L'attribution de caractères et de rô les aux genres découle d'une multitude
d’interactions sociales et se développe dans des environnement variés. Parmi ces milieux où l'identité genrée se construit, la famille joue un rô le essentiel, en tant que cadre de la socialisation primaire. Ainsi les stéréotypes se construisent dès l'enfance, sous l'influence, souvent inconsciente, des parents, par différents canaux. Il suffit d'effectuer une analyse empirique des faits pour constater que les attentes, la répartition des rô les et les incitations de ceux-ci contribuent à différencier garçons et filles, ce que les auteurs s'appliquent à démonter à travers différents exemples.
Le caractère construit de ces identités, l'importance de la famille dans leur
élaboration ainsi que le profondes différences profondes en fonction de la communauté est souligné par une étude de M. Mead réalisée en 1963 dans les îles Samoa. Démentant le présupposé qui associe au sexe des tempéraments et penchants naturels et innés, cette étude illustre le rô le fondamental de l'éducation et du comportement des adultes que cô toient les enfant, en particulier du père et de la mère. Mead confronte trois modèles très différents. Au sein de la tribu des Arapesh, hommes comme femmes font preuve d'une grande douceur, et d'une grande attention envers les enfants, des traits associés en Occident aux femmes. L'éducation des générations futures est au cœur des préoccupation de cette commuanauté, et les plus jeunes font preuve d'un soin constant de la part des hommes comme des femmes. Ils acquièrent ainsi des attitudes similaires. Au contraire, la tribu des Mundumugor est caractérisée par un caractère agressif et distant de tout ses membres, masculins et féminins. L'éducation repose essentiellement sur l'autorité. Mais, comme pour les Arapesh, filles et garçons sont traités de la même manière, et ont au final des traits de caractère et des attitudes très similaires. Enfin, d'autres tribus comme les Samoa respectent un principe de différenciation selon le genre. Dès l'â ge de 6/7 ans, les petites filles doivent s'occuper de leurs cadets. Leur éducation est négligée et peu de savoir pratiques leur sont transmis (techniques de pêche, artisanat). On leur apprend ainsi à tenir un rô le de mère dépendant de son mari. Au contraire, l'éducation des garçons est l'objet d'un soin plus important, et les adultes veille à les former, et on les oblige à respecter la séparation des sexes. L'inégalité des genres découle donc de l'éducation donnée aux enfants.
Nos sociétés contemporaines ne contredisent pas ce schéma. Ainsi, dès la
naissance, les réactions spontanées face au bébé témoignent d'attentes différentes selon le sexe de l'enfant. Ainsi les petites filles sont « mignonnes », « jolies » et les garçons sont « robustes ». Même si garçons et filles, après la naissance, présentent un aspect totalement similaire. Au cours des premiers mois de la vie de l'enfant. Ainsi, le garçon est sevré du lait maternel plus tard car il doit acquérir des forces pour être fort tandis que la fille doit apprendre à se sacrifier. Certains comportements sont, dès cette période, découragé ou encouragé. Ainsi, les parents s'opposent plus souvent pour les petites filles à l'habitude de sucer son pouce, de peur que son physique n'en soit endommagé, et la nudité est mieux tolérée chez les petits garçons car les filles doivent apprendre la pudeur. D'une manière générale, les filles doivent apprendre rapidement à devenir responsables, par exemple en les faisant participer trois fois plus au tâ ches ménagères et leur éducation est plus stricte que celle des garçons à qui les parents laissent une plus grande autonomie. Or cette autonomie favorise le développement cognitif de l'enfant, ce qui avantage les garçons, même si la discipline imposée aux filles les prépare au travail d'élève. Les parents, d'une manière essentiellement inconsciente, contribuent à établir des barrières et des stéréotypes entre les genres.
Les habitudes de consommation sont également en partie responsable de cette
élaboration de l'identité genrée. L'exemple des jouets le reflète parfaitement. Avant le début du XXe siècle, les jouets étaient similaires pour les filles et les garçons (cerceaux, osselets). Cependant, avec le développement de la société de consommation, les jouets sont devenus de plus en plus distincts. Par exemple, on apprend au petites filles à bercer leur poupée, alors qu'on offre plutô t des peluches animales aux garçons, sans leur apprendre à les bercer. De même, quand les parents proposent ou imposent des activités à leurs enfants, ils tiennent compte de leur genre. Ainsi, les activités sportives sont plus souvent proposées aux garçons notamment les sports d'équipe comme le football. Les activités artistiques, à l'exception de la musique qui demeure assez mixte, sont au contraire jugées plus appropriées pour les filles, ou alors les sports avec une composante esthétique (la danse, la natation synchronisée...). Les adultes, surtout lorsqu'ils ne connaissent pas bien l'enfant, choisissent souvent des jouets plus stéréotypés pour être sû r qu'il soit adapté. Très vite, les enfants intériorisent les normes que respectent leurs parents et contribuent à les légitimer en réclamant spontanément les jouets associés à leur genre. On pourrait appliquer ce raisonnement en matière de choix de vêtement et en particulier de couleurs. Plus qu'une simple différence, ce phénomène contribue à une véritable inégalité. Ainsi, les garçons sont souvent plus gâ tés, de part le coû t élevé des jeux vidéo qu'ils réclament souvent, et continue plus longtemps à recevoir des présents à caractère ludique, tandis que les fille vont rapidement recevoir des cadeaux « utiles » ou renforçant leur féminité (bijou, vêtement), contribuant à leur inculquer l'idée que leur apparence est fondamentale. Les jouets « de garçons » impliquent plus souvent une activité de manipulation, de construction ou de réflexion stimulante que les jouets « de filles ». Néanmoins, l'utilisation par une fille de jouets de garçons est plus souvent tolérée que celle de jouets de filles par un garçon, souvent associée à des dérives homosexuelles et donc sanctionnée ou du moins dissuadée par les parents. Enfin, les filles sont plus habituée à utiliser les outils d'accès à la culture (bibliothèques, spectacles).
Le rô le des parents, directement, par leurs incitations, ou indirectement, par le
processus d'identification dont ils sont l'objet est fondamental. Les petites filles, d'abord par jeu, puis par intériorisation des rô les, imitent généralement les comportements de leur mère, qu'il s'agisse des attitudes coutumières (passer la serpillère, cuisiner) ou de tout ce qui a trait à la féminité. Elles veulent « se faire belle comme maman », alors que les garçons vont être plus attiré par le bricolage, les travaux d'extérieur et vont vouloir être « fort comme papa ». En ce qui concerne les loisirs, la polarisation sexuée des échanges, c'est-à -dire la propension supérieure à discuter de voire de pratiquer un loisir avec un parent de même sexe, contribue à la construction des identités genrées. Ainsi un père va plutô t discuter de sport, de jeux vidéos ou d'informatique avec son fils, tandis que la mère parlera souvent plus volontiers de danse ou de lecture avec sa fille. Plus tard dans la vie, lors de la recherche de « petits boulots », les filles vont plutô t chercher des emplois dans le domaine des relations humaines ou du soin à l'enfant (baby-sitting, cours particulier, animation, hô tesses) ou de commerce tandis que les garçons vont plus fréquemment chercher des emplois dans des domaines comme les activités à l'extérieur (jardinage...), s'inspirant de la répartition des rô le au sein de la cellule familiale traditionnelle. Le milieu social et l'origine sont des facteurs qui comptent dans ces différences. Ainsi les milieux populaires et les famille d'origine turque ou maghrébine observent plus strictement les principes de différenciation.
Des récentes évolutions semblent indiquer qu'on va vers une revalorisation du
rô le du père au sein de la famille et une répartition plus égales des fonctions au sein du couple. Il est devenu de bon ton de souligner l'importance de la participation du père à l'éducation des enfants. On parle beaucoup des congés paternels et des mesures favorisant cette participation accrue du père. Il ne s'agit cependant que d'une révolution apparente. Il est vrai que le mentalités ont changé, que plus d'hommes acceptent le principe d'égalité au sein du couple, et que l'épanouissement en tant que parent est devenu, dans les mentalités, essentiel au développement personnel, ce qui pousse de nombreux pères à revendiquer du temps pour les enfants. Mais il existent un écart entre ces aspirations et la pratique. Le père est plutô t vu comme une aide à la mère, dont la fonction primordiale demeure de rapporter un revenu à la maison. Il consacre certes plus de temps à jouer avec à et s'occuper des enfants mais ils ne s'impliquent pas pour autant dans les tâ ches ménagères autant que leur épouse ou compagne ou des tâ ches les plus « ingrates » du soin aux enfants. On affirme souvent que le choix d'arrêter de travailler est plus courant dans les classes supérieures, plus éduquées. Cette thèse peut être nuancée car les critères rationnels en terme de progression de carrière ou de perte de revenus sont également pris en compte et pèsent plus dans ces classes supérieures. Et même lorsqu'ils souhaitent vraiment s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants, les instances comme l'école continuent à voir dans la mère la principale interlocutrice dans le domaine du suivi scolaire ou administratif, comme si les pères n'étaient pas suffisamment compétents pour jouer ce rô le. Dans la même logique, la garde des enfants après le divorce est souvent obtenue par les mères, ce qui a conduit certains pères à militer pour plus d'égalité.
Une justification habituelle à cette situation est le supposé « instinct maternel »
naturel des femmes. Comment expliquer la persistance d'une telle idée ? Cette vision est profondément implantée dans les représentations sociales comme en témoigne le vocabulaire lié au soin de l'enfant, de l'anglais « to mother » aux « papa poules », qui lie féminin et maternité. Pourtant, les études, si elles insistent sur l'importance des stimulations affectives pour l'enfant, ne démontrent pas que ces stimulations doivent obligatoirement provenir de la mère. L'intimité de la relation mère-enfant au moment de la lactation est couramment avancée pour soutenir cette idée. Mais entre le XVIe et le XVIIIe, en dehors des milieux paysans, les enfants étaient presque toujours confiés à des nourrices, ce qui montre que les mères ne ressentent pas toujours la nécessité d'allaiter. Mais aujourd'hui, la majorité des femmes jugent essentiel d'être mère, et s'investissent psychologiquement pour assumer pleinement ce rô le, le moment venu. D'après Nancy Chodorow, il faut remonter à l'asymétrie dans la résolution du complexe d'Oedipe pour trouver les racines de cette tendance. Au début de sa vie, étant materné par sa mère, le bébé entretient un rapport très étroit avec sa mère. Au moment du complexe d'Oedipe, prenant conscience de l'interdit qui pèse sur l'attirance pour sa mère, le petit garçon doit refouler son affection pour elle, alors que la petite fille, attirée par son père avec qui elle entretient un rapport plus distant, peut donner libre cours à son affection pour sa mère. De là proviendrait l'idéal de dureté virile, de résistance aux émotions, opposé à la sensibilité féminine. Loin de légitimer cette situation, cette théorie montre cependant comment ce mécanisme s'auto-entretient.
Le dernier thème qu'aborde le texte est la réflexion sur l'existence d'une
approche morale féminine qui se distinguerait de la vision masculine de la morale. En effet, des études empiriques ont montré que les hommes étaient plus attaché au respect de règles peu importe la situation. Leurs choix s'effectuent en discutant de la hiérarchie de ces règles, et en décidant lesquelles doivent être suivies en priorité. À cette morale « masculine », on pourrait opposer une approche féminine consistant à assouplir les règles contextuellement afin de préserver les relations humaines. Cette place centrale accordée à l'empathie et la responsabilité a donné naissance à l'éthique du « care ». L'exemple du jugement de Salomon, dans la Bible, témoigne de cette opposition. A la règle abstraite de Salomon (couper l'enfant en deux) répond l'acceptation du sacrifice de leurs droits par les mères pour préserver l'enfant. Aujourd'hui, beaucoup de femmes (et aussi des hommes) militent pour que cette éthique soit plus prise en compte dans la sphère politique.
Parent enfant - s'élever ensemble - Pour réveiller subtilement ma parentalité et accompagner mon enfant efficacement vers son avenir (Développement Personnel): Ou trouver ma façon d'accompagner mon enfant