r l ' o d e u r ; e t p o u r m a s q u e r
l ' o d e u r d u r h u m , j e b u v a i s d u v i n b l a n c , c a r l e v i n blanc, n'a p a s d ' o d e u r
c o m m e l e v i n r o u g e . J'ai e s s a y é , d a n s l e m ê m e b u t , d e l ' e a u d e B o t o t et
d e l ' e a u d e C o l o g n e , enfin d e t o u t ; m a i s l ' e a u d e C o l o g n e , c ' e s t f a d e , et j e
voulais d e s c h o s e s fortes ; je l e s aimais aussi pour e l l e s - m ê m e s , à ce
m o m e n t - l à ; et c e p e n d a n t , en t e m p s ordinaire, je n'aime pas l'alcool; ainsi
m a i n t e n a n t j e n'en voudrais p a s . C'est d'ordinaire e n n o v e m b r e que c e t t e
passion m e p r e n d ; je m e s e n s alors toute d é p r i m é e . Peu de t e m p s après,
j e d e v i e n s t o u t a u t r e , e x c i t é e e t i n s u p p o r t a b l e , j e fais d e s n i c h e s , d e s
i n s o l e n c e s ; p l u s i e u r s f o i s o n m'a e x p u l s é e d'un r e s t a u r a n t , d'un m a g a s i n
o u d'un t r a m w a y . » ( E b a u c h e d e p s y c h o s e à d o u b l e f o r m e . V o i r : Ritti,
la Folie à double forme, p p . 2 9 2 e t s q q . )
« D e p u i s m e s 3y a n s , m e s v o l s o n t t o u j o u r s é t é l e s m ê m e s , d e s v o l s d e
s o i e . La s o i e m e d o n n e u n s p a s m e é t o n n a n t e t v o l u p t u e u x . La s o i e , j e n e
p e u x p a s la d é c h i r e r , c e l a fait t r o p o h ! ( m i m i q u e d'un f r i s s o n ) . L e
taffetas e n c o r e m o i n s , c ' e s t la s o i e la p l u s fine; la c o u l e u r m ' e s t i n d i f f é -
r e n t e . Le v e l o u r s e s t a u s s i t r è s d o u x à t o u c h e r . L a m a r c e l i n e ? c ' e s t m i -
c o t o n ; d a n s la florence il n'y a p a s d e c o t o n . J ' a i m e t o u t c e qui e s t d o u x .
L e s g r o s s e s s o i e s qui f r o u f r o u t e n t , j e l e s a i m e e n c o r e . Mais l e s p o r t e r s u r
m o i , j e n e p o u r r a i s p a s , c e l a m ' é n e r v e t r o p . C o u c h e r a v e c d e la s o i e ,
v
D de Clera.mba.ult. — PASSION DES ÉTOFFES CHEZ LA FEMME 4 5 1
j ' a i m e r a i s b i e n , m a i s j e n'y t i e n s p a s , c e n ' e s t p a s m o n g e n r e , c ' e s t p o u r
l e s f e m m e s q u i s e f o n t voir au l i t . J e n e d o r m i r a i s p a s , c e l a m e b r û l e r a i t ;
u n p e t i t m o r c e a u d é j à m ' é n e r v e , il faut q u e j e m e l è v e , e t j e m e r a f r a î c h i s
par d e s lotions d'eau, pour avoir l a paix. L e calicot, la vieille toile, la
c r e t o n n e , ça n e crie p a s , un petit cri d e rien, j'en déchirerai 6 0 0 m è t r e s
s i v o u s v o u l e z . La t o i l e n e u v e n e s e d é c h i r e p a s , a v e c u n m è t r e s e u l e m e n t
vous verriez v o s doigts é c o r c h é s . A u m o m e n t de voler u n p e u d e s o i e ,
j'éprouve une angoisse, je m e défends, et j'éprouve ensuite une jouissance.
V o i l à . C ' e s t t o u j o u r s la m ê m e c h o s e .
« V o u s m e d e m a n d e z la c o n c l u s i o n ? il faudrait q u e j e la s a c h e m o i -
m ê m e . A m o n avis, je suis responsable, je n e veux plus aller à Saint-Anne.
J e v o u d r a i s u n e p o t i o n t r a n q u i l l e p o u r m ' e n v o y e r d a n s l'autre m o n d e . L e s
autres f e m m e s o n l e s punit, ça leur sert de l e ç o n s ; m o i , on n e veut pas.
r
M. l e D L e g r a s a u r a i t m i e u x fait d e m e l a i s s e r c o n d a m n e r , j e l ' e n a v a i s
p r i é , c e l a m e d o n n e r a i t u n e l e ç o n , j e l'ai é c r i t au J u g e d ' i n s t r u c t i o n . >>
II
III
IV
A r c h . Anthr. C r i m . 190S— 32
466 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
l'étoffe s e u l e , n o u s p a r a î t d e v o i r ê t r e r e g a r d é e c o m m e u n c a s d e f é t i c h i s m e
vrai, a v e c s a d i - f é t i c h i s m e . M a i s s o n p o i n t d e d é p a r t e s t a p t o p h i l i q u e .
r
D e m ê m e p o u r l'observation 117 e m p r u n t é e a u D P a u l G a r n i e r . (^4/ircaZes
e
d'Hygiène publique et de Médecine légale, 3 s é r i e X X I X , 5 , e t les Féti-
chistes, p . 4 6 ) : H o m m e d e v i n g t - n e u f a n s . S o i e a i m é e d è s l ' e n f a n c e , f é t i -
c h i s m e d e la s o i e u n e f o i s p o r t é e . M a s t u r b a t i o n a v e c d e s c o u p o n s . O r g a s m e
quelquefois par contact cutané seul.
Les Fétichistes, p . 5 o : O u v r i e r b o u l a n g e r a y a n t d e p u i s d i x a n s u n c u l t e
pour l e s étoffes laineuses et d u v e t e u s e s (excitation génitale à leur c o n -
t a c t ) . R e c h e r c h e u l t é r i e u r e d e la f o u r r u r e e t d e t o u t e étoffe f é m i n i n e ,
p o u r v u q u ' u n e f e m m e l e s a i t p o r t é e s . ( F é t i c h i s m e v r a i . ) ( M ê m e m a l a d e in
r
D V a l l o n . U n f é t i c h i s t e h o n t e u x . Annales d'Hygiène publique et de Méde-
cine légale, d é c e m b r e 1 8 9 5 . )
r
Le D Paul Garnier estime d'ailleurs que chez l'homme l'amour
des étoffes est toujours conditionné p a r l a féminité de l'étoffe. Il
distingue d'ailleurs soigneusement le fétichisme de l'étoffe (servi-
tude sexuelle), de la simple hyperesthésie tactile (dilettantisme).
Les Fétichistes, p . 0 1 , 52, 5 3 .
N O U V E L L E S
Le d u e l d a n s l'armée. — L e m i n i s t r e d e la g u e r r e a a d r e s s é en
n i n 1 9 0 7 1 a c i r c u l a i r e s u i v a n t e a u x c o m m a n d a n t s de c o r p s d ' a r m é e :
« L a q u e s t i o n s ' e s t p o s é e d e s a v o i r s i , à l ' o c c a s i o n d e différends sur-
v e n u s e n t r e m i l i t a i r e s , l ' a u t o r i t é a q u a l i t é p o u r i n t e r v e n i r e t p o u r fixer
m ê m e , le cas é c h é a n t , les c o n d i t i o n s d ' u n d u e l .
« J ' e s t i m e q u e , d a n s ces c i r c o n s t a n c e s , l e s chefs h i é r a r c h i q u e s n ' o n t
n i à d o n n e r ni à r e f u s e r l ' a u t o r i s a t i o n d e se b a t t r e . Ils d o i v e n t s u r t o u t
s'abstenir d'exercer une pression quelconque pour contraindre deux
m i l i t a i r e s à a l l e r s u r le t e r r a i n .
« Si u n e a l t e r c a t i o n s e p r o d u i t d a n s le s e r v i c e o u à l'occasion du s e r -
v i c e , il suffit d ' a p p l i q u e r les d i s p o s i t i o n s e n v i g u e u r e t d e p r o n o n c e r ,
p o u r r é g l e r le différend, les s a n c t i o n s d i s c i p l i n a i r e s p r é v u e s . L ' a u t o -
r i t é m i l i t a i r e a le d e v o i r d'y r e c o u r i r .
« Si le différend, a u c o n t r a i r e , s e p r o d u i t e n d e h o r s d u service, il n e
s'agit p l u s q u e d ' u n e affaire p r i v é e , e t c h a c u n , d a n s ce c a s , d o i t r e s t e r
l i b r e d ' a g i r s u i v a n t sa c o n s c i e n c e e t s u i v a n t sa c o n c e p t i o n d u p o i n t
d ' h o n n e u r , sans c e s s e r d e r e s t e r , vis-à-vis d e la loi e t d e s r è g l e m e n t s
militaires, responsable des conséquences de son acte. »
Le n o m b r e d e s m é d e c i n s a l l e m a n d s é t a i t , en 1 9 0 7 , d e 3 i . 4 i 6 .
On c o m p t e p a r m i e u x 6 . 2 0 9 s p é c i a l i s t e s , c ' e s t - à - d i r e u n e p r o p o r t i o n
d ' e n v i r o n 20 p o u r 1 0 0 . L e s s p é c i a l i s t e s les p l u s n o m b r e u x s o n t les
g y n é c o l o g u e s , les o c u l i s t e s , l e s m é d e c i n s t r a i t a n t l e s m a l a d i e s d e s
NOUVELLES 471
v o i e s r e s p i r a t o i r e s e t enfin les c h i r u r g i e n s . D a n s l e s g r a n d e s c i t é s
i n d u s t r i e l l e s , ce s o n t l e s g y n é c o l o g u e s q u i p r é d o m i n e n t ; d a n s les villes
m o y e n n e s , les o c u l i s t e s e t les c h i r u r g i e n s .
L a c r i m i n a l i t é à R o m e . — L a Tribuna signale l e s p r o c è s i n q u i é -
t a n t s d e la c r i m i n a l i t é à R o m e o ù les a p a c h e s (teppisti) abondent à
p r é s e n t . E l l e p r o p o s e l a s u p p r e s s i o n d u d r o i t q u i f r a p p e les a r m e s
d é f e n s i v e s , de façon à p e r m e t t r e a u x h o n n ê t e s c i t o y e n s d e se d é f e n d r e ,
p u i s q u e la p o l i c e e s t i m p u i s s a n t e à les p r o t é g e r .
L a m a r é e d u c r i m e e n F r a n c e . — D a n s ces d e r n i è r e s a n n é e s ,
les c r i m e s c o n t r e les p e r s o n n e s v o n t s u c c e s s i v e m e n t d e 1.037 à i . i o 3
e t à 1.216. L e s a s s a s s i n a t s m o n t e n t d e 140 à 169; les m e u r t r e s d e i 6 3
à ¡86, à 222, à 23o, à 274; les p a r r i c i d e s d e 9 à 1 2 , l e s c o u p s e t
b l e s s u r e s d e 140 à 171 ; les v i o l s s u r les a d u l t e s d e 58 à 62. L e s c r i m e s
c o n t r e les p r o p r i é t é s « d é f é r é s au j u r y •» é t a i e n t , e n 1902, au n o m b r e
de 787. I l s a t t e i g n e n t , e n 1905, l e chiffre de 1.020. L e s v o l s e t a b u s
d e c o n f i a n c e qualifiés o n t p r o g r e s s é d e 640 à 654, à 668,à 690. L e s
i n c e n d i e s o n t m o n t é d e 120 à 1 4 1 .
E n 1825, les i n f r a c t i o n s d o n t l e s a u t e u r s r e s t e n t i n c o n n u s n e d é p a s -
s a i e n t p a s 10.000 ; s o u s le s e c o n d E m p i r e , elles o s c i l l a i e n t a u t o u r
d e 3 o . o o o ; e n i g o 5 , elles a t t e i g n a i e n t le chiffre f o r m i d a b l e d e 107.710.
C'est c e q u i e x p l i q u e le n o m b r e s a n s cesse c r o i s s a n t d e s affaires
q u e les m a g i s t r a t s r e n o n c e n t à i n s t r u i r e , p a r c e q u ' i l s d é s e s p è r e n t d e
d é c o u v r i r l e s a u t e u r s d e s c r i m e s o u d e s d é l i t s . E n 1890, la p r o p o r t i o n
é t a i t d e 63 p o u r 100 ; a u j o u r d ' h u i , elle e s t d e 71 p o u r 100.
L'Imprimeur-Gérant : A. REY.
O U V R A G E S R E Ç U S
r
D PAUL VOIVONEL : Littérature et folie, étude anatomo-pathologique du
g é n i e l i t t é r a i r e a v e c p r é f a c e d e M. l e p r o f e s s e u r R é m o n d ( d e M e t z ) ,
un v o l . i n - 8 ° d e 5 6 o p . , p l a n c h e s , T o u l o u s e , G i m e t - P i s s e a u , 1 9 0 8 .
Compte général de Vadministration de la justice civile et commerciale pen-
0
dant l'année 1905, e t c . , u n v o l . i n - 4 d e xxxvi-194 p . , P a r i s , i m p r i -
m e r i e N a t i o n a l e , 1908.
Prof. L A N N O I S ( d e L y o n ) : P r é c i s d e s m a l a d i e s d e l ' o r e i l l e , d u n e z , d u
p h a r y n x e t d u l a r y n x ( a v e c la c o l l a b o r a t i o n d e C h a v a n n e e t F e r r a n ) ,
E R
t . I ( m a l a d i e s d e l ' o r e i l l e e t d u n e z ) , 84a p . e t 227 f i g . ; t. I I ( m a l a d i e s
d u n e z , p h a r y n x e t l a r y n x ) , 783 p . e t 218 û g . V o l . in-18, c a r t o n n a g e
t o i l e , d e la b i b l i o t h è q u e T e s t u t , P a r i s , D o i n , 1908.
r
D A. M A R I E : L a P e l l a g r e , a v e c u n e p r é f a c e d e L o m b r o s o , u n v o l . i n - 1 8
d e 251 p . ( E n c y c l o p é d i e i n t e r n a t i o n a l e d ' A s s i s t a n c e , e t c . H y g i è n e ,
p o i s o n s s o c i a u x ) , G i a r d e t B r i è r e , é d i t e u r s , P a r i s , 1908.
— e t RAYMOND MEUNIER : L e s V a g a b o n d s , m ê m e collect. un vol. de
33i p . G i a r d e t B r i è r e , 1908.
D r
R. MILLANT : L e s E u n u q u e s à t r a v e r s l e s âges, u n v o l . i n - 1 6 a v e c 20 fig.,
295 p . V i g o t f r è r e s , é d i t e u r s , P a r i s , 1908.
r
D K L O T Z - F O R E S T : D e l ' a v o r t e m e n t . E s t - c e u n c r i m e ? u n v o l . i n - 1 6 d e 240 p .
E d i t i o n V i c t o r i a , P a r i s , 1908.
Du diplôme de médecin-légiste de l'Université de Paris, b r o c h . d e 47 P-
C l e r m o n t ( O i s e ) , 1908.
Prof. E N R I C O M O R S E L L I , P r i m o e l e n c o d e g l i S c r i t t i , b r o c h . d e 2 8 p . M i l a n o ,
«9°7-
Prof. J O S É I N G E N I E R O S (de B u e n o s - A i r e s ) : N u o v a c l a s s i f i c a z i o n e d e i D e l i n -
0
q u e n t i , u n v o i . i n - 1 8 d e 80 p . , S a n d r o n , N a p l e s , 1907.
r
D E U G . STOCKIS (de L i è g e ) : La d a c t y l o s c o p i e e t l'identification judiciaire,
i n - 8 ° , 48 p . B r u x e l l e s . — S o b r e e l v a l o r m e d i c o - l e g a l d e l o s C r i s t a l o s
d e B a r b e r i o , t r a d u c t i o n e s p a g n o l e d e L e c h a - M a r z o , 11 p a g e s . — G r a -
n a d a , 1908.
Bulletin de la Société française d'Histoire de la Médecine, t. V I , n° 1, 1907,
u n v o l . in-8° d e 144 + 4 4 ; P a r i s , P i c a r d .
Prof. B A L D W I N : L a p e n s é e e t l e s c h o s e s . — L a c o n n a i s s a n c e e t l e j u g e m e n t ,
u n v o l . in-8° d e 5 o o p . a v e c f i g u r e s ( d e l a B i b l i o t h è q u e i n t e r n . d e
r
P s y c h o l o g i e e x p é r i m e n t a l e d u D T o u l o u s e ) , P a r i s , D o i n , 1908.
P I E R R E P I C : P i l u l e s a p é r i t i v e s à l ' E x t r a i t d e M o n t a i g n e p r é p a r é e s ad usum
0
medici necnon cujusdam alius, u n v o l . i n - 1 8 d e 149 p . , i c o n o g r a p h i e
d e M o n t a i g n e , 12 figures, P a r i s , S t e i n h e i l , 1908.
A U G . G O L L (Chef d e police à C o p e n h a g u e ) : V e r b r e c h e r b e i Shakespeare,
m i t v o r w o r t v o n prof, v o n L i s z t , u n v o l . in-i8° d e 212 p . A x e l J u n c -
ker, Stuttgart et Berlin.
ARCHIVES
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE M É D E C I N E LÉGALE
ET DE P S Y C H O L Q ^ ^ N O R ^ L E ET PATHOLOGIQUE .
fï; :
y-* 'g j _
M É M O H M * 'ORIGINAUX
P a r R.-A-J ItEISS
P r o f e s s e u r de P o l i c e Scientifique à l'Université d e L a u s a n n e
I. F A U S S E OTJ N O N R E C O N N A I S S A N C E D E C A D A V R E S
1
N a c k e : Gross' Ârekiu. t. X X I I , p . 210; l . X X V I , p . 3 6 o .
2
H e l l w i j j , « Einig-e m e r k v \ - ù r d i f ç e F a l i e v o n I r r l u m i i b e r d i e I d e n t i l i i t v o n
S a c h e n o d e r P e r s o n e n >;, Gross' Archiv. t . X X V I I , p . 35a c l s u i v a n t e s .
E.-A. Reiss. — FAUSSE OU NON RECONNAISSANCE D'INDIVIDUS 475
que les cadavres trouvés étaient des inconnus. Tous les deux
arrivaient sur les lieux nullement prévenus et regardaient les
cadavres sans être émotionnés par cette vue. Non, la non recon-
naissance des cadavres dans ces cas, et du reste aussi dans la
plupart des autres cas de fausse identification et non reconnais-
sance, a ses principales causes dans la position inaccoutumée pour
:
nous du corps, et dans le faciès spécial du mort, causes que j a i
déjà signalées dans mon ouvrage la Photographie judiciaire.
En effet, l'homme est tellement habitué à voir son prochain
en position verticale, debout ou assis, qu'il s'est ainsi gravé dans
la tête son image. Le voit-il maintenant d'en haut ou d'en bas,
couché horizontalement, il ne le reconnaîtra le plus souvent pas,
parce qu'il ne l'a jamais, ou au moins très rarement vu, dans
cette position. Quelle impression étrange, d'inconnu, vous pro-
duit souvent votre meilleur ami quand vous le trouvez étendu au
lit et dormant ! Ou bien, chez le coiffeur en vous faisant raser,
vous êtes-vous déjà regardé dans la glace avec la tête renversée
en arrière et appuyée sur le dossier de la chaise spéciale? Votre
propre visage, dans cette position, ne vous a-t-il pas fait une im-
pression d'inconnu? La faculté de reconnaissance chez la plu-
part des hommes est si extraordinairement peu développée !
J'ai cité plus haut, également comme cause de la fausse ou
non identification des cadavres, leur faciès tout à fait spécial. Le
faciès du mort est, le plus souvent, très différent de celui du
vivant, et par conséquent inconnu à la majorité du. public. Le
manque de couleurs, les paupières fermées, etc., tout ceia change
tellement l'expression du visage, qu'il nous parait étranger. Si
l'on prend encore en considération que beaucoup de sens, s u r -
tout des femmes, ont une réelle peur de voir des cadavres, de
sorte que, cruand ils sont forcés de les contenmior. ils sont forte-
ment émotionnés, on comprend encore mieux ios fausses identi-
fications.
Je signalerai encore, comme une des causes d'erreurs dans
l'identification des cadavres de noyés, le changement de couleur
et Je changement de port des cheveux et de la barbe. Les che-
veux prennent toujours à l'état humide un ospeet nlus sombre, de
sorte que, des cheveux blond foncé, mèma'blondmoyen, parais-
sent presque c h â t a i n s . La moustache, ordinairement relevée;
478 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
X. Minovici : Mouveaux procédés de photographie cies c a d a v r e s (Archives
d'anthropologie criminelle, 1304, i 5 n o v e m b r e ; .
2
R.-A. Reiss, lu l'holographie judiciaire, p. 75 et s u i v a n t e s .
480 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
R.-A. Reiss. la Piiotor/raphie judiciaire, p . yg et s u i v a n t e s .
R.-A. Reiss, — FAUSSE OU NON RECONNAISSANCE D'INDIVIDUS 481
des témoins. J'ai déjà constaté plus haut que la faculté de recon-
naissance chez l'homme est généralement très peu développée.
Et ce n'est pas surprenant, car, comme on l'a dit il y a long-
temps : nous ne pouvons revoir en pensée (et par conséquent
reconnaître comme l'ayant déjà vu) que ce que nous pouvons
décrire par la parole. Pour reconnaître sûrement quelqu'un, il
faut donc que nous en puissions donner un signalement complet.
Les témoins qui prétendent pouvoir reconnaître sûrement une
personne en peuvent-ils donner un signalement juste ? Très sou-
vent non. En effet, si l'on a l'occasion d'assister à des audiences
devant un magistrat enquêteur, on est frappé de l'insuffisance des
signalements donnés par les témoins, même si ceux-ci connais-
saient fort bien l'individu qu'ils sont appelés à décrire.
. De tels signalements commencent ordinairement par l'âge
assez vaguement indiqué par les mots : « jeune », « assez âgé »,
a vieille». Les témoins qui précisent et disent, par exemple :
« homme entre 22 et 20 ans », sont relativement rares et, encore,
se trompent-ils souvent. L'indication suivante est la taille. Les
termes imprécis, « grand », « moyen » et v petit », sont de nou-
veau ceux que le juge entend le plus souvent. Si déjà le sens
du terme est assez vague, mais pourrait être encore utilisé pour
les recherches, il est, dans beaucoup de cas, complètement faux.
Combien de fois ai-je'entendu dire, par un témoin, que l'individu
dont il était en train de donner le signalement était grand, et
quand j'avais devant moi le délinquant recherché, j ' a i pu consta-
ter qu'il était de taille plutôt petite. En général, le public juge
la taille d'un individu d'après l'entourage où il l'a vu. Ainsi, un té-
moin a vu un individu de taille moyenne accompagné de deux ou
trois individus de petite taille ou entouré de deux ou trois femmes
plus petites que lui ; il a alors constaté que l'individu était sensi-
blement plus grand que ses compagnons, et cela a suffi à provo-
quer chez lui l'impression de grand. Il n'hésitera plus, devant
le j'-ige à affirmer, avec la dernière énergie, que l'individu en ques-
tion était de taille grande, et cela sans se rendre compte que la
grandeur observée par lui n'était qu'une grandeur relative. J'ai
vu également un cas où un témoin, et c'était un témoin très
lettré, affirmait qu'un individu était de grande taille, pen-
dant qu'il était, en réalité, de petite taille. Le témoin n'avait vu
482 MÉMOIRES ORIGINAUX
1 r
D K. CUip-idàc-, Expériences sur le lémoirinnya.
48ô MÉMOIRES ORIGINAUX
A N T I S É M I T I S M E E T F O L I E
Par MM. A . M A R I E et V I O L L E T
OBSERVATION II.
1
« D e puis d i x - h u i t i a « ï » ( é c r i t - i l riens u ; i c l e t t r e (le mars xooG. donnant
ainsi une d a l o au début d o ses h a u u c i n a i i w w ) . j'affirme, et tous l e s malades
peuvent l'attester, que j e n'ai pas d o r m i h u i t b o n n e s m i s l s , étant insulté par ce
juif toutes les nuits, à toute be;ue de la nuit, j e dors mu: heure, quelquefois
plus, souvent m o i n s .
« • • • C e M. K . W . n'arrête pas de la nuit eu. m'hiKuIirr et à cet effet, il s'est
A. Marie et Viollet. - ANTISÉMITISME ET FOLIE 491
D a n s s e s l e t t r e s , l e m a l a d e d é c r i t s e s p e r s é c u t i o n s , s e s h a l l u c i n a t i o n s . Il
i n d i q u e s o n p e r s é c u t e u r , l e b u t q u ï l p o u r s u i t : c e d e r n i e r d é t o u r n e la
m a î t r e s s e d e B. Il d i t s e s r é a c t i o n s ( r é p o n s e s a u x i n j u r e s ) e t s e s c r a i n t e s
d'être o b l i g é , e n a l l a n t p l u s l o i n , d e faire u n m a l h e u r . E n m ê m e t e m p s , il
e n g l o b e t o u t e la r a c e j u i v e d a n s sa h a i n e c o n t r e s o n p e r s é c u t e u r . Il é c r i t
c o n s t a m m e n t des chansons caractéristiques à cet égard.
A c t u e l l e m e n t , l e m a l a d e e s t d a n s l e m ê m e é t a t . Il n e r é a g i t p a s e n c o r e
v i o l e m m e n t , m a i s il crie d e s i n j u r e s t o u t e l a n u i t , c e q u i o b l i g e p a r f o i s à
l e c o u c h e r e n c e l l u l e . L ' a p r è s - m i d i il t r a v a i l l e t r a n q u i l l e m e n t à l ' i n f i r m e -
rie, m a i s paraît e n c o r e h a l l u c i n é , b i e n q u e m o i n s q u e l a n u i t ; il r é p o n d à
d e m i - v o i x : « S a l e B o u t - C o u p é — S a l e s y o u p i n s , e t c . . » C'est u n tj'pe d e
4
délirant halluciné .
A ia face pain ci b l ê m e
C'est ia luf.Le à outrance
Chassor-s tous c e s poupins
Qui viennent ¡nango;- l e pain iti
i;L boire l e vin de France.
U n e a u t r e c h a n s o n d e l u m ê m e é p o q u e m e t e n ->- ,c¡ ¡o i a - p r o c h e h a b i t u e l
fait, au.-: j u i f s d e n e v i v r e a u e p a u r g a g n e r d e l';:rzc
JE GAGXE Di' POGXOX (Char.sonnc
Kl d'.-uti-r
.le suis V. K.
Marchan:! ih; lorgnons ::s m e v o y e z
Fournisseur n e Saint.: Anne \n cornichon
492 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
OBSERVATION III.
I III
C'est une boule de Juifs C'EST UNE BOULE DE JUIFS
Qui à chaque instant QUI TOUTE LA NUIT
L l o r g n o n sur l e pif L'IORGNON SUR LE PIF
Fait du boniment M'REGARDE FAIRE PIPI
C'est tuie boule de Juifs C'EST UNE BOULE DE JUIF
Qui à chaque instruit QUI TOUTE LA NUÏI
L'iorgnon sur l e pif L'IORGNON SUR LE PIF
Fait du boniment. M' REGARDE L'AIRE PIPI.
NU TICFRUIN
REFNTIN
AH ! LA PROVOCATION TV
D'UNE VIEILLE CASSEROLE LI PORIE CE NOM RONFLANT
D'UNE SALE CASSORCLLE
AH ! SA PROVOCATION
JIT-JIT-U-JITS:: QUE CE RA.-.EA-U>.
JIT-JIT-U-JITSU. IL PORL<-. ::O NOM roullonl
DE LIMETTE KAHN-"WARNER
C'EST UNE BOR.I^ do . C'EST BIEN :M ALLEMAND
QUI TOUTE LA JE-UR^ÉC QUE CE RASLAQUOLLÙRE.
L'IORGNON SUR LE P;F
FAIT QUE DE ROUCHO: AH I «A PROVOCAUEN
C'EST UNE BOULE DE . D'UNE VIEILLE CASSEROLE
QUI TOUTE LA ]O\VRR/:<. D'UNE SAIE CN-JL-EROIE
L'IORGNON SUR LE P:F AH! SA M'OVO'jy.Linri
FAIT QUE D'RONCHONN JIL-JI'-.-U-JILSU
NU JICFI
O u t r e l e s v i o l e n c e s a u x q u e l l e s i l s e l i v r a i t , il a v a i t d e s i d é e s d e g r a n d e u r ,
f a i s a i t d e s p r o j e t s e x t r a v a g a n t s ( e n l è v e e t v e n d l e z i n c d e la t o i t u r e d e l a
m a i s o n d o n t il e s t l o c a t a i r e ) . C e s a c t e s f o n t p e n s e r à d e la p a r a l y s i e g é n é -
rale d ' a u t a n t p l u s q u e l e u r d u r é e e s t a n o r m a l e m e n t l o n g u e : u n m o i s e t
demi la première fois, quatre m o i s la s e c o n d e . Et de plus c e s deux inter-
n e m e n t s o n t é t é séparés par un intervalle très court, u n m o i s et d e m i .
X o u s n e p e n s o n s p a s qu'il s e s o i t a g i d e p a r a l y s i e g é n é r a l e : à p a r t l a
m é g a l o m a n i e e t l e s p r o j e t s a b s u r d e s , l e s s i g n e s phj'sicjues h a b i t u e l s d e la
P . G. é t a i e n t a b s e n t s . L ' é t a t m e n t a l é t a i t c e l u i d'un d é b i l e a l c o o l i s é . Il
était insupportable.
B..., c o m m e antisémite, est un catéchumène, n o n délirant, mais
e x a l t é . D o u é d'une c e r t a i n e f a c i l i t é d e p a r o l e , il c o u r t l e s r é u n i o n s a n t i s é -
m i t e s ( s o n s e c o n d i n t e r n e m e n t fut a m e n é p a r u n e s a o u l e r i e s u i v i e d e
r e f u s d e p a y e r au s o r t i r d e l ' u n e d ' e l l e s ) . D é b i l e e t a l c o o l i q u e i n v é t é r é , il s e
croit a p p e l é à r é s o u d r e l e s q u e s t i o n s s o c i a l e s ; l u i q u i n'a n i m o r a l i t é , ni
retenue, s e pose en redresseur de torts et en réformateur. Voici le certificat
correspondant à son dernier internement :
« Débilité mentale avec idées de grandeur et sensibleries (rêve do
catastrophes en m ê m e temps que d'entreprises diverses grandioses, pro-
j e t s politiques, etc.). l i s e plaint d'avoir é t é p a s s é e tabac à Sainte-Clotildo
où il é t a i t d é l é g u é p a r la l i g u e d e s P a t r i o t e s s o c i a l i s t e s a n t i s é m i t e s p o u r
m a i n t e n i r l ' o r d r e ; c ' e s t e n d é f e n d a n t M. d e l à R o c h e f o u c a u l t qu'il a éeopé
(il montre Vœil droit), a v o u l u a v e c u n g r o u p e d e p a t r i o t e s s y m p a t h i q u e s
aller ensuite se réconforter chez un marchand de vins, mais s e s compa-
g n o n s l'ont trahi e n p a r t a n t s a n s p a y e r . S e d i t la v i c t i m e d e c e s t e m p s t r o u -
Inès et s e déclare militariste a n t i s é m i t e . »
OBSERVATION IV.
*
L'antisémitisme est un mal de haine. De même que le crime
auquel mène la haine, celle-ci a sa psychopathologie. Cela a été
nettement établi dans les ouvrages de Leroy-Beaulieu et du pro-
fesseur Lombroso sur l'antisémitisme. Dans les résultats qu'ils
nous donnent de leurs recherches sur ce sujet, ces auteurs dis-
tinguent deux états de l'antisémitisme : la haine individuelle,
marquée par la méfiance, le mépris, la raillerie; et la haine « de la
foule » née d'un événement qui exaspère les haines individuelles,
les associe, et provoque les mouvements collectifs, les émeutes,
1
les violences, les massacres . Si la haine individuelle est un état
chronique, la haine delà foule qui résulte de l'association, de ces
haines individuelles exaspérées, constitue ce que l'on pourrait
appeler un épisode aigu, point différent par ses manifestations de
toutes les colères populaires, quelle qu'en soit la cause, avec ses
caractères saillants, brusquerie du début, violence extrême et
aveugle de sa marche, sédation rapide.
Cet épisode aigu, s'il peut être artificiellement provoqué ne
peut cependant toujours se prévoir dans ses manifestations
spontanées, on n'y peut point alors parer, mais on en peut tirer
un renseignement utile pour l'avenir ; les réactions secondaires
qu'on lui oppose, sous forme de condamnations ultérieures,
risquent, en effet, d'en amener la recrudescence, et tombent d'ail-
leurs d'habitude injustement.
Souvent les partis politiques cherchent à provoquer des
émeutes. Il semble que le gouvernement soit mieux placé poul-
ies faire réussir (Saint-Barthélemv. Poerrorns des cent noirs en
Russie). D'autres fois, la présence dans un de ces partis d'un
exalté facilite l'émeute dont il devient le chef momentané
(Uvrès, Ahlvart. Paasch). Les excitations de la presse entretien-
nent la haine individuelle, mais sont moins susceptibles de déter-
miner l'émeute. Celle-ci naît parfois avec une brusquerie telle,
* C ' e s t a i n s i q u e !es m a u v a i s e s n o u v e l l e s r e ç u e s d e l a f r o n t i è r e , l a p r i s e d e
V e r d u n , e t c . , c o n s t i t u è r e n t l'événement d'où s o r t i r e n t les m a s s a c r e s de s e p t e m -
b r e . L ' a f f a i r e D r e y f u s , s u r i o u i !e v . j ' a c c u s e « d e Z o l a , f i r e n t p r e n d r e à l ' a n t i s é -
m i t i s m e f r a n ç a i s ia t o u r n u r e a i g u ë d o r a o n s e s o u v i e n t .
A. Marie et Violtet. — ANTISÉMITISME ET FOLIE 497
avec une telle absence réelle de cause déterminée, qu'il est impos-
sible d'en faire supporter, justement, les réparations par qui-
conque.
Mais, si la prophylaxie contre Y état aigu est difficile, parfois
même impossible, il peut y en avoir contre Yétat chronique,
contre la haine individuelle du juif.
On peut citer avec Lombroso,, parmi les prétextes invoqués par
la haine antisémite :
Les reproches religieux. (Le juif est le « tueur du Christ »).
Les reproches patriotiques. (Le juif constituerait une nation
dans la nation ; il ne s'attacherait pas au pays qu'il habite ; il
serait incapable de concevoir pour ce pays l'attachement normal
des autres hommes, et d'en tirer les causes de dévouement; sa
patrie est restée Jérusalem ; en dehors elle n'existe que ubihene.)
Les reproches de race diffèrent avec les habitudes particulières,
les défauts communs, les tendances plus ou moins dégénératives
de la race juive.
Les reproches économiques. (Le juif, visant surtout la puissance
financière, se spécialise dans les métiers d'argent souvent les
plus méprisés (usuriers) ; dans ces situations, son activité n'ayant
qu'une valeur personnelle, serait plutôt nuisible qu'utile à la
fortune publique.)
Ces reproches, L. Beaulieu et Lombroso se sont attachés à en
démontrer tout le mal fondé. Le juif prend les habitudes des
pays où il se trouve, et devient capable des plus grands dévoue-
ments patriotiques ; sans nier ses défauts, on peut les expliquer
par les longues persécutions d'autrefois et d'aujourd'hui encore,
ils ne sont d'ailleurs point tellement différents de ceux des
autres hommes. Ses habitudes particulières, en e-énéral d'origine
tain;uclique, sont en décroissance générale et l'abandon en est
presque complet dans les classes juives élevées; la « race » elle-
même n'est point restée pure, et le type juif est loin d'être tou-
jours ie même, il se modifie avec les climats et les conditions
vitales. (Juifs blonds d'Aneleterre. juifs négroïdes d'Abvssiniel.
On ne trouve pas que des juifs dans les situations financières ; un
grand nombre de juifs est pauvre. Lombroso a donné trop d'im-
portance au reproche religieux, dans ce sens que, pour lui, l'ori-
gine des haines de l'Antisémite s'adresserait au « tueur du
49S NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
Tabès. — Résultats obtenus par le D ' Minor (de Moscou) :
sur 383 cas de maladies nerveuses, il y a 260 juifs et chré-
tiens, sur lesquels il trouve 2 tabès chez les juifs et 4 chez les
chrétiens.
Statistique du professeur Kajev/ackoff: sur 2.4o3 malades
atteints d'affections nerveuses, 3^7 sont juifs dont 8 0 tabétiques.
1
Statistique du P ' Korsakofî: sur 2 . 6 1 0 malades 89 sont juifs,
62 chrétiens, et 4 jnifs sont tabétiques.
r
En combinant ces statistiques, le D Minor trouve 2,9pour 1 0 0
de chrétiens tabétiques et o^8 pour 1 0 0 de juifs tabétiques.
4
Antisémitisme, p. i3/i.
* Oppenheim, Lehrbvch der Nerven kranklteiten, Berlin. 1894, p. 6 3 6 .
3
Jolly, Journ. of mental sciences, Londres, 1900. X L V I , p. ySS.
500 XOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
OBSERVATION V
OBSERVATION VI.
OBSERVATION VII.
E n a r r i v a n t à P a r i s , é p u i s é , s o u f f r a n t , il o b t i n t s o n a d m i s s i o n à f'hôpitai
Rothschild. Là, haflucinations : d e s esprits lui disaient qu'on voulait l'em-
p o i s o n n e r ; aujourd'hui il n ' e n c r o i t r i e n ; i l s c h e r c h a i e n t s e l o n l u i à l u i
d o n n e r àndélire, m a i s i l s n'ont p a s r é u s s i . I l s l e p o u s s a i e n t à d e s a t t e n t a t s
m e u r t r i e r s , lui d i s a i e n t d e tirer s u r l e g r a n d R a b b i n , s u r R o t h s c h i l d . O n
lui disait q u e l e s g u e r r e s de religion s'allumaient, q u e l e s c h r é t i e n s mar-
c h a i e n t c o n t r e l e s j u i f s . O n l'a m ê m e fait aller j u s q u e s u r l e b o u l e v a r d
M a g e n t a o ù , d i s a i t - o n , il y a v a i t , u n e d é l é g a t i o n d e s e s c o r e l i g i o n n a i r e s
e t d e s c a t h o l i q u e s , m a i s il n ' y a v a i t r i e n . O n a e u b e a u c h e r c h e r à
l ' i n f l u e n c e r , i l n'a j a m a i s p e n s é s é r i e u s e m e n t à i m m o l e r p e r s o n n e .
On cherchait c e p e n d a n t à lui faire croire q u e c'était u n e b e l l e et b o n n e
action q u e d e tuer quelqu'un. U n jour, rue Saint-Antoine, h a n t é par c e s
i d é e s , il d u t p a r a î t r e s u s p e c t à d e s a g e n t s q u i l ' a r r ê t è r e n t e t l e f o u i l l è r e n t ,
p u i s l e r e m i r e n t e n l i b e r t é . E n s o r t a n t d e R o t h s c h i l d , l e délire paraît a v o i r
été des plus actifs; on répétait, o n annonçait et imitait s e s moindres
actions (écho de la p e n s é e et hallucinations écho), on lui rappelait tout
s o n p a s s é ( d é l i r e p a l i n g n o s t i c ) . If v o y a i t d a n s t e s g e n s qu'il r e n c o n t r a i t l e
g r a n d R a b b i n e t sa s u i t e q u i a u r a i e n t p r i s d e s p h y s i o n o m i e s d e g e n s t e r -
restres d i v e r s (interprétations d é l i r a n t e s e t illusions), o h lui parlait con-
s t a m m e n t a u x o r e i l l e s s a n s qu'il v o i e l e s d é m o n s e t t e n t a t e u r s a u t r e m e n t
q u e d a n s l e s p e r s o n n e s q u e l c o n q u e s q u e l ' o n r e n c o n t r e . C e p e n d a n t il a c r u
deux o u trois fois entrevoir c o m m e d e s o m b r e s transparentes passer près
d e l u i , c ' é t a i e n t d e s d é m o n s p r o b a b l e m e n t . Il a v u e n r e v a n c h e e t v o i t
e n c o r e a s s e z s o u v e n t la figure r a d i e u s e d e la s a i n t e V i e r g e qui s a n s j a m a i s
l u i p a r l e r , l u i fait c o m p r e n d r e p a r s o n a t t i t u d e e t s o n e x p r e s s i o n qu'il e s t
d a n s l e d r o i t c h e m i n , qu'on e s t c o n t e n t d e l u i e t qu'il n'a qu'à c o n t i n u e r à
l u t t e r ; a v e c s o n s o u t i e n il t r i o m p h e . C e s v i s i o n s s o n t d ' a i l l e u r s t r è s
c o u r t e s e t il l e s a s u r t o u t é t a n t c o u c h é e t l e s y e u x f e r m é s , a v a n t d e l e s
v o i r il t o m b e g é n é r a l e m e n t d a n s u n e s o r t e d ' e x t a s e , u n e s u s p e n s i o n d e s
sens.
Il e s t c u r i e u x d e n o t e r c e t t e o p p o s i t i o n d e c a r a c t è r e e t c e t t e e x c l u s i o n
d e s h a l l u c i n a t i o n s d'une s p h è r e s l ' a u t r e , l ' h a l l u c i n a t i o n d e l ' o u ï e n e r é p o n -
d a n t p a s à la v i s i o n d ' u n p e r s o n n a g e , e t la v i s i o n n e r é p o n d a n t p a s à u n
é r é t h i s m e c o n c o m i t a n t d e la s p h è r e a u d i t i v e .
II e s t é g a l e m e n t c u r i e u x q u e c e s o i t la V i e r g e q u i a p p a r a i s s e à un
israélite dont la religion exclut sa divinité (érotisme associé possible).
* « J'ai été marié, j'ai divorcé, et il n'y a que moi qui le sais. Je désire un
procès et je l'aurai, je ferai prouver par mes clients que jamais ils ne m'ont
vu ivre ».
Il parle avec animation extraordinaire :
« Je déclare avoir en haine tous les officiers, j'ai des raisons particulières,
je veux un procès, je veux qu'on me mette devant ceux qui sont la cause
de ce qui m'est arrivé.
« J'ai du sang et du tempérament. Je. fais des vers, j'en .ai fait lors de
mon dernier internement que je garde comme mes yeux.
« Ma haine contre les officiers n'était pas due au procès Dreyfus, etc. »
Suit une pièce de vers insultants où les noms des conseillers municipaux
nationalistes sont arrangés en bout rimes avec des grossièretés à leur
adresse. Ce factum a été remis à la Commission du Conseil général par le
malade lui-même.
**
r
par le D LUIGI TOMËLLINI
Il a été fait ces derniers temps de grands progrès dans les sys-
tèmes d'identification, grâce surtout à M. Bertillon.
On connaît aussi les méthodes ayant pour base les empreintes
digitales, mais, comme j e tâcherai de le démontrer dans un tra-
vail qui paraîtra prochainement dans cette même revue, il ne
faut pas trop se fier à cette nouvelle classification et regarder
quant à présent les méthodes de M. Bertillon comme les meil-
leures.
Au sujet de l'identification des délinquants, on a, je le répète,
beaucoup étudié et beaucoup écrit. Il me semble, par contre,
qu'on a trop négligé la question des passeports dont l'importance
est pourtant presque égale à la première.
Dans presque tous les pays les passeports actuellement en
usage contiennent des renseignements tellement vagues et peu
personnels qu'ils peuvent facilement s'appliquer à différents
individus et ne suffisent nullement à établir d'une manière
exacte l'identité de la personne désignée.
Chez nous, en Italie, les formules des passeports sont à peu
près les mêmes qu'il y a cinquante ans ! Les signalements en
sont si mal faits qu'ils ne peuvent être d'aucune utilité pour des
recherches sérieuses.
Voici, comme exemple, le libellé de celui qui m'a été délivré
I x
pour mes voyages à ' **'
Hauteur. . . . m
i 6o.
Age 28 a n s .
Front . . . . Haut.
Couleur des yeux Châtain.
Xez Régulier.
Bouche . . . . Régulière.
Cheveux . . . Châtain foncé.
Moustache . Châtain.
Coloration . . . Naturelle.
Corpulence . . Moyenne.
r
D L. Tomellini. — DES MODIFICATIONS AUX PASSEPORTS 509
R E V U E C R I T I Q U E
LE MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE
révèle u n e s p r i t i n d é p e n d a n t q u i n o u s fait p r e s s e n t i r V o l t a i r e e t
R o u s s e a u ; il e û t été m i e u x à sa p l a c e d a n s la c o m p a g n i e des p r é c u r -
s e u r s de la R é v o l u t i o n . L a g r a n d e , l ' i n c o n t e s t a b l e s u p é r i o r i t é d e L a
F o n t a i n e s u r la p l u p a r t de n o s é c r i v a i n s , r é s i d e d a n s son a u t o - p s y c h o -
logie. L a F o n t a i n e se c o n n a i s s a i t à f o n d l u i - m ê m e . Il a fait son p r o p r e
p o r t r a i t , sans fausse h o n t e , c o m m e il e û t t r a c é c e l u i d ' E s o p e o u d e
Térence.
Sa m e n t a l i t é a p p a r a î t s u r t o u t d a n s les r a p p o r t s q u ' i l e n t r e t i e n t avec
sa famille e t ses a m i s . C'est u n fils indifférent e t v o l a g e , u n é p o u x
infidèle, u n p è r e i n d i f f é r e n t , u n a m i fidèle e t a t t a c h é . Il n e d é s i r e
q u ' u n e c h o s e , ê t r e i n d é p e n d a n t ; il n ' a q u ' u n b u t , j o u i r , « f o l â t r e r ».
E n t r e t e m p s , il lit e t é t u d i e à sa m a n i è r e , c a r il n ' e s t r i e n « q u i n e lui
soit u n s o u v e r a i n b i e n ».
Il f r é q u e n t e la j o y e u s e s o c i é t é d e R a c i n e , M o l i è r e et B o i l e a u ; il
s ' a m u s e a v e c le c h a n o i n e de M a u c r o i x ; il e s t l ' a m i p r é f é r é des l i b e r -
t i n s , c ' e s t - à - d i r e d e s V e n d ô m e , des B o u i l l o n , e t c . A u s s i le roi n e
l ' a i m e g u è r e . Ce n ' e s t p o u r t a n t p a s de la f a u t e d u f a b u l i s t e .
Il n ' a q u e des s e n t i m e n t s r e l i g i e u x superficiels, a t a v i q u e s p o u r ainsi
d i r e . D a n s la s a n t é , il raille, il se m o q u e des p r ê t r e s e t d e s c h o s e s de
l'Eglise, m a i s dès q u e la m a l a d i e l e v i s i t e , il e n v o i e « l ' e s p r i t fort » a u x
c a l e n d e s e t il r e d e v i e n t p i e u x e t r e p e n t a n t .
S o n c a r a c t è r e est c o m p o s i t e e t c o m p l e x e ; n e p o r t e - t - i l pas « l ' h a b i t
de p l u s i e u r s p a r o i s s e s ? « L ' o n p e u t le r é s u m e r à p e u p r è s e n six g r a n d e s
caractéristiques. C'est un visuel-moteur, u n sensuel, u n égoïste, un
m é d i t a t i f , u n émotif, u n i n c o n s é q u e n t .
. Sa p e r s o n n a l i t é est d o n c p a r t i c u l i è r e m e n t o r i g i n a l e ; si l'on se p l a c e
à u n p o i n t d e v u e s t r i c t e m e n t m o r a l , elle est loin de v a l o i r son œ u v r e ,
m a i s a p r è s t o u t , c o m m e n t n e p a s a i m e r e t n e pas c o m p r e n d r e u n
h o m m e q u i agit t o u j o u r s e n t o u t e p u r e t é d ' i n t e n t i o n , q u i se c h â t i e et
se g r o n d e l u i - m ê m e sans f a i b l e s s e ? 11 fut a v a n t t o u t u n « i n c o n s t a n t »
et u n impulsif.
B I B L I O G R A P H I E
D r
MAGNUS HIRSCHFELD, Le troisième Sexe : Les Homosexuels de
B e r l i n . — Librairie médicale scientifique, Jules Rousset, r u e Gasimir-
Delavigne, Paris, igo8.
E n l i s a n t R é m y d e G o u r m o n t j e m e s e n s p l u s i n d u l g e n t e n v e r s le
r
volume du D Hirschfeld :
l
« T r è s s o u v e n t , lit-on d a n s le Mercure , l'amitié a t h é n i e n n e é t a i t u n
é c h a n g e d e c o m p l a i s a n c e s c h a r n e l l e s . L e s trois c e n t s S p a r t i a t e s é t a i e n t
liés p a r la c h a i r , d e u x à d e u x . N o u s n e c o m p r e n o n s p l u s cela. M a i s
ce n ' e s t p a s u n e p e r t e , c'est u n g a i n . N o s a m i t i é s s o n t e n c o r e s o u v e n t
d ' i n t é r ê t s m a t é r i e l s , mais d e m o i n s e n m o i n s d ' i n t é r ê t s c h a r n e l s . J e
laisse d e c ô t é l ' h o m o s e x u a l i s m e q u i e s t u n e m a l a d i e . 11 m e s e m b l e , si
j e m ' o c c u p a i s d e ces q u e s t i o n s , q u e l e s A l l e m a n d s o n t f o r t e m b r o u i l -
lées, q u e j e d i s t i n g u e r a i s assez f r a n c h e m e n t l ' h o m o s e x u a l i s m e d e
l'amitié c h a r n e l l e . D e s d e u x s e n t i m e n t s le o r e m i e r e s t u n c h o i x e x c l u -
sif n é c e s s i t é p a r d e s t e n d a n c e s p h y s i q u e s ; le s e c o n d e s t u n e s i m p l e
confusion d e s e n t i m e n t s ; il n ' e s t p a s a b s o l u , il e s t p a s s a g e r . L ' u n e s t
u n s e n t i m e n t spécifique, le s e c o n d e s t u n s e n t i m e n t i n d i v i d u a l i s t e .
L'homosexuel tend vers tous les êtres de son sexe; l'être s o u m i s à u n e
a m i t i é c h a r n e l l e t e n d v e r s son a m i , e t v e r s son a m i s e u l . U n e p a s s i o n
h é t é r o s e x u e l l e p e u t t r è s b i e n le r e m e t t r e , à u n e occasion p r o c h a i n e ,
d a n s la voie q u e n o u s appelons n o r m a l e . C o m p r e n e z - v o u s ? — Très
b i e n . V o u s d i s t i n g u e z ce q u i e s t d e la c o u t u m e , o u d e l ' e n t r a î n e m e n t
ou de l ' i m i t a t i o n , avec ce q u i e s t d ' i m p u l s i o n p h y s i o l o g i q u e . »
U n e a s s e r t i o n c o m m e celle q u e j ' a i s o u l i g n é e d o i t j u s t i f i e r a u x y e u x
d e s m e m b r e s d u C o m i t é d e B e r l i n b i e n d e s essais d e v u l g a r i s a t i o n ,
b i e n d e s r é p é t i t i o n s , b i e n d e s l i v r e s c o m m e le troisième Sexe.
Ce p e t i t v o l u m e d ' u n e c e n t a i n e d e p a g e s , q u i n ' e s t p a s t r o p b i e n
t r a d u i t , e t d o n t la p r é f a c e est d a t é e d u i" d é c e m b r e 1 9 0 4 f o u r n i t ce
i 1« j a n v i e r 1508, p. 100.
520 BIBLIOGRAPHIE
r
q u e Ton a le d r o i t d ' a t t e n d r e d u D H i r s c h f e l d : u n p l a i d o y e r é m u e n
f a v e u r des h o m o s e x u e l s , v i c t i m e s d u p a r a g r a p h e i ? 5 d u c o d e a l l e m a n d ,
des d é t a i l s s u r les m i l i e u x u r a n i s t e s , s u r la p r o s t i t u t i o n m a s c u l i n e , s u r
le c h a n t a g e , d e s a n e c d o t e s . O n y r e t r o u v e aussi c e t t e a b s e n c e de ce
q u e les a n g l a i s n o m m e n t humour, c e t t e i n c o n s c i e n c e de l'effet p r o d u i t
s u r les l e c t e u r s , q u i c a r a c t é r i s e n t la l i t t é r a t u r e h o m o s e x u e l l e a l l e -
m a n d e . P a r e x e m p l e , à p r o p o s d e s c a b a r e t s de s o l d a t s e t des idylles
r
q u i s'y é b a u c h e n t e n t r e m e s s i e u r s b i e n m i s et s o l d a t s , le D H . . . n o u s
d i t q u e ces a m i t i é s « e x c è d e n t p a r f o i s la d u r é e de la p r é s e n c e s o u s les
d r a p e a u x . L ' a m i , d e p u i s l o n g t e m p s , s'en est r e t o u r n é d a n s son v i l l a g e ,
s'y est m a r i é , il c u l t i v e sa t e r r e n a t a l e , loin de c e t t e b o n n e g a r n i s o n
de B e r l i n , l o r s q u ' u n b e a u j o u r l ' u r a n i e n r e ç o i t u n e s u r p r i s e . . . d ' a p p é -
t i s s a n t e c h a r c u t e r i e . Il a r r i v e m ê m e q u e ces r e l a t i o n s s ' é t e r n i s e n t , o u
se r e p o r t e n t s u r les a u t r e s frères q u i o n t pris d u ' service à l e u r t o u r ;
j e c o n n a i s u n cas de ce g e n r e o ù u n h o m o s e x u e l p e r s é v é r a d a n s ce
g e n r e d'affection avec t r o i s f r è r e s , l ' u n a p r è s l ' a u t r e , t o u s les t r o i s
faisant p a r t i e d ' u n r é g i m e n t de c u i r a s s i e r s . »
(Ces frères q u i se s u c c è d e n t , cela n ' e s t - i l pas r é p u g n a n t ? ) L e
r
D H . . . c o n t i n u e : « D ' o r d i n a i r e , u n e fois le s e r v i c e t e r m i n é , le s o l d a t
se r e n d a u d o m i c i l e d e son a m i , q u i lui a p r é p a r é de ses p r o p r e s m a i n s
s o n p l a t p r é f é r é ; il en avale g l o u t o n n e m e n t des q u a n t i t é s é n o r m e s . Le
j e u n e g u e r r i e r va se p r é l a s s e r e n s u i t e , a v e c le s a n s - g ê n e d ' u n e j e u n e s s e
é p a n o u i e , s u r le s o p h a , t a n d i s q u e l ' u r a n i e n assis d i s c r è t e m e n t s u r u n e
c h a i s e , r é p a r e le l i n g e d é c h i r é q u e l ' a u t r e lui a a p p o r t é o u b i e n s'oc-
c u p e à b r o d e r les p a n t o u f l e s q u ' i l l u i d e s t i n e c o m m e c a d e a u de N o ë l . . .
P e n d a n t ce t e m p s o n p a r l e de t o u s les détails d u service r o y a l . . . E n -
s u i t e e n l ' a c c o m p a g n e j u s q u ' à la p o r t e d e la c a s e r n e , n o n sans a v o i r
p r é a l a b l e m e n t r e m p l i sa g o u r d e de v i n r o u g e e t lui a v o i r p r é p a r é q u e l -
q u e s t a r t i n e s au b e u r r e . . . Les r a i s o n s qui incitent, le s o l d a t a u x r e l a -
t i o n s h o m o s e x u e l l e s s o n t faciles à d é m ê l e r : d ' a b o r d c ' e s t le d é s i r de
r e n d r e son e x i s t e n c e d a n s la c a p i t a l e u n peu p l u s c o n f o r t a b l e :
m e i l l e u r e t a b l e , b o n s . v i n s , c i g a r e s , e n d r o i t s de plaisir. E n s u i t e il
a r r i v e q u e l u i — u n cultivateur- p e u i n s t r u i t , u n a r t i s a n , u n o u v r i e r —
e s p è r e profiter au p o i n t de v u e i n t e l l e c t u e l d s son c o m m e r c e avec l ' h o -
m o s e x u e l . Ce d e r n i e r lui f o u r n i t d e lions l i v r a s , lui parle des faits d u
j o u r , le c o n d u i t d a n s les m u s é e s , lui apprend à s u r v e i l l e r sa t e n u e .
A p a r t cela, le p e r s o n n a g e c o m i q u e d e l ' u r a n i e n le fait s o u v e n t r i r e ;
q u a n d son a m i lui r o u c o u l e d e s c o u p l e t s ou se c o u v r a n t le chef d ' u n
a b a t - j o u r d a n s e d e v a n t lui en se c e i g n a n t les r e i n s d ' u n t a b l i e r , le
soldat, grand enfant, s'amuse b e a u c o u p . . . A proximité des cabarets
q u e n o u s a v o n s d é c r i t s , il y a d e s p r o m e n a d e s où les s o l d a t s font la
r e t a p e soit i s o l é m e n t , soit en g r o u p e ? , c h e r c h a n t ainsi a se r a p p r o c h e r
des h o m o s e x u e l s . Un u r a n i e n , h o m m e de s r a n d e e x p é r i e n c e a ce p o i n t
de v u e et q u i a b e a u c o u p v o y a g é , m'a fait p a r t d ' u n e o b s e r v a t i o n t r è s
i m p o r t a n t e e t q u e n o u s a v o n s p u c o n t r ô l e r e n s e m b l e : la p r o s t i t u t i o n
BIBLIOGRAPHIE 521
s o l d a t e s q u e e s t d ' a u t a n t p l u s c o m m u n e d a n s les p a y s o ù la législation
la r é p r i m e p l u s s é v è r e m e n t . C e l a a sa r a i s o n d ' ê t r e , c a r d a n s l e s p a y s
o ù l e s lois r e l a t i v e s à l ' u r a n i s m e s o n t s é v è r e s , o n a m o i n s à c r a i n d r e
les c h a n t a g e s e t a u t r e s i n c o n v é n i e n t s d ' u n s o l d a t q u e d ' u n civil. C ' e s t
ainsi à L o n d r e s , à S t o c k h o l m , à H e l s i n g f o r s . »
J ' a i t e n u à d o n n e r u n e assez l o n g u e c i t a t i o n . E l l e e s t c o m m e u n
r
raccourci du volume d u D Mirschfeld.
L'apologétique allemande aime cet uraniste bénévole, philanthrope,
t a n t soit p e u r i d i c u l e , m a i s d o n t les q u a l i t é s s o c i a l e s s o n t é v i d e n t e s ;
elle fait r e s s o r t i r q u e ses r a p p o r t s a v e c d e s j e u n e s h o m m e s m o i n s i n s -
truits et moins fortunés n'influent p a s sur leur sexualité ; q u a n d ces
s o l d a t s favorisés r e t o u r n e n t d a n s l e u r p a y s ils se m a r i e n t , e t l e u r s fils
p o u r r o n t u n j o u r d é f e n d r e la p a t r i e a p r è s a v o i r r é j o u i l e s h o m o s e x u e l s
q u i o n t d e l ' a r g e n t e t d e la b i e n v e i l l a n c e . I l y a d e s c o m p l a i s a n c e s
c h a r n e l l e s , il n ' y a p a s d e c o r r u p t i o n , p a s d e p e r v e r s i o n , d ' a p r è s c e t t e
a p o l o g é t i q u e . Si l ' o n e s t « n o r m o s e x u e l » o n r e v i e n t à la f e m m e ; si
l'on n ' y r e v i e n t p a s , c'est q u ' o n é t a i t h o m o s e x u e l s a n s le s a v o i r .
r
Il s e r a i t i n j u s t e d ' e n v o u l o i r a u b u t d u D H . . . p a r c e q u e l ' o n e s t
p a s p a r t i s a n d e s o n a m o r a l e s e x u e l l e , o u d e n e p a s r e c o n n a î t r e le b i e n
f o n d é d e s a t h è s e c o n t r e le c h a n t a g e et c o n t r e le p a r a g r a p h e 1 7 0 p a r c e
1
q u ' i l p l a i d e aussi p o u r la r é v o l u t i o n s e x u e l l e .
r 2
L e D H . . . r e v e n d i q u e p o u r B e r l i n So.ooo i n v e r t i s , d o n t 20 s e u l e -
m e n t e n m o y e n n e t o m b e n t c h a q u e a n n é e a u x m a i n s d e la J u s t i c e .
2.000 p a r a n d o i v e n t se l a i s s e r p r e n d r e p a r d e s m a î t r e s - c h a n t e u r s .
La p o l i c e n ' a t t a c h e p a s b e a u c o u p d ' i m p o r t a n c e a u x d é p o s i t i o n s d e s
m a î t r e s - c h a n t e u r s , m a i s il n ' e n est p a s d e m ê m e d e s j u g e s e t d e s p r o -
r
c u r e u r s - g é n é r a u x . E t le D H . . . d o n n e l ' e x e m p l e s u i v a n t : « U n vieil
u r a n i e n p o r t a p l a i n t e p o u r v o l c o n t r e u n h o m m e , c o n n u p a r le s e r v i c e
anthropométrique. Ce voleur récidiviste porta plainte, à son tour,
accusant l'autre de l'avoir violé p e n d a n t qu'il d o r m a i t . Chose
i n c r o y a b l e , le t r i b u n a l fait p r ê t e r s e r m e n t à ce t é m o i n e t c o n d a m n e
l ' h o m o s e x u e l — q u i fut p r é c é d e m m e n t p u n i p o u r le p a r a g r a p h e 1 7 a
— à u n a n d e p r i s o n . J ' é t a i s e x p e r t d a n s c e t t e affaire e t n ' o u b l i e r a i
j a m a i s c o m m e le vieil h o m m e , d ' u n e t a i l l e g é a n t e , à la l e c t u r e d e ce
1
V o y e z s i j ' e x a g è r e : « J'ai a s s i s t e , ii n ' y a p a s l o n g t e m p s , à l ' e n t e r r e m e n t
d ' u n v i e u x m é d e c i n . D e v a n t la t o m b e o u v e r t e s e t e n a i t l e fils u n i q u e d u d é f u n t ,
à d r o i t e la m è r e â g é e e t . à c o t é , u n j e u n e a m i d e v i n g t a n s ; t o u s l e s trois d a n s
un deuil p r o f o n d . » L e j e u n e a m i , d'une c o u c h e sociale isiférieure, avait u n e
l i a i s o n d u r a b l e a v e c l e fils d u m é d e c i n . « S u r s o n l i t d e m o r t , i e v i e u x m é d e -
cin dit s e s derniers adieux à sa femme et à s e s deux petits. L'aspect de c e s
t r o i s ê t r e s h u m a i n s u n i s d a n s l e s J a r m e s e t la d o u l e u r , p e n d a n t q u e i e c h œ u r
e n t o n n a i t l e c h a n t t i c V I e n d e i s s o h n : Ainsi en décida l-i volonté divine, i m p r e s -
s i o n n a i t l ' â m e u n p e u p l u s p r o f o n d é m e n t q u e i ' o r a i s o n f u n è b r e . >•
2
I r m a G o ; r i n g e r , d a n s s o n r o m a n Scliliurjpllanzen contre les invertis musiciens
d e B e r l i n , l'ait d i r e a s o n t é n o r ( q u i a d é j à e u d e s r a p p o r t s a v e c une t r e n t a i n e
d ' h o m m e s ) qu'il y a 65.ooo u r a n i s t e s à B e r l i n .
j u g e m e n t i n a t t e n d u , s'affaissa s u r s o n b a n c , se r e d r e s s a e n s u i t e p o u r
c r i e r a u x j u g e s meurtriers. »
M ê m e q u a n d ils n e v o l e n t p a s e t q u a n d ils ne font pas de c h a n t a g e ,
les p r o s t i t u é s d e B e r l i n s o n t d a n g e r e u x , c a r ils p e u v e n t t r a n s m e t t r e à
l e u r s c l i e n t s la gale ou la s y p h i l i s . J e n e crois pas q u e l ' a b o l i t i o n d u
p a r a g r a p h e 1 7 0 p r é s e r v e r a les h o m o s e x u e l s c o n t r e ces a c c i d e n t s c o n -
tagieux.
r
« E s - t u c e r t a i n , s'écrie le D H . . . v e r s la fin de son t r a v a i l , e n
r e m e r c i a n t le l e c t e u r de l'avoir suivi le long d'une pérégrination où
ils o n t rencontré des sombres précipices mais aussi des élévations, que
le c u i s i n i e r q u i p r é p a r e t a n o u r r i t u r e , q u e le coiffeur q u i t e s e r t , q u e
le c o u t u r i e r q u i h a b i l l e ta f e m m e o u le m a r c h a n d de fleurs q u i o r n e
ton a p p a r t e m e n t n ' o n t pas des s e n t i m e n t s u r a n i e n s ? A p p r o f o n d i s les
c h e f s - d ' œ u v r e de la l i t t é r a t u r e m o n d i a l e , p a s s e en r e v u e les h é r o s d e
l ' h i s t o i r e , s u i s les t r a c e s de g r a n d s p e n s e u r s s o l i t a i r e s , t o u j o u r s t u t e
h e u r t e r a s de t e m p s à a u t r e a u x h o m o s e x u e l s q u i te s o n t c h e r s e t q u i
furent g r a n d s malgré, ou — c o m m e t a n t d'autres l'ont p r é t e n d u —
à cause de leur singularité.
« P e u x - t u ê t r e c e r t a i n q u e p a r m i c e u x q u i te s o n t les p l u s p r o c h e s ,
q u e t u a i m e s le p l u s a f f e c t u e u s e m e n t , si p a r m i tes m e i l l e u r s a m i s ,
v o i r e "même tes s œ u r s o u frères, il n e se t r o u v e p a s u n u r a n i e n ? A u c u n
p è r e , a u c u n e m è r e n e p e u t d i r e d ' a v a n c e q u e p a r m i l e u r s e n f a n t s il n e
1
s'en t r o u v e r a p a s u n . d u sexe u r a n i e n . » R.
1
L e s m a i s o n s d e p a s s e s o n t nombreuses à B e r l i n : a C o n s é q u e n c e directe du
p a r a g r a p h e ry5. E l l e s s o n t v i s i t é e s s u r t o u t p a r ics u r a n i e n s a p p a r t e n a n t a u x
c l a s s e s s o c i a l e s é l e v é e s , p a r b e a u c o u p d'officiers u r a n i e n s d e s g a r n i s o n s e n v i -
r o n n a n t e s . » O n a s i g n a l é , s o u s le s c e a u d u s e c r e t , a u D " ¡1. d e s i n t e r m é d i a i r e s
« a u x q u e l s c e r t a i n s m e s s i e u r s s ' a d r e s s a i e n t p c r s o n n c i l c m c n l , p a r é c r i t et m ê m e
p a r d é p ê c h e , e n l e u r d o n n a n t d e s d é l a i i s s u r l e u r g e n r e d e p r é d i l e c t i o n : l e s
u n s d e m a n d a i e n t u n c u i r a s s i e r , d e p r é f é r e n c e e n c u l o t t e b l a n c h e et e n g r a n d e s
b o t t e s , o u b i e n d e s h o m m e s h a b i l l é s e u f e m m e , d e s l i v r e u r s d e b i è r e o u d e s p o r -
t e u r s d e p i e r r e s e n c o s t u m e p r o f e s s i o n n e l et m ê m e , d e s r a m o n e u r s . P r e s q u e
t o u s t r o u v e n t p o u r l ' h e u r e i n d i q u é e l ' o b j e t d e l e u r d é s i r . P o u r l e s d a m e s , d e s
m a i s o n s d u m ê m e g e n r e e x i s t e n t é g a l e m e n t . »
BIBLIOGRAPHIE 553
la v é r i t é s u r l ' e m p o i s o n n e m e n t d e M i r a b e a u e t s u r le c o u p d e p i s t o l e t
du g e n d a r m e M e r d a ; v o u s y s e r e z r e n s e i g n é s u r les t a n n e r i e s d e p e a u
h u m a i n e , e t v o u s y c o m p l é t e r e z ce q u e le professeur L a c a s s a g n e n o u s
a a p p r i s t o u c h a n t les p r o c è s faits a u x a n i m a u x p e n d a n t le m o y e n - â g e ,
et vous aurez les d e r n i è r e s n o u v e l l e s s u r l ' é t a t m e n t a l d e d o n C a r l o s
et s u r la p s y c h o l o g i e d e C h a r l e s - Q u i n t . E t j e vous assure q u e t o u t
cela est plus a m u s a n t q u e les b o n s o u v r a g e s de M . B r u g i è r e s de B a r a n t e
ou d e M . T h i e r s , e t i n f i n i m e n t p l u s e x a c t q u e les facéties d e J u l e s
M i c h e l e t . E t d a n s le r é c i t d e c e s faits d i v e r s d'autrefois, la d o c u m e n -
tation f o r m i d a b l e se c a c h e , c o m m e t o u j o u r s , sous u n e si c h a r m a n t e
b o n h o m i e , q u e ce v o l u m e issu d e t a n t d ' a r c h i v e s , s e m b l e u n r e c u e i l
de n o u v e l l e s , dites t r è s s i m p l e m e n t .
EDMOND LOCARD.
ACADÉMIE D E MÉDECINE
(Séance du 14 m a i «907.)
L'alcool et l'enfant, p a r M . R A O U L BRC.NOX, correspondant national.
« L e s questions sociales sont les premières
dont, on d o i v e s e p r é o c c u p e r . » (RKXAN.)
Il y a c i n q u a n t e a n s , la F r a n c e p o u v a i t e n c o r e ê t r e fière d e sa
s o b r i é t é . Il y avait c e r t e s d e s i v r o g n e s , c h e z les r i c h e s c o m m e chez l e s
p a u v r e s , m a i s l ' a l c o o l i s m e était u n e e x c e p t i o n .
C'était alors avec é t o n n e m c n t q u ' o n e n t e n d a i t les m é d e c i n s a n g l a i s
citer des faits c o m m e celui-ci :
« U n e n f a n t d e d i x - h u i t m o i s m e u r t d e c i r r h o s e h é p a t i q u e ; sa m è r e
lui d o n n a i t t o u s les j o u r s , d è s l ' â g e d e six m o i s , d e u x c u i l l e r é e s à
b o u c h e d e parler. V e r s le d i x i è m e m o i s , le porter fut r e m p l a c é p a r
u n e cuillerée d e crin d o n n é e t o u s les j o u r s . »
V e r s 1 8 7 8 , m o n m a î t r e L e u d e t n o u s p a r l a i t s o u v e n t d e s cas assez
fréquents de cirrhose décrits en Angleterre s u r des enfants de six à
dix a n s . Il n o u s faisait u n t a b l e a u i m a g é de la p o p u l a t i o n d e l ' E a s l - K n d ,
p a r m i l a q u e l l e n o m b r e d e g a r ç o n s e t d e fillettes sont ivres le s a m e d i
soir e t d a n s le s e r a i - c o m a le d i m a n c h e , l i t n o u s n o u s i m a g i n i o n s q u e
la g o u t t e d e s a n g latin q u e n o u s a v o n s d a n s les veines n o u s g a r a n t i r a i t
à j a m a i s d e ces c a l a m i t é s .
D e p u i s t r e n t e a n s , q u e d e p r o g r è s a c c o m p l i s ! L'alcool i n d u s t r i e l a
r e m p l a c é « l ' e s p r i t d e v i n » : la g r a n d e i n d u s t r i e a confiné d a n s les
villes les t r a v a i l l e u r s a u t r e f o i s é p a r s d a n s tes v i l l a g e s . L e c a b a r e t i e r à
la ville, le b o u i l l e u r d e c r u à la c a m p a g n e s o n t d e v e n u s les g r a n d s
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 525
é l e c t e u r s , et la belle F r a n c e est m e n a c é e d a n s ses forces p h y s i q u e s et
intellectuelles.
J a d i s , q u e l q u e s c o l l é g i e n s é t a i e n t g r i s , p e u t - ê t r e , le j o u r d u b a c c a -
l a u r é a t , les uns p o u r se c o n s o l e r , les a u t r e s p o u r se r é j o u i r , e t c'était
u n é v é n e m e n t . A u j o u r d ' h u i , l ' e n f a n t , d a n s le sein de sa m è r e o u d a n s
les b r a s de sa n o u r r i c e , p a r t i c i p e à la c o n s o m m a t i o n g é n é r a l e d ' a l c o o l .
A v a n t d e n a î t r e , il s u b i t les c o n s é q u e n c e s de l ' i m p r é g n a t i o n a l c o o l i q u e
de son p è r e , et s o u v e n t de ses d e u x g é n é r a t e u r s . U n e fois n é , s'il est
le n o u r r i s s o n d ' u n e remplaçante, il s u c e r a s o u v e n t u n lait a l c o o l i s é ,
et s'il est élevé au b i b e r o n , e n N o r m a n d i e , il t é t e r a d u café d è s les
p r e m i e r s j o u r s de sa v i e .
r
Le nourrisson. — Au d i r e d u D C o m b e (de L a u s a n n e ) , c e r t a i n e s
n o u r r i c e s suisses a u r a i e n t l ' h a b i t u d e de d o n n e r a u x n o u r r i s s o n s q u e l -
q u e s c u i l l e r é e s de g r o g c h a u d ou d ' e a u de C o l o g n e p o u r les faire
d o r m i r et a v o i r e l l e s - m ê m e s u n e n u i t t r a n q u i l l e .
E n N o r m a n d i e , il n ' e s t p a s r a r e de v o i r les f e m m e s d e la c a m p a g n e
d o n n e r d u café et de l ' e a u - d e - v i e d a n s le b i b e r o n . C e s f e m m e s v o n t
t r a v a i l l e r au d e h o r s , l ' e n f a n t r e s t e seul d a n s son b e r c e a u ; s o u s
l'oreiller, au c h a u d , on d é p o s e la b o u t e i l l e au l o n g t u b e de c a o u t c h o u c ,
e t de l u i - m ê m e , l ' e n f a n t p r e n d la t é t i n e e t la p o r t e à sa b o u c h e . Il se
grise a u t o m a t i q u e m e n t et, g r â c e au l o u r d s o m m e i l , il n ' a t t i r e pas
l ' a t t e n t i o n des voisins e t « il n e lui a r r i v e r i e n ». Le b i b e r o n sans t u b e ,
r e c o m m a n d é p a r M . le P r é f e t et p a r le M é d e c i n i n s p e c t e u r , est en
é v i d e n c e s u r la t a b l e ou s u r la c h e m i n é e , m a i s o n n e s'en s e r t pas
p a r c e q u ' i l faut le t e n i r à la m a i n .
Q u ' o n ne croie pas à l ' e x a g é r a t i o n . Ces faits s o n t d e v e n u s d ' u n e
b a n a l i t é c o u r a n t e . I n t e r r o g e z les m é d e c i n s , tâchez de les faire p a r l e r ,
e t vous verre/, q u ' i l s c o r r o b o r e r o n t ce q u e j e r a p p o r t e .
1
D ' a p r è s m o n c o n f r è r e , M . T o u r d o t . d a n s la m o i t i é des familles
o u v r i è r e s à R o u e n , on d o n n e d u café et de F e a u - d e - v i e aux e n f a n t s ,
dès l'âge de six à h u i t m o i s . U n e f e m m e h o n o r a b l e m e n t c o n n u e c o m m e
é l e v a n t les e n f a n t s avec s o i n , avait l ' h a b i t u d e de l e u r d o n n e r d u c o g n a c
à la c u i ' t e r , ie soir, p o u r les e n d o r m i r . C'est au t r o i s i è m e d é c è s q u e
n o t r e c o n f r è r e p u t d é c o u v r i r la c a u s e de m o r t .
D a n s ce m i l i e u o u v r i e r , i ' e a u - d e - v i e est ie p r e m i e r r e m è d e q u e l'on
d o n n e à l ' e n t a n t dès q u ' i l est m a l a d e , e t , e n p a r t i c u l i e r , dès q u ' i l a
des convulsions !
Chez les r i c h e s , les n o u r r i c e s s o n t g o r g é e s de v i n ' e t de b i è r e , p a r c e
q u ' o n s ' i m a g i n e q u e l ' e n f a n t en, bénéficiera. U n d i r e do vjr. p a r j o u r ,
de la b i è r e à d i s c r é t i o n , du vin do k o l a , de c o c a , e t c . , et du café
avec d u c o g n a c . {En N o r m a n d i e , le café ne se p r e n d p a s sans c o g n a c . )
1
M. T o u r d o t e s t l ' a u t e u r d ' u n e t h è s e c é l è b r e s u r i ' a i c o o i i s i n c d e s o u v r i e r s de
R o u e n . I! e x e r c e la m é d e c i n e d e p u i s v i n g t a n s d a n s l e g r a n d c e n t r e o u v r i e r de
Rouen.
526 REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES
N o u s ne c o m p t o n s p a s ce q u e la n o u r r i c e p r e n d r a , c o m m e s u p p l é m e n t
à la p r e m i è r e c o u r s e q u ' e l l e fera chez la c r é m i è r e , chez la f r u i t i è r e ,
chez le m a r c h a n d d e c h a r b o n o u d e m a r r o n s , e t c .
« J e fus f r a p p é u n j o u r p a r l ' o d e u r de m e n t h e q u e d é g a g e a i t u n e
n o u n o u t r è s s u r v e i l l é e . L e d i a g n o s t i c était facile : elle c r o q u e d e s
p a s t i l l e s d e menthe., dis-je à la m è r e , d o n c elle b o i t . — Mais c'est
i m p o s s i b l e , elle n e s o r t j a m a i s s e u l e . » J e p e r s i s t a i à dire : « Elle b o i t ,
c h e r c h e z le flacon, il y en a u n q u e l q u e p a r t ». On finit p a r le t r o u v e r .
C ' é t a i t u n flacon d e r h u m c a c h é d a n s u n e b a s s i n o i r e a n c i e n n e q u i
p r é s i d a i t u n e e x p o s i t i o n d e c u i v r e s d a n s la c u i s i n e . »
D a n s le p e u p l e , la f e m m e n e se c a c h e p a s . Elle i n s t a l l e la b o u t e i l l e
d ' e a u - d e - v i e s u r la t a b l e a v e c c i n q o u six t a s s e s p o u r les c o m m è r e s . A
la c a m p a g n e , c'est le s p e c t a c l e qu'offrent t o u t e s les c u i s i n e s d e s c h a u -
m i è r e s . U n b a t a i l l o n d e m o u c h e s v o l t i g e a u t o u r d e s tasses d o n t le fond
c o n t i e n t e n c o r e d u s u c r e b r u n i p a r l e café.
La g r o s s e s s e est u n e n c o u r a g e m e n t à b o i r e .
« D a n s u n village p r è s d e D i e p p e , u n e j e u n e fille d e v i e n t e n c e i n t e .
Elle a h o n t e d e s o r t i r de chez elle q u a n d la g r o s s e s s e e s t a p p a r e n t e ;
elle n ' e n a a u c u n e d ' e n v o y e r c h a q u e j o u r sa b o n n e au c a b a r e t c h e r c h e r
t r o i s a b s i n t h e s : « Il y en a u n e p o u r le p e t i t . »
La p r e m i è r e n u i t d e n o c e s e s t f r é q u e m m e n t la s u i t e d ' u n e j o u r n é e
et d ' u n e s o i r é e d ' a b u s d ' a p é r i t i f s et d ' e a u - d e - v i e , et j ' a i c r u v o i r , d a n s
les familles d ' o u v r i e r s et d e p a y s a n s , q u e le p r e m i e r n é é t a i t p l u s s o u -
v e n t t a r é q u e les a u t r e s e n f a n t s .
Le cas s u i v a n t m o n t r e l'influence d e l ' a l c o o l i s m e d u p è r e :
« U n e forte fille d e d i x - n e u f a n s a u n e n f a n t ; il est s u p e r b e . Elle se
m a r i e et é p o u s e u n a l c o o l i q u e . Elle a q u a t r e e n f a n t s : le p r e m i e r ,
r a c h i t i q u e , m a r c h e a v e c d e s b é q u i l l e s ; le s e c o n d est i d i o t ; le t r o i s i è m e
a u n e l u x a t i o n c o n g é n i t a l e d e la h a n c h e ; le q u a t r i è m e e s t n o r m a l ;
t o u s s o n t v i v a n t s ; le c i n q u i è m e e s t v e n u m o r t , il n ' a v a i t q u e q u a t r e
doigts à chaque m a i n . »
L'influence de l'alcool est aussi évidente dans cet autre d o c u m e n t :
« U n e f e m m e de Q u e v i l l y , â g é e d e q u a r a n t e - c i n q a n s a e u 2 2 g r o s -
sesses : 1 7 e n f a n t s s o n t n é s à t e r m e , il ne l u i e n r e s t e q u e 6. T o u s les
a u t r e s s o n t m o r t s d ' a c c i d e n t s m é n i n g i t i q u e s o u p u l m o n a i r e s a v a n t le
onzième m o i s . ï.es S survivants sont m a l i n g r e s . L e m a r i de cette
f e m m e e s t a l c o o l i q u e . Kl l e - m ê m e e s t d e s o u c h e a l c o o l i q u e , son p è r e
est m o r t a l i é n é : e l l e e u t 14 f r è r e s e t s œ u r s , 2 s e u l e m e n t s u r v i v e n t .
« C e s d e u x g é n é r a t i o n s d ' a l c o o l i q u e s o u f p r o d u i t 36 e n f a n t s ; 9 s e u -
l e m e n t s o n t v i v a n t s , et e n c o r e s o n t - i l s n i a i v e n u s . »
C e q u i est c e r t a i n , c ' e s t q u e n o m b r e d ' e n f a n t s s o n t i n t o x i q u é s
a v a n t l e u r n a i s s a n c e e t d a n s l e s p r e m i e r s m o i s de la v i e . C ' e s t u n e
i n t o x i c a t i o n l e n t e , q u i se* t r a d u i t p a r d e s a c c i d e n t s i n t e s t i n a u x et
c u t a n é s , de l ' a g i t a t i o n , de l ' i n s o m m i e , d e s c r i s c o n s t a n t s , d e s c o l è r e s
« r o u g e s ».
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 527
B i e n t ô t f h y p o t r o p h i e e t , d a n s d e s p r o p o r t i o n s effrayantes, la m o r t
p a r e n t é r i t e ou p a r é c l a m p s i e .
La femme et Venfant. — A P a r i s e t d a n s t o u t e s les g r a n d e s v i l l e s
d e l ' E u r o p e l a t i n e , les familles d ' e m p l o y é s e t de p e t i t s b o u r g e o i s
s ' i n s t a l l e n t à la t e r r a s s e d e s cafés le d i m a n c h e .
E n E s p a g n e , o n p r e n d d u c h o c o l a t ; e n I t a l i e , d u café au lait, des
1
s o r b e t s e t d e s g r a n i t é s ; e n F r a n c e , le p è r e , l a n i è r e e t les e n f a n t s
p r e n n e n t l ' a b s i n t h e . P o u r le p e t i t d e r n i e r , le g a r ç o n a p p o r t e r a , a v e c
u n s o u r i r e c o m p l a i s a n t , le m a l a g a b l a n c , t o n i q u e e t fortifiant 1
E n N o r m a n d i e , c'est le café q u i est le g r a n d i n t r o d u c t e u r d e l ' a l c o o l .
J a d i s o n d o n n a i t de la s o u p e , la s o u p e a u x p o m m e s d e t e r r e e t a u x
p o i r e a u x ; la c u i l l e r t e n a i t d e b o u t d a n s l ' é c u e l l e et l ' e n f a n t s ' a s s e y a i t
s u r le seuil p o u r d é g u s t e r son p e t i t p o t . P u i s v i n t le café au l a i t : d a n s
le p a y s de C a u x o n p r e n a i t d u café au l a i t t o u t e la j o u r n é e . M a i n t e -
n a n t c ' e s t le café n o i r . L e s e n f a n t s d e la classe o u v r i è r e a b s o r b e n t le
m a t i n u n g r a n d b o l d e café n o i r a v e c d u p a i n . L e p è r e , a u r é g i m e n t ,
a pris l ' h a b i t u d e d u jus d u m a t i n . L a m è r e , a c c a p a r é e p a r le t r a v a i l
d e l ' u s i n e ou t r o p p a r e s s e u s e , t r o u v e le café p l u s facile à p r é p a r e r q u e
la s o u p e .
Or, il n e faut pas c r a i n d r e de le r é p é t e r , le café n e se p r e n d pas
vierge, e t , dès les p r e m i è r e s a n n é e s , l ' e n f a n t a u r a d e F e a u - d e - v i e d a n s
s o n café.
C o m m e n t v o u d r a i t - o n q u e le p e t i t P a r i s i e n o u b l i â t la l e ç o n de
c h o s e s q u e sa m è r e , e n belle t o i l e t t e , l u i a d o n n é e à la t e r r a s s e d u
café le d i m a n c h e ? P o u r q u o i le p e t i t N o r m a n d , q u i v o i t p è r e e t m è r e
p r e n d r e d u café e t de l ' e a u - d e - v i e , ne ferait-il p a s d e m ê m e , « c o m m e
un homme » ?
C ' e s t ainsi q u e se forme, a u x p r e m i e r s p a s de la vie, u n e a c c o u t u -
m a n c e , u n a p p é t i t spécial a u q u e l l ' e n f a n t n e p o u r r a p a s r é s i s t e r à
m e s u r e qu'il avancera en âge. Enfant d'alcoolique, i m p r é g n é d'alcool
dès le sein et d è s le b i b e r o n , alcoolisé d a n s sa s e c o n d e e n f a n c e , il s e r a
m û r , de seize à d i x d i u i t a n s , p o u r la t u b e r c u l o s e , l ' é p i l e p s i e ou le
c r i m e . V o i c i q u e l q u e s faits :
« U n j o u r de p r e m i è r e c o m m u n i o n , a u P o l l e t , p r è s D i e p p e , u n p è r e
se p r o m è n e fièrement a u x c ô t é s de son fils, b a m b i n d e dix ans q u i
f u m e un' c i g a r e , et ce n ' e s t pas son c o u p d ' e s s a i .
« D a n s u n e p e t i t e c o m m u n e des e n v i r o n s de D u c l a i r , u n e f e m m e
de q u a r a n t e - c i n q a n s b o i t t e l l e m e n t q u ' à son r e t o u r a u l o g i s , le m a r i
ne trouve aucune nourriture préparée. Cette femme envoie plusieurs
fois p a r j o u r sa fillette, â g é e de six a n s , c h e r c h e r de l ' e a u - d e - v i e chez
le d é b i t a n t . L ' e n f a n t boit à m ê m e la b o u t e i l l e le l o n g d u c h e m i n e n
d i s a n t : « Q u e c'est b o n ! Q u e j ' a i m e d o n c cela ! »
1
C e p e n d a n t , en Italie c o m m e en E s p a g n e , l'alcoolisme tend à e n v a h i r les
p o p u l a t i o n s . Ces p a y s e n s o n t à p e u p r è s au p o i n t o ù n o u s e n é t i o n s il y a
cinquante ans.
528 REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES
« A u x e n v i r o n s d e Beuzeville, u n j e u n e g a r ç o n est s o u v e n t i n v i t é à
p r e n d r e ses r e p a s a v e c les d o m e s t i q u e s d u c h â t e a u . L ' e n f a n t , a v a n t
d ' a c c e p t e r , d e m a n d e s'il y a u r a d u café. U n beau j o u r , on c è d e à son
désir, o n lui d o n n e d u café, et il d i t à la cuisinière : « T u vas m e d o n -
« n e r la g o u t t e d a n § m o n café. » P r o t e s t a t i o n s de la m a î t r e s s e de la
m a i s o n . L a m e n t a t i o n s de l ' e n f a n t . P o u r a v o i r la paix, on c è d e e n c o r e :
il a v a l e le café à la h â t e , p u i s t e n d sa t a s s e « p o u r b o i r e le c o g n a c
« p u r ».
E t c e t e n f a n t a six a n s !
U n h o n o r a b l e i n s t i t u t e u r m e cite ce f a i t : « P l a c é u n j o u r en p o s t e
d'observation, à l'heure du dîner, à Quevilly, près Rouen, dans un
c a r r e f o u r p o p u l e u x o ù se t r o u v e n t p l u s i e u r s épiciers e t c a b a r e t i e r s ,
j ' a i c o m p t é q u e 5 e n f a n t s , d o n t 4 p e t i t e s filles de s e p t à douze a n s
e n v i r o n , e n t r a i e n t d a n s u n e m a i s o n e t e n r e s s o r t a i e n t l e u r s p e t i t e s fioles
r e m p l i e s d ' e a u - d e - v i e . P l u s i e u r s y o n t g o û t é à q u e l q u e s p a s de m o i , et
t o u s p o r t a i e n t u n l i v r e t d ' a c h a t ».
« A u x P e t i t e s D a l l e s , p r è s S a s s e t o t - l e - M a u c o n d u i t , u n e famille de
six p e r s o n n e s est v e n u e des e n v i r o n s p a s s e r la j o u r n é e . V e r s 6 h e u r e s ,
o n g o û t e . L e chef de famille v e r s e d e l ' e a u - d e - v i e s u r le p a i n des
enfants. Les femmes avaient du c h o c o l a t sec. »
U n c o n f r è r e de R o u e n m ' e n v o i e l e s d o c u m e n t s s u i v a n t s , p r i s d a n s
la clientèle o u v r i è r e i n d i g e n t e :
« C'est effrayant, j u g e z v o u s - m ê m e . Il n ' e s t pas r a r e q u ' u n e f e m m e
d u p e u p l e d é p e n s e 2 0 sous d ' e a u - d e - v i e p a r j o u r . On en voit q u i d é p e n -
s e n t p l u s . J ' e n c o n n a i s u n e q u i b o i t 1 l i t r e d ' e a u - d e - v i e p a r j o u r , elle
n ' a i m e q u e cela. L a p l u p a r t d é p e n s e n t l e u r a r g e n t e n a b s i n t h e et en
v e r m o u t h . L ' e a u - d e - v i e n e v a . p o u r e l l e s , q u ' a v e c le c a f é .
« L ' h o m m e p r e n d l ' e a u - d e - v i e p a r p e t i t s v e r r e s , la f e m m e v e u t « u n
« p e t i t p o t », 1 0 0 c e n t i m è t r e s c u b e s , e t il est des f e m m e s q u i r e c o m -
m e n c e n t j u s q u ' à q u a t r e fois la p r o m e n a d e chez la f r u i t i è r e . La c o n s o m -
m a t i o n s u r place est d ' a i l l e u r s m o i n s f r é q u e n t e q u ' e m p o r t é e ; les f e m m e s
b o i v e n t s u r t o u t chez elles. C e r t a i n e s o n t c o n s c i e n c e de l ' e x a g é r a t i o n
de l e u r s a c h a t s d ' a l c o o l , aussi a c h è t e n t - e l l e s chez p l u s i e u r s m a r c h a n d s
et i n v e n t e n t - e l l e s d e s h i s t o i r e s . M a i s les m a r c h a n d s s a v e n t à q u o i s'en
tenir.
« P o u r a r r i v e r à ces d é p e n s e s p e u e n r a p p o r t avec l ' é q u i l i b r e d ' u n
b u d g e t o u v r i e r , les f e m m e s font de f a u x c o m p t e s de d é p e n s e s à l e u r s
m a r i s , l e u r d e m a n d e n t p l u s q u ' i l n ' e s t n é c e s s a i r e p o u r la d é p e n s e r é e l l e
de la m a i s o n . M a i s il a r r i v e un m o m e n t o ù , q u a n d m ê m e , il y a des
d e t t e s . Si b i e n q u e , d a n s b e a u c o u p d e c a s , ce s o n t les h o m m e s q u i
e n t e n d e n t p a y e r e u x - m ê m e s la d é p e n s e faite p e n d a n t la s e m a i n e p o u r
l ' e n t r e t i e n et la n o u r r i t u r e d u m é n a g e .
« E t q u e d e v i e n n e n t les e n f a n t s d a n s t o u t cela ? Dès q u e l ' e n f a n t
m a n g e c o m m e ses p a r e n t s (et n o u s s a v o n s q u e d a n s ce m o n d e - l à cela
ne t a r d e p a s ) , il b o i t aussi c o m m e e u x .
REVUE DES JOURNAUX ET DES.SOCIÉTÉS SAVANTES 529
• « L e g a r ç o n П-' 1, d i x - h u i t a n s , e m p l o y é d a n s un j o u r n a l , o c p e u t
pas g a g n e r p l u s de 1 l'ra oc p a r j o u r . Le n" 2. â g é de seize a n s , и ! a s p e c t
d ' u n e n f a n t de n e u f a n s n o r m a l : il est e n t r é au C i r q u e e m p l o y é c o m m e
e n f a n t a c r o b a t e II b é n é l i c i e de sa p e t i t e s s e . »
R e m a r q u o n s qu'il y a ceni a n s , ia N o r m a n d i e était la s o u r c e p r i n
cipale des r é g i m e n t s de c u i r a s s i e r s . A u j o u r d ' h u i la F r a n c e est
obligée d ' a b a i s s e r ia iaiiie r é g l e m e n t a i r e et d a n s les r é g i m e n t s n o r
m a u x , le t r e m b l e m e n t a l c o o l i q u e est f r é q u e n t chez les j e u n e s s o l d a t s .
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 533
1 8 9 5 ) . D a n s ce d e r n i e r , s u r 6 sujets t a t o u é s p a r u n o p é r a t e u r s y p h i -
l i t i q u e , 6 s o n t c o n t a m i n é s . D a n s l ' o b s e r v a t i o n de J e n n y , s u r Î 3 t a t o u é s
p a r le m ê m e i n d i v i d u , il n ' y a e u q u e 3 s u j e t s infectés, e t 2 d e c e u x - c i
a v a i e n t é t é t a t o u é s le m ê m e j o u r : ils p r é s e n t a i e n t d e s c h a n c r e s d o u -
b l e s , m a i s n ' a v a i e n t p a s les u l c é r a t i o n s n o m b r e u s e s q u i s o n t c a r a c t é -
r i s t i q u e s d e s i n o c u l a t i o n s p a r t a t o u a g e . O n p e u t se d e m a n d e r si l e
v i r u s se t r o u v a i t n o n d a n s la salive d e l ' o p é r a t e u r , m a i s p l u t ô t d a n s
les a i g u i l l e s . A . L.
r
La Submersion, é t u d e expérimentale p a r le D E t i e n n e M A R T I N .
( E x t r a i t d e la Province médicale, n° 1 , 4 j a n v . 1 9 0 8 ) . — Conclu-
sions :
i° L e s lésions c a r a c t é r i s t i q u e s d e l ' a s p h y x i e p a r s u b m e r s i o n e x i s t e n t ,
n o n s e u l e m e n t d u côté d e s p o u m o n s , s o u s la f o r m e d ' e m p h y s è m e
h y d r o - a é r i q u e , m a i s e n c o r e d u c ô t é d u c œ u r , d e la c i r c u l a t i o n cave e t
s u r t o u t d u foie ;
0
2 L e foie a s p h y x i q u e d e s n o y é s e s t t o u t à fait c a r a c t é r i s t i q u e ; il e s t
t r è s f o r t e m e n t c o n g e s t i o n n é e t a u g m e n t é d e p o i d s d a n s la p r o p o r t i o n
d ' u n q u a r t o u d ' u n t i e r s e t laisse é c h a p p e r à la c o u p e u n s a n g fluide
et n o i r ;
3° Les fonctions g l a n d u l a i r e s h é p a t i q u e s s o n t a r r ê t é e s p a r le fait d e
cette asphyxie ;
4 ° D ' a p r è s les d o n n é e s p h y s i o l o g i q u e s r é c e n t e s s u r les f o n c t i o n s
fibrinogéniques du foie e t s o n r ô l e d a n s l a c o a g u l a t i o n du s a n g , o n p e u t
s ' e x p l i q u e r la c a u s e d e la fluidité d u s a n g a s p h y x i q u e et les v a r i a t i o n s
de sa c o a g u l a t i o n s u i v a n t le m o d e , la d u r é e e t l ' i n t e n s i t é d e l ' a s p h y x i e .
Si l ' o u v r i e r se s e r t q u e l q u e f o i s d e sa m a i n g a u c h e , le s t i g m a t e existe
de ce c ô t é . L e d u r i l l o n d u m é d i u s siège le p l u s s o u v e n t a u m i l i e u d e
la p h a l a n g i n e , m a i s o n l ' o b s e r v e parfois s u r la p h a l a n g e t t e . C e s c a l l o -
sités a u g m e n t e r a i e n t d e v o l u m e sous l ' i n f l u e n c e d u froid.
Enfin on peut r e n c o n t r e r , dans l'angle d u pouce et de l'index, u n e
c e r t a i n e r u g o s i t é d e la p e a u d u e a u f r o t t e m e n t d u m a n c h e d u p i n c e a u .
Les a u t r e s s t i g m a t e s d e s p e i n t r e s : d u r i l l o n à b a s e d u p o u c e e t le
l o n g d u p l i c u t a n é q u i le s é p a r e d e l ' i n d e x ; callosités a u c ô t é c u b i t a l
du p o u c e e t a u c ô t é e x t e r n e et s u p é r i e u r d e l ' é m i n e n c e t h é n a r , à l a
m a i n g a u c h e , d u s a u p o r t h a b i t u e l d e la p a l e t t e , o n t é t é signalés p a r
Vernois.
L'aplatissement d u pouce, « pouce en spatule » (Tardieu), plus
s p é c i a l a u x v i t r i e r s , s ' o b s e r v e a u s s i chez c e r t a i n s p e i n t r e s a y a n t l'occa-
sion d e p é t r i r e t d ' a p p l i q u e r f r é q u e m m e n t d u m a s t i c .
M . Lande a observé, au point de v u e des modifications cutanées
s i g n a l é e s p a r G e l l y , d i x p e i n t r e s d é c o r a t e u r s ; il l e s a t r o u v é e s c h e z
neuf, q u e l ' o n p e u t r é p a r t i r ainsi :
U n n e travaille plus depuis cinq a n s ; u n autre travaille très i r r é g u -
l i è r e m e n t d e p u i s dix a n s . L e s s e p t a u t r e s se l i v r e n t n o r m a l e m e n t à
l'exercice de leur profession.
L e d i x i è m e sujet e x a m i n é n e t r a v a i l l e p l u s d e p u i s q u a t r e a n s ; il d i t
a v o i r p r é s e n t é les m ê m e s a l t é r a t i o n s c u t a n é e s , a c t u e l l e m e n t d i s p a r u e s ,
q u e ses c a m a r a d e s .
E n r é s u m é , p a r l e u r c o n s t a n c e , l e u r siège b i e n p a r t i c u l i e r e t l e u r
netteté habituelle, les stigmates décrits p a r Gelly paraissent p o u v o i r
u t i l e m e n t c o n t r i b u e r , le c a s é c h é a n t , à l ' é t a b l i s s e m e n t d e l ' i d e n t i t é .
(Rev. de méd. légale, déc. 1907.)
v i e n t j a m a i s à l ' e x é c u t i o n de q u e l q u e m i s é r a b l e m a l f a i t e u r ) n e se
t r o u v a en t o u t le p e u p l e f r a n ç a i s , n o n p a s e n t r e les é t r a n g e r s , q u i e n
p r i t c o m p a s s i o n o u d o u l e u r , t o u s e n s e m b l e l e m a u d i s s a i e n t en mille
m a n i è r e s de m a l é d i c t i o n s . . . Bref, l u i firent t a n t d ' o p p r o b r e s et si
vilains qu'ils j o u è r e n t de sa t ê t e à la p e l o t e , j e dis t r a î n è r e n t p a r m i la
b o u e . Q u e si la p u a n t e u r d e sa m i s é r a b l e e t m a u d i c t e c h a r o g n e n ' e u t
le p e u p l e fait r e t i r e r , e n c o r e s e r a i e n t - i l s a p r è s p o u r lui e x c o g i t e r m i l l e
t o u r m e n t s e t le faire m o u r i r mille fois a p r è s sa m o r t . »
Il n ' y a r i e n a p r è s de p a r e i l l e s h o r r e u r s — F é l i x D E S V E R N A Y .
(Le Progrès )
C l i n i q u e d e s D é l i t s . — A d e u x r e p r i s e s , e n 1 9 0 6 et e n 1 9 0 7 , j ' a i
p a r l é des T r i b u n a u x p o u r e n f a n t s . L a p r e m i è r e fois, j ' e n s i g n a l a i s
l ' e x i s t e n c e e x e m p l a i r e en A m é r i q u e , o ù les Juvénile Courts fonction-
n e n t d e p u i s 1 8 9 9 . (C'est C h i c a g o q u i e n e u t l ' é t r e n n e . )
J ' e x p r i m a i s , a l o r s , le d é s i r d e voir la F r a n c e e n t r e r d a n s c e t t e v o i e ,
où p r o p o s a i t de la g u i d e r d i l i g e m m e n t le d i r e c t e u r d u P a t r o n a g e de
l ' E n f a n c e , M . R o l l e t . A v a n t l u i , M . P a u l F l a n d r i n a v a i t déjà r é c l a m é
la c r é a t i o n d ' u n e s e c t i o n i n d é p e n d a n t e a u s e r v i c e c e n t r a l d u P a r q u e t .
L ' a n n é e d e r n i è r e , j ' a v a i s la s a t i s f a c t i o n d e c o n s t a t e r q u e , t o u t d o u -
c e m e n t , l'idée faisait son c h e m i n .
D ' u n c ô t é , le p r o c u r e u r d e la R é p u b l i q u e d é c i d a i t q u e l ' a u d i e n c e
d u l u n d i à la h u i t i è m e c h a m b r e s e r a i t e x c l u s i v e m e n t r é s e r v é e a u x
m i n e u r s d é l i n q u a n t s des d e u x s e x e s ; e t , d ' a u t r e p a r t , M M . E d o u a r d
J u l h i e t et R o l l e t n o u s c o m m u n i q u a i e n t les r é s u l t a t s d e l'essai q u ' i l s
a v a i e n t fait, à P a r i s , de la m i s e e n l i b e r t é s u r v e i l l é e , s u r le m o d è l e d e s
institutions américaines.
J e r a p p e l l e b r i è v e m e n t e n q u o i c o n s i s t e c e t t e mise en l i b e r t é s u r -
veillée, s o l u t i o n m i x t e e n t r e l ' a c q u i t t e m e n t p u r e t s i m p l e et la s é p a r a -
t i o n d e l ' e n f a n t de sa f a m i l l e .
E l l e laisse à l e u r s p a r e n t s , l o r s q u e c e u x - c i n e s o n t p o i n t i n d i g n e s ,
les j e u n e s d é l i n q u a n t s d o n t o n c r o i t p o u v o i r e s p é r e r l ' a m e n d e m e n t ;
m a i s elle les p l a c e s o u s la s u r v e i l l a n c e d ' i n s p e c t e u r s v i g i l a n t s , é n e r g i -
ques et dévoués.
O n les a p p e l l e , e n A m é r i q u e , proh&tion officers. Ils r e ç o i v e n t d u
t r i b u n a l spécial la m i s s i o n d e p r é p a r e r le d o s s i e r de l ' e n f a n t , de se
r e n s e i g n e r s u r sa f a m i l l e , ses f r é q u e n t a t i o n s , p u i s de le s u i v r e p e n d a n t
u n t e m p s d é t e r m i n é , p o u r l ' a i d e r de l e u r s c o n s e i l s , l ' e m p ê c h e r de
v a g a b o n d e r , e x e r c e r s u r l u i , enfin, u n e s a l u t a i r e i n f l u e n c e .
C'est s e u l e m e n t a p r è s q u ' i l s o n t é c h o u é d a n s l e u r t â c h e q u e les
r i g u e u r s de la c o r r e c t i o n i n t e r v i e n n e n t .
C e s y s t è m e fut m i s e n p r a t i q u e , dès le m o i s d e f é v r i e r 1 9 0 6 , p a r le
P a t r o n a g e d e l ' E n f a n c e e t l ' Œ u v r e du S o u v e n i r , i l s f u r e n t , à p a r t i r d u
m o i s de d é c e m b r e d e la m ê m e a n n é e , s e c o n d é s p a r q u a t r e j u g e s d ins-
REVUE DES JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES 539
N O U V E L L E S
1
L e s a r t i c l e s s u i v a n t s s o n t [ e x t r a i t s d e l ' e x c e l l e n t e Revue de droit pénal
p u b l i é e p a r n o t r e a m i R . d e R y c k è r c e t M . H . J a s p a r ( n ° d e m a i 1908).
542 NOUVELLES
c r i m i n e l s , e t q u i o n t p r i s p l a c e d a n s u n a l b u m spécial, p a r c a t é g o r i e s
de d é l i t s .
Le musée criminel p r o p r e m e n t dit occupe actuellement dix grandes
salles, d o n t u n e n o u v e l l e d e p u i s l e i 5 j a n v i e r . C e t t e d e r n i è r e a r e ç u ,
e n t r e a u t r e s , l ' u n i f o r m e d u f a m e u x « c a p i t a i n e » d e K œ p e n i k , u n e série
d ' a p p a r e i l s saisis chez R i s c h , l e r o i d e s « c a m b r i o l e u r s a l l e m a n d s » e t
q u i l u i s e r v i r e n t à o u v r i r les coffres-forts les plus r é c a l c i t r a n t s .
Elle a r e ç u aussi u n e c u r i e u s e c o l l e c t i o n d ' u s t e n s i l e s d e f a u x - m o n -
n a y e u r s r e m o n t a n t à p l u s d ' u n siècle e t q u i a é t é r e t r o u v é e f o r t u i t e -
m e n t d a n s u n c a v e a u d e la p r i s o n d e M o a b i t , à B e r l i n .
L ' e n s e i g n e m e n t d e s p r o c é d é s s c i e n t i f i q u e s d e l à police, d i t l e
r
D B e r c h e r , se t r o u v e facilité e t c o m p l é t é p a r l ' o r g a n i s a t i o n des m u s é e s
de criminologie. D e p u i s l o n g t e m p s d é j à , le p r o f e s s e u r L a c a s s a g n e
organisa pour les étudiants en médecine u n cours complémentaire,
d a n s ses r e m a r q u a b l e s m u s é e s d e m é d e c i n e légale e t d e c r i m i n o l o g i e .
L ' U n i v e r s i t é d e L y o n p o s s è d e l e s c o l l e c t i o n s les p l u s r i c h e s e t les
pièces les p l u s c u r i e u s e s d e la F r a n c e e n t i è r e .
L e m u s é e d e L o n d r e s est u n d e s p l u s i m p o r t a n t s , o n y v o i t des t ê t e s
en p l â t r e d e s m e u r t r i e r s , p e n d u s a v e c , a u c o u , les e m p r e i n t e s d e d o i g t s
q u e l'assassin a laissées s u r le l i e u d u c r i m e .
New-York possède également u n musée de criminologie.
V i e n n e , D r e s d e , H a m b o u r g , F r a n k f o r t - s u r - l e - M e i n , s o n t les p r i n c i -
paux musées de l'Europe centrale,
L a u s a n n e , d e s o n c ô t é , p o s s è d e d e n o m b r e u s e s pièces q u i v o n t o r n e r
le m u s é e q u ' e l l e c o n s t r u i t .
q u i p e u v e n t se r e m a r q u e r chez e u x , ainsi q u e l e u r é t a t p s y c h i q u e , o n t
d e p u i s l o n g t e m p s déjà sollicité l ' a t t e n t i o n d e s spécialistes e n I t a l i e , e n
Allemagne, en France, et plus r é c e m m e n t aux Etats-Unis.
Notre laboratoire r e p r e n d r a et suivra ces t r a v a u x scientifiques; les
o b s e r v a t i o n s q u i s e r o n t faites s u r les d é t e n u s d e la p r i s o n d e B r u x e l l e s
s e r o n t r é u n i e s , classées, c o m p a r é e s , e t la p u b l i c a t i o n d e c e s é t u d e s
a i d e r a , à n ' e n p a s d o u t e r , a u p r o g r è s d e la s c i e n c e p é n i t e n t i a i r e .
V'Imprimeur-Gérant : A. REY.
OUVRAGES REÇUS
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE M É D E C I N E L É G A L E
M É M O I R E S O R I G I N A U X
L'AFFAIRE U L L M O
P a r le D r D U P R É
Professeur a g r é g é à la F a c u l t é de Médecine.
M é d e c i n d e s Hôpitaux e t d e l'Infirmerie s p é c i a l e de la P r é f e c t u r e d e P o l i c e .
RAPPORT MÉDICO-LÉGAL
Nous soussignés,
r
D Raymond, professeur à la Faculté, médecin de la Salpê-
trière, membre de l'Académie de médecine;
r
D Dupré, agrégé de la Faculté, médecin des Hôpitaux et de
l'Infirmerie spéciale de la Préfecture de police;
1
D ' Courtois-Suflît, médecin des Hôpitaux, médecin en chef
des Manufactures de l'Etat;
Commis, le 16 novembre 1907, par une ordonnance de M. le
juge d'instruction Leydet, ainsi formulée :
« Nous, Joseph Leydet, juge d'instruction au Tribunal de
première instance du département de la Seine ;
« Vu l'information ouverte contre les nommés Ullmo et autres ;
« Sous l'inculpation de vol et reproduction de documents
secrets;
« Attendu qu'Ullmo demande k être soumis à un examen
550 MÉMOIRES ORIGINAUX
4
vE
E3
ULLMO "
Mais cette période de chance ne dura pas, et, vers Pâques 1906,
Ullmo perdit en une nuit, dix à douze mille francs, qu'il ne put
d'ailleurs solder en entier immédiatement, et acheva de payer,
les jours suivants, en deux chèques adressés au caissier du
cercle. A partir de ce jour, l'officier ne parut plus ni au Cercle
Moderne, ni au Cercle du Midi, qui, en octobre 1906, succéda au
Cercle Moderne dissous. Ayant juré à sa maîtresse de ne plus
jouer, il ne risqua plus la chance qu'épisodiquement, au cours
de ses stations sur le littoral, à Nice et à Monte-Carlo, où il
perdit encore quelques sommes de bien moindre importance.
Ullmo était, en effet, joueur par tempérament et disposé à recher-
cher, comme il en convient lui-même, les occasions de jouer dans
les cercles et les casinos, non seulement sur la Côte d'Azur, mais
à Saigon, où il perdit quatre à cinq mille francs en deux ans, et
à Villers et aux environs, lors du dernier séjour qu'il fit en Nor-
mandie. Ullmo manifestait déjà ces goûts dans son enfance, que
passionna souvent outre mesure, ainsi qu'il nous le raconte, le
jeu des petits chevaux. En dehors de quelques occasions, où la
chance lui fut d'ailleurs contraire, l'accusé renonça à jouer, depuis
sa grosse perte de 1906, et, récapitulant, sur notre demande, la
balance de ses gains et pertes, il déclare avoir perdu au jeu la
somme approximative de quatre à cinq mille francs.
Si l'on cherche, d'accord avec l'inculpé, à établir quel était,
dans ces derniers temps, à Toulon, le montant de ses dépenses
annuelles, on arrive à estimer celles-ci à environ vingt mille francs
par a n ; Ullmo déclare, en effet, être revenu de Cochinchine, il y
a deux ans, avec quarante mille francs, avoir touché depuis sept
mille francs de solde, qu il estime avoir perdu au jeu, enfin, au
moment de son arrestation, en octobre 1907, il ne possédait pres-
que plus rien, avait deux ou trois mille francs de dettes en ville
et se trouvait acculé à une situation sans issue.
De l'ensemble de ces renseignements se dégage une notion
dominante, c'est celle de l'esprit d'imprévoyance et de prodigalité
d'Ullmo, qui arrive, en deux ans, par les dépenses de l'entretien
de sa maîtresse et ses pertes au jeu, à dissiper complètement son
patrimoine sans paraître se soucier des conséquences imminentes
de sa conduite. Comme nous lui faisons remarquer l'imprudence
et la légèreté coupables dont il avait fait preuve dans l'organisa-
A r c h . Anthr. Crim. 1908 — 3'J
562 MÉMOIRES ORIGINAUX
nait, ainsi que nous l'avons dit, deux à trois pilules par jour,
faites avec l'opium de ses pots : on peut estimer le poids de ces
pilules a 3o ou 4 ° centigrammes, au minimum. La teneur en
morphine de l'opium de la Régie étant de 4 à 5 pour i o o
environ, on peut estimer à environ 5 centigrammes de morphine,
la dose de cet alcaloïde ainsi ingérée sous forme pilulaire, dans
l'intervalle des fumeries.
Nous avons exposé toutes ces données, sur le nombre des
pipes fumées et la quantité d'opium consommé chaque jour,
d'après les déclarations de l'accusé, que nous avons fidèlement
transcrites et commentées. Nous nous réservons de les discuter
dans une autre partie de notre rapport.
Lison, selon les propos que celle-ci a répétés à un tiers, qu'il lui
achèterait une automobile si l'opération qu'il entreprenait arrivait
à réussir, sans révéler d'ailleurs à sa maîtresse la nature de l'opé-
ration qui pourrait lui apporter la fortune.
Telles sont les déclarations de l'inculpé sur le rôle de l'opium
dans la psychologie de ses actes de trahison.
aussi bien dans l'évocation que dans le nombre des souvenirs, re-
marquable de précision, de rapidité et de richesse. L'association
des idées, le jugement, l'ensemble des opérations psychiques
s'effectuent normalement, et l'accusé, par sa tenue générale, par
le ton de sa conversation, par la facilité et la correction de son
style et de son discours, donne l'impression d'un esprit attentif
et cultivé, capable de réflexion et de réserve. Il déclare regretter
profondément ses fautes et éprouver de la honte à la pensée du
crime dont il a été coupable.
Il n'existe présentement, chez Ullmo, aucun trouble fonc-
tionnel, aucune altération organique qu'on puisse rapporter à
l'usage de l'opium. L'état de la nutrition est excellent; et, dès
notre première visite à la prison, nous avons pu constater, chez
l'inculpé, l'absence, en dépit d'une si ancienne intoxication, de
toute atteinte de l'état général, de tout signe avant-coureur de
consomption ou de cachexie.
Quinze jours après la privation absolue d'opium, Ullmo était
dans un état d'intégrité psychique et physique qui démontre,
ainsi que l'avait déjà prouvé la réaction de l'inculpé au sevrage
d'opium nécessité par les manœuvres de juillet dernier, combien
sont légers et passagers chez lui les phénomènes de la période
d'abstinence.
L'excellent état de la santé, de la nutrition, la brièveté et la
bénignité des malaises du sevrage démontrent objectivement le
peu de profondeur et de gravité de l'imprégnation toxique de
l'organisme. D'ailleurs, si les effets nerveux et. psychiques de
l'opiomanie avaient été si prononcés chez l'inculpé, comment
expliquer que, dans ces périodes où l'excitation psychique
s'épanchait, au dire d'Ullmo, en des accès prolongés et incon-
scients de loquacité exubérante, l'amant n'ait point fait a sa m a î -
tresse de confidences ou de révélations involontaires sur ses
projets ? Il faut, pour expliquer la continuité de ce silence,
admettre que, même au cours des « cuites » les plus intenses, le
fumeur ait conservé la conscience vigilante et attentive des
secrets quïl avait à garder, en même temps que le pouvoir de
les taire.
Dans l'intervalle des fumeries, cet état de torpeur, de somno-
lence et d'hébétude, sur lequel insiste Ullmo, lorsqu'il décrit les
r
Z) Dupré. — L'AFFAIRE ULLMO 575
CONCLUSIONS
*
**
Les débats continuèrent, après la lecture de l'acte d'accusa-
tion, par l'interrogatoire de l'accusé, les dépositions des
témoins, le réquisitoire de M. le capitaine de vaisseau Schlum-
berger, réclamant un châtiment sans pitié pour le crime de
trahison, et la plaidoirie de M" Antony Aubin. L'éminent avocat
essaie de démontrer que l'article 76 du Code pénal n'est pas
applicable à son client, coupable seulement du délit d'espion-
nage ; et, représentant Ullmo comme un jeune homme sans
volonté, égaré par l'amour et affolé par le besoin d'argent,
s'adresse à la pitié des juges et s'efforce d'obtenir leur clémence
pour cette victime du jeu, de l'opium et surtout de sa mortelle
passion pour Lison, à qui il a sacrifié son honneur et sa vie.
M. le Commissaire du Gouvenement, dans une courte réplique,
conclut à la légitime application de l'article 76 du Code pénal à
l'accusé ; et, après un suprême appel de l'avocat à la pitié du
Tribunal, le Conseil, au bout de deux heures de délibération,
prononce à l'unanimité la condamnation d'Ullmo à la déportation
perpétuelle dans une enceinte fortifiée et à la dégradation militaire.
Le jugement déclare que les conclusions de la défense tendant à
ce qu'il ne soit pas fait application de l'article 76 du Code pénal
sur la trahison, mais de la loi de 1886 sur l'espionnage, ont été
rejetées à l'unanimité.
Il dit ensuite que le Conseil a répondu :
« Oui », à l'unanimité, sur la question de savoir si Ullmo a
entretenu des intelligences avec l'étranger;
« Non », à l'unanimité, sur la question de savoir si ces intelli-
gences ont été suivies d'exécution.
« Oui », à l'unanimité, sur la question de savoir si Ullmo a
reproduit des documents secrets intéressant la sécurité de l'Etat,
D<- Dupré. —- L'AFFAIRE ULLMO 585
2
LÀ T A I L L E C H E Z L E S C R I M I N E L S
P a r l e D r CHARLES P E R R I E R
Nombre
de détenus pour c e n t
i m . 4^ à 1 m . 5 o . i3 I,5I )
1 m . 5 o à 1 m . 55 . 5i 5 3
;9 [ 23,86
1 m . 5 5 à 1 m . 60 . 1U1 16,41 }
1 m . 60 à 1 m . 65 . 228 26.5/. }
58.55
1 m . 6 5 à 1 m . 70 . 275 З2 01 )
1 m . 70 à 1 m . 70 . 109
'7,5?
1 m . 70 à 1 m . 8 3 1
85
42
4,88 1
9
99,9 6
99,98
1 r
J'adresse ici m e s m e i l l e u r s r e m e r c i e m e n t s à M. l e P G. P o u c h e t , à M . le
professeur agrégé Jeanselme, e t à M . le comte A . de Pouvourville, membre du
Conseil supérieur d e s Colonies, pour les renseignements d etout ordre, chimique,
technique, ethnique, e t c . , qu'ils m'ont si o b l i g e a m m e n t fournis, à l'occasion d e
cette étude médico-légale.
* E x t r a i t d e l ' o u v r a g e : les Criminels, t . I I I , M a i o i n e , é d i t e u r , P a r i s .
3
VAnthropologie, p . 78 e t З28.
D' C. Perrier. — LA TAILLE CHEZ LES CRIMINELS 587
1
Treize prisonniers seulement ( I , 5 I p . cent) ont une t a i l l e
inférieure à i m. 5o (obs. i5, 5o, 119, t. I). Ils se répartissent
ainsi : 3 Français (Continent, 2 ; Corse, 1) de 16 à 20 ans, 1 Corse
de 22 ans, 5 Français de i5 à 3o ans, 1 Français et 1 Italien de 3o
à 4° ans, 1 Français de 4g ans et 1 Italien (le plus petit de tous :
1 m. 45), récidiviste, âgé de 69 ans, qui a été condamné pour
attentat à la pudeur et dont l'envergure égale 1 m. 55, le buste
0,775, le pied o,238, l'indice auriculaire 5g,01 et l'indice cépha-
lique 88,46.
Les individus de 1 m. 5o à 1 m. 55 — parmi lesquels, 1 Espa-
gnol et 4 Français (dont 2 Corses) de moins de 20 ans — ne
fournissent pas non plus un chiffre élevé (5,93 p. cent).
A partir de 1 m. 55, la proportion augmente et atteint, dans la
catégorie de 1 m. 55 à 1 m. 60 : 16,4i p . 1 0 0 , de 1 m. 60 à
I m. 65 : 26,54 P- cent, de 1 m. 65 à 1 m. 70 : 32,02 p . cent,
proportion máxima.
Au-dessus de 1 m. 699, les chiffres tombent à 12,68 p . cent,
>
pour les tailles de 1 m. 70 à 1 m. 75, et à 4>°8 p . cent pour les
plus hautes (obs. 35,60, 69, 90, i4i, t. I).
Ces deux dernières catégories renferment 1 Italien, 1 Suisse et
i3 Français n'ayant pas 20 ans.
Le plus grand des condamnés mesure 1 m. 83. Chez lui, on note
une envergure de 1 m. 87, un buste de 0,953 et un pied de 0,278.
II a pour indice auriculaire 60,56 et pour indice céphalique 84,86.
Originaire du Tarn-et-Garonne, rural, terrassier, illettré, récidi-
viste, en prison pour vol, cet individu est âgé de 43 ans.
Groupons les tailles : en tailles au-dessous de 1 m. 60, de
1 m. 60 à 1 m. 70 et de 1 m. 70 et au-dessus ; il ressort que les
tailles moyennes l'emportent de 17,12 p . cent sur les petites et
les grandes réunies, et que les petites (28,86 p . cent) se distin-
guent des grandes (17,57 p . cent) par une proportion supérieure.
Je donne ces résultats comme étant l'expression de la vérité.
Quand mon troisième volume sera publié, je déposerai tous mes
documents à l'Institut médico-légal du maître illustre et vénéré
qui dirígeles Archives d'Anthropologie Criminelle.
1
L a taille a é t é prise d a n s l a m a t i n é e , l ' h o m m e étant debout.
588 MÉMOIRES ORIGINAUX
au-dessous de i m . 6o a
7 27
i m . 6o à i m . 65 .
55 60
i m . 6 5 à i m . 70 . 28 )
1 m . 70 à 1 m . y5 . I 0 }
34 1 m . 75 à 1 m . 80 . 2 > i3
1 m . 80 e t a u - d e s s u s
A u - d e s s o u s d e 1 m. 65 . . 37 5g 00,40
1 m . 65 e t a u - d e s s u s . . . 63 41 49,5g
16 20 25 30 40 50 ans
à à à à à et
20 ans 25 ans 30 ans 40 ans 50 ans au-dessus
8
99 ; 9 S
99 ; 9 8
99 9
:
8
59 : 9 8
99 9
: 99,9 8
Au-dessous i m. 60 1 va. 70
<I3 à et TOTAUX
1 m. 60 1 m. 70 au-dessus
23,64 5 ,5i
7
i8^83 8
99, 9
Vol, vagabondage, mendicité. . 35,00 65,oo » 100
Vagabondage, outrages aux
28,07 64,28 7,'4 99,99
3 i ,25 64,58 4,16 99,99
Violences, coups, rébellion. 28,88 54,44 16,66 99,98
Au-dessous 1 m . 60 1 m . 70
de à et TOTAUX
1 m. 60 1 m. 10 au-dessus
M e n a c e s d e mort, s u p p r e s s i o n % % % %
d'enfant, tentative d'empoi
s o n n e m e n t , d ' h o m i c i d e , d'as
sassinat, assassinat. . . . » 66,66 33,33 99,99
5,55 8o,55 i3,88 99,9 8
A t t e n t a t s à la p u d e u r , v i o l , e t c . 32,83 5
9,7° 7,46 99,99
Escroqueries, abus de con-
14,66 61,63 24,00 99,99
Fausse monnaie (fabrication,
33,33 33,33 33,33 99,99
6o,oo 40,00 100
Fabrication d'engins explosifs. )> 100 » 100
Et en groupant :
Vols, vagabondage, mendicité,
outrages aux magistrats,
fausse monnaie,incendie, ex-
2
4,77 5 ,i6
7 18, o5 99,98
14,66 6i,33 24,00 99,99
21 .o5 61,84 17,10 99,99
32,83 5
9,7° 7,46 99,99
Soit :
23,5g 57,65 18, 5 7 99,99
24,65 61,18 1.4,15 99,98
Nationalité.
_ . ( Continent. . . 24,58 5 ,6i
7
'7,79 99,9 8
F rançais. < _
( Corse . . . . 23^36 61,68 14,95 99,99
22, 30 60.00 1
7, 9 6
99,99
47-82 2., 3 7 99,9 8
Au-dessous 1 m. 60 1 m. 70
de à et TOÏAU X
1 m. 60 1 m. 70 au-dessus
% % % %
D e g r é d'instruction.
a
7 ; 77 5 4 , 76 i7,46 99,99
8
Profession.
Propriétaires, rentiers . . . 9 09 54 54 36 36 : 99:99
Employés de banque et de
24 54 54 21 .21 99:99
Commerçants, fabricants . 28. 12 53 12 • 99:99
Professions alimentaires. . . 24.61 60 i5.38 99:99
Ouvriers d'ateliers e t d e fabri-
28. 47 5
9 60 11.92 99:99
Industrie du bâtiment et du
J
9 - 56 66 3o 14,i3 99:99
Professions agricoles, journa-
20 68 5 ,48
9
19,82 99 98
;
3o^43 5o 00 I 56 9 j 99,99
33 33 00 00 16,66 99,99
Population.
89 08 23 16,87 99,99
11 5a 58 98 18.49 99,99
Nombre d e c o n d a m n a t i o n s .
Sans antécédents judiciaires . 23 4i 09 . ï 2 ¡7,46 99 99 :
1
Les Criminels, t . I , p . 12, 32, 64, 81,9g, 2i3, ai5. 230, 251,264,273, 2 7 7 , 3 1 1 :
t. II, p . 16, 19, 20, 2 u , 24.
Arcli. A n l h r . Crini. 1008-il
594 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
Les Criminels, t . I , p . 1 e t 2 ; t . I I , p . 24, 2 a , 2 6 , 27, 28, 29.
D' Ch. Perrier. — LA TAILLE CHEZ LES CRIMINELS 595
Au-dessous 1 m . 60 1 m . 70
de à et TOTAUX
im. 60 1 m . 70 au-dessus
% % % .
Nord-Ouest 29,62 62,96 7,4o 99,9 8
1
D ' a p r è s les cartes d e B r o c a s u r la taille d a n s la F r a n c e entière, « d e u x
zones distinctes se dessinent, séparées p a r une ligne oblique ou à c o n c a v i i é i n f e -
r i c u r e , a l l a n t d u d é p a r t e m e n t d e l ' A i n à la b a i e &z Sai.nt-.MaJo: a u n o r d e t à
l'est s o n t l e s h a u t e s tailles, a u s u d et à l'ouest l e s p e t i t e s failles: la p r e m i è r e ,
h a b i t é e p a r l e s a n c i e n s K y m r i s , l e s B u r g u n d e s e t Isa X o r m u n d s ; l a s e c o n d e ,
p a r l e s a n c i e n s C e l t e s . Ç à e t l à , c e p e n d a n t , d a n s <;cUc d e r n i è r e , s e v o i e n t
quelques enclaves d e hautes tailles : ainsi, a u x environs de Toulouse, o ù les
V o l k e s - T e c t o s a g e s d e l a r a c e d e s K y m r i s firent une, t r o u é e e t s ' i n s t a l l è r e n t , e t
le l o n g d u R h ô n e e t d e l a M é d i t e r r a n é e , s u r l e 1 r s j e t d e s v o i e s r o m a i n e s , o ù
s'échangeait un courant entre les Gaulois du nord et les Gaulois-Cisalpins ».
T o p i n a r d , VAnthropologie, p . 332.
596 MÉMOIRES ORIGINAUX
Au-dessous 1 m. 60 1 m. 70
de à et TOTAUX
1 m. 60 1 m. 70 au-dessus
% ?6 %
Ardèohe 3o, 00 55 00 iS.oo 100
i 5 . i5 60 60 .24 ,24 99,99
Bouches-du-Rhône. . . . I
9: 3 8 55 10 25 . OI 99,99
2.5 , 80 67 74 6.45 99,99
1 0 . 00 60 00 3o,oo 100
3 5 . 00 55 00 l O . O O 100
33 \ 33 55 55 1 1 . 11 99,99
47, 3 6 42 10 10,52 99 9 ;
8
i 4 , 81 -• 66 6 6 18.5i 99,9 8
Soit :
L i t t o r a l d e la M é d i t e r r a n é e
( H é r a u l t , Gard, B o u c h e s - d u -
Rhône, Var, Alpes-Maritimes) M) 7 1 5
9 i3 21.15 99 .-99
Autres départements (Sud-Est). 3 i Go 55 71 [3.21 99,9 8
1
Les Criminels, t. I, p . 4 e t 5.
D* Ch. Perrier. — LA TAILLE CHEZ LES CRIMINELS 599
3,o3 p . cent chez les employés de banque, de 9,23 p . cent chez les
boulangers, cuisiniers, pâtissiers, etc., de 9,37 p. cent chez les
c e n c n e z e s
commerçants, fabricants, de 10,87 P- * ^ nomades, de
i6,55 p . cent chez les ouvriers d'ateliers et de fabriques, et de
c e n
16,67 P- t chez les sans profession).
Nomades et sans profession présentent la proportion minima
dans les tailles moyennes (5o p . cent).
La maxima s'observe chez les ouvriers du bâtiment et du
mobilier (66,3o p . cent), après lesquels se rangent les boulan-
gers, cuisiniers, etc. (60 p . cent), les^ ouvriers d'ateliers et de
fabriques (5g,60 p . cent) et les cultivateurs, domestiques (5g,48
p. cent).
Dans les tailles moyennes, les propriétaires et les employés de
banque, etc. tombent à 54,54 P- cent; les commerçants à 53,i3
p. cent.
Population. — Il existe un apport presque identique, concer-
nant les tailles de 1 m. 60 à 1 m. 70, entre les urbains (58,23 p .
cent) et les ruraux (58,98 p. cent).
Au point de vue des petites tailles, la priorité appartient aux
urbains (24,89 contre 22,52 p . cent).
Chez les ruraux, on enregistre une proportion plus élevée de
c c e n
tailles grandes (18,49 ° n t r e 16,87 P- t ) -
Nombre de condamnations. — Les délinquants primaires et les
récidivistes ne se distinguent par aucune différence dans les
grandes tailles (17,46 et 17,62 p . cent).
On note, pour les premiers, un peu plus de tailles moyennes
(5g, 12 au lieu de 58.3i p . cent) et moins de tailles petites (28,41
contre 24,o5 p . cent).
Au-dessous 1 m . 6 0 1 m . 70
de à et
1 m . 6 0 1 m . 10 au-dessus
% % %
Ensemble des condamnés . . . 23 ,86 5 8 , 5 5 '7 57
Grimes et Délits.
4- i , ° 7 - », i5 .+ °9
2
5
— o) — 1 04 + 1 26
Vol, vagabondage, mendicité.
outrages aux magistrats + 7 ,39 4- 6 o3 —13 ,4i
V i o l e n c e s , r é b e l l i o n , coups (mort) 4- 4 — 3 4i •— 75 0
— 9 20 4 - 2 78 + 6 ,43
4- 9 47 — 25 22 —f-15 ,76
+36 »4 . . . —f-22 ,43
Fabrication d'engins explosifs . • • • •
1 individu
Et en groupant :
Vols, vagabondage, fausse m o n -
naie, incendie, explosifs 4- o — 1 3 9
4- 0 ,48
— 9 20 + 2 78 + e ,43
— a 8 . + 3 9 2
— 0 ,47
-4- 8 • 97 -f- 1 i5 —10 , 11
Soit :
— o •27 — 0 90 4- 1 ,18
+ o , 7 9 4 " 2 63 — 3 •4 2
Nationalité.
— 4 35
4 "
4 - 4 86
4 -
— 0 ^5o
5
,°
— i 64 -f- 0 8/ 4 - 0
r
D Ch. Perrier. — LA TAILLE CHEZ LES CRIMINELS 601
Au-dessous 1 m. 60 i m. 70
de à et
1 m. 60 1 m. 70 au-dessus
% % %
Ensemble des condamnés . . . 23 86 58 55 3
«7, 7
Etat-civil.
+ I 7
l — 1 3o 4 - 0, i3
— 5 35 4- 5 64 — 0,29
4- 7 > —4 27 — 3,29
4- [ 2 87 4-11,00
Mariés, veufs, divorcés (Ensem-
— 3 77 + 4 19 — 0,42
Degré d'instruction.
•+- 3 • 9 1 — 79 — 0,11
- f - I O .28 — 0 02 —10,26
Sachant lire e t écrire . . . . 2• 7
2 1
2 62 — 0,34
+ o .18 4- 1 23 - i ^ .
Sachant lire, écrire e t calculer . + o ,87 — 9,09 4 - 8,23
Instruction primaire . . . . — 5 ,35 — 6 70 412,o5
Instruction supérieure. . . . 3 individus
— i, 1 0
— 7 ,34 4 - 8,44
Profession.
Propriétaires, ï e n t i e r s . . . . —"4,77 — 4, O I 4-18,79
Employés de banque, etc.. . . + o ,38 — 4, O I 4- 3,64
4 - 4,2« — 5 -43 4 - 1,18
Professions alimentaires . . . 4 - o ;7 5
4- 1 45 — 2.19
O u v r i e r s d ' a t e l i e r s e t d e fabri-
4 - 4 .61 4 - 1 oâ — 5.65
Industrie d u bâtiment e t du m o -
— 4 ,3a 4- 7 73
— 3,44
Professions agricoles . . — 3 ^l8 0 93 4 - 2.25
-f- 6 • 75
—8 55 4 - i,99
+ 9 :47 —8 55 — o,9i
Population.
Urbains + i .o3 — 0 .32 — 0.70
— i •M 0 43 4 - 0,92
Nombre de condamnations.
Sans antécédents judiciaires . — o ,45 0 57 — 0,11
Récidivistes + o : '9 —0 24 - j - o.o5
GO-i MÉMOIRES ORIGINAUX
Au-dessous i m. 6 0 I n . 10
de ' à et
1 m . 60 1 m. 10 au-dessus
es û'
/û
Français (Continent) . . . . 2 4,S 8 ¿7,67 17,79
Nord-Ouest + 5,o.| + 5,35 —• I O
,39
- 4,08 + 2
, 9 3
4- 2,2 1
— 2,36 — o,35 + 2,72
E n s e m b l e . . . . . - ,,3i + o,8S -r o,/,i
+ o,55 — 0,25 O, 26
604 MÉMOIRES ORIGINAUX
Au-dessous 1 m. 60 i m. 70
de à et
1 m. 60 1 m. 70 au-dessus
% % %
Français (Continent) . . . . M,h 8 37 .è 1 /7,7 9
-+- 5 42 — 2 Gi 2 79
— 9 43 + 2 99 4 - G 45 .
— 5 20 — 2 5i + 7 7 2
+ 22 4-10 i 3 —11 34
—14 58 4 - 2 39 4-12 21
-|-!0 42 — 2 61 — -j
79
4- 8 7 5 — 2 06 — 6 68
Puy-de-Dôme 4-22 7 8 —15 5 1 — 7 2 7
——
| *> 34 + 3 9 2
— 6 26
— 9 77 + S o5 4- 0 7 2
Autres départements . . . . 4- 8 02 — 4 68
Soit :
L i t t o r a l d e la M é d i t e r r a n é e . — 4 s? 4 - 1 02 4 - 3 36
1 ; r- 02
Autres départements (Sud-Est). 1 .44 — 4 .58
soit . -f- 8,44 P- cent de grandes tailles prélevées surtout sur les
moyennes (— 7,34 p. cent).
Profession. — Chez les propriétaires, rentiers, figurent-f- 18,79
01
p. cent de tailles grandes, — ^ 7 7 P- cent de petites et — 4i
p. cent de moyennes.
De même, chez les sans profession, le nombre des tailles
petites augmente (-+- 9,47 P- cent), tandis que les grandes et sur-
tout les movennes diminuent.
Employés de banque, commerçants et nomades attirent l'atten-
tion par des chiffres inférieurs dans les tailles moyennes (— 4»o 1,
— 5,43 et — 8 , 5 5 p. cent) et supérieurs dans les tailles petites
(-+- o,38, -f- 4, 6 et H- 6,57 p . cent) et grandes (-4- 3,64, -f- 1,18
2
16 20 25 30 40 5 0 ans
à à à à à et Ensemble
2 0 ans 2 5 ans 3 0 ans 4 0 ans 5 0 ans au-dessus
Crimes e t Délits.
Vol simple, complicité, e t c . . . 1,627 1,63g i,639 i,643 1,655 1,643 1,640
1,625 i , 6 5
i,638 9 1,661 1,63g 1.658 1,640
1,632 1,634 1,645 I
-64 7
1,653 1^646 1,642
Vol, vagabondage, mendicité. . 1,606 1,624 1^654 i,5 8 7 1,640 1,571 1,612
Vagabondage, outrages aux m a -
1,606 1,614 1,660 1,076 i,665 1,6i5
I,6I5 i,6i3 I,63I 1,626 1,58g 1,602 1,614
Violences, coups, rébellion . 1,617 i,638
i,65 9
1.63g 1,628 1,641 1
,63?
Coups et blessures (mort). 1,620 i , ' 6 6 4 i , 6 6 5 i,638 1,5 5 1^616
9 1,641
1,617 1,644 1 , 6 5 9
i,63g 1,62a 1,629 1,637
» » » 1,710 1,660 1,600 1,656
S u p p r e s s i o n d'enfant . . . . » » ^665 » 1,665
Tentative d'empoisonnement. . » » 1,600 1,600
Tentative d'homicide . . . . » i,635 1 V>35
» 1,732 » » »i; 3a 7
Et en groupant :
Vols, vagabondage, mendicité,
outrages a u x magistrats, fausse
monnaie, incendie, explosifs . I . 6j2 i,633 1,644 1,646 1 ,63g 1,642 1,640
Escroqueries, a b u s de confiance,
1,661 i , 6 3 8
1,685 1,676 1,640 i , 6 5 8
Attentats-vie i,63i 1,648 1 , 6 6 1 1 . 6 4 5 1,628 1 , 6 5 5 1,644
Attentats-mœurs 1^632 1,094 1.604 1/145 1,634 1,600 1,622
608 MÉMOIRES ORIGINAUX
16 20 25 30 40 50 ans
à à à à à et Ensemble
20 ans 25 ans 3 0 ans^ 4 0 ans 50 ans au-dessus
Soit :
Crimes-propriétés ,633 1,634 1,645 1,645 I ,652 1,641 î .642
Crimes-personnes .63i i-63 7
i ,655 1,645 i , 6 3 i 1,626 i , 6 3 7
NATIONALITÉ.
{ Continent 1,638 1,637 1,644 1,643 i , 6 3 8 1.628 1,63g
Français
( Corse. I ,6l2 i ,622i ,642 i , 6 5 8 1,645 1,664 1,640
Italiens . 1,633 i^633 i , 6 5 3 1,641 1 , 6 5 6 1,628 1,643
Espagnols I . Ö20 i J 6 3 8 i ^ 6 5 6 i ,617 1=674 I , 6 2 7
i,63 7
ÉTAT-CIVIL.
Célibataires 1.632 i 6 3 4
; 1,646 i , 6 3 7
1,646 i ,640 i,63g
Mariés . . 1,643 i,658 I ,652 1,617 1,649
Veufs » i, 63o 1,672 i ,601 !=649 i,634
Divorcés » i. 722 i 66o
:
i ,660 » 1^668
Mariés, veufs, divorcés (ensem-
ble) . 1,643 1
,649 i,65 9
i ,642 i , 6 3 o 1,647
DEGRÉ D'INSTRUCTION.
Illettrés '=649 i,63 9
,646 i , 6 3 5
i 1,646 i , 6 3 1,641 9
PROFESSION.
Propriétaires, rentiers . . » i, 6S0 i .645 i 2 8 ; 7
1,640 î,6 o7
E m p l o y é s d e b a n q u e e t d e com-
merce i,565 i ,64t i ,617 i, 665 i ,65o 1,666 î , 6 4 5
Commerçants, fabricants . 1.680 i ,696 i, 655 i ,602 1,619 1.641
Professions alimentaires . t ,629 1,623 i , 6 5 7 1,636 i , 6 o î , 640 i > 3
7 7
O u v r i e r s d ' a t e l i e r s e t d e fabri-
ques i .63i 1,626 i ,63t 1,640 i ,642 î. 620 i,634
D r
Ch. Perrier — LA T A I L L E CHEZ L E S C R I M I N E L S 609
16 20 25 30 40 50 ans
à à à à à et Ens'mble
20 ans 25 ans 30 ans 40 ans 50 ans au—dessus
Industrie du bâtiment e t du m o -
1.635 1,661 1,647 1.640 1,600 1,642
Professions agricoles, journa
liers, domestiques . . . . i,6/ 3 i,638 1,660 1,641 i,636 1,646 1,645
(
i^653 i 643
: 1,63i 1,641 1.552 1.6З2
i,633 1,598 1,672 1^634 i,65 7
I ,632
Population.
1,635 1.640 1,642 1,641 1,623 1,638
1.6З4 1,656 1,648 .,647 1,644 b 644
Nombre de condamnations.
Sans antécédents judiciaires . . 1,636 1,63g i,653 1,642 1,649 1,62.3 1,64
Condamnés i fois . . . . . i ,63g 1.640 1.622 1,65o 1,64З 1,63g
1.624
— a — 1.62З i^636 1,63o 1,618 1,614 î ,627
1.64З
.— 3 — i 636
;
1,627 1.649 1.609 1,653 1 ,646
1,65o
— 4 — 1, 6З0 1.635 1,666 i,658 1,607 1,643 1.600
— 5 — . . . . . 1 , 6 5 6 1,641 652 1.609
I . 1,676 i ,612 1 . 6 5 4
•— 6 à io fois . 1.625 1,619 1,662 1,642 1.65 1,65o
9
1,642
— I O à so f o i s . 1,780 1.622 1.637 1,624 1,6i3 1^676 I , 6 3 I
— so fois e t plus . 1,456 1,725 1.040 6 4 5 1,632
b
i
La population corse a dans les veines, selon les contrées, du sang s é m i -
t i q u e , i t a l i e n , e s p a g n o l , f r a n ç a i s . P o u r t a n t , o n p e u t d i r e q u e l e f o n d d e la r a c e
e s t c e l u i d e la r a c e m é d i t e r r a n é e n n e o c c i d e n t a l e . L e s C o r s e s s e r a i e n t a i n s i p a -
rents des Berbers du nord de l'Afrique, des anciens Ibères, des Basques actuels
(Dictionnaire des sciences anthropologiques).
Les condamnés de nationalité italienne sont pour la p l u p a r t originaires du
612 MÉMOIRES ORIGINAUX
P i é m o n t e t m e s u r e n t , d e 20 à z5 a n s , 1 m . 6 3 3 . m o y e n n e s u p é r i e u r e d e 3 m i l l i -
m è t r e s à c e l l e q u e d o n n e la c o n s c r i p t i o n a u d e l à d e s A l p e s : 1 m . 63 ( L o m b r o s o ) ,
en chiffres r o n d s .
P o u r Z a b o r o w s k i , la taille m o y e n n e d e n o s v o i s i n s é g a l e : m . 64, s o i t 3 mil-
l i m è t r e s d e m o i n s q u e l a m o y e n n e d ' e n s e m b l e d e s c o n d a m n é s i t a l i e n s (1. m . 6 4 3 ) .
Si p e t i t e q u e s o i t c e t t e d i f f é r e n c e , e i l e v i e n t à l'appui d e l ' o p i n i o n d e M a r r o ,
de Lucca et Virgilio, sur les c r i m i n e l s p i é m o n t a i s qui, d'après ces auteurs,
d o n n e n t u n e m o y e n n e u n p e u a u - d e s s u s d e la normale.
D' Ch. Pérrier. — LA TAILLE CHEZ LES CRIMINELS 613
16 20 25 30 40 50 ans
à a à à à et Eusemble
20 a n s 25 a n s 30 ans 40 a n s 50 a n s au-dessus
*•
**
i
620 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
La c r o i s s a n c e c o n t i n u e l e n t e m e n t et d a n s certaines limites, sous l'influence
de c a u s e s d i v e r s e s , m o r b i d e s ou a u t r e s , a p r è s l'époque où ies é p i p h y s e s d e s os
l o n g s s o n t t o u t à fait s o u d é e s â la d i a p h y s e ( T o p i n a r d ) .
D" Ch. Perrler. — L A T A I L L E CHEZ L E S C R I M I N E L S 621
16 à 20 a n s . m. 602
20 à 25 — . m. 635
a5 à 3o — . m. 647
1 m. 6411
3o à .40 — . . m. 645
40 à 5o — . m. 644
5o ans et au-dessus m 634
1
L e s auteurs d o n n e n t , c o m m e taille m o y e n n e : pour les A r a b e s , 1 m. 679
( T o p i n a r d ) ; l e s A n g l a i s , 1 m . 708; l e s A l l e m a n d s , 1 m. 6 7 7 ; l e s B e l g e s , 1 m . 6 8 4
( Q u é t e l e t ) ; l e s D a n o i s , 1 m . 64 ( B c d d o e ) ; l e s E s p a g n o l s , : m . 64; les Grecs.
1 m . 0 5 ( W e i s b a c h ) ; l e s R u s s e s , 1 m . 6 6 ; l e s S u i s s e s , 1 m . 674 ( I ) u u a n t ) , e t c . e t c ,
622 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
UN CURIEUX CAS HISTORIQUE DE BESTIALITÉ COLLECTIVE
[15621
1
Voir surcepoint :
A g r i p p a d ' A u b i g n é , Histoire universelle, liv. III, chap. V I I et IX.
E d i t i o n S o c i é t é d e l ' H i s t o i r e d e F r a n c e (1887), t . I I , p . 0 1 - 7 1 .
P i e r r e B a y l e , Dictionnaire historique et critique. R o t t e r d a m , 1 7 2 0 . 3 é d i t i o n ,
e
t. I . V ° B a t h y l l u s , p . 4 6 5 . N o t e D .
T h é o d o r e d e B è z e , Histoire ecclésiastique des Eglises réformées au royaume
de France, l i v . X I . V i l l e d e L y o n . E d i t i o n B a u m e t C u n i t z (1883-1889,), t . I I I ,
p . 204-270.
J e a n d e S e r r e s , le Véritable inventaire de Vhisloire de France, avec la con-
tinuation de la même histoire jusques à l'année 1648, contenant tout ce qui s'est
passé de plus mémorable en Flandres, en Allemagne, en. Italie et dans la Cata-
logne jusques à la deffaile de l'armée du Roy d'Espagne par le Prince de
Condé. E d i t i o n d e 1648. T . I , p . 7 1 1 .
G a s p a r d d e S a u l x . S e i g n e u r d e T a v a n n e s . Mémoires. ( C o l l e c t i o n c o m p l è t e d e s
r c
M é m o i r e s relatifs à l'histoire d e F r a n c e . P e t i t o t . i s é r i e , t. X X I V ) , t. II, p . 3 3 8 -
S45.
Varrillas, Histoire de Charles IX, P a r i s , i 6 8 3 , t . I , p . 268-271,
UN CURIEUX CAS HISTORIQUE DE BESTIALITÉ COLLECTIVE 623
1
T a n n e g u i Le F e r r e , c a l v i n i s t e ( Ï 6 1 5 - 1 6 7 2 ) .
DrRomary. — LA VISIBILITÉ A LA LUEUR DES COUPS DE F E U 627
L A VISIBILITÉ
A LA LUEUR DES COUPS DE FEU TIRÉS LA NUIT
r e
Par le D R O M A R Y , médecin major de 2 classe.
R E V U E C R I T I Q U E
URANISME E T D É G É N É R E S C E N C E
Par l e D ' A . A L E T R I N O
Maître de C o n f é r e n c e p o u r l'Anthropologie criminelle, à l'Université d'Amsterdam.
met celui qui étudie les variations sexuelles et qui publie les
1
résultats de ses études, au rang de l'uraniste lui-même .
Si tous les médecins étaient plus versés dans la question, s'ils
étaient plus capables d'éclaircir non seulement l'uraniste sur sa
nature véritable, mais d'expliquer aussi à sa famille, à son entou-
rage en quoi consiste réellement la différence entre lui et les
autres hommes, l'opinion fautive qui ne règne que trop aujour-
d'hui, ferait place à une meilleure, à une opinion plus conforme
à la vérité. C'est de la plus grande importance et pour l'uraniste
et pour la Société entière, qu'enfin, p a r des études sérieuses et
profondes, par des écrits scientifiques et populaires, spécialement
de nous autres, médecins hétérosexuels, justement notre hétéro-
sexualité donnerait la garantie, que ce ne sont pas des orationes
pro domo, un revirement se ferait d a n s les opinions concernant
l'uranisme.
Quand on cherche la cause de l'intérêt presque nul des méde-
cins dans l'étude de la science de l'uranisme, on trouve la réponse
d'une part dans l'opinion erronée, que le nombre des uranistes
est si petit, que ça ne vaut pas la peine de s'en occcuper, d'autre
part — et peut-être est-ce là la raison prépondérante — qu'on
trouve le sujet trop écœurant, trop sale. Quoique la majorité des
hommes se sente portée pour cet opinion, les uranistes ne sont pas
secourus, ni nous autres, hétérosexuels, excusés par de tels
arguments purement sentimentaux.
On s'excuse souvent, nous le répétons, de ce peu d'intérêt par
l'assertion que les cas d'uranisme et d'unisexualité sont si rares,
que c'est une grande exception quand u n médecin non-spécialiste
en rencontre un dans sa pratique journalière, et qu'il est par
conséquent superflu de se donner la peine d'étudier ce chapitre
si spécial des sciences médicales. Que cette opinion est erronée,
prouvent les chiffres, qui nous sont fournis par les pays où l'on
connaît— incomplètement encore, il est vrai —le nombre des ura-
nistes. On compte par exemple en Allemagne au mûins 1.200.000,
à Berlin au moins 06.000, tandis que dans mon pays (le seul,
excepté l'Allemagne, où l'on ait établi le compte), selon l'enquête,
r
instituée il y a quelques années par le D v. Römer, officier de
4
J e d i s t i n g u e e n t r e « h o m o s e x u e l » e t « u r a n i s t e », e n t r e « h o m o s e x u a l i t é »
e t « u r a n i s m e » . J ' a p p e l l e u r a n i s t e s , c e u x q u i p e u v e n t ê t r e r a n g é s d a n s l a défi-
n i t i o n d e R a f l ' a l o v i c h ( v o y . p . 640), « u r a n i s m e », l ' h o m o s e x u a l i t é i n n é e . J e qua-
lifie l e s a c t e s s e x u e l s a v e c d e s p e r s o n n e s d u m é m o s e x e , c o m m e « h o m o s e x u e l s »,
le fait l u i - m ê m e c o m m e « h o m o s e x u a l i t é ». E t r e u r a n i s t e et c o m m e t t r e d e s a c t e s
h o m o s e x u e l s n'est p a s la m ê m e c h o s e ( v o y . p . 640).
D* A. Aletrino. — URANTSME E T D É G É N É R E S C E N C E 635
1
Haffalovich (Marc-André), Uranisme el Unisexualité, Lyon-Paris, 1896. p . 4 ' .
A. Aletrino. — URANISME E T D É G É N É R E S C E N C E 641
1
H a v e l o c k l î l l i s e t J . - A . S y m o u d s , Das Konträre Gescklechlsgefühl, t r a d u c -
t i o n d e K u r e l i a , B e r l i n , 1894, p . 208 e t 2 g 3 .
2
N ü c k e , D a s d r i l l e G e s c M c c h t . (Politisch-Antropologische Revue, E i s e n a c h
e t L e i p s i c k , A i m é e 4*«, 4 j u i l l e t igo3, p . 3 i 4 . )
3
N ü c k e , d a n s L u e h r ' s , Atiff. Z. /'. Psychiatrie, e t c . , p . 82a, toc. cil.
•* N ü c k e . K i n B e s u c h b e i d e n H o m o s e x u e l l e n i n B e r l i n . Hans Gross'Archiv.,
v o l . 4, l'asc. 2° e t 3", p . 260.
•' C r a m e r , D i e c o n t r ä r c S e x u a l e m p f i n d u n g , e l c . (Berliner klinische Wochen-
schrift, 1897, a n n é e 3 4 « , 11" 4 4 , p . g/,3.)
0 I w a n Bloch, D a s Sexualleben unserer Zeil. (Louis Marcus' Veslagsbeuchhand-
lung, B e r l i n S . V,". 4 1 , 1901, p . 5 3 8 . )
D r A. Aletrino. — L'RANISME E T D É G É N É R E S C E N C E 645
4
déjà mentionné d'Havelock E l u s et dans les citations de
5
Steinmetz . Si l'uranisme et les actes unisexuels, qu'on a notés
chez les peuples primitifs seaient la suite de la dégénérescence,
nous serions enclins de nous écrier avec Steinmetz : « La question
s'impose, s'il est possible que l a dégénérescence morale est en
6
train de prendre pied parmi les peuples primitifs . »
Tandis qu'il est démontré par différents écrivains que l'uranisme
se trouve fort peu dans l'ascendance des uranistes, l'existence
d'une certaine tendance familiale ne peut pas être niée. On a
maintes fois constaté que les frères et les sœurs d'une même
famille, étaient uranistes. J'en connais moi-même deux cas : le
premier, où les frères jumeaux sont les seuls uranistes de la
famille ; le second, où u n frère et une sœur sont uranistes.
Hirschfeld et Nücke mentionnent plusieurs cas du même genre.
Hirschfeld écrit : « Parmi 58 enfants uranistes que je connais
personnellement ou de nom, il y a 26 fois frères et sœurs, i \ fois
frères homosexuels, dont deux fois des jumeaux, 3 fois des sœurs
uranistes, 6 fois 3, i fois 4, i fois 5 enfants dans une même
famille, 29 fois tous les enfants (2, 3 et 5) sont unisexuels, dans
7 cas, un frère s'est suicidé parce qu'il était uraniste. Propor-
tionnellement, on trouve beaucoup d'homosexuels parmi les
collatéraux. Dans une famille princière européenne, qui comptait
en 1880, 14 membres masculins, en trouve 4> peut-être même
7
6 homosexuels . »
Näcke rapporte : « En vérité, je pouvais le constater plusieurs
fois. Un uraniste avait une sœur uraniste et avait fait connais--
1
Untrodden fields of anthropology, P a r i s 1898.
2
3
Ambian night::,
Richard Burton, Londres. ¡835, vol. X , p . ao5-a54.
D ' P . Kersch, Uranismus oder IderarUe und Tribadie bei den Naturvölkern.
(Jahrbuch f. sex. Zwischenstufen, v o l . I I I , p . 72.)
* H a v e l o c k E l b s . loi:, cil., p . 4 .
5
Prof. S.-il. Steinmetz, .-fríes du í e
Congris d'anthropologie criminelle,
o
p. 49 -
6 P r o f . S . - R . S t e i n m e t z , S u i c i d e a m o v u r p r i m i t i v p e o p l e s . (American anthro-
pologist, 1896.}
sance par elle de son amie, qu'il a épousée. Un autre avait dans
sa famille plusieurs uranistes, dont quelques oncles. Dans un
café, j'ai rencontré deux cousins invertis. Un des deux racontait
1
qu'il connaissait trois frères uranistes . »
Quant à la seconde possibilité, celle que l'uranisme serait une
forme de dégénérescence, il y a beaucoup d'arguments à citer
pour prouver qu'une telle opinion est fausse. La première et la
plus forte objection qu'on puisse faire, c'est qu'il n'y a pas de
définition claire, pouvant être appliquée à tous les cas, de la
conception « dégénérescence » ; la seconde, qu'il n'y a personne
qui puisse définir précisément ce que l'on entend par le mot
« normal ». Si nous étudions les définitions données sur la
« dégénérescence » par différents auteurs, tant aliénistes que
spécialistes pour maladies nerveuses, nous verrons qu'aucune
n'est applicable à l'uranisme.
Magnan donne la définition : « la dégénérescence est l'état
pathologique de l'être qui, comparativement à ses générateurs
les plus immédiats, est constitutionnellement amoindri dans sa
résistance psycho-physique et ne réalise qu'incomplètement les
conditions biologiques de la lutte héréditaire pour la vie. Cet
amoindrissement, qui se traduit par des stigmates permanents,
est essentiellement progressif, sauf régénération intercurrente ;
quand celle-ci fait défaut, il aboutit plus ou moins rapidement à
2
l'anéantissement de l'espèce ».
Quand on a examiné un nombre suffisant d'uranistes, on se
demande involontairement, en lisant cette définition, où, chez tous
ceux, on doit chercher la preuve qu'ils sont « constitutionnel-
lement amoindris dans leur résistance psycho-physique » et de
quoi il résulte qu'ils ne peuvent pas soutenir « la lutte hérédi-
taire pour la vie ». Et même quand on n'a pas examiné des
uranistes, mais quand on pense seulement aux uranistes men-
3
tionnés dans l'Histoire, les différents papes qui étaient uranistes ,
4 5 0
Michel-Ange , Frédéric le Grand , Winkelmann , Oscar Wilde",
1
N ä c k e , E i n B e s u c h , e t c . (Hans Gross'Archiv, v o l . I V , f a s c . 2 e t 3, p . a55.)
- M a g n a n e t L e g r a i n , les Dégénérés, P a r i s , 1895, p . 79.
3 K a r l J u l i u s W e b e r , Das Pabslthum und die Pübsle, S t u t t g a r t , 1834.
* M o l l , Konträre Sexualempfindung, p . 116.
5 Ibidem, p . i3o.
s Ibidem, p . 122.
7 Jahrb. f. Sex. Zwischenstufen, v o l . I I I , p . irio. L a u p t s , Perversion et Perver-
silé, P a r i s 1896, p . • i o 5 , R a f f a l o v i c h , loa. cit. p . 241.
648 REVUE CRITIQUE
1
Ludwig II de Bavière , etc., e t c . , on se demande involontaire-
ment si la définition de Magnan est applicable à ceux-là.
2
Aussi bien dans la définition de Möbius , que dans la définition
3 4
de Hoche et dans celle du professeur Wertheim-Salomonson ,
d'Amsterdam, nous trouvons les mêmes termes vagues comme
« type », « normal », etc., des termes non décrits, tandis que l'as-
sertion qui est faite dans deux de ces définitions sur l'hérédité, à
savoir « que la déviation peut être transmise par l'hérédité » est,
quant à l'uranisme, comme nous l'avons déjà vu, totalement
erronée ou n'a lieu que très rarement. •
Aucune des définitions ne peut être appliquée à l'uranisme !
Gela n'a rien d'étonnant, étant donnée la grande élasticité de
l'idée « dégénérescence » et les interprétations différentes des
différents auteurs.
Au fond, quant au côté pratique de la question de l'uranisme,
il n'importe guère, si l'on est partisan de la théorie « dégéné-
rescence » ou non. Cela peut, tout au plus, donner lieu à des
discussions stériles. La raison pourquoi j'ai mentionné la question,
n'est autre que pour faire voir que les opinions sont assez divisées
sur ce point, que l'interprétation de l'uranisme comme dégéné-
rescence ou non, de l'uraniste comme dégénéré ou non, dépend
de l'opinion subjective de l'auteur et surtout pour constater
qu'on n'a pas le droit de juger la dégénérescence d'un individu
synonyme avec infériorité individuelle, ce qu'on ne fait que trop
quand il s'agit de l'uraniste.
Dans l'appréciation d'un individu, le fait qu'il est dégénéré
ou non importe très peu. Car, parmi ceux qui ont aidé à l'avan-
cement de la société humaine, ont été beaucoup qui étaient
dégénérés aussi bien dans un très haut degré que dans un degré
moindre et qui, nonobstant leur dégénérescence, ou peut-être
justement par leur dégénérescence, ont conquis une place parmi
les plus grands. En estimant l'uraniste, on n'a pas le droit de
laisser peser la question s'il est dégénéré ou non. Les médecins,
les pasteurs, les instituteurs, les artistes, les juges, les avocats,
tous uranistes que je connais, ne sont ni dans leur travail, ni
1
H a n s F u c h s , Richard Wagner, a. die Homosexualität, B e r l i n igo3 e t Vos-
sische Zeitung du 27 e t 28 j u i n 1886.
• M ö b i u s , c i t é p a r H o c h e , d a n s : Handbuch d. gerichtl. Psychiatrie, Berlin,
1901, p . 4 i 3 .
8
H o c h e , Ibidem, p . 4i3.
* W e r t h e i m - S a l o m o n s o n , J e t s o v c r o n L a a r d i n g . (Ned. Tgdschift v. Genees-
hnnde. 3ge année, v o l . II, igo3, p. 74)
D* A. Aletrino. — URANISME E T DÉGÉNÉRESCENCE 649
1
R a f f a l o v i c h , loc, cil., p . 8o.
2
R a f f a l o v i c h , Annales de l'unisexualitè, P a r i s - L y o n , p . 28.
3
N i i c k e , E i n B e s u c h b e i d e n H o m o s e x u e l l e n , e l c . (i/ans Oross' A rchiv., vol. X V ,
f a s c . 283, pag, 254.)
652 REVUE CRITIQUE
Mais, admettant que les cas, qui sont guéris par l'hypnose et
la suggestion seraient très nombreux, on n'aurait pas encore le
droit de parler de guérison, parce que selon v. Krafft-Ebing, les
résultats de cette thérapie «ne sont pas l'effet d'une guérison,
mais d'un dressage suggestif. Ce sont dès produits artificiels
admirables de l'art hypnotique, obtenus chez des gens anormaux,
mais pas des transformations de fond en comble de la nature
1
psychosexuelle . » E t il ajoute : « Très instructif à cet égard,
est le cas le plus brillant de Schrenck-Notzing. » Le patient dit,
avoir été déclaré guéri : « Je sens toujours comme un invin-
cible obstacle, qui n'est pas la suite de considérations morales,
mais comme je crois l'effet du traitement. En tous cas, de telles
« guérisons » ne prouvent rien contre l'opinion que l'inversion
2
sexuelle est innée. »
Quoique v. Schrenck-Notzing soit un adepte de la théorie que
l'uranisme peut être acquis, il pense que cela peut seulement se
faire quand, chez l'individu, la prédisposition est innée. Il écrit :
« Il est très important, comme preuve, que la disposition de l'in-
version sexuelle est innée, que le type féminin est déjà présent
dans la nature de l'enfant masculin avant l'éveil de la formation
génitale (pas comme le croient les uranistes, avant l'époque de
la puberté) et que, sans l'influence des circonstances externes,
l'instinct sexuel féminin s'est développé de cette nature fémi-
3
nine . »
Dix ans avant lui, Magnan a publié, que « l'inversion du sens
génital » pouvait déjà se manifester dans la première enfance,
dès l'âge de cinq ans, avant qu'une éducation mal dirigée ou des
coutumes mauvaises aient pu corrompre l'individu. Cette opinion
alléguée il y a déjà vingt ans, se trouve confirmée par les recher-
ches postérieures.
J'ai pu constater, chez la plupart des uranistes que j ' a i exami-
nés, que déjà dans leur première enfance il y avait des indica-
tions, qu'ils étaient autres que des jeunes garçons du même âge.
Il y en a parmi eux qui se sont toujours sentis attirés par la
manière d'être et de vivre des jeunes filles et qui ont toujours
trouvé du plaisir à aller avec elles et de jouer leurs jeux ;
quelques-uns ont toujours eu le désir de s'habiller en femme et
il n'y a qu'un seul qui n'a senti s'éveiller que vers sa puberté ou
1 e
V . K r a f f t - E b i n g , Psychopathia sexnalis, 10 é d i t . , p . 280.
2
3
V . K r a f F t - E b i n g , Psychopathia sexualis, io° é d i t . , p . 28a.
V . S c h r e n c k - N o t z i n g , loc. cit., p . 196.
Dr A. Aletrino. — URANISME ET DÉGÉNÉRESCENCE 657
1
M a g n u s H i r s c h f e l d , loc. cil., p. iì.
- H a v e l o c k E l l i s uncl S y m o n d s , Dos konlrâre Geschlcchlsgefùl. Leipsick.
1898, p . 235.
3
F é r é , L'Instinct sexuel, P a r i s , ¡899, p . 45.
* F é r é , Ibidem, p . 249.
5
Casper (Joh. L u d w ) , Klinische Novellai zur crerichllichen Medizin. Berlin,
i863, p . 3/,.
662 REVUE CRITIQUE
2 M o l l , Ibidem, p . 862.
3
K r a f i ' t - E b i n g . lier Conträrsexuale von dem Strafrickler, L e i p s i c l c e t Vienne,
l 8 5
9 i P- 9 9 -
• N ü c k e , d a n s l a Politisch-Anlhropol. Revue, 1903, n ° /[, p . 3i2.
j
D
N ü c k e , d a n s Allg. Zeitschrift, etc., d e I . a e h r , toc. cil., p. 817.
6
V . K r a f f l - E b i n g , d a n s Jahrb. f. sex. Zivischenstufen, v o l . I I I , p . 7.
D" A. Aletrino. — L'RANISME E T D É G É N É R E S C E N C E 6P3
1
H a v e l o c k E l l i s , Sludies in Uie psycholoyy of sexual inversion. a c
édil.,
Philadelphia. 1901.
2 M a g n u s H i r s c h f e l d , Ursnchen und Wesen des Ur.tnisnius, p . 47-
664 REVUE CRITIQUE
néral moins sexuels que les hétérosexuels, sur ce point, tous les
observateurs sont d'accord, et aussi sur ce que leur amour est
en général plus spirituel que corporel.
Du reste, on trouve parmi eux les mêmes types différents que
parmi les hétérosexuels et les uranistes ne sont ni si dépravés
comme le prétendent leurs adversaires, ni des individus si idéaux
comme quelques uranistes le prêchent. Raffalovich dit là-dessus :
« On trouve parmi les uranistes des chastes, des tempérés, des
sexuels, des vicieux et des débauchés; des mâles ultravirils, sur-
tout sujets à l'amour de la similarité, amour physique ou psy-
chique ou l'un et l'autre; d'autres qui sont mâles aussi et aussi
mâles, et qui recherchent dans le mâle quelque chose de plus
délicat que l'homme ou la femme, qui recherchent cette sensibilité
raisonnable, si peu féminine, qu'on peut toucher sans fausse
galanterie, d'autres qui sont mâles eux aussi, mais que la passion
de la dissimilarité poursuit, qui sont charmés d'introduire dans un
commerce unisexuel toutes les mièvreries, toutes les galanteries,
toutes les coquetteries de l'amour hétérosexuel, qui aimeront un
homme comme une femme virile aime un homme, ou comme un
homme aime une femme, suivant l'âge, les circonstances, l'indi-
1
vidu aimant ou aimé . » Näcke est d'accord avec ce que Panizza
dit, à savoir : « Que le commerce sexuel des véritables uranistes
est « très rare », parce que chez eux c'est sans doute une ques-
tion de cœur et d'âme et que la direction de leurs sentiments est
2
principalement spirituelle », et il ajoute ailleurs : « Il se
trouve parmi eux précisément les mêmes nuances de natures fri-
gides et sensuelles, de natures viles et dépravées, comme parmi
3
les hétérosexuels, et aussi des libertins et des roués . »
En ce qui concerne encore la chasteté des uranistes, je veux
mentionner, le fait suivant. Lorsque, il y a quelques années, j'étais
r
à Berlin, où le D Hirschfeld m'a fait la gracieuseté de m'intro-
duire dans une des assemblées semestrielles du Wissenschaft-
lich-humanitäre Com et qu'après la clôture je m'étais rendu à un
de ces bals homosexuels si connus et devenus célèbres, je fus
frappé du ton convenable et des manières honnêtes qui y ré-
gnaient. Et lorsque le lendemain, après avoir eu le plaisir
1
d'assister à un souper entre homosexuels (le D ' Hirschfeld et
1
R a f f a l o v i c h , L'ranisme et unisexualitè, p . 43.
2
Näcke, Angebot und Nachfrage Homosexueller, etc. (Hans Grass'Archiv.,
v o l . V I I I . f a s c . 384, p. 348.)
3
N ä c k e , d a n s Allrj. Zeitschrift, e t c . d e L a e h r , loc. cit., p. 81g.
D* A. Aletrino. — LTUN1S.ME E T D É G É N É R E S C E N C E 665
B I B L I O G R A P H I E
T r a v a u x d e M . A u g . L e m a î t r e , Genève.
M . A u g . L e m a î t r e e s t p r o f e s s e u r a u Collège d e G e n è v e . I l d o n n e le
s p e c t a c l e i n h a b i t u e l e t t o u t à fait d i g n e d ' e n c o u r a g e m e n t d ' u n m a î t r e
q u i , c h a r g é d ' i n s t r u i r e la j e u n e s s e , é t u d i e c e t t e j e u n e s s e e t p u b l i e s u r
elle d e s o b s e r v a t i o n s q u e b i e n d e s d o c t e u r s e n m é d e c i n e s e r a i e n t
heureux de pouvoir signer.
Je n e puis songer à analyser les huit mémoires q u e j e viens de rece-
v o i r d e M . A u g . L e m a î t r e q u e s e s t r a v a u x s u r l ' e n d o p h a s i e chez l e s
enfants avaient d'ailleurs signalé déjà à l'attention des psychologues
M a i s j e d é s i r e c i t e r c e s m é m o i r e s p o u r q u e les l e c t e u r s q u ' i n t é r e s s e -
r a i e n t les s u j e t s t r a i t é s p a r l e p r o f e s s e u r g e n e v o i s p u i s s e n t se r e p o r t e r
a u x t e x t e s m ê m e s . I l s y t r o u v e r o n t d e s faits finement o b s e r v é s ,
apprécieront des qualités de m é t h o d e et, en m ê m e temps q u e beau-
coup d e perspicacité, u n souci m i n u t i e u x d e n e p a s laisser dans l'ombre
d e c e s d é t a i l s q u i , e n p s y c h o l o g i e , s o n t s o u v e n t la r a i s o n d é t e r m i n a n t e
d e s p h é n o m è n e s les p l u s c o n s i d é r a b l e s . C e n ' e s t p a s d e l'a peu près
à la façon d e c e r t a i n s p r i n c e s d e l a s c i e n c e , n i d e l'erreur à jet continu
s e l o n la m a n i è r e d e B o u r g e t e t d e s r o m a n c i e r s d e m ê m e f a r i n e ; c'est
de la s c i e n c e t o u t s i m p l e m e n t .
J e n n y - A z a ë l a , h i s t o i r e d ' u n e s o m n a m b u l e g e n e v o i s e a u siècle
d e r n i e r (Archives de psychologie, t. II, Genève, Kùndig, éditeur),
est u n e r e c o n s t i t u t i o n h i s t o r i q u e à la façon d e c e s t r a v a u x d ' a r c h é o l o g i e
m é d i c a l e d o n t L a c a s s a g n e t e n t a i t , d è s 1 8 9 0 , d e d o n n e r le g o û t a u x
c h e r c h e u r s e t d o n t il s'efforçait, p r ê c h a n t d ' e x e m p l e , d e p r o v o q u e r
l ' é c l o s i o n . E t a y é e s u r d e s d o c u m e n t s d i g n e s d e foi, l ' h i s t o i r e de la
s o m n a m b u l e g e n e v o i s e se r a p p r o c h e , s e l o n A u g . L e m a î t r e , d e celle d e
r
la F e z i d a d u D Azam ; a j o u t o n s q u e la p e r s o n n a l i t é d o u b l e d e J e n n y -
Azaëla se m a n i f e s t a p e n d a n t 49 a n s ; c'est là u n fait sinon u n i q u e , du
m o i n s u n fait q u i n ' a v a i t j a m a i s é t é s c i e n t i f i q u e m e n t s i g n a l é .
In d e s P h é n o m è n e s d e p a r a m n é s i e à p r o p o s d ' u n c a s spécial
(Archives de psychologie, rev., cit., t. I I I ) , Aug. Lemaître donne à
l ' o b s e r v a t i o n d ' u n g a r ç o n n e t d e i 5 a n s q u ' i l a l o n g u e m e n t é t u d i é la
c o n c l u s i o n q u e la p a r a m n é s i e c o n s i s t e , a u m o i n s d a n s le cas signalé
p a r l u i , en une reviviscence consciente UE P E R C E P T I O N S SCBCONSCIENTES
4
Rappelons aussi Audition colorée et phénomènes connexes observés chez des
écoliers, 170 p . , 120 fig. P a r i s , A l c a n .
BIBLIOGRAPHIE 669
J e n e p u i s a n a l y s e r , fût-ce d e la façon la p l u s s u c c i n t e : Fritz Algkr,
histoire et guérison d'un désordre cérébral précoce ( r e v . c i t . , t. V ) .
Il s'agit d ' u n e n f a n t de i 5 a n s p r é s e n t a n t u n e des f o r m e s d u p h é n o -
m è n e q u e j ' a i d é s i g n é j a d i s sous le n o m de distraction cérébrale
(v. Ann. méd. psych. 1898); ce c a s , q u i é t a i t t y p i q u e , et tel q u ' i l est
r a r e d ' e n r e n c o n t r e r d'aussi n e t , fut traité p a r A u g . L e m a î t r e q u i p a r v i n t
à g u é r i r son m a l a d e en faisant a p p a r a î t r e p r o v i s o i r e m e n t d a n s le c h a m p
d e la c o n s c i e n c e u n e n o u v e l l e p e r s o n n a l i t é d e s t i n é e à e x e r c e r u n e influence
s a l u t a i r e et à é l i m i n e r u n e p e r s o n n a l i t é s e c o n d e . On s a i t q u e M . A u g .
L e m a î t r e a p l u s ou m o i n s c o l l a b o r é a u x r e c h e r c h e s a d m i r a b l e s d e
m i n u t i e q u e le P r o f e s s e u r à la F a c u l t é d e s s c i e n c e s d e G e n è v e , T h .
F l o u r n o y , a e x p o s é e s d a n s u n c h e f - d ' œ u v r e d e la p s y c h o l o g i e c o n -
t e m p o r a i n e : des Indes a la Planète Mars ( P a r i s , A l c a n , e t G e n è v e ) .
C ' e s t p r o b a b l e m e n t sous l'influence de T h . F l o u r n o y q u ' A u g . L e m a î t r e
a a c q u i s les n o t i o n s p h y s i o l o g i q u e s q u i lui p e r m e t t e n t n o n s e u l e m e n t
de d é c r i r e s c i e n t i f i q u e m e n t les cas m o r b i d e s ou s u b n o r m a u x , m a i s
e n c o r e de les t r a i t e r r a t i o n n e l l e m e n t . D i s o n s q u ' H é l è n e S m i t h , l ' h é -
r o ï n e d e des Indes, a c t u e l l e m e n t , j e c r o i s , la p r o i e d e s s p i r i t e s d o n t
c e r t a i n ou p l u t ô t c e r t a i n e la t r a i t a , p a r a î t - i l , r o y a l e m e n t , m e p a r a î t e n
r u p t u r e de laboratoire et que, n é a n m o i n s , M. Aug. Lemaître p u t
o b t e n i r d'elle t o u s les é c l a i r c i s s e m e n t s n é c e s s a i r e s à l ' é t u d e d e s p l u s
i n t é r e s s a n t e s q u ' i l v i e n t de lui c o n s a c r e r : Un nouveau cycle somnam-
lle
bulique de M Smith, ses peintures religieuses ( r e v . c i t . , t. V I I ) .
L ' O n a n i s m o p r e c o c e nei ragazzi e la s u a c u r a p s i c h i c a (In Rivista di
psicologia applicata alla pedagogia ed alla psicopathologia, Cesare
F e r r a r i d i r e t t o r e ) . Ce sujet, d e v a n t l e q u e l e u s s e n t r e c u l é nos p r o f e s -
s e u r s français, est t r a i t é a v e c b e a u c o u p d ' a u t o r i t é p a r A u g . L e m a î t r e ,
q u i e n s e i g n e c o m m e n t il faut s u g g e s t i o n n e r les sujets p o u r les d é b a r -
r a s s e r de l e u r s h a b i t u d e s s e c r è t e s . J e v o u d r a i s q u e t o u s les m a î t r e s
p u s s e n t lire c e t a r t i c l e d a n s l e q u e l A u g . L e m a î t r e e n s e i g n e c o m m e n t
il f a u t p r o v o q u e r e t accueillir les confidences d e s j e u n e s g e n s , p a r
q u e l s a r g u m e n t s on p e u t a r r i v e r à l e u r faire i m p r e s s i o n . A u g . L e m a î t r e
r e p o u s s e l'idée d ' i m p o s e r a u x j e u n e s g e n s des c o n f é r e n c e s d o n t f i n
c o n v é n i e n t s e r a i t d ' a t t i r e r l ' a t t e n t i o n d e t o u s s u r u n sujet d o n t b e a u -
c o u p n e se p r é o c c u p e n t p a s . Il faut e n t r e t e n i r les sujets en p a r t i c u l i e r .
« C o l mezzo di conferenze p a r t i c o l a r i in cui si u s e r à con t a t t o e c o n
« p o n d e r a z i o n e di t u t t a la p r o p r i a e l o q u e n z a p e r s u a s i v a . — U n p r o c e -
« d i m e n t o c h e m i é r i u s c i t o q u a s i s e m p r e , é s l a t o il c h i a m a r e al m i o
« p a t e r n o t r i b u n a l e il d e l i n q u e n t e e di c o m i n c i a r e , c o m e l'esposi p r i m a ,
« d a l d o m a n d a r g l i se é a b i t u a t o a d i r e la v e r i t à . D o p o u n o s c a m b i o
« di v e d u t e su q u e s t o p u n t o , e senza lasciargli il t e m p o di r i f l e t t e r e ,
« gli farei delle d o m a n d e d i r e t t e , a b r u c i a p e l o , m a c o n dolcezza e
« n a t u r a l e z z a . . . » L e rôle d u m a î t r e d e m a n d e b e a u c o u p d e t a c t et j e
p e n s e aussi q u e la p l u p a r t d e s g e n s a p p e l é s à i n t e r r o g e r a i n s i les
e n f a n t s se t r o u v e r o n t b i e n d a n s l e u r p r o p r e i n t é r ê t de ne p a s , en g é n é r a l ,
670 BIBLIOGRAPHIE
e t d e la fiche i n t e r n a t i o n a l e , c e u x q u i , p a r profession o u p a r g o û t
s ' o c c u p e n t d u p r o b l è m e d e l ' i d e n t i f i c a t i o n , t r o u v e r o n t d a n s ce livre
l ' e x p o s é c o m p l e t et d é t a i l l é de t o u s l e s s y s t è m e s a c t u e l l e m e n t p r o p o s é s
ou m i s e n u s a g e : p h o t o g r a p h i e j u d i c i a i r e , n o t a t i o n c h r o m a t i q u e de
l'iris, s i g n a l e m e n t e t p o r t r a i t p a r l é , c a r n e t D . K. V . , d e s c r i p t i o n d e s
m a r q u e s p a r t i c u l i è r e s , a n t h r o p o m é t r i e , identification p s y c h i q u e p a r la
m é t h o d e i t a l i e n n e d ' O t t o l e n g h i . On y r e n c o n t r e r a r é u n i s e t c o m p a r é s
p o u r la p r e m i è r e fois, t o u s les s y s t è m e s b a s é s s u r la c o n s i d é r a t i o n des
empreintes : dactyloscopies de G a l t o n - H e n r y , de W i n d t - K o d i c e k , de
Valladares, de Pottecher, de Vucetich, de Daae, de Bertillon, de
R o s c h e r , d e G a s t i e t d ' O l o r i z . On l i r a enfin le p r o j e t d ' u n n o u v e a u
m o d e d e c l a s s e m e n t p h o n é t i q u e d e s fiches avec r é d u c t i o n à u n
a l p h a b e t t y p e d e t o u s les a l p h a b e t s e u r o p é e n s .
L e s m é d e c i n s - l é g i s t e s a u r o n t r e c o u r s à c e t o u v r a g e p o u r les q u e s -
t i o n s c o n c e r n a n t l ' i d e n t i t é p a r les e m p r e i n t e s e t les t r a c e s d e s d o i g t s ,
s p é c i a l e m e n t en ce q u i r e g a r d e les e m p r e i n t e s i n v i s i b l e s r é v é l é e s et les
photographies d'empreintes.
E n f i n les j u r i s t e s y t r o u v e r o n t u n e x p o s é c o m p l e t d u f o n c t i o n n e m e n t
d u c a s i e r j u d i c i a i r e e t d e s services d ' i d e n t i t é d a n s t o u s l e s é t a t s .
T e l est c e l i v r e , b o n et c o m p l e t , a u q u e l j e p r é d i s u n r é e l s u c c è s . Il
s e r a b i e n t ô t c l a s s i q u e d a n s t o u s les s e r v i c e s d ' i d e n t i f i c a t i o n : j ' é p r o u v e
q u e l q u e p l a i s i r à p e n s e r q u ' i l a été fait d a n s m o n l a b o r a t o i r e et à m e s
côtés. J e remercie sincèrement m o n collaborateur et ami Locard
d ' a v o i r m e n é à b i e n u n e œ u v r e a u s s i i m p o r t a n t e et q u i l u i fait le p l u s
grand honneur.
A. LACASSAGNE.
S o u s ce t i t r e si s i m p l e , M M . A u t h e a u m e et D r o m a r d o n t é c r i t un
ouvrage i m p o r t a n t . I m p o r t a n t n o n seulement p a r l'ampleur du
v o l u m e , m a i s p a r les m a t é r i a u x q u i y s o n t c o n t e n u s .
T o u t e n r e s t r e i g n a n t l e u r e n q u ê t e e t l e u r a n a l y s e à la l i t t é r a t u r e
p o é t i q u e les a u t e u r s e m b r a s s e n t l ' e n s e m b l e de la q u e s t i o n d e s r a p p o r t s
d u g é n i e e t d e la folie. D a n s u n p r e m i e r c h a p i t r e i n t i t u l é les p a r a -
d o x e s d e la s c i e n c e , ils v o n t n o u s d i r e i m m é d i a t e m e n t q u e l l e s s o n t
l e u r s i d é e s s u r c e p o i n t a p r è s avoir r é f u t é c o m m e e l l e s le m é r i t e n t les
d o c t r i n e s d e L o m b r o s o s u r ie g é n i e , ils c o n c l u e n t : « L e g é n i e n ' e s t p a s
u n e n é v r o s e , m a i s il p e u t se c o m p l i q u e r de n é v r o s e . Bien m i e u x ,
l ' a s s o c i a t i o n d e l ' é l é m e n t m o r b i d e à l ' e s p r i t g é n é r a l est p l u s q u ' u n
h a s a r d f o r t u i t , p l u s q u ' u n e s i m p l e c o ï n c i d e n c e . G é n i e et n é v r o s e s o n t
s o u v e n t reliés p a r u n e s o u c h e c o m m u n e e t c e t t e s o u c h e c o m m u n e est
r e p r é s e n t é e c h e z l ' i n d i v i d u p a r u n c o m p l e x u s d e t e n d a n c e s ou d e
forces v i r t u e l l e s q u ' o n n o m m e le t e m p é r a m e n t . E n d ' a u t r e s t e r m e s , le
g é n i e n ' e s t n u l l e m e n t d ' u n e e s s e n c e m o r b i d e , il n ' e s t p a s d a v a n t a g e
BIBLIOGRAPHIE 673
l'effet, le p r o d u i t o u la c o n s é q u e n c e d ' u n e m a l a d i e o u d ' u n e t a r e , m a i s
il p r e n d n a i s s a n c e e t se d é v e l o p p e d a n s des c o n d i t i o n s p s y c h o -
b i o l o g i q u e s q u i s o n t e l l e s - m ê m e s u n t e r r a i n d e c u l t u r e p o u r la t a r e e t
la m a l a d i e . L e s fléaux d e l ' e s p r i t p e u v e n t d o n c l ' e s c o r t e r . C e t t e e s c o r t e
n ' e s t p o i n t n é c e s s a i r e d ' a i l l e u r s , elle r e p r é s e n t e n o n u n e c a u s e , n o n u n e
c o n d i t i o n , m a i s b i e n u n e r a n ç o n et en q u e l q u e façon u n e g a n g u e . »
J e crois q u e d a n s ces t e r m e s la q u e s t i o n est a d m i r a b l e m e n t p o s é e et
q u ' i l faut r é p é t e r q u e l'inégalité d u d é v e l o p p e m e n t c é r é b r a l c r é e d ' é m i -
n e n t e s et e x c e p t i o n n e l l e s s u p é r i o r i t é s . Elles n e s o n t p a s d ' o r d r e p a t h o -
l o g i q u e m a i s c o e x i s t e n t f r é q u e m m e n t a v e c des p h é n o m è n e s p a t h o l o g i -
q u e s , e t ces p h é n o m è n e s p a t h o l o g i q u e s o n t u n e i n f l u e n c e différente
s u i v a n t les c a r a c t è r e s d e la s u p é r i o r i t é .
« Il y a des g é n i e s intellectuels, brasseurs d'idées neuves, et nous ne
voyons guère qu'en ceux-là l'intervention d'un parasitisme patholo-
g i q u e p u i s s e a p p o r t e r a u t r e c h o s e q u e l ' o b s t a c l e e t l ' i n h i b i t i o n . Il y a
des g é n i e s d'action, b r a s s e u r s d ' e n t r e p r i s e s . La folie a p u les s e r v i r m a i s
elle les a s e r v i s i n d i r e c t e m e n t e t à l e u r i n s u .
« A i n s i a-t-on v u des e s p r i t s m a l a d e s e n t r a î n e r la foule d a n s l e u r
politique ou leur religion.
« L ' i n t r é p i d i t é q u i n a î t d e l ' é g a r e m e n t d o n n e ici la p r i m e i m p u l s i o n
e t la s o t t i s e h u m a i n e se c h a r g e d u r e s t e . E n f i n , il y a des g é n i e s d'ordre
émotionnel, p o u r v o y e u r s de s e n t i m e n t s r a r e s e t de s e n s a t i o n s e x q u i -
s e m e n t raffinées. La c r é a t i o n e x i g e d ' e u x u n e e x c i t a b i l i t é n e r v e u s e , u n
é r é t h i s m e p a s s i o n n e l , u n e p r é d o m i n a n c e d e s é t a t s affectifs q u i p e u v e n t
s'alimenter aux sources pathologiques. »
E n p s y c h o l o g u e s avisés, e n l i t t é r a t e u r s , e n p s y c h i a t r e s e x p é r i m e n t é s ,
les a u t e u r s é t u d i e n t les s o u r c e s de l ' i n s p i r a t i o n p u i s le t e r r a i n n é v r o -
p a t h i q u e s u r l e q u e l é c l o s e n t ces g é n i e s d ' o r d r e é m o t i o n n e l . J e s i g n a l e
c o m m e t o u t à fait r e m a r q u a b l e s les o b s e r v a t i o n s m é d i c o - p s y c h o l o g i -
q u e s s u r Alfred de M u s s e t , C h a r l e s B a u d e l a i r e , P a u l V e r l a i n e , E d g a r
P o é , G é r a r d de N e r v a l , Le T a s s e , N i c o l a s L e n a n , e t c .
C e t t e é t u d e a n a l y t i q u e e n t r a î n e u n e s y n t h è s e q u i o c c u p e la d e r n i è r e
partie de l'ouvrage.
D a n s quelles proportions et sous quelles formes s u r t o u t l'infiltration
d e la m a l a d i e o u de l ' a n o m a l i e p e u t - e l l e influer s u r la p r o d u c t i o n
générale ?
L a s o l u t i o n d u p r o b l è m e est difficile. Les c o n c l u s i o n s d u l i v r e s o n t
p e u p r é c i s e s . L e s a u t e u r s o n t laissé a u x l e c t e u r s le l i b r e c h o i x p a r m i
les a r g u m e n t s p o u r o u c o n t r e q u ' i l s o n t r é u n i s . J e c r o i s en effet q u e
nos c o n n a i s s a n c e s e n p s y c h o p h y s i o l o g i e ne s o n t p a s suffisamment
p r é c i s e s p o u r p e r m e t t r e d ' a p p o r t e r u n e s o l u t i o n définitive.
Quoi q u ' i l e n soit, l ' o u v r a g e e s t des p l u s i n t é r e s s a n t s p a r le n o m b r e
des problèmes variés qu'il p e r m e t d'envisager, par l'érudition remar-
q u a b l e d e s a u t e u r s , p a r le style clair e t c h â t i é q u i e n r e n d la l e c t u r e
agréable et m ê m e attrayante. E. M.
A r c h . A n l h r . Criin. 120S — 46
674 R E V U E D E S J O U R N A U X E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
E. SI.MON-AUTEROCHE, j u g e au T r i b u n a l de Chalons-sur-Marne : M a n u e l
1
p r a t i q u e d e D r o i t M é d i c a l , Préface du D ' L. Lereboullet. Paris,
Octave Doin, é d i t e u r , 1908, 1 v o l . 290 pages.
R e c u e i l t r è s c o m p l e t d e s lois, r è g l e m e n t s et a r r ê t s q u i r é g i s s e n t
l ' e x e r c i c e d e la m é d e c i n e suivi d ' u n i n d e x a l p h a b é t i q u e à l ' a i d e d u q u e l
o n p e u t e u q u e l q u e s s e c o n d e s t r o u v e r et se r e p o r t e r a u x a r t i c l e s q u i
intéressent.
Chronologie d e s T r a u m a t i s m e s . — M . C U A V I G X Y , p r o f e s s e u r
a g r é g é a u V a l - d e - G r â c e . — D a n s c e r t a i n s cas d e t r a u m a t i s m e s m u l t i -
p l e s , il p e u t ê t r e i n t é r e s s a n t p o u r le m é d e c i n l é g i s t e d e d é t e r m i n e r
d a n s q u e l o r d r e les b l e s s u r e s se s o n t s u c c é d é .
D e p u i s T a r d i e u , il n e m ' a p a s p a r u q u ' o n ait fait g r a n d p r o g r è s d a n s
ce g e n r e d e r e c h e r c h e s , e t o n e n e s t r e s t é à c e t t e n o t i o n q u ' u n e p r e -
m i è r e b l e s s u r e , s u s c e p t i b l e , à elle s e u l e , d e p r o v o q u e r la m o r t , p e u t
m o d i f i e r l ' a s p e c t des b l e s s u r e s s u b s é q u e n t e s , s u r v e n u e s e n r é a l i t é post
mortem.
D a n s les cas o ù les t r a c e s d e s t r a u m a t i s m e s s o n t assez v o i s i n e s p o u r
e m p i é t e r les u n e s s u r les a u t r e s , il m ' a s e m b l é q u e les m o d i f i c a t i o n s
o b s e r v é e s p o u v a i e n t s e t r a d u i r e d a n s l ' é n o n c é d ' u n e s o r t e de loi fort
simple :
Le tracé des lésions produites par une blessure est modifié parles
blessures préexistantes de la région.
J ' e n apporte un exemple très typique, se r a p p o r t a n t aux t r a u m a -
t i s m e s du s y s t è m e o s s e u x . S u r l e s o s , il e s t d e n o t i o n c o u r a n t e e n c h i -
r u r g i e d e g u e r r e , q u e les b l e s s u r e s p a r a r m e à f e u p r o v o q u e n t d e s
fissures, d e s i r r a d i a t i o n s à f o r m e p r e s q u e g é o m é t r i e u e et s ' é t e n d a n t
s o u v e n t fort loin d u p o i n t d i r e c t e m e n t t r a u m a t i s é . Dsus u n e m ê m e
r é g i o n , l e s fissures p r o v o q u é e s p a r u n p r e m i e r t r a u m a t i s m e e m p ê c h e n t
l ' i r r a d i a t i o n d e s fissures q u e d e v r a i e n t p r o v o q u e r l e s t r a u m a t i s m e s
ultérieurs,,
J e p r é s e n t e à la S o c i é t é u n c r â n e s u r l e q u e l il e s t t r è s facile d e c o n s -
t a t e r u n e a p p l i c a t i o n d e la l o i s u s - i n d i q u é e . U n p r e m i e r c o u p d e feu a
t r a v e r s é , d e d e d a n s e n d e h o r s , lu v o û t e c r â n i e n n e a v e c f o r m a t i o n d e
l o n g u e s fissures e n é t o i l e . U n d e u x i è m e c o u p d e f e u a " r é v o q u é s u r
c e t t e v o û t e u n e f r a c t u r e p a r c o n t a c t avec f i s s u r e c i r c u l a i r e d e s o u l è -
v e m e n t . Le t r a c é c i r c u l a i r e e s t modifié d a n s s a f o r m e p a r c e q u ' i l a
r e n c o n t r é s u r s o n t r a j e t u n e d e s fissures r é s u l t a n t d e l a b l e s s u r e p r é -
c é d e n t e et q u i e n a a r r ê t é l a p r o p a g a t i o n .
676 REVUS D E S JOURNAUX. E T D E S S O C I É T É S SAVANTES
O n p e u t d o n c r i g o u r e u s e m e n t c o n c l u r e q u e le t r a u m a t i s m e p a r con-
t a c t e s t p o s t é r i e u r a u c o u p d e feu p e r f o r a n t .
L a pièce q u e j e p r é s e n t e e s t u n e pièce e x p é r i m e n t a l e , m a i s , p a r d e
n o m b r e u s e s pièces r é u n i e s , p a r e x e m p l e , au M u s é e d u V a i - d e - G r â c e ,
il e s t d é m o n t r é d e p u i s l o n g t e m p s q u e les fissures osseuses s o n t i d e n -
t i q u e s d a n s l e s c a s c l i n i q u e s e t d a n s les cas e x p é r i m e n t a u x .
Les m ê m e s c o n s i d é r a t i o n s s ' a p p l i q u e n t e x a c t e m e n t , e t l a loi q u e j ' a i
é n o n c é e e s t v a l a b l e , p o u r les b l e s s u r e s d e s p a r t i e s m o l l e s , e t p a r t i c u -
l i è r e m e n t p o u r les s e c t i o n s d e la p e a u .
i n s c r i t e s en i t a l i q u e les modifications et a d j o n c t i o n s p r o p o s é e s p a r
elle.
« A r t i c l e p r e m i e r . — La liste des e x p e r t s , a d m i s à p r a t i q u e r les
e x p e r t i s e s en m a t i è r e c r i m i n e l l e e t c o r r e c t i o n n e l l e , est d r e s s é e c h a q u e
a n n é e p o u r l ' a n n é e suivante p a r les c o u r s d ' a p p e l , le p r o c u r e u r g é n é r a l
1
e n t e n d u , s u r la proposition des t r i b u n a u x d e p r e m i è r e i n s t a n c e d u
ressort.
« Les e x p e r t s s o n t classés s u r c e t t e liste alphabétiquement et, autant
2
que possible,par catégories, suivant leur spécialité .
« A r t . 2. — L a liste des m é d e c i n s e t c h i m i s t e s , a d m i s à p r a t i q u e r
les e x p e r t i s e s m é d i c o - l é g a l e s et c h i m i c o - l é g a l e s d e v a n t les t r i b u n a u x ,
est d r e s s é e dans les mêmes conditions, après avis des F a c u l t é s e t
E c o l e s de m é d e c i n e , d e p h a r m a c i e et de s c i e n c e s .
« Les propositions des tribunaux et les désignalions de la Cour
d'appel ne peuvent porter que sur des docteurs en médecine, ou licen-
ciés ès sciences, de nationalité française, demeurant soit dans Гаг-
rondissement du tribunal, soit dans le ressort de la Cour. Les docteurs
en médecine doivent avoir au moins cinq ans d'exercice de la profes-
sion médicale, ou être munis du diplôme de l'Université de Paris por-
tant la mention « m é d e c i n e légale et p s y c h i a t r i e » créé par décision
ministérielle du 22 juin 1 903, soit d'un diplôme analogue créé par
d'autres Universités par application des dispositions de l'article 15
3
du décret du 21 juillet 1897 .
4
« Pourront, en outre, être inscrits, sur leur acceptation : les
m e m b r e s d e l ' A c a d é m i e d e m é d e c i n e ; les m e m b r e s d e l ' A c a d é m i e d e s
1
L e t e x t e p o r t a i t : « S u r l'avis », e t d a n s l ' a r t i c l e 2 o n l i t : a s u r l a proposi-
tion ». C e t t e d e r n i è r e e x p r e s s i o n e s t la p l u s e x a c t e ; e l l e s e r e n c o n t r e , d ' a i l -
p er
l e u r s , d a n s l e d é c r e t d u io a v r i l 1906 (article I ).
2
L ' a r t i c l e 2, § 2, à p r o p o s d e s m é d e c i n s e t c h i m i s t e s , e m p l o i e l e s m o t s e n
italiques c i - d e s s u s , s a u f l e m o t « a l p h a b é t i q u e m e n t » ; n o u s a v o n s p e n s é q u ' i l
c o n v e n a i t d e l e s e m p l o y e r d a n s l ' a r t i c l e 1« q u i v i s e t o u s l e s e x p e r t s , e n g é n é -
ral, « a d m i s à pratiquer les expertises en m a t i è r e criminelle et c o r r e c t i o n -
n e l l e ».
Le c l a s s e m e n t alphabétique dans chaque catégorie aurait l'avantage de ne
froisser a u c u n e susceptibilité et n'impliquerait aucune préférence ou r e c o m -
mandation quelconque.
3
N o u s a v o n s e m p r u n t é ce paragraphe p r e s q u e t e x t u e l l e m e n t à l'article 2 du
d é c r e t d u 10 a v r i l 1906, réglant les c o n d i t i o n s dans l e s q u e l l e s est conféré le
titre d'experl-médecin devant les tribunaux.
4 2 u e
L a p r o p o s i t i o n d e l o i C r u p p i d i t ( a r t . 2, S ) < i les personnes énumérées
« feraient partie de droit » d e l a l i s t e d e s e x p e r t s d r e s s é e c h a q u e a n n é e p a r
les cours d'appel.
N o u s a v o n s p e n s é qu'il é t a i t i m p o s s i b l e « d ' i m p o s e r à d e s m e m b r e s é m i n e n t s
du corps médical l'obligation d'être e x p e r t s malgré eux et de déférer à t o n l e
r é q u i s i t i o n d e j u s t i c e , s o u s l e s p e i n e s é d i c t é e s p a r l ' a r t i c l e 2З d e l a l o i d u
3 o n o v e m b r e ¡892. D e p l u s , il n e n o u s p a r a î t r a i t p a s s a n s i n c o n v é n i e n t s d e c r é e r
d e u x catégories d'experts, dont l'une apparaîtrait n é c e s s a i r e m e n t dans une situa-
tion inférieure vis-àvis de l'autre.
678 R E V U E D E S JOURNAUX ET D E S SOCIÉTÉS S A V A N T E S
p o u r faire c e t t e d é s i g n a t i o n .
1
Les m e m b r e s d e l ' A c a d é m i e de m é d e c i n e et c e u x de l ' A c a d é m i e d e s s c i e n c e s
n e f i g u r e n t p a s d a n s !a l i s t e d e s m e m b r e s d e d r o i t d e l a p r o p o s i t i o n C r u p p i .
N o u s a v o n s p e n s é qu'on d e v a i t l e s y c o m p r e n d r e , s'ils a c c e p t a i e n t d'y ê t r e
inscrits.
2
Les professeurs itgrêgès n ' o n t p a s é t é m e n t i o n n é s d a n s ia p r o p o s i t i o n
C r u p p i . c e l a n e petit être q u e le r é s u l t a t d ' u n e e r r e u r , p u i s q u ' à c ô t é d e s p r o f e s -
s e u r s t i t u l a i r e s l a p r o p o s i t i o n m e n t i o n n e .< l e s c h a r g é s d e c o u r s ».
3
Nous empruntons paragraphe
ce e t io s u i v a n t à l'article 4 d e la p r o p o s i t i o n
d e l o i C r u p p i , h - q a e i n e s ' a p p i i q u a i t q u ' à la d é s i g n a t i o n d e s e x p e r t s , « f a i s a n t
p a r t i e d e d r o i t » d e ia i i s i e a n n u e l l e
4
C o n t r c - p r o j s i K o v i e r - L a p i e r r e ( C h a m b r e d e s d é p u t é s , ¡ 6 j a n v i e r 1899).
5
L o r s d e la d i s c u s s i o n d e ia p r o p o s i t i o n d e loi d e v a n t la C h a m b r e d e s d é p u t é s
{sg j u i n 1899: Journal officiel, p. iy36), M . L a p a s s e a v a i t déjà d e m a n d é q u e c e
d é l a i f u t i'éciuif àun jour franc et M. G o u r d e , eu faveur d'un court délai,
d e m a n d a i t qu'on interrogeât les d o c t e u r s en m é d e c i n e sur cette i m p o r t a n t e
q u e s t i o n . La S o c i é t é de m é d e c i n e l é g a l e s'est p r o n e n c é e d a n s le s e n s c i - d e s s u s
(12 j u i l l e t 1899).
G
accuses ci n o n d e s « i n c u l p é s », c o m m e
D e v a n t la c o u r d ' a s s i s e s c e s o n t d e s
le dit à tort le l e x i e de la p r o p o s i t i o n de loi.
De plus, nous nietions inculpés accusés, p a r c e q u e , d a n s n o t r e p e n s é e ,
et ce
REVUE D E S JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS S A V A N T E S 679
d e r n i e r p a r a g r a p h e d e l'article 4, ne v i s e pas s e u l e m e n t le q u a t r i è m e , m a i s l e
premier.
1
L o r s d e l a d i s c u s s i o n d e la loi d e v a n t la C h a m b r e d e s d é p u t é s (5.9 j u i n 1899.
Journal officiel, p. l y i ï y ) . s u r l ' o b s e r v a t i o n d e M , Jjm-.oÏH, l e r a p p o r t e u r ,
M . C r u p p i , a v a i t d i t : « Il e s t b i e n é v i d e n t q u e c e t i e r s a r b i t r e , d a n s l a p e n s é e
d e la C o m m i s s i o n , d o i t ê t r e c h o i s i p a r m i l e s experLs i r . s c r i U s u r la l i s t e a n n u e l l e
d u r e s s o r t . » — X o u s p e n s o n s , a u c o n t r a i r e , qu'il y a u r a i t a v a n t a g e a c e q u ' i l
p u i s s e l'être e n d e h o r s .
680 NOUVELLES
N O U V E L L E S
L e s e n f a n t s , l e s f e m m e s e t l e s f a r d e a x i x . — U n d é c r e t a été
p u b l i é a u Journal officiel le n m a r s d e r n i e r , q u i c o m p l è t e u n p r é -
c é d e n t d é c r e t d u Ï 3 m a i i 8 g 3 s u r le m a x i m u m d e c h a r g e à faire p o r t e r
à u n enfant.
D o r é n a v a n t , les g a r ç o n s a u - d e s s o u s d e 1 4 a n s n e p o u r r o n t p o r t e r
des f a r d e a u x p e s a n t p l u s d e 1 0 k i l o g r a m m e s e t l e s o u v r i è r e s a u - d e s s o u s
de 14 a n s p l u s d e 5 k i l o g r a m m e s .
NOUVELLES 681
D e 1 4 à i 5 a n s , les g a r ç o n s n e p o r t e r o n t pas p l u s d e i 5 k i l o g r a m m e s ;
de 1 6 à 1 8 a n s , 20 k i l o g r a m m e s . L e s o u v r i è r e s d e 1 4 à i 5 a n s , 8 k i l o -
g r a m m e s ; 1 6 ou 1 7 ans, 1 0 kilogrammes.
L e t r a n s p o r t s u r tricycles p o r t e u r s à p é t r o l e e s t i n t e r d i t a u x g a r ç o n s
de m o i n s d e 1 8 a n s e t a u x o u v r i è r e s d e t o u t â g e .
L e n o u v e a u d é c r e t r é g l e m e n t e e n o u t r e , p o u r la p r e m i è r e fois, l e s
charges qui peuvent être imposées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
des é t a b l i s s e m e n t s , a u x f e m m e s âgées d e p l u s d e d i x - h u i t a n s e t i n a u -
g u r e u n e p r o t e c t i o n spéciale e n faveur d e s f e m m e s r é c e m m e n t a c c o u -
c h é e s . Il e s t i n t e r d i t d é s o r m a i s d e faire p o r t e r , p o u s s e r o u t r a î n e r u n e
charge quelconque p a r des femmes dans les trois semaines qui suivent
leurs couches. L'interdiction n e s'applique q u e lorsque l'ouvrière a
fait c o n n a î t r e a u chef d e l ' é t a b l i s s e m e n t la d a t e d e s e s c o u c h e s .
L a C h a m b r e d e s r e q u ê t e s , p r é s i d é e s p a r M . T a n o n , a, ainsi que le
lui d e m a n d è r e n t le c o n s e i l l e r r a p p o r t e u r L o u b e r s et l'avocat général
. L o m b a r d , r e j e t é le p o u r v o i .
S o n a r r ê t , d o n t on n e s a u r a i t m é c o n n a î t r e la p o r t é e , d é c i d e q u e
l ' h o m m e d e l ' a r t n ' a p a s , p o u r la r é d a c t i o n d u certificat relatif à
l'internement d'une personne aliénée, une latitude absolue, spécia-
l e m e n t e n ce q u i c o n c e r n e la d é s i g n a t i o n des tiers d o n t l ' é t a t m e n t a l
n ' e s t pas e n q u e s t i o n e t q u e c e r t a i n e s a p p r é c i a t i o n s i n t r o d u i t e s à l e u r
é g a r d d a n s u n certificat q u i n ' a d ' a u t r e b u t q u e de justifier la d e m a n d e
d ' i n t e r n e m e n t , p e u v e n t r e v ê t i r u n c a r a c t è r e abusif e t d e v e n i r ainsi
p o u r e u x le p r i n c i p e d ' u n e a c t i o n e n r é p a r a t i o n .
L ' a r r ê t c o n c l u t q u e le m é d e c i n a é t é à b o n d r o i t c o n d a m n é à des
d o m m a g e s - i n t é r ê t s e n v e r s les t i e r s , à r a i s o n des a p p r é c i a t i o n s qu'il
a v a i t p o r t é e s s u r l e u r c o m p t e e t q u i p r é s e n t a i e n t p r é c i s é m e n t un
c a r a c t è r e abusif.
U n e r e v i s i o n . —• L ' a n d e r n i e r , u n n o m m é G u é r i n é t a i t c o n d a m n é ,
m a l g r é ses p r o t e s t a t i o n s , p a r le T r i b u n a l de F o u g è r e s à d e u x m o i s de
p r i s o n p o u r o u t r a g e p u b l i c à la p u d e u r et la C o u r d e R e n n e s confir-
m a i t ce j u g e m e n t , O r , q u e l q u e s s e m a i n e s p l u s t a r d et p o u r le m ê m e
fait, u n n o m m é G a u t i e r é t a i t c o n d a m n é p a r le T r i b u n a l de F o u g è r e s
et ce j u g e m e n t était, lui aussi, c o n f i r m é p a r la C o u r de R e n n e s .
L e m i n i s t r e de la j u s t i c e a y a n t é t é saisi d u fait la C o u r de c a s s a t i o n
p o u r i n c o n c i l i a b i l i t é d ' a r r ê t , la C h a m b r e c r i m i n e l l e de la C o u r
e
suprême vient, après plaidoirie de M M o r n a r d p o u r M. Guérin, inter-
v e n a n t , de c a s s e r s a n s r e n v o i e n ce q u i c o n c e r n e celui-ci l ' a r r ê t
d e la C o u r de R e n n e s , lui a l l o u a n t e n o u t r e u n e i n d e m n i t é de
6.000 f r a n c s .
L'opium. — S t a t u a n t , s u r a p p e l , s u r u n e affaire d e m i s e e n v e n t e
e t d e v e n t e d ' o p i u m à f u m e r , la n e u v i è m e C h a m b r e de la C o u r , p r é -
s i d é e p a r M . B e r r , a r e n d u le 20 m a i 1908 l ' a r r ê t s u i v a n t :
« C o n s i d é r a n t q u e les p i è c e s v e r s é e s a u x d é b a t s é t a b l i s s e n t q u e la
d a m e H o u s é a l , i n s t a l l é e m a r c h a n d e d ' o b j e t s d u J a p o n r u e des P e t i t s -
C h a m p s , a d e p u i s u n e é p o q u e n o n c o u v e r t e p a r la p r e s c r i p t i o n et
n o t a m m e n t d a n s le c o u r a n t de ' a n n é e 1907 m i s e n v e n t e et v e n d u de
l ' o p i u m à f u m e r à u n e i m p o r t a n t e c l i e n t è l e c o m p o s é e e n p a r t i e d'officiers
de l ' a r m é e d e t e r r e et d e m e r ;
« C o n s i d é r a n t q u e les l i v r a i s o n s e n é t a i e n t effectuées ;i l'insu d u
p e r s o n n e l et s o u s la forme a p p a r e n t e d e boîtes de t h é :
« C o n s i d é r a n t q u ' u n e p e r q u i s i t i o n a m e n a la d é c o u v e r t e de p r o d u i t s
q u i firent l ' o b j e t de scellés s o u m i s p a r a r r ê t de c e l t e C h a m b r e e n d a t e
d u 19 février 190S à l ' e x a m e n d u p r o f e s s e u r P o u c h e t , c h a r g é d ' e n
r e c h e r c h e r et d ' e n d é t e r m i n e r la c o m p o s i t i o n c h i m i q u e e t les é l é m e n t s
NOUVELLES 683
Faux monnayeurs. R é c e m m e n t c o m p a r a i s s a i e n t d e v a n t la
C o u r d'assises de la S e i n e t r o i s c u r i e u x a v e n t u r i e r s a r r ê t é s en a o û t
d e r n i e r p o u r émission de fausses p i è c e s de 10 francs.
Le p r e m i e r , L a x é n a i r e . g a r ç o n b o u l a n g e r d e son m é t i e r , s ' é t a i t
c o n s a c r é à ia p r o p a g a n d e r e l i g i e u s e et p o l i t i q u e , é t a i t d e v e n u s u c c è s -
684 NOUVELLES
A l l e m a g n e . — L ' e m p e r e u r a a d r e s s é le i 5 j u i n u n o r d r e d e c a b i n e t
p a r t i c u l i è r e m e n t s é v è r e c o n t r e l ' h o m o s e x u a l i t é a u x chefs d e c o r p s et
l e u r a r e c o m m a n d é s u r c e p o i n t u n e s u r v e i l l a n c e e t u n e sévérité t o u t e s
particulières.
O n c o n f i r m e officiellement q u e l ' e m p e r e u r a a p p r o u v é la d é c i s i o n
d u T r i b u n a l d ' h o n n e u r q u i a r a y é d u c a d r e des officiers de l ' a r m é e le
g é n é r a l c o m t e H o h e n a u . L e c o m t e H o h e n a u , d o n t il fut b e a u c o u p
q u e s t i o n à l'occasion d u p r o c è s M o l t k e , est u n fils d u s e c o n d lit d u
p r i n c e A l b e r t de P r u s s e , a n c i e n r é g e n t d u B r u n s w i c k .
— Le n o u v e l Annuaire militaire, q u i a p a r u à B e r l i n le 20 m a i , a
s u p p r i m é d u n o m b r e d e s p r i n c e s r é g n a n t s à la s u i t e d e l ' a r m é e le n o m
d u p r i n c e F r é d é r i c - H e n r i de P r u s s e , fils d u p r i n c e A l b e r t , q u i avait
d û d o n n e r sa d é m i s s i o n d e c o l o n e l de d r a g o n s p o u r u n e affaire d ' h o m o -
sexualité.
— U n o r g a n e h e b d o m a d a i r e , le Deutsche, s ' o c c u p e des s c a n d a l e s
r é c e n t s H o h e n a u , L y n a r e t E u l e n b o u r g et a j o u t e : « A u j o u r d ' h u i , n o u s
é l e v o n s u n e r a c e de d é c a d e n t s e t l ' o n voit des c o m t e s de la S c h u l e n b u r g
a d r e s s e r u n e c i r c u l a i r e à la n o b l e s s e p o u r f o r m e r u n e ligue de n o b l e s
invertis. Les eaux stagnantes ne produisent que des plantes de marais.
P a r c o n t r e , la g u e r r e r e n d u n p e u p l e viril. A u t r e f o i s , c ' é t a i t s u r le
c h a m p d e b a t a i l l e q u ' o n g a g n a i t les d é c o r a t i o n s ; o n les o b t i e n t m a i n -
t e n a n t e n a s s i s t a n t a u x v i s i t e s d e s o u v e r a i n s , e n c o m p o s a n t de la
m u s i q u e o u e n c o n t r i b u a n t à la c o n s t r u c t i o n de t h é â t r e s . L a g u e r r e ,
non s e u l e m e n t n o u s n e la faisons p a s , mais n o u s l ' e m p ê c h o n s , et
p e n d a n t ce t e m p s fleurissent l ' a u t o m o b i l i s m e , la t é l é g r a p h i e s a n s fil e t
l'homosexualité. »
L ' a f f a i r e C i î a r i e i l c . — Cif'arielio, s c u l p t e u r b i e n c o n n u , q u i t u a
sa f e m m e d a n s u n accès d e j a l o u s i e à N a p i e s , e n a o û t Ï Q O 5 , a c o m p a r u
le 1 4 m a i d e v a n t les assises a p r è s t r e n t e - d e u x m o i s , a u t r e m e n t d i t
d e u x ans e t d e u x t i e r s d ' a n n é e , d e d é t e n t i o n p r é v e n t i v e . L e p r o c è s va
s u i v r e s o n c o u r s , m a i s o n c r o i t q u il d u r e r a l o n g t e m p s , m o i n s l o n g -
t e m p s t o u t e f o i s , il f a u t l ' e s p é r e r , q u e son i n s t r u c t i o n q u i m é r i t e de
rester légendaire.
L'affaire a suscité à N a p i e s u n e g r a n d e e t d u r a b l e é m o t i o n , c a r
NOUVELLES 685
Cifariello y avait e t y a g a r d é u n g r a n d n o m b r e d ' a m i s . L a b e l l e - m è r e
d u m e u r t r i e r se p o r t e p a r t i e civile, v o u l a n t faire la p r e u v e q u e Cifa-
riello a v a i t p r é m é d i t é s o n c r i m e , a l o r s q u e le s c u l p t e u r affirme a v o i r
t u é sa f e m m e a u c o u r s d ' u n e s c è n e v i o l e n t e .
Cifariello, i n t r o d u i t après le t i r a g e a u s o r t d u j u r y e t l ' a p p e l d e s
t é m o i n s , a é t é a p p l a u d i p a r le p u b l i c a u s s i t ô t a p p a r u d a n s la s a l l e d e s
assises. T r è s é m u , fatigué p a r sa l o n g u e d é t e n t i o n , il s'est é v a n o u i
d e u x fois. M a l g r é les g a r d e s , d e n o m b r e u x a m i s se s o n t p r é c i p i t é s
v e r s la cage o ù e s t e n f e r m é l ' a c c u s é e t l u i o n t f r é n é t i q u e m e n t s e r r é
les m a i n s à t r a v e r s les b a r r e a u x . L a p o p u l a t i o n , m a s s é e d e v a n t l e
palais d e j u s t i c e , a a c c l a m é p l u s i e u r s fois Cifariello, q u i s e m b l e j o u i r
d e la s y m p a t h i e p o p u l a i r e .
P o l i c e , prisons, exécutions en R u s s i e . — L e j o u r n a l r u s s e
Rielch écrit q u e les p o l i c i e r s d e Kief a v a i e n t o r g a n i s é d a n s c e t t e ville
une véritable camorra,
u n e s o l i d a r i t é t o u c h a n t e e x i s t a i t e n t r e la p o l i c e e t les m a l f a i t e u r s .
Le chef d e la police s e c r è t e , le colonel Aslanof, u n d e s e n f a n t s
c h é r i s d e s C e n t - N o i r s ( t e r r o r i s t e s r é a c t i o n n a i r e s ) , t r a i t a i t les v o l e u r s
avec le p l u s g r a n d r e s p e c t e n s'eiforçant « d e n e l e u r faire a u c u n e
p e i n e , m ê m e l é g è r e ». N e l u i p a y a i e n t - i l s p a s , a i n s i q u ' à t o u s s e s
a g e n t s , u n t a n t p o u r c e n t s u r t o u t e s les o p é r a t i o n s q u i se t e r m i n a i e n t
h e u r e u s e m e n t ?...
E n t r e les deux parues, c'était u n continuel échange de services ou
de s i m p l e s p o l i t e s s e s . D è s q u ' A s l a n o f a p p r e n a i t p a r ses h o m m e s l ' a r -
688 NOUVELLES
m e
M è r e criminelle. — M L e c l e r c , l i n g è r e à C h â t e a u r e n a u l t , a t e n t é
h i e r d e s ' e m p o i s o n n e r e t d ' e m p o i s o n n e r ses q u a t r e e n f a n t s a v e c e l l e .
m e
P r o f i t a n t d ' u n e a b s e n c e d e s o n m a r i , M L e c l e r c v e r s a u n e forte
dose d ' a r s e n i c d a n s d u café q u ' e l l e fit b o i r e à s o n p l u s j e u n e fils, â g é
d e trois a n s . Les a u t r e s p e t i t s , a p r è s a v o i r p o r t é le b r e u v a g e à l e u r s
l è v r e s , l u i t r o u v è r e n t u n g o û t très a m e r e t r e f u s è r e n t d e b o i r e .
L a m è r e a v a l a alors u n e g r a n d t a s s s e d e ce café.
S u r c e s . e n t r e f a i t e s l e p è r e a r r i v a . L a m a l h e u r e u s e e t le p e t i t g a r ç o n
se t o r d a i e n t déjà d a n s d ' a t r o c e s souffrances.
L'enfant est actuellement hors de danger, mais l'état de
m e
M L e c l e r c e s t e n c o r e si g r a v e q u e l'on d o u t e q u ' e l l e s u r v i v e .
Elle a d é c l a r é q u ' a y a n t été r é c e m m e n t a t t e i n t e d e la fièvre t y p h o ï d e ,
elle avait v o u l u m e t t r e fin a u x souffrances q u ' e l l e e n d u r a i t e t e m m e n e r
a v e c elle ses e n f a n t s d a n s la m o r t .
Ls Gérant : A . R E Y .
O U V R A G E S REÇUS
D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
DE M E D E C I N E L E G A L E
MÉMOfeîl.iS"tl^í I & IN AU X
-» : • /
LA PEINE DE M O R T
1
Au pays des Canaques. La Nouvelle Calédonie et ses habitants en 1890.
P a n s . Librairie militaire d e L. B a u d o i n , 3o. rue D a u p h i n e .
D<- M.-A. Lègrmd. — L A P E I N E D E MORT 693
SA RÉFORME
1
Journal officiel, a n n é e 1904.
2 Cf. loi du 10 f é v r i e r 1902 relative à la p r o t e c t i o n d e la s a n t é publique.
700 MÉMOIRES ORIGINAUX
1
P o u r P a r i s e t l e d é p a r t e m e n t d e l a S e i n e , Cf. I n s t r u c t i o n du préfet de police,
du 10 o c t o b r e 1878.
2
Le dispensaire o ù ces v i s i t e s ont lieu a é t é créé à P a r i s par arrêté préfecto-
r a l d u 3 m a r s 1802. P a r d é c i s i o n e n d a l e d u 20 a o û t 1882, u n commissaire inter-
r o g a t e u r a é t é a t t a c h é au d i s p e n s a i r e . O n a a i n s i é t a b l i l e lien qui m a n q u a i t
entre le service médical et l'Administration.
Ed. Pachot. — L E RÉGIME A C T U E L D E S MOEURS E N FRANCE 701
1° I n s c r i p t i o n s u r u n r e g i s t r e s p é c i a l et a t t r i b u t i o n de la c a r t e s a n i -
t a i r e , en cas de r a c o l a g e s n o t o i r e s e t p e r s i s t a n t s , s u r la voie p u b l i q u e ,
a p r è s c o m p a r u t i o n de la c o n t r e v e n a n t e d e v a n t u n Tribunal adminis-
tratif. Ce t r i b u n a l , a u x t e r m e s d e l ' a r r ê t é p r é f e c t o r a l d u 4 a o û t 1908,
est c o m p o s é d ' u n c o m m i s s a i r e i n t e r r o g a t e u r et d e d e u x a s s e s s e u r s .
C e s d e u x d e r n i e r s s o n t choisis p a r m i d ' a n c i e n s c o m m i s s a i r e s ou d ' a n -
c i e n s e m p l o y é s s u p é r i e u r s de la P r é f e c t u r e de p o l i c e , e t ils s i è g e n t avec
voix délibérative.
2° E n cas de c o n t a g i o s i t é v é n é r i e n n e , h o s p i t a l i s a t i o n forcée d a n s u n
é t a b l i s s e m e n t affecté s p é c i a l e m e n t à la c u r e d e s s y p h i l i t i q u e s (Infir-
merie de Saint-Lazare).
3° I n t e r n e m e n t , p a r mesure disciplinaire, s u r décision du Tribu-
n a l a d m i n i s t r a t i f e t s a n s c o n t r ô l e d e j u s t i c e , e n cas de c o n t r a v e n t i o n
a u x r è g l e m e n t s établis p a r l ' a u t o r i t é .
4° O b l i g a t i o n de se s o u m e t t r e à u n e visite c o r p o r e l l e q u i a lieu d e u x
fois p a r m o i s p o u r les filles n o n s y p h i l i t i q u e s ( m u n i e s d e la c a r t e
s a n i t a i r e b l a n c h e ) et t o u s les h u i t j o u r s p o u r les v é n é r i e n n e s (gratifiées
de la c a r t e r o s e ) .
1
II c o n v i e n t c e p e n d a n t d ' o b s e r v e r q u e l e s d i v e r s e s i n s t r u c t i o n s p r é f e c t o r a l e s
à P a r i s , d e p u i s l a c i r c u l a i r e d u 24 m a i i 8 3 - , j u s q u ' à l ' o r d o n n a n c e d u i 5 o c t o b r e
1878, n ' o n t p a s c e s s é d e r e c o m m a n d e r a u x f o n c t i o n n a i r e s e l a u x a g e n t s c h a r g é s
d u service des mœurs, a i n s i q u ' a u x c o m m i s s a i r e s d e p o l i c e , l a p l u s g r a n d e c i r c o n s -
pection à l'égard des f e m m e s qui ne s o n t pas n o t o i r e m e n t des prostituées.
L ' a d m i n i s l r a t i o n s u p é r i e u r e a fait a i n s i t o u t ce qui d é p e n d a i t d'elle, e n l'état
actuel des c h o s e s , p o u r p r é v e n i r le p l u s p o s s i b l e l e s e r r e u r s .
Ed. Pachol. — L E RÉGIME A C T U E L D E S MOEURS E N F R A N C E 703
dudit article aux faits de racolage scandaleux. Voilà qui n'est pas
déjà si bénin pour quelques tentatives de flirt en plein air i Mais
il y a mieux : il y a la pénalité applicable aux récidives (et celles-
ci ne sont que trop présumables en pareille matière...) La Com-
mission s'en est si bien rendu compte quelle a proposé, pour
l'hypothèse qui nous occupe, la transformation des contraven-
tions en délit.
Une telle aggravation serait rendue légale par une déclaration
formelle du texte qui prescrirait la comparution devant le Tri-
bunal correctionnel, au cas où l'agent viendrait à commettre une
troisième infraction, dans le délai d'un an. La nouvelle pénalité
encourue varierait alors de six jours à deux mois d'emprisonne-
ment, de 16 à 200 francs d'amende. Enfin, si, en dépit de ces
avertissements, le racoleur obstiné, déjà poursuivi correction nel-
iement, comparaissait derechef et pour le même fait devant ladite
juridiction, moins de cinq années après sa dernière condamnation
il se verrait traiter selon les rigueurs de l'article 58 du Code
pénal et punir d'une peine qui ne saurait être inférieure au
double de celle antérieurement prononcée contre lui, et qui
pourrait être élevée jusqu'au double de la peine prévue par la loi.
Ce système n'est pas inédit, le législateur (avec un succès d'ail-
leurs problématique), a déjà recouru ci. la transformation de la
contravention en délit dans la loi du 23 janvier sur l'ivresse
publique et dans plusieurs autres cas.
En fait, les amendes que réclame la Commission n'intimi-
deront guère les contrevenantes. N'esL-il pas de toute évidence
que les prostituées qui se livrent d'ordinaire à la provocation
sexuelle ostensible et scandaleuse sur la voie publique, sont la
plupart du temps insolvables? On ne parviendra donc presque
jamais à recouvrer contre elles le montant des peines pécu-
niaires. II leur suffira, pour éviter la contrainte par corps, de
déménager sans laisser d'adresse. Or, c'est là une opération où
précisément elles excellent. Quant aux peines correctionnelles
qui pourraient les atteindre, bien des personnes estiment qu'elles
sont disproportionnées à l a gravité sociale de l'infraction et que.
pour cette raison, elles ne seront que très rarement infligées.
Les partisans de l'interventionnisme administratif sous sa forme
préventive actuelle, se sont servis de ces arguments pour soutenir
7Í0 MÉMOIRES ORIGINAUX
exercé par les filles, avec ses allées et venues significatives sur
un même point, ses provocations volontairement ostensibles, ses
propos graveleux, ses répliques cyniques! Ne suffirait-il pas,
pour le dénoncer à la sévérité des lois, de la présence de tous les
louches bénéficiaires qui gravitent autour des prostituées et qui,
vautrés sur les bancs, ou affalés dans les bars, y attendent leur
part du honteux produit de la luxure '?
Si la Commission avait examiné la question à ce point de vue
concret, elle se fût abstenue vraisemblablement de préconiser
l'assimilation entre le racolage du fait de l'homme et le racolage
du fait de la femme.
Ne pressent-on pas, au surplus, de quel discrédit la bila-
téralité de la répression menacerait à brève échéance la loi elle-
même? En effet, le résultat de la bilatéralité serait d'entretenir
le scandale en permanence dans tous les lieux fréquentés et de
donner à la prostitution la plus large publicité ; car, à n'importe
quelle heure, sous prétexte de racolages illicites, des agents plus
ou moins bien inspirés appréhenderaient, sous les yeux des
passants, des personnes des deux sexes. Cette diffusion de la
répression donnerait lieu à des incidents multiples. Il y en
aurait de retentissants qui feraient l'affaire des revuistes, beau-
coup mieux que celle de la loi.
Enfin, il n'est pas jusqu'à la distinction entre le racolage
licite et le racolage scandaleux qui ne deviendra matière à débats
épineux. Et pourtant, cette distinction reste légitime et néces-
saire. A tout le moins peut-on craindre qu'elle ne fournisse un
aliment nouveau à la casuistique juridique, déjà si prépondé-
rante dans les prétoires.
1
U n a r r ê t d u P a r l e m e n t , e n d a t e d u 24 j a n v i e r i 8 3 6 , s a n c t i o n n a n t u n e o r d o n -
n a n c e a n t é r i e u r e d u P r é v ô t d e Paris, c o n d a m n a i t les p r o x é n è t e s à être e x p o s e es
au pilori et à être brûlées vives.
718 MÉMOIRES ORIGINAUX
délit. La loi compte ici sans l'habituelle rouerie des proxénètes qui
maquillent les états civils de leurs recrues et présentent comme
majeures les plus authentiques mineures.
Il n'y a qu'un seul moyen de supprimer de pareils abus, c'est
d'interdire absolument l'exploitation de la prostitution, qu'il
s'agisse de mineures ou de majeures consentantes. Aussi bien,
comme on l'a dit excellemment, la personne humaine nest pas
dans le commerce. Toutes les maisons de prostitution doivent
disparaître, à l'exception de celles où l'exploitation bénéficierait
uniquement aux pensionnaires du lieu. Or, cette coopérative d'un
nouveau genre n'existe pas et ne pourra sans doute jamais
exister, pour une foule de raisons, dont la principale est que les
prostituées sont réfrâctaires à l'esprit d'organisation.
On parle en ce moment d'une dépréciation qui atteindrait les
traditionnels internats. Le fait est, qu'à Paris, le préfet de police
a vu d'un œil favorable leur remplacement par des externats où
les femmes ne séjournent plus guère et viennent à leur gré, sans
immatriculation préalable à la Préfecture. L'effet heureux de cette
modification est de soustraire les filles au joug continu du tenancier.
Mais il reste bien en deçà du but visé, qui est la suppression de
toutes les formes d'exploitation, et, par ce moyen, l'extirpation
du proxénétisme.
Des édiles, des jurisconsultes, des sociologues se sont élevés
contre la fermeture des établissements tolérés. Dans certaines
localités, la « maison Tellier » a ses visiteurs discrets, ses
fidèles qui sont naturellement ses défenseurs. Ailleurs, prin-
cipalement dans les cités populeuses où stationnent soit des
troupes, soit d'importants groupements ouvriers, l'intensité
de la demande sexuelle semble justifier pratiquement la conser-
vation des lupanars. Il est même permis de se demander si leur
1
suppression ne rejetterait pas la débauche sur la voie publique .
Mais ce risque peut être conjuré ou atténué par une application
sévère des articles 3 3 o et suivants du Code pénal. En tout cas, il
ne saurait prévaloir contre le principe intangible d'après lequel
la personne humaine n'est pas un objet de commerce.
On a signalé encore, comme un écueil de la suppression, le
' S a i n t A u g u s t i n s ' e x p r i m e e n c e s t e r m e s : Aufer merelrices de rébus huma-,
nis., lurbaveris omnia libidinihus (de Ordine, I I , 12).
720 MEMOIRES ORIGINAUX
RIDES OCCIPITALES
P a r le Dr P A I L H A S , d'Albi.
y
Les crânes artificiellemeC'v' déformés s'en vont, du moins
à Albi et dans la région albigeoise où l'usage — par-dessus tout
esthétique — de ces sortes de mutilations compressives s'était
j)erpétué jusqu'à la génération de nos jjères ou grand-pères.
S il est permis d'en observer encore, je voudrais, avant la dis-
parition des derniers survivants, dire un mot de cette étrange
aberration si longtemps accréditée en ce pays, examiner compa-
rativement les mutilés eux-mêmes, leurs descendants immédiats,
les descendants de ces derniers, et consigner ici certaines mani-
festations curieuses d'un processus d'évolution héréditaire régres-
sive qui, chez le descendant au crâne désormais libre, aboutira :
a) tantôt à la persistance plus ou moins accusée de la déformation
ancestrale ; h j tantôt et le plus souvent à la suppression de toute
déformation; cj tantôt, mais bien exceptionnellement, à la per-
sistance d'une déformation intéressant uniquement, ou plus
spécialement, les téguments crâniens.
A la dernière de ces conditions, envisagée dans son siège et
dans sa forme, s appliquera ie nom de rides occipitales.
On sait que la pratique des déformations crâniennes est non
seulement de très ancienne date, mais qu'elle a sévi en bien des
des pays et régions différents.
On l'a observée et étudiée dans les deux Amériques, en
Océanie, en Afrique, en Asie, en Europe et notamment en
France, dans les départements de l'Aude, de la Haute-Garonne,
du Tarn, des Deux-Sèvres, de la Seine-Inférieure.
Pour ce qui concerne le territoire français, c'est surtout aux
la
D Perrin, Foville, Lunier et Broca que l'on est redevable des
premiers et plus intéressants travaux sur la question.
Ù* Pailhas. — RIDES OCCIPITALES 723
1
Toutefois, bien avant eux, un Albigeois avait remarquable-
ment envisagé et présenté la question des déformations crâniennes,
telle qu'il la constatait autour de lui, parmi ses concitoyens :
« Les Albigeois, écrivait-il en 1808. sont généralement d'une
taille moyenne et d'un teint brun. Leur tête, très allongée de
devant en arrière et de bas en haut, se termine postérieurement
par une pointe élevée qui est plus ou moins aiguë. Cette disposi-
tion vicieuse résulte de la pression circulaire exercée sur ses côtés,
dès la naissance, au moyen d'un bandeau qui ne peut en diminuer
le diamètre transversal sans que le longitudinal n'augmente ; de
sorte qu'elle ne ressemble plus au sphéroïde qui en est la figure
naturelle, mais bien à un conoïde oblique dont la base serait au
front et le sommet arrondi à l'occiput. De cette altération de la
conformation primitive de la tête, il résulte un changement dans
celle du cerveau. La capacité du crâne en éprouverait même une
diminution sensible, si le défaut d'ossification ne lui permettait
de gagner en un sens ce qu'elle perd en l'autre.
« L'allongement de la têtei nflue-t-elle sur le développement des
organes des facultés de l'entendement? La solution de cette
question ne peut être que le fruit d'une longue série d'observa-
tions. L'utilité qu'elle offrira sera surtout applicable à l'étude
des Albigeois considérés au moral.
« La soustraction du bandeau a eu un effet remarquable dans
quelques familles où j'en ai empêché l'emploi chez les nouveau-
nés. Leurs têtes ont conservé la forme naturelle, tandis que celles
de leurs frères plus âgés avaient acquis le vice ordinaire que nous
reprenons.
« Cette conformation factice de la tête peut être regardée, dans
la classe du sexe dite des (/risettes, comme un genre particulier
de beauté qu'elles s'appliquent à acquérir d'une manière aussi
ridicule qu'extraordinaire, par des coiffures très allongées de
devant en arrière et de bas en haut, et très serrées circulairement.
<( La déformation des oreilles accompagne le plus souvent celle
de la tête. La compression du serre-tête les aplatit au point
d'effacer les plis et les rebords qui leur donnent autant d'agré-
ment que d'utilité pour réunir les rayons sonores au fond de la
conque.
« Tenter auprès des femmes de prévenir cette double mutilation,
1
Coutèle, Observations sur la constitution médicale de Vannée ISOS
p. 89.
724 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
A . F o v i l l e , Déformation du crâne résultant de la méthode la plus générale
de couvrir la tête des enfants, i n - 8 ° , P a r i s , i834.
jD' Pailhas. — RIDES OCCIPITALES 725
d'Albi, tout au moins, l'une des coiffes dont parle Délaye, la plus
en contact avec les téguments et la plus directement destinée à
exercer une compression circulaire autour du front, des oreilles et
de l'occiput, portait le nom significatif de sarro-cap ou serre-tête.
Généralement composée de deux pièces de toile, symétriques
et reliées par une couture médiane antéro-postérieure, ladite
coiffe présentait, au voisinage de la nuque, une échancrure de 5 à
6 centimètres, permettant le rapprochement et l'imbrication, sur
ce point, de ses parties latérales, sous l'influence de la traction
graduée de deux liens de fil (peoulios) solides, qui, d'abord entre-
croisés en arrière, venaient se croiser au-devant du front pour se
rejoindre à la nuque et s'y nouer.
Cela constituait déjà trois premiers tours étroitement compres-
sifs, par-dessus lesquels le bandeau (lou hendel), orné ou non de
dentelles sur son bord inférieur, et terminé à ses extrémités, lui
aussi, par de longs rubans de fil, devait, par un même nombre
de circulaires — trois — compléter et assurer la constriction.
Combien de temps durait cette compression? Variable avec les
sujets qui l'exerçaient, elle avait généralement pour limite
l'obtention des résultats poursuivis, à savoir la déformation et
aussi la protection de l'encéphale de l'enfant contre les heurts et
les intempéries.
Le serre-tête et le bandeau restaient l'objet d'une application
continue, au cours des deux ou trois premières années; après
quoi il n'en était fait usage, du moins chez les garçons, que
1
comme coiffure de n u i t .
Par contre, chez la femme, ces agents de la compression crâ-
nienne demeuraient, même après la période des déformations
indélébiles, une nécessité d'habillement.
Placé au contact du cuir chevelu, le serre-tête servait d'abord
à protéger les coiffes plus extérieures contre la diffusion des
matières grasses et de la sueur. Mais à ce rôle de propreté, s'en
attachait un autre qu'il partageait avec le bandeau.
Le toupi ou léhadis, sorte de bonnet cylindrique qui, non sans
quelque charme, paraît nos aïeules, semblait, eu égard à sa
forme et à l'obliquité de ses dispositions, ne pouvoir convena-
blement s'adapter qu'à pareille direction oblique de la convexité
du crâne et de son grand axe fronto-occipital.
1
II m ' a é t é r a p p o r t é q u e b i e n d e s h o m m e s d e t o u t e c l a s s e adoptaient cette
coiffure de nuit, t o u t e leur vie.
726 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
Foville, locn cilutn.
~ Le transparent était c o m p o s é de gaze ou de l u s t r i n e noire.
3 Large b o r d u r e a n t é r i e u r e du t o u p i faite de gaze.
r
D Pailhas. — RIDES OCCIPITALES ' "27
acquises n'a pas manqué, au cours des âges, d'intriguer les bio-
logistes et anthropologistes, et de provoquer leurs recherches.
Elle eut, particulièrement en 1861, le don de susciter de vives
discussions au sein de la Société d'anthropologie où, en réponse
à un important mémoire de Gosse père sur le sujet, Périer avait
apporté, en manière de réplique contradictoire, un travail et des
conclusions portant :
i° Que, chez l'homme, les anomalies naturelles, quand elles
se transmettent par l'hérédité, ne persistent pas au delà d'un
nombre plus ou moins grand de générations et qu'elles finissent
toujours par disparaître, sans laisser de traces, l'état normal
reprenant ses droits ;
0
a Que les anomalies ou les déformations artificielles, celles
du crâne en particulier, bien que pouvant quelquefois se trans-
mettre, ne manquent pas de disparaître dès les premières géné-
rations, sans que le type ethnique en ait souffert la moindre
atteinte. D'où cette conséquence, qu'en toutes ces sortes de
déviations, le retour aux conditions normales est une loi de nature,
loi ou'atteste. d'ailleurs, l'ordre constant qui règne dans l ï m -
mense et merveilleux tableau de la vie sur le globe. »
Il est vrai que si, contrairement à son contradicteur. Gosse
avait laissé entendre que la persistance de l'action déformante,
au cours de générations successives, pouvait entretenir et même
durablement fixer la déformation chez le descendant, il avait,
comme lui, déclaré que « la nature tend toujours à revenir au
type primitif de l'espèce, dans les variations qui résultent des
changements d'habitude ou de climat, ou lorsque les croisements
ont lieu d'une façon irrégulière et sans but déterminé. »
Et, précisant l'application de sa thèse aux déformations crâ-
niennes, Gosse ajoutait : « Cette tendance de la nature à réparer
le tort qu'on lui a infligé au moment de la naissance, m'est
prouvée par le fait qu'une fois la tète délivrée de ses entraves,
elle se rapproche insensiblement, par la croissance, de sa forme
normale. C'est ce que m'ont signalé MM. d'Orbigny, Dufflot de
Mofras, Scouler et Foville, et ce qui explique les variétés de
déformations obtenues par les mêmes artifices, en tenant compte
du degré de pression et de durée de l'application. Mais je doute
qu'il en soit de même lorsque des changements bien caractérisés
sont produits systématiquement par hérédité et avec persé-
vérance. »
Ainsi posée et débattue, la question de l'hérédité des déforma-
728 NOTES E T OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
C'est tout a u m o i n s un d e s a s p e c t s d e c e t t e v é r i t é b i o l o g i q u e q u e M. Q u i n -
t o n a, d a n s c e s d e r n i e r s t e m p s , m o n t r é , l o r s q u e , à p r o p o s d e l a c o m p o s i t i o n
h u m o r a l e d e s ê t r e s v i v a n t s p a r r a p p o r t à c e l l e d e l ' e a u d e m e r , il a a f f i r m é ,
d'après s e s o b s e r v a t i o n s et s e s e x p é r i e n c e s , q u e la v i e a n i m a l e , e n c r é a n t d e s
o r g a n i s m e s d e p l u s e n p l u s c o m p l i q u é s , a toujours tendu à maintenir l e s c e l l u l e s
c o m p o s a n t ces o r g a n i s m e s d a n s u n milieu m a r i n , naturel et r e c o n s t i t u é . Et ce
r é s u l t a t e s t , s e l o n l u i . a t t r i b u a b l e à d e s l o i s q u ' i l a p p e l l e lois de constance.
Z>>' Pailhas. — RIDES OCCIPITALES 729
s i è g e ; et leur m o r p h o l o g i e , t o u j o u r s t r è s c a r a c t é r i s t i q u e , n'a
différé q u e p a r l e n o m b r e e t l a p r o f o n d e u r d e s s i l l o n s .
L à o ù il m ' a été p e r m i s d e p r o c é d e r à u n e x a m e n r a p p r o c h é ,
a i n s i q u e chez le sujet r e p r é s e n t é p a r la p h o t o g r a p h i e , j ' a i p u m e
r e n d r e c o m p t e de l'intégrité absolue de la surface osseuse. N e t t e -
m e n t , les sillons s'étaient l i m i t é s a u x p a r t i e s m o l l e s .
J ' a j o u t e r a i q u e si a u c u n e n f a n t n e m ' a p r é s e n t é l e p h é n o m è n e
d e s r i d e s o c c i p i t a l e s , o n qDeut d i r e a u s s i , d ' u n e f a ç o n g é n é r a l e ,
r
D Laupts. — D É G É N É R E S C E N C E OU P L É T H O R E ? 731
REVUE CRITIQUE
DÉGÉiNÉRESCEiNCE OU PLÉTHORE ?
P a r l e 1)" L A U P T S .
arrive que des croyances, des préjugés, des espoirs, des enthou-
siasmes ou des dégoûts déforment, souvent à notre insu, notre
penchant pour l'exactitude et nous inspirent fâcheusement.
Pour demeurer sans parti pris, il faut s'efforcer de bannir
toute sentimentalité, l'affection comme l'hostilité. Il faut n'être
ni chrétien ni athée, ni français ni allemand, ni patriote ni huma-
nitaire, et parler des choses de notre planète comme si, venus
d'un monde lointain, nous nous imposions d'étudier une colonie
microbienne oude noter les particularités d'une série de réactions
chimiques.
Par là nous nous mettons en état de rencontrer la vérité. Et
c'est en disant avec impartialité ce que nous croyons avoir décou-
vert de cette vérité que nous avons le plus de chances d'être utiles.
Parce que l'on devine chez Nâcke cet effort sincère vers
l'observation désintéressée, Nâcke nous est sympathique. Il ne
nous témoigne, certes, aucune hostilité; on pourrait lui reprocher
de nous être plutôt trop bienveillant, que sévère avec excès. Non
seulement il ne croit pas à la dégénérescence de la France, mais il
loue nos mœurs, nos qualités, vante la femme et la jeune fille
françaises et se montre tout à fait rassuré sur notre avenir ou
plutôt sur notre état de santé. Il trouve la France bien portante
et pas du tout dégénérée.
Ceux qui auront la curiosité de lire son article, y trouveront
la réfutation de thèses en honneur de l'autre côté du Rhin, et
auxquelles beaucoup de français, qui jugent avec légèreté,
donnent créance ou fournissent des arguments.
A vrai dire, Nàcke s'inquiète de l'amoindrissement ou plutôt
du manque d'accroissement de la natalité française. C'est une
question fort rebattue. Je ne crois pas cependant que le sujet
soit épuisé et j'en voudrais dire quelques mots.
1
L e s e r v i c e m i l i t a i r e , tel qu'il est i m p o s é en A l l e m a g n e e t en F r a n c e , m e paraît
f o n d é s u r u n e c o n c e p t i o n i n e x a c t e d e ia n a L u r e h u m a i n e et j e n e l e c r o i s p a s
s u s c e p t i b l e de d e m e u r e r l o n g t e m p s u n i v e r s e l et obligatoire dans l'un et d a n s
l ' a u t r e p a y s . P o u r le d é t r u i r e n o u s s e m b l o n s é v o l u e r p l u s v i t e q u e n o s v o i s i n s .
Le danger pour nous Français serait d'être privés d'une a r m é e nationale avant
1
q u e n o s v o i s i n s n e le s o i e n t à leur [oui , a v a n t q u e l e s a r m é e s , t e l l e s q u ' o n l e s
c o n ç o i t a c t u e l l e m e n t , a i e n t fait p l a c e à d e s o r g a n e s n o u v e a u x qu'il n e f a u d r a i t
pas trop s'étonner de voir pins ou moins ressembler, dans certains p a y s , à ceux
d'an tan.
736 REVUE CRITIQUE
i II f a u t e n e x c e p t e r , p a r a i t - i l , l e P o r t u g a l , p e u t - ê t r e a u s s i l ' A m é r i q u e d u S u d
dans laquelle prédomine le type créole, mélange de Latin et d'autochtone.
A'. A r c h . 1908, n° 172, p . 3 i 6 .
D' Laupts. — D É G É N É R E S C E N C E OU P L É T H O R E ? 741
1
Ellis , témoignent d'une extrême finesse, il faut reconnaître que
les Allemands ont réuni sur l'homosexualité des documen-
tations d'une incomparable richesse.
Cette richesse de documentation n'est pas seulement un témoi-
gnage des qualités de méthode, de l'ardeur au travail des savants
allemands, elle est une preuve, entre beaucoup d'autres, de ce
que les cas d'inversion foisonnent en Allemagne.
En raison du nombre considérable des cas d'inversion, et aussi
pour des causes plus profondes, l'inversion ne soulève pas, en
Allemagne, des sentiments de réprobation comparables à ceux
qu'elle provoque dans notre pays.
1
Un savant allemand, le D Hirschfeld, a pu grouper un nombre
considérable d'invertis, recueillir quantité d'observations ou de
confessions anonymes ou signées, publiques ou secrètes, faire
librement des enquêtes mondiales, diriger des publications
2
périodiques" , créer une agitation politique pour obtenir, en faveur
des invertis, une atténuation aux rigueurs du Code allemand.
Le comité, dit « Comité humanitaire », que préside le
1
D ' Hirschfeld, siège à Charlottenburg-bei-Berlin. Ce Comité
donne des fêtes, reçoit des souscriptions. Des médecins, des
savants, des commerçants, des industriels, des fonctionnaires,
assistent ouvertement aux fêtes ; quantité de correspondants
envoient au comité des cotisations de valeurs diverses ; loin de
demander que le secret leur soit gardé, certains d'entre eux tien-
nent à honneur de voir publier leur nom. Parmi les souscripteurs,
figurent des gens de toutes conditions, des civils, des militaires;
toutes les classes de la société sont représentées. En admettant
r
que quelque exagération ait poussé les disciples du D Hirschfeld
à grossir les résultats obtenus par leur propagande, il est indé-
niable que l'Allemagne recèle quantité de bisexuels et d'invertis,
et que le nombre des uns et des autres s'accroît rapidement.
En Allemagne, l'inversion trouve des défenseurs dans les
sphères les plus aristocratiques. En France, Emile Zola lui-même,
malgré tout son courage, n'osa pas aborder le sujet, bien qu'il
3
fut documenté et qu'il s'y intéressât .
1
Philadclphia, F.-A. Davis.
2
V". Z e i l s c h r i f t f u r S c x u a h v i s s e n s e h a f l . L e i p z i g . G e o r g . H . "VVigand's V e r l a g ,
Y . , i g û S , ii° G, p . 3fig e t s u i v , l e n o u v e l a r t i c l e d e N i i c k c .
3
V . Emile Zola. Préface de Perversion et Perversité sexuelle, Paris, ïvla
et Archives n " i 6 8 , i5 d é c e m b r e 1507. C e s l i g n e s é t a i e n t é c r i t e s b i e n a v a n t q u e
l e s a t t a q u e s féroces c o n t r e le p r i n c e d ' E u l e n b u r g , a t t a q u e s v r a i s e m b l a b l e m e n t
742 REYTJE CRITIQUE
1
Paris, Librairie Maloine.
744 REVUE CRITIQUE
LE MOUVEMENT PSYCHOLOGIQUE
1
II v a s a n s d i r e q u e i e m o t i n t r o s p e c t i o n , d o n t l ' e m p l o i à p r o p o s d e C o m t e ,
c o n s t i t u e u n a n a c h r o n i s m e , n ' e s t m i s i c i q u e p o u r fixer l e s i d é e s à l a p l a c e
d'observation p a r la conscience, o b s e r v a t i o n i n t e r n e , e t c .
750 REVUE CRITIQUE
1
Citons au hasard les livres — d'ailleurs r e m a r q u a b l e s à plus d'un tilre —
d e Blignières, Littré, P o e y , etc., et, à un autre point de vue, ceux de Caro,
Guthlin, de Broglie, Haileux, etc.
2
« Le P o s i t i v i s m e d e s petits P o s i t i v i s t e s , dit un des p l u s c o n s c i e n c i e u x a d v e r -
saires d u P o s i t i v i s m e , d o i t à sa p a u v r e t é m ê m e d'être t r o p f a c i l e m e n t la p h i l o -
s o p h i e d e c e u x q u i n ' e n o n t p a s . » R . T h a m i n , Education et Positivisme. Paris,
1892, p . i5o. V . d e s i d é e s a n a l o g u e s e x p r i m é e s , à la m ê m e é p o q u e , d a n s la
remarquable thèse de M. lïauh.
8
A. Comte et le Positivisme (Tr. Clemenceau), p . 6 7 .
4
« L ' o n n e t r o u v e p a s d a n s l a c l a s s i f i c a t i o n d e s s c i e n c e s la p l a c e d e l a p s y -
c h o l o g i e . C o m t e l'a p r o s c r i t e o u , c e q u i r e v i e n t a u m ô m e , c o n f o n d u e a v e c l a
A. Georges.— L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D ' A U G U S T E COMTE 751
l'observer dans autrui; et, d'un autre côté, il ne peut pas non
plus l'observer en lui-même. Et, en effet, on observe les phéno-
mènes avec son esprit, mais avec quoi observerait-on l'esprit lui-
même. On ne peut pas partager son esprit, c'est-à-dire son
cerveau, en deux parties, dont l'une agit, tandis que l'autre
regarde faire pour voir de quelle manière elle s'y prend ; croire
cela possible, c'est se faire la même illusion que lorsqu'on dit
que nous voyons les objets parce que leurs images se peignent
au fond de l'œil L Mais avec quoi voyez-vous les images?
répondent les physiologistes. Il vous faudrait un autre œil pour
les regarder, si les impressions lumineuses agissaient comme
images sur votre rétine. Il en est de même ici : vous voulez
observer votre esprit, mais avec quoi le regarderez-vous? II vous
2
en faudrait un autre pour l'observer ».
En 1828, rendant compte aux lecteurs du Journal de Paris du
traité de Broussais sur l'Irritation et la Folie, il développait les
mêmes idées, mais s'élevait surtout contre toute tentative pour
assimiler la prétendue observation interne à l'observation externe :
« L'ascendant qu'ont acquis, depuis Bacon, les sciences positives
est tel aujourd'hui, que les psychologues, pour relever la méta-
physique tombant en ruines, se sont trouvés dans la nécessité de
présenter leurs travaux comme aussi fondés sur l'observation. A
cet effet, ils ont imaginé la distinction des faits extérieurs,
domaine des sciences ordinaires, et des faits intérieurs, ou de
3
conscience, propres à la psychologie ».
Arbitraires et injustifiables par elles-mêmes, ces tentatives
ont encore aux yeux de Comte le défaut capital, qu'il signale, dès
le début de sa carrière philosophique, de faire obstacle à la systé-
matisation totale de l'expérience, par laquelle seule peut se réa-
liser l'unité des esprits et l'harmonie sociale définitive : « Quel-
ques hommes méconnaissant à cet égard la direction actuelle de
l'esprit humain, ont essayé depuis dix ans de transplanter parmi
nous la métaphysique allemande, et de constituer, sous le nom de
psychologie, une prétendue science entièrement indépendante de
la physiologie, supérieure à elle, et à laquelle appartiendrait
exclusivement l'étude des phénomènes spécialement appelés
mentaux. Quoique ces tentatives rétrogrades ne soient pas sus-
1
B r o u s s a i s , l. c,, I, p p . x x v i e t I49-I5O. I l e s t r e m a r q u a b l e q u ' e n 1828 ( d a t e
d e la p r e m i è r e p u b l i c a t i o n d u t r a i t é ) , B r o u s s a i s é t a i t e n c o r e d i s c i p l e d e C a b a n i s .
P a s s é p l u s t a r d d a n s l ' é c o l e d e G a l l , il s e p r o p o s a i t d ' e n d o n n e r u n e é d i t i o n
s e n s i b l e m e n t modifiée, qui n e p a r u t qu'après sa m o r t .
C o m t e , Examen, p . 292.
s
De l'Irrit., II, p . 10.
4
Cf. s u r t o u t , De l'Irritation, I, c h . v ; d e B l a i n v i l l e , Bisl. des Sciences de
l'organisation, I I I , p p . 210-268.
5
Idées d é v e l o p p é e s — et plus ou m o i n s dénaturées — par Th. L a y c o c k , De
la Physiologie en Psychologie ( t r a d . f r . i n Revue scient., y o c t o b r e 1871). L e b l a i s ,
Matérialisme et Spiritualisme, »865, p . I 3 I . L i t t r é e t M a u d s l e y , i n Philos, posi-
tive, j u i l l e t 1877. L i t t r é , A. C. et Stuart-Mill, p . 9 : Fragments de phil. posit.,
p . 210.
6
Mémoires de VInstitut, secl. des Sciences mor. et polit., t . 1 , p . 322.
7
. G e n è v e , 1769. D e s i d é e s a n a l o g u e s s o n t e x p r i m é e s p a r u n d i s c i p l e d e S w e -
d e n b o r g , l ' a b b é J. P e r n e t t i ( d e R o a n n e ) , d a n s u n o u v r a g e c u r i e u x p u b l i é s o u s
c e t i t r e : La Connaissance de l'homme moral par celle du physique (Berlin,
D e c k e r , 1776),
756 REVUE CRITIQUE
1
Veut-on une preuve d e l à justesse du rapprochement de Bonnet e t d e Comte?
V o i c i u n e a p p r é c i a t i o n d e F . B o u i l l i e r (Dicl. des Se. philos., a r t . BOXNET) :
« L'erreur d e Ch. B . e s t d'avoir m é c o n n u le fait si é v i d e n t d e l a c o n s c i e n c e
immédiate d e ce qui se passe au-dedans d e nous, le fait du m o i se sachant et
s'observant lui-même, sans l'intermédiaire d'aucun e s p è c e d'organe... N o u s lui
r e p r o c h o n s d'avoir c o n f o n d u la p s y c h o l o g i e avec la p h y s i o l o g i e . »
2
B o n n e t c i t e a u s s i a v e c é l o g e ( i n Palingénésie philosophique, p a r t . x m .
Œ u v r e s c o m p l è t e s , N e u f c h à t e l , i y S 3 , t. X V I , p . 4 4 ) , u n p a s s a g e c u r i e u x d e P o p e ,
q u ' o n t r o u v e r a p . 3 i d e l'Essai sur l'homme ( L o n d r e s , i y 3 6 ) .
3
« J e n'ai j a m a i s c o n s i d é r é , dit-il, la r e l i g i o n , la m o r a l e e t la p h i l o s o p h i e
q u e r e l a t i v e m e n t à la s o c i é t é . »
P r é t e n d a n t fonder la p h i l o s o p h i e s u r u n fait p r i m i t i f i n d i s c u t a b l e , il n e
p o u v a i t d e m a n d e r c e f a i t q u ' à l ' o r d r e e x t é r i e u r e t s o c i a l . Cf. l a p r o t e s t a t i o n
d e B i r a n (OEucrcs inèd., t. I I I ) , p o u r q u i d e c e t t e o b s e r v a t i o n i n t e r n e —
entendue d'ailleurs de façon très particulière — sort n o n s e u l e m e n t toute p s y -
chologie, mais encore la morale, la m é t a p h y s i q u e e t l a religion elle-même.
A. Georges. — L E S Y S T È M E P S Y C H O L O G I Q U E D ' A U G U S T E COMTE 757
L
Recherches philosophiques sur les premiers objets des connaissances mo-
rales, i 8 3 8 , I, p p . 68, 6g e t 2g5.
- On s a i l aussi q u e L a m e n n a i s , f r a p p é de c e qu'il y a d'étrange d a n s c e t t e
p r é t e n t i o n à s e c o n n a î t r e s o i - m ê m e , « v o u l a i t s u b s t i t u e r à la p s y c h o l o g i e , s e l o n
l u i . e n t i è r e m e n t i l l u s o i r e , u n e m é t a p h y s i q u e , e t c . » ( V . R a v a i s s o n , Rapport, p . 40.)
3
V . l e r é c e n t a r t i c l e d e M . A . B a y e t , d a n s l a Revue bleue, d u 3 i m a i 1902;
e t , a n t é r i e u r e m e n t : L u c L e s a g e s , l'Espérance, j u i l l e t 1808, p p . 90-90. II. H e i n e ,
Gaz. d'Augsbourg,2 j u i n 1842. P . - F . T h o m a s , P. Leroux ( P a r i s , 1904). J . - E . F i d a o ,
Rev. des Deux-Mondes, 10 m a i 1900.
* Réfutai, de l'Eclectisme, i 8 3 g , %*• é d i t . , p p . 122, I 3 I , i 3 g , 161, i 6 3 , 283, 2g5.
s
C o u s i n . P r é f a c e d e s Fragments, d e i 8 3 3 : c i t é p a r L e r o u x , p. i6~3.
c
De la Philosophie éclectique enseignée par M. Jouffroy ; i n Revue encyclo-
pédique, 1833.
' S e l o n L e r o u x (liéfut. de l'éclectisme, p . 128], p a r m i c e s a d v e r s a i r e s d e
l ' i n t r o s p e c t i o n ( c o u s i n i e n n e ; , il f a u d r a i t r a n g e r . . . M a i n e d e B i r a n : « C e n ' é t a i t
pas réellement une observation directe d a n s le s e n s où les p s y c h o l o g u e s
é g a r é s à s a s u i t e , l ' e n t e n d e n t a u j o u r d ' h u i , p u i s q u ' e l l e a v a i t au c o n t r a i r e p o u r
758
R E V U E CRITIQUE
**
Le rejet de l'observation intérieure comme fondement d'une
science psychologique n'est donc pas une vue propre à Comte,
et, comme beaucoup de critiques ont paru le croire, une aberration
d'autant plus incompréhensible qu'aucun penseur ne l'avait pré-
sentée auparavant. Néanmoins, si cette idée lui est commune avec
un certain nombre de ses prédécesseurs et de ses contemporains,
il n'est que juste de reconnaître que, par la vigueur et la répéti-
tion de ses condamnations, le fondateur du Positivisme l'a faite
vraiment sienne et a mérité l'honneur d'y attacher son nom.
Périlleux honneur, si on en juge par le nombre des critiques
acerbes ou dédaigneuses qu'il lui valut !
Il serait sans intérêt de passer en revue ces multiples attaques
qui ne varient guère ni pour le fond, ni pour la forme, et il suffît,
pour rappeler tout ce qu'elles ont d'essentiel et permettre ainsi
une juste appréciation de leur portée, de résumer les griefs
exposés par St. Mill, dans son étude sur Auguste Comte et le
1
Positivisme : « On pourrait, dit-il, renvoyer M. Comte à l'expé-
rience, ainsi qu'aux écrits de son compatriote M. de Nadaillac, ou
de notre Sir W . Hamilton, pour preuve que l'esprit peut, non
seulement avoir conscience de plus d'une impression à la fois,
1
A. C. et le Positivisme, p p . 64-65.
2
Ibid., p . 6 6 . Cf. a u s s i H . S p e n c e r , Principes de Psychologie, I, i - v , I I I , i v ,
Classification des Sciences ( I r . f r . ) . p . l a o . V . R o h e r t y , Comte el Spencer, i 8 g 5 .
3
Biographical kistory of Philosopha, I I , p . 624. Cf. Lettres de St. Mill à
A. C., p p . 64, 69, 110, 224 e t ^Xî.
* Cf. A. C. et le Positivisme, p . 6 5 , Syst. de Log., V I , 1, 1:1, i v , v . Cf. a u s s i
S . - H . H o d g s o n (Time and Sp&ce, i 8 6 3 ) : « L ' e r r e u r d e O m t e e s t d e c r o i r e q u e , p o u r
e m p l o y e r la m é t h o d e s u b j e c t i v e , i l e s ! n é c e s s a i r e d ' o b s e r v f - r l e s o p é r a t i o n s d e s a
c o n s c i e n c e a u m o m e n t m ê m e d e l e u r o p é r a t i o n , d e s.: d i v i s e r s o i - m ê m e e n d e u x . *
760 REVUE CRITIQUE
1
Le Mouvement Positiviste, p. 180.
2
C'est d u m o i n s l ' a v i s d e M . G. D u m a s ( t h è s e l a t i n e , p . 3 7 ) .
3 Principles of Psycholoyy, t . I , p . 190.
A. Georges. — L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 761
**
On n'a aucune peine à s'expliquer pourquoi Comte s'est tou-
jours refusé à employer le mot de psychologie, sinon en un sens
péjoratif, dès qu'on se remémore que tout le monde alors enten-
dait désigner ainsi la psychologie de Cousin et des autres fauteurs
1
de l'Eclectisme , psychologie qui, loin d'avoir sa fin en soi et de
se présenter comme une science indépendante n'était qu'un
moyen pour construire toute une philosophie, et aurait été mieux
2
nommée ontologie . La même défiance à l'égard de ce mot dont
on avait fait un singulier usage, en s'en servant pour couvrir une
marchandise aussi suspecte que des spéculations sur le moi
absolu ou une théorie de la raison impersonnelle, se retrouve
encore en 1860 dans ces lignes de Littré, auxquelles Comte eût
donné sans doute sa pleine approbation : « J'aurais pu me servir
du terme de psychologie, employé depuis Wolff pour désigner
l'étude des phénomènes intellectuels et moraux. Moi-même, j ' a i
écrit ce mot plusieurs fois... Pourtant, comme il est certain que
la psychologie a été à l'origine et est encore l'étude de l'esprit,
indépendamment de la substance nerveuse, je ne veux pas, j e ne
dois pas user d'un terme qui est le propre d'une philosophie
3
autre que celle qui emprunte son nom aux sciences positives .
D'ailleurs, selon Comte, et cela seul suffirait à la juger, cette
psychologie introspective ne présente en fait que des résultats
contradictoires, et, tandis que toute science progresse, passe de
l'état théologique à l'état métaphysique, et, de celui-ci, à l'état
1
Comte pouvait à peine avoir c o n n u quelque c h o s e d e la psychologie e m p i -
rique anglaise e t ne connaissait c e r t a i n e m e n t rien de r a r i e m a n d e : les « r é s u l t a t s
qu'il v i s e s o n t p r o b a b l e m e n t q u e l q u e s e n t i t é s s c h o l a s l i q u e s , telles q u e l e s p r i n c i p e s
d ' a c t i v i t é i n t e r n e , l e s f a c u l t é s , l e m o i , l a l i b e r t é d ' i n d i f f é r e n c e » . (AV. J a m e s ,
l. c. p . 188.)
2
V . P . L e r o u x ; Réfutation de VEclectisme, p . 127; e t a u s s i L é v y - B r i i h l , l. c,
p. 241 ; d e R o b e r t y , Sociologie, p. 180.
3
Q u e l q u e s p o i n t s d e p h y s i o l o g i e p s y c h o l o g i q u e (la Science au point de vue
philosophique, p. 3o8). V . aussi : La Philos. Posit., mars-avril 1860 et 18G7.
762 R E V U E CRITIQUE
1
A. Hannequin, Introduction à l'élude de la Psychologie, p . Cô.
2
La Morale et la Science des mœurs, p . 78.
3
Cf. R i b o t , Psychologie anglaise, p . 27 ; L a n g e , Hisl. du Matérialisme, II, 3 ;
S. B a i l e y , Letlers on philosophy of human mi.id, t . I, 3, v .
4
R i b o t , t. c, p . 27.
3
D i s c u s s i o n d e la t h è s e d e M . D u m a s t S o r b o n n e , 1" j u i n 1900J.
A. Georges. — L E S Y S T È M E PSYCHOLOGIQUE D ' A U G U S T E COMTE 763
1
V o i r l e p r e m i e r o p u s c u l e (Plan des travaux nécessaires pour réorganiser la
Société, 1819, e t a u s s i : Système de Polit., t . I I I , p p . 541, 6i5, 617, e t c . Cf. F .
A l l e n g r y , l a Sociologie chez A. C . p . 3j6.
2
Cf. P . Lal'fitte, Cours de Philosophie première, I , p p . 1-40.
3
Cf. Lettres à Valal, p . 139. L e g e r m e d e c e s i d é e s d o i t p e u t - ê t r e ê t r e c h e r -
c h é d a n s S a i n t - S i m o n , .qui, a u d i r e d ' u n d e s e s p l u s r é c e n t s c r i t i q u e s , « a p e n s é
que d u j o u r o ù la p s y c h o l o g i e emploierait la m ê m e m é t h o d e que la p h y s i q u e e t
la c h i m i e , u n s y s t è m e h o m o g - è n e d e p h i l o s o p h i e p o s i t i v e s e d é g a g e r a i t n é c e s -
s a i r e m e n t d e l a s é r i e d e s s c i e n c e s p a r t i c u l i è r e s » . G . D u m a s , Psychologie de
deux Messies positivistes, p . G5.
764 REVUE CRITIQUE
1
Principles of Psychology, I, p . 180. Cf. a u s s i : L ' e b e r w e g Loijic ( p a r . 40) ;
BrenLano, Psychologie (1. II. c h . nr, p a r . 1-2). J . S u l l y , les Illusions des sens et
de Vespril ( t r . f r . , p . 147). J . M o h r , Grundlage der Empirischen Psychologie.
p . 47. L a n g e , Hist. du Matérialisme, I I , 111, 2. II. S p e n c e r , Principles of Psy-
chology. t . I (passim) e t c .
* L . R o b e r t , De la certitude et des formes récentes du scepticisme (1880),
2
P- 97-
Л. Georges. — L E S Y S T È M E P S Y C H O L O G I Q U E D ' A U G U S T E COMTE 765
d r e . Il s e m b l e m ê m e q u e , p a r m i l e s s c i e n c e s , e l l e e s t la s e u l e q u i , p a r d é f i n i t i o n ,
d o i v e rester t o u j o u r s rél'ractaire à t o u t e m e s u r e p r é c i s e , à t o u t c a l c u l . V o i r
B a i n , Emotions ei volonté, p . 24; B e r g s o n , Essai sur les données immédiates de
la conscience, p p . 2, 45, 54, e t c . Rev. de Métaphysique, n o v . i g o 5 . L'Evolu-
tion créatrice, p. i g 5 . C é r é s o î e , Archives de Psychologie, o c t o b r e i g o 5 . G . R e m a -
c l e , R e c h e r c h e d ' u n e m é t h o d e e n p s y c h o l o g i e ( Л е г . de Métaphysique, m a i , 1897).
G. R a g e o t , les Savants et la Philosophie, p p . n 5 - n 6 .
1
Cours, I, p . 3 o . Lettres ù Valat (24 s e p t . 1819), p . 89. S u r l ' i m p o r t a n t e
d i s t i n c t i o n d e s d e u x p o i n t s d e v u e s t a t i q u e e t d y n a m i q u e , cf. B l a i n v i l l e , Prin-
cipes généraux d'anatomie comparée, 18ЗЗ ( i n t r o d u c t i o n ) e t C o m t e , Cours, I, p . 29.
- V . p a r e x e m p l e : L e h l a i s , Matérialisme et Spiritualisme ( p a s s . ) e t L i t t r é , in
Philos, positive, 1876, I, p . 7.
A. Georges.— L E S Y S T È M E PSYCHOLOGIQUE D ' A U G U S T E COMTE 769
1
Cours, I I , p . 449. S u r l e s r a p p o r t s d e l a b i o l o g i e e t d e l a p s y c h o l o g i e , V .
Cl. B e r n a r d , L e P r o b l è m e d e l a P h y s i o l o g i e g é n é r a l e , a r t i c l e d u i 5 d é c e m b r e
1867 ( i n La Science expérimentale) e t s u r t o u t E . G o b l o t , Essai sur la classifi-
cation des sciences, i8g8 : « L a P s y c h o l o g i e n ' e s t p o i n t u n e s c i e n c e i n d é p e n d a n t e ;
si l a P h y s i o l o g i e e s t n é c e s s a i r e m e n t p s y c h o l o g i q u e , l a P s y c h o l o g i e à s o n t o u r
e s t n é c e s s a i r e m e n t p h y s i o l o g i q u e » ( p . 188): e t e n c o r e : « S i d i s t i n c t s q u e s o i e n t
les p h é n o m è n e s p s y c h o l o g i q u e s , q u e n o u s c o n n a i s s o n s p a r la c o n s c i e n c e , d e s
p h é n o m è n e s p h y s i c o - c h i m i q u e s q u e n o u s c o n n a i s s o n s p a r l e s s e n s , il n'y a
qu'une seule science de la vie, s c i e n c e à l a f o i s p s y c h o l o g i q u e e t p h y s i c o - c h i -
m i q u e . C e s d e u x ordres d e caractères que l'on o b s e r v e chez les v i v a n t s , q u o i q u e
i r r é d u c t i b l e s , s o n t i n s é p a r a b l e s p o u r la s c i e n c e , c o m m e d a n s la n a t u r e e t n e
peuvent s'expliquer l e s u n s sans les autres. Isoler les phénomènes de leurs
c o n d i t i o n s , c ' e s t s e m e t t r e d a n s l ' i m p o s s i b i l i t é d e l e s c o m p r e n d r e » ( p . ig3).
A v a n t Comte, Tracy (dont Broussais loue l e s tendances p h y s i o l o g i q u e s . Y .
D e l'Irritation, p p . x n e t 200), d é c l a r e q u e « l ' i d é o l o g i e e s t u n e p a r t i e d e l a
zoologie e t c'est surtout d a n s l ' h o m m e que cette partie est i m p o r t a n t e e t mérite
d ' ê t r e a p p r o f o n d i e » . (Eléments d'idéologie, p r é f a c e , p . x i x . ) M a i s s e l o n C o m t e ,
T r a c y n e r e s t a p a s fidèle à c e s e x c e l l e n t s p r i n c i p e s , « e n s e h â t a n t d ' é t a b l i r
aussitôt c o m m e u n e maxime fondamentale que cette idéologie constitue une
science primitive, indépendante d e toutes les autres e t destinée à les diriger».
(Cours, I I I , p . 54). M a i s i l s e s e r a i t r e n d u c o m p t e d u p e u d e f o n d e m e n t d e c e
r e p r o c h e , s ' i l a v a i t l u l a Logique d u m ê m e T r a c y , a d r e s s é e à C a b a n i s ( I I I ,
pp. ix-x) : « Si j e mérite c e t éloge, l'intention de Locke e s t remplie, et, suivant
s o n désir, l'histoire détaillée d e n o t r e intelligence e s t enfin u n ep o r t i o n et u n e
dépendance d e la physique humaine. » D u Bois-Rcymond voit aussi u n précur-
s e u r d a n s L a JMetlrie (Rev. scient,., ¡870).
- Cf. R i b o t , Psychologie anglaise, p . 3 6 : et E t u d i e r l e s é t a t s p s y c h i q u e s a u
dehors, n o n a u d e d a n s ; d a n s les faits matériels qui l e s traduisent, n o n dans la
connaissance qui leur donne naissance. »
3
Système de Politique, 11, p . 438 ; I , p . 622.
4
V . F . A l l e n g r y , oi!!.'. ci!., p p . 320 e t 370.
и Cours, I I I , p . 5 3 g .
772 REVUE CRITIQUE
1
allemande , et qui, avec sa théorie de la raison universelle ou
8
impersonnelle , prétendit jeter les bases d'une nouvelle onto-
logie, ne pouvait être épargné par Comte. C'est précisément son
moi absolu et « essentiellement ingouvernable » que celui-ci
3
veut exorciser .
D'abord Cousin n'a rien compris aux doctrines exotiques qu'il
a voulu acclimater chez nous : « Il est bien loin de comprendre
4
la portée des idées mères du philosophe de Kcenigsberg . Il s'est
fait ici une réputation parmi les jeunes gens étrangers aux con-
naissances positives, en délayant et en exagérant quelques-unes
des vues les moins importantes de la philosophie allemande, et
ses succès sont dus principalement à ce qu'il possède bien une
5
des parties essentielles de l'orateur de Cicerón : la mimique ».
Puis, et surtout, l'influence de sa pseudo-psychologie est nette-
ment révolutionnaire, et Comte, qui devait, quelques années
plus tard stigmatiser « ces deux importations protestantes : la
6 7
psychologie et la royauté constitutionnelle » écrit dès 1824 , —
avec une férocité bien philosophique — : « Toute son influence
n'aboutissait qu'à former des énergumènes et des déclamateurs,
persuadés que, sans avoir rien étudié, ils étaient par son cours à
la source de toutes les connaissances humaines. Comme cette
espèce d'esprits n'est bonne qu'à employer révolutionnairement,
et qu'une telle action n'est plus de saison, je crois qu'on a
8
sagement fait de fermer son cours . »
1
Comte, qui ne s'attaque d'ordinaire qu'à ce que les différentes écoles ont de
c o m m u n ( c f . Lettres de St. M. et d'A. C, p p . 162 e t 3 6 5 ; C o u r s , I I I , p . 5 3 8 ) ,
s e m b l e assez s o u v e n t confondre d a n s l'Eclectisme, la P s y c h o l o g i e écossaise et
l a M é t a p h y s i q u e a l l e m a n d e (cf. Examen de Broussais e t Système, I V , p . 217 :
« Quelques h o m m e s o n t e s s a y é de transplanter parmi n o u s la m é t a p h y s i q u e
a l l e m a n d e et de c o n s t i t u e r s o u s le n o m d e p s y c h o l o g i e . . . » ) .
* Fragments philosophiques, 1826 ( p r é f a c e ) . — B o u i l l i e r , Théorie delà raison
impersonnelle ( J 8 4 4 ) -
3
Cours, I I I , p p . 544, 553, 5 6 3 . — V . J o u f i ' r o y , Mélanges, p p . i g g , 271.— C o u s i n ,
Cours, d e 1816. Fragm. philos., p . 240.
* Il e s t b i e n f â c h e u x q u e C o m t e n ' a i t p a s p r é c i s é s e s v u e s s u r c e p o i n t ; p e u t -
être se découvrirait-il à n o u s , de m ê m e que les V i l l e r s et l e s D e g e r a n d o , c o m m e
un précurseur de l'interprétation néo-criliciste de Kant. On sait que Stuart Mili
d é t o u r n a C o m t e d e l ' é t u d e d e K a n t e t d e H e g e l ( V . s a l e t t r e d u i3 m a r s 1843,
Lettres de S.-M., p . 169).
5
Lettres à Valal, p . 148.
6
Système de Politique, I , p . 73.
" Lettres a Valal (t. cit.).
8
Q u e l q u e s citations a c h è v e r o n t d e faire sentir l ' i n c o m p a t i b i l i t é a b s o l u e e n t r e
l a p s y c h o l o g i e E c l e c t i q u e e t l e P o s i t i v i s m e « C e s o n t , d i t M . R a g e o t , deux-
e x t r ê m e s l o g i q u e s e n t r e l e s q u e l l e s l a P s y c h o l o g i e n'a c e s s é d ' o s c i l l e r , a u c o u r s
d e s o n h i s t o i r e , s a n s t r o u v e r u n p o i n t d ' é q u i l i b r e » (les Savants et la Philo-
A. Georges.— L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 773
sophie, p . io5). — « L a P s y c h o l o g i e e s t c e t t e p a r t i e d e l a P h i l o s o p h i e q u i a
pour objet la connaissance ,de l'âme e t d e s e s facultés étudiées p a r le seul
m o y e n d e l a c o n s c i e n c e » (Dicl. des Sciences philosophiques ; r a p p e l o n s q u e c e
dictionnaire n e contient pas m ê m e u n article Cerveau !). — « La Psychologie e s t
la s c i e n c e d u p r i n c i p e i n t e l l i g e n t d e l ' h o m m e , d u m o i » , J o u f f r o y .
1
Examen de Broussais, p . 291.
2
Lettres à Valat. p . i35. — V . Cours, I V , p . 345; I I I , p . 5 3 3 . — Système,
I , p p . 5 4 , 5 6 8 , 670 ; I I , p . 437 ; I I I , p . 6i5 ; I V , p p . 297, 5 6 i . — Cf. a u s s i L e w e s ,
Biogr. histor., I I , 375. — S c h i f f , Cabanis Der Arzi. und Philos. ( B e r l i n , 1886).
— P i c a v e t , les Idéologues.
3
Cours, III, p p . 55o, 554, 585 ; I V , 349, 384, 400. — Système, I , p . 662. V o i r
l e s j u g e m e n t s a u s s i t r è s b i e n v e i l l a n t s d e B l a i n v i l l e (Histoire des Sciences de
l'organisation, t . I I I , p p . 268-335. — N o u s s a v o n s p a r C o m t e (Lettre à St. Mill,
d u i g j u i n 1842, p . 74) q u e B l a i n v i l l e « d e p u i s v i n g t - c i n q a n s , a t o u j o u r s c o n s a -
cré plusieurs leçons d e s e s cours annuels à l'exposition e t à la discussion d u
travail d e Gall, e n regardant s e s p r i n c i p e s g é n é r a u x c o m m e définitivement acquis
à l a s c i e n c e » — d e G . L e w e s (Biogr. hist. of Phi!., I I , p p . 394-345; — d e
S t u a r t M i l l l u i - m ê m e (Lettre à Comte, d u n j u i l l e t 1842, p . 79: « J e c r o i s q u e
la d o c t r i n e d e G a l l a i r r é v o c a b l e m e n t o u v e r t l a v o i e à u n o r d r e d e r e c h e r c h e s
v r a i m e n t p o s i t i v e s e t d e la p r e m i è r e i m p o r t a n c e . »)
4
Cours, III, p . 5 3 3 .
"> L a p r e u v e l a p l u s f r a p p a n t e d e c e s u c c è s prolongé serait la bibliographie
774 REVUE CRITIQUE
d u s u j e t . l i suffira i c i d e c i t e r q u e l q u e s p u b l i c a t i o n s i m p o r t a n t e s p a r e l l e s -
m ê m e s , l e u r s d a t e s o u l e s n o m s d e l e u r s a u t e u r s : C h . d e V i l l e r s , Lettre à
G. Cuvier sur une nouvelle théorie du cerveau ( M e t z , 1802). — M . d e B i r a n ,
Observations sur le système du D' Gali (1808, p u b i , p a r A . B e r t r a n d , i n Science
et Psychologie), — B é r a r d , Dict. des Sciences médicales, a r t . CRANIOMETRIE. —
L e u r e t , L e t t r e s u r l a s t r u c t u r e d u c e r v e a u (Gaz. médicale, 3 j a n v i e r i835). —
L é l u t , Qu'est-ce que la Phrenologie? (¡856).— J . L a f a r g u e , l a D o c t r i n e p h y s i o l o -
g i q u e d e s l o c a l i s a t i o n s (Arch gén. de méd., j u i n i 8 3 8 ) . — A . G a r n i e r , De la
Phrenologie et de la Psychologie comparée ( i 8 3 g ) . — L e u r e t , Anatomie com-
parée du système nerveux, i 8 3 g ( V . s u r t o u t t . I , p . 5 5 i ) . G e o r g e t , Physiologie
du système nerveux, t . I , p . i35. — F l o u r e n s , Examen de la Phrenologie (1842).
— D u Bois d'Amiens, Examen de la doctrine de Galt (1842). — E s q u i r o l , A r t i c l e
d e l a Rev. de Paris, 1843, X V I I , p . 46. — L é l u t , Rejet de l'organologie phré-
nologique (1843).
1
Cours, I I I , p . 534. — C i t o n s a u h a s a r d p a r m i c e s <t i m i t a t e u r s » : C . - I I . - E .
B i s h o f f , Exposé de la doctrine dp Gali ( t r a d . B a r b e g u i è r e , 1806). — V i m o n t ,
Traité de phrénologie humaine el comparée ( i 8 3 5 ) . — D e m a n g e o n , Physiologie
intellectuelle de l'esprit humain (1840). — R . - Y v . I l a s k i n s , Hislory of progress
of Phrenology ( N e w - Y o r k , i832), e t c . — I l s e p u b l i a é g a l e m e n t u n g r a n d n o m -
b r e d e p é r i o d i q u e s : Journal de la Soc.jihr. de Paris (iS32 e t s s . ) ; Edinburgh
Phr. Journal; Transactions of Phr. Soc. of London, eie.
2
O n a v o u l u v o i r ( L é l u t . Rejet de l'organologie, p . 19), d a n s l a r e l a t i o n é t a -
blie p a r Platon (particulièrement dans l e Timée), peut-être d'après l e s idées
Pythagoriciennes, entre lesâmes concupiscible, irascibleet raisonnable et lesjîar-
ties intérieure et supérieure, rachidienne e t céphalique d u s y s t è m e nerveux cen-
tral, l e g e r m e d e l'organologie n e r v o s o - v i s c é r a l e d e C a b a n i s e t d e l'organologie
e x c l u s i v e m e n t c é r é b r a l e d e G a l i . —• L e s t e x t e s l e s p l u s c u r i e u x à c o n s u l t e r s o n t ,
à m a c o n n a i s s a n c e : G a l i e n , De Oculis, I I , c a p , 2 ( a p o c r y p h e ) . D a n s l e De usu
part. VIII, i3, i l a t t a q u e , i l e s t v r a i , l a t e n t a t i v e a n t é r i e u r e d ' E r a s i s t r a t e , m a i s
a v e c , a u j u g e m e n t d e V é s a l e (De corporis humani fabrica, 1. V I I , c a p . 4) u n e
e x t r ê m e i n d u l g e n c e . — X é m é s i u s , De natura hominis, ( é d . d'Anvers, i565,
c a p . X I I I ) . — A v i c e n n e , Fenic. 1, d o c t r . 6, c a p . 5 (Opéra, é d . d e V e n i s e , 1608,
p . 70). — A v e r r o e s , Episl. de collai, intellect, abstract, cum homine; c a p . V ,
(Opera, é d . d e V e n i s e , 1600, t . I X ) . — S a i n t - T h o m a s , . Summa theol., part. I ,
A. Georges.— L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 775
q u s e s t . L X X V I I I , a r t . 4. — D u n s S c o t t , Q u a e s t . X s u p e r l i b r o s A r i s t o t e i i s d e
A n i m a (Opéra., é d . d e L y o n , 1062. t . I I I ) . — H u g u e s d e S a i n t - V i c t o r , D e S p i r i t u
e t A n i m a ( i n Augustini Opéra, é d . d e L y o n , 1062, t . I I I ) . — A l b e r t l e G r a n d ,
D e H o m i n e , t r a c t . I (Opéra, é d . d e L y o n , i55i, t.. I X , p . 171).— M u n d i n i , Anato-
mia ( M a r p u r g i , 1040, in-4°, p . 02). — B é r e n g e r d e C a r p i , Isagogœ brèves..., e t c .
( a r t . D E MEDULLA CEREBIII). — B e r n a r d G o r d o n , Lilium medicin.se ( L u g d u n i ,
i55g). — V i e u s s e n s , Nevrographia nniversalis, l i b . I , c a p . 22-20. — C o l o m b o ,
D e i-e analomica, l i b . V I I I . — Y V i l l i s , Cerebri analomica, cap. x.
i
Examen de la Phrénologie ; cf. a u s s i B r o c a ; Mémoires, t. I , 1871, p . 196.—
« L a doctrine d e s localisations c é r é b r a l e s , dit-il, était la c o n s é q u e n c e naturelle
du m o u v e m e n t philosophique du xvm« siècle. G. e u t l'incontestable mérite d e
proclamer le grand principe des localisations cérébrales, qui a é t é le point de
départ d e toutes les d é c o u v e r t e s d e notre siècle en p h y s i o l o g i e . » L'influence
de Gall sur Broca n o u s e s t attestée par le m é m o i r e d e Bouillaud, Recherches
cliniques propres à démontrer que la perte de la parole correspond a la lésion
des lobules antérieurs du cerveau et à confirmer l'opinion de M. Gall sur le
siège de l'organe du langage ( i 8 6 5 ) .
s
Anatomie et Physiologie du Système nerveux, en général, et du Cerveau en
particulier, e t c . , 1810-1819. t. I I , p . 6 ( l a l i s t e t r è s c o m p l è t e d e s o e u v r e s d e G a l l
e t d e S p u r z h e i m e s t d o n n é e p a r L é l u t , Rejet de l'organologie, p . 204).
3
V . Essais Philosophiques sur l'entendement humain. I, 8 5 ( c f . Cours, V , p . 022).
4
Théorie des sentiments moraux, ï , 5 (cf. Cours, V I , p . 260).
5
« Il y a dans l ' h o m m e , c o m m e d a n s l e s a n i m a u x , c e r t a i n s p e n c h a n t s d'in-
s t i n c t , q u i a n t é r i e u r e m e n t à t o u t e p e r c e p t i o n d e p l a i s i r or. d e p e i n e l e p o r t e n t à
f a i r e p l u s i e u r s a c t e s n a t u r e l s . » (tissai sur l'hist. de la Société civile. I , 28).
* Gall rejette le sensualisme d e Locke c o m m e c e l u i d ' H e l v é t i u s (Anat. et
Phys., I I , p . 6 ) , l a d o c t r i n e d e s f a c u l t é s d e L a r o m i g n i è r c (ihid.), t o u t e la p s y -
c h o l o g i e d e l ' E c o l e (ihid., I I , p . 3 ) , m a i s il e s t t r è s f a v o r a b l e à C a b a n i s . — Cf.
C a b a n i s . Rapports, t . I I , p p . 024 e t s s .
"' Cours, I I I , p p . 554-558.
776 REVUE CRITIQUE
ment, il n'en est pas moins manifeste que pour les deux maîtres
l'accusation tombe à faux. En effet, pour Gali, c'est au contraire
le spiritualisme que postule la phrénologie, et, dans sa lutte
contre Helvétius, Tracy et autres Idéologues, c'est à Malebran-
che et à saint Augustin et aux autres Pères de l'Eglise qu'il fait
1
le plus volontiers appel . Quant à Comte, il se serait rendu infi-
dèle a son propre système, s'il avait admis la thèse — inintelli-
gible d'ailleurs — de Maudsley, l'inventeur de l'originale théorie
de la conscience « épiphénomène », thèse basée sur ce postulat :
que « la cellule cérébrale représente la pensée statique, tandis
2
que la pensée représente la cellule dj'namique » ; car ainsi que
Ravaisson lui-même l'avait remarqué, « il est évident que les
modifications du cerveau, qui se connaissent par la vue et le
toucher, ne les (les phénomènes subjectifs) constituent pas entiè-
rement et n'en sont que les conditions ou moyens. Or expliquer
entièrement des faits par ce qui n'est que leur condition, c'est
expliquer le supérieur par l'inférieur ; c'est donc, d'après la pro-
fonde sentence d'Auguste Comte, quelque opinion qu'on ait con-
cernant la matière, et n'en admît-on pas même l'idée, c'est donner
des choses une explication toute matérialiste, dès lors insuffi-
3
s a n t e ». On sait aussi que Comte, non content de prodiguer ses
anathèmes aux matérialistes, revendique à plusieurs reprises le
4
nom de « nouveau spiritualisme » comme le plus propre à ca-
ractériser l'esprit de sa doctrine définitive.
Il en est de même de « la prétendue irrésistibilité que des juges
1
Cf. A . P e z z a n i , Fragments philosophiques, i 8 5 o . p . 102. « C r o i r e à i a d o c -
trine phrénologique, c'est d o n c être spiritualiste. » Telle e s t sa conclusion. —
V o i r a u s s i l e c u r i e u x l i v r e d e B a i l l y d e B l o i s : De Vexistence de Dieu et de la
liberté, démontrées par des arguments tirés de la doctrine du D' Gali ( P a r i s ,
1824).
- M a u d s l e y , Physiologie de l'esprit ( t r . f r . . p . 78). cf. a u s s i L i t t r é , Philos,
posit., m a r s - a v r i l 1860 e t la Science au point de vue philosophique, p . 3o8 ( V .
P o e y , Liltré et A. C, e t S a i s s e t , id., i n liev. des Deux-Mondes, 10 j u i l l e t 1846),
L e b l a i s , Matérialisme et Spiritualisme ( p r é f a c e d e L i t t r é ) . L ' e w e s , The physical
hasis 0/' mind, p r o b i . I I I , c h . i v , p . 353. S e r g i , l'Origine dei fenomeni psichiche,
e h . v i n . D e s p i n e , Psychologie naturelle; s u r c e t t e t h é o r i e , v o i r l e s c r i t i q u e s d e
V i l l a (Psychol. contemp., p . 3 â 6 ) , M a s c i (Il materialismo psicofisico, p . 171) e t
s u r t o u t l e s p a g e s m a g i s t r a l e s d e B e r g s o n (Matière et Mémoire).
3
Rapport, p . 87. ( Cf. T a i n e , Derniers Essais ( a r t . s u r M . R i b o t , 23 n o v .
1870).— Y v . - D . L e S u e u r , P o s i t i v i s m a n d M a t e r i a l i s r . i (Popul. Scien. Mo. X X ,
.¡882, p p . 6i5-Ô2i). — M . C a l d e r o n i , Il Positivismo, VEvoluzionismo e il Mate-
rialismo ( R o m e , 1899).
4
Système, I, p p . 52, 218, 4^9; I I , p . 32 ; I V , p . 534. — U n e p e n s é e d e S a i n t -
S i m o n éclaircit s i n g u l i è r e m e n t le sens d e c e t t e e x p r e s s i o n qui a t a n t é t o n n é ;
« On a jusqu'ici appelé Spirituaiistes ceux qu'on aurait dû appeler Matérialistes
e t M a t é r i a l i s t e s c e u x q u ' o n aurait d û a p p e l e r S p i r i t u a i i s t e s . E n effet, corporifier
1
1
Cours, I I I , p p . CG5-6. — Lettres à Valat, p . 1З7.
- Ibid. e t Cours, V , p . 622.— Cf. G a l l , Analomie el Physiologie, t . I I , p . 1З8.—
On sait q u e Gall s'efforça aussi d e « d é m o n t r e r l e s différences r a d i c a l e s d e l ' h o m m e
e t d e l a f e m m e , n i é e s p a r l e s d é c l a m a t e u r s r é v o l u t i o n n a i r e s » { C o m t e , Cours,
I I I , p . 400). — C o m t e s o u t i n t l u i - m ê m e u n e l o n g u e p o l é m i q u e a v e c S t u a r t M i 11
( V . Lettres p u h l . p a r L é v y - B r t i h l ) , q u i e s s a y a i t e n c o r e d e s o u t e n i r l e p a r a d o x e
e
du x v i n siècle : Que les différences intellectuelles e t morales q u i existent entre
l e s d e u x s e x e s r é s u l t e n t u n i q u e m e n t d e l ' h é r é d i t é (?) e t d e l ' é d u c a t i o n . — O n p e u t
s e d e m a n d e r s'il n ' y a p a s q u e l q u e d i s c o r d a n c e e n t r e l e s o p i n i o n s s o c i o l o g i q u e s
d e C o m t e s u r l a f e m m e e t s e s o p i n i o n s b i o l o g i q u e s ( V . Lettre à H . M a r t i n e a u ,
d u 29 d é c . i 8 5 3 , i n L i t t r é , A. C. el le Positivisme, p p . G40' e t s s . e t G r i m a n e l l i ,
la Femme et le Positivisme). .le n e p u i s q u ' i n d i q u e r i c i c e p e t i t p r o b l è m e , m e
r é s e r v a n t d e l e traiter ailleurs a v e c l e s d é v e l o p p e m e n t s qu'il c o m p o r t e .
3
Cours, I I I . p . 5 6 6 . — S u r l a p é d a g o g i e d e C o m t e : V o i r A . B e r t r a n d , A u g .
C o m t e e t l ' e n f a n t (Nouvelle Hevue, 189S, p . 110) e t Y Enseignement intégral, 1898.
— I L T h a m i n , Education el Positivisme (1890). — M . C o m p a y r ë , d a n s s o n e x c e l -
l e n t e Histoire crit. des Doctrines de VEducation en France ( t . П . p . З02;, e s t i m e
f o r t p a u v r e la l i t t é r a t u r e p é d a g o g i q u e d u P o s i t i v i s m e . — Il s e r a i t f a c i l e c e p e n
r
d a n t d e c i t e r q u e l q u e s t i t r e s : D ' L a l l e m a n d , Education publique, — D R o b i n ,
Instruction et Education. — L i t t r é , Conservation, Jiévolulion, Positivisme. —
M . N a r v a l , A r t i c l e s d e la Philos. Posit., t. X V - X V I I I .
780 R E V U E CRITIQUE
' * •
* *
I I I , p . 5 5 8 . — Système, I , p p . 4 e t 6 8 i . S e l o n L i t t r é (Comte et le
1
Cours,
P., p . 55i). Cette subordination conduirait finalement à la p r é d o m i n a n c e de
l'égoïsme.
Cours, I I I , p . 618.
3
O b s e r v a t i o n d é j à f a i t e p a r L é v y - B r u h l , Philos. d'A. C, p . 224.
4
Locke.
5
Reid.
6
Tracy.
7
P o u r c e s d e u x d e r n i e r s c e p e n d a n t , C o m t e a t o r t d e p r é t e n d r e qu'ils sacri-
fient t o u j o u r s l e s p a s s i o n s à l ' i n t e l l i g e n c e . — V . C o u s i n , Fragments philos.,
p p . 225-6. — J o u f f r o y , Mélanges, p p . 352 e t s s . — A v a n t e u x , B i r a n a v a i t m a i n t e s
fois insisté sur la v i e affective.
8
Cours, I I I , p p . 542-4; Cours, V I , 2a5 : I I I , 53i, 5 4 4 , 5 8 o . — Système, 1,671.
— V . L é v y - B r u h l , l. c., 1. I I I , e h . 1 : P a s s a g e d e l ' a n i m a l i t é à l ' h u m a n i t é . —
J o u f f r o y , p a r e x e m p l e , é c r i t e n 1823 (Mélanges, p . 272) : « O n a u r a i t t o r t d e
conclure q u e la p s y c h o l o g i e est la science de c e c o m p o s é d e matière e t de forces
diverses... Il y a d a n s c e c o m p o s é d e u x c h o s e s distinctes : l ' h o m m e et l'animal,
etc. » — Cette division trop tranchée p e u t aussi être reprochée a u x Ecossais
( s a u f à F e r g u s s o n ) , m a i s n o n à T r a c y ( v . Idéologie, p . 544), à C a b a n i s ( v . Rap-
ports, I I I e t I V ) , à C o n d i l l a c ( T r a i t é d e s a n i m a u x i n Œuvres choisies, t . I I ,
P- 489)-
A. Georges. — LE SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 781
L a z a r u s , S t e i n t h a l , M . M ù l i e r , e t c . ) , il s e r a i t i n t é r e s s a n t d e d é t e r m i n e r l e s
apports respectifs du courant Gomtien et du courant Hégélien; nous nous pro-
posons du moins de l'essayer dans un prochain travail.
1
Système,- I , p. 672.
2
Système, I, p p . 5, 672, 444, 081. I V , p . i 8 3 . Catéchisme, p . 84.
3
Système, I, p . G77.
4
Ihid., p . 676 (cf. B i r a n , OEuvres, p u b l . p a r C o u s i n , t . I I , p p . 3 5 - 5 8 e t Science
et Psychologie, p . 87).
5
Système, I, p p . 72g.
6 Système, I, p p . 678, 72g. Cf. P . Laffitte (Cours de Philosophie première, I ,
p . 24g) : « Q u e n o u s n é g l i g i o n s j u s q u ' à n o u v e l o r d r e d e d é t e r m i n e r l e s i è g e d e
ces o r g a n e s n é c e s s a i r e s , o u qu'avec le D ' Audiffrent, n o u s leur a s s i g n i o n s d e s
s i è g e s p r o v i s o i r e s , il n ' i m p o r t e , l ' e s s e n t i e l e s t q u e n o u s n e d o u t i o n s p a s
d'eux ».
A. Georges.— L E S Y S T È M E P S Y C H O L O G I Q U E D ' A U G U S T E COMTE 789
1
dans le système . Un exemple suffira à le prouver : on sait que,
dans la biologie, là où les termes manquent, Comte n'hésite pas
à les supposer pour rétablir la continuité. Il introduit des « orga-
nismes fictifs », intermédiaires, hypothétiques; dont la paléonto-
2
logie fera peut-être un jour des réalités . D'ailleurs, sa théorie
3
positive des hypothèses, si curieuse et si peu c o n n u e , lui donnait
le droit, en ce domaine comme en tout autre, d'adopter, « sans
aucun vain scrupule », la théorie d'ensemble qu'il jugeait la plus
commode, « afin de satisfaire, entre les limites convenables, nos
justes inclinations mentales, toujours dirigées, avec une prédi-
lection instinctive, vers la simplicité, la continuité et la généralité
des conceptions, tout en respectant constamment la réalité des
4
lois extérieures, en tant qu'elle nous est accessible . Car, le point
de vue le plus philosophique conduit finalement à concevoir
l'étude des lois naturelles comme destinée à nous représenter le
monde extérieur, en satisfaisant aux inclinations essentielles de
notre intelligence, autant que le comporte le degré d'exactitude
5
commandé à cet égard par l'ensemble de nos besoins pratiques ».
Il est même parfaitement légitime de faire intervenir « notre
prédilection instinctive pour l'ordre et l'harmonie, nos conve-
6
nances purement personnelles, nos besoins d'idéalité . »
Or, selon Comte, l'utilité de son hypothèse, ou plutôt de sa
série d'hypothèses cérébrales, n'est pas douteuse. Elle est ana-
logue à celle de l'idée de Descartes, d'après laquelle, lors même
que les choses n'offrent aucun ordre, il faut, pour arriver à les
7
connaître leur en supposer u n . « Plus les phénomènes se com-
1
A s i g n a l e r a n a l o g i e a v e c l a m é t h o d e d e B l a i n v i l l e (cf. F l c u r e n s , Eloges,
p p . 3oo-3i8). — C ' e s t d o n c b i e n à t o r t q u e L i t t r é e s t i m e q u e « o n n e p e u t r a y e r
plus n e t t e m e n t d'un trait d e p l u m e l a p h i l o s o p h i e p o s i t i v e , d a n s s a partie b i o l o -
g i q u e » (A. C. et le P., p . 047).
2
L é v y - B r u h l , la Philosophie de Comte, p . 207.
3
Qui n'est p a s sans r a p p e l e r — d e loin — l e s i d é e s é m i s e s r é c e m m e n t p a r
M. P o i n c a r é .
4
Cours, I I I , p . 642.
5
Ibid., p . 647.
0
Sur c e t t e t h é o r i e , c f . Cours, I I , 28° l e ç o n , p p . 258 e t s s . — Système, I ,
pp. 5oo, 678, 784; I I I , p p . i g , g 6 ; I V , p . 210. — P . L a f f i t t e , Cours, ï , p . i5i.
1
L e r a p p r o c h e m e n t e s t d e R a v a i s s o n (Rapport, p . 69); C o m t e l u i - m ê m e l ' a v a i t
i n d i q u é (Cours, I I I , p . 570): e t , a v a n t l u i , S t - S i m o n (Introd. aux Travaux scien-
tifiques du XIXe siècle, 1, p p . 07 e t 68). C o m t e r a p p r o c h e a u s s i c e t t e h y p o t h è s e
de celle d e Broussais sur l e siège des maladies : « O ndoit considérer que quand
m ê m e il s e serait t r o m p é s u r l e siège d e telle o u telle maladie, il serait bien
préférable pour la pathologie e t m ê m e pour la thérapeutique d e concevoir u n
s i è g e d i f f é r e n t d u v é r i t a b l e q u e d e n ' e n c o n c e v o i r a u c u n (Examen, p . 600). —
L i t t r é r a p p e l l e (A. C. et le Pos., p . 543) d e q u e l l e u t i l i t é s e m b l a b l e f u t l ' h y p o -
790 REVUE CRITIQUE
pliquent, moins notre esprit peut les séparer d'un siège quel-
conque... Quand la considération des organes ne deviendrait pas
indispensable pour diriger l'action et même l'éducation, elle serait
déjà nécessaire afin de guider la pure spéculation. Ce besoin
est tel que, faute d'hypothèses propres à devancer les vraies
déterminations, il peut être utilement satisfait, d'une manière
1
encore plus provisoire, par l'usage de sièges indéterminés . »
Procédant, comme dans le Cours, à la détermination des fonc-
tions cérébrales et à leur classification, d'après le grand principe
delà généralité et de l'énergie décroissantes, ainsi que de la compli-
2
cation et de la dignité croissantes , Comte, après avoir établi la
distinction de nos qualités morales en affectives proprement dites
3
et en actives ou pratiques , montre que toute qualité morale con-
siste en une émotion, un désir, nous poussant à vouloir telle ou
telle chose, sans nous faire connaître les moyens de l'atteindre et
sans nous la faire atteindre effectivement, ces deux dernières
opérations étant l'œuvre propre de l'intelligence qui renseigne
et de l'activité qui effectue : le nom d'instinct est celui qui con-
vient le mieux à de telles qualités, et caractérise le plus exacte-
4
ment leur aveugle spontanéité . Or, l'instinct le plus universel
et le plus énergique, mais aussi le moins élevé, celui qui constitue
comme la base fondamentale de toute personnalité et qui occupe
par conséquent le premier degré de la hiérarchie des facultés
morales, c'est l'instinct de la conservation de l'individu, ou ins-
tinct nutritif °. Ceux relatifs à la conservation de l'espèce, en
étroite corrélation avec le premier, ne viennent qu'après lui dans
l'ordre de l'universabilité et de l'irrésistibilité ; ce sont l'instinct
1 Ihid., I, p . 616.
2
Ihid., I, p p . 7 l 5 - 7 l G ; I I , p . 220.
3
L e s f o n c t i o n s i n t e l l e c t u e l l e s f o r m a n t l ' e s p r i t , e t l e s i n s t i n c t s , l e c œ u r , d a n s la
terminologie de Comte.
4
Système I , p. 72З.
5
R o b i n e t , l. c , p . 11a, c r o i t t r o u v e r u n e j u s t i f i c a t i o n d e c e t t e t h é o r i e , d a n s l a
d é c o u v e r t e de la c i r c o n v o l u t i o n d e B r o c a . Mais l e s travaux de M. P i e r r e Marie
o n t m o n t r é q u e la t r o i s i è m e c i r c o n v o l u t i o n frontale g a u c h e ne j o u e a u c u n r ô l e
s p é c i a l d a n s l a f o n c t i o n d u l a n g a g e ( V . Semaine médicale, 2З m a i 1906; lisv. de
Philos., j u i l l e t 1907). — Cf. M o u t i e r , l'Aphasie de
Broca (1908; e t D a g i i a n - B o u -
v e r e t , Л е г . de iléluph., j u i l l e t xgo8.
6
Ces o r g a n e s affectifs к m ê m e d a n s la plus h a u i e é n e r g i e , m ê m e m a l a d i v e ,
ignorent entièrement leur propre état, qui ne p e u t être connu que par des
o r g a n e s i n t e l l e c t u e l s , si c e u x - c i r e s t e n t a s s e z l i b r e s p o u r p r o c é d e r à c e t t e
a p p r é c i a t i o n i n t é r i e u r e c o m m e e n v e r s u n s p e c t a c l e e x t é r i e u r , s (Système I.
p . 710).
r
" Voir D Audiffrent, Lettre sur l'aphasie.
A. Georges.— LE SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 793
1
R o b i n e t , l. е., p . 114. S u r l e r a p p o r t a v e c l e « s i g n e d e c r o i x » P o s i t i v i s t e ,
cf. Catéchisme, p . 129.
2
Système, I, p . 685. V . ibid., I , p p . 14, 679; I I , p . 7 ; ; I I I , p . 67.
ъ
D a n s u n e é t u d e p l u s é t e n d u e , il y a u r a i t lieu d ' é t u d i e r l e s i5 lois de la
« P h i l o s o p h i e p r e m i è r e ». é n o n c é e s p a r C o m t e (Cours. 1, p . 12a; I,
167; Système,
III, 07-70: I V , 177: Cours, I I I ; Système, I, 6o5: I V , 178; I I , 3 3 ; Cours, V I , 9
1
La Philosophie Positive, p . 3 8 .
Des quatre sens du loucher, et en particulier de la muscu-
- Cf. D r D u b u i s s o n ,
lation ou sens musculaire (1874).
3
Système, 1, p . 527.
* Ihid., I , p . 7 1 1 .
= Système, i, p . 7 1 0 ; I I , p . 3 8 a ; I I I , p . 20; Cours, I I I , p . S82.
6
V o i r p a r e x . D u r n a s , thèse latine, p . 84.
1 Cours, I I I , p p . 596-8; Système, I, p p . 398-9; P . Laffitte, loc. cit., XIVc leçon,
II, 1-44-
pp.
s Cours, I I I , p p . 523-4; Système, I , p . 607.
s C a b a n i s , Rapports, I I , 355 e t s s .
iû Cours, I I I , p p . S i S - g ; Système, I, p p . 099-608.
i l Système, I , p . Sgg.
12. ïbid., p . ôoG.
A. Georges. — L E S Y S T È M E P S Y C H O L O G I Q U E D ' A U G U S T E COMTE "97
1
Système, II, p . 3 8 3 .
r
- Catéchisme, p . i54; Cf. D A u d i f T r e n t , Du cerveau et de l'innervation
(1869); Des maladies du cerveau et de l'innervation, d'après A. Comte (1874);
A . P o t ' y , Travaux du IV" Congrès de Psychologie, 1900 ( p . 244).
3
Système, I I , p . 407.
4
Système, I, p p . 6 3 6 , 722-3.
793 REVUE CRITIQUE
1
Cours, III, p . 5 8 5 ( S u r l ' e x p r e s s i o n d e s é m o t i o n s , C o m t e e s t u n a u t h e n t i q u e
p r é c u r s e u r d e C h . B e l l e t d e G r a t i o l e t . V . Système, I I , p p . 227-242; I I I , p. 79.)
2
Cf. L é v y - B r û h l , la. Philos. d'A. C, p p . 264-265.
3
Système, I I , p . 220. — S u r la t h é o r i e d e s s i g n e s , e n g é n é r a l , cf. Système: I I ,
p p . 216-265.
4
Ihid., I I , p . 226. — S u r l ' i n s t i t u t i o n d u l a n g a g e , cf. Système, I. p . 6 3 5 ; s u r
s a n a t u r e , cf. ibid., I I , p . 287 ; s u r s o n a v e n i r , cf. ihid., p p . 260, 466 ; I V , p . 482.
5
Ibid , p p . 264-8.
s
C o m t e f a i t s a n s d o u t e a l l u s i o n a u D e S e r m o n e (Levialhan, I V , ¡3;.
7
Système, I I , p . 237.
s Cours, V , p . 37.
A. Georges.— LE SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 799
1
Système, I I , p p . 26a, 466: I V , p p . 70, 96, 262.
2 Ibid., I I , p . 260.
3
Ibid., I I , p p . 2З7-246; Système, I , p . 288; I I , p . 200.
5
[bld., I, p . 145.
5
Discours sur l'ensemble du Positivisme, p p . З28 e t s s . — Système, I , p p . 288,
2ЗЗ, 295, 3 5 o , 297, З о о , 20З, 274, 280, З07, 276: I I , p p . З17, 228, 2З7, г а г , 4З, 6g,
3i3, 212, 140; I I I , p p . 1З2, 1З8, 22З, 228, 279, 33o, 3 5 0 , 441, 488; I V , p p . 54, 359,
5o, 148, 96, i55, 74, £18. !2o, 43, 90, 168, 242. — Th. Braga, Constitution de
l ' E s t h é t i q u e P o s i t i v i s t e la Philos. Posit., 1875, t. I I , p p . З4 e t s s .
a
Cours, V , p . i n ( A r e m a r q u e r q u e l a d i s t i n c t i o n C o m t i e n n e b i e n c o n n u e
e n t r e le d o n d e la c o n c e p t i o n e t c e l u i d e l ' e x p r e s s i o n e s t d é j à d a n s B i v a r o l ,
(OEuvres, I , p . 1 3 6 ) .
7
Système, il, p . 241. S e l o n C o m t e , l a l o g i q u e a f f e c t i v e n'a g u è r e é t é c u l t i v é e
q u e p a r l e s g r a n d s m y s t i q u e s ( V . Système, I , p . 4 5 i ) .
300 REVUE CRITIQUE
* Système. I I , p . a S g .
3
L é v y - B r u k ! , la, Philos. d'A . C, p . 2o3, e t la Morale ai la science des mœurs,
p . 8 o . — Cf. a u s s i C h . M a u r r a s , l'Avenir de l'Intelligence ( p . tay) : « L a v r a i e
logique se définit « le c o n c o u r s normal d e s s e n t i m e n t s , d e s i m a g e s et d e s signes
p o u r n o u s inspirer (au lieu de dévoiler) les c o n c e p t i o n s (au lieu de vérités) qui
c o n v i e n n e n t à n o s b e s o i n s m o r a u x , i n t e l l e c t u e l s e t p h y s i q u e s ». C e t t e p h i l o s o -
phie, cette logique veut envelopper et soulever toute rame. »
4
A. Comte et le Positivisme, p . 189.
5
Système, I I , p p . 487-8.
6
Cf. P . L a f f i t t e , Cours de Philosophie première, II, p p . 33, 3y, 129, 180, 244. —
A. Georges.— L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 801
1
Morale , ou, comme Comte aurait préféré l'appeler, si le nom
n'avait eu un autre sens habituel, Y Anthropologie -.
« Mon œuvre fondamentale, dit-il, a pleinement démontré l'ur-
gence de rallier la science réelle autour de son antique destina-
tion : connais-toi toi-même; que la raison moderne fortifie, en la
3
complétant : connais-toi pour t'améliorer . » Persuadé donc que
1
« la première science de l'homme, c'est l ' h o m m e », et que « la
vraie science est faite pour l'homme et non l'homme pour la
3
science », il place toujours dans les diverses constitutions qu'il
présente de la hiérarchie encyclopédique, la morale à part et
6
comme terme de toutes les autres sciences . C'est en effet la plus
compliquée, car elle a à tenir compte des tempéraments indivi-
duels, dont les effets peuvent être négligés en sociologie, parce
D D e i b e t , la Morale
r
Positive, c o n f é r e n c e d u 23 j a n v i e r 189g ( i n Morale
Sociale). — E . C o r r a , la Philosophie Positive, p p . 4'-42.
1
Système, I, p p . g 3 , 97, i 3 g , 354, 4 g S ; I I , p p . 260, 437', H L P P - 48, 5o; I V ,
pp. 7, 48, i 8 3 , 23o, 244, 342, 542. — C e t l e c o n c e p t i o n s e f a i s a i t d é j à j o u r e n
1842, à l a fin d u Cours, e n u n t e m p s o ù C o m t e n e d i s t i n g u a i t p a s e n c o r e n e t t e -
m e n t l a M o r a l e d e l a S o c i o l o g i e ; il a n n o n ç a i t u n o u v r a g e s o u s l e d o u b l e titre d e
S y s t è m e d e m o r a l e p o s i t i v e o u T r a i t é d e l ' é d u c a t i o n u n i v e r s e l l e ( V . Système de
Politique, I V , p . 23i).
2
V o i r u n e p a g e e x t r ê m e m e n t i m p o r t a n t e d u Catéchisme, p . 171, c f . a u s s i
P . L e r o u x : « D e l à la n é c e s s i t é d'une é t u d e plus v a s t e c o m p r e n a n t à la fois
l'âme e t l e corps, c o m p r e n a n t l ' h o m m e tout entier, étudié d'une façon externe,
C'est c e q u e l e s d i s c i p l e s d e C a b a n i s e t d e Gall o n t c o m p r i s à l e u r m a n i è r e ,
l o r s q u ' i l s o n t o p p o se é à l a p s y c h o l o g i e l a p h r é n o l o g i e o u l ' a n t h r o p o l o g i e » . (Réfut.
de l'Eclectisme, 2 é d . , p p . 121 e t 2gi. R a p p e l o n s q u e l a i r e
é d i t . e s t d e r83g).
— « L ' a n t h r o p o l o g i e , d i t T i s s o t (Anthropologie spéculative générale, 1843, I ,
p . 2), e s t l a s c i e n c e d e l ' h o m m e p e n s a n t , m a i s c o n s i d é r é p l & s p a r t i c u l i è r e m e n t
dans s e s rapports avec les conditions organiques d e la pensée, e t tel encore
qu'il s e m o n t r e d a n s l a réalité p r a t i q u e d e l à v i e ». — L i t t r é q u i p r o j e t a i t u n e
« t h é o r i e s u b j e c t i v e d e l ' h u m a n i t é », c o m p r e n a n t « l a m o r a l e , l ' e s t h é t i q u e e t l a
p s y c h o l o g i e » ne paraît pas s e d o u t e r q u e c e t t e é t u d e qu'il r e p r o c h e à C o m t e d'avoir
d é d a i g n é e (A. G. et le P., p . 677), d e v a i t f a i r e p a r t i e d e l a S y n t h è s e s u b j e c t i v e .
3
Système, I I , p . 325.
m c
* M de Lambert.
5
A . B e r t r a n d , VEnseignement intégral, p. 71.
s
O n s a i t q u ' i l r é p a r t i t l e s s c i e n c e s e n c o n s t i t u t i o n s b i n a i r e s (2 m o d e s ) , t e r -
n a i r e s (3 m o d e s ) , q u a t e r n a i r e s ( 2 m o d e s ) , q u i n q u e n n a i r e ( 1 m o d e ) , s e p t e n n a i r e
(1 m o d e ) . L e s p l u s c a r a c t é r i s t i q u e s , a u p o i n t d e v u e q u i n o u s o c c u p e , s o n t p e u t -
être l e s ternaires e t s u r t o u t :
,
i.
2.
3.
( 1.
S Ordre matériel (mathématique, astronomie,
Ordre vital (biologie).
Ordre humain (sociologie, morale).
Logique (mathématique).
physique, chimie).
1
qu'ils se neutralisent les uns les autres . « Ceci, reconnaît
2
Stuart-Mill , est une remarque digne de M. Comte dans ses
meilleurs jours ; et cette science ainsi conçue est, comme il le
dit, le vrai fondement scientifique de l'art de la morale. » Mais, le
même Stuart-Mill, oubliant le sens particulier du mot « morale »
chez Comte, écrit, dans le même chapitre de son livre: « Novalis
disait de Spinoza qu'il était un homme enivré de Dieu, M. Comte
3
est un homme enivré de m o r a l e ». Si donc la morale est la
science de l'homme individuel, si l'homme individuel est ce
qu'ont étudié de tout temps, bien ou mal, les psychologues,
voici donc le grand détracteur de la psychologie devenu « ivre »
de psychologie !
Quoi d'étonnant, après cela, que le nom même que Comte
voulait donner à cette science de « l'homme tout entier » se
trouve être précisément celui que le plus grand des « psycholo-
gues métaphysiciens » du siècle, Maine de Biran, a choisi pour
titre de son dernier ouvrage : Anthropologie '! Que Comte n'ait 1
sciences de Descartes, telle que M . Millet (Descartes avant 1637, p. 239) a cru
p o u v o i r la r é t a b l i r :
I. M é t a p h y s i q u e ( m é t a p h y s i q u e , logique, linguistique) . . . 1
[ aj M a t h é m a t i q u e et philo-
1 Sophie n a t u r e l l e . . 2
b
I . SCIENCES ; l \ ) Physique générale et
6 c a n i s m e c 6 1 e t c 3
SPÉCULATIVES ] I I . P h y s i q u e ou ) A ) matérielle. . ™ ( f - •
sciences / W Physique terrestre et
d e la n a t u r e \ / , c h , m i e
4
d) Anatomie et physiolo-
1 gic 5
B)s p i r i t u e l l e : P h y s i o l o g i e d e la p e n s é e e t
psychologie 6
Relation aux ( inorganiques (mécanique) 7
I I . SCIENCES ) corps ^ organiques (médecine) 8
PRATIQUES [ Relation à l'âme (morale) 9
Il e s t r e m a r q u a b l e q u e , p a s p l u s q u e C o m t e , D e s c a r t e s n'a p u c o n s t i t u e r
c e t t e m o r a l e s y s t é m a t i q u e d o n t , c o m m e l u i , i l f a i s a i t l a s c i e n c e s u p r ê m e , («c L a
p l u s ' h a u t e et l a p l u s p a r f a i t e m o r a l e p r é s u p p o s a n t u n e e n t i è r e c o n n a i s s a n c e d e s
a u t r e s s c i e n c e s , e s t l e d e r n i e r d e g r é d e l a s a g e s s e » , Principes, préface, éd.
L i a r d , p . 21).
1
V . l e P r o g r a m m e p o u r l ' i n s t r u c t i o n p o s i t i v e d u p e u p l e ( i n L i t t r é , A. Comte
et le Posil., p . 5g3). — Cathéchisme, p . 166. — D e R o b e r t y , N o t e s s o c i o l o g i q u e s
(in la Philos. Posit., j u i l l e t - d é c e m b r e 1878).
2
A . Comte et le Positivisme, p . 189.
3
Ihid., p . i j j i . — S e r a p p e l e r q u ' a u x v n c
s i è c l e , p a r e x e m p l e , « la d i s t i n c t i o n
n'était pas faite entre la m o r a l e et ce que n o u s a p p e l o n s la p s y c h o l o g i e , n o n
p l u s q u ' e n t r e l a p s y c h o l o g i e e t l a p h y s i o l o g i e ». ( C o u c h o u d , B. de Spinoza.
p. 207). — E n e f f e t , l ' E t h i q u e d e S p i n o z a e t c e l l e d e G e u l i n c x , e n t r e a u t r e s , s o n t
surtout des traités de psychologie.
4
B i r a n , Nouveaux Essais d'Anthropologie, 1828-24 ( p u b l . par N a v i l l e , t. I I I ) .
A. Georges. - L E SYSTÈME PSYCHOLOGIQUE D'AUGUSTE COMTE 803
1
« L e s t r o i s d e r n i e r s c h a p i t r e s ( d u y" v o l u m e p r o j e t é d e l ' E n c y c l o p é d i e
abstraite), seront directement voués à l'étude spéciale d e l'âme, e n établissant
les lois générales d e l'existence synthétique, d'abord affective, puis spéculative,
enfin a c t i v e D a n s u n dernier chapitre, sera caractérisée l'harmonie néces-
s a i r e e n t r e l ' e x i s t e n c e c o r p o r e l l e e t l a v i e c é r é b r a l e » (Système, I V , p p . 233-4).
- Cours. I I I . p p . 270-280.
s
Ibid.,' p p . 285-6.
* Ibid., p . 288.
5
Ibid.. p . 289; Système, I , p p . 620, 671.
0
Montaigne, C h . Bonnet, Helvétius, Buffon, l i é a u m u r s'en occupèrent en
p a s s a n t . K i v a r o l , p r ô n a a u s s i l ' I d é o l o g i e c o m p a r é e ( c f . Œuvres, I, p p . 170-2035.
M a i s C o m t e , v i s e s u r t o u t i c i G . L e r o y d o n t l e s lettres sur les animaux p a r u r e n t
d a n s d i v e r s r e c u e i l s d e 1762 à 1760 e t f u r e n t r é u n i e s e n v o l u m e e n 1781 ( r é i m p r e s -
s i o n s e n 1802 e t e n 1862, a v e c p r é f a c e d e R o b i n e t ) . ' L ' a r t i c l e I n s t i n c t d e l ' E n c y c l o -
p é d i e — attribué s o u v e n t à D i d e r o t — par ex. dans les Œ u v r e s choisies, édit. par
Geniu, e s t c o m p o s é d e phrases textuellement e m p r u n t é e s à c e s lettres). Comte
f a i s a i t g r a n d c a s d e c e t o u v r a g e , d o n t M . G . B o h n 3 d i t r é c e m m e n t : « C'est l e
premier livre d e p s y c h o l o g i e a n i m a l e : G. L e r o y a b e a u c o u p observé l e s a n i -
m a u x s u p é r i e u r s ; l e s c o n s i d é r a t i o n s qu'il d é v e l o p p e s o n t d e s p l u s i n t é r e s s a n t e s :
il r é f u t e l ' a u t o m a t i s m e d e s b è t e s ; i l l i r e d e n o m b r e u x a r g u m e n t s d e « l ' é d u c a -
b i l i t é d e s a n i m a u x » e t d e l e u r « p e r f e c t i o n n e m e n t par h é r é d i t é ». L'erreur q u i
c o n s i s t e à o p p o s e r l'un à l'autre l'instinct e t l'intelligence, a v e c s e s c o n s é -
q u e n c e s f â c h e u s e s , n'apparaît p a s e n c o r e » (Le p a s s é e t l'avenir d e la p s y c h o -
l o g i e c o m p a r é e . Revue Scientifique, 16 m a i 1008. p . 621).
804 R E V U E CRITIQUE
1
Cours, I V , p . 3 5 i , n o t e .
'- T o u s l e s l e c t e u r s d e C o m t e s a v e n t q u e l c a s il f a i t d e s g r a n d s é c r i v a i n s d e
t o u s l e s t e m p s , e t c o m b i e n il p r ô n e l e u r é t u d e . A c e p o i n t d e v u e , l e s E c l e c -
t i q u e s é t a i e n t m o i n s i n j u s t e m e n t d é d a i g n e u x d e « la l i t t é r a t u r e » q u e la p l u p a r t
d e s p h i l o s o p h e s c o n t e m p o r a i n s , qui n e p a r a i s s e n t p a s s e d o u t e r qu'il peut y a v o i r
p l u s d e p s y c h o l o g i e d a n s un d r a m e o u u n r o m a n q u e d a n s u n v o l u m i n e u x traité
de psychologie.
•' Cf. L é v y - B r u h l , la Morale et la science des mœurs, p . 7 9 . A l l e n g r y , La Socio-
logie chez A. Comte, p . 4*>. L> D r a g h i s c e s c o , a r t . i n Archiv. fur si/slematischc
r
L'enquête s u r la v i e s e x u e l l e d e s é t u d i a n t s d e M o s c o u . —
D a n s p l u s i e u r s villes u n i v e r s i t a i r e s de la R u s s i e , à Y o u r i e w , à
Kharkoff, à M o s c o u , o n a i n s t i t u é des e n q u ê t e s s u r les c o n d i t i o n s de
la vie s e x u e l l e des é t u d i a n t s des é t a b l i s s e m e n t s s u p é r i e u r s d o n t les
r é s u l t a t s o n t é t é c o m m u n i q u é s a u x d e r n i e r s c o n g r è s de la S o c i é t é d e
Pirogoff ( s e c t i o n s de d e r m a t o l o g i e e t d ' h y g i è n e p u b l i q u e ) . La p l u s
i m p o r t a n t e de ces e n q u ê t e s e s t celle q u i a é t é o r g a n i s é e s u r l ' i n i t i a t i v e
du p r i v a t - d o c e n t , M . Tchlenoff, e n 1903, et q u i c o n c e r n e les é t u d i a n t s
de M o s c o u . U n e c o m m i s s i o n c o m p o s é e de p r i v a t - d o c e n t s e t d ' é t u d i a n t s
a é l a b o r é u n v a s t e q u e s t i o n n a i r e q u ' o n a d i s t r i b u é à t o u s les é t u d i a n t s
en 1904. B i e n q u e c e t t e e n q u ê t e c o ï n c i d â t a v e c le d é b u t des t r o u b l e s
q u i o n t r e m p l i ces d e r n i è r e s a n n é e s de la vie u n i v e r s i t a i r e à M o s c o u ,
p r è s de la m o i t i é des é t u d i a n t s , e x a c t e m e n t 2 . i 5 o , o n t e n v o y é des
r é p o n s e s . U n e a u t r e c o m m i s s i o n a d é p o u i l l é ces r é p o n s e s e t a s o u m i s
à u n e a n a l y s e s t a t i s t i q u e les r é s u l t a t s . A u 10° C o n g r è s d e Pirogoff,
M . Tchlenoff a p u l'aire u n e c o m m u n i c a t i o n p r é a l a b l e s u r les r é s u l t a t s
u
o b t e n u s et qui v i e n t de p a r a î t r e d a n s la Vratch russe, n 3i-3a.
La feuille a d r e s s é e a u x e n q u ê t e s p o r t a i t 207 q u e s t i o n s d r e s s é e s e n
g r o u p e s : la p r e m i è r e p a g e d e m a n d a i t u n e r é p o n s e a u x q u e s t i o n s (1-16)
s u r la p e r s o n n e et les c o n d i t i o n s de la v i e , s u r l ' h é r é d i t é ( i 7 ) , s u r l ' é t a t
g é n é r a l de la s a n t é (18), s u r le t a b a g i s m e (19-21), l ' a l c o o l i s m e (22-29) j
la d e u x i è m e p a g e , s u r l'infliiençç de la famille (3o-52) ; la t r o i s i è m e
p a g e , s u r l'influence de l'école (53-92); la q u a t r i è m e , s u r l'influence
de la l i t t é r a t u r e ( g 3 - i o 3 ) et du t h é â t r e (104-112); la c i n q u i è m e , s u r la
vie s e x u e l l e ( 1 1 3 - i 16), les p o l l u t i o n s (117-122), le m a r i a g e ( i a 3 - i 3 6 ) ,
la vie s e x u e l l e e x t r a - c o n j u g a l e ( 137-153) ; la s i x i è m e , s u r l ' o n a n i s m e
154-169) et les a u t r e s a n o m a l i e s (170); la s e p t i è m e , s u r les m a l a d i e s
v é n é r i e n n e s : la s y p h i l i s ( 1 7 1 - 1 8 3 ) , la b l e n n o r r h a g i e (184-195) et le
c h a n c r e m o u (196-207).
E x a m i n o n s s u c c e s s i v e m e n t les r é p o n s e s o b t e n u e s s u r ces d i v e r s
g r o u p e s de q u e s t i o n s . E n ce qui c o n c e r n e la p e r s o n n e et les c o n d i t i o n s
810 REVUE DES JOURNAUX ÉTRANGERS
e
d e la vie d e s é t u d i a n t s d e M o s c o u e n 1904 t en l a i s s a n t de c ô t é b e a u -
c o u p de d é t a i l s , n o u s v o y o n s q u ' e n p r e n a n t p o u r b a s e c e u x q u i ont
e n v o y é d e s r é p o n s e s , les facultés d e m é d e c i n e e t d e d r o i t s o n t r e p r é -
s e n t é e s p a r 3 o p . c e n t c h a c u n e ; les s c i e n c e s , par. 19 p . c e n t ; les m a t h é -
m a t i q u e s , p a r 11 p . c e n t , et les l e t t r e s , p a r 10 p . c e n t . L ' â g e le plus
f r é q u e n t e s t d e 19 à 21 a n s ; la n a t i o n a l i t é p r é d o m i n a n t e , les g r a n d s -
r u s s i e n s ; les classes sociales, les n o b l e s , l e s c i t a d i n s , le c o m m e r c e , le
c l e r g é . La p r o f e s s i o n d e s p a r e n t s , p o u r le p è r e : f o n c t i o n n a i r e s ,
c o m m e r c e , a g r i c u l t u r e ; p o u r la m è r e : m é n a g è r e , q u e l q u e f o i s l ' e n s e i -
g n e m e n t o u la p r o f e s s i o n m é d i c a l e . L ' i n s t r u c t i o n d e s p a r e n t s e s t
m o y e n n e d a n s le t i e r s d e s c a s , s u p é r i e u r e c h e z u n q u a r t des p è r e s et
d a n s 60 p . c e n t d e s m è r e s .
L e s é t u d i a n t s h a b i t e n t le p l u s s o u v e n t l e c e n t r e d e la v i i l e , chez d e s
p a r t i c u l i e r s e t d a n s 3 8 p . c e n t i s o l é m e n t . T a n d i s q u e G4 p . c e n t o n t d e s
r e s s o u r c e s d o n t 5 o p . c e n t v i e n n e n t d e l e u r f a m i l l e , 21 p . c e n t n ' o n t
p o i n t de r e s s o u r c e s é t a n t o b l i g é s d e g a g n e r l e u r v i e c o m p l è t e m e n t , les
' a u t r e s p a r t i e l l e m e n t . Les d e u x t i e r s d e s é t u d i a n t s p r a t i q u e n t d e s e x e r -
cices p h y s i q u e s ; la m o i t i é s o n t f a t i g u é s a p r è s l e u r t r a v a i l et p a s s e n t
l e u r s l o i s i r s à la l e c t u r e , au t h é â t r e ou e n s o c i é t é ; la n o c e et les c a r t e s
n'entraînent que 3 p . cent de ceux qui o n t envoyé des réponses.
L ' h é r é d i t é chez les p a r e n t s e s t n o t é e d a n s 84 p . c e n t d e s c a s e t p o r t e
s u r les m a l a d i e s n e r v e u s e s e t la t u b e r c u l o s e . L e s d e u x t i e r s o n t u n e
b o n n e s a n t é , les a u t r e s s i g n a l e n t d e s t r o u b l e s n e r v e u x , g a s t r o - i n t e s t i -
naux, etc. La moitié de ceux qui o n t r é p o n d u sur c e t t e question fument,
s o u v e n t (27 p . c e n t ) b e a u c o u p , le p l u s s o u v e n t (71 p . c e n t ) d e p u i s
l'âge de i5 à 20 a n s . C e u x qui b o i v e n t (64 p . c e n t ) o n t c o m m e n c é
a v a n t l e u r e n t r é e à l ' U n i v e r s i t é , à l ' â g e d e i 5 à 20 a n s le p l u s s o u v e n t .
T o u t e f o i s , la p r e s q u e t o t a l i t é n e b o i t q u ' a c c i d e n t e l l e m e n t , e n c o m p a -
gnie d e s c a m a r a d e s . Ils c o n s o m m e n t d e la b i è r e , d u v i n et d e l ' e a u - d e -
vie et a l o r s d a n s la m o i t i é d e s cas j u s q u ' à l ' i v r e s s e ; i 3 p . c e n t t e r m i -
n e n t c e s l i b a t i o n s p a r des r e l a t i o n s s e x u e l l e s a v e c des p r o s t i t u é e s .
L ' h é r é d i t é a l c o o l i q u e est n o t é e d a n s 53 p . c e n t e t c o n c e r n e les a s c e n -
d a n t s p l u s é l o i g n é s e t s e u l e m e n t d a n s i3 p . c e n t le p è r e et la m è r e .
La f o r t u n e d e s familles est m o y e n n e d a n s d e u x t i e r s d e s c a s et a u -
d e s s o u s d e la m o y e n n e d a n s u n c i n q u i è m e . L ' é d u c a t i o n p r i m a i r e a été
d o n n é e p a r les p a r e n t s d a n s 71 p . c e n t d e s c a s , e t d a n s 18 p . c e n t
p e r s o n n e ne s'était occupé d'élever ces e n f a n t s . Une c o m m u n i o n
m o r a l e a v e c les p a r e n t s e x i s t a i t d a n s 60 p . c e n t d e s cas, t a n d i s q u e
d a n s 37 p . c e n t il n ' y a v a i t d e c o n t a c t m o r a l n i avec les p a r e n t s ni
a v e c les é d u c a t e u r s . Des r e l a t i o n s a f f e c t u e u s e s a v e c les familles o n t
été c o n s e r v é e s d a n s les t r o i s q u a r t s d e s c a s , d a n s les a u t r e s ces r e l a -
t i o n s o n t été r o m p u e s . L ' é d u c a t i o n a v a i t le p l u s s o u v e n t u n e s p r i t
r e l i g i e u x e t m o r a l . D a n s 5 8 p . c e n t d e s c a s o n se s e r v a i t d e c o r r e c t i o n
c o r p o r e l l e s . Le c h o i x r a i s o n n é d e la c a r r i è r e n ' a é t é fait s o u s l ' i n f l u e n c e
de la famille q u e d a n s 16 p . c e n t d e s c a s .
REVUE DES JOURNAUX ÉTRANGERS 811
p l u s s o u v e n t s o u s f o r m e d e l o t i o n s a n t i s e p t i q u e s ou d e s c o n d o m s . Les
d e u x t i e r s b l â m e n t les r a p p o r t s e x t r a - c o n j u g a u x , s e u l e m e n t 8 p . c e n t
c o n s i d è r e n t la p r o s t i t u t i o n c o m m e u n p h é n o m è n e n o r m a l et 26 p . c e n t
p a c t i s e n t a v e c le m a l n é c e s s a i r e . C o m m e m o y e n s de l u t t e c o n t r e la
p r o s t i t u t i o n 22 p . c e n t r e c o m m a n d e n t le m a r i a g e , 1 8 p . c e n t la diffu-
sion des c o n n a i s s a n c e s m é d i c a l e s et i 5 p . cent les c e r c l e s d ' i n s t r u c t i o n
mutuelle.
L ' o n a n i s m e est a v o u é d a n s le passé p a r 60 p . c e n t , d a n s le p r é s e n t
p a r i 4 p . 1 0 0 d e c e u x qui o n t r é p o n d u à c e t t e q u e s t i o n . L ' â g e d e la
p l u s g r a n d e f r é q u e n c e est c e l u i de i 5 à 1 6 ans et la f r é q u e n c e m o y e n n e
d e u x fois p a r m o i s . C h e z p l u s d e la moitié l ' o n a n i s m e s'est d é v e l o p p é
s p o n t a n é m e n t , chez m o i n s d e la moitié sous l'influence des c a m a r a d e s ;
la t r è s g r a n d e m a j o r i t é p r a t i q u e n t s o l i t a i r e m e n t , la p l u p a r t l u t t e n t
c o n t r e le m a l . C e u x q u i o n t cessé, o n t a b a n d o n n é c e t t e h a b i t u d e d a n s
ces d e r n i è r e s a n n é e s , soit p o u r des raisons m o r a l e s , s o i t p a r c r a i n t e d e s
c o n s é q u e n c e s . Q u e l q u e s - u n s o n t c o n t i n u é les p r a t i q u e s solitaires m ê m e
a p r è s le m a r i a g e . C e u x q u i c o n t i n u e n t , le font (en d e h o r s d u m a r i a g e )
p a r c r a i n t e d e s m a l a d i e s v é n é r i e n n e s ou p a r a v e r s i o n c o n t r e les r a p p o r t s
e x t r a - c o n j u g a u x . P a r m i les c o n s é q u e n c e s de l ' o n a n i s m e o n n o t e d a n s
22 p . c e n t l'affaiblissement de la v o l o n t é . P a r m i les c a u s e s q u i favo-
r i s e n t l ' o n a n i s m e , d a n s la m o i t i é des cas o n a c c u s e les i m p r e s s i o n s d e
d e h o r s . — L e s a u t r e s a n o m a l i e s s e x u e l l e s ( p é d é r a s t i e , e t c . ) se t r o u v e n t
d a n s 3 p . c e n t d e s cas (56 p . c e n t de r é p o n s e s ) .
Les o b s e r v a t i o n s i n d i v i d u e l l e s à p r o p o s de l ' o n a n i s m e s o n t p a r t i c u -
l i è r e m e n t n o m b r e u s e s et p r o l i x e s . Chez les u n s , ce vice s'est d é v e l o p p é
i n c o n s c i e m m e n t , p a r h a s a r d , s o u s l'influence d ' u n e a s c e n s i o n s u r u n
a r b r e , d e la g y m n a s t i q u e . Chez d ' a u t r e s , c'est le m a u v a i s e x e m p l e d ' u n
c a m a r a d e , l ' i n c i t a t i o n d e la d o m e s t i c i t é , la l i t t é r a t u r e p o r n o g r a p h i q u e
q u i o n t p r o v o q u é le m a l . U n c o r r e s p o n d a n t insiste s u r la p r é d i s p o s i -
t i o n h é r é d i t a i r e . — L a g r a n d e m a j o r i t é s o n t des o n a n i s t e s actifs, il n ' y
a q u e d e u x cas d ' o n a n i s m e passif. — Les o b s e r v a t i o n s i n d i v i d u e l l e s
r e l a t i v e s à la p é d é r a s t i e s i g n a l e n t d e u x cas d e p é d é r a s t i e p a s s i v e e n t r e
les m a i n s du p r o f e s s e u r d e l y c é e , u n avec des c a m a r a d e s et u n avec u n
m o i n e . U n c o r r e s p o n d a n t a v o u e avoir trois fois souillé des a n i m a u x
e t de s'en t e n i r a c t u e l l e m e n t à l ' o n a n i s m e . Enfin, les n o t e s d ' u n
m a s o c h i s t e s e r o n t p u b l i é e s d a n s u n a u t r e travail.
L e s m a l a d i e s v é n é r i e n n e s se s o n t t r o u v é e s chez 25 p . c e n t , le p l u s
s o u v e n t la b l e n n o r r a g i e ( 7 8 p . c e n t ) , e n s u i t e le c h a n c r e m o u (12 p .
cent) e t l e p l u s r a r e m e n t la s y p h i l i s ( 1 0 , 5 p . c e n t ) . D o n c 47 p . c e n t des
e n q u ê t e s o n t e u la s y p h i l i s e t de ce n o m b r e i 3 p . c e n t l'ont c o n t r a c t é e
p a r voie n o n s e x u e l l e . La m o i t i é a v a i e n t c o n t r a c t é c e t t e m a l a d i e a v a n t
d ' e n t r e r à l ' u n i v e r s i t é , l ' a u t r e m o i t i é a p r è s , fie q u a r t e s t d e v e n u m a l a d e
à 1 9 a n s , mais on t r o u v e déjà à 12 ans 2 p . c e n t des c a s . La c o n t a g i o n a
eu lieu avec des p r o s t i t u é e s d a n s 77 p . c e n t , avec des d o m e s t i q u e s
d a n s 1 0 p . c e n t . M o s c o u f o u r n i t plus de la m o i t i é d e s cas d e s y p h i l i s .
REVUE DES JOURNAUX ÉTRANGERS 815
L e t r a i t e m e n t a été r é g u l i e r d a n s 99 p . c e n t d e s c a s . C h e z le t i e r s , il y
e u t i n f e c t i o n m i x t e , t a n t ô t a v e c le c h a n c r e m o u , t a n t ô t a v e c la c h a u d e
pisse. Cet accident a provoqué un c h a n g e m e n t des h a b i t u d e s chez
73 p . c e n t , la m o i t i é d a n s le s e n s d e s u p p r e s s i o n d e s r a p p o r t s s e x u e l s ,
la m o i t i é d a n s le sens d ' a d o p t i o n d e m e s u r e s d e p r é c a u t i o n . L ' i n f e c -
t i o n p a r l ' é t u d i a n t d ' u n e a u t r e p e r s o n n e n ' e s t a v o u é e q u ' u n e s e u l e fois
(26 p . c e n t d e r é p o n s e s ) .
S u r 2 . i 5 o r é p o n s e s , 19,6 p . c e n t s i g n a l e n t la b l e n n o r r a g i e , d o n t la
m o i t i é c o n t r a c t é e a v a n t l ' e n t r é e à l ' U n i v e r s i t é e t la m o i t i é a p r è s . C e t t e
m a l a d i e a été c o n t r a c t é e d a n s 16 p . c e n t à 19 a n s e t d a n s 16 p . c e n t à
20 a n s . Elle v i e n t le p l u s s o u v e n t d e s p r o s t i t u é e s , s u r t o u t c l a n d e s t i n e s
(66 p . c e n t ) et d e s d o m e s t i q u e s ( i 8 p . c e n t ) . M o s c o u f o u r n i t 5g p . c e n t
d e s b l e n n o r r a g i e s , la c a m p a g n e 4 p . c e n t , les g r a n d e s v i l l e s le r e s t e .
La c o n t a g i o n e u t lieu à l ' é t a t d e s o b r i é t é d a n s 60 p . c e n t . L e t r a i t e -
m e n t n ' é t a i t p a s r é g u l i e r d a n s 28 p . c e n t ; les c o m p l i c a t i o n s s o n t n o t é e s
chez 27 p . c e n t ( é p i d y d i m i t e s 64 p . c e n t , p r o s t a t i t e s 29 p . c e n t , a r t h r o -
p a t h i e s 6 p . c e n t ) . D a n s 4,3 p . c e n t l ' i n f e c t i o n é t a i t m i x t e ( s y p h i l i s
i , 5 p . c e n t , c h a n c r e m o u 2,8 p . c e n t ) . U n c h a n g e m e n t d a n s les h a b i -
t u d e s s u r v i n t 54 p . c e n t a p r è s l ' i n f e c t i o n , s u r t o u t d a n s le s e n s d e
cessation des r a p p o r t s . L'infection par l'étudiant d'une autre p e r s o n n e
a e u l i e u d a n s 4 p . c e n t d e s cas (pj p . c e n t o n t r é p o n d u à c e t t e q u e s t i o n ) .
L e c h a n c r e m o u a été c o n t r a c t é p a r 3 p . c e n t ; p l u s d e la m o i t i é
a v a n t l ' e n t r é e à l ' U n i v e r s i t é , m o i n s d e la m o i t i é a p r è s . L e p l u s g r a n d
n o m b r e c o n c e r n e l'âge d e 20 a n s . Ici e n c o r e les p r o s t i t u é e s e t s u r t o u t
les c l a n d e s t i n e s f o u r n i s s e n t la p l u s f o r t e p r o p o r t i o n (67 p . c e n t ) d e s
c a s , e n s u i t e v i e n n e n t les d o m e s t i q u e s (10 p . c e n t ) . M o s c o u d o n n e
5g p . c e n t d e s c h a n c r e s m o u s . La c o n t a g i o n à l ' é t a t d e s o b r i é t é e u t
l i e u 70 p . c e n t . L e t r a i t e m e n t a é t é r é g u l i e r chez 92 p . c e n t . L e s b u b o n s
s ' o b s e r v e n t chez 9 p . c e n t . U n e i n f e c t i o n m i x t e a l i e u , a v e c la s y p h i l i s
d a n s 7 p . c e n t , a v e c la b l e n n o r r a g i e d a n s 9 p . c e n t . U n c h a n g e m e n t
d a n s les h a b i t u d e s s u r v i e n t 68 p . c e n t , le p l u s s o u v e n t il y a c e s s a t i o n
des r a p p o r t s . L'infection par l'étudiant a lieu d a n s un cas.
L ' a b s e n c e p r e s q u e t o t a l e d ' o b s e r v a t i o n s p a r t i c u l i è r e s s u r les m a l a -
d i e s v é n é r i e n n e s ( s e u l e m e n t 2) et le p e u d ' e m p r e s s e m e n t d e r e m p l i r
les cases d u q u e s t i o n n a i r e s u r c e t t e q u e s t i o n t é m o i g n e n t d ' u n e c e r t a i n e
f r o i d e u r d e s e n q u ê t e s à l ' é g a r d d e ce s u j e t . M. T c h l e n o t f p e n s e q u e
le n o m b r e d e s m a l a d e s t r o u v é s d a n s c e t t e s t a t i s t i q u e e s t p e u t - ê t r e
i n f é r i e u r au n o m b r e r é e l . Il e s t v r a i q u e ces chiffres c o r r e s p o n d e n t à
c e u x t r o u v é s d a n s l ' e n q u ê t e d e Y o u r i e w , niais à p r i o r i il e s t p r o b a b l e
q u ' à M o s c o u il y a p l u s d e m a l a d e s q u e d a n s le p e t i t D o r p a t . D ' a u t r e
p a r t , l'enquête de Kharkoii a fourni u n e p r o p o r t i o n de vénériens plus
é l e v é e . A B r e s l a u , N e i s s e r a t r o u v é p a r m i les é t u d i a n t s 2,1 p . c e n t d e
s y p h i l i s , 10.1 p c e n t d e b l e n n o r r a g i e e t le 6, 9 p . c e n t d e c h a n c r e m o u .
A Kjôbenhavn, Blaschko a trouvé 1 blennorragique sur 4 ou 5 jeunes
g e n s e t 1 s y p h i l i t i q u e s u r 8. E n F r a n c e , B o u r e a u d o n n e p o u r fa
816 REVUE DES JOURNAUX ÉTRANGERS
s y p h i l i s i5 p . c e n t , Fournier8,2p. c e n t , t a n d i s que p o u r la b l e n n o r r a g i e
F o u r n i e r d o n n e 12,2 p . c e n t .
E n s o m m e , les r é s u l t a t s d e l ' e n q u ê t e m o n t r e n t q u e l e s é t u d i a n t s d e
M o s c o u s o n t s o u m i s a u x m ê m e s lois sociales q u e la société d o n t ils
font p a r t i e , q u e ce n ' e s t pas u n e masse p u r e m e n t i d é a l i s t e , c o m m e le
c r o y e n t les u n s , n i u n e r é u n i o n d'élément négatifs c o m m e i n s i n u e n t
d ' a u c u n s (Tchlenoif).
P o u r le l e c t e u r français c e t t e e n q u ê t e est e n c o r e i n t é r e s s a n t e e n ce
q u ' e l l e s e r t à c a r a c t é r i s e r d ' u n e façon si saisissante la лае sociale d e
t o u t u n g r o u p e i n t e l l e c t u e l p e u c o n n u de nos l e c t e u r s . Si n o u s a v o n s été
obligés d e n o u s l i m i t e r à l ' a n a l y s e des r é s u l t a t s g é n é r a u x , les o b s e r v a -
tions p a r t i c u l i è r e s d e s e n q u ê t e s n ' e n sont pas m o i n s i m p o r t a n t e s . D e
t o u t e f a ç o n , ce q u e n o u s a p p o r t e la c o m m u n i c a t i o n d e M . Tchlenoff
ne p e u t q u e n o u s faire s o u h a i t e r d e voir p a r a î t r e in extenso les r é s u l -
t a t s d e c e t t e e n q u ê t e aussi a p p r o f o n d i e q u e b i e n c o n ç u e .
2
4- P e n d a n t la 2 0
Douma . 222 64,6 7 2 0
,9
20 f é v r i e r 1907. — 2 j u i n 1907.
5. Deuxième interruption • 7 '•'> 159,6
1 2
97 G6,4
2 j u i n 1907. — 17 o c t o b r e 1907.
REVUE D E S JOURNAUX ÉTRANGERS 817
c r i m i n a l i t é ; 4 ° le d r o i t c r i m i n e l ; 5° l'étude des p r e u v e s d e v a n t le
t r i b u n a l c r i m i n e l ; 6 ° l ' h i s t o i r e d e s doctrines j u r i d i q u e s e t p o l i t i q u e s ;
7° l ' h i s t o i r e c o m p a r é e d u d r o i t ; 8 ° l ' h i s t o i r e des d o c t r i n e s é c o n o m i q u e s
d a n s l e u r s r a p p o r t s avec l ' h i s t o i r e d e l'état é c o n o m i q u e ; g" la m é d e c i n e
l é g a l e ; i o ° l ' a n t h r o p o l o g i e c r i m i n e l l e et la p s y c h o l o g i e d u c r i m i n e l ;
I I ° la p s y c h o p a t h o l o g i e c r i m i n e l l e .
La section médicale e n s e i g n e : i° les voies c o n d u c t r i c e s d u s y s t è m e
n e r v e u x c e n t r a l ; 2° la p h y s i o l o g i e spéciale des c e n t r e s n e r v e u x ; 3° la
c h i m i e d u s y s t è m e n e r v e u x e n r a p p o r t avec l ' é t u d e d e l ' é c h a n g e des
m a t i è r e s ; 4 ° l ' a n a t o m i e p a t h o l o g i q u e d u système n e r v e u x , 5° le dia-
0
g n o s t i c des m a l a d i e s n e r v e u s e s ; 6 ° la n e u r o - p a t h o l o g i e c l i n i q u e ; 7 la
p s y c h i a t r i e c l i n i q u e ; 8 ° les m é t h o d e s p h y s i q u e s d u t r a i t e m e n t des
0
m a l a d i e s n e r v e u s e s e t m e n t a l e s ; 9 la c h i r u r g i e d u s y s t è m e n e r v e u x ;
i o ° la b a c t é r i o l o g i e a p p l i q u é e a u x m a l a d i e s n e r v e u s e s e t m e n t a l e s ;
Ï I ° la p h y s i o l o g i e et la p a t h o l o g i e d u l a n g a g e ; 1 2 ° la p é d a g o g i e m é d i -
0
c a l e ; i3° l ' h y g i è n e m e n t a l e ; 1 4 l ' h y g i è n e s c o l a i r e ; i 5 ° l ' a n t h r o p o l o g i e
c r i m i n e l l e et la p s y c h o l o g i e d u c r i m i n e l ; 1 6 ° la p s y c h o - p a t h o l o g i e
0 0
j u d i c i a i r e ; 1 7 la p s y c h o l o g i e g é n é r a l e ; 1 8 la p s y c h o l o g i e e x p é r i -
mentale.
E n outre des matières é n u m é r é e s ci-dessus, on enseignera dans
t o u t e s les q u a t r e s e c t i o n s s p é c i a l e s : 1° la p s y c h o - p a t h o l o g i e g é n é r a l e ;
0
2 la p s y c h o l o g i e p a t h o l o g i q u e ; 3° l ' é t u d e d e l ' h y p n o t i s m e et de la
s u g g e s t i o n . E n m ê m e t e m p s , o n fera a u s s i d e s c o u r s s p é c i a u x s u r
d i v e r s e s a u t r e s b r a n c h e s de la s c i e n c e . P o u r é t u d i e r le p s y c h i s m e d e
l ' e n f a n t d e p u i s sa m a n i f e s t a t i o n e t j u s q u ' à la fin de l'âge s c o l a i r e ,
v o i r e m ê m e j u s q u ' à la m a t u r i t é , on a c r é é une école s p é c i a l e a p p e l é e
a I n s t i t u t p é d o l o g i q u e ».
Les conditions d'admission à l'Institut psycho-neurologique sont
les s u i v a n t e s : i° les a u d i t e u r s se divisent en a u d i t e u r s actifs e t
a u d i t e u r s l i b r e s ; 2" les a u d i t e u r s actifs p e u v e n t ê t r e les p e r s o n n e s des
d e u x s e x e s , s a n s d i s t i n c t i o n d e n a t i o n a l i t é ou de r e l i g i o n , a y a n t t e r -
m i n é les é t u d e s d a n s u n é t a b l i s s e m e n t d ' e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r ou
m o y e n e n R u s s i e o u à l ' é t r a n g e r ; 3° les a u d i t e u r s l i b r e s p e u v e n t ê t r e
les p e r s o n n e s n o n p o u r v u e s d u d i p l ô m e de b a c h e l i e r ou b i e n les p e r -
s o n n e s a y a n t u n e i n s t r u c t i o n s u p é r i e u r e ou m o y e n n e , m a i s d é s i r a n t
0
s u i v r e d e s c o u r s i s o l é s ; 4 les a u d i t e u r s actifs s u i v e n t p e n d a n t les
d e u x p r e m i è r e s a n n é e s les m a t i è r e s f o n d a m e n t a l e s , e n s u i t e ils c h o i -
s i s s e n t l ' u n e d e s q u a t r e s e c t i o n s . s p é c i a l e s ; 5° les a u d i t e u r s actifs a y a n t
u n e i n s t r u c t i o n s u p é r i e u r e p e u v e n t être d i s p e n s é s de c e r t a i n e s
m a t i è r e s d u p r o g r a m m e , s'ils p a s s e n t avec s u c c è s u n colloquium
( e x a m e n ) a u p r è s d u p r o f e s s e u r de la c h a i r e c o r r e s p o n d a n t e ; 6° les
a u d i t e u r s actifs q u i o n t s u i v i r é g u l i è r e m e n t les c o u r s d e s d e u x a n n é e s
g é n é r a l e s et d ' u n e a n n é e s p é c i a l e r e ç o i v e n t u n d i p l ô m e d e fin d ' é t u d e s
à l ' I n s t i t u t p s y c h o - n e u r o l o g i q u e . Les a u d i t e u r s l i b r e s r e ç o i v e n t u n
certificat i n d i q u a n t les c o u r s q u ' i l s o n t f r é q u e n t é s .
REVUE D E S JOURNAUX ÉTRANGERS 819
Voici m a i n t e n a n t la c o m p o s i t i o n d u p e r s o n n e l e n s e i g n a n t d e
l'Institut psycho-neurologique :
P r é s i d e n t , le p r o f e s s e u r B e c h t e r e w ; s e c r é t a i r e s a v a n t , le p r o f e s s e u r
G e r w e r ; p r o f e s s e u r s ( p a r o r d r e a l p h a b é t i q u e r u s s e ) : Aynalofl',
B a u m a n n , Batiouchkoff, B o g d a n o w - B e r e z o w s k i , B o u l i t c h , W a r t a n o f f ,
W w e d e n s k i , Weinberg (B.-P.), W e i n b e r g (R.-L.), W a g n e r , G r i m m ,
Gogel, Goundobine, Dobrotvorski, Drill, Goukovski, Kovalevski,
L a z o u r s k i , Lesshaft, N a r b o u t , O v s i a n n i k o - K o u l i k e v s k i , Ostankoff,
Olejnikoff, P r a s s e t z k i , R o s e n b a c h , S a k e t t i , S e r e b r e n n i k o i ï , Slovtzoff,
Speranski, Tomachevski, Tchoubinski, Chlopine, Tche'tchoit, Tchi-
gaïeff. — Ont été élus e n o u t r e en q u a l i t é d e m a î t r e s d e c o n f é r e n c e s :
Bielitzki, Griboyedoff, G r o u z e n b e r g , J a k o w , K a p t e r o w , K a r p i n s k i ,
Krogius, Miakotine, Nikitine, Orehanski, Poussep, R o u b a c h k i n e ,
F e l d b e r g , F r a n k , Z w i c t , C h o k h e r - T r o t z k i , Stchegloff.
Q u e l q u e s j o u r s a p r è s l ' i n a u g u r a t i o n d e l ' I n s t i t u t , le n o m b r e d ' a u d i -
t e u r s a d m i s à suivre les c o u r s d é p a s s a i t d é j à 3 o o . E n o u t r e , u n g r a n d
n o m b r e d e p e r s o n n e s d é s i r e u s e s d e s u i v r e les c o u r s , m a i s n ' a y a n t p a s
les 3 o r o u b l e s d e s d r o i t s d u p r e m i e r s e m e s t r e , n ' o n t p u ê t r e a d m i s .
On p r é v o i t p o u r c o m m e n c e r u n effectif d ' a u d i t e u r s d e 4 ° ° p e r s o n n e s ,
d o n t 35o payantes et 1 0 pour 1 0 0 dispensées des droits.
e r
La peine capitale en Pologne. — D e p u i s l e t n o v e m b r e 1 9 0 7
j u s q u ' a u i 5 février 1 9 0 8 , soit e n t r o i s m o i s e t d e m i , l e T r i b u n a l mili-
taire d e V a r s o v i e a p r o n o n c é 1 1 0 v e r d i c t s d e m o r t , d o n t 8 9 o n t é t é
e x é c u t é s et 2 1 c o m m u é s e n t r a v a u x f o r c é s . P r e s q u e le tiers d e c e s
c o n d a m n a t i o n s c o n c e r n e n t la s e u l e ville d e Lodz.
D ' a u t r e p a r t , d a n s les p r o v i n c e s b a l t i q u e s , o n a c o n d a m n é à la
p e i n e c a p i t a l e , p e n d a n t le s e u l mois d e j a n v i e r d e r n i e r , 1 2 p e r s o n n e s .
Société anti-vénérienne. — A V a r s o v i e v i e n t d e se c o n s t i l u e r
u n e n o u v e l l e a s s o c i a t i o n m é d i c a l e i n t i t u l é e « S o c i é t é p o u r la l u t t e
c o n t r e les m a l a d i e s v é n é r i e n n e s ». E l l e se c o m p o s e d e d e u x s e c t i o n s ,
l'une sociale e t j u r i d i q u e , l ' a u t r e m é d i c a l e . Elle a le d r o i t d e c r é e r d e s
s u c c u r s a l e s e n p r o v i n c e . (Przeglad lekarski, 2 2 février.)
B I B L I O G R A P H I E
e x e m p l e s ( l ' a u t e u r m o n t r e c o m m e il est d a n g e r e u x d e m e t t r e e n s e m b l e
d e j e u n e s et de v i e u x c r i m i n e l s : les j e u n e s s o n t i n f a i l l i b l e m e n t
p e r d u s ) , u n e m a u v a i s e é d u c a t i o n , la s u g g e s t i o n c r i m i n e l l e (en p a r t i -
c u l i e r p a r les m a u v a i s j o u r n a u x ) , la m a u v a i s e a p p l i c a t i o n d e la l o i , les
injustices de la j u s t i c e , les m a r i a g e s d e s c r i m i n e l s , les p e r v e r s i o n s d e
l ' i n s t i n c t s e x u e l , l ' a n a r c h i e , le p a u p é r i s m e , c e r t a i n s f a c t e u r s s p é c i a u x
à l ' A m é r i q u e : les c o n d i t i o n s i n d u s t r i e l l e s (en p a r t i c u l i e r le t r a v a i l d e s
e n f a n t s ) , l ' i m m i g r a t i o n d e s c r i m i n e l s de l ' a n c i e n c o n t i n e n t , la p r é s e n c e
des n è g r e s .
D a n s u n c h a p i t r e s u r l'influence d e s m a l a d i e s d u s y s t è m e n e r v e u x ,
l ' a u t e u r r a p p e l l e le d é v e l o p p e m e n t c o n s i d é r a b l e des l o b e s f r o n t a u x
chez l ' h o m m e c u l t i v é ; il c o n s i d è r e c o m m e é t a b l i q u e l e s l o b e s p o s t é -
r i e u r s e t m o y e n s p r é s i d e n t a u x f a c u l t é s m o r a l e s , les l o b e s a n t é r i e u r s
é t a n t les c e n t r e s i n t e l l e c t u e l s d ' i n h i b i t i o n . Il é t u d i e la c o n f o r m a t i o n
du c r â n e e t d u c e r v e a u chez le c r i m i n e l , l ' i n f l u e n c e d e la folie, l ' i n -
fluence d u c e r v e l e t ( c e n t r e des d é s i r s s e x u e l s ) , d e l ' h y s t é r i e ( m o i n s
f r é q u e n t e e n A m é r i q u e chez les c r i m i n e l s q u e c h e z les f e m m e s n o r -
m a l e s ) e t t e r m i n e p a r q u e l q u e s c o n s i d é r a t i o n s s u r le s u i c i d e .
U n c h a p i t r e i n t i t u l é « la C h i m i e des m a l a d i e s s o c i a l e s » est c o n s a c r é
à l ' é t u d e de l ' a l c o o l i s m e , d e l ' i n t o x i c a t i o n p a r les n a r c o t i q u e s e t de
l ' a u t o - i n t o x i c a t i o n . L ' a l c o o l i s m e est p o u r l ' a u t e u r , a p r è s la d é g é n é r e s -
c e n c e , le f a c t e u r le p l u s i m p o r t a n t d u c r i m e ; les a l c o o l i q u e s c o m -
m e t t e n t surtout des crimes d'impulsion. L'alcoolisme, d'après l'auteur,
va e n a u g m e n t a n t d a n s les classes é l e v é e s , e n p a r t i c u l i e r chez la
femme. Les narcotiques, qui produisent des altérations du système
nerveux, ont, dans l'étiologie du crime, u n rôle plus considérable q u ' o n
ne l ' a d m e t g é n é r a l e m e n t . L ' a u t o - i n t o x i c a t i o n e s t a u s s i u n f a c t e u r
i m p o r t a n t : M . L y d s t o n p r e n d c o m m e e x e m p l e la s y p h i l i s , l ' é p i l e p s i e ,
les m a l a d i e s des r e i n s , d e la p r o s t a t e , e t c .
L ' a u t e u r é t u d i e e n s u i t e l ' a n a r c h i e d a n s s e s r e l a t i o n s a v e c le c r i m e .
L ' A m é r i q u e est u n t e r r a i n si f a v o r a b l e à l ' a n a r c h i e q u e , p o u r c e r t a i n s
p a y s civilisés, les m o t s a m é r i c a n i s m e e t i l l é g a l i t é s o n t s y n o n y m e s .
M . L y d s t o n é t u d i e s u c c e s s i v e m e n t l ' a n a r c h i e au n o m d e l ' o r d r e et d e
la p r o t e c t i o n de la s o c i é t é ( r i e n , d i t - i l , n ' e s t a u s s i d é m o r a l i s a n t q u e
l ' h a b i t u d e de l y n c h e r , si r é p a n d u e en A m é r i q u e ) , les a c t e s d e v i o l e n c e
c o n t r e les chefs d ' E t a t , l ' a n a r c h i e d e s g o u v e r n e m e n t s ( l ' a u t e u r a p p e l l e
la g u e r r e le « p o i n t focal » de c e t t e v a r i é t é d ' a n a r c h i e ) , l ' a n a r c h i e
politique, l'anarchie municipale, l'anarchie du travail, l'anarchie dans
la loi et d a n s la façon d e l ' a p p l i q u e r .
M . L y d s t o n c o n s a c r e p l u s i e u r s c h a p i t r e s à la q u e s t i o n d u vice e t
du c r i m e s e x u e l s . Q u e l l e s s o n t les c a u s e s d e la p r o s t i t u t i o n ? L a c a u s e
p r é d i s p o s a n t e est la f e m m e , la c a u s e d é t e r m i n a n t e e s t l ' h o m m e .
L ' h o m m e était n a t u r e l l e m e n t p o l y g a m e ; la c o m p a r a i s o n de la vie
s e x u e l l e de l ' h o m m e e t d e la f e m m e le m o n t r e b i e n . L ' h o m m e n o r m a l
a u r a d o n c à l u t t e r c o n t r e c e t t e t e n d a n c e i n s t i n c t i v e v e r s la p o l y g a m i e
822 BIBLIOGRAPHIE
D r
WANERMAN-N, de Munich, É t u d e s u r la c r i m i n a l i t é d e s j u i f s .
N O U V E L L E S
Nominations.
r
Ecole de médecine d'Alger. — M . le D C r e s p i n e s t n o m m é p r o -
fesseur d ' h y g i è n e e t d e m é d e c i n e légale.
r
Albany Médical Collège. — M . le D A n d r e w M a c F a r l a n e , p r o f e s -
s e u r a d j o i n t , est n o m m é p r o f e s s e u r de d i a g n o s t i c p h y s i q u e e t d e m é d e -
cine l é g a l e .
Ivrognerie parricide.— U n i v r o g n e i n c o r r i g i b l e , d e D o u a r n e n e z ,
nommé Yves Garn, âgé de trente-quatre.ans, qui venait d'être con-
d a m n é à trois m o i s d e p r i s o n p o u r c o u p s à sa s œ u r , s'est s u b i t e m e n t
e m p o r t é sans motif s é r i e u x c o n t r e sa m è r e e t l'a t u é e à c o u p s d e
s a b o t , l u i b r i s a n t l'os frontal e t la face q u i e s t m é c o n n a i s s a b l e .
R e v e n u e n s u i t e à u n é t a t p l u s c a l m e , il e s t allé se c o n s t i t u e r p r i s o n -
n i e r à la g e n d a r m e r i e q u i l'a e n v o y é p r o m e n e r , m a i s q u i avertie p a r la
r u m e u r p u b l i q u e s'est e m p r e s s é e d e l u i c o u r i r s u s .
C a r n , q u i n ' a o p p o s é a u c u n e r é s i s t a n c e , s'est c o n t e n t é de d i r e a u
m a r é c h a l d e s logis : « J e suis p i r e q u ' u n a n i m a l , c a r j ' a i t u é m a m è r e ;
u n a n i m a l n e t u e r a i t p a s sa m è r e . J e n e d e m a n d e q u ' u n e c h o s e , c'est
d ' ê t r e g u i l l o t i n é s u r la p l a c e d e D o u a r n e n e z afin d e s e r v i r d ' e x e m p l e a u x
ivrognes d u pays et leur p r o u v e r j u s q u ' o ù p e u t m e n e r l'ivrognerie. »
C'est la s e p t i è m e fois q u e le m a l h e u r e u x a u r a à r é p o n d r e d e v a n t la
j u s t i c e de faits r é s u l t a n t d e s o n i n t e m p é r a n c e .
L a consommation du tabac. — 11 n e s e m b l e p a s q u e la S o c i é t é
c o n t r e l ' a b u s d u t a b a c soit p r è s d e r e m p o r t e r la v i c t o i r e , à e n j u g e r p a r
la s t a t i s t i q u e s u i v a n t e , q u i se r a p p o r t e à l ' a n n é e 1 9 0 7 .
L e bénéfice d u m o n o p o l e a a t t e i n t c e t t e a n n é e - l à 3 7 7 m i l l i o n s , en
augmentation de 6 millions s u r l'année p r é c é d e n t e .
Il a é t é v e n d u 2 millions e t d e m i d e kilos d e c i g a r e s , à p e u p r è s
a u t a n t d e c i g a r e t t e s , 2 8 m i l l i o n s e t d e m i d e scaferlati — soit 3 3 m i l -
lions e t d e m i d e kilos d e t a b a c à f u m e r ; p r è s d e 5 m i l l i o n s d e . t a b a c e n
p o u d r e ; enfin, u n p e u p l u s d ' u n m i l l i o n d e kilos d e « c a r o t t e s » .
L a v e n t e d e s c i g a r e t t e s , q u i d o n n a i t à p e i n e 1 m i l l i o n d e francs
en 1 8 7 2 , a t t e i g n i t 1 7 m i l l i o n s e n 1 8 8 2 e t d e m e u r a s t a l i o n n a i r e q u e l -
q u e s a n n é e s ; l'an d e r n i e r elle a p r o d u i t 7 2 m i l l i o n s . D e m ê m e , o n a
c o n s t a t é d e p u i s t r o i s a n s u n e p r o g r e s s i o n s e n s i b l e d a n s la v e n t e d u
t a b a c à p r i s e r . P a r c o n t r e , il y a l é g è r e d i m i n u t i o n d a n s la v e n t e d e s
c i g a r e s ( s u r t o u t d e c e u x à u n s o u e t u n s o u e t d e m i ) , scaferlatis• e t
« c a r o t t e s ».
Le t a u x m o y e n d e la c o n s o m m a t i o n i n d i v i d u e l l e d e t a b a c e n F r a n c e
a é t é , l'an d e r n i e r , d ' e x a c t e m e n t 1 k i l o g r a m m e , d o n t 1 2 2 g r a m m e s
NOUVELLES 827
p o u r le t a b a c e n p o u d r e et 8 7 8 p o u r le t a b a c à f u m e r et à m â c h e r . La
s o m m e t o t a l e c o n s a c r é e en F r a n c e à la c o n s o m m a t i o n d u t a b a c a t t e i n t
p r è s d ' u n d e m i - m i l l i a r d — e x a c t e m e n t 4 9 3 . 4 5 7 - 0 9 9 francs — s o i t
1 2 fr. 6 6 p a r i n d i v i d u ; s u r c e t t e s o m m e , le T r é s o r bénéficie de
11 fr. 6 6 , soit 9 2 0 / 0 .
L ' A b s i n t h e e n S u i s s e . — La v o t a t i o n p o p u l a i r e d u 5 j u i l l e t a
d o n n é 1 0 0 . 0 0 0 voix de m a j o r i t é e n faveur d e l ' i n t e r d i c t i o n d e la fabri-
c a t i o n , de l ' i m p o r t a t i o n , du t r a n s p o r t , de la v e n t e et de la d é t e n t i o n
p o u r la v e n t e de l ' a b s i n t h e . Le n o m b r e des v o t a n t s a é t é n é a n m o i n s
plus restreint que d'ordinaire.
D e u x c a n t o n s r o m a n d s , X e u c h â t e l où il existe de n o m b r e u s e s
f a b r i q u e s d ' a b s i n t h e , e t G e n è v e , où la c o n s o m m a t i o n de c e t t e l i q u e u r est
assez g r a n d e , o n t r e p o u s s é le t e x t e p r o p o s é , m a i s les c a n t o n s a l l e m a n d s
— e t l e u r n o m b r e l ' e m p o r t e de b e a u c o u p s u r c e u x d e la S u i s s e fran-
çaise — o n t f o u r n i u n e m a j o r i t é é c r a s a n t e e n f a v e u r de l ' i n t e r d i c t i o n .
(Sein. méd.J
U n e f e m m e e x é c u t é e e n S a x e . — D a n s la c o u r de la p r i s o n d u
t r i b u n a l de F r e i b e r g , G r e t e B e i e r , fille d u b o u r g m e s t r e de B r a n d , a
été g u i l l o t i n é e le 2 3 j u i l l e t à 7 h e u r e s . L e c r i m e , o u p l u t ô t la série de
c r i m e s c o m m i s p a r c e t t e j o l i e s a x o n n e d e v i n g t a n s , s é d u i s a n t e e t bien
é l e v é e , o n t soulevé e n A l l e m a g n e u n e é m o t i o n c o n s i d é r a b l e .
G r e t e Beier avait assassiné son fiancé, l ' i n g é n i e u r P r e s s l e r , de
C h e m n i t z , d o n t elle e s p é r a i t h é r i t e r , s u r la foi d ' u n t e s t a m e n t falsifié
p a r elle. Le m e u r t r e fut c o m m i s a v e c u n r a f f i n e m e n t , u n e c r u a u t é , u n e
i n c o n s c i e n c e si e x t r a o r d i n a i r e s , q u e la j e u n e fille fut s o u m i s e à u n e x a -
m e n m e n t a l , m a i s les m é d e c i n s la d é c l a r è r e n t p l e i n e m e n t r e s p o n s a b l e .
Le p r é s i d e n t d u t r i b u n a l , ses d e u x a s s e s s e u r s e t le p r o c u r e u r a r r i -
v e n t à 6 h e u r e s et d e m i e . A 7 h e u r e s , les p o r t e s de la p r i s o n s ' o u v r e n t :
G r e t e B e i e r , t r è s p â l e , m a i s r é s o l u e , s ' a v a n c e e n t r e son a v o c a t et le
p a s t e u r ; elle est coiffée a v e c soin et v ê t u e d ' u n e r o b e n o i r e .
Le p r o c u r e u r , t r e m b l a n t d ' é m o t i o n , a n n o n c e à la c o n d a m n é e q u e le
roi n ' a pas c r u d e v o i r faire usage de son d r o i t de g r â c e et il la r e m e t
e n t r e les m a i n s d u b o u r r e a u . L e n t e m e n t elle g r a v i t les c i n q m a r c h e s
de l ' é c h a f a u d , se laisse a t t a c h e r les b r a s , e t d i t à voix h a u t e e t f e r m e :
« M o n p è r e , j e r e m e t s m o n â m e e n t r e t e s m a i n s ! » Le c o u t e a u t o m b e ,
j u s t i c e est faite. La t r i s t e c é r é m o n i e n ' a d u r é q u e t r o i s m i n u t e s .
1
Le D ' CORRE
C O R R E , A r m a n d - L o u i s - M a r i e , n a q u i t , le 4 s e p t e m b r e 1 8 4 1 , à L a v a l
( M a y e n n e ) . Il e n t r e élève à l ' E c o l e de M é d e c i n e n a v a l e d e B r e s t en
i 8 5 g . C h i r u r g i e n de 3° classe e n 1 8 6 1 , il s e r t en c e t t e q u a l i t é à la
M a r t i n i q u e et au M e x i q u e . Sa belle c o n d u i t e p e n d a n t u n e é p i d é m i e
de fièvre j a u n e à la V e r a - C r u z lui v a l u t la c r o i x d e c h e v a l i e r de la
L é g i o n d ' h o n n e u r le 2 2 o c t o b r e 1 8 6 2 . C o r r e a v a i t v i n g t et u n a n s .
Quelle é t o i l e p o u r le m a t i n d e sa vie !
E
S u c c e s s i v e m e n t , il est n o m m é , au c o n c o u r s , c h i r u r g i e n d e 2 classe
r e
en 1 8 6 4 et de i c l a s s e e n 1 8 6 7 .
Il d é m i s s i o n n e e n février 1 8 7 0 , e x e r c e la m é d e c i n e civile à B r e s t ,
p u i s à L a v a l , e t , p e n d a n t la g u e r r e , il r e m p l i t les f o n c t i o n s d e m é d e c i n -
m a j o r d a n s u n r é g i m e n t de l i g n e à l ' a r m é e de la L o i r e .
Q u a t r e a n s p l u s t a r d , le 17 m a r s 1 8 7 4 , s u r sa d e m a n d e , C o r r e r e n t r e
e
d a n s la m é d e c i n e de la M a r i n e en q u a l i t é d e m é d e c i n d e 3 classe,
p u i s f r a n c h i t à n o u v e a u p a r le c o n c o u r s les g r a d e s d e m é d e c i n de
E r e
2 classe (3o n o v e m b r e 1 8 7 4 ) , de i classe ( 1 8 7 7 ) . Il e s t e n v o y é à
N o s s i - B é , en C o c h i n c h i n e . E n 1 8 8 1 , C o r r e est n o m m é a u c o n c o u r s
a g r é g é d ' a c c o u c h e m e n t e t e x e r c e ses f o n c t i o n s p e n d a n t q u a t r e a n s ;
va à la G u a d e l o u p e j u s q u ' e n 1 8 8 7 ; a p r è s u n c o n g é d e c o n v a l e s c e n c e ,
e r
s u r sa d e m a n d e , C o r r e est m i s à la r e t r a i t e le i a v r i l 1 8 8 8 .
Il se livre a l o r s à u n v é r i t a b l e t r a v a i l de b é n é d i c t i n . Sa m é m o i r e
e x t r a o r d i n a i r e , son activité i n l a s s a b l e lui p e r m e t t e n t d ' a b o r d e r e t d e
s'assimiler les c o n n a i s s a n c e s les p l u s d i v e r s e s .
P e n d a n t s o n e x i s t e n c e d e m é d e c i n d e la M a r i n e , il é t u d i e s p é c i a l e -
m e n t la fièvre j a u n e , r e c u e i l l e les p r e m i è r e s o b s e r v a t i o n s d e la m a l a d i e
d u s o m m e i l , p u b l i e d e u x g r a n d s o u v r a g e s : le Traité sur les fièvres
bilieuses et typhiques des pays chauds ( i 8 8 3 ) e t le Traité clinique
des maladies des pays chauds (1887).
L'étude des questions de criminologie avait depuis l o n g t e m p s
o c c u p é cet e s p r i t i n v e s t i g a t e u r . 11 se livre à d e s t r a v a u x p a r t i c u l i e r s
d e c r i m i n a l i t é c o m p a r é e , de s t a t i s t i q u e et de m é d e c i n e l é g a l e .
E n i 8 8 3 , il p u b l i e u n v o l u m e s u r les Criminels, caractères phy-
siques et psychiques; l ' a n n é e s u i v a n t e , le Crime en pays créole, d o n t
T a r d e a fait u n e a n a l y s e t r è s c o m p l è t e clans les Archives; e n 1891, u n
a u t r e v o l u m e : Crime et suicide. D e 1890 à i8g5, il d o n n e r é g u l i è r e -
m e n t d ' i m p o r t a n t s m é m o i r e s a u x Archives. Tout à coup, par suite
d ' u n m a l e n t e n d u a v e c T a r d e , il i n t e r r o m p t sa c o l l a b o r a t i o n e t n e la
r e p r e n d que cette année m ê m e , avec son r e m a r q u a b l e article Platon
criminaliste.
M a l g r é t o u s ces t r a v a u x , C o r r e n ' a p a s été n o m m é officier d e la
L é g i o n d ' h o n n e u r , les r é c o m p e n s e s a c a d é m i q u e s n e lui o n t p a s é t é
d é c e r n é e s . Ce vrai s a v a n t e t ce g r a n d l a b o r i e u x , d ' u n e p r o b i t é s c r u -
p u l e u s e , é t a i t b o n et d é v o u é , m a i s b o u r r u d ' e s p r i t , e t ses m a n i è r e s
b r u s q u e s effarouchaient c e u x q u i n e le c o n n a i s s a i e n t p a s . J ' i m a g i n e q u e
C o r r e a d û froisser q u e l q u e s p e r s o n n e s : il s'en est t r o u v é , m ê m e
p a r m i ses chefs, q u i n e le lui o n t p a s p a r d o n n é .
Q u e l q u e s r a r e s a m i s o n t assisté à son e n t e r r e m e n t ! A B r e s t , l e s
a n c i e n s l ' a v a i e n t o u b l i é et les j e u n e s l ' i g n o r a i e n t . C e u x q u ' i l a v a i t
a i m é s , q u e l q u e s - u n s d e ses é l è v e s , c o n n a i s s a i e n t b i e n ses g r a n d e s q u a -
lités d e c œ u r : j e sais c o m b i e n il a été a t t r i s t é p a r la m o r t d e G o u z e r , u n
r
j e u n e s a v a n t t r o p t ô t d i s p a r u . Le D A l i x (de B r e s t ) m ' a é c r i t la s y m -
p a t h i e p r o f o n d e e t la h a u t e e s t i m e q u ' i l avait p o u r C o r r e . E n m a i
d e r n i e r , à P a r i s , m o n é m i n e n t c o l l è g u e , le p r o f e s s e u r C a l m e t t e , d e
L i l l e , m e d i s a i t q u ' i l a v a i t é t é l'élève d e C o r r e , q u ' i l lui d e v a i t u n e
p a r t i e d e s o n i n s t r u c t i o n s c i e n t i f i q u e et a v a i t c o n s e r v é p o u r lui la p l u s
v i v e affection. T r o i s j o u r s a p r è s , le 3 o m a i , j ' é t a i s p r é v e n u d e la m o r t
d e C o r r e p a r u n n o t a i r e de B r e s t et avisé q u ' i l l é g u a i t à m o n l a b o r a -
toire u n e p a r t i e de ses l i v r e s et t r a v a u x m a n u s c r i t s .
N o u s s o m m e s p e u d ' a m i s à le p l e u r e r , m a i s n o s r e g r e t s s o n t p r o -
fonds et s i n c è r e s et t o u t cela n ' a u r a i t p a s é t é p o u r d é p l a i r e à C o r r e q u i
n ' é t a i t p a s p r o d i g u e d'affection g r a n d e e t d é s i n t é r e s s é e . N o u s c o m p -
t o n s b i e n q u ' u n j o u r le S e r v i c e d e S a n t é d e la M a r i n e r e n d r a j u s t i c e à
C o r r e , un d e s m é d e c i n s q u i l ' o n t le p l u s h o n o r é .
Le Paul DUBUISSON
J ' a i c o n n u D U B U I S S O N e n 1 8 7 4 à la Société p o s i t i v i s t e de la r u e
M o n s i e u r - l e - P r i n c e . D e s i d é e s p o l i t i q u e s et p h i l o s o p h i q u e s c o m m u n e s
firent n a î t r e u n e s y m p a t h i e r é c i p r o q u e e t b i e n t ô t une a m i t i é q u i n e s ' e s t
pas d é m e n t i e u n m o m e n t . N o s r e l a t i o n s o n t été f r é q u e n t e s p e n d a n t
m o n a g r é g a t i o n au V a l - d e - G r â c e , d e 1 8 7 4 a 1 8 7 8 : D u b u i s s o n h a b i t a i t le
r e z - d e - c h a u s s é e de la m a i s o n de la r u e d'Assas où l o g e a i t M i c h e l e t ,
e
au c o i n de la r u e V a v i n . M o n a m i a v a i t épousé M " T h é r è s e R o b i n e t ,
fille du g r a n d h i s t o r i e n de D a n t o n .
Paul Dubuisson était d'une haute intelligence, doué d'un bon sens
p e u c o m m u n , avec de la c l a r t é e t de la p r é c i s i o n d a n s t o u s ses t r a v a u x .
Il a v a i t des b e s o i n s d'affection et de d é v o u e m e n t qui se t r a d u i s a i e n t p a r
la s o l l i c i t u d e v i g i l a n t e d o n t il e n t o u r a i t les siens, l e s services q u ' i l
r e n d a i t à ses a m i s , sa c h a r i t é e t sa b o n t é excessives. Il a réalisé la
m a x i m e p o s i t i v i s t e : « V i v r e p o u r a u t r u i ».
P o u r m o i , q u i ai été son a m i le p l u s i n t i m e , j e n e p u i s assez d i r e
c o m b i e n il a v a i t des s e n t i m e n t s g é n é r e u x et élevés.
Ses t r a v a u x scientifiques a t t e s t e n t la solidité de ses c o n n a i s s a n c e s ,
son a p t i t u d e m a r q u é e p o u r le d i a g n o s t i c des m a l a d i e s m e n t a l e s et les
soins à donner aux aliénés.
Ses c o u r s à la F a c u l t é d e d r o i t de P a r i s où il a t r a i t é les q u e s t i o n s
r e l a t i v e s à la r e s p o n s a b i l i t é c r i m i n e l l e e t à la folie o n t é t é très a p p r é -
c i é s p a r ses a u d i t e u r s , mais la F a c u l t é , bien q u ' e l l e e û t affaire à u n
des siens — D u b u i s s o n était l i c e n c i é e n d r o i t — n ' a c e p e n d a n t pas
e n c o u r a g é les efforts d u p r o f e s s e u r b é n é v o l e . D u b u i s s o n ne s'est p a s
p l a i n t , mais il a cessé c e t e n s e i g n e m e n t . C ' é t a i t d ' a i l l e u r s u n m o d e s t e ,
ne r e c h e r c h a n t pas les h o n n e u r s . Il n ' e s t pas r e s t é p l u s de v i n g t -
c i n q ans m é d e c i n e n chef d e l'Asile S a i n t e - A n n e , p e n d a n t d o u z e a n s
m é d e c i n e x p e r t d u T r i b u n a l de la S e i n e , des plus o c c u p é s et e s t i m é s ,
s a n s avoir é t é p r e s s e n t i p o u r la c r o i x . J e sais, en effet, q u e d e u x fois
il a refusé d ' ê t r e p r o p o s é .
E n 1 8 7 7 , d a n s sa m a i s o n de F a y - l e - B a c , p r è s de la M a r n e , il fit u n e
c h u t e s u r la t ê t e et des s y m p t ô m e s g r a v e s se m o n t r è r e n t . Il y a d e u x a n s ,
d a n s son c a b i n e t , a p r è s sa visite d u m a t i n , D u b u i s s o n e u t u n e s o r t e de
v e r t i g e a v e c c é p h a l é e et a l o u r d i s s e m e n t : on a t t r i b u a t o u s ces m a l a i s e s
à u n c o m m e n c e m e n t d ' i n t o x i c a t i o n p a r de l'oxyde d e c a r b o n e , é c h a p p é
d ' u n calorifère p l a c é a u - d e s s o u s d u c a b i n e t . A p a r t i r de ce m o m e n t ,
D u b u i s s o n fut a t t e i n t d e s y m p t ô m e s p l u s pénibles e t q u i s ' a g g r a v è r e n t
p e u à p e u : il d u t d e m a n d e r u n c o n g é en j u i l l e t d e r n i e r . Il alla p a s s e r
q u e l q u e t e m p s à la c a m p a g n e e t , le 11 s e p t e m b r e , son fils a î n é le
r a m e n a chez l u i , a u x A n d e l y s , où il est r e c e v e u r d e s finances. V e r s
i o h e u r e s du soir, D u b u i s s o n se leva, se p l a i g n a n t d e d o u l e u r s v i v e s
d a n s la p o i t r i n e et t o u t à c o u p il d i t : « Le c œ u r m e fait a t r o c e m e n t
souffrir », et t o m b a d a n s les b r a s d e s o n fils. Il é t a i t m o r t .
D u b u i s s o n a v a i t e x p r i m é le d é s i r q u e son c œ u r fût e x t r a i t d e la
p o i t r i n e . Sa v o l o n t é fut e x é c u t é e . L e m é d e c i n c o n s t a t a u n é p a n c h e m e n t
d e s a n g d a n s le p é r i c a r d e , le c œ u r p r é s e n t a i t « u n e l o n g u e r u p t u r e ».
Ainsi q u ï l l'avait o r d o n n é , ses r e s t e s o n t été i n c i n é r é s e t les o b s è -
q u e s o n t e u lieu au P è r e - L a c h a i s e le m a r d i i5 s e p t e m b r e .
P a u l D u b u i s s o n a v a i t u n e i n s t r u c t i o n e n c y c l o p é d i q u e : ii c o n n a i s s a i t
s u r t o u t l ' h i s t o i r e e t p e u d e p e r s o n n e s o n t é t u d i é a u s s i b i e n la g r a n d e
é p o q u e d e la R é v o l u t i o n F r a n ç a i s e .
Ses é t u d e s m é d i c a l e s o n t é t é b o n n e s , e t s'il n ' a p r i s p a r t à a u c u n
c o n c o u r s , c'est q u ' i l en fut e m p ê c h é p a r u n e t i m i d i t é e x c e s s i v e . L a
F a c u l t é d é c e r n a u n e m é d a i l l e d ' a r g e n t à sa t h è s e : Sur les quatre sens
du toucher et en particulier du sens de la musculation.
P o s i t i v i s t e c o n v a i n c u et p r a t i q u a n t , r é g l a n t sa c o n d u i t e p r i v é e e t
c i v i q u e d ' a p r è s les p r i n c i p e s d u m a î t r e , il s u i v a i t a v e c a s s i d u i t é les
c o u r s e t c o n f é r e n c e s d e P i e r r e Laffitte. D u b u i s s o n , en 1875-1876,
p u b l i a e n d e u x v o l u m e s les l e ç o n s d u s u c c e s s e u r d ' A u g u s t e C o m t e s u r
Les Grands types de VHumanité : appréciation systématique des prin-
cipaux agents de l'évolution humaine.
P u i s , s u r nos c o n s e i l s , D u b u i s s o n é c r i v i t , d a n s la Tribune médicale
de L a b o r d e , d e s a r t i c l e s q u i f u r e n t t r è s r e m a r q u é s s u r la Théorie céré-
brale d'Auguste Comte. E n 1 8 8 5 , il fut n o m m é m é d e c i n - a d j o i n t à l'Asile
S a i n t e - A n n e , d o n t il d e v i n t b i e n t ô t u n des m é d e c i n s e n chef. A c e t t e
époque, nous avons écrit ensemble l'article CRÉMATION, du Dictionnaire
de Dechambre. Sa c o l l a b o r a t i o n a u x Archives d a t e d e la p r e m i è r e
h e u r e . Il e n v o i e , en 1887, d e u x i m p o r t a n t s m é m o i r e s : Théorie de la
responsabilité ; de l'Evolution des opinions en matière de responsabi-
lité. P u i s , s u c c e s s i v e m e n t : du Principe délimitaleur de l'aliénation
mentale (t. V I I ) ; le Positivisme et la question sociale (t. X I I I ) ; les
Voleuses de grands magasins (t. X V I ) ; Essai sur lu folie au point de
vue médico-légal (t. X I X ) ; e t enfin, e n 1906, s o u s le p s e u d o n y m e d e
D é s i r é M e r e a u x : Histoire d'un duel entre deux mentalités, a r t i c l e fin
et j u s t e s u r l ' a b î m e qui s é p a r e les m é d e c i n s et les h o m m e s d e l o i . C e
fui c o m m e son t e s t a m e n t d e m é d e c i n - l é g i s t e .
Sa c o l l a b o r a t i o n m a n q u e r a a u x Archives. Le d i r e c t e u r r e s t a n t p e r d
u n vieil a m i , d o n t la fidèle affection a é t é u n e c o n s o l a t i o n p e n d a n t les
m C
j o u r s de deuil et de tristesse. N o u s adressons à M Dubuisson et à
ses e n f a n t s , si c r u e l l e m e n t é p r o u v é s , l ' e x p r e s s i o n d e n o s p r o f o n d s
s e n t i m e n t s de c o n d o l é a n c e .
Ai.. LACASSAGKE.
OUVRAGES REÇUS
r
D Louis T R I Q U E N E A U X : E t u d e m é d i c o - l é g a l e d e s t r a u m a t i s m e s o b s e r v é s s u r
r
l e s c a d a v r e s r e t i r é s d e l ' e a u . ( T h . d e Paris, p r é s i d . P T h o i n o t , in-8°, 142 p . ,
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r
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M e u n i e r ) , v o l . in-12 : L e s Hallucinations télépathiques p a r N . V a s c h i d e ; l e S p i -
1
r i t i s m e dans ses rapports avec la folie par l e D ' M. V i o l l e t ; YAudition mor-
R
bide, p a r l e D A . Marie ; l e s Préjugés sur la folie, p a r l a p r i n c e s s e L a b o -
m i r s k a ; la Pathologie de l'attention, par N . V a s c h i d e e t R. M e u n i e r ; l e s
Synesthésies, par H. L a u r e s .
Prof. A D R I E N P I C : L ' E c o l e l y o n n a i s e e t l e s p r o g r è s d e l à t h é r a p e u t i q u e d e 1877
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Prof A . C O L L E T : V i e i l l e s d o c t r i n e s , e r r e u r s u t i l e s , in-8° d e 28 p . ( L e ç o n d ' o u -
v e r t u r e ) . L y o n , 1908.
D o t t . G. M U G G I A : C o m e si c o n v e n g a m e g l i o provvedere al r i c o v e r o d e i pazzi c r i -
m i n a l i , b r o c h . d e 12 p . , P e s a r o , 1908.
P ' L E U R Y R E B A T E L : L e Rire d a n s la d é m e n c e p r e c o c e , t h è s e , L y o n , 67 p . R e y ,
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D
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0
gli atti d e l l o s t a t o c i v i l e n e l l a n n o 1906, p e t , in-4 d e 79 p . , L X X p . R o m a ,
1908.
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382 p . P a r i s , F l a m m a r i o n , 1908.
r
D MAURICE NICLOUX, agrégé : Les Anesthésiques g é n é r a u x au p o i n t d e v u e
c h i m i c o - p h y s i o l o g i q u e , in-18 d e 220 p . a v e c 3o fig., D o i n , P a r i s , 1908.
r
D E U G . STOCKIS : U n n o u v e a u P r o c é d é p o u r p r e n d r e l ' e m p r e i n t e d e la p l a n t e
du p i e d ( b r o c h . d e 8 p . , L i è g e ) . — L e s S i g n e s d e la m o r t (8 p . , B r u x e l l e s ) ,
r
D A. DEDOMINICIS : Accertamento dell'eiacalazione n e l l ï m p i c a m e n t o ( 6 p. N a p l e s ,
1908).
A . G U I L L I E R M O N D , d o c t e u r e s - s c i e n c e s : R e c h e r c h e s c y t o l o g i q u e s s u r la g e r m i n a -
tion d e s graines de quelques g r a m i n é e s et contribution à l'étude d e s graines
d ' a l e u r o n e (86 p . e t i3 p l . P a r i s , M a s s o n , 1908).
r
L . L E L E U : L e D G r u b y , N o t e s e t S o u v e n i r s . U n v o l . in-16 d e 285 p . P a r i s ,
S t o r k , 1908.
M A U R I C E PAR.MELEE : T h e p r i n c i p l e s of Anthropology a n d Sociology_ i n their
r e l a t i o n s to c r i m i n a l p r o c e d u r e , in-16 d e 410 p . , r e l i é , N ç w - l o r k , t h e
M a c m i l l a n C o m p a n y , 1908.
L'Imprimeur-Gérant : A. R E Y .
ARCHIVES
D'ANTHROPJrfd^E CRIMINELLE
DE(^ÉPE;(iLfà LÉGALE
ET D E PSYCH0p9Gffi.^0fôlALE ET PATHOLOGIQUE
.y&*i8^'
M É M O I R E S O R I G I N A U X
Par l e D* A R R I G O TAMASSIA
P r o f e s s e u r de M é d e c i n e l é g a l e à l'Université d e P a d o u e .
la figure dessinée par le cours des veines dans cette région soit
considérée comme caractéristique de chaque personne.
Et, puisque les mains d'un même individu offrent, en ce qui
concerne le trajet veineux, une certaine ressemblance entre elles,
sans être cependant identiques, il s'ensuit que la configuration des
veines dorsales d'une main se distingue de l'autre pour donner
un ensemble de lignes, qui, considérées chacune en particulier,
ne peuvent être confondues avec celles d'une autre personne.
Par exemple, à une ressemblance, rare d'ailleurs, de la main
droite d'un individu avec la main droite d'un autre individu se
joindra la dissemblance des deux mains gauches et réciproque-
ment. De là la différence : et par conséquent l'individualité
caractéristique de chacun se dessine d'une façon très nette. Les
nombreuses observations et les photographies que j ' a i tirées, les
dessins même du D Capon, de 72 mains (de 36 personnes) qui,
r
4° Configuration en V ;
5° Configuration en lettres y accouplées ;
6° Assemblage indistinct de ces groupements ou d'une partie
d'entre eux.
En ce qui concerne la configuration veineuse, la main droite
ressemble ordinairement chez le même sujet à la main gauche,
mais rappelons que c'est une ressemblance bien faible, car si dans
l'ensemble, on entrevoit quelques lignes analogues, on distingue
aussitôt, dans les grands troncs veineux correspondants, des
différences remarquables de volume, de façon de se croiser, de
se mêler aux troncs secondaires qui, à leur tour, diffèrent entre
eux encore plus profondément. Et, comme nous l'avons déjà dit,
de cette constante divergence chez le même individu dérive la
valeur diagnostique de cet indice de signalement : car, il est
impossible que les veines des'deux mains d'un individu, déjà
différentes entre elles, soient à leur tour respectivement égales à
celles d'un autre. L'indication d'une main renforce en consé-
quence celle de l'autre et coopère puissamment à l'identification
personnelle.
Cette capricieuse variabilité individuelle est si constante, qu'elle
est rebelle même aux lois de l'hérédité et de la consanguinité qui
conduisent les individus vers un type commun.
r
Le D Capon nous en fournit une preuve par les figures réunies
dans son étude. On y voit que, si entre les parents et leurs
enfants on ne peut nier quelques rapports d'analogie, du moins
dans les traits les plus saillants, dans l'ensemble des cours
veineux il y a une foule de différences très marquées. Il n'est
donc pas permis, pas même dans un aperçu superficiel, de les
confondre l'une avec l'autre. Et ceci, c'est le point diagnostic
essentiel.
Ce signalement personnel pourra d'ailleurs être renforcé par
d'autres éléments accidentels que l'on peut rencontrer à propos
de ces vaisseaux et qui peuvent facilement être reproduits, étant
toujours marqués et grossiers. En effet, les veines peuvent être
enfoncées ou à peine saillantes, tortueuses, avec des dilatations
diffuses, noueuses, aplaties, pointues, etc. La photographie révèle
tout cela qui, ayant déjà une valeur spécifique et joint à la confi-
guration des veines, en devient un bon allié.
836 MÉMOIRES ORIGINAUX
B L E S S U R E S PAR C O U P S DE CORNES
P a r l e Dr DE B R I O U D E
Ex-Interne
S o u s - c h e f d e Clinique à la F a c u l t é d e S é v i l l e .
I
L'Espagne pour les étrangers, et surtout pour les Français, est
un pays de chimères.
En vain essaie-t-elle de démontrer qu'elle garde encore dans
son sein la sève vigoureuse qui fait fleurir les arts et les sciences ;
en vain s'efforce-t-elle de réparer par un travail opiniâtre les
malheureux effets d'une apathie de plusieurs lustres ; notre der-
nier échec dans la guerre coloniale fut le coup de grâce à nos
splendeurs passées, et ceci, joint au manque de popularité de la
langue espagnole en Europe et au défaut presque absolu de tra-
ducteurs et commentateurs, fait que l'Espagne est considérée
comme une nation éteinte, connue moins par le présent que par
les souvenirs historiques de ses anciennes grandeurs.
On ne voit dans l'Espagne actuelle qu'un pays d'éventails, où
la vie s'écoule sans aucun souci entre les accords lointains des
guitares, la brise parfumée des orangers, les danses captivantes
des femmes langoureuses et les luttes farouches des amants
jaloux.
Certainement, il y a un peu de tout cela dans nos mœurs ;
c'est le côté poétique, original, artistique si l'on veut;, mais, à
côté des arts, nous avons aussi les sciences, et, si l'on ne connaît
838 MÉMOIRES ORIGINAUX
II
rares très étendues et peu profondes ; chez les toreros les lésions
sont plus graves, car la corne pénètre profondément et perpendi-
culairement aux tissus.
L'implantation des cornes du taureau a u n e grande importance
aussi, car si elles sont dirigées en avant, comme dans les beaux
exemplaires des courses, elles pénètrent profondément^ tandis que,
si elles sont recourbées en arrière ou très inclinées sur les côtés,
il n'y a en général qu'une contusion sous forme de coup de cra-
vache appelé en espagnol varetazo. La gravité augmente égale-
ment quand la corne se trouve ébréchée. Notons, en passant, que,
la corne, quoique agissant comme arme piquante et contondante,
peut souvent produire de véritables incisions très nettes à cause
de la violence du choc.
Quant aux mouvements exécutés par la victime, ils sont en
général d'un effet déplorable. Les toréadors savent très bien que
la meilleure façon de se défendre d'un taureau furieux est de
simuler un corps inerte, il y a même un jeu (suerte) dans les
courses, appelé du don Tancredo, qui consiste à attendre immo-
bile que le taureau fonce sur l'homme ; la bête dans sa course
vertigineuse arrive à toucher du museau le torero ; mais, si celui-ci
ne bouge absolument pas, le taureau s'arrêtera net et reprendra
sa course dans une autre direction; ou tout au plus, entraîné par
la vitesse, il effleurera à peine le Tancredo et le renversera sans
lui faire de mal.
Si le torero, blessé par un de ces véritables fauves à cornes,
essaie de se traîner et que le taureau l'aperçoive, il est sûr de ne
plus se relever.
Dans les blessures par coups de cornes nous pouvons donc
trouver : l'ecchymose, le varetazo (coup de cravache), la ponc-
tion, la blessure pénétrante, l'incision, la contusion interne et la
blessure par avulsion.
Il serait inutile d'insister sur les caractéristiques de chaque
traumatisme, semblables à celles que nous pouvons observer
dans les coups et blessures produits par une arme quelconque.
Parlons seulement des caractères spéciaux qui peuvent offrir
quelque originalité.
La cornada, ou coup de corne, présente à la simple inspection
une zone circulaire autour de la blessure, plus sombre et g r i -
840 MÉMOIRES ORIGINAUX
Quant aux nerfs, ils peuvent glisser aussi comme les artères,
mais ils sont plus souvent atteints. Dans ce cas, nous voyons
comment se produisent des troubles sensitifs ou moteurs selon
le rôle dont le nerf est chargé.
Les os sont souvent fracturés ; les fragments sont parfois d'une
ténuité extraordinaire et, par conséquent, très difficiles à extraire.
Gomez Pamo nous parle d'un torero qui, au moment de sauter à
la perche, tomba sur les cornes de l'animal et se fit une fracture
scapulaire, à laquelle l'aspect sablé des fragments fit donner
le nom de fracture farineuse.
D'autre fois l'os résiste au choc et c'est la corne qui est ébréchée,
comme il est arrivé dans des blessures de la crête du tibia.
Citons parmi les fractures intéressantes celles dont nous parle
Alcayde de la Pena. Il s'agit d'un picador; la corne transperça
la cuirasse du pied, la semelle du soulier et produisit la fracture
du cuboïde en deux fragments à peu près égaux, dont l'un fut
extrait par la région dorsale du pied.
Nous confirmons par cet exemple la diversité des blessures par
coups de cornes ; nous trouvons même des blessures par avulsion
comme dans le cas de Creus. La victime est aussi un picador,
nommé Francisco Cazalla, qui fut renversé par un taureau dans
les arènes de Cadix; une fois étendu parterre, la corne s'accrocha
à la. coleta et le taureau s'enfuit emportant avec la tresse une
1
r
grande partie du cuir chevelu. Le D Cordon sutura le lambeau
du picador scalpé, après un scrupuleux lavage. La cicatrisation
était fort avancée le neuvième jour, quand le torero mourut à la
suite du tétanos.
Rien n'est donc étrange quand il s'agit de blessures par coups
de cornes. Les accidents les plus extraordinaires, les plus invrai-
semblables ont lieu presque tous les jours.
Ainsi, peut-on songer à quelque chose de plus incroyable qu'à
cet homme qui, dans une course de village, passe la tête entre
deux piquets au moment précis où fonce le taureau sur- lui sans
lui faire d'autre lésion qu'une blessure nette et linéaire de la
2
cornée ? Et cet autre cas cité par Roa où un amateur est atteint
1
P e t i t e tresse de c h e v e u x que les toreros laissent croître à l'occiput comme
signe distinctif de leur profession.
2
Gomez Pamo.
842 MÉMOIRES ORIGINAUX
par le taureau qui le soulève par le scrotum et lui luxe les deux
testicules?
Nous même avons vu à Séville une torera ou femme toréador
dont toute la paroi recto-vaginale avait été déchirée ; et à Sau-
lucar le torero Vito qui fut cloué contre un mur par les deux
cornes du taureau et qui n'avait que deux égratignures insigni-
fiantes sur les deux côtés du thorax!
Nous pourrions ainsi trouver des centaines d'accidents curieux
rien qu'en feuilletant les revues des courses de taureaux.
Au fond des blessures nous trouvons fréquemment des corps
étrangers, tels que fragments de cornes ou des os fracturés, des
morceaux d'étoffes, des fils d'or, de la terre, du sable, du sang
de cheval, etc. etc. Il faut donc compter sur la septicité de ces
blessures et sur de fréquentes complications.
III
NOTES ET O B S E R V A T I O N S MÉDICO-LÉGALES
Par M . le Dr Camille M O R E A U ,
Correspondant d e l'Académie R o y a l e d e M é d e c i n e d e B e l g i q u e
e t d e la S o c i é t é d e M é d e c i n e l é g a l e d e F r a n c e .
D... répond un peu aux questions qu'on lui pose, mais la parole
ne sort que difficilement et bientôt le blessé ne sait plus rien
dire. Sa tête pâle s'est penchée sur le côté, le pouls n'est plus
perceptible et il se produit sur le corps une sueur froide. La mort
semble imminente et je fais transporter en toute hâte le patient
dans mon service à l'hôpital.
rs
Quand nous fûmes réunis, mes collègues MM. les D Blon-
diau, Dourlet, Malengreaux et moi, autour de D... dans la salle
d'opération, une demi-heure environ s'était écoulée depuis l'at-
tentat. Nous constatons tous en ce moment que le pouls radial
manque. Au moins ne pouvons-nous pas le percevoir. Nous ne
voyons ni ne sentons la pointe du cœur. A l'auscultation nous
n'entendons aucun bruit cardiaque. Outre les signes dont il a été
question plus haut, D... se plaint d'une sensation d'étouffement.
Nous portons le diagnostic de compression cardiaque par épan-
chement sanguin et décidons de mettre à nu le péricarde et
éventuellement le cœur dans la zone du thorax où ces organes
sont accessibles.
Incision verticale passant par l'extrémité interne de la plaie et
s'étendant du troisième cartilage costal à celui de la sixième côte.
Cette incision intéresse la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et
le grand pectoral dans toute son épaisseur. A ses deux extrémités
sont pratiquées deux incisions horizontales permettant de dissé-
quer deux lambeaux musculo-eutanés de 4 centimètres de large,
dont l'un est relevé vers le sternum et l'autre du côté externe.
Le cartilage de la quatrième côte complètement isolé par la
rugine est réséqué au moyen d'un sécateur. Le cinquième carti-
lage a été sectionné nettement par le coup porté ; ses deux
fragments sont entièrement réséqués à leur tour. L'artère
mammaire saigne abondamment; nous en faisons la ligature. Une
hémorragie en nappe de sang veineux est arrêtée par tamponne-
ment. Au cours de cette intervention nous voyons à la partie
externe et inférieure de la plaie thoracique, le bord de la plèvre
se montrer à chaque expiration et se retirer lors de l'inspiration.
L'écarteur employé pour retenir cette plèvre en dehors du champ
opératoire la déchire sur l'étendue de i centimètre, mais l'ouver-
ture fermée immédiatement par une pince est aussitôt suturée au
moyen d'un fin catgut. Je puis alors reconnaître sur le péricarde,
vers sa partie moyenne, une plaie de 2 centimètres dans laquelle
j'introduis l'extrémité de l'index et, qu'à l'aide de ciseaux,
j'agrandis vers le bas sur une étendue de 5 centimètres environ.
D* C. Moreau. — C O N T R I B U T I O N A L ' É T U D E D E S P L A I E S D U COEUR 847
N O U V E L L E M É T H O D E
DE
1
G. C o r i n , Procédé n o u v e a u p o u r la r e c h e r c h e d e s s p e r m a t o z o ï d e s (Ann. de
la Soc. de méd. lég. de Belgique. 1907, p . 94j-
D™ G. Corin et E. Stockis.— TACHES SPERMATIQTJES S U R L E LINGE 8 5 3
1
E . S t o c k i s , S u r la v a l e u r m é d i c o - l é g a l e d e s c r i s t a u x d e B a r b e r i o (Ann. de
la Soc. de méd. lég, de Belgique, 1908, p . 17) — A p r o p o s d e la r é a c t i o n d e
B a r b e r i o (id., id., p . 90). — S o b r e e l v a l o r m e d i c o - l e g a l d e l o s c r i s t a l e s d e B a r -
b e r i o (Gacela medica del Sur de. Espana, a b r i l 1908).
2
L e c h a - M a r z o , S o b r e l a g é n e s i s d e l o s c r i s t a l e s d e B a r b e r i o (Clínica y Labo-
ratorio, n o v . 1907; Protocolo médico-forense, 1908, n ° 1 ; Gaceta medica del Sur
de España, 1908, ;i° 096).
D e D o m i n i c i s , S o b r e l a n u e v a r e a c c i ó n d e l a s p e r m i n a (Clínica y Laboratorio,
s e p t . 3907; Ilisveglio medico, 1908, n 41). u
1 1
D e D o m i n i c i s , A c c c r t a m e n t o d c l l e j a c u l a z i o n e d e l l ' i r n p i c a m e n t o (Glorn. int.
délie Se. med., 1908.— I d . N o t a s e c u n d a (Soc. di med• leg. di p;ii;i;i. G u i g n o . 1908J.
2
R o u s s i n , E x a m e n m i c r o s c o p i q u e d e s t a c h e s d e s p e r m e (Ann. d'Hygiène
pnhl.. i8G ).7
3
Florence,-Du sperme et des taches d e sperme c;i m é d e c i n e l é g a l e (Arch.
d'Anlhrop. crim., 1896).
Longuet, Recherche médico-légale des spermatozoïdes (Ann. d'IIyg. publ.,
1876, p . i54).
856 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
R e n a u t , S u i ' u n n o u v e a u p r o c é d é d ' e x a m e n d e s t a c h e s d e s p e r m e ( i n Cle-
ment, C o n f é r e n c e s d e m é d e c i n e l é g a l e , P a r i s , 1880).
2 Ungar, Zum Xachvveis der Spermatozoon in angetrockneten Sperma
(Vierlelj. /'. r/s;-, med., p. 'iyù. v o l . 4G, 1887).
3
L e c h a - M a r z o , LaidenUficniioa. del esperma, M a d r i d , 1907.
* D e n n s t e d t et Voigtländer, D e r Ilach'.veis von Schriflfälscbungcn, Blut,
S p e r m a , u s w . ( B r a u n s c h w e i g , 190G, p . 2 0 0 ) .
s B r ä u t i g a m , leuzehr f. med. heamle, 1892.
« Perrando, Eine neue Methode des Spermanachweis aus Klecken (Aerztl.
Sachv. Zeitung, 190.Ï, n ° 2 2 ) .
r s
D G . Corin et E. Stockis.— T A C H E S S P E R M A T I Q U E S SUR. L E L I N G E 857
1
V o g e l , U n t e r s u c h u n g v o n S p c r m a f l e c k e n f Viertelj. /'. ger. Med., 1882).
~ G r i g o r y e w . Zur Frage der Technik fciner U n t e r s u c h u n g v o n Blut und S p e r m a
(Vierlelj. f.g. Med., 1902).
3
D o m i n i c i s , S u l F e s a m e d é l i e m a c c h i e d i s p e r m a (Giorn. di med. leg., i g o 3 ,
p . 3 i ) ; c f F i l o m u s i - G u e l f i , Traitalo di medicina légale, i g o S , I, p . I 3 I .
A
P e r r a n d o , Dimostrazione dette macchie spermaiiclte per inclusione in gomma
délie zone macchiata ( M e s s i n a . 1906).
5
D o m i n i c i s , N u o v o m e t o d o p e r la r i c e r c o d e i n e m a s p e r m i d é l i e m a c c h i e
(lïisveglio medico, 1907, p . 27 e t 2S).
858 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
1
Si l'on veut colorer des spermatozoïdes isolés, o b t e n u s soit d'une tache par
centrifugalion, soit d'un écoulement vaginal ou d'un liquide q u e l c o n q u e , on peut
se servir de notre solution, ou bien aussi d'autres s u b s t a n c e s qui o n t u n e grande
affinité n o n s e u l e m e n t p o u r la t ê t e , m a i s a u s s i p o u r l e f i l a m e n t c a u d a l ; c e s o n t ,
d'après n o s constatations, la fuschine, le violet d e g e n t i a n e e t l e s diverses
espèces de violet de m é t h y l e ; on obtient ainsi d e s c o l o r a t i o n s extrêmement
énergiques. Mais c e s substances colorent é g a l e m e n t b i e n ia plupart d e s parti-
c u l e s é t r a n g è r e s a i n s i q u e l e s fibres v é g é t a l e s o u a n i m a l e s e t c o m m e , d ' a u t r e
part, elles sont détruites par l'ammoniaque, o n n e peut l e s utiliser p o u r la c o l o -
ration des taches elles-mêmes.
Le violet d e gentiane, e n solution aqueuse, a é t é r e c o m m a n d é déjà par L e c h a -
Marzo, qui, dans son excellente monographie sur le sperme, le propose après
fixation de la tache au liquide de K l e i n e n b e r g o u d e M a y e r (picro-sulfurique o u
p i c r o - n i t r i q u e ) , p o u r l a c o l o r a t i o n d u s p e r m e s u r l e l i n g e (La identificación del
esperma, M a d r i d , 1907).
860 NOTES ET OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES
Si l e f o n d e s t i e i n t é d e r o s e , si l a fibre a e n l e v é p a r t r e m p a g e
t r o p d e c o l o r a n L . i l esL b o n d e l a v e r e n f a i s a n t p a s s e r d a n s la p r é p a -
r a t i o n u n e g o u t t e d ' e a u d i s t i l l é e d é p o s é e s u r un b o r d , a s p i r é e d u
côté o p p o s é , e t de c o m p r i m e r u n p e u à l a i d e d e p a p i e r filtre.
r s
D G. Corinet E. Slockis.— TACHES S P E R M A T I Q U E S S U R L E L I N G E 861
1
O n p e u t a u s s i fixer e t c o l o r e r e n u n e s e u l e o p é r a t i o n , d a n s la s o l u t i o n sui-
vante, qui est stable :
Ammoniaque 100
Bichromate de potasse o,5o
Sulfate sodique i
Erythrosine o,5o
M a i s a l o r s , si l ' o n colore mieux les queues, on teint aussi légèrement les
filaments du linge.
D" G. Corin et E. Slockis.— TACHES SPERMAT1QUES SUR L E LINGE 863
1
P c t e l e t L a b i c h e , In Vogel, Untersuchung von Spermaflecken i Viertelj. f.
cjer. Med.. 1882).
2
C i t é p a r V o g e l (loc. cit.).
;i
L e p r o c é d é a é t é d é m o n t r é à la S o c i é t é de M é d e c i n e légale de [Belgique, le
20 j u i l l e t 1908.
Edmond Locard. — CHRONIQUE L A T I N E 865
REVUE CRITIQUE
C H R O N I Q U E L A T I N E
' *
* *
Pendant que l'on cherche une entente et une fusion entre les
services identificateurs, ceux-ci évoluent dans les divers Etats.
La Belgique ne possédait jusqu'ici que des cabinets privés. Stockis
à Liège, depuis igo3, Gilet et de Lavelèye à Bruxelles, puis plus
tard Wauters à Anvers et Ranwez à Namur avaient bertillonné
les criminels les plus notoires des villes où ils opéraient. Mais le
gouvernement désirait arriver à l'organisation d'un service officiel,
et, à diverses reprises, lors de la discussion du budget, le Parle-
ment avait été saisi de projets ou de propositions de cette nature.
J'ai rapporté, dans Y Identification des Récidivistes , les premières 1
1
i v o l . 4 § P- a v e c 8 5 fig. d a n s l a Bibliothèque de criminologie,
2
ilaloine,
P a r i s . V o y . p . 327.
2
Cf. E u g è n e S t o c k i s , l ' I d e n t i f i c a t i o n j u d i c i a i r e e t l e s i g n a l e m e n t i n t e r n a t i o -
n a l i n Revue de Droit pénal, B r u x e l l e s , 1908 (n°« 1 e t 2); M . d e L a v e l e y e ,
A n t h r o p o m é t r i e e t D a c t y l o s c o p i e , loc. cit., j u i n 1908; X a g e l s , l ' I d e n t i f i c a t i o n d e s
d é l i n q u a n t s , ibid.; V e r s t e y l e n , R a p p o r t à l a C h a m b r e , ibid,, a v r i l 1908; E u g .
Edmond Locará. — CHRONIQUE LATINE 869
r
Les trois arguments essentiels apportés par le D Eug. Stockis
contre l'anthropométrie sont les suivants : i° c'est un procédé
inapplicable aux non-adultes, (c'est-à-dire à ceux qu'il est le plus
0
utile de signaler dès le début) et aux femmes ; 2 elle est aban-
donnée dans un grand nombre de pays ; 3° elle est faillible,
longue, délicate et coûteuse. Les deux premières raisons sont
irréfutables et je ne veux pas revenir sur le troisième point parce
que je l'ai longuement étudié, il y a peu de temps. Je préfère
exposer ici un point jusqu'ici peu argumenté, et sur lequel
M. de Laveleye a particulièrement et très habilement insisté au
cours de la polémique belge: c'est la question de savoir si les
détenus peuvent ou non effacer leurs crêtes papillaires au point
d'en rendre les empreintes illisibles.
La preuve dactyloscopique de l'identité fait totalement défaut,
dit M. de Laveleye, « par suite de cicatrices voulues des dix doigts,
cicatrices intéressant le derme. Et il n'est pas besoin, pour les
rendre indéchiffrables, de cicatrices le détériorant à tout jamais.
Il résulte de renseignements, qui nous ont été transmis par le
service de Paris, que les employés de ce service ont, à maintes
reprises, remarqué que les impressions digitales d'individus ayant
l'habitude de donner de faux noms deviennent de plus en plus
indéchiffrables et que le nombre de ces empreintes indéchiffrables
augmentait de plus en plus... Suivant les cas, la détérioration
semble produite par la friction contre le pantalon, les parois d'un
mur ou d'un meuble ; d'autres fois, il s'agit d'un déchiquetage
avec les dents ou la pointe d'une aiguille. Les femmes, les Roma-
nichelles surtout, ont recours à ce dernier procédé, qui, de même
qu'il rend le caractère signalétique qui nous occupe méconnais-
sable, leur donne la marque professionnelle d'une bonne travail-
leuse... Je suis absolument convaincu que ces pratiques vont
s'accroître chez les malfaiteurs professionnels et qu'il n'y aura
bientôt qu'un moyen de les empêcher d'user leurs filigranes épi-
dermiques, et, partant, de rendre leurs impressions digitales
inanalysables, ce sera le port de gants avec la camisole de force,
ce qui, si l'on se place tant au point de vue de la loi qu'au point
de vue humanitaire, semble d'une application tout à fait impos-
sible ».
On ne saurait méconnaître ce qu'il y a d'inquiétant dans des
**
En même temps que la Belgique évoluait vers l'adoption d'un
service officiel, ta Serbie tend à organiser chez elle l'identification
jusqu'ici fort négligée. Deux importants travaux du capitaine
de police de Belgrade, M. Vasa Lazarevitch, l'un consacré à la
dactyloscopie, l'autre aux questions générales d'identification,
montrent le labeur déjà accompli. E n outre, une enquête faite
auprès de ceux qui ont plus particulièrement étudié les problè-
mes d'identité, aboutit à la création d'un service dactylosco-
pique qui sera probablement analogue à celui essayé en Belgique.
BIBLIOGRAPHIE 873
*
**
Enfîn, l'Etat de Saint-Paul, au Brésil, vient d'adhérer au
convenio du 20 octobre io,o5, par lequel les polices de Buenos-
Ayres, de la Plata, de Rio-de-Janeiro, de l'Uruguay et du Chili,
avaient adopté un modèle de fiches et l'ensemble du système
Vucetich, dactyloscopie et signalement spécial. Les lecteurs des
Archives connaissent déjà par un précédent article la fiche saint-
paulienne d'identité. Une intéressante brochure de M. Manuel
Viotti montre le fonctionnement de la dactyloscopie dans cette
république.
On voit, en résumé, combien l'idée d'organiser des services
identificateurs est en faveur et en progrès dans le monde civilisé.
Ainsi seulement pourra aboutir la lutte contre la récidive, contre
les. malfaiteurs d'habitude, contre les bandes internationales. Il
ne reste qu'à unifier et à accorder tous ces effets divers. Ce sera
l'œuvre du prochain Congrès, dont je voulais dire une fois déplus
la nécessité et l'urgence.
Edmond L O C A R D .
B I B L I O G R A P H I E
M a r c e l C h a l q u i n a 32 a n s ; il e s t t r è s r i c h e g r â c e a u x B i s c u i t s C h a l -
q u i n , très é l é g a n t , t r è s s n o b , t r è s artificiel. Il fait d u t h é â t r e . Il est
égoïste d'un égoïsme implacable et sentimental d'une sentimentalité
fort e x a c t e m e n t n u a n c é e p a r l ' a u t e u r .
A l a i n M a l s o r t a 17 a n s ; il v i e n t de la p r o v i n c e ; son milieu a été
d é p l o r a b l e , son é d u c a t i o n d é t e s t a b l e . Mais if est t r è s b e a u , d ' u n e
b e a u t é s y m p a t h i q u e e t c o r d i a l e , p r e s q u e c a n d i d e e n c o r e , avec ses y e u x
de b r a i s e b l e u e , ses c h e v e u x frisés e t sa taille de c u i r a s s i e r . E c h o u é à
P a r i s , a y a n t d é p e n s é ses t r o i s c e n t s f r a n c s , affolé p a r la faim, la soif,
l'affreuse p a u v r e t é , q u e v a - t - i l d e v e n i r ? I r a - t - i l , m a l g r é ses r é p u g n a n -
ces, au Rat musqué o ù son a n c i e n c a m a r a d e d e T o u r s , m a i n t e n a n t sou-
t e n e u r à P a r i s , l ' a v a i t fait e n t r e r , « h i s t o i r e de se r e n d r e c o m p t e ? »
S u r m o n t e r a - t - i l sa c r a i n t e de t o u s c e s visages q u i l'effrayaient, « p a s
u n v i s a g e q u i n e fît p e u r , pas u n r e g a r d à q u i se fier... Et les p l u s
t e r r i b l e s , c ' é t a i e n t e n c o r e les d e u x m e s s i e u r s , ï à - b a s , d a n s le f o n d ,
avec l e u r a i r f o u r b e , s u r t o u t ce C a ï n J o u v e », le r o m a n c i e r , avec sa
t ê t e d e c h a t c r e v é , en c o m p a g n i e de s o n fils s u p p o s é , son n e v e u p l u t ô t ,
mais qui payait bien.
A l a i n M a l s o r t , m a l g r é sa r é v o l t e i n s t i n c t i v e c o n t r e le vice des a u t r e s ,
en est b i e n p r è s le t r i s t e soir de sa r e n c o n t r e avec M a r c e l C h a l q u i n .
C'est d e v a n t l ' O l y m p i a . A p p u y é c o n t r e u n r é v e r b è r e , b o u s c u l é p a r la
foule, n ' o s a n t t e n d r e la m a i n , A l a i n e s p è r e v a i n e m e n t q u e sa d é t r e s s e
sera c o m p r i s e e t s e c o u r u e .
Elégant comme une gravure de mode, petit, mince, menu, correct,
p i n c é , avec des m o u s t a c h e s t r o p g r a n d e s , M a r c e l C h a l q u i n s o r t l e n t e -
m e n t , c h o i s i s s a n t u n e c i g a r e t t e d a n s u n é t u i d ' o r ; « sa pelisse au col
de l o u t r e d e v a i t le c a l f e u t r e r d a n s s o n é g o ï s m e , lui a u s s i , c o m m e t o u t
le m o n d e ». Il d e m a n d e d u feu. A l a i n lui dit sa faim, d ' u n e voix d ' e n -
fant h u m b l e et b a s s e . Il r e ç o i t c i n q f r a n c s . « D é c i d é m e n t , il ( M a r c e l
C h a l q u i n ) v a l a i t m i e u x q u e son a s p e c t , q u e sa v i l a i n e p e t i t e voix,
fluette et v i n a i g r é e c o m m e t o u t e sa p e r s o n n e . J ' a u r a i s v o u l u le b i e n
r e m e r c i e r , e t j e m i s t o u t m o n c œ u r d a n s la f a ç o n d o n t j e lui d i s : Oh !
m e r c i , m o n s i e u r ; c o m m e v o u s ê t e s b o n ! Il m e r e g a r d a e n c o r e ; ses
y e u x g r i s très g r a n d s é t a i e n t p l e i n s de b o n t é , en effet, d ' i n t e l l i g e n c e ,
e x t r a o r d i n a i r e m e n t d o u x , m a i s se b a i s s a i e n t v i t e c o m m e s'il e û t v o u l u
é v i t e r q u ' o n lût au fond de l u i . . . M o i , j e p e n s a i s t o u j o u r s a u x h i s t o i r e s
de S i m o n (le s o u t e n e u r ) : c e n t s o u s , c'est v i t e m a n g é , e t j ' a v a i s faim.
— Est-ce que je ne pourrais pas vous voir un autre j o u r , m o n s i e u r ? J e
suis si m a l h e u r e u x ! 11
M a r c e l C h a l q u i n v e u t u n a m i au j e u n e et c h a r m a n t v i s a g e , u n ami
t o u t à l u i , d o n t il s e r a i t le frère, le p è r e , l ' a m i , l ' a i m é , d o n t il s e r a i t
t o u t le b o n h e u r , d o n t il ferait l ' é d u c a t i o n m o n d a i n e et i n t e l l e c t u e l l e .
« E x p l i q u e r s o n c a r a c t è r e t o u t au l o n g » à l'ami fidèle d o n t le visage
est j e u n e e t c h a r m a n t , n ' e s t - c e pas le r ê v e de l ' h o m m e p l u s r i c h e , p l u s
âgé — e t l a i d ? M a r c e l n e d e m a n d e à A l a i n q u e d ' ê t r e c e t t e o m b r e
BIBLIOGRAPHIE 875
a n i m é e , a i m é e et a i m a n t e . A l a i n qui a u r a i t t o u t a c c e p t é — j e n e sais
au j u s t e si ce t i m i d e q u ' e s t M a r c e l s'en r e n d t o u t à fait c o m p t e — se
r é j o u i t de c e t t e f é e r i e . Car c'est u n e a v e n t u r e des Mille et une Nuits.
L ' a m i t i é , la t e n d r e s s e , la richesse,, t o u t cela lui a r r i v e à la fois. E t il
aime v é r i t a b l e m e n t son g r a n d frère, le m a l i n g r e M a r c e l , a u x m a i n s
osseuses et v e l u e s , d o n t il est le p e t i t A l a i n , le p l u s b e a u d e s e n f a n t s
des h o m m e s . S e u l e m e n t c o m m e M a r c e l n ' a ni la f o r c e m o r a l e n é c e s -
saire p o u r p o u r v o i r à l ' é d u c a t i o n m o r a l e et r e l i g i e u s e d ' A l a i n , n i la
volonté de c h a n g e r l e u r a m i t i é r o m a n e s q u e e n u n e l i a i s o n v o l u p t u e u s e ,
Alain o b t i e n t la p e r m i s s i o n de r a m a s s e r des f e m m e s a u x F o l i e s B e r -
g è r e à c o n d i t i o n de n e p a s s ' a t t a c h e r à une, et d e n e p a s e n r e c e v o i r
dans son j o l i a p p a r t e m e n t de la r u e C a m b o n , c o n s a c r é p a r l ' a u r o r e de
la belle a m i t i é , e t q u ' i l ne faut p a s salir. L ' a m o u r d e M a r c e l n e m e u r t
p a s e n c o r e ; il s'avive de sa p r o p r e g é n é r o s i t é , e t s ' e x a l t e q u a n d A l a i n
lui dit en p l e u r a n t : « J e vais avoir d i x - h u i t a n s , j e v o u d r a i s m ' e n g a g e r .
M a r c e l , m o n c h e r M a r c e l , j e te fais b e a u c o u p de t o r t ; à c a u s e de m o i
on dit d u m a l de t o i , et n o t r e a m i t i é . . . »
T o u t en p l e u r a n t Alain lui r a c o n t e le p o t i n q u i l ' a v a i t t a n t d é s o l é .
« L e s c o c h o n s ! » s'écrie M a r c e l a v e c u n e f u r e u r s i n c è r e . « Ils o n t
dit, ils o n t p u d i r e cela ! T o i , A l a i n , m e faire d u t o r t ! A h ! m o n p e t i t ,
si tu s a v a i s , s'ils p o u v a i e n t s a v o i r ! M a i s , loin de m e faire d u t o r t , t u
es m a s a u v e g a r d e , t u es t o u t ce q u ' i l y a de b o n d a n s m a vie ; c ' e s t toi
q u i m e p r o t è g e s c o n t r e m o i - m ê m e ! E c o u t e ; le s o i r d ' h i v e r o ù n o u s
n o u s s o m m e s c o n n u s , où t u étais u n p a u v r e e n f a n t m i s é r a b l e e t s a n s
d é f e n s e , t u t e r a p p e l l e s , j e t'ai dit q u e si j e t e s a u v a i s , t o i a u s s i t u
p o u r r a i s p e u t - ê t r e m e s a u v e r . . . A l a i n , t u crois b i e n m e c o n n a î t r e et le
malheureux que je suis, aux mornes ennuis, aux r a n c u n e s cachées,
aux tristesses i n c o n s o l a b l e s d e v a n t m a vie m a n q u é e . M a i s ce q u e t u
ne c o n n a i s p a s , ce q u e j e ne t ' a i j a m a i s dit — s e s p o m m e t t e s d e v e -
n a i e n t de feu, — ce s o n t les h e u r e s o ù il m e p r e n d d e s c u r i o s i t é s
s o u r d e s e t m a u v a i s e s , où m ' e n v a h i t j e ne sais q u e l d é s i r d ' i n c o n n u ,
de n o u v e a u , de h a s a r d , où j e c h e r c h e d a n s la n u i t l ' o u b l i d e m o i - m ê m e
et de t o u t , q u i t t e a p r è s à e n m o u r i r de r e m o r d s e t d e h o n t e . . . A l a i n
m o n frère, m o n p e t i t g a r ç o n , d e p u i s q u e j e t'ai c o n n u , t o i , si b e a u , si
c h a r m a n t , j ' a i eu h o r r e u r de t o u t cela, j e n ' a i p l u s v u q u e t o i . . . T o n
g r a n d r e g a r d naïf a s a u v é m o n â m e e t o u v e r t m o n cœur- ; p a r t o i , j ' a i
c o n n u la p i t i é et la d o u c e u r d ' ê t r e r e s p o n s a b l e , p o u r toi j ' a i v o u l u
effacer les j o u r s s o m b r e s , ê t r e d i g n e de t a j e u n e s s e , d e t a g r â c e i n s o u -
c i a n t e . . . e t m a i n t e n a n t il f a u d r a i t p e r d r e t o u t à la f o i s ! . . . A l a i n , j e
t ' e n s u p p l i e , ne t ' e n va p a s , n e m e q u i t t e p a s , A l a i n , t u m e t u e r a i s ,
Alain !... »
« Il s'était assis en s a n g l o t a n t , la t ê t e c a c h é e d a n s s o n b r a s r e p l i é . . .
J ' é t a i s b o u l e v e r s é m o i a u s s i . Ce q u ' i l v e n a i t de m e l a i s s e r e n t r e v o i r s u r
sa vie passée ne m ' h o r r i f i a i t g u è r e — j ' e n a v a i s e n t e n d u b i e n d ' a u t r e s !
— mais l'idée q u e j e r e p r é s e n t a i s t a n t de c h o s e s p o u r l u i , q u e p a r m a
876 BIBLIOGRAPHIE
A p r è s avoir r e f e r m é le l i v r e le lecteur p o u r r a r é p é t e r ce q u e F l a u -
b e r t é c r i v a i t à G e o r g e s S a n d au sujet de la Création nouvelle de
H a e c k e l : « Joli b o u q u i n , j o l i b o u q u i n ».
JANLAC.
*
**
CONCLUSIONS DE THÈSES
DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
C. A L L A R Y , D U droit d e s m é d e c i n s et d e s h o s p i c e s d a n s l'hos-
p i t a l i s a t i o n d e s a c c i d e n t s d u travail, 87 p a g e s , 1907.
N o u s e s p é r o n s q u e la C o m m i s s i o n q u i doit se r é u n i r p r o c h a i n e m e n t
p o u r r e v i s e r c e r t a i n s a r t i c l e s d e la loi, p r e n d r a e n é g a l e c o n s i d é r a -
tion les intérêts respectifs des industriels, des Compagnies d'assu-
r a n c e s , d e s é t a b l i s s e m e n t s h o s p i t a l i e r s et, enfin, des m é d e c i n s d ' h ô p i -
t a u x , q u e les l é g i s l a t e u r s o n t s e m b l é i g n o r e r aussi b i e n e n 1 8 9 8 q u ' e n
1901 et en 1 9 0 6 .
Si l a loi n e d o i t p r o c u r e r à p e r s o n n e u n bénéfice illicite, il e s t
l o g i q u e q u e s o n a p p l i c a t i o n n e c a u s e à p e r s o n n e le m o i n d r e p r é j u d i c e .
5° La c o m p r e s s i o n d u t h o r a x , sauf p e u t - ê t r e l e c a s o ù la m o r t e s t
p r o v o q u é e p a r réflexe, laisse t o u j o u r s s u r les o r g a n e s i n t e r n e s , les p o u -
m o n s e n p a r t i c u l i e r , des m a r q u e s r e l a t i v e m e n t faciles à c o n s t a t e r , q u i
d o i v e n t faire s o n g e r à u n e suffocation p r o b a b l e .
la d a t e de la c o n s o l i d a t i o n m a r q u e la cessation d u p a i e m e n t du d e m i -
salaire.
D e là il r é s u l t e t r o p s o u v e n t q u e l'accidenté e n t r e v o i t la d a t e d e la
consolidation c o m m e une échéance q u ï l voudrait pouvoir ajourner
i n d é f i n i m e n t ; e t , e n fait, il l ' a j o u r n e ; t o u t e s les s t a t i s t i q u e s h o s p i t a -
l i è r e s , s a n s e x c e p t i o n , e n font foi. Il a j o u r n e , il a j o u r n e , e t l'idée
e r r o n é e q u i le p r é o c c u p e d é t o u r n e sa b o n n e v o l o n t é de t o u t effort
u t i l e . P e u à p e u , c e t t e i d é e f a u s s e , passée à l'état d ' i d é e fixe, n o n s e u -
lement absorbe toute son,activité psychique, mais va m ê m e jusqu'à
b r i s e r les r e s s o r t s de son a c t i v i t é p h y s i q u e . E t alors q u e , g u é r i d e sa
b l e s s u r e d e p u i s des m o i s , il a cessé d ' ê t r e u n e v i c t i m e d u t r a v a i l , il
r e s t e e n c o r e v i c t i m e d ' u n e e r r e u r d e b o n n e foi, c ' e s t - à - d i r e sa p r o p r e
v i c t i m e à l u i - m ê m e . V o i l à la s i n i s t r o s e c o n s t i t u é e , p s y c h o s e d ' o c c a s i o n
et le p l u s s o u v e n t p e u s é v è r e , m a i s p s y c h o s e f u n e s t e a u t r a v a i l e t , p a r
e x c e p t i o n , g r a v e d a n s ses e x t r ê m e s c o n s é q u e n c e s .
L ' i d é e fixe a n a t u r e l l e m e n t e t t o u j o u r s p o u r s u b s t r a t u m u n fait o u
l ' i n t e r p r é t a t i o n d ' u n fait. D a n s le cas de la s i n i s t r o s e , il s'agit de l'in-
t e r p r é t a t i o n d ' u n fait, e t ce fait, c'est la loi. « L ' i d é e fixe, d i t f o r t bien
R é g i s , n ' e s t e n r é a l i t é a u t r e c h o s e q u ' u n délire r u d i m e n t a i r e , r é d u i t à
sa p l u s s i m p l e e x p r e s s i o n . . . E l l e finit le p l u s s o u v e n t p a r s ' é t e n d r e ,
s ' o r g a n i s e r e t , p a r s u i t e , t o u r n e r au d é l i r e p r o p r e m e n t d i t ». D ' u n e i d é e
fausse ou i n e x a c t e — m a i s n o n p a s n é c e s s a i r e m e n t a b s u r d e — le m a l a d e
t i r e d e s d é d u c t i o n s fausses o u i n e x a c t e s . Ces d é d u c t i o n s s ' i m p o s e n t à
son e s p r i t avec u n e t é n a c i t é o b s é d a n t e ; e t p a r u n e p e n t e n a t u r e l l e
l ' a n x i é t é , q u i c a r a c t é r i s e t o u t e o b s e s s i o n , finit p a r t r a n s f o r m e r u n
t r o u b l e p r i m i t i v e m e n t i n t e l l e c t u e l e n u n t r o u b l e émotif e t r i e n q u ' é m o t i f .
L ' i n t e r p r é t a t i o n e r r o n é e d e la loi n e c o m p t e p l u s . Les d o u l e u r s
m ê m e s d e la p r e m i è r e h e u r e c h a n g e n t de c a r a c t è r e . C o m m e elles n e
r é s u l t e n t p l u s d e la m e u r t r i s s u r e des p a r t i e s t r a u m a t i s é e s (le blessé
a y a n t d e p u i s l o n g t e m p s cessé de souffrir), ce ne s o n t p l u s des s e n s a t i o n s
n i , à p l u s forte r a i s o n , des h a l l u c i n a t i o n s o b s é d a n t e s q u ' i l é p r o u v e , ce
s o n t m a i n t e n a n t d e s o b s e s s i o n s h a l l u c i n a t o i r e s , des « t o p o a l g i e s » ou
des « algies ».
S a n s d o u t e , les c i r c o n s t a n c e s de l ' a c c i d e n t ne s o n t pas o u b l i é e s ,
m a i s les algies ( q u i ne s o n t q u e des h a l l u c i n a t i o n s c é n e s t h é t i q u e s ) n ' o n t
q u ' u n r a p p o r t t r è s i n d i r e c t a v e c les d o u l e u r s p r i m i t i v e s du t r a u m a .
A ce p r o p o s , n o u s n e s a u r i o n s m i e u x faire q u e de r e p r o d u i r e u n e
définition déjà a n c i e n n e de L e u r e t . L e t e m p s n e l'a pas d é m o d é e :
« L ' h a l l u c i n a t i o n n ' e s t pas u n s o u v e n i r , c'est u n e c h o s e a c t u e l l e m e n t
p e r ç u e ; elle diffère a u t a n t e t de la m ê m e m a n i è r e d u s o u v e n i r q u e la
s e n s a t i o n e l l e - m ê m e . J ' a c c o r d e q u ' e l l e p u i s e s e s é l é m e n t s d a n s la
m é m o i r e , car t o u t e h a l l u c i n a t i o n p e u t s e r é s o u d r e e n s e n s a t i o n s ou en
i d é e s a n t é r i e u r e s ; m a i s , elle c r é e u n e e x i s t e n c e , elle d o n n e u n e
a c t u a l i t é et, p o u r celui q u i l ' é p r o u v e , elle est a u s s i d i s t i n c t e de la
m é m o i r e q u e p o u r n o u s t o u s , la m é m o i r e est d i s t i n c t e d e la s e n s a t i o n ».
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES 883
D a n s l ' e s p è c e , la d i s t i n c t i o n si b i e n é t a b l i e p a r n o t r e c o l l è g u e
M . Ségias, e n t r e l ' h a l l u c i n a t i o n o b s é d a n t e et l'obsession h a l l u c i n a l o i r e ,
a u n e i m p o r t a n c e capitale ; ce n ' e s t p a s la d o u l e u r q u i c r é e l ' o b s e s s i o n ,
c'est l ' o b s e s s i o n q u i crée la d o u l e u r . Si f â c h e u x q u e soit l e fait, il e s t
ainsi et n o n a u t r e m e n t . R é g i s e n c o r e a s u , en q u e l q u e s m o t s , m o n t r e r
q u e « ces h a l l u c i n a t i o n s ne s o n t pas les h a l l u c i n a t i o n s h a b i t u e l l e s d e s
a l i é n é s . E l l e s en diffèrent c o m m e l'idée o b s é d a n t e e l l e - m ê m e diffère d e
l'idée fixe », e t , en effet, l'idée fixe d e la r é p a r a t i o n d u d o m m a g e e s t
passée à l ' a r r i è r e - p l a n ; ce s o n t les algies q u i o c c u p e n t m a i n t e n a n t e t
r e m p l i s s e n t p r e s q u e t o u t e la s c è n e . C e s h a l l u c i n a t i o n s « c o n s i s t e n t le
p l u s s o u v e n t d a n s la m a t é r i a l i s a t i o n de l ' o b s e s s i o n , d a n s la t r a n s f o r m a -
tion de l'idée é m o t i v e e n s e n s a t i o n e x t é r i o r i s é e , en u n m o t d a n s la
p r o d u c t i o n d ' u n e i d é e - i m a g e . C'est, en q u e l q u e s o r t e , l ' a n a l o g u e d e ces
p h é n o m è n e s d ' o b j e c t i v a t i o n h a l l u c i n a t o i r e q u i se p r o d u i s e n t d a n s la
m é d i t a t i o n p r o f o n d e ». P a s u n m é d e c i n h a b i t u é à l ' a n a l y s e p s y c h o -
p a t h o l o g i q u e n ' é l è v e r a u n d o u t e s u r la r é a l i t é e t la s i m p l i c i t é d e ce
p r o c e s s u s m e n t a l . E t , q u ' o n p r é t e n d e le c o n t r a i r e ou n o n , l ' o b s e s s i o n
h a l l u c i n a t o i r e , a b s o l u m e n t i n d é p e n d a n t e de l ' a c c i d e n t l u i - m ê m e , n ' e s t
p a s le fait d e l ' a c c i d e n t , m a i s le fait de l ' a c c i d e n t é .
A u j o u r d ' h u i , les c h i r u r g i e n s n ' h é s i t e n t p l u s s u r les c a u s e s d ' u n e
i n c a p a c i t é q u i , p a r e x e m p l e , à la s u i t e d ' u n e f r a c t u r e s i m p l e d e j a m b e
ou d ' a v a n t - b r a s , se p r o l o n g e , s ' é t e r n i s e , s ' e x a g è r e m ê m e de j o u r e n
j o u r , de s e m a i n e e n s e m a i n e , d e m o i s e n m o i s . Ils d i a g n o s t i q u e n t u n
é t a t n é v r o p a t h i q u e , c o n s i d è r e n t l e u r r ô l e c o m m e t e r m i n é et a d r e s s e n t
l ' e x - b l e s s é au m é d e c i n . U n é t a t n é v r o p a t h i q u e , c'est v r a i . M a i s l e q u e l ?
C a r il y e n a p l u s d ' u n : e t , à la r i g u e u r , il se p e u t q u e l ' a c c i d e n t é ne-
p r é s e n t e a u c u n s i g n e ni d ' h y s t é r i e , ni de n e u r a s t h é n i e , n i m ê m e d e
n é v r o s e t r a u m a t i q u e . L ' h y s t é r i e a ses s t i g m a t e s , la n e u r a s t h é n i e a ses
s y m p t ô m e s e t son é v o l u t i o n ; q u a n t à la « n é v r o s e t r a u m a t i q u e », si
m a l n o m m é e , c'est u n s y n d r o m e p e r s i s t a n t de c o m m o t i o n c é r é b r o -
s p i n a l e , d o n t les m a n i f e s t a t i o n s s o m a t i q u e s l a i s s e n t d e v i n e r u n e
a t t e i n t e g r a v e o u s é r i e u s e des c e n t r e s n e r v e u x . D a n s la s i n i s t r o s e , r i e n
de t e l . Le s i n i s t r é — ( p o u r q u o i p a s le s i n i s t r o s e ? ) — n e p e u t r i e n faire
« p a r c e q u ' i l est t r o p faible e t p a r c e q u ' i l souffre », C e p e n d a n t c e t t e
faiblesse n e l ' e m p ê c h e q u e de t r a v a i l l e r ; t o u t e s les a u t r e s o c c u p a t i o n s
lui s o n t e n c o r e p o s s i b l e s , d u m o i n s au d é b u t .
Q u a n t a u x d o u l e u r s , r i e n n e les e x p l i q u e ; l e u r s l o c a l i s a t i o n s s u r t o u t
et l e u r s i r r a d i a t i o n s s o n t d ' u n e fantaisie q u e i ' a n a t o m i e d u s y s t è m e
n e r v e u x n ' a v a i t g u è r e p r é v u e a v a n t 1898.
A i n s i l ' a l g i e , « h a l l u c i n a t i o n r e p r é s e n t a t i v e », d ' a b o r d c o n c e p t s e n -
sitif assez v a g u e , se p e r f e c t i o n n e p a r P a u t o - a n a l y s e , s e d é g r o s s i t , se
l i m i t e , se p r é c i s e e t d e v i e n t h y p e r e s t h é s i e l o c a l i s é e . D é s o r m a i s , le
1
m a l a d e a a c q u i s la c e r t i t u d e q u ' i l est f r a p p é d ' i n c a p a c i t é . Il a fixé
1
E n v o i c i u n e x e m p l e t r è s s i m p l e : il y a q u e l q u e s a n n é e s u n m é c a n i c i e n
ajusteur, gagnant 9 francs par jour, fut atteint d'une fracture de l'extrémité de
884 R E V U E D E S J O U R N A U X E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
1
II n ' é t a i t p a s a l o r s q u e s t i o n d e la s i n i s t r o s e . à l a q u e l l e é c h a p p a u n d e n o s
c a m a r a d e s d ' é t u d e s q u i , e n 18-7, t o m b a d u s i x i è m e é t a g e , à t r a v e r s u n v i t r a i l ,
s u r l a d e s c e n t e d e l i t d e s a c o n c i e r g e . A m e n é d a n s l e s e r v i c e d e la C l i n i q u e
c h i r u r g i c a l e d e B r o c a , il y r e ç u t l e s s o i n s d e l ' i n t e r n e J a l a g u i e r , — s o i n s i n u t i l e s ,
c a r t o u t s e b o r n a à u n e s i m p l e c o u r b a t u r e . L ' a c c i d e n t é (qui lira p e u t - ê t r e c e s
l i g n e s ) , e s t d e p u i s l o n g t e m p s p r o f e s s e u r à la F a c u l t é d e m é d e c i n e d e L y o n .
886 REVUE D E S JOURNAUX ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES
1
Ils n e s ' e m p a r e n t p a s s e u l e m e n t d e leur c o n f i a n c e . L e m o i s dernier, n o u s
1
e x a m i n i o n s e n p r é s e n c e de notre e s t i m é confrère, le D ' Clerval, un d é b a r d e u r
q u i n o u s f a i s a i t s e s d o l é a n c e s : s o n e n t r a î n e u r l u i a v a i t d ' a b o r d l'ait a v a n c e r
100 f r a n c s p o u r s ' o c c u p e r d e s o n a f f a i r e , p u i s a v a i t e x i g é u n e n g a g e m e n t à l u i
v e r s e r 3 3 p u u r 100 d u c a p i t a l d e l a r e n t e promise.
~ D o n n e r un certificat d'incapacité permanente totale à un h o m m e jeune,
n o n épileplique, qui a conservé l'usage intégral de ses quatre membres, de ses
d e u x y e u x et de s e s d e u x oreilles, est u n e faute lourde, selon t o u s les experts.
Celte o p i n i o n n'est pas celle des m é d e c i n s a u x q u e l s n o u s faisons allusion. Mais,
i l y a m i e u x : u n j o u r q u e n o u s n o u s e f f o r c i o n s , a v e c n o t r e c o l l è g u e , M, T r o i s i e r ,
d ' e n c o u r a g e r u n e x - b l e s s é , r o b u s t e et b i e n m u s c l é , à r e p r e n d r e p e u à p e u s o n
travail, le m é d e c i n , se tournant A ers son client, s'exprima ainsi : « Ces m e s s i e u r s
v o u s d i r o n t t o u t ce qu'ils v o u d r o n t , ils sont p a y é s p o u r ça. M a i s , v o u s m e
c r o y e z , moi, n'est-ce p a s ? Eh b i e n , m o n ami, v o u s êtes u n p a u v r e infirme, p o u r
t o u j o u r s , e t , c'est m o i qui v o u s le d i s , v o u s n e g u é r i r e z j a m a i s ».
3
Voy. un passage sur les « médecins marrons » : Valude, Droit médical,
mars 1907.
REVUE DES JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS S A V A N T E S 887
1
' In Verg-ely, Journal de médecine de Bordeaux, 26 janvier 1908.
888 REVUE D E S JOURNAUX E T DES SOCIÉTÉS SAVANTES
1
L ' h y s t é r i e , t o u j o u r s i n g é n i e u s e , a g g r a v e la s i t u a t i o n d ' a u t a n t plus s û r e m e n t
qu'elle est un p r o d u i t plus i m m é d i a t et plus c o m p l e t de ce que n o u s a v o n s
appelé l'hystériculture. La lecture d'un chapitre de pathologie est toujours
s u g g e s t i v e . O n s'y r e c o n n a î t : « T i e n s ! v o i l à m a m a l a d i e ». L ' h y s t é r i q u e a i m e
la l e c t u r e . U n b l e s s é q u e n o u s a v o n s e x a m i n é a v e c n o t r e c o l l è g u e , le p r o f e s s e u r
R a y m o n d , avait appris m i e u x que b e a u c o u p d'étudiants la paralysie cervicale
r a d i c u l a i r e t o t a l e . II s a v a i t s o n D é j e r i n e ? o n l u i a v a i t p r ê t é l e v o l u m e o u
e n s e i g n é c e s y n d r o m e , il e m p l o y a i t l e s t e r m e s t e c h n i q u e s . M a l h e u r e u s e m e n t , il
se t r o m p a i t c o n s t a m m e n t sur les territoires d'anesthésie.
- Liersh, Monatshefte fur Unfallsheilkunde, octobre iao3, cité par Vergely.
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES 889
de m é d i t a t i o n . E t si p a r h a s a r d le m a l a d e « d e v i e n t a l i é n é », L i e r s c h
a j o u t e : « Il n ' y a plus a l o r s d ' i n t e n t i o n m a u v a i s e ; le m o b i l e n ' e s t p l u s
le b e s o i n , le s o u c i , l ' a n x i é t é » . L i e r s c h a d o n c fort b i e n d i s t i n g u é les
d e u x p é r i o d e s ; c e r t a i n e m e n t , le m o b i l e n ' e s t p l u s le b e s o i n , l e s o u c i ,
l ' a n x i é t é , et n o u s n o u s s o m m e s efforcés de le d é m o n t r e r . M a i s j a m a i s
ni le b e s o i n , ni le souci, n i l ' a n x i é t é n ' o n t i m p l i q u é u n e i n t e n t i o n
m a u v a i s e . Voilà u n n o u v e l i n c o n v é n i e n t d u m o t a g g r a v o m a n i e .
Nous terminerons donc c o m m e nous avons commencé :
La p r o l o n g a t i o n e x c e p t i o n n e l l e d e l ' i n c a p a c i t é o u v r i è r e , c o n s t a t é e
p a r t o u s les c h i r u r g i e n s à l a s u i t e d e s a c c i d e n t s d u t r a v a i l , t i e n t à u n
é t a t p s y c h o p a t h o l o g i q u e spécial q u i e s t la sinistrose et qui ne p e u t être
c o n f o n d u e n i avec l ' e x a g é r a t i o n ni a v e c la s i m u l a t i o n c o n s c i e n t e s .
Tératologie : L. G E N T È S et Pierre L A N D E , P s e u d o - h e r m a p h r o d i s m e
e t d é c l a r a t i o n de n a i s s a n c e (Journal de médecine de Bordeaux,
3i mai 1908
Le pseudo-hermaphrodisme ou h e r m a p h r o d i s m e a p p a r e n t e s t consti-
t u é p a r l ' e x i s t e n c e , chez u n sujet q u i p o s s è d e u n e g l a n d e g é n i t a l e b i e n
déterminée et p a r conséquent un sexe bien caractérisé, d ' u n e malfor-
mation des organes génitaux externes qui prennent plus ou moins
l ' a s p e c t de c e u x d u sexe o p p o s é . Il en existe n a t u r e l l e m e n t d e u x
v a r i é t é s : Yandrogynie, ou p s e u d o - h e r m a p h r o d i s m e d u s e x e m a s c u l i n ,
e t la gynandrie, ou h e r m a p h r o d i s m e a p p a r e n t du sexe féminin. Les
faits d u p r e m i e r g r o u p e s o n t t r è s f r é q u e n t s ; a u c o n t r a i r e , c e u x d u
second sont d'une rareté relative.
Les a u t e u r s o n t p u é t u d i e r u n n o u v e a u - n é , à t e r m e , é t r a n g l é p a r sa
m è r e , sujet q u i , p a r ses o r g a n e s g é n i t a u x i n t e r n e s , a p p a r t i e n t i n c o n -
t e s t a b l e m e n t au sexe f é m i n i n , m a i s c h e z q u i ils o n t t r o u v é u n c e r t a i n
n o m b r e d e d i s p o s i t i o n s a n a t o m i q u e s q u i c a r a c t é r i s e n t n o r m a l e m e n t le
sexe o p p o s é . C'est ainsi q u e , du c ô t é d e s o r g a n e s g é n i t a u x e x t e r n e s ,
on n o t e la p r é s e n c e d ' u n t u b e r c u l e génital h y p e r t r o p h i é , d ' u n sillon
b a l a n o - p r é p u t i a l déjà formé à la n a i s s a n c e , e t d ' u n orifice u n i q u e ; e t
d u c ô t é d e la voie g é n i t o - u r i n a i r e , faisant s u i t e à d e u x c o n d u i t s i n d é -
p e n d a n t s , u n canal c o m m u n surajouté.
D e façon assez d é t a i l l é e , les a u t e u r s é t u d i e n t la f o r m a t i o n e m b r y o -
l o g i q u e d e telles m a l f o r m a t i o n s . M a i s n o u s r e t i e n d r o n s s u r t o u t ici
l ' i n t é r ê t d e t e l s cas a u p o i n t d e v u e m é d i c a l .
C e t t e o b s e r v a t i o n p r é s e n t e e n o u t r e d e l ' i n t é r ê t au p o i n t d e v u e
m é d i c o - l é g a l . E n effet, en d e h o r s d e t o u t e x a m e n d e s o r g a n e s g é n i -
t a u x i n t e r n e s , la d é t e r m i n a t i o n d u s e x e n ' a u r a i t p u ê t r e f a i t e . M a l g r é
ce d o u t e , il a u r a i t c e p e n d a n t fallu se c o n f o r m e r à l ' a r t i c l e 5 7 d u C o d e
c i v i l . A u x t e r m e s de c e t a r t i c l e , « l'acte d e n a i s s a n c e » — q u i d e v r a
1
L e c l i c h é qui figure d a n s c e t a r t i c l e n o u s a é t é o b l i g e a m m e n t p r ê t é p a r M . !e
D r
M a y e t e t p a r M . P o i n a t , é d i t e u r d e l a Province médicale.
890 R E V U E D E S JOURNAUX E T D E S S O C I É T É S SAVANTES
ê t r e r é d i g é d a n s les t r o i s j o u r s q u i s u i v r o n t l ' a c c o u c h e m e n t — « é n o n -
c e r a le j o u r , l ' h e u r e e t le lieu d e n a i s s a n c e , le sexe de l'enfant et les
n o m s q u i lui s e r o n t d o n n é s , les p r é n o m s , n o m , p r o f e s s i o n et d o m i c i l e
d e s p è r e e t m è r e et c e u x des t é m o i n s ».
C e t a r t i c l e c o n d u i t à l ' o b l i g a t i o n d e d é t e r m i n e r , d è s la n a i s s a n c e o u
p r e s q u e i m m é d i a t e m e n t a p r è s , à q u e l sexe a p p a r t i e n t l ' e n f a n t . O r , la
s t r i c t e a p p l i c a t i o n d u C o d e p e u t a m e n e r d a n s c e r t a i n s cas les p l u s
r e g r e t t a b l e s e r r e u r s , « La d e s t i n é e de c h a q u e e n f a n t n o u v e a u - n é , d i t
Geoffroy S a i n t - H i l a i r e '-,
d u m o m e n t o ù s o n sexe
e s t c o n n u ou d é c l a r é c o n n u ,
se t r o u v e d o n c r é g l é e p o u r
les p r i n c i p a l e s ' c i r c o n s -
t a n c e s d e sa vie ; il e s t
r a n g é dans l'une ou l'autre
d e ces d e u x g r a n d e s classes
auxquelles appartiennent
des fonctions non seule-
ment différentes , . m a i s
p r e s q u e i n v e r s e s d a n s la
famille aussi bien que dans
la S o c i é t é . »
Or, ces fausses a t t r i b u -
tions de sexe, qui peuvent
a v o i r d e s c o n s é q u e n c e s si
l a m e n t a b l e s , n e sont pas
très exceptionnelles puis-
q u e , en i 8 8 5 , Paul Gar-
2
nier en relevait trente
cas. Sans d o u t e u n pseudo-
h e r m a p h r o d i t e , victime à
sa n a i s s a n c e d ' u n e e r r e u r
de cette n a t u r e devenue plus tard manifeste, p o u r r a t o u j o u r s , à quelque
m o m e n t q u e ce s o i t , faire m o d i f i e r s o n a c t e d e n a i s s a n c e , « t o u t e
e r r e u r d e l ' é t a t civil é t a n t i m p r e s c r i p t i b l e » ( G a r n i e r ) .
A un tel é t a t d e c h o s e s , d û à l'insuffisance d u C o d e civil, d o n t
l ' a r t i c l e 07 n ' e s t p a s assez p r é v o y a n t , o n a c h e r c h é d e s r e m è d e s . G a r -
3
nier e t L e b l o n d d e m a n d e n t q u e l'on a d m e t t e la d é c l a r a t i o n d ' u n s e x e
i n d é t e r m i n é ou d o u t e u x .
1
Geoffroy-Saint-Hilaire, Histoire des anomalies, des monstruosités et des
vices de conformation, i836.
2
Paul Garnier, D u p s e u d o - h e r m a p h r o d i s m e c o m m e i m p e d i m e n t médico-légal
à l a d é c l a r a t i o n d u s e x e d a n s l ' a c t e d e n a i s s a n c e (Annales d'hygiène et de méde-
cine légale, t . X I V , 3° s é r i e , p . 291, 1880).
3
L e b l o n d , R a p p o r t s u r l e m é m o i r e d e P a u l G a r n i e r (Soc. de méd. légale,
s é a n c e d u 8 j u i n i885).
REVUE D E S JOURNAUX E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES 891
M. le Président. — La p a r o l e est à M . C a z e n e u v e .
M. Cazeneuve. — J e m e ferais s c r u p u l e de r e t a r d e r d e q u e l q u e s
m i n u t e s la d i s c u s s i o n d e s c h a p i t r e s d u b u d g e t d e l ' i n s t r u c t i o n p u b l i q u e
si j e n ' a v a i s à a p p e l e r l ' a t t e n t i o n d e la C h a m b r e s u r u n e q u e s t i o n t r è s
i m p o r t a n t e e t si j e n ' a v a i s à a d r e s s e r à M . l e M i n i s t r e d e l ' I n s t r u c t i o n
publique une prière.
1
C h . D e b i e r r e , l'Hermaphrodisme. 1 v o l . d e l a P e t i t e B i b l i o t h è q u e médicale,
p. 146, 1891.
2 A . L a c a s s a g n e , les Actes de l'étal civil. 1 v o l . , p . 91, L y o n , 1887.
892 REVUE D E S J O U R N A U X E T D E S SOCIÉTÉS SAVANTES
J e v e u x p a r l e r d e r e n s e i g n e m e n t de la m é d e c i n e légale d a n s nos
F a c u l t é s de m é d e c i n e e t des m a t é r i a u x q u i y sont n é c e s s a i r e s , l e s q u e l s
d é p e n d e n t de la b o n n e v o l o n t é d e la j u s t i c e , p o u r q u e c e t e n s e i g n e -
m e n t s o i t c o m p l e t , soit p r o f i t a b l e , soit u t i l e , p o u r q u e c e t e n s e i g n e -
m e n t n o u s f o r m e des m é d e c i n s c a p a b l e s de r e n d r e , au p o i n t d e v u e
social, les services q u ' o n a t t e n d d ' e u x .
Le m é d e c i n légiste e n s e i g n e à n o s é t u d i a n t s la façon d o n t ils d o i v e n t
se c o m p o r t e r d a n s l ' a p p l i c a t i o n de la loi s u r les a c c i d e n t s d u t r a v a i l .
Il l e u r e n s e i g n e a u s s i b i e n l e u r s d e v o i r s p r o f e s s i o n n e l s q u e la t e c h n i q u e
d'un diagnostic précis.
L e p r o f e s s e u r de m é d e c i n e légale a p p r e n d à nos é t u d i a n t s , l o r s q u ' u n
d é l i t de d r o i t c o m m u n est c o m m i s , à é t u d i e r si le c o u p a b l e j o u i t d e
t o u t e s ses facultés m e n t a l e s ; il l e u r e n s e i g n e , en face d ' u n décès, à
r e c h e r c h e r s'il s ' a g i t d ' u n s u i c i d é o u , au c o n t r a i r e , d ' u n e v i c t i m e d ' u n
a c t e c r i m i n e l . M a i s ces é t u d e s n e p e u v e n t ê t r e faites, c e t e n s e i g n e m e n t
ne p e u t ê t r e d o n n é q u e si, à c ô t é des c o n f é r e n c e s t h é o r i q u e s , à c ô t é
des g r a p h i q u e s , à c ô t é des c o n s i d é r a t i o n s de s t a t i s t i q u e , t o u j o u r s
u t i l e s e n la m a t i è r e , les c o m m i s s a i r e s de p o l i c e , les j u g e s d ' i n s t r u c t i o n
q u i s o n t a p p e l é s à i n s t r u m e n t e r l o r s q u ' u n é v é n e m e n t t r a g i q u e se p r o -
d u i t d a n s n o s g r a n d e s villes o u d a n s n o s c a m p a g n e s , c h a r g e n t le p r o -
f e s s e u r de m é d e c i n e l é g a l e d ' a p p o r t e r s o n c o n c o u r s d ' e x p e r t d a n s
l ' i n s t r u c t i o n . Ce p r o f e s s e u r de m é d e c i n e l é g a l e ainsi i n v e s t i p e u t , s a n s
c o m p r o m e t t r e les i n t é r ê t s de la j u s t i c e , t i r e r profit d e ces m a t é r i a u x
si u t i l e s à l ' e x p é r i e n c e m ê m e de ses é l è v e s .
Il y a n e u f a n s , la C h a m b r e a si b i e n c o m p r i s l ' i m p o r t a n c e de c e t
e n s e i g n e m e n t p r a t i q u e q u ' e l l e a v o t é u n e p r o p o s i t i o n de r é s o l u t i o n
ainsi c o n ç u e :
« La C h a m b r e i n v i t e M . le M i n i s t r e de l ' I n s t r u c t i o n p u b l i q u e à r é o r -
g a n i s e r l ' e n s e i g n e m e n t d e la m é d e c i n e l é g a l e d a n s les F a c u l t é s s u r des
bases p l u s l a r g e s q u e celles q u i r é g i s s e n t a c t u e l l e m e n t c e t e n s e i g n e -
ment. »
Ce v o t e a eu lieu le 3o j u i n 1 8 9 9 ; le 3 j u i l l e t s u i v a n t , le M i n i s t r e de
l ' I n s t r u c t i o n p u b l i q u e e n v o y a i t à t o u s les r e c t e u r s u n e c i r c u l a i r e r e p r o -
d u i s a n t ce vote d e la C h a m b r e e t les i n v i t a n t à p r o v o q u e r de la p a r t
des F a c u l t é s de m é d e c i n e d e s r a p p o r t s s u r la r é o r g a n i s a t i o n de l'ensei-
g n e m e n t de la m é d e c i n e l é g a l e .
L e s r a p p o r t s o n t é t é r é d i g é s , d e s v œ u x o n t été e x p r i m é s a u p r è s de
n o s F a c u l t é s . C e p e n d a n t la q u e s t i o n , d e p u i s l o r s , n ' a p a s fait u n p a s .
T o u t au c o n t r a i r e , les r e s s o u r c e s d o n t d i s p o s a i e n t c e r t a i n e s F a c u l t é s
d i m i n u e n t t o u s les j o u r s ; e t j e c o n n a i s tel p r o f e s s e u r d e m é d e c i n e
légale d a n s u n e g r a n d e F a c u l t é de p r o v i n c e qui est c h a r g é à p e i n e d e
d e u x ou t r o i s a u t o p s i e s p a r a n .
L e j u g e d ' i n s t r u c t i o n n e p e u t ê t r e d a n s l'espèce a c c u s é d ' u n p a r t i
p r i s q u e l c o n q u e . J e n e v e u x p a s m ê m e e n v i s a g e r ce c ô t é de la q u e s t i o n .
Mais n ' a y a n t n u l l e m e n t à se p r é o c c u p e r d a n s sa m i s s i o n d e servir o u
REVUE DES JOURNAUX E T DES SOCIÉTÉS SAVANTES 893
N O U V E L L E S
r
Le D Paul Dubuisson.
— G r â c e à l ' o b l i g e a n c e de
n o i r e e x c e l l e n t c o n f r è r e , le
r
D A n t h e a u m e , d i r e c t e u r de
Vin formateur des aliénistes,
n o u s p o u v o n s m e t t r e sous
les y e u x d e nos l e c t e u r s la
p h o t o g r a p h i e de P a u l D u -
buisson. La courte nécrolo-
gie q u e n o u s lui avons c o n -
s a c r é e a r a p p e l é les t r a v a u x
d u s a v a n t a l l e n i s t e , il n o u s
r e s t e r a i t à d i r e ce q u ' é t a i t
l ' h o m m e d o n t les q u a l i t é s de
l'esprit et du c œ u r étaient
vraimentremarquables.
N o u s e s p é r o n s q u e la vue d e
ses t r a i t s d ' u n e h a u t e d i s -
t i n c t i o n c o n t r i b u e r a à laisser
d a n s la m é m o i r e p l u s de
sympathie pour une person-
nalité a t t a c h a n t e et trop vite
disparue. A L . L.
N é c r o l o g i e . — N o u s a v o n s le p r o f o n d r e g r e t d ' a n n o n c e r la m o r t d u
r
D A l b e r t C A R R I E R , a n c i e n a g r é g é à la F a c u l t é d e m é d e c i n e de L y o n ,
a l i é n i s t e , d i s t i n g u é , d é c é d é à l'âge d e s o i x a n t e - n e u f a n s .
r
— Du D Paul B E R N A R D , ancien p r é p a r a t e u r de Médecine légale,
a u t e u r d ' u n e t h è s e r e m a r q u a b l e , des Attentats à la pudeur sur les
petites filles ( L y o n , 1 8 8 6 ) .
N o u s a d r e s s o n s a u x familles de n o s d e u x c o n f r è r e s et a m i s , l ' e x p r e s -
sion de n o t r e b i e n d o u l o u r e u s e s y m p a t h i e .
— O n v i e n t d ' a p p r e n d r e à N a n c y la m o r t d e M . J u l e s L I É G E O I S ,
p r o f e s s e u r h o n o r a i r e à la F a c u l t é de d r o i t d e c e t t e ville et q u i a
s u c c o m b é à B a i n s - l e s - B a i n s ( V o s g e s ) à la s u i t e d ' u n a c c i d e n t d ' a u t o -
m o b i l e . N é à D a m v i l l e r s ( M e u s e ) , le 3 o n o v e m b r e i 8 3 3 , M . Liégeois fut
s u c c e s s i v e m e n t chef de c a b i n e t des p r é f e t s d e la M e u s e , de la M e u r t h e ,
c o n s e i l l e r de p r é f e c t u r e de l ' I n d r e e t s o u s - c h e f de c a b i n e t d u m i n i s t r e
d e l ' I n t é r i e u r . Le 1 9 o c t o b r e 1 8 6 0 , il était n o m m é p r o f e s s e u r de d r o i t
a d m i n i s t r a t i f à la F a c u l t é de N a n c y , q u ' i l n ' a v a i t p l u s q u i t t é e d e p u i s
cette époque.
NOUVELLES 897
Distinctions honorifiques. —• M . l e p r o f e s s e u r F L O R E N C E v i e n t
d ' ê t r e n o m m é c h e v a l i e r d e la L é g i o n d ' h o n n e u r . N o u s a d r e s s o n s à
n o t r e a m i e t c o l l a b o r a t e u r l ' e x p r e s s i o n d e la j o i e e t d e la satisfaction
q u e n o u s r e s s e n t o n s e t a u x q u e l l e s s ' a s s o c i e n t les l e c t e u r s d e s Archives.
C ' e s t d a n s ce j o u r n a l q u e F l o r e n c e a p u b l i é s e s p l u s i m p o r t a n t s t r a -
v a u x , m a r q u é s a u coin d ' u n e o r i g i n a l i t é b i e n p e r s o n n e l l e . S e s
recherches et mémoires sur les taches d e sang et de sperme, les
m o y e n s d e les r e c o n n a î t r e s o n t c o n n u s d e t o u s l e s e x p e r t s . A L . L.
r
Droit d e priorité. — .M. le D F L O R E N C E p r e n d d a t e p o u r d e u x
articles q u e n o u s i n s é r e r o n s à l e u r t o u r :
i° D e s t a c h e s d e s a n g s u r p l â t r e e t d e la t e c h n i q u e s p é c i a l e à e m -
ployer pour leur détermination ;
2° D e l ' e m p l o i d e s c r i s t a u x d ' h é m i n e e t d ' i o d h é m i n e c o m m e s p é c i -
fiques de l'origine d e c e r t a i n s s a n g s .
M M . B O R X A Y e t N É M O R I N s o n t r e ç u s p o u r la p a r t i e m é d i c o - l é g a l e et
M . P O R É E p o u r la p a r t i e p s y c h i a t r i q u e s e u l e .
A r c h . A n t h . Ci'im. J90S-00
893 NOUVELLES
Le l y n c h a g e a u x Etats-Unis. — D a n s u n e p e t i t e ville d u C o n -
necticut, une cinquantaine de malandrins ont pénétré, à l'aube,
d a n s la p r i s o n d e la ville, e n o n t e x t r a i t q u a t r e n è g r e s q u ' i l s o n t p e n -
d u s à u n a r b r e à l ' e n t r é e de la localité. S u r les c a d a v r e s avait é t é affi-
chée u n e p a n c a r t e ainsi c o n ç u e : « V o u s , les n è g r e s , laissez les b l a n c s
t r a n q u i l l e s ; a u t r e m e n t c'est ainsi q u ' o n vous t r a i t e r a . » C e s n è g r e s
é t a i e n t accusés d ' a v o i r fait, d a n s u n e r é u n i o n , l ' a p o l o g i e d u m e u r t r e
d ' u n f e r m i e r blanc d ' u n e localité voisine p a r u n n è g r e q u i é t a i t s o n
locataire.
Condamnés à m o r t graciés. — L e P r é s i d e n t d e la R é p u b l i q u e
a c o m m u é , le 3o a o û t , e n la p e i n e d e s t r a v a u x forcés à p e r p é t u i t é , la
p e i n e de m o r t p r o n o n c é e p a r la C o u r d'assises d e 1 O r n e , le mois
d'avril d e r n i e r , c o n t r e les n o m m é s S l e p h e n e t C o l s o n , p o u r t e n t a t i v e
de m e u r t r e s u r le j u g e d e p a i x de la F e r t é - M a c é e t le g e n d a r m e M e r -
gey, p e n d a n t q u ' i l s c a m b r i o l a i e n t la j u s t i c e d e p a i x .
Ce sera la q u a t r i è m e fois q u e ces d e u x b a n d i t s r e t o u r n e r o n t au b a g n e
d'où ils s ' é v a d è r e n t t r o i s fois.
NOUVELLES 890
L ' E r r e u r s u r l a p e r s o n n e . — D e v a n t la p r e m i è r e C h a m b r e du
T r i b u n a l civil, M . G u i l l e m i n a t t a q u a i t la v a l i d i t é d e s o n m a r i a g e avec
M E
M L i a b a s t e r , p a r c e q u e celle-ci l ' a v a i t i n d u i t e n e r r e u r s u r son âge
et lui a v a i t c a c h é son p a s s é . »
« C e t t e m a n œ u v r e , a v a i t p l a i d é M" D u h i l , c o n s t i t u e le d o l et la
fraude v i c i a n t le c o n s e n t e m e n t de l ' a u t r e c o n j o i n t . »
M . G u i l l e m i n v i e n t de p e r d r e son p r o c è s .
« A t t e n d u , dit n o t a m m e n t le j u g e m e n t , q u e G u i l l e m i n a é p o u s é la
E
d a m e L i a b a s t e r à la m a i r i e du 1 7 a r r o n d i s s e m e n t d e P a r i s , le 1 1 j u i l l e t
'9°4 ;
« Qu'il a é t é p r o d u i t p o u r la c é l é b r a t i o n d u m a r i a g e u n a c t e de
n a i s s a n c e é t a b l i s s a n t q u e la d a m e L i a b a s t e r é t a i t n é e le 4 j u i l l e t 1 8 0 8 ,
alors q u ' e n réalité sa n a i s s a n c e r e m o n t a i t à 1 8 4 8 ; q u e , d ' a u t r e p a r t , il
n ' e s t pas c o n t e s t é q u e la d a m e L i a b a s t e r a v é c u , a n t é r i e u r e m e n t à son
m a r i a g e , d a n s le m o n d e d e la g a l a n t e r i e ;
« A t t e n d u q u e G u i l l e m i n d e m a n d e au T r i b u n a l de p r o n o n c e r la
n u l l i t é d u m a r i a g e ; q u e son a c t i o n e s t f o n d é e s u r l ' e r r e u r d a n s la p e r -
s o n n e civile e t m o r a l e de la d a m e L i a b a s t e r q u i a u r a i t v i c i é s o n c o n -
s e n t e m e n t ; q u ' i l p r é t e n d q u e s'il a v a i t c o n n u l â g e r é e l e t le passé
f â c h e u x de c e t t e d e r n i è r e , il n e l ' a u r a i t p a s é p o u s é e ;
« . . . A t t e n d u q u e la d a m e L i a b a s t e r n e s ' e s t p a s fait a g r é e r e n se
p r é s e n t a n t c o m m e m e m b r e d ' u n e famille q u i n ' e s t p a s la s i e n n e et ne
s'est p a s a t t r i b u é des c o n d i t i o n s d ' o r i g i n e et de l i b a t i o n q u i a p p a r t i e n -
nent à une autre ;
« Q u e des m o d i f i c a t i o n s d a n s s o n a c t e de n a i s s a n c e n ' o n t e n r i e n
affecté son i d e n t i t é ;
« A t t e n d u q u ' e n a y a n t é g a r d a u x p r i n c i p e s c i - d e s s u s é n o n c é s , il
n ' é c h e t de s ' a r r ê t e r au m o y e n d e n u l l i t é t i r é d e l ' i g n o r a n c e d a n s
l a q u e l l e G u i l l e m i n se s e r a i t t r o u v é d e s a n t é c é d e n t s de la d a m e Lia-
baster... »
E m e
M D é m a n g e s'était p r é s e n t é p o u r M Guillemin-Liabaster.
C o n d a m n a t i o n d ' u n m é d e c i n e t d ' u n p h a r m a c i e n . — A la
s u i t e de p l a i n t e s d é p o s é e s p a r d i v e r s , le P a r q u e t d e B o r d e a u x p o u r -
suivait c o r r e c t i o n n e l l e m e n t u n m é d e c i n e t u n p h a r m a c i e n .
Il était r e p r o c h é au d o c t e u r d ' a v o i r p o r t é t o r t à d e s p a t r o n s et à des
C o m p a g n i e s d ' a s s u r a n c e s en e x a g é r a n t l e s m a l a d i e s des o u v r i e r s p o u r
p r o l o n g e r l e u r c h ô m a g e et en p r e s c r i v a n t d ' i n u t i l e s m é d i c a m e n t s .
L e p h a r m a c i e n était a c c u s é d e c o m p l i c i t é p o u r a v o i r f o u r n i des
médicaments en q u a n t i t é a n o r m a l e .
Le T r i b u n a l c o r r e c t i o n n e l a r e n d u s o n j u g e m e n t . Le m é d e c i n a été
c o n d a m n é à h u i t m o i s de p r i s o n , 100 f r a n c s d ' a m e n d e et q u a t r e ans
d ' i n t e r d i c t i o n d ' e x e r c i c e de la m é d e c i n e ; le p h a r m a c i e n à t r o i s mois
d e p r i s o n et 100 francs d ' a m e n d e , t o u s d e u x s a n s s u r s i s . D ' a u t r e p a r t ,
le m é d e c i n et le p h a r m a c i e n s o n t c o n d a m n é s s o l i d a i r e m e n t à 200 francs
000 NOUVELLES
de d o m m a g e s - i n t é r ê t s e n v e r s le S y n d i c a t de p a t r o n s et 600 francs
envers u n p a t r o n qui s'était p o r t é p a r t i e civile.
L e s i m p r e s s i o n s d ' u n p e n d u . — P e n d a n t la g u e r r e de S é c e s -
s i o n , i l a r r i v a au r é v é r e n d J . - T . M a n n d ' ê t r e p e n d u . C ' e s t u n d e c e s inci-
d e n t s q u i m a r q u e n t d a n s u n e e x i s t e n c e ; le r é v é r e n d q u i vit e n c o r e ,
publie s e s impressions dans une revue américaine.
« J e fus, d i t - i l , p r i s p o u r u n espion, au service d e s c o n f é d é r é s , et,
c o m m e t e l , p e n d u au fort B a r a n c a s . J ' é t a i s d e p u i s q u a t r e m i n u t e s e n t r e
le ciel e t la t e r r e , au p h y s i q u e aussi bien q u ' a u m o r a l , q u a n d u n o f f i -
cier m e d é t a c h a , p e r s u a d é a v e c r a i s o n q u e j ' é t a i s v i c t i m e d ' u n e m é -
p r i s e . M a p r e m i è r e i m p r e s s i o n , l o r s q u e le sol se d é r o b a sous m e s p i e d s ,
fut q u e j ' a v a i s e n m o i u n e c h a u d i è r e à v a p e u r s u r le p o i n t d ' é c l a t e r .
M e s a r t è r e s e t m e s v e i n e s p a r a i s s a i e n t si t e n d u e s q u ' i l s e m b l a i t q u e le
s a n g d û t se frayer v i o l e m m e n t u n p a s s a g e au d e h o r s . J ' a v a i s d a n s t o u t
le s y s t è m e n e r v e u x d e s p i q û r e s a t r o c e m e n t d o u l o u r e u s e s , telles q u e
n i a u p a r a v a n t , ni d e p u i s , j e n'ai j a m a i s r i e n é p r o u v é d e pareil J ' e u s
ensuite l'impression d'une sorte d'explosion, quelque chose comme
une explosion soudaine de volcan.
« J e r e s s e n t i s alors u n s o u l a g e m e n t i m m é d i a t ; b i e n t ô t m ê m e
la d o u l e u r fit p l a c e à u n e s e n s a t i o n si m e r v e i l l e u s e m e n t a g r é a b l e q u e
j e v o u d r a i s e n c o r e l ' é p r o u v e r , si j e le p o u v a i s s a n s d a n g e r d e m o r t .
L'ne l u m i è r e o p a l i n e et l a i t e u s e caressaiL m e s r e g a r d s ; u n g o û t de s u c r e
et de m i e l , d ' u n e d o u c e u r i n c o n n u e , p a r f u m a i t m a b o u c h e ; j e croyais
m'envoler dans l'espace, laissant l'univers derrière moi : j ' e n t e n d a i s
des m i l l i e r s de h a r p e s a c c o m p a g n e r le c o n c e r t d e m y r i a d e s d e v o i x . . .
« M o n i m p r e s s i o n , q u a n d o n m e d é t a c h a d e la p o t e n c e , fut aussi
d o u l o u r e u s e q u e l ' a v a i t é t é le p r e m i e r s t a d e d e m a p e n d a i s o n ; ce fut
l i t t é r a l e m e n t u n m a r t y r e . On e û t dit q u e c h a c u n d e m e s n e r f s é t a i t le
siège d ' u n e souffrance p a r t i c u l i è r e ; j e r e s s e n t a i s d a n s le nez et d a n s
les d o i g t s des d o u l e u r s i n o u ï e s . A p r è s u n e d e m i - h e u r e , ces t o r t u r e s
s ' a p a i s è r e n t : m a i s , p o u r t o u s les t r é s o r s de l ' I n d e , j e n e v o u d r a i s p a s
r e c o m m e n c e r cette résurrection. »
OUVRAGES REÇUS
TABLE D E S MATIÈRES
I. — Mémoires originaux.
D ' M a n u e l DE BRIOLDE. — B l e s s u r e s p a r c o u p s d e c o r n e s 837
D ' A . COIUÎE. — P l a t o n c r i m i n a l i s t e 19
r
P C h . DEBIERRE. — L e s d e u x d é c a p i t é s d e D u n k e r q u e (1900) 1
r
D DL'FRÉ. — L ' A f f a i r e LÎIlmo , 04a
v
D ' S é v e r i n ICARD. — N o u v e l l e m é t h o d e de notation et de classification
des fiches d'identité judiciaire. 128
A . LACASSAGXE. — P e i n e d e m o r t e t c r i m i n a l i t é . . . 57
D r M . - A . LEGRAND. — L a p e i n e de mort et les châtiments corporels
appliqués a u x criminels; l'opinion des intéressés 689
E d . PACHOT. — L e r é g i m e a c t u e l d e s m œ u r s e n F r a n c e ; s a r é f o r m e . . 69-
r
D C h . PERRIEH. — L a t a i l l e c h e z l e s c r i m i n e l s ai
R
D RAVE. — Etude d'unclassement plus rationnel des fantassins sur les
r a n g s d'après la l o n g u e u r d e s p i e d s e t n o n d'après la l o n g u e u r d e la
taille. 177
P ' R - A . REISS. — F a u s s e o u n o n - r e c o n n a i s s a n c e p a r l e s t é m o i n s d'indi-
vidus morts ou vivants . 473
S c i p i o SIGHELE. — E u g è n e S u e e t l a p s y c h o l o g i e c r i m i n e l l e io5
r
D E u g . STOCKIS.— Q u e l q u e s c a s d ' i d e n t i f i c a t i o n d ' e m p r e i n t e s d i g i t a l e s . 207
r
D A r r i g o TAMASSIA. — L e s v e i n e s dorsales de la main comme moyen
d'identification 833'
DOCUMENTS OFFICIELS. — S u r l'application de la dactyloscopie pour les
engagements dans la Légion étrangère 267
I I . — N o t e s et o b s e r v a t i o n s m é d i c o - l é g a l e s .
D ' G . - G . DE CLÉRAMBAULT. — P a s s i o n e r o t i q u e d e s é t o f f e s c h e z l a f e m m e . 43g
D " G . CORIX e t E . STOCKIS — N o u v e l l e m é t h o d e d e r e c h e r c h e d e s t a c h e s
spermatiques sur le linge 802
r r :
D J . JAEGER ( t r a d u c t i o n d u D C h . LADAME). — L a f a m i l l e Z é r o . . .'\ 201-27
D ' J . JUI.LIEN. — E s s a i d e c o n s t r u c t i o n d ' u n c o n f o r m a t e u r m a n u e l . . 26'!
A . DU L A C . — L ' A f f a i r e W a d i n g t o n - B a l m a c é d a '. . 19
A. MARIE e t VIOLI.EÏ. — A n t i s é m i t i s m e e t f o l i e 488
1
D ' C . MOREAU. — C o n t r i b u t i o n à l ' é t u d e d e s p l a i e s du cœur 845
1
D ' PAILHAS. — R i d e s occipitales; observations sur quelques suites
héréditaires des déformations artificielles d u crâne dans l'Albigeois. 722
r
D ROMARY. — L a v i s i b i l i t é à l a l u e u r d e s c o u p s d e f e u t i r é s l a n u i t . . 62-
r
D SOVZA-VAI.LADORKS. — N o t e s u r l ' o r g a n i s a t i o n d u s e r v i c e d'identifica-
tion au Portugal
T . . . — U n c u r i e u x c a s h i s t o r i q u e d e b e s t i a l i t é c o l l e c t i v e (1062). . . . G22
r
D L . TOMELLINI. — P h o t o g r a p h i e métrique système Bertillon; nouvel
appareil d e la Sûreté générale, m o d e d'emploi e t considérations s u r
l e s a p p l i c a t i o n s à l a m é d e c i n e l é g a l e et à l ' a n t h r o p o l o g i e 149
TABLE DES MATIÈRES 903
I I I . — R e v u e critique.
r
D A . ALETRI.NO. — U r a n i s m e e t d é g é n é r e s c e n c e 633
A . GEORGES. — E s s a i s u r l e s y s t è m e p s y c h o l o g i q u e d ' A u g u s t e Comte. . 749
1
D ' LAUPTS. —• D é g é n é r e s c e n c e o u p l é t h o r e ? ?3i
Le m o u v e m e n t p s y c h o l o g i q u e , p a r l e p r o f e s s e u r A . BERTRANB. —
A . CIIIDE : L ' i d é e d e r y t h m e , l e m o b i l i s m e m o d e r n e , 5i2. — J . GKASSET :
I n t r o d u c t i o n p h y s i o l o g i q u e à l ' é t u d e d e l a p h i l o s o p h i e , 80. — A l f r e d
MARSHALL : P r i n c i p e s d'économie politique, 70. — J . - P . NAYRAC :
P s y c h o l o g i e et p h y s i o l o g i e d e l'attention, 5i5 ; — l a F o n t a i n e , s e s facul-
tés psychiques, sa philosophie, s a m e n t a l i t é , s o n c a r a c t è r e , 517. —
D>- WAYNBAUM : L a p h y s i o n o m i e h u m a i n e e t s o n r ô l e s o c i a l , 78. —
D'une collection lyonnaise médico-psychologique, 220.
IV. — Bibliographie.
ANTIIEAUME e t DHOMARD, P o é s i e e t f o l i e , 672. — R . BEXON, U n c a s d e d é l i r e
R
d ' i n t e r p r é t a t i o n , 386. — D CABANES, L e s i n d i s c r é t i o n s d e l ' h i s t o i r e ,
R
5« s é r i e , 522. — D A . CORRE, A p r o p o s d e l a p e i n e d e m o r t e t d u
l i v r e d u p r o f e s s e u r A . LACASSAGNE, Peine de mort et criminalité, 200.
— L u c i e n - A l p h o n s e DAUDET, Le chemin mort, 873. — G . DROMART
e t J . LEVASSORT, L ' a m n é s i e a u p o i n t d e v u e s é m é i o l o g i q u e e t m é d i c o -
l é g a l , 81. — D ' H . DUFOI'R, S é m é i o l o g i e d e s maladies du système
r
n e r v e u x , n e u r o l o g i e , p s y c h i a t r i e , 82, — D . J . DE LA FONCAZEATX, D e
la p r é t e n d u e d é g é n é r e s c e n c e d e s p e u p l e s r o m a n s e t p a r t i c u l i è r e m e n t
r
d e l a F r a n c e , a n a l y s e d ' u n a r t i c l e d u D NACKK, s u i v i d ' u n e n o t e d u
r
D ' L.vrrTS, 3io. — D Magnus IIiRSCHFEi.n, l e t r o i s i è m e sexe, les
R
homosexuels de Berlin, 5 i g . — D LALTTS, Travaux de M. Aug.
r
LEM.UTRE, d e G e n è v e , 6 6 8 . — D E d m o n d LOCARD, L ' i d e n l i f i c a t i o n d e s
récidivistes, C70. — F r a n k LVDPTOX, T h e d i s e a s c s of Society, t h e
1
vice a n d the crime problem, 820. — D MINIME, L a m é d e c i n e anec-
dotique, historique, littéraire, recueil à l'usage d e s m é d e c i n s , chirur-
I giens et apothicaires érudits, curieux et chercheurs, 241. —
E.-H. PERRKAr, E l é m e n t s d e j u r i s p r u d e n c e 'médicale à l'usage d e s
904 T A B L E D E S MATIÈRES
m é d e c i n s , 674. — M a r c e l R É J A , L ' a r t c h e z l e s f o u s , l e d e s s i n , l a p r o s e ,
la p o é s i e , 82. — E. SIMON-AUTEROCHE, M a n u e l p r a t i q u e du droit
m é d i c a l , 674. — L . VIALETTON, U n problème d e l ' é v o l u t i o n , 876. —
r
D WANERMANN, E t u d e s u r l a c r i m i n a l i t é d e s juifs, 82З.
8З0, 896.
Nouvelles : 90, 174. 201, З25, З97, 470, 541, G8o. 826,896.